Affichage des articles dont le libellé est Hélène Carrère d'Encausse. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Hélène Carrère d'Encausse. Afficher tous les articles

mai 03, 2015

Osez la Liberté ! Du courage au doute, le mal français.......?

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



En peu d’années, nous sommes en train de passer de la génération du courage à la génération du doute.
  Elle a accompagné l’immense transformation des techniques, des moeurs et des rapports sociaux aussi bien qu’internationaux qui a caractérisé ces années de prospérité et de progrès. Par son aura, son énergie, son brio, cette génération du courage a conservé aux institutions académiques une place de premier plan, vitrine culturelle d’une France victorieuse et entreprenante, celle du Concorde, de la dissuasion nucléaire, du pont de Tancarville et du paquebot France. Elle a su prolonger ce prestige bien au-delà des trente glorieuses, quand mai 68 secouait le pays, quand la crise pétrolière venait déjà l’affaiblir, quand l’effondrement de l’URSS bouleversait les équilibres mondiaux. Sans cette génération du courage, le doute aurait pu s’installer beaucoup plus tôt. Elle l’a rejeté dans l’ombre. Mais aujourd’hui, l’éclat des armes qui cuirassaient les vainqueurs n’aveugle plus nos yeux et rien ne nous protège. Nous contemplons le monde nouveau avec des yeux décillés et nous sommes naturellement saisis par le doute quant à la place qu’y occupe désormais la France.

Ce que nous voyons, c’est la crise profonde que traversent aujourd’hui notre pays et sa culture. Pour être exact, il faudrait d’ailleurs dire les crises. Car elles sont, à mes yeux, de trois ordres. Crise de la France en elle-même. Crise des rapports entre la France et les autres pays occidentaux et enfin, crise de l’occident lui-même, auquel nous appartenons, face au reste du monde
 
Crise de la France en elle-même. Notre confrère Pierre Nora a bien analysé la transformation radicale de notre pays au cours de ces dernières décennies. D’une nation étatique, écrit-il, guerrière, majoritairement paysanne, chrétienne, impérialiste et messianique nous sommes passés à une France atteinte dans toutes ces dimensions et qui se cherche souvent dans la douleur. L’affaiblissement extrêmement rapide de ce qu’il appelle l’identité nationale-républicaine s’accompagne d’un affranchissement général de toutes les minorités –sociales, sexuelles, religieuses, régionales…–. Or, pendant ces mêmes années, la composition de la population a elle-même beaucoup évolué, enrichissant notre pays d’autant de groupes capables de se revendiquer comme minorités. La croissance économique a attiré vers la France de nombreux ressortissants de son ancien empire qui véhiculent le souvenir tenace et souvent douloureux de la période coloniale.

D’autres migrants, avec la mondialisation des échanges, proviennent d’aires géographiques et culturelles encore plus éloignées, Chine, Sri Lanka, Amérique latine. Ils n’ont guère d’histoire commune avec la France et transportent avec eux leurs cicatrices, leurs ambitions, en un mot leur mémoire. Cette diversité nouvelle, ces fractures mémorielles constituent autant de défis culturels à relever pour la France contemporaine. Dans le domaine linguistique, par exemple, l’Académie française, gardienne de la langue et, par conséquent chargée tout à la fois de la préserver et de la faire évoluer, en est bien consciente. Chaque groupe aujourd’hui cultive ses codes linguistiques, la question des langues régionales ressurgit, l’expression littéraire elle-même fait éclater les repères classiques, sous l’influence d’auteurs venus d’aires francophones diverses, voire d’autres univers linguistiques.

Le domaine de l’Histoire voit également surgir de nouvelles difficultés. Dans un pays qui a depuis longtemps pour référence une histoire extrêmement homogène et normative, l’irruption des mémoires minoritaires – certains diront communautaires– tend « à frapper toute histoire de la nation des stigmates du nationalisme ».

Comment, dès lors, concevoir l’Histoire, la philosophie et même la littérature françaises ? Paul Thibault a écrit il y a quelques années un livre intitulé Que doit-on enseigner ?. Ce titre résume presque à lui seul les multiples questionnements de la génération du doute. Crise des rapports entre la France et les autres pays occidentaux. Pour en mesurer la profondeur, il faut rappeler d’où nous partons. La France a exercé pendant plusieurs siècles un magistère culturel quasi-universel. De Voltaire à Camus, de Victor Hugo à Mauriac, les grandes figures culturelles françaises étaient également de grandes figures occidentales et même mondiales.

Ce n’est pas que d’autres pays, l’Allemagne, l’Angleterre, la Hollande, n’aient pas eu de grands penseurs.
  Mais aucun d’eux n’a pu rivaliser avec la France dans la catégorie dont nous sommes sans doute les créateurs, en tout cas les maîtres : celle des « intellectuels ». Nous sommes les irremplaçables producteurs de ces esprits brillants, incarnation du bon goût, fût-ce pour prêcher la révolution, plus familiers de la conversation que de la dissertation, préférant la clarté à la vérité, maniant l’humour plus aux dépens des autres que d’eux-mêmes, mais surtout sachant admirablement incarner l’esprit de leur temps. Ce qui nous apparaît en général comme l’âge d’or de notre histoire culturelle, c’est cette époque où comme l’écrit Marc Fumaroli l’Europe parlait français, c'est-à-dire où le règne de la France sur les esprits européens allait de pair avec l’usage généralisé de sa langue parmi les élites.

