Ce site n'est plus sur FB, alors n'hésitez pas à le diffuser au sein de différents groupes, comme sur vos propres murs respectifs. D'avance merci.
L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Librement vôtre - Faisons ensemble la liberté, la Liberté fera le reste.
Sommaire:
A) L'économie mondiale 2017 - CEPII - http://www.cepii.fr/
B) L’injustice fiscale Ou l’abus de bien commun - Nicolas Lecaussin - IREF
C) L'Élysée brise l'embargo de l'Insee et fait de la désinformation économique - Jean-Pierre Robin - Le Figaro
A) L'économie mondiale 2017
Introduction
À l’été 2016, l’économie mondiale hésite encore entre stagnation
et transition vers un nouveau modèle toujours difficile à cerner.
La montée des tensions qui en résulte est analysée par Sébastien
Jean dans le chapitre i. Tensions dans le domaine politique avec
la montée des populismes, tensions aussi dans la construction
européenne avec la crise des réfugiés et le Brexit, tensions
économiques et financières avec les doutes suscités par les
politiques monétaires ultra-accommodantes qui n’ont pas réussi
à raviver la croissance, mais pourraient avoir nourri des bulles
de prix d’actifs et des prises de risque excessives. Tensions, en n,
dans la gouvernance mondiale avec les difficultés d’adaptation
à un monde multipolaire qui réclame de revoir les schémas qui
prévalaient jusque-là.
La brève histoire des mondialisations, que nous relatent
Michel Fouquin, Jules Hugot et Sébastien Jean dans le chapitre ii,
fait ressortir un risque de fragmentation du système commercial
mondial. La stagnation des interdépendances commerciales
depuis l’éclatement de la crise financière avive, de manière
paradoxale, les controverses autour de la mondialisation : les
gains liés à l’intensification du commerce s’épuisant, les conflits
de répartition et de légitimité qui y sont associés prennent le
dessus. À l’inverse, dans le domaine financier, l’analyse de Michel
Aglietta et Virginie Coudert, présentée dans le chapitre iii, nous
enseigne que c’est l’intensification des interdépendances qui
pose problème : à la politique monétaire américaine qui doit
désormais composer avec les évolutions qui se produisent dans
le reste du monde et, plus largement, au système monétaire
international qui, confronté à un multilatéralisme rampant,
souffre d’un défaut de coordination. Or, que ce soit dans le
domaine commercial ou dans le domaine financier, ce défaut
pourrait conduire à un retour des souverainetés nationales aux
dépens des mondialisations.
La coordination n’a toutefois pas été inexistante au niveau
financier. Depuis la crise de 2008, des efforts importants ont été
déployés par plusieurs instances internationales pour tenter de
réformer le secteur bancaire. C’est à une analyse de ces réformes
que nous convie Jézabel Couppey-Soubeyran dans le chapitre iv.
Le message qu’elle livre n’est cependant guère encourageant.
Le secteur bancaire et financier demeure vulnérable. Certes, des
mesures ont été prises, mais les efforts soutenus des banques
pour tenter d’en limiter le contenu et la portée entretiennent une
défiance citoyenne qui pourrait déboucher sur des revendications
bien plus radicales que les réformes engagées jusque-là.
Étienne Espagne, dans le chapitre v consacré à la COP21,
apporte une note d’optimisme à cet ouvrage : si, comme le
prévoit l’Accord de Paris signé en décembre 2015, la finance
était mise au service du changement climatique, c’est à un jeu
gagnant-gagnant que l’on aboutirait. Pour y parvenir, il faudra
toutefois réussir à saisir les opportunités que la gestion du
risque climatique présente pour les secteurs de la finance et de
l’assurance tout en cernant la dimension systémique du risque
climatique. Cela nécessitera de trouver le meilleur arbitrage
possible entre gestion privée et gestion collective de ce risque.
