Deux millions de signatures… Pétition sur l’immigration : la bombe Villiers
« Cette pétition a déjà reçu plus de 6 millions de visites, les posts de Philippe de Villiers sur ce sujet totalisent plus de 4 millions de vues »
Au Rassemblement national, si le porte-parole et député RN Julien Odoul a bel et bien signé la pétition, tout comme le vice-président et édile de Perpignan, Louis Aliot, Marine Le Pen et Jordan Bardella se montrent prudents. « Je n’ai pas pour habitude de signer des pétitions ou de manifester », balaye la triple candidate à l’élection présidentielle, qui met en avant la capacité de son groupe à mener ce combat sur le front parlementaire. Un argument qui fait soupirer à droite. « Elle n’a pas hésité à lancer une pétition et à organiser une manifestation après son jugement », grince-t-on. Dans le parti d’Éric Zemmour, intime de Philippe de Villiers, on encourage les militants et sympathisants à signer. L’ancien candidat à l’élection présidentielle et l’eurodéputée Sarah Knafo l’ont fait et le font savoir. À droite, des personnalités comme Nicolas Dupont-Aignan et Florian Philippot ont également apposé leur signature. Ce lundi, Marion Maréchal s’est jointe au mouvement. François-Xavier Bellamy pourrait suivre. Toutes les chapelles de droite réunies par une même pétition. Une première, là aussi. Tous savent que la lutte contre l’immigration fédère plus que n’importe quel autre thème au sein de leurs électorats. Selon un sondage CSA du 19 septembre pour Europe 1, CNews et le Journal du dimanche , 72 % des Français se disent favorables à un référendum sur la politique migratoire.
Le doigt du sage et la Lune
Depuis dix ans, des sondages de cet acabit saturent l’actualité médiatique et nourrissent des débats toujours plus passionnés. À tel point que ce succès déchaîne le “camp du progrès”. Les articles fleurissent par dizaines. Les accusations de “chiffres tronqués” et d’“absence de vérification” se multiplient. Elles croisent d’autres arguments plus pernicieux, notamment l’impossibilité juridique de tenir un référendum sur la question migratoire. Le site doit aussi faire face à des cyberattaques d’ampleur. Les hostilités étaient prévisibles. « Ai-je une tête à trembler devant Libération ou Ouest-France ? », s’amuse Philippe de Villiers sur CNews, qui préfère dénoncer « ceux qui regardent le doigt du sage au lieu de regarder la Lune ». Comme une manière de dire : peu importe la forme, l’idée est lancée. « Maintenant, il faut que tous les gens sensibles à cette idée s’expriment et que les politiques s’en emparent », martèle Ludovic de Froissard. Visiblement, le message a été entendu. Paris, dans le très cossu VIe arrondissement, le 17 septembre. Dans l’annexe d’un bar opportunément nommé la Démocratie, plus d’une centaine de sympathisants de Reconquête ! discutent fermement. Certes, le premier tour de l’élection législative partielle dans cette circonscription est l’un des objets de préoccupation. Ils sont d’ailleurs venus applaudir le candidat zemmouriste Hilaire Bouyé. Mais tous évoquent l’initiative de Villiers. Après tout, Éric Zemmour n’était-il pas invité à Londres, le 13 septembre, pour soutenir la manifestation organisée par le militant anti-immigration britannique Tommy Robinson ?
« Je n’y ai pas vu l’extrême droite, confie Zemmour. C’était le peuple anglais de toujours, celui qui a suivi Churchill contre les élites qui voulaient pactiser avec Hitler. »Dans l’assemblée, la marée de drapeaux de l’Union Jack, eux aussi tricolores, a marqué les esprits. Au point de lancer des émules en France ? Beaucoup y pensent.
Dans le parti zemmouriste, les discussions vont bon train. Certains jugent l’entreprise périlleuse. « Depuis 1945, combien de fois la droite s’est-elle massivement mobilisée ? Deux fois ? Trois fois ? », interroge un communicant présent. C’est effectivement peu face à la force de mobilisation de la gauche. Paris n’est pas Londres. Quoi qu’il en soit, des professionnels de l’événementiel ont été contactés, jaugés, consultés. Dans tous les réseaux de droite, le sujet revient, prégnant : que faire de ces presque 2 millions de signatures ?
