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septembre 08, 2025

Entre évolution et expression totalitaire - Cash vs CB.....NUm ! L’Euro numérique....


Le capitalisme de connivence étatique s'allie totalement avec les banques. Bientôt, vous ne pourrez plus sortir plus de 200 euros, d'acheter de la bonne viande de boeuf, pas bien pas écolo....etc !
N'ayez crainte l'État nounou vous protège !
 

L’Euro numérique : vers un contrôle total de l’argent ?

Dans un monde marqué par des tensions géopolitiques, des instabilités économiques et des débats sur la préservation des libertés, un projet discret mais révolutionnaire émerge : les monnaies numériques de banque centrale (MNBC), ou Central Bank Digital Currencies (CBDC) en anglais. L’euro numérique, piloté par la Banque centrale européenne (BCE), s’inscrit dans cette tendance mondiale. Selon un sondage de la Banque des Règlements Internationaux (BRI) réalisé en 2023 auprès de 86 banques centrales, 94 % d’entre elles explorent déjà une MNBC. En mai 2020, seulement 35 pays s’y intéressaient ; quatre ans plus tard, en mai 2024, ce sont 134 pays, représentant 98 % du PIB mondial, qui sont engagés dans ce domaine. Cette accélération n’est pas anodine : elle répond à la concurrence des cryptomonnaies privées et vise à maintenir la souveraineté monétaire face à une fragmentation potentielle des moyens de paiement.

Ces MNBC, contrairement aux cryptomonnaies décentralisées comme le Bitcoin, sont émises et garanties par une banque centrale, offrant une stabilité similaire à un stablecoin mais avec un contrôle centralisé.

Le projet initial de Facebook (Libra, rebaptisé Diem) a accéléré les efforts des banques centrales, craignant une perte d’hégémonie. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a confirmé cette « course contre la montre » face à la montée des stablecoins comme l’USDT ou l’USDC, lors d’un entretien en 2024. Bien que présentées comme un complément aux espèces, ces monnaies soulèvent des inquiétudes sur la confidentialité et le contrôle des transactions.

Contexte mondial des MNBC : une tendance massive

À l’échelle globale, les MNBC se déclinent en deux catégories principales :

  • les MNBC de gros (wholesale), destinées aux institutions financières pour optimiser les règlements interbancaires, et
  • les MNBC de détail (retail), accessibles au grand public pour les paiements quotidiens.

Selon la BRI, les projets varient en architecture, infrastructure, accès et interconnexion, mais aucun n’offre un accès totalement anonyme. Trois pays ont déjà lancé des MNBC opérationnelles : les Bahamas (Sand Dollar, octobre 2020), la Jamaïque (Jam-Dex, juillet 2022) et le Nigeria (eNaira, octobre 2021). Ces initiatives font face à des défis d’adoption et de confidentialité, avec une utilisation limitée en 2025.

La Chine mène la danse avec son e-CNY (yuan numérique), en phase avancée depuis 2020, avec un volume de transactions atteignant 7 billions de yuans (environ 837 milliards €) en juin 2024. En 2025, la Chine continue d’étendre son utilisation internationale, promouvant un système multipolaire. D’autres pays avancent : le Brésil (Drex) et l’Inde (Digital Rupee) prévoient un lancement fin 2024, tandis que le Japon et la Russie visent 2026, comme l’UE. Aux États-Unis, en revanche, l’opposition est forte : le public et le Congrès s’y opposent, et un décret exécutif de janvier 2025 interdit explicitement un dollar numérique fédéral, renforçant la législation anti-CBDC.