Dans le chapitre vi, qui présente un état des lieux des migrations
internationales et de leurs conséquences économiques, Anthony
Edo nous ramène dans le champ des tensions qui traversent
la construction européenne : la gestion de la crise des réfugiés
est venue rappeler l’incapacité de l’Union à se coordonner. Le
chapitre vii met quant à lui l’accent sur les tensions internes qui
affectent le Brésil. Pour Cristina Terra, les politiques économiques
inappropriées du gouvernement de Dilma Roussef sont à l’origine
de la crise brésilienne. Les compléments statistiques présentés en
n d’ouvrage ont été rassemblés par Alix de Saint Vaulry.
Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran*
* Isabelle Bensidoun, économiste au CEPII, et Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et conseillère éditoriale au CEPII, ont assuré
la conception et la coordination de cet ouvrage.
Vue d’ensemble : la montée des tensions
En dépit d’une légère accélération par rapport à l’année précédente, la
croissance mondiale reste décevante à l’été 2016. Bientôt dix ans après
le début de la crise économique et financière mondiale, un retour aux
tendances antérieures semble de plus en plus improbable. La médiocrité
de la croissance ne doit pas être acceptée comme une nouvelle norme,
avait mis en garde le Fonds monétaire international (FMI) au printemps
2015. Pour autant, il reste difficile de déterminer quelles pourraient
être les nouvelles références d’une économie mondiale traversée par des
tensions croissantes et multiformes. Non seulement la croissance n’a
plus retrouvé son niveau d’avant crise dans beaucoup de pays, mais les
déséquilibres massifs accumulés dans les années 2000 ne se sont guère
résorbés, quand ils ne se sont pas accrus. Sur les marchés du pétrole et
des matières premières, l’abondance de l’offre s’est combinée avec
l’atonie de la demande pour entraîner une importante chute des cours,
déstabilisante pour beaucoup de pays producteurs et moins profitable
qu’attendue pour les pays consommateurs. Dans un contexte de faiblesse
persistante de l’inflation, les autorités monétaires de plusieurs
économies avancées ont réagi en abaissant certains taux d’intérêt
directeurs au-dessous de zéro, suscitant de nombreuses interrogations
sur les causes profondes du mal, sur l’efficacité de ce remède et sur
ses possibles effets secondaires. Le niveau et la tendance de
l’endettement laissent craindre pour la stabilité financière. Enfin, les
tensions géopolitiques s’exacerbent dans différentes zones. Le vote
britannique en faveur du Brexit n’a fait qu’ajouter à ce climat
d’incertitude, illustrant la nervosité des marchés et posant des
questions profondes sur l’évolution du projet européen. [...]
Sébastien Jean est Directeur du CEPII.
Une brève histoire des mondialisations commerciales
Le terme « mondialisation » est couramment utilisé pour caractériser
l’interdépendance croissante des économies. Si certains ont pu y voir
l’avènement d’un « monde sans frontières », l’intensification des
relations économiques internationales évolue en réalité selon des
modalités complexes et une tendance qui n’est ni linéaire ni
irrévocable. En dépit du caractère spectaculaire des évolutions
récentes, le phénomène n’est d’ailleurs pas sans précédent puisque le
XIXe siècle a lui aussi connu une période de mondialisation. Pour
beaucoup de pays, le niveau d’intégration commerciale de la fin du XIXe
siècle n’a été dépassé que très récemment. Entre-temps, en effet, les
relations économiques internationales s’étaient massivement détériorées
pendant l’entre-deux-guerres.
L’interdépendance économique internationale est le résultat de l’intensification du commerce de biens, mais aussi des flux financiers, migratoires ou informationnels. Ce chapitre se concentre sur la dimension commerciale. Il brosse le tableau de ces différentes périodes, avant de s’interroger sur leurs similitudes et spécificités, et sur les enseignements qu’il est possible d’en tirer. [...]