Cette double prééminence a été progressivement remise en cause, et de façon accélérée pendant la deuxième moitié du XXe siècle. Point n’est besoin de revenir sur la considérable poussée de la langue anglaise, en particulier dans les registres scientifiques, diplomatiques, économiques. Mais dans le domaine culturel, je veux dire dans le domaine des oeuvres, la montée en puissance du monde anglo-saxon est aussi évidente.


Ceci vaut pour la culture de masse, en particulier le cinéma, adossé à de considérables puissances financières. Mais cela concerne aussi le domaine intellectuel. Nombreux sont désormais les pays, à commencer par les États-Unis, qui disposent d’économistes, de philosophes, de sociologues, et, bien sûr d’écrivains dont l’audience est mondiale. La France produit toujours de brillants intellectuels et quelques uns peuvent se prévaloir d’une audience internationale. Cependant, leurs décrets ne font plus trembler la planète et l’écho de leurs querelles ne retentit plus aux quatre coins du monde habité. Ils se sont par ailleurs pour la plupart ralliés aux conceptions libérales et démocratiques, ce qui leur ôte ce parfum de révolte et d’utopie qui était un de leurs plus puissants attraits. Par ailleurs, la France engendre toujours quantité de spécialistes exceptionnels, à la renommée internationale. Nos académies s’honorent d’en compter plusieurs et nous déplorons, la disparition récente d’un des plus emblématiques d’entre eux, Claude Lévi-Strauss. Reste que ces individualités sont, elles aussi, attirées par le « centre » américain, où elles sont souvent amenées à séjourner, à enseigner, voire à émigrer.

Crise de l’Occident face au reste du monde, enfin. C’est la moins facile à percevoir mais la plus inquiétante, peut-être. A l’époque où notre Académie a été fondée, l’univers se réduisait au pourtour de la Méditerranée.

Le Mayflower avait emmené les pères fondateurs en Amérique depuis à peine quinze ans. L’élargissement progressif du monde n’allait en rien remettre en cause la prééminence européenne. Au contraire, la colonisation constituait une sorte de dilatation de notre continent et en particulier de la France, à l’échelle du globe entier. Aujourd’hui, le mouvement s’inverse. L’Europe a payé cher les guerres qui se sont déroulées sur son sol. Elle s’est retirée de ses colonies. Ce que l’on a appelé le Tiers-monde, à compter de la conférence de Bandoeng en 1955, a connu un essor considérable. Essor démographique d’abord qui réduit très fortement le poids relatif de l’Europe. Essor économique, qui concerne aujourd’hui non plus seulement quelques petits dragons asiatiques mais d’immenses ensembles comme le Brésil, l’Inde ou la Chine. Essor culturel surtout, qui n’est pas réductible au précédent. Un continent comme l’Afrique, dont la situation économique est contrastée, à certains endroits prometteuse mais dans beaucoup d’autres catastrophique, n’en a pas moins produit une culture extrêmement féconde dans tous les domaines, musical, pictural, et littéraire.

Devant ce paysage nouveau, on peut comprendre que l’on soit saisi par le doute. Doute quant à la place de notre pays, de notre culture, de notre langue dans un monde aussi radicalement bouleversé.

A priori, le doute est une faiblesse. Tel est, du moins, le sens commun. Celui qui « ne doute de rien » semble avoir un avantage sur l’indécis. Et, en effet, notre doute serait une grande faiblesse s’il nous conduisait au pessimisme et au renoncement. En cheminant dans les couloirs de cette maison, en passant devant les bustes de pierre ou de bronze de nos illustres prédécesseurs, nous sommes accoutumés à ce sentiment d’humilité qui nous fait nous sentir bien petits. À titre individuel, c’est plutôt un signe de bonne santé. Mais si nous l’appliquons à toute la nation et à toute l’époque ; si nous pensons que la France d’aujourd‘hui ne vaut pas celle d’hier ; si nous sommes gagnés par l’idée que la France, quand elle n’est plus tout, n’est plus rien, alors, oui, le doute est une grande faiblesse. Ce serait ignorer et trahir l’extraordinaire créativité française actuelle, dans tous les domaines, littéraires, théâtral, cinématographique, architectural. Ce serait méconnaître la capacité d’attraction que continue d’exercer notre langue dans le monde. Lorsque l’on évalue la francophonie au nombre de locuteurs du français, on passe à côté de ce qui en fait la spécificité et la force : la dispersion planétaire de ceux qui parlent notre langue. La francophonie n’est pas la caractéristique linguistique d’un bloc de peuples regroupés sur une même aire géographique : c’est un trait d’union entre des régions différentes du globe. Dans une période où le monde redevient multipolaire, l’hégémonie de l’anglais n’est plus une fatalité. Dans de nombreux pays, le français est même vu comme une alternative culturelle et politique. C’est notamment le cas dans les grands pays émergents, puissances d’aujourd’hui mais surtout de demain que sont le Brésil et la Chine. Comme nous le rappelait notre Secrétaire perpétuel, madame Carrère d’Encausse, à la suite de son voyage à Shanghai, le pavillon français de l’Exposition Universelle est le deuxième plus visité après celui de la Chine. Il est donc une autre forme du doute, plus créatif, et même plus combatif.