Avancées techniques et fonctionnalités programmables

Récemment, la BCE a lancé une plateforme d’innovation pour explorer les potentialités de l’euro numérique. Près de 70 acteurs du marché, incluant des fintech, des start-ups, des universités et des banques, ont participé à une première phase d’expérimentation. Les résultats, publiés fin septembre 2025, mettent en avant des applications qui pourraient stimuler l’innovation dans les systèmes de paiement et favoriser l’inclusion financière. Parmi les fonctionnalités testées, les paiements conditionnels se distinguent : ces transactions automatisées s’exécutent uniquement si des critères prédéfinis sont remplis. Bien que présentés comme un moyen d’améliorer la vie quotidienne des Européens, ces mécanismes ouvrent la porte à des contrôles potentiels sur les dépenses, évoquant des systèmes de crédit social.

La programmabilité des MNBC amplifie ces risques : il serait possible de restreindre les usages à certains produits, d’imposer des critères d’éligibilité ou même de fixer une date d’expiration aux fonds, forçant la consommation et limitant l’épargne.

Une seconde phase d’expérimentation est annoncée, avec des résultats attendus au premier semestre 2026. Ces tests confirment également d’autres aspects préoccupants, comme les prélèvements automatiques facilités pour les impôts ou les services publics, rendant obsolètes les avis d’imposition traditionnels. De plus, la fermeture de comptes pourrait devenir plus rapide et aisée, renforçant le pouvoir des autorités centrales sur les finances individuelles ou les saisies de comptes pour raisons politiques.

Retards et résistances : une bonne nouvelle pour les opposants ?

Initialement prévu pour 2027, le déploiement de l’euro numérique est désormais repoussé à 2028, voire 2029.

Ce délai, regretté par le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, dans une interview récente, s’explique par des débats au Parlement européen et des oppositions de banques privées. Ces institutions craignent une concurrence directe avec la BCE, qui gèrerait les comptes sans intermédiaires. Le citoyen changerait alors de maître (État ou banques), mais serait toujours perdant.
Mais au-delà des enjeux économiques, une mobilisation citoyenne grandissante informe le public sur les risques, contribuant à ce ralentissement. 

Cette résistance s’organise autour de la défense de l’argent liquide, perçu comme un rempart contre la surveillance. Des pétitions nationales circulent pour constitutionnaliser son existence et s’opposer à l’euro numérique. Parallèlement, des manifestations sont prévues appelant à une sortie de l’euro et de l’Union européenne pour restaurer la souveraineté monétaire.

Le modèle chinois : un avertissement ?

La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a récemment loué le modèle chinois de monnaie numérique, affirmant qu’une MNBC bien conçue bénéficie à tous les citoyens. En Chine, où le yuan numérique est largement adopté, les pièces et billets ont presque disparu en une décennie.

Les innovations incluent des paiements biométriques, comme scanner la paume de la main pour régler des achats, même sans téléphone.

Ce système, pratique pour certains, illustre une perte totale de confidentialité : le corps devient un outil de paiement, et l’argent peut expirer après une date fixée par les autorités, forçant la consommation et limitant l’épargne.

Liens avec les quotas carbone et contrôles

De plus, des liens avec des quotas carbone personnels sont explorés. Une étude de la Commission européenne de mars 2025 examine l’intégration de crédits CO2 dans l’euro numérique, conditionnant les achats à un bilan environnemental. Imaginez un refus d’achat de viande ou d’essence si votre quota est dépassé – un scénario qui n’est plus de la science-fiction.

Liens avec l’identité numérique et la censure

L’euro numérique ne s’isole pas : il s’intègre au portefeuille européen d’identité numérique, permettant de croiser des données comme le statut vaccinal ou les émissions carbone avec les transactions.

Ajoutez à cela des réglementations comme le DSA (Digital Services Act) ou le futur « chat control« , qui autorisent la surveillance des messages privés sur les réseaux sociaux et applications de messagerie. Aucun eurodéputé français n’a voté contre le DSA, trahissant ainsi la liberté d’expression. Ensemble, ces outils pourraient pénaliser les citoyens pour leurs opinions, en limitant l’accès à leur argent – une forme de crédit social à l’européenne.