Michel Fouquin - Jules Hugot - Sébastien Jean
Interrogations sur le système dollar
Après le cataclysme de 2008, la globalisation financière a décollé des
évolutions économiques réelles : alors que le PIB mondial et le volume
du commerce international ont sensiblement ralenti, les flux de capitaux
internationaux ont été gonflés par la surabondance de liquidités mises à
disposition du système financier globalisé. Cette discordance n’est pas
sans conséquences. Le recyclage des liquidités en dollars a provoqué
une montée de l’endettement au niveau mondial, tandis que le
ralentissement de la croissance s’est traduit par des surcapacités de
production qui ont détérioré les bilans dans les pays émergents. Les
reflux de capitaux des pays émergents vers les pays avancés ont provoqué
des dynamiques déséquilibrantes sur les marchés des actions et des
devises.
L’intensification des interdépendances financières crée un dilemme pour la politique monétaire américaine, fondée jusqu’alors sur l’indépendance de ses objectifs vis-à-vis des évolutions dans le reste du monde. Cette situation nouvelle pose le problème de l’absence de coordination au sein du système monétaire international.
C’est aux répercussions des excès de la globalisation financière sur le système monétaire international et aux dilemmes qu’elles posent aux banques centrales que ce chapitre est consacré. [...]
Michel Aglietta - Virginie Coudert
Les réformes bancaires ont-elles été poussées trop loin ?
« Le secteur financier a exercé un lobbying intense pour préserver sa
structure et faire barrage aux changements nécessaires. » « Les grandes
banques sont l’équivalent de réacteurs nucléaires. » Ces mots n’ont pas
été prononcés par les militants de Nuit debout sur la place de la
République à Paris, mais par le nouveau président de la Fed de
Minneapolis, Neel Kashkari, en février 2016. S’ils concernent d’abord le
secteur bancaire américain, ils valent aussi pour les banques
européennes et a fortiori françaises. Bien sûr, des réformes ont eu
lieu, impulsées par les travaux du G20, les accords du comité de Bâle,
les standards du Conseil de stabilité financière et divers rapports,
comme le rapport Vickers au Royaume-Uni. Des lois en ont résulté,
d’envergure nationale (Dodd-Franck aux États-Unis, loi de réforme
bancaire au Royaume-Uni, loi de séparation et de régulation des
activités bancaires en France, etc.) ou d’envergure européenne
(directives CRD IV, révision de la directive sur les systèmes de
garantie des dépôts, directive sur le redressement et la résolution des
crises bancaires, etc.).
Aucune n’a profondément transformé le secteur bancaire et financier. Elles exigent des banques un peu plus de fonds propres et de liquidité. Elles tentent de responsabiliser leurs créanciers obligataires et de réduire le risque systémique en confiant aux banques centrales la mission de superviser les banques d’importance. Mais est-ce assez pour remettre au service de l’économie réelle un secteur bancaire hypertrophié et dominé dans chaque pays par quelques mastodontes dont le bilan pèse pour chacun à peu près l’équivalent du PIB de leur pays, et dont 10 % seulement de l’actif contribue au financement des entreprises ? Poser la question, c’est déjà y répondre.
Et, pourtant, en mai 2016, Jonathan Hill, le commissaire européen aux services financiers, parlait déjà de « faire le point », « vérifier si nous pourrions atteindre les mêmes objectifs de régulation d’une façon plus favorable à la croissance », en clair de faire une pause, voire mettre un terme aux réformes bancaires européennes, du moins à celles visant à renforcer la stabilité du secteur. Le temps est-il venu de refermer la parenthèse des réformes bancaires que la crise enclenchée en 2007-2008 avait (entre)ouverte ? Sont-elles la cause d’une distribution du crédit et d’un investissement atones, un frein à la reprise ? Ce chapitre propose de faire un point sur les réformes engagées, de montrer qu’elles n’ont pas toutes le caractère contraignant que les représentants des banques leur prêtent, que beaucoup d’entre elles ne sont encore que partiellement engagées et pas toujours à la hauteur de l’ambition affichée et que, à revenir en arrière sur ces petits pas, le risque est grand de fragiliser davantage l’Europe. [...]