Un doute qui nous fera chercher les moyens de relever les défis de ce temps et de donner à la France sa place, toute sa place dans un monde globalisé. Un doute qui doit nous faire poser des questions pour l’action. C’est ce doute qui inspire les interrogations qui traversent aujourd’hui nos institutions et, en particulier, l’Académie française qui me délègue devant vous ? Tout nouveau venu dans cette Compagnie a tendance à mettre l’accent sur les nécessaires évolutions et nos aînés ont la grande sagesse de nous rappeler les vertus de la tradition. Dans une France en quête de repères, la continuité historique de l’Académie est une grande force. Nous ne devons pas oublier que cette institution a été créée au moment où la France traversait une période de guerre civile autrement plus critique que la nôtre et qu’elle a peut-être contribué à jeter les bases de la renaissance politique et culturelle qui a suivi les temps sanglants de la Fronde. Dans une époque où tant de choses sont éphémères, la tradition que nous représentons matérialise la permanence de la nation à travers la continuité des siècles. Elle est certainement l’une de nos fonctions essentielles.

Pour autant, l’Académie a su évoluer. Ainsi, au tournant des années soixante, a eu lieu l’élection du premier étranger de naissance, en la personne de mon prédécesseur Henri Troyat. Il fut rapidement suivi de beaucoup d’autres, qui représentent presque tous les continents, comme Léopold Sédar Senghor, Julien Greene, Hector Bianciotti ou François Cheng. 

Comment prolonger cette ouverture et faire en sorte qu’elle nous permette de refléter la diversité de la France d’aujourd’hui ? 

Bien d’autres évolutions peuvent être envisagées, qui posent autant de questions délicates et nous donnent l’occasion d’exprimer nos doutes et nos interrogations. 

Quelle place, par exemple, devons-nous réserver à la littérature par rapport à d’autres formes de création en rapport avec l’écrit ? 

En particulier, comment mieux représenter le domaine audio-visuel et notamment, bien sûr, le cinéma. Comment nous adapter au champ nouveau que constitue le monde virtuel, la planète internet ?

Comment défendre la francophonie sans marginaliser la culture française dans les grands circuits de production culturels dominés par le monde anglo-saxon ?

Le doute est à l’origine de toutes ces interrogations. Ce doute-là, constructif, n’est pas une faiblesse mais, au contraire, une force.
  Nous devons en être conscients et le revendiquer car le doute est peut-être la caractéristique la plus profonde de la culture française. A l’époque où fleurissent partout les intégrismes, où tant de gens sont prêts à occire leur prochain au nom de convictions qu’ils considèrent comme indiscutables, le doute est un instrument précieux. La dérision, l’humour, la tolérance, le respect des différences sont les fruits de cet arbre du doute que la France cultive depuis Montaigne et qui fait d’elle le pays de la liberté. À ce propos, je ne crois pas inutile de rappeler, pour conclure, que la naissance du doute chez Montaigne fut d’abord la conséquence d’une défaite.

Nous sommes en 1555. La France envoie une flotte pour conquérir le Brésil. Les Français ont la ferme intention d’apporter la civilisation aux cannibales qui peuplent la baie de Rio. Mais finalement, sur la petite île où ils accostent, au pied du pain de sucre, les colons vont s’étriper, au nom d’obscures querelles théologiques. En somme, ce sont eux qui vont se conduire comme des sauvages. L’expédition tournera court et préfigurera les guerres de religion. Cependant, il se trouve que l’un des protagonistes de cette expédition ridicule, en rentrant en France, va devenir le secrétaire de Montaigne. Il lui raconte son aventure et fait naître en lui le doute. Et si nous étions plus barbares que les Cannibales ? écrit en substance Montaigne dans le chapitre fameux du deuxième livre des Essais intitulé précisément « Des Cannibales ». Ainsi, créée-t-il la figure du « Bon Sauvage ». La fortune philosophique de ce concept sera immense tout au long du XVIIIe siècle. Les idées de tolérance, de respect des cultures, en un mot d’humanité qui en procédent sont parmi nos plus précieux apports à l’histoire. Ainsi, de la déroute des Français du Brésil sont nées, par le détour de Montaigne, les idées libératrices dont ils seront les propagateurs dans le monde entier. Cet exemple doit nous rappeler que le doute est une plante qui pousse souvent sur les décombres de la puissance. Elle fend le marbre froid des grandes théories et des pouvoirs sans contrepoids. La voir fleurir en ce moment doit plutôt, à rebours des fausses évidences, nous rendre confiants dans notre avenir.

