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octobre 13, 2015

Le planisme étatique "Hollandien" comme un socialisme "Engelien"

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Sommaire:

A) Ubérisons la vie politique ! Par Jean-Charles Simon - La Tribune

B) Non au septennat non renouvelable - Olivier Rouquan / chercheur associé, enseignant - Les Échos



 

A) Ubérisons la vie politique !

Les politiques, trop nombreux et trop souvent inefficaces, coûtent cher à la France. Comment les remplacer ? Eléments de réponse...

Les débuts de la primaire des Républicains - les vrais, ceux des Etats-Unis - peuvent sembler folkloriques. Ils n'en donnent pas moins à réfléchir. Les trois leaders des sondages à ce stade, Donald Trump, Ben Carson et Carly Fiorina, mettent en avant un point commun dans leur campagne : ils ne sont pas des professionnels de la politique. Ils n'ont pas passé plusieurs décennies à Washington ou dans des exécutifs locaux. Et c'est, de l'avis des observateurs, une cause majeure de leur succès en ce début de campagne pour la présidentielle 2016, même si ce phénomène pourrait être éphémère. Tandis qu'une armada de politiciens chevronnés peinent derrière eux pour exister, pénalisés justement par leur pedigree.

Dans plusieurs pays européens, on l'a vu, des forces nouvelles ont émergé brusquement sur la scène politique, en réaction aux partis établis. En France également, plusieurs études d'opinions démontrent la lassitude à l'égard de la classe politique, si peu renouvelée. Pour autant, le système politique français, particulièrement cartellisé et verrouillé, ne laisse quasiment aucune chance à des forces alternatives. Il est donc peu probable que des initiatives de la sorte rencontrent un succès notable ici, comme on l'a vu avec l'échec de « Nous citoyens ».

Un oligopole protégé
Il faudrait en fait penser de manière radicalement nouvelle l'organisation de la vie publique à l'ère numérique. Car le système actuel est tout sauf efficient. En France particulièrement, s'organise un univers de purs professionnels de la politique qui, dès leurs études, s'emploient à devenir des militants-apparatchiks. Pour ne cesser de l'être que par la force des choses, au crépuscule de leur vie active. Ils constituent un oligopole très protégé, où l'on s'organise pour ne faire et ne vivre que de la politique, entre mandats reconductibles sans limite quand on est gagnant, planques dans des emplois plus ou moins fictifs (cabinets d'exécutifs locaux, structures parapubliques...) pour surmonter les périodes de défaites.

Les plus astucieux et organisés ont privilégié une profession d'accompagnement de leur carrière politique, si possible libérale et leur permettant de faire fructifier leurs relations et de monnayer leur potentiel électif - bref, du trafic d'influence soigneusement blanchi. Tous ne connaîtront quasiment jamais le vrai travail, celui des contraintes de tout un chacun dans le reste du monde professionnel : développer et entretenir une expertise, satisfaire les exigences d'un management, produire surtout les « délivrables » concrets qu'exigent la quasi-totalité des métiers.

Parasites de la vie publique
Non, les politiques se complairont d'abord dans les jeux d'appareil - le fondement de leur ascension puis de leur maintien en position -, se préoccuperont de leur visibilité médiatique, survoleront de réunions en réunions des dossiers dont ils ne prendront jamais la mesure de la complexité et de la profondeur. Pour une poignée de parlementaires consciencieux et opiniâtres, l'immense majorité n'a pour ainsi dire aucune maîtrise de quelque sujet que ce soit, et le niveau de leurs échanges est souvent consternant.

Bref, cette classe politique n'apporte strictement aucune valeur ajoutée à la vie publique. Il est même fréquent qu'elle la parasite : il n'y a qu'à voir la propension des politiques à parader sur les lieux de telle catastrophe naturelle ou fait divers, mobilisant des services publics qui auraient mieux à faire. Ou encore observer leurs positionnements tactiques dans des débats qui paralysent l'action des administrations, celles-ci étant suspendues à des décisions qui ne viennent jamais, quand il ne s'agit pas de choix absurdes in fine. Sans compter les cas trop nombreux de captations de biens publics à leur profit.