Jézabel Couppey-Soubeyran
Après la COP21, comment climatiser la finance ?
L’accroissement des inégalités de revenu et de patrimoine occupe une
place grandissante dans le débat public, dont l’intensité a redoublé
avec la publication de l’ouvrage Le Capital au XXIe siècle de Thomas
Piketty [2013]. Dans un rapport de mai 2015, l’OCDE attirait aussi
l’attention sur les niveaux record d’inégalités dans la plupart des pays
de l’OCDE ainsi que dans les pays émergents. « Nous avons atteint un
point critique. Les inégalités dans les pays de l’OCDE n’ont jamais été
aussi élevées depuis que nous les mesurons », a déclaré son secrétaire
général, Angel Gurria, lors du lancement du rapport.
De façon plus inattendue, des voix se sont élevées pour attribuer à ces inégalités croissantes une responsabilité dans le surendettement des ménages modestes et pauvres ayant conduit à la crise financière de 2007-2008. Dans son ouvrage Fault Lines [2010], Raghuram Rajan soutient ainsi que la progression des inégalités de revenu aux États-Unis a contraint les ménages à revenus faibles et moyens à accroître leur endettement afin de maintenir leurs niveaux de consommation, compensant l’impact de la baisse de leur revenu relatif sur la croissance du PIB. Till Van Treeck [2014] a présenté une somme substantielle d’arguments qui corroborent cette thèse pour les États-Unis sur la période 1980-2010.
Empiriquement, la causalité directe entre la montée des inégalités et celle de l’endettement susceptible de dégénérer en crises financières reste encore difficile à établir, tant chacun des deux phénomènes met en jeu un grand nombre de facteurs concurrents et entremêlés. Il est en outre tout à fait possible que l’augmentation parallèle des inégalités et de la taille de la sphère financière soit le produit d’un facteur commun, tel que la déréglementation croissante des économies depuis le début des années 1980. Il est donc nécessaire de commencer par rappeler les éléments du débat en présence, en détaillant tour à tour l’étendue et les caractéristiques, d’abord de l’expansion de la sphère financière, puis de la montée des inégalités. D’autant que les deux phénomènes ont longtemps été appréhendés sans chercher à établir de lien entre eux. Ces liens potentiels mobilisent depuis peu l’attention des économistes. [...]
Etienne Espagne
Migrations et mouvements de réfugiés : état des lieux et conséquences économiques
Les mouvements de population actuels à travers le monde et l’Europe
marqueront l’histoire des migrations internationales. À l’échelle
mondiale, les guerres et les persécutions n’ont jamais provoqué, depuis
la fin de la Seconde Guerre mondiale, autant de déplacements de
personnes au sein des pays ou en dehors. Les conflits qui sévissent en
Syrie, en Irak, en Libye, en Afghanistan, au Yémen, ou encore en Somalie
et au Soudan poussent les populations au départ. La plupart se
relocalisent au sein de leur pays d’origine ou dans un pays limitrophe,
mais une partie de ces déplacements forcés se dirige vers l’Europe, où
plus d’un million de personnes se sont réfugiées au cours de l’année
2015. Au-delà de l’ampleur du phénomène migratoire, l’histoire
questionnera aussi les modalités d’action engagées par les pays
européens pour y répondre. Face au défi de l’accueil des réfugiés, les
pays de l’Union européenne (UE) peinent toujours à s’accorder sur une
politique commune ambitieuse.
Le contexte migratoire actuel et les difficultés de coordination entre pays européens suscitent de nombreuses interrogations tant sur l’ampleur des migrations internationales et les choix de localisation des réfugiés, que sur les conditions d’accueil des pays de l’UE et leur politique en matière d’asile. Les questions relatives aux mouvements de réfugiés se sont aussi étendues à la sphère économique, comme l’illustre une vive et récente controverse concernant les effets de l’immigration et des réfugiés sur les conditions d’emploi dans les pays d’accueil. Avant d’y revenir plus longuement, ce chapitre décrit les mouvements de personnes et de réfugiés dans le monde, puis analyse la situation spécifique de l’UE face à l’accueil de ces derniers. [...]