De son côté, Philippe de Villiers livre un ultime avertissement à Valeurs actuelles :
« Si les pétitionnaires ne sont pas entendus ou écoutés, si la question de l’immigration ne redevient pas centrale, si le président de la République ne s’exprime pas pour leur répondre de manière positive, je pense qu’ils seront tentés par la voie anglaise. » Comme si cette pétition n’était qu’un début. « Il faudra bien que je les suive car j’en suis l’initiateur »
, sourit le Vendéen.
Philippe de Villiers : “Il faudra, au sommet de l’État, quelqu’un prêt au sacrifice”
Philippe de Villiers. Hier, dénigré comme un paria, aujourd’hui célébré comme un visionnaire. Ainsi va la vie… J’ai connu les sommets et les abîmes ; les montagnes russes, en somme. Quand je vois les jeunes politiciens s’enivrer de leurs succès éphémères, grisés par l’euphorie, je me dis que, un jour, ils comprendront… Aujourd’hui, je ne suis impressionnable ni par les creux ni par les bosses. Je jette toutes mes forces à l’écran pour que la France ne meure pas !
Ma vie aura été une succession de ruptures fondatrices. À peine entré à l’Ena, je crée le Puy du Fou pendant ma scolarité. Le directeur, Pierre-Louis Blanc, me convoque par deux fois et me menace de renvoi : « Vous êtes un apprenti fonctionnaire, pas un saltimbanque. » La deuxième rupture survient le 10 mai 1981. Je regarde Jean-Pierre Elkabbach annoncer les résultats de l’élection, je vois le visage du nouveau président… François Mitterrand vient d’être élu. Sous-préfet de Vendôme, j’écris ma lettre de démission. Je quitte tout. À chaque rupture, on voit les têtes qui se tournent, qui se détournent: plus d’appels, plus de cartes de vœux, plus de contacts. On se retrouve seul, face à soi-même. Méditant la phrase de Pascal : « Le silence éternel des espaces infinis m’effraie. » Le retour à la vraie vie. Les épreuves m’ont débarrassé des vanités du monde.
En 1986, je me retrouve secrétaire d’État à la Culture. Le Premier ministre de cohabitation, Jacques Chirac, m’appelle : « Prends ta valise et viens à Paris. » J’arrive. On me présente à François Léotard, à Alain Madelin. Je me retrouve malgré moi le héraut de la Vendée, seul ministre issu de la droite culturelle en pleine Mitterrandie.
Vous faisiez partie de la bande des “rénovateurs”. Vous étiez à la mode…
Oui,
mais il s’agissait d’une illusion. Avec Michel Noir, Alain Carignon…
Nous étions jeunes? Cela ne suffit pas. C’était la génération des sunlights,
j’ai pris les jambes à mon cou… La grande rupture suivante fut ma
démission de la présidence du conseil général de Vendée. Je suis parti
du jour au lendemain. Mon bras droit (Bruno Retailleau, NDLR), qui travaillait à mes côtés depuis trente ans, avait des fourmis dans les jambes. Je l’avais connu comme jeune cavalier au Puy du Fou.
Soudain, me voyant dans un moment de déréliction jugé par lui
irréversible, le cavalier décide – c’est un classique – de changer de
cheval. Il me quitte pour passer du MPF à l’UMP. Comme le jockey saute
du canasson sur un pur-sang. Le canasson, c’était moi, le pur-sang,
c’était Fillon. Alors, je lui laisse la place. Je rejoins Nicolas, mon
fils, au Puy du Fou. Ensemble, nous faisons monter cette aventure sur le
podium mondial, avec les oscars à Los Angeles. En quelques encablures,
nous étions dans un trou, nous sommes sur le toit du monde.