Le doute : faiblesse ou force de la culture française ?
Source journal ou site Internet : Institut de France via mon blog Humanitas
Date : 28 octobre 2010
Auteur : Jean-Christophe Ruffin, de l’académie française




mai 01, 2015

Recasés comme privilégiés de la République

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Sommaire:

A) "Les recasés de la République" : ces politiciens devenus "inspecteurs généraux" et qui se cachent dans des placards dorés - Roger Lenglet et Jean-Luc Touly - Atlantico

B) BMW, duplex, salaires de PDG : les folies dépensières des académies - Par et   - Le Point

C) Sciences Po : Agnès Chauveau, remerciée pour plagiat, nommée à l’INA - Par valeurs actuelles.com

D) Enquête sur ces hauts fonctionnaires trop gâtés "Une nouvelle noblesse d'Etat"- Yvan Stefanovitch - L'internaute




 A) "Les recasés de la République" : ces politiciens devenus "inspecteurs généraux" et qui se cachent dans des placards dorés

Leurs "placards" dorés font rêver ! 
Nichés au sein des institutions, des fondations, ou à des postes enviables du secteur privé, ils jouissent de revenus très confortables et échappent souvent à tout contrôle. Le réseau des recasés de la République, qui abrite de nombreuses célébrités et une armée d'inconnus qui valent le détour, est un continent obscur, avec ses règles, ses lois et ses jeux d'influence feutrés. Extrait de "Les recasés de la République", de Roger Lenglet et Jean-Luc Touly, publié aux éditions First (1/2). 
Pour ces deux nominations au Budget qui ont attiré l’attention, beaucoup d’autres restent discrètes bien qu’elles soient aussi étonnantes. Et l’on peut faire la même constatation chez les contrôleurs et inspecteurs généraux des autres corps, de l’Agriculture à l’Éducation nationale, où nombre de recasés se font surtout remarquer par leur absence et leurs activités réelles très éloignées de la fonction qui leur vaut une rente confortable. Voire par leur ignorance.

La Cour des comptes a déjà signalé ce phénomène.
Par exemple, dans un référé à l’intention du Premier ministre François Fillon, à l’automne 2010, signé par le premier président de la Cour des comptes. Ce document confirme que la réalité dépasse la fiction dans ce domaine. Le magistrat de la rue de Cambon y relate « l’inaptitude à exercer » d’une grande partie des inspecteurs recasés par les ministres. Il cite même la note d’un doyen qui signale « l’impossibilité d’adaptation de cinq des douze inspecteurs généraux de l’Éducation nationale nommés au tour extérieur entre septembre 2002 et août 2008 », précisant que « ces inspecteurs font preuve d’insuffisances professionnelles telles qu’ils ne sont pas en mesure d’acquérir les compétences nécessaires au bon accomplissement des tâches techniques confiées aux inspecteurs généraux de l’Éducation nationale ». Le référé rappelle à François Fillon qu’il faut s’assurer que les personnes nommées par les ministres « soient en mesure de travailler de manière effective ». Selon le journaliste Augustin Scalbert, qui a fait état de ce courrier dès son envoi au Premier ministre, ce dernier n’a pas répondu.

Toutefois, certains inspecteurs généraux de l’Éducation nationale ont pris soin de demander à bénéficier de leurs droits à la retraite dans les semaines qui ont entouré le passage de la Cour des comptes. C’est le cas notamment de Jean Germain et Léon Bertrand nommés au tour extérieur, comme nous allons le voir. L’enquête des magistrats note à leur propos : « De l’ensemble des éléments recueillis lors de l’instruction, il ressort qu’il n’a été possible de retrouver que des traces matérielles minimes attestant de leur activité effective. » Soit, pour le premier, nommé par François Mitterrand en 1993, « dix courtes notes manuscrites » et un rapport en dix-huit années d’exercice pour lesquelles il a perçu une rémunération d’environ un million d’euros et engrangé de précieux points de retraite.


Maire (PS) de Tours jusqu’en 2014, Jean Germain a été réélu trois fois depuis 1995 sans jamais demander sa mise en position de détachement de l’Inspection générale, ni même des décharges horaires. Il a fait valoir ses droits à la retraite de l’Inspection dans le mois précédant l’envoi du référé de la Cour des comptes, tout en conservant ses mandats de maire et de président de la communauté d’agglomérations de Tours, auquel il a ajouté en 2011 celui de sénateur d’Indre-et-Loire, cumulant une douzaine de mandats et de fonctions.

Pour le second recasé, Léon Bertrand, ancien député UMP de Guyane et ex-ministre du Tourisme de Jacques Chirac, nommé inspecteur général par Nicolas Sarkozy en 2008, le référé de la Cour des comptes ne relève qu’« une dizaine de réunions » pour toute trace de son activité d’Inspecteur général. On le comprend mieux quand on sait que Léon Bertrand est également maire de Saint-Laurent-du- Maroni depuis 1983, une ville située à 7 000 kilomètres de Paris. Il a négligé, lui aussi, de demander une mise en disponibilité de son poste d’inspecteur général de l’Éducation nationale ou, au moins, un temps partiel. Peut-être justement par manque de temps ?
Certains parlementaires français, sénateurs et députés, s'enrichissent personnellement grâce à leur IRFM (indemnité représentative de frais de mandat) en achetant leur permanence pour leur propre compte avec de l'argent public destiné à d'autres usages. Hervé Lebreton (association "Pour une démocratie directe") dénonce cette pratique digne d'une république bananière et ces élus qui s'en mettent plein les fouilles aux frais du contribuable.
Il aurait tout de même demandé, à l’instar de Jean Germain en 2010, à faire valoir son droit à la retraite au taux prévu par l’Inspection générale. Le passage de la Cour des comptes n’a sans doute pas été complètement inutile. Mais on ne peut qu’être déconcerté devant l’aplomb des deux bénéficiaires qui n’ont pas hésité à faire comme s’ils avaient réellement exercé leur fonction, malgré les constatations officielles. Il faut aussi songer que, parallèlement à sa nomination, il était aussi conseiller régional depuis 2004, tout en tenant à assurer les multiples fonctions liées à ses mandats, comme celle par exemple de président de la communauté de communes de l’Ouest guyanais (CCOG). L’élu n’aime pas affronter les questions qu’on a envie de lui poser depuis sa mise en cause par le référé de la Cour des comptes. Il se targue volontiers de sa popularité face aux accusations qui pourraient égratigner son image.