Anthony Edo
La crise made in Brazil
Le Brésil, l’un des pays les plus inégalitaires au monde, a connu,
pendant vingt ans de dictature militaire (1964-1985), des taux de
croissance très élevés sans que les inégalités se réduisent. Ses
dirigeants avaient coutume de dire qu’il fallait laisser grossir le
gâteau pour mieux le partager plus tard. Mais ce « plus tard » était
sans cesse repoussé. En 2002, Luiz Inácio Lula da Silva, un ancien
ouvrier métallo pugnace, remporte l’élection présidentielle. Lors de sa
première interview présidentielle, il déclare : « L’espoir a vaincu la
peur », le peuple a voté « sans avoir peur d’être heureux ». Lula fait
naître alors un immense espoir, surtout chez les plus démunis. Ses
électeurs attendent de lui qu’il lutte contre la pauvreté, réduise les
inégalités et que le gouvernement soit enfin intègre : en somme, que le
peuple ne soit plus volé. Lorsque, au terme de son second mandat en
2010, Lula quitte le pouvoir, avec une cote de popularité qui dépasse
les 85 %, il laisse un pays moins inégalitaire et moins pauvre. Selon le
secrétariat des Affaires stratégiques (Secretaria de Assuntos
Estratégicos), 19,3 millions de personnes sont sorties de la pauvreté
entre 2004 et 2010 tandis que la classe moyenne s’est élargie à
32 millions de nouveaux venus avec un revenu mensuel supérieur à 330
euros.
Six ans plus tard, le pays est plongé dans une profonde récession économique qui met en péril les acquis sociaux. Dilma Rousseff, qui a succédé à Lula, est suspendue de ses fonctions présidentielles au terme d’un procès en destitution, tandis que Lula lui-même est sous la menace d’un mandat d’arrêt pour corruption. Que s’est-il passé ? D’aucuns prétendent que, lasse de devoir partager les salons d’aéroport avec la nouvelle classe moyenne, l’élite brésilienne aurait décidé de prendre les choses en main. Elle aurait orchestré un coup d’État pour revenir à l’ordre ancien, avec des politiques moins sociales et plus favorables aux entreprises. Si l’on ne saurait exclure la préférence d’une partie de l’ancienne élite pour des aéroports moins encombrés, les conflits de classes ne nous semblent pas être le principal facteur de la crise économique et politique qui secoue le pays. La récession actuelle ne tient pas non plus à l’accroissement des dépenses sociales, ni aux chocs externes (baisse du prix des matières premières, politique monétaire américaine…) qui ont également affecté d’autres pays émergents sans les plonger dans une crise aussi profonde que celle du Brésil, mais à des politiques économiques inappropriées : l’objectif de stabilité macroéconomique a été abandonné ; la priorité a été donnée à la croissance et d’importants transferts de ressources ont été effectués au profit d’une clientèle ciblée d’entrepreneurs dans le but de renforcer la compétitivité industrielle, mais au prix de distorsions profondes dans l’appareil productif. [...]
Cristina Terra
Base de données sur l’économie mondiale Alix de Saint Vaulry
Voir le rapport global avec le CEPII
B) L’injustice fiscale Ou l’abus de bien commun
Un nouvel ouvrage de Jean-Philippe DELSOL sort cette semaine en librairie, publié chez Desclée de Brouwer, sous le titre L’injustice fiscale ou l’abus de bien commun.
Dans ce livre Jean-Philippe Delsol
explore les sources du droit pour comprendre les causes de l’injustice
fiscale et les excès de l’Etat-providence afin de mieux les combattre.