En 1978, quand je suis arrivé sur la petite colline du Puy du Fou, j’étais porté par une intuition fondatrice: réhabiliter la Vendée. Alors, dix ans après, quand je suis devenu président du conseil général de la Vendée, en 1988, j’étais comme un surfeur fasciné par la mer de Corail, prêt à affronter les courants du large, quitte à être emporté. C’était l’automne. Dans deux mois, on allait célébrer le bicentenaire de la Révolution. J’avais deviné que ce bicentenaire serait un hymne à Robespierre, un hommage au bourreau. À la tête de la Vendée, je me voyais comme l’avocat de la victime. Je publie Lettre ouverte aux coupeurs de têtes et aux menteurs du bicentenaire et j’adresse à François Mitterrand un cahier de doléances pour exiger que le nom du général Turreau soit décroché de l’Arc de Triomphe. Pierre Juillet et Marie-France Garaud, qui habitaient non loin de chez moi, m’ont invité à dîner en tant que voisin. Pierre m’a dit: «C ‘est fini pour vous. Vous souffrez de deux handicaps : vous avez brisé la conformité théologique et vous n’avez pas la conformité anatomique. Pour réussir, il faut des épaules de serpent. Apprendre à se lover… Votre ligne est trop nette. »
Le combat contre Maastricht a fait de moi un lépreux de la vie politique. On me demande de porter une crécelle. Quand j’arrive dans les studios, je suis regardé comme un pestiféré. Souvenez-vous: tandis que je viens défendre mon livre les Mosquées de Roissy à 8 heures du matin sur Europe 1, Elkabbach me lance: «Monsieur de Villiers, une seule question pour commencer : êtes-vous sérieux ? » Voilà ce que j’ai vécu pendant quarante ans. Je pratiquais la devise de Richelieu: « Il faut gagner la rive comme les rameurs, en lui tournant le dos. »
Jusqu’au jour où Vincent Bolloré – un sourcier breton qui avait eu l’immense courage de suspendre les Guignols de l’info – vient me rendre visite en ami au Puy du Fou. Il vient voir le spectacle. Et il vient voir l’homme. « Je veux une émission de toi par mois », m’annonce-t-il. Finalement, ce sera une par semaine.
Avait-il déjà en tête le concept de votre émission?
Juste
l’idée : je serais seul pendant une heure. Il fallait éditorialiser
l’actualité. C’est au fil du temps qu’on a trouvé la formule. Avec des
journalistes brillants. Geoffroy Lejeune, que je connais depuis
longtemps. Et Eliot Deval, que j’ai découvert : nous nous sommes
rencontrés autour d’un café, au Vauban, derrière les Invalides.
Très vite, je découvre un garçon d’un immense talent, d’une finesse
rare. Nous sommes devenus amis. Il m’appelle souvent sans raison, juste
pour avoir des nouvelles. Je fais de même. Le trio s’est formé,
naturellement. Dans une réelle harmonie. C’est une aventure. Les scores
montent. On ne sait pas trop où on va…
Le public vous
connaissait écrivain à la plume coruscante et découvre votre oralité.
Une oralité littéraire, héritière de la chanson de geste, qui n’a rien à
voir avec l’art oratoire des discours politiques…
Pour la
première fois de ma vie, je peux aller au bout de mes phrases sans être
interrompu. J’en éprouve une forme de joie intime. Cela paraît fou, mais
les hommes politiques d’aujourd’hui ne savent plus faire de phrases.
Donc, cela ne les dérange pas d’être interrompus. Ils ne sont plus
francophones. Ils parlent en slogans: “oui”, “non”, “pas de souci”,
“validé”. De mon côté, j’essaye de développer des syllogismes et
d’enchaîner des analyses. On me laisse, dans cette émission,
l’opportunité de dérouler, d’improviser, de créer, de ponctuer, de faire
chanter le verbe. C’est pour moi un bain de jouvence.
Travaillez-vous à une forme de musicalité de la langue?
Non.
Je n’ai pas l’intention d’inventer une nouvelle langue, comme
Mélenchon. Mais il est vrai que la langue française est née avec la
chanson de geste. La France est un acte littéraire et un acte mélodique.
Il y a une musique des mots. Quand j’ai écrit le texte du Puy du Fou,
on me disait autour de moi:« Les gens ne vont rien comprendre. » Et je leur répondais: « Si, si, c’est la musique des mots. » La langue française est une romance qui vient embraser le romande nos vies.
Comment vous est venue l’idée du Conte de Noël, qui aura été un moment marquant de votre émission ?