À 64 ans, Léon Bertrand risque toutefois de devoir prendre sa retraite plus vite qu’il ne le voulait. En octobre 2014, il a été condamné en appel dans une affaire de « favoritisme et de corruption » : vingt mois de prison dont seize ferme, et deux ans de privation de ses droits civiques, auxquels s’ajoutent 80 000 euros d’amende. Le procès concerne des « dessous-de-table » et une douzaine de marchés publics attribués à des entreprises retenues par la communauté de communes qu’il préside. Son avocat a annoncé qu’il se pourvoirait en cassation. Si la Cour devait confirmer la sentence, moyennant les lenteurs habituelles de la justice, l’élu ne retrouvera le droit de faire campagne en quête d’un mandat politique qu’après avoir perdu sa mairie et la région, au profit de successeurs qui seront devenus assez puissants pour les garder. Il aura alors largement atteint l’âge de profiter lui aussi de sa pension de retraite de l’Éducation nationale.

La Cour des comptes peut donc mettre son nez dans certaines nominations très complaisantes en regard des compétences et des disponibilités réelles des bénéficiaires. Il arrive même qu’elle intervienne pour signifier tout simplement que leur âge est vraiment trop avancé ou que les obligations sur l’âge de la retraite sont transgressées ! On en trouve une illustration dans le rapport que la Cour a rendu sur le Consortium de réalisation (CDR), la structure qui a joué un rôle clé dans l’affaire Tapie-Crédit Lyonnais, en octobre 2010110. Elle y a pointé le fait que Bernard Scemama, le haut fonctionnaire désigné par la ministre de l’Économie Christine Lagarde au sein du CDR, qui devait se prononcer sur le recours à une procédure d’arbitrage, aurait dû en être éjecté aussitôt. 

« Il avait atteint la limite d’âge de 65 ans trois mois après sa nomination. Il ne pouvait donc être maintenu en fonction au-delà de cette date qu’à titre intérimaire et pour une durée limitée », relève la Cour des comptes. 

Or, note-t-elle, « il a finalement été prolongé jusqu’en février 2009, soit une durée de quinze mois qui excède manifestement la durée de désignation »… Peut-être l’intéressé le regrettet- il aujourd’hui : le 18 novembre 2014, Bernard Scemama a été mis en examen pour « escroquerie en bande organisée » dans l’enquête sur cet arbitrage très favorable à Bernard Tapie.

Par Roger Lenglet et Jean-Luc Touly

Extrait de "Les recasés de la République", de Roger Lenglet et Jean-Luc Touly, publié aux éditions First, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

Roger Lenglet est philosophe et journaliste d'investigation. Il est l'auteur, avec Jean-Luc Touly, de Les recasés de la République (First, 2015) Europe Ecologie: miracle ou mirage? (First, 2010), L'Eau des multinationales - Les vérités inavouables (Fayard, 2006) et L'Argent noir des syndicats (Fayard, 2008).
Jean-Luc Touly est juge prud'homal et Conseiller Régional Ile de France. Il est notamment l'auteur, avec Roger Lenglet, de Les recasés de la République (First, 2015), de Europe Ecologie : miracle ou mirage? (First, 2010), L'Eau des multinationales - Les vérités inavouables (Fayard, 2006), L'Argent noir des syndicats (Fayard, 2008) et Syndicats, corruption, dérives, trahisons (First, 2013).



B) BMW, duplex, salaires de PDG : les folies dépensières des académies

Le rapport de la Cour des comptes épingle la gestion de l'Institut de France, ses dépenses importantes et sa mauvaise gestion chronique de son trésor. 

Agnès Saal et Mathieu Gallet ont trouvé leurs maîtres : certains fonctionnaires et certains académiciens de l'Institut de France. La Cour des comptes vient de publier un rapport assassin sur la gestion de cette institution qui regroupe cinq académies : 


l'Académie française, 
l'Académie des inscriptions et belles lettres, 
l'Académie des sciences, 
l'Académie des beaux-arts 
et l'Académie des sciences morales et politiques. 



Les 40 000 euros de taxi de feue la directrice de l'Ina : une broutille à côté de la voiture de fonction de Hugues Gall, directeur depuis 2008 de la Fondation Claude Monet, abritée par l'Académie des beaux-arts, dont il est membre.
Une berline made in France ? Non, bien sûr, cet ancien directeur de l'Opéra de Paris pilote une rutilante BMW 125i (pouvant grimper jusqu'à 245 km/h), achetée 40 461 euros TTC par la fondation en 2013. Et son indemnité mensuelle, qui comprend des "frais de garage", a triplé entre 2009 et 2013, passant de 1 300 à 4 000 euros. 