Alors qu’à l’origine le droit est un art laissé entre les mains des
juristes, les prudents romains, pour déterminer ce qui doit être rendu à
chacun, ce fut un progrès que l’impôt ne relève plus de la violence
mais du droit. Malheureusement, le droit lui-même sera bien vite
dénaturé et la fiscalité avec lui.
Ce livre passionnant mêle le droit, l’histoire, l’économie et la
philosophie pour raconter comment le droit s’est abandonné à la loi,
sous l’influence des nominalistes, pour perdre sa référence à la nature
humaine qui lui fixait d’utiles limites. Ensuite, le Pouvoir s’est
emparé de l’impôt pour étendre son pouvoir aux lieu et place de celui
des citoyens. Il a voulu se substituer aux églises et à la religion pour
dire et faire le bien. Là où la vieille règle d’or exigeait à juste
titre qu’aucun ne fasse à autrui ce qu’il ne voudrait pas qu’autrui lui
fasse, l’Etat a emprunté aux préceptes évangéliques pour demander à
chacun de faire aux autres ce qu’il voudrait qu’on lui fasse. De
négative, défensive et protectrice des droits de chacun, la loi est
devenue positive et intrusive, transposant dans le domaine public ce qui
ne relève que de la morale personnelle. La justice a perdu sa balance
avec laquelle elle mesurait à chacun ce qui lui revenait et elle est
devenue l’objet de la volonté hasardeuse du législateur.
Une démocratie populiste a fait le reste en répondant aux demandes
insensées des uns et des autres pour faire croître l’Etat au détriment
de citoyens infantilisés et déresponsabilisés qu’il incitait en même
temps à lui demander toujours plus. Il a voulu tout entreprendre plutôt
que de déléguer, régir les hommes plutôt que de leur faire confiance.
L’Etat a accaparé la vie civile, sacralisé la notion de bien public. Et
désormais, l’Etat omnipotent devient impotent en même temps qu’il
asphyxie les citoyens d’impôts excessifs et souvent iniques.
Pour déterminer ce qui semble devoir être juste ou injuste et ce qui
pourrait être une justice fiscale, il faut revenir à l’origine du droit
et à son évolution. Ce long détour permet de percevoir qu’il ne peut y
avoir de justice, y compris fiscale, que là où l’homme est respecté dans
ce qu’il est et dans ce qu’il possède. La liberté a apporté plus au
monde qu’elle ne lui a enlevé. Et la justice peut se mesurer à l’aune de
la liberté réelle laissée à chacun d’atteindre ses fins, de s’accomplir
en les accomplissant. Le seul rôle de la collectivité pourrait être en
fin de compte de favoriser l’autonomie de chacun dans le respect de
celle des autres. La justice fiscale trouverait là un critère utile et
équitable de sa mesure.
C’est donc au fond un message d’espoir que nous laisse cet ouvrage de
réflexion utile, voire nécessaire pour mener demain les réformes
qu’exige notre pays. Car il ne suffit pas de dénoncer des faits et des
situations, ni même de proposer des réformes nouvelles, comme l’IREF a
vocation à le faire, si ces analyses et ces réformes ne sont pas fondées
sur le roc d’une pensée rationnelle. C’est l’objectif de cet ouvrage
d’y contribuer. A lire avec intérêt autant qu’avec plaisir.
Acheter en ligne : Fnac | Amazon
Nicolas Lecaussin
C) L'Élysée brise l'embargo de l'Insee et fait de la désinformation économique
L'Élysée a défloré avec deux jours
d'avance la note trimestrielle de conjoncture de l'Insee, mettant en
valeur des signes de reprise qui n'existent pas vraiment. Une façon fort
critiquable d'orienter les jugements.