Ne
vous y trompez pas: je ne crois pas être un conteur. Je suis un humble
récitant gourmet des grandeurs françaises. J’ai appris à admirer. Un
héritier qui sait que la France est un conte, une prosopopée, un long
poème où chacun a ajouté une strophe. Mes apologues cherchent à relier
l’actualité immédiate au récit fondateur, à remettre du sacré, du
mystère, de la hauteur dans une France qui les a perdus. Voilà la raison
pour laquelle, je crois, les gens m’écoutent de plus en plus nombreux.
Quand de Gaulle évoque, dans ses Mémoires, « la France, telle la princesse des contes », il
demeure fondamentalement un restaurateur. J’ai connu Malraux,
Peyrefitte, Deniau… Ces grands académiciens qui siégeaient à l’Assemblée
nationale savaient raconter, non parce qu’ils étaient des amuseurs,
mais parce qu’ils avaient vécu. Ils avaient un cœur de chair. Je récuse
les termes de conteur, de barde ou de trouvère. Je ne suis pas un
amuseur public. La situation me semble trop grave. Et ce que je dis
l’est tout autant.
Que vous enseigne l’histoire?
Qu’elle
est une chose trop sérieuse et trop exaltante pour être confiée à des
historiens. Aujourd’hui, la plupart d’entre eux sont devenus des
médecins légistes: ils font des analyses spectrales sur des cadavres.
L’histoire, la grande histoire, a été livrée aux sciences sociales,
jargonneuses et mortifères. Si je pratique l’apologue, c’est pour en
tirer des leçons. Par exemple, quand je parle de la chute de
Constantinople, je tente d’en montrer les fruits amers avec un effet
miroir pour notre temps : la charia imposée, la langue grecque effacée,
les enfants devenus janissaires. Et je pose la question : quelle est,
aujourd’hui, la prochaine Constantinople ?
Au fond, pourquoi, tout simplement, les gens vous regardent-ils?
Je
crois qu’il y a trois raisons. D’abord, les téléspectateurs se posent
une question simple : “Cet homme, que disait-il il y a vingt, trente,
quarante ans? ” Les gens cherchent de la cohérence. Ce que je dis
aujourd’hui sur l’Europe, sur l’islam, sur la sécurité, sur les valeurs,
est-ce que je le disais déjà hier ? C’est une des idées géniales
d’Eliot: confronter le Philippe de Villiers d’aujourd’hui à celui
d’hier, mettre en regard le lanceur d’alerte d’hier et d’aujourd’hui.
Que constatent les gens ? Que je tiens la même ligne depuis cinquante
ans. Donc, ils sont tentés de prêter l’oreille. Quand je disais, il y a
trente ans, « cette Europe ne sera pas l’Europe de la paix, elle ne sera pas l’Europe puissance », les gens constatent que c’était une vision juste.
Ensuite, se pose une autre question, plus fondamentale encore : “Cet homme qui nous parle, qu’a-t-il fait de sa vie ? Est-ce un politicien professionnel, un apparatchik? Ou bien quelqu’un qui a réalisé quelque chose en dehors de la politique ? Qui a créé des entreprises, des œuvres? Qui sait lire un compte d’exploitation, qui a créé de la richesse, des emplois ?” Les gens savent que j’ai été gouverneur territorial, que j’ai dirigé un département, la Vendée, devenu le plus sûr de France.
Ils savent que j’ai créé l’ICES, l’Institut catholique de Vendée, le Vendée Globe. Et puis, bien sûr, il y a le Puy du Fou. Une réussite mondiale, créée sans un soude subvention publique. On a même donné, il y a quelques mois, de mon vivant, mon nom à une promenade des Sables-d’Olonne. La France est le seul pays où on confie des responsabilités “publiques” à des gens qui n’ont pas réussi dans le “privé”.
La troisième raison, c’est une autre manière de parler de la France, d’en parler comme d’un acte d’amour. Et là encore, je pense que les gens sentent le gars qui met ses tripes sur la table. Chaque vendredi, je parle spontanément, comme je vous parle ici, depuis ma maison vendéenne. Et cela affleure à l’écran. Une chose me frappe, en revanche, à travers l’immense courrier que je reçois : les seuls qui ne me regardent pas sont les hommes politiques. Cela montre bien à quel point ils sont déconnectés.
Nous en connaissons pourtant, et de tous bords, qui vous regardent ! Comment se fabrique cette émission?