Légitimité usurpée
Cette entropie globale générée par la classe politique est d'autant plus critiquable que celle-ci s'estime intouchable, au nom d'un principe sacré, l'onction du suffrage universel. Mais ce consentement du peuple est totalement vicié. D'une part, car il n'a pas un libre choix, compte tenu des mécanismes oligopolistiques à l'œuvre déjà rappelés. D'autre part, parce qu'une large proportion des électeurs, souvent majoritaire, préfère se tenir à l'écart du scrutin, dans l'abstention ou le vote blanc. Enfin, car le droit de vote s'exerce le plus souvent par défaut, sans signifier le moindre mandat explicite au vainqueur, et parce qu'il s'agit d'un vote bloqué sur un ensemble de propositions et prérogatives, et non d'un choix circonstancié sujet par sujet. La légitimité des élus à diriger, nommer, légiférer et réglementer est donc largement usurpée. Mais cet état de fait est-il une fatalité ? La démocratie étant, selon la formule churchillienne, le pire des systèmes à l'exception de tous les autres, peut-on la faire évoluer ? Les outils dont nous disposons aujourd'hui devraient nous ouvrir un vaste champ de possibilités. Et aussi utopique que cela puisse paraître, une démocratie profondément renouvelée sans classe politique est à notre portée.

Se reposer sur l'administration ?
En premier lieu, la classe politique ne « fait » rien : sa disparition ne créerait donc aucun vide d'exécution. La production de normes publiques (lois, règlements, circulaires...) est en effet toujours le fruit d'une administration. Or ces administrations sont bien davantage parasitées que managées par leurs tutelles politiques. S'en débarrasser serait certainement un bienfait pour leur productivité, d'autant que la haute administration est en France de bonne qualité. Oui, je le sais, la détestation des énarques est très répandue, notamment du fait de leur emprise sur la vie politique, qui constitue un détournement de la vocation de leur formation.

Pour autant, ils sont indubitablement bien formés et aptes à diriger efficacement des organisations complexes. D'ailleurs, il faut le constater, ils réussissent fort bien à la tête de nombreuses grandes entreprises privées, car ils sont justement adaptés aux problématiques qu'elles rencontrent - finalement, la bureaucratie privée n'est pas si éloignée de la bureaucratie publique... Et les quelques exemples de restructurations réussies d'administrations ont généralement en commun un groupe de hauts fonctionnaires ayant eu les coudées franches pour réformer et moderniser, en dépit des vicissitudes politiques.

Bien entendu, ces administrations ne décident pas toutes seules, et il conviendrait donc d'imaginer des processus de décision alternatifs à ceux, bien que très inefficaces et aux nombreux effets pervers, procédant des sphères politiques. J'imagine l'angoisse de beaucoup à l'idée d'une sphère administrative livrée à elle-même, mais il ne s'agirait évidemment pas de cela. Ainsi, tous les corps de contrôle, les inspections, et bien entendu la magistrature auraient un rôle majeur à jouer dans un tel système. Et nul doute que sans intervention ou pression politique, ils l'exerceraient bien plus librement et fermement que dans notre système actuel. L'exercice budgétaire pourrait par exemple être beaucoup plus efficient qu'aujourd'hui, en s'organisant autour de feuilles de route exigeantes en matière de bonne gestion et d'efficacité, sous la surveillance de la Cour des comptes. 

S'inspirer de la Suisse 
Surtout, au cœur de cette nouvelle architecture, il y aurait naturellement place pour des mécanismes participatifs très élaborés. Après tout, la révolution numérique n'a aucune raison de s'arrêter à la porte de la vie publique. Et qu'on n'invoque pas les risques en matière de sécurité à propos de votes électroniques, alors que la déclaration et le paiement des impôts devront bientôt s'effectuer intégralement en ligne ! Le vrai défi serait de mettre en place un système du type des votations suisses, pour que les citoyens, mais aussi les administrations confrontées à des choix politiques difficiles à départager d'un seul point de vue technique, puissent soumettre des questions au suffrage universel (sous conditions classiques, du type nombre minimum de pétitionnaires et validité de la proposition vérifiée par une Cour suprême), tout en assurant l'intelligibilité de ces scrutins, la faisabilité et la compatibilité des choix effectués. Mais rien d'inaccessible en la matière, et la démocratie suisse, justement, où le pouvoir politique est finalement assez modeste et décentralisé, tout en accordant une vaste place à l'expression directe des citoyens, constitue de bonnes prémices de notre modèle. Il va de soi, d'ailleurs, que celui-ci supposerait ab initio une administration singulièrement amincie et une décentralisation claire et effective, sans les doublons et la confusion actuels. Des fonctionnaires en charge par exemple des plans d'occupation des sols et des permis de construire, le tout sous le contrôle de juridictions vigilantes, représenteraient ainsi un énorme progrès par rapport aux tripatouillages de tant d'élus locaux. 