L'Élysée
en flagrant délit de manipulation des esprits. Mercredi matin la radio
Europe 1 bat le tambour et claironne que la note trimestrielle de l'Insee,
attendue le lendemain jeudi à 18 heures, affiche des signes
encourageants. L'information émane, nous dit-on, de la Présidence de la
République qui a reçu le précieux document avec quelques jours d'avance,
tout comme Bercy. C'est un scoop, bonnes gens. Le printemps est là.
Invité
de la station ce même matin, et prié de confirmer, Emmanuel Macron
relaie le message d'optimisme, sur le fond sinon dans la forme. Il a
certes en mains la note de l'Institut national de la statistique et des
études économiques, mais il se garde bien de la citer explicitement: le
«wunderkind», le petit génie de Bercy ne veut pas laisser penser qu'il
enfreint un embargo. Il a des principes. A l'Assemblée nationale des
députés recommandent aux journalistes de regarder la note de l'Insee
«qui est bonne» susurrent-ils . Même s'ils ne l'ont pas lue, ils
reprennent le message de la radio périphérique. La rumeur vole comme une
brise printanière. Il y a du soleil dans le ciel de mars et dans les
têtes.
Les journalistes qui assistent jeudi matin à l'Insee à la
conférence de presse traditionnelle , elle aussi sous embargo, sont
appâtés . Certes on préfère généralement parler des trains en retard que
de ceux qui arrivent à l'heure. Mais quand les nouvelles sont dans
l'ensemble toutes grises, annoncer un peu de bleu entre les nuages est
gage d'originalité pour les papiers.
Hélas il faut déchanter: la
note de conjoncture de l'Insee de mars 2016 reprend les mêmes chiffres
que celle de décembre 2015, à savoir une croissance du PIB de 1,1% en
2015, et une prévision de 0,4% pour le premier et pour le deuxième
trimestre 2016. Rien de nouveau sous le soleil.
Pas de réel
changement non plus dans les commentaires de nos conjoncturistes
publics. «L'économie française serait pénalisée par les conséquences des
attentats fin 2015 mais reprendrait de l'élan début 2016»,
écrivaient-ils peu avant Noël dernier. «L'économie française
accélérerait légèrement, en dépit de la conjoncture mondiale morose»
disent-ils aujourd'hui, toujours avec ce conditionnel horripilant pour
le commun des mortels mais dont les conjoncturistes raffolent. On est
dans la nuance impalpable. «On pèse des œufs de mouche dans des balances
de toile d'araignée», disait Voltaire.
Mais le pli est pris.
Sauf à apparaître comme des rabat-joie malveillants, les plumitifs en
charge de la chose économique préféreront décrire le verre à moitié
plein. L'Élysée a gagné son pari, le la est donné: la tonalité des
commentateurs sera en majeur plutôt qu'en mineur.
Interrogés sur
leur embargo qui a volé en éclat par la grâce présidentielle, les
conjoncturistes de l'Insee ne peuvent que rappeler les règles
déontologiques qui s'appliquent aux journalistes. Sans s'appesantir, et
on les comprend: ils n'ont pas à commenter les pratiques des pouvoirs
publics français, qui de gouvernement en gouvernement, ne résistent pas à
la tentation d'instrumentaliser à leur convenance les informations
émanant de l'Insee.
En mai dernier, par exemple, Bercy avait
brisé l'embargo sur le «bon chiffre» de croissance du PIB du premier
trimestre 2015 de façon à valoriser au mieux l'information (un taux de
0,6% révisé ultérieurement à 0,7%) .
Ces méthodes, qui ne se
retrouvent nulle part chez nos voisins européens, et moins encore aux
États-Unis, sont d'un autre âge et peu dignes. Elles font peser un doute
permanent sur l'indépendance de l'Insee, qui est pourtant garantie
statutairement par les réglementations européennes: les statistiques
doivent être établies et communiquées de façon irréprochable au sein de
l'Union européenne. Sinon cela revient à institutionnaliser le mensonge
dans le dialogue des États européens entre eux. Mais qui s'en soucie à
Paris?
Jean-Pierre Robin