Laissez-moi
vous confier notre secret : je demande à Eliot et Geoffroy de me poser
des questions très précises sur l’actualité brûlante. Je refroidis
ensuite l’objet, en le remettant dans le temps long. Il faut prendre
l’événement, le décortiquer d’une phrase, puis replacer l’instant dans
le siècle et le siècle, dans la civilisation…
Détecter les lilliputiens et les géants, les mascarets et les
quarantièmes rugissants, en donnant à chaque analyse les deux dimensions
manquantes: la profondeur, l’altitude. Ce va-et-vient fournit au public
les clés de compréhension qu’il recherche.
Où en êtes-vous
avec votre ancien lieutenant, Bruno Retailleau? Il y a eu cette photo de
“réconciliation”, sur les quais du Vendée Globe, sans que cela soit
suivi de beaucoup d’effets. Par ailleurs, il vient d’attaquer avec
fracas le macronisme dans nos colonnes…
Après les retrouvailles sur les pontons, j’ai été interrogé par Eliot. Et j’ai répondu par une citation des Croix de bois, de Roland Dorgelès: «
Tout pareil aux étangs transparents dont l’eau limpide dort sur un lit
de bourbe, le cœur de l’homme filtre les souvenirs et ne garde que ceux
des beaux jours. » Bruno Retailleau n’a pas souhaité donner d’écho à
cette phrase amicale. Il ne souhaite pas qu’on lui rappelle notre passé
commun de trente ans.
Il a sans doute peur d’en être trop marqué. Le pouvoir l’a aspiré. Aujourd’hui, c’est Gulliver empêtré : empêtré avec Macron. Il est, il demeurera un ministre de Macron. On a vu, avec la promesse de « riposte graduée » sur l’Algérie, que les moulinets ne suffisent pas. Empêtré avec les brahmanes de l’ancien RPR, les Barnier, Copé, Larcher qui le rappellent à leurs anciennes convoitises, ils sont les auteurs de la décadence. Empêtré avec l’européisme et l’impuissance.
En fait, rien ne change, tout empire : les quartiers souverains, les émeutes urbaines, la marée montante de l’immigration invasive. Nos politiciens ne sont plus que des techniciens-communicants. Il n’y a plus de stratège. Ils regardent couler la France. Avec parfois des regrets touchants : “Dommage qu’on ne puisse rien faire.” Cette phrase, je l’entends depuis quarante ans.
Est-ce que Marine LePen a tort de ne pas se revendiquer de droite?
Non.
Parce que, désormais, le clivage n’est plus droite-gauche. La vraie
ligne de fracture se situe entre la souveraineté nationale et la
souveraineté européenne. Nous assistons à une double reféodalisation du
monde : la France est le vassal de l’Europe, qui est le vassal de
l’Amérique.
Nous sommes à deux ans d’une élection
présidentielle à laquelle Emmanuel Macron ne pourra pas se présenter.
Que laissera-t-il derrière lui?
Un champ de ruines fumantes. Il a
tout abîmé. Il a détruit la société en se rêvant alchimiste. Tantôt
faustien, tantôt prométhéen. Promettant à son peuple “vous serez comme
des dieux”, à l’image du serpent dans la Genèse. Car il croit à l’homme
désaffilié, à l’homme sans héritage. L’homme de sable. Il a détruit
l’État régalien, qui n’existe plus. Quand il appelle les Français au
“devoir de vigilance” , cela signifie : “L’ État ne peut plus
rien pour votre sécurité. Méfiez-vous, retournez-vous dans la rue.” Nous
ne bénéficions plus d’un État protecteur. C’est un État démissionnaire.
Macron
a détruit le corps préfectoral, colonne vertébrale du pays. Il a
détruit le corps diplomatique, dépositaire de notre tradition politique.
Enfin, il a abîmé la nation. Son concept fumeux de “souveraineté
européenne” revient à dire que les décisions ne doivent plus être prises
à Paris, mais dans une gouvernance mondiale, transmondialiste. Il se
situe dans la lignée de Jean Monnet. Provoquer des crises, s’y
engouffrer, instrumentaliser la peur pour asseoir le contrôle et la
surveillance. Voilà ce qu’est Emmanuel Macron : un contrôleur du chaos.
Combien de temps donnez-vous à la France ?