Des suspicions émergent même sur des incidents orchestrés pour accélérer l’adoption. La BCE a récemment affirmé que l’euro numérique résisterait à des perturbations majeures, comme des cyberattaques ou des pannes de réseau, citant des exemples récents en Europe. Ces déclarations pourraient-elles masquer une volonté de créer des crises pour justifier une transition forcée ?

Alternatives et solutions pour préserver la confidentialité

Face à ces menaces, des alternatives émergent. Le projet Hamilton du MIT propose une plateforme open-source pour les MNBC, favorisant la transparence et la collaboration internationale. Des banques comme celles du Canada et d’Angleterre y participent déjà. Cela pourrait atténuer les craintes de surveillance en rendant le code accessible et modifiable. De plus, promouvoir les cryptomonnaies comme outil de liberté, tout en interdisant les MNBC via des décrets nationaux, à l’image de celui signé par Donald Trump en janvier 2025 contre le dollar numérique.

En France, les oppositions sont majoritairement portées par les partis souverainistes et « d’extrême droite », qui y voient un outil de surveillance et de perte de souveraineté. Les partis de gauche et centristes sont plus nuancés ou favorables avec parfois des conditions. Peu de partis ont une position explicitement détaillée dans leurs programmes officiels, et les sites visités montrent souvent un manque de contenu dédié.

Vers une mobilisation citoyenne

En somme, l’euro numérique et les MNBC globales représentent un pas vers un contrôle accru sur l’argent et la vie privée. Pour préserver les libertés, il est essentiel de s’informer, de signer des pétitions (si possible officielles), de manifester et de payer en liquide au quotidien. La résistance monte, et avec elle, l’espoir de freiner cette évolution dystopique, en favorisant des solutions ouvertes et respectueuses de la confidentialité.

https://multipol360.com/leuro-numerique-vers-un-controle-total-de-largent/
 
 

 
 Le blackout bancaire : symptôme d’un système bancaire français fragile et dangereux
Le samedi 30 août 2025, la France a vécu un avant-goût du chaos financier : une panne informatique majeure, qualifiée de « blackout bancaire » , https://actu.fr/.../panne-geante-dans-plusieurs-banques... a paralysé les systèmes de paiement de plusieurs grandes banques pendant environ deux heures. Des millions de clients, principalement du Crédit Mutuel Alliance Fédérale (incluant CIC et Monabanq), mais aussi de la Société Générale, de la Caisse d’Épargne et d’autres, se sont retrouvés incapables d’effectuer des retraits ou des paiements par carte. Ce dysfonctionnement, survenu autour de 17h20 et résolu vers 19h30, a semé la panique dans les supermarchés, stations-service et parkings, forçant les gens à abandonner leurs achats ou à recourir à des espèces qu’ils n’avaient pas forcément sur eux. Plus de 5.000 signalements ont été enregistrés sur des plateformes comme DownDetector, https://downdetector.fr/ témoignant d’une frustration massive relayée sur les réseaux sociaux, où des vidéos virales montraient des files d’attente interminables et des clients furieux. 
 
Une vulnérabilité scandaleuse au cœur d’un système aux profits colossaux
Comment est-il possible qu’en 2025, avec des chiffres d’affaires faramineux – le Crédit Mutuel seul gère 14 millions de clients et des milliards d’euros de transactions annuelles – les banques françaises ne parviennent pas à maintenir des serveurs sécurisés ? Ce « dysfonctionnement interne » lié à une mise à jour informatique a bloqué les vérifications de soldes, entraînant des refus systématiques de paiements.
Les excuses laconiques des banques, affirmant que l’incident n’est « pas inédit » dans le secteur, ne masquent pas l’évidence : malgré leurs bénéfices records (des dizaines de milliards d’euros cumulés pour les grands groupes), ces institutions priorisent les dividendes aux actionnaires plutôt que les investissements en infrastructures résilientes.
Ce blackout révèle une fragilité structurelle : dans une économie où plus de 80 % des transactions sont numériques, un simple bug peut plonger des millions de citoyens dans l’impuissance. Les experts appellent à plus de cybersécurité et de redondance, mais les faits parlent d’eux-mêmes : les banques françaises, obnubilées par la rentabilité, négligent la robustesse de leurs systèmes, exposant les Français à des risques inutiles.
 