Des nominations consultatives
Les nominations pourraient être également assurées de manière bien plus satisfaisante qu'avec la surcouche politique dont nous sommes aujourd'hui accablés : plus de copinage partisan, de promotion éclaire due au seul passage en cabinet, de conflit d'intérêts flagrant ou de rotation massive à chaque alternance. Au lieu de cela, un processus au mérite, collégial et transparent, avec notamment, pour les plus hautes fonctions, un « vetting » à l'américaine, c'est-à-dire une scrutation rigoureuse du parcours et des compétences des candidats, par une juridiction ou un collège expert, et dans le même temps par les médias. Et cette méthodologie concernerait bien entendu les postes de représentation, par exemple pour la diplomatie - il en faut bien.

C'est en l'espèce ce qui est en place à l'échelle de l'Union européenne, et il n'y aurait donc pas de difficulté à le dupliquer et à l'améliorer au niveau d'un pays. Comme il se doit, la rotation régulière des représentants et dirigeants serait assurée en amont, afin qu'il soit impossible de se maintenir indéfiniment en responsabilité, au risque de bâtir un système personnalisé et parfois corrompu... : toutes choses qu'engendre hélas trop souvent notre système politique. 

Des gains multiples Aux bienfaits nombreux liés à la disparition d'un jeu politique écrasant et pourtant stérile, qui empoisonne littéralement la société et accapare de trop nombreuses ressources (plus de 500 000 élus en France !), au soulagement de ne plus avoir affaire à une caste indéboulonnable et inefficiente, s'ajouteraient les gains liés à l'absence d'agitation décisionnelle, facteur de perturbation des agents économiques. Comme l'avouait récemment la fondatrice de Leetchi à l'adresse des parlementaires : « si vous pouviez ne plus rien faire, à la limite ce serait mieux ! ». Il est d'ailleurs attesté que les phases de gouvernement expédiant les affaires courantes - par exemple dans l'épisode de l'absence de gouvernement en Belgique en 2011 - ou de majorité introuvable sont souvent bénéfiques pour l'économie d'un pays. L'incertitude et l'imprévisibilité politiques sont des maux dont une telle révolution nous débarrasserait. Alors naturellement, l'utopie peut sembler trop énorme. Et « l'ubérisation », expression désormais appliquée jusqu'à la nausée à tout et n'importe quoi, paraître illusoire. Mais ce serait désespérer de la capacité des citoyens à reprendre le contrôle de leur destin collectif. Si un saut quantique vers un monde sans classe politique s'avérait hors de portée, alors allons-y par étapes. Pour commencer, en interdisant tout cumul de mandats et surtout en limitant très rigoureusement leur renouvellement dans le temps, afin de briser la politique de carrière. Puis en restreignant drastiquement le nombre d'élus et les cercles connexes, comme les cabinets des exécutifs nationaux et locaux ou les parachutages dans des organismes publics, qui seraient réservés à des administratifs. Enfin en réduisant les degrés de liberté, les pouvoirs de nomination et d'engagement budgétaire, tout en renforçant l'autonomie et les pouvoirs des corps de contrôle et de la justice. Peu à peu, il sera alors possible de sortir nos sociétés de leur infantilisation par des monarchies électives.

Jean-Charles Simon


B) Non au septennat non renouvelable 

Le rapport Bartolone-Winock, dont certaines recommandations s'inspirent d'anciennes études, propose le passage au septennat non renouvelable. Ce n'est pas pertinent.