Dix
ans. Dans dix ans, c’est fini. Nous n’aurons plus aucune manette.
Bruxelles nous aura consommés. Ce que je crains, c’est que le peuple
historique français devienne minoritaire chez lui. Sans s’en apercevoir.
Et sans qu’on le lui dise. Le pronostic vital est engagé. Et il ne se
passe rien…
Sauf si… ?
Sauf si, justement, s’opère une
prise de conscience. C’est pour cela que j’écris mon prochain livre,
dont je vous révèle le titre: Populicide. Il sortira chez Fayard au début de l’automne.
De quoi s’agira-t-il ?
Mémoricide,
le précédent, évoquait la mémoire mutilée d’un peuple. Il y a pire: le
“populicide”, c’est-à-dire la disparition du peuple lui-même, corps et
âme. Voilà ce qui est en train de se produire. Je suis en pleine
écriture. Je dis tout. Tout ce que je n’ai pas osé dire… Ce sera
peut-être mon dernier livre. Mais le plus important.
Dans votre chronique dans le JDNews, vous avez affirmé que le prochain président devrait être «un martyr ». Pourquoi ?
Le
prochain chef de l’État sera un marin de gros temps. Il devra choisir
entre le cabotage et la haute mer. Le cabotage consiste à prolonger les
problèmes pour n’avoir pas à les résoudre. La haute mer, c’est mettre le
cap sur le relèvement du bâtiment, dont les œuvres vives sont passées
sous la ligne de flottaison. Il faudra au nouveau chef de l’État deux
qualités rares : d’abord, la lucidité, car les commandes ne répondent
plus. L’État a perdu le contrôle de ses frontières, de ses lois, de ses
finances: on nous annonce même une « crise de liquidités », nous
sommes dans la main de prêteurs étrangers. Mais il faudra aussi un
courage à toute épreuve pour escalader les murs d’eau, pour affronter
les trois féodalités – les trois États confédérés qui ont dérobé la potestas et l’auctoritas.
La première féodalité, c ‘est le super-État profond européen, l’empire de la norme, que l’ancien commissaire Barroso avait appelé « l ’empire non impérial ». Il faudra reprendre la potestas, abroger le pacte sur la migration et l’asile et renverser l’ordre juridique en instaurant la supériorité du droit national sur le droit européen. Tout cela porte un nom, c’est le “Bruxit”. Le président qui osera ainsi défier la nomenklatura bruxelloise sera mis au banc d’infamie par la Commission européenne. Il conviendra ensuite de retirer l’auctorita s aux cinq cours suprêmes et renverser la jurisprudence, aujourd’hui établie sur une double préférence: la préférence de l’étranger sur le national et la préférence pour le coupable sur la victime. Deuxième banc d’infamie. Enfin, il faudra contredire les élites mondialisées, qui rêvent du paradis diversitaire, pratiquent le nouvel esclavage des “métiers sous tension” et diffusent, chez les nouvelles générations, l’éclipse de la conscience nationale. Troisième banc d’infamie.
Ainsi se dessinent les contours du portrait-robot d’un président habité par une conception sacrificielle de sa fonction, loin de l’hédonisme consumériste des histrions. Car, au-dessus des obligations réparatrices, le grand défi sera d’imaginer une politique de “refrancisation”. En effet, le peuple résident de “l’Hexagone” est devenu un grouillement informe de deux sortes de voisins de hasard: il y a ceux qui sont là et qui ne savent plus d’où ils viennent. Et ceux qui viennent d’ailleurs et qui ne savent pas où ils arrivent. À ce peuple neuf – un composé d’ignorance et de transhumance -, au point de jonction d’un peuple dessouché et d’un peuple transplanté, il est urgent d’offrir la francisation des rêves, de l’art de vivre et de la langue.
Il faudra, au sommet de l’État, quelqu’un prêt au sacrifice. Quelqu’un qui se dévoue pour cette tâche au-dessus du commun, un chef qui acceptera de vivre dans la tourmente, un président d’oblation, un président-martyr, qui remettra la France au milieu du village global. Il faudra retrouver la conception sacrificielle de la politique. Il y a, pour l’heure, des vocations de président. Une bonne dizaine. Mais des vocations de président-martyr ? Aucune. Pour l’instant.
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