 
 L’épée de Damoclès : la suppression de l’argent liquide et la surveillance généralisée
Cet incident n’est pas isolé ; il s’inscrit dans une tendance alarmante vers la disparition progressive de l’argent liquide, brandie comme une « modernisation » mais qui masque une épée de Damoclès sur la tête des Français. Des contenus viraux sur les réseaux sociaux lient déjà ce blackout à un « Grand Reset » financier, où la suppression du cash pave la voie à un contrôle total https://www.youtube.com/watch?v=ekTH0C3cs8s via l’euro numérique programmable (CBDC). Imaginez : sans espèces, chaque dépense est tracée, surveillée et potentiellement bloquée par des algorithmes. L’euro numérique, en phase de préparation jusqu’en octobre 2025 par la Banque centrale européenne (BCE), promet une « monnaie programmable » où les autorités pourraient limiter les usages – par exemple, interdire des achats jugés « non essentiels » ou imposer des taxes automatiques. Bien que la BCE démente toute programmation intrusive, les craintes de surveillance massive persistent, avec des risques de profilage des citoyens basé sur leurs habitudes de consommation.
Ce blackout démontre que sans cash, un bug ou une décision politique pourrait priver les gens de leur argent en un claquement de doigts, transformant la société en un vaste système de contrôle.
 
La raréfaction des distributeurs et la mutualisation : vers une dépendance totale au numérique
Pire encore, cette vulnérabilité s’accompagne d’une raréfaction accélérée des distributeurs automatiques de billets (DAB). En 2024, la France a perdu https://www.lefigaro.fr/.../la-france-a-encore-perdu-plus... plus de 1.500 DAB, portant leur nombre à 42.578 – une baisse de 3,5 % en un an et de 15 % en cinq ans. Dans les zones rurales et certaines villes, trouver un DAB devient une quête, forçant les mairies https://www.franceinfo.fr/.../distributeurs-de-billets... à se substituer aux banques pour installer des automates. Cette diminution, justifiée par la baisse des retraits et la rentabilité déclinante, accélère la transition vers le tout-numérique, rendant les espèces de plus en plus inaccessibles.
Ajoutez à cela la mutualisation via Cash Services, https://www.cash-services.fr/fr/index.html l’alliance lancée en 2025 entre BNP Paribas, Crédit Mutuel Alliance Fédérale (et CIC) et Société Générale. Ce réseau commun de DAB vise à déployer 7.000 sites d’ici 2026, permettant des retraits gratuits pour leurs clients, mais il masque une concentration du pouvoir : moins de DAB indépendants, plus de dépendance à un système unifié et vulnérable. Ce partenariat, accéléré en 2025, réduit les coûts pour les banques mais expose les usagers à des pannes généralisées, comme celle du 30 août, où même les réseaux mutualisés pourraient flancher.
 

 
 La monnaie, outil effroyable d’asservissement des peuples
Ce blackout bancaire n’est pas un accident isolé ; c’est un avertissement. La monnaie, autrefois symbole de souveraineté nationale, est devenue un outil effroyable pour asservir les peuples.
En supprimant le cash au profit d’un euro numérique programmable, les élites bancaires et européennes imposent une surveillance totale, érodant la liberté individuelle et la souveraineté des nations.
Les Français, déjà fragilisés par un système bancaire défaillant, risquent de perdre tout contrôle sur leur argent, transformés en sujets d’un régime financier orwellien. Il est temps de résister : défendez les espèces, refusez la CBDC, et réclamez une monnaie au service du peuple, pas de son oppression.
 

 

mai 03, 2015

Une gestion du risque pour une socièté qui vire aux risques!

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Nous allons vers une socièté du risque...; Mais ne l' a t-elle jamais été?