Autre amateur d'automobiles, l'ex-chef de cabinet de la secrétaire perpétuelle de l'Académie française Hélène Carrère d'Encausse. Ce dernier a commis, selon l'académie elle-même, "un abus de fonction pour bénéficier d'avantages" en louant à de multiples reprises des véhicules pour ses escapades personnelles, en 2004. Mais, pour ne pas faire de vagues, aucune plainte n'a été déposée. Et ce ne sont là que quelques-uns des innombrables avantages que s'octroient les immortels.

110 009 euros d'indemnités par an

Il faut dire que, contrairement à d'autres établissements, l'Institut de France est assis sur un trésor estimé à plus de 1,5 milliard d'euros, dont un parc immobilier locatif de 400 millions d'euros. Mais il n'est pas un très bon gestionnaire. 

"L'absence de véritable stratégie s'est traduite par des pertes de plusieurs millions d'euros"

 dénonce la Cour des comptes dans son rapport. Exemple : 
4,56 millions d'euros sur des actions France Télécom, Nokia et Ericsson, en 2012. Ses services financiers semblent avoir mis sous le tapis "un montant de dépréciations cumulées de plus de 41 millions d'euros" après la crise financière de 2008. Un audit comptable réalisé en 2012 a montré que des pertes avaient été oubliées, "aboutissant à une surévaluation (...) estimée alors à 53,9 millions d'euros pour l'institut et à 69,3 millions d'euros pour les académies". Plus de 120 millions auraient donc disparu des caisses. 

Qu'importe ! 

Cette mauvaise gestion n'empêche pas les académiciens de vivre en grands seigneurs. Montant de l'indemnité annuelle de Gabriel de Broglie, chancelier de l'institut et donc patron des cinq académies : 110 009 euros. Lui aussi aime les berlines, mais françaises. Il circule à l'arrière d'une Citroën C6, le même modèle que François Hollande. Hélène Carrère d'Encausse n'a pas de quoi rougir avec ses 104 768 euros par an. Les secrétaires perpétuels des autres académies touchent en moyenne 60 000 euros.

Cinq logements de fonction pour un même homme

Malgré ces indemnités substantielles, ce beau monde est bien entendu logé aux frais de la princesse. L'Institut de France ne manque pas d'espace : 56 000 mètres carrés à Paris, plus 11 600 hectares de terrain un peu partout en France. Cerise sur le gâteau : deux golfs implantés au coeur du domaine de Chantilly, propriété de l'Académie des beaux-arts. Là encore, la Cour des comptes a relevé quelques pépites. La veuve de Maurice Druon, prédécesseur d'Hélène Carrère d'Encausse et auteur des Rois maudits, bénéficie de 3 000 euros par mois versés par l'Académie française pour l'aider à payer son loyer. En 2009, à la mort de son mari, elle avait dû quitter un superbe duplex de sept pièces, situé à deux pas de Saint-Germain-des-Prés, que la Coupole avait gracieusement mis à la disposition du couple.
Un record a même été établi : celui du nombre de logements de fonction pour un seul agent, Laurent Personne, qui fut pendant plus de vingt ans chef de cabinet des secrétaires perpétuels Maurice Druon et Hélène Carrère d'Encausse. La Cour des comptes résume au mieux cette incroyable situation : "En outre, alors que la réglementation actuellement en vigueur sur les logements de fonction n'envisage pas le cas où un agent pourrait bénéficier d'une pluralité de logements utilisés par lui à des titres divers, une telle situation a pourtant été rencontrée à l'Académie française : l'ancien chef de cabinet de l'académie, licencié en 2008, a disposé pendant plusieurs années de cinq logements : deux appartements qu'il avait réunis en un duplex dans le quartier de la Muette, deux encore réunis dans un autre duplex au Quartier latin et un dernier dans le château de Berzée, en Belgique, propriété de l'académie." 

Un dernier dossier explosif a retenu l'attention de la Cour des comptes. La vente, en 2009, d'un immeuble de prestige à deux pas des Champs-Élysées. Montant de la transaction : 60 millions d'euros. Mais cette opération immobilière "a été marquée par de nombreuses anomalies", souligne la Rue Cambon. Pour l'institut, le bien a été acheté par Pierre Cardin, le célèbre couturier et académicien des beaux-arts. En réalité, c'est un marchand de biens qui a mis la main dessus en réalisant une culbute de plusieurs millions d'euros. Enquête à suivre.

Par et




C) Sciences Po : Agnès Chauveau, remerciée pour plagiat, nommée à l’INA

Nomination. Agnès Chauveau, qui avait été remerciée de la direction de l’Ecole de journalisme de Science Po pour suspicion de plagiat en janvier dernier, vient d’être nommée conseillère à l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

Remerciée pour plagiat
En novembre dernier, Agnès Chauveau, alors directrice de l’Ecole de journalisme de Science Po, avait été mise en congé prolongé puis remerciée en janvier après des suspicions de plagiat.

Elle s’était défendue en affirmant : «J'oublie de citer certains papiers mais ce n'est jamais volontaire et je rectifierai chaque fois que ça pose problème (…) je n’ai pas le temps de citer à l’antenne toutes mes sources». Pourtant, à leur entrée dans l’école, tous les élèves signent une charte : «  tout étudiant ne commet aucun plagiat, ne fait pas passer la pensée d’autrui pour la sienne, et cite explicitement les confrères dont il reproduit un texte ou même un fragment de texte de quelques mots »

Ce mardi, elle a été nommée conseillère à l’Institution national de l’audiovisuel (INA) et «aura pour mission de superviser et de piloter le développement d’une politique éditoriale et éducative innovante».