Un rapport de plus pour rien ? Le rapport du groupe de travail sur l’avenir des institutions, présidé par Claude Bartolone et Michel Winock , a été adopté par l’Assemblée nationale le 2 octobre 2015. Ce rapport, intitulé Refaire la démocratie, formule 17 propositions, visant à « restaurer le lien entre les citoyens et leurs représentants » et favoriser la participation des citoyens.  
Si ce rapport ne semble peu pertinent, un autre écueil apparaît. La méthode suivie par l’Assemblée nationale est bien décevante. Elle consiste, comme de coutume, à convoquer de « grands » experts auditionnés (provenant toujours des mêmes « grandes » institutions, la plupart parisiennes), sans procéder en temps réel à une large consultation. Le processus émerge donc une fois de plus de l’ombre relative des arcanes parlementaires, sans ouverture préalable d’un forum populaire.  
Un semblant de concertation est in fine instauré sous forme de questionnaire numérique. Les citoyens ont jusqu’au 31 octobre 2015, soit moins d’un mois pour formuler leurs idées. Ni panel, ni jury citoyen, ni d’autres techniques de démocratie participative n’ont été testés pour l’occasion. L’innovation institutionnelle, c’est pour les autres et surtout pour… après-demain.

Des propositions éculées

Au sujet du contenu, certaines propositions du rapport Balladur de 2007 , mises en œuvre suite à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, ont déjà renforcé les pouvoirs du parlement. Mais l’exécutif et le président restent très puissants. Alors, les propositions du rapport Bartolone-Winock se situent dans la continuité des observations déjà faites pour relancer la dynamique parlementaire, voire des attentes déçues de l’opinion publique – plus de démocratie participative et demande de renouvellement du personnel politique. 
Certaines sont relativement attendues – indépendance de la justice, référendum d’initiative minoritaire. D’autres sont fort techniques et difficilement explicables, constituant des ajustements peu visibles pour le commun, mais comme souvent, suscitant de vifs affrontements entre praticiens : débats sur la dose de proportionnelle, la diminution du nombre de parlementaires, l’amélioration du contrôle parlementaire (le Sénat et le CESE fusionnés deviennent des évaluateurs) ; et que dire des propositions relatives à la procédure législative si complexe – adoption obligatoire des amendements en commission et possibilité parlementaire de créer des dépenses, ou encore renforcement des droits de l’opposition ? N'en découlera pas un rééquilibrage significatif des pouvoirs. 
Septennat ou conservation de la Ve ?
En fait, les recommandations de rénovation les plus saillantes sont : la fin du quinquennat et le retour au septennat, mais cette fois non renouvelable, ainsi que de nouvelles dispositions de limitation du cumul des mandats dans la durée – trois élections successives à l’Assemblée, pas plus. Le président, toujours élu au suffrage universel direct, deviendrait davantage un arbitre hors du jeu, capable de garantir les grandes orientations… Assez rapidement, il deviendrait surtout inerte : le septennat non renouvelable est le meilleur moyen de transférer en douceur, le pouvoir exécutif au premier ministre. 
Il semble pourtant utile de conserver un président actif, tout en restaurant la légitimité spécifique du chef du gouvernement et de l’Assemblée nationale. En effet, les électeurs tiennent à une élection présidentielle attribuant des pouvoirs importants à un acteur central. Une autre proposition visible consisterait à établir un mandat de six ans, renouvelable une fois pour le président et de quatre pour les députés. À leur sujet, contrairement aux affirmations du rapport, ils ne sont pas trop nombreux. Avec moins de députés, la circonscription électorale augmenterait en taille, le lien de proximité territorial disparaissant. Or la fin du cumul entre mandat parlementaire et exécutif local après 2017 va déjà l’entamer. Autrement dit, l’enjeu n’est pas d’avoir 400 députés plutôt que 577, mais de leur confier un mandat un peu plus court, les obligeant à rendre plus souvent des comptes.

Un pouvoir présidentiel plus responsable

La conservation d’un président actif dans les domaines des missions de l’art. 5 de la Constitution, doit s’appuyer sur plus de responsabilités. Mais au rebours de recommandations semblant fades, pourraient y contribuer avec vigueur : l’arythmie retrouvée des mandats entre président et députés, qui rouvre des possibilités de cohabitation (responsabilité indirecte) ; et un regain rendu obligatoire de la pratique référendaire, valant test direct de responsabilité présidentielle, à condition d’en garantir préalablement la constitutionnalité.
Ceci n’empêche en rien, comme le souhaite le rapport, d’instaurer par ailleurs, un vrai référendum d’initiative populaire, ou encore un référendum d’initiative régionale… L'étude a donc le mérite d’alimenter le débat. Mais pour ne pas décevoir, ce dernier doit au-delà de mesures techniques sur lesquelles les spécialistes s’accordent à peu près, revenir de façon tranchée et participative sur le déséquilibre qu’a instauré le quinquennat.

Olivier Rouquan / chercheur associé, enseignant




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