Pour tenter d’y voir un peu plus clair, on ne saurait trop conseiller la lecture de La société du risque, l’ouvrage majeur du sociologue allemand Ulrich Beck, dont la traduction française vient de paraître aux éditions Aubier. Rédigé en l986, juste après la catastrophe de Tchernobyl, il a déjà conquis un large public au Canada, aux Etats-Unis et en Europe du Nord.

Voici sa thèse centrale : après une « première modernité », qui prit son essor aux XVIIIe siècle, domina le XIXe et s’achève aujourd’hui, nos sociétés occidentales seraient entrées dans une deuxième phase, marquée par une prise de conscience des risques engendrés en son propre sein par le développement, puis la mondialisation des sciences et des techniques. C’est tout à la fois l’opposition frontale, mais aussi les liens secrets qu’entretiennent ces « deux modernités » qu’il faudrait d’abord comprendre pour saisir la situation radicalement nouvelle dans laquelle est plongée l’Occident le plus avancé. Arrêtons-nous un instant à ce diagnostic. Il en vaut la peine.


Une première modernité, encore « tronquée » et « dogmatique » .

Elle se caractérisait par quatre traits fondamentaux, indissociables les uns des autres.

D’abord une conception encore autoritaire et dogmatique de la science : sûre d’elle-même et dominatrice à l’égard de son principal objet, la nature, elle prétendait, sans le moindre doute ni esprit d’autocritique, rimer avec émancipation et bonheur des hommes. Elle leur faisait promesse de les affranchir de l’obscurantisme religieux des siècles passés, et de leur assurer d’un même mouvement les moyens de se rendre, selon la fameuse formule cartésienne, « comme maîtres et possesseurs » d’un univers utilisable et corvéable à merci pour réaliser leur bien-être matériel.

Solidement ancrée dans cet optimisme de la science, l’idée de progrès, définie en termes de liberté et de bonheur, s’inscrivait très logiquement dans les cadres de la démocratie parlementaire et de l’Etat-nation . Science et démocraties nationales allaient de pair : ne va-t-il pas de soi que les vérités dévoilées par la première sont, à l’image des principes qui fondent la seconde, par essence destinés à tous ? Comme les droits de l’homme, les lois scientifiques possèdent une prétention à l’universalité : elles doivent, du moins en principe, être valables pour tous les être humains, sans distinction de race, de classe ni de sexe.

Dès lors, l’affaire majeure des nouveaux Etats-Nations scientifico-démocratiques était la production et le partage des richesses. En quoi leur dynamique était bien, comme l’avait dit Tocqueville, celle de l’égalité ou, si l’on préfère les formulations marxiennes, de la lutte contre les inégalités. Et dans ce combat difficile mais résolu, la confiance en l’avenir était de rigueur de sorte que la question des risques s’y trouvait très largement reléguée au second plan.

Enfin, les rôles sociaux et familiaux étaient encore figés, voire naturalisés : les distinctions de classe et de sexe, pour ne rien dire des différences ethniques, bien que fragilisées en droit et problématiques en principe, n’en demeuraient pas moins de facto perçues comme intangibles. On parlait alors de La civilisation au singulier, comme s’il allait de soi qu’elle était d’abord européenne, blanche et masculine.

Sur ces quatre points, la seconde modernité va entrer en rupture avec la première. Mais elle va le faire, non par l’effet d’une critique externe, en s’appuyant sur un modèle social et politique nouveau, mais au contraire par l’approfondissement de ses propres principes.


Une seconde modernité, qui accomplit la première en se retournant contre elle : la naissance de « l’auto-réflexion » ou l’avènement de la « société du risque »
.