D) Enquête sur ces hauts fonctionnaires trop gâtés "Une nouvelle noblesse d'Etat"
Le journaliste d'investigation Yvan Stefanovitch, auteur de "Aux frais de la princesse", a enquêté sur les "nobles de la République", ces hauts fonctionnaires qui vivent aux frais de l'Etat. Il a répondu à vos questions.

Qui sont pour vous les privilégiés de la République ?
Les privilégiés de la République forment une noblesse d'Etat, plus précisément les 15 000 hauts fonctionnaires diplômés en quasi totalité de l'ENA, polytechnique ou Normale Sup'. C'est à dire la crème de la crème de la fonction publique. 


Ce sont les mieux payés des fonctionnaires (de 6 000 à 45 000 euros par mois) et ont droit à une kyrielle d'avantages : voiture et appartement de fonction, et à toute une série de primes.

Un salaire exorbitant, des privilèges à la limite de la décence... Qu'est-ce qui justifie une telle différence de traitement entre ces "privilégiés" et le commun des mortels ?
L'Histoire de France ! Prenons l'exemple de l'Inspection des Finances, c'est-à-dire l'élite de l'élite, constituée de 400 hauts fonctionnaires qui trustent des postes à l'Elysée, à Matignon et en disponibilité (jusqu'à 12 ans de suite dans le privé) à BNP-Paribas, un groupe bancaire, où ils sont la bagatelle de douze à occuper les postes les plus importants.


Ce mélange de l'élite public-privé a commencé au début du XIXe siècle, lors de la création des grands corps administratifs sous la monarchie constitutionnelle. Un corps qui trustait déjà les hauts postes dans l'administration et la banque. Rien n'a changé, nous vivons toujours en monarchie, mais républicaine, où la méritocratie (sélection par les diplômes de l'élite) n'est pas une garantie de compétence... 



Sénateurs et ambassadeurs : les "super-privilégiés" - "Le Sénat nous coûte 300 millions d'euros par an"

Avez-vous un exemple d'un privilégié de l'Etat ?
Les 350 hauts fonctionnaires et 870 petits fonctionnaires du Sénat. Au nom de la séparation des pouvoirs entre l'exécutif (le président de la République et le Premier ministre) et le Parlement (Sénat et Assemblée nationale), personne ne peut mettre son nez dans les comptes du Sénat qui nous coûtent, à nous contribuables, 300 millions d'euros par an. 


Résultat : le Sénat est une bonne maison, où l'Etat jette l'argent par les fenêtres avec frénésie. Ici vous pouvez consommer le whisky le moins cher de France (50 centimes d'euros), travailler pas plus de 32 heures par semaines, être payé au minimum à votre embauche 2 300 euros par mois sans aucun diplôme. Et les primes de nuit doublent votre salaire à 19h, le doublent à minuit et le triplent à quatre heures du matin alors que vous dormez. Et sur les 350 hauts fonctionnaires, 28 bénéficient d'appartements de fonction (de 120 à 290 m2) qui donnent sur le jardin du Luxembourg. Ils payent un loyer immuable et imbattable de 600 euros par mois avec parking et charges comprises !


Vous écrivez : "ambassadeur, le pactole sans obligation de résultat". Pourquoi ?
Parce qu'arrivés dans leur ambassade avec pour tout bagage une brosse à dents, 43 ambassadeurs de France sur 157 au total touchent un minimum de 22 500 euros par mois. A l'époque d'Internet, de la télévision, des agences de presse, la politique étrangère se construit à l'Elysée et de moins en moins dans nos ambassades. Or, il y a toujours autant d'ambassadeurs et de moyens mis à leur disposition.

Les autres privilégiés ont-ils vraiment des obligations de résultat ?
Les autres hauts fonctionnaires ont un semblant d'obligation de résultat comme les proviseurs des grands lycées parisiens (qui ont des appartements de fonction gratuits allant jusqu'à 390 m2), les préfets qui doivent gérer les manifestations de toutes sortes, les conseillers d'Etat qui disent le droit, les conseillers à la Cour des comptes qui traquent l'utilisation anormale de l'argent de l'Etat.

Impossible réforme ? - "Un mal purement gaulois !"

Est-ce un mal franco-français ?
C'est un mal purement gaulois. Le principal de ces privilèges, qui n'existe dans aucun autre pays du monde, est le suivant : ces hauts fonctionnaires ont le droit d'aller travailler jusqu'à 12 ans dans le privé (où ils multiplient par 10 ou 15 leur salaire) avant de revenir pantoufler tranquillement dans le public.


Un mal franco- français aussi, car en France, ces hauts fonctionnaires ne démissionnent pas de la fonction publique lorsqu'ils ne sont plus députés ou sénateur. Aux Etats-Unis et dans la plupart des démocraties, un haut fonctionnaire élu doit immédiatement démissionner de la fonction publique. C'est pourquoi l'Assemblée nationale compte beaucoup de députés hauts fonctionnaires qui, s'ils sont battus à une élection, peuvent tranquillement revêtir à nouveau leur habit de fonctionnaire.


Toutes les professions ou presque ont leurs privilèges : enseignants, employés EDF, journalistes, etc. Faudrait-il tous les supprimer ?
Certes, il n'est pas question de supprimer tous les privilégiés, mais simplement si on s'attaque aux fonctionnaires dans leur ensemble, il semble complètement illogique de laisser les hauts fonctionnaires de côté. C'est une question d'exemplarité. Ainsi, M. Schweitzer touche sa retraite d'ex-PDG de Renault, d'ancien inspecteur des Finances (4500 euros par mois), mais aussi une indemnité d'environ 7000 euros mensuels en tant que directeur de la Halde (Haute Autorité gouvernementale de lutte contre les discriminations). Les hauts fonctionnaires touchent ainsi des retraites déguisées à des hauts postes qui leurs sont rétribués sous forme d'indemnité. Ca me choque profondément. La loi doit être la même pour tous et l'Etat doit être impartial comme le dit le président Sarkozy.


Est-il possible de changer les choses, si ceux qui en ont les moyens sont aussi ceux qui n'ont aucun intérêt à la suppression des privilèges ?
Vous avez déjà vu des privilégiés accepter d'abandonner leurs privilèges sans faire d'histoire ? Nous avons, nous Français et c'est unique au monde, un double discours sur les privilèges. Nous les critiquons vertement, comme l'affaire Gaymard l'a montré et nous rêvons aussi d'en faire profiter nos enfants... Et nous Français sommes à peu près incapables de faire des réformes, seulement des révolutions.

L'enquête - "Les inégalités entre petits et hauts fonctionnaires"

Qu'est ce qui vous a amené à entreprendre cette enquête ?
Aujourd'hui, tous les gouvernements de gauche ou de droite demandent aux Français de se serrer la ceinture pour essayer de faire baisser la terrible dette de l'Etat : plus de mille milliards d'euros. Plus précisément, les hauts fonctionnaires, qui pilotent la réforme de l'Etat depuis cinq ans, ont imposé un alignement des retraites des 6,5 millions de fonctionnaires sur celles des salariés du privé. Résultat : les petits fonctionnaires vont cotiser plus pour leur retraite, vont travailler plus longtemps, et percevront des retraites moins importantes. Mais, pour les hauts fonctionnaires, qui colonisent le pouvoir politique en France depuis Louis XIV, il n'y aura rien de changé. C'est "fais ce que je dis, mais pas ce que je fais" !

Est-ce que vos enquêtes ont toujours abouti et n'avez-vous jamais subi de pressions ?
J'ai subi des pressions, mais toujours à caractère économique. Il semble difficile pour moi de faire paraître une enquête sur Veolia, Vinci, Suez, Carrefour, Bouygues, Total , LVMH ou Eiffage, dans un quotidien qui chaque semaine publierait plusieurs pleines pages de publicité pour ce groupe... Les pressions personnelles sont, elles, quasi-inexistantes. C'est tout juste de l'intimidation : on vous envoie, de manière quasi officielle, quelques détectives privés qui stationnent devant chez vous de manière ostentatoire. Le relevé des plaques d'immatriculation suffit à s'en rendre compte. Il n'y a pas de quoi fouetter un chat. C'est classique... 


Sur l'ouvrage : "Aux frais de la princesse"

Deux siècles se sont écoulés depuis la nuit du 4 août 1789, lorsque nobles et ecclésiastiques ont renoncé aux privilèges liés à leur ordre pour devenir des citoyens comme les autres. 

Mais la République a fait naître sa propre noblesse, 15 000 hauts-fonctionnaires super privilégiés, issus des grands corps de l'administration. Pourquoi et comment cette noblesse d'Etat s'est-elle arrogé ces privilèges ? Comment expliquer les salaires astronomiques des ambassadeurs ? Qu'est-ce que le "pantouflage" dans le privé ? 

Yvan Stefanovitch a mené une enquête minutieuse sur ce sujet tabou, complètant l'étude de documents et de rapports administratifs par de nombreux entretiens avec les intéressés eux-mêmes.



Yvan Stefanovitch, des enquêtes qui dérangent
Journaliste d'investigation, Yvan Stefanovitch collabore à l'Agence France Presse, au "Nouvel Observateur", à VSD et au "Canard enchaîné". Il a publié "Un assassin au dessus de tout soupçon" (1984, Balland), après avoir enquêté sur l'affaire Alain Lamare, un gendarme de l'Oise devenu tueur en série. En 1989, il signe avec Jacques-Marie Bourget "Affaires très spéciales" (1989, Plon). Dans "L'empire de l'eau" (2004, Ramsay), Yvan Stefanovitch enquête sur les relations entre les grands groupes privés de l'eau (Bouygues, Veolia et Suez-Lyonnaise des eaux) et le pouvoir politique, cherchant à prouver que payer sa facture d'eau revient à financer les grands partis politiques. Il est également co-auteur avec Jean-François Probst, éminence grise de la droite française, de "Chirac et dépendances".

Lire aussi:

Les politiques surpayés ou sous-payés ? de 2005

Combien coûte un Président ?  

Rhôoooo voilà que Marine prêche la Liberté lol


Powered By Blogger