Du côté de la science tout d’abord, et de ses rapports avec la nature, le XXe siècle finissant est le lieu d’une véritable révolution : ce n’est plus aujourd’hui la nature qui engendre les risques majeurs, mais la recherche scientifique, ce n’est donc plus la première qu’il faut dominer, mais bien la seconde, car pour la première fois dans son histoire, elle fournit à l’espèce humaine les moyens de sa propre destruction. Et cela, bien entendu, ne vaut pas seulement pour les risques engendrés, à l’intérieur des sociétés modernes, par l’usage industriel des nouvelles technologies, mais tout autant pour ceux qui tiennent à la possibilité qu’elles soient employées, sur le plan politique, par d’autres que nous. Si le terrorisme inquiète davantage aujourd’hui qu’hier, c’est aussi, sinon exclusivement, parce que nous avons pris conscience du fait qu’il peut désormais – ou pourra bientôt – se doter d’armes chimiques, voire nucléaires redoutables. Le contrôle des usages et des effets de la science moderne nous échappe et sa puissance débridée inquiète.

Du coup, face à ce « procès sans sujet » d’une mondialisation qu’aucune « gouvernance mondiale » ne parvient à maîtriser, le cadre de l’Etat-nation, et, avec lui, des formes traditionnelles de la démocratie parlementaire, paraît étrangement étriqué, pour ne pas dire dérisoire. Le nuage de Tchernobyl ne s’arrête pas, par quelque miracle républicain, aux frontières de la France. De leur côté, les processus qui commandent la croissance économique ou les marchés financiers n’obéissent plus au dictat de représentants du peuple désormais bien incapables de tenir les promesses qu’ils voudraient lui faire. De là, bien sûr, le succès résiduel de ceux qui entendent nous convaincre, à l’image de nos néo-républicains, qu’un retour en arrière est possible, que la vieille alliance de la science, de la nation et du progrès n’est qu’affaire de civisme et de « volonté politique » : on aimerait tant y croire qu’un coefficient non négligeable de sympathie s’attache inévitablement à leurs propos nostalgiques…

Face à cette évolution des pays les plus développés, la question du partage des richesse tend à passer au second plan. Non qu’elle disparaisse, bien sûr, mais elle s’estompe devant les nécessités nouvelles d’une solidarité devant des risques d’autant plus menaçants qu’étant mondialisés, ils échappent pour une large part aux compétences des Etats-Nations comme à l’emprise réelle des procédures démocratiques ordinaires.

Enfin, sous les effets d’une auto-critique (auto-réflexion) désormais généralisée, les anciens rôles sociaux sont remis en question. Déstabilisés, ils cessent d’apparaître comme inscrits dans une éternelle nature, ainsi qu’en témoignent de manière exemplaire les multiples facettes du mouvement de libération des femmes.



On pourrait bien sûr compléter et discuter longuement ce tableau. Il mériterait sans nul doute plus de détails et de couleurs. Son intérêt n’en est pas moins considérable si l’on veut bien admettre qu’il tend à montrer de façon convaincante comment la « seconde modernité », malgré les contrastes et les oppositions qu’on vient d’évoquer, n’est rien d’autre en vérité que l’inéluctable prolongement de la première : si les visages traditionnels de la science et de la démocratie républicaines sont aujourd’hui fragilisés, ce n’est pas simplement par « irrationalisme », ni seulement par manque de civisme, mais paradoxalement, par fidélité aux principes des Lumières. Rien ne le montre mieux que l’évolution actuelle des mouvements écologistes dans les pays qui, contrairement au nôtre, possèdent déjà une longue tradition en la matière – au Canada et en Europe du nord par exemple : les débats sur le principe de précaution ou le développement durable y recourent sans cesse davantage à des arguments scientifiques ainsi qu’à une volonté démocratique affichée. Dès lors qu’on distingue deux modernités, il nous faut aussi apprendre à ne plus confondre deux figures bien différentes de l’anti-modernisme : la première, apparue avec le romantisme en réaction aux Lumières, s’appuyait sur la nostalgie des paradis perdus pour dénoncer les artifices de l’univers démocratique, elle soulignait la richesse des sentiments et des passions de l’âme, contre la sécheresse de la science. Un bonne part de l’écologie contemporaine y puise sans doute encore ses racines. Mais une autre s’en est émancipée : si elle remet en question la science et la démocratie d’Etat-Nation, c’est au nom d’une scientificité et d’un idéal démocratique élargis aux dimensions du monde et soucieux de pratiquer l’introspection. Autrement dit, c’est désormais à l’hyper-modernisme et non à l’esprit de réaction, que les principales critiques du monde moderne s’alimentent. Ce constat, s’il est juste, emporte une conséquence décisive : la société du risque, fondée sur la peur et l’auto-réflexion, n’est pas derrière nous, mais bel et bien devant, elle n’est pas un archaïsme, une survivance des anciennes figures de la résistance au progrès, mais son dernier avatar.

Voici le paradoxe auquel nous confrontent ces deux analyses : d’une part, il nous faut plus que jamais peut-être, envisager sérieusement de donner un contenu concret à l’idée de développement durable. D’un autre côté, cependant, ses conditions de possibilités semblent bien problématiques au sein d’un univers mondialisé où le contrôle exercé par les êtres humains sur leur propre destin tend à se réduire comme une peau de chagrin. Voilà, il me semble, la contradiction cruciale qu’il nous faudra apprendre à résoudre au cours du siècle que nous venons d’inaugurer.
 
Ulrich Beck




  

 Source: provient de mes blogs Lumières et Liberté et Humanitas via

Une gestion du risque pour une socièté qui vire aux risques!

 

Hommage:

Le sociologue allemand Ulrich Beck, à qui l'on doit notamment le concept de la « société du risque », est décédé le 1er janvier d'un infarctus, à l'âge de 70 ans. Né le 15 mai 1944 à Stolp, aujourd'hui Słupsk en Pologne, Ulrich Beck a grandi à Hanovre, mais a fait ses études supérieures à Munich, où il a étudié la sociologie, la psychologie et les sciences politiques.

L'année même de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en 1986, il publie son ouvrage majeur : La Société du risque (Aubier, 2001), qui connaîtra un succès mondial, mais ne sera traduit en français que quinze ans plus tard.

Pour lui, « la production sociale des richesses » est désormais inséparable de « la production sociale de risques ». L'ancienne politique de distribution des « biens » de la société industrielle doit donc être relayée par une politique de distribution des « maux » engendrés par cette société.

Comme le note le sociologue belge Frédéric Vandenberghe dans une Introduction à la sociologie cosmopolitique du risque d'Ulrich Beck, « confrontée aux conséquences de la politique d'industrialisation, la société industrielle devient “réflexive”, ce qui veut dire qu'elle devient un thème et un problème pour elle-même ». Une théorie qui a eu un impact important sur le mouvement écologiste allemand, qui a pris son essor dans les années 1980 et a été notamment influencé par la « seconde modernité » décrite par Ulrich Beck.

Lorsqu'Angela Merkel a annoncé en mars 2011, après la catastrophe de Fukushima, vouloir renoncer au nucléaire civil à l'horizon 2022, Ulrich Beck avait accepté de faire partie de la commission éthique chargée de réfléchir à la faisabilité d'un tel projet pour l'Allemagne.

« NON À L'EUROPE ALLEMANDE »
Ses réflexions sur le risque ont amené Ulrich Beck à remettre très tôt en question les Etats-nations, une notion qu'il qualifiait de « catégorie-zombie ». Il était en faveur d'un Parlement mondial, tout en soulignant les risques que cette mondialisation entraînait pour l'individu, de moins en moins protégé par des structures collectives et de plus en plus dépendant d'une réussite individuelle reposant notamment sur l'éducation et le savoir.

Pour Ulrich Beck, la construction européenne était une étape importante vers la voie de la mondialisation maîtrisée qu'il appelait de ses vœux. En 2010, avec notamment les députés européens Daniel Cohn-Bendit et Sylvie Goulard et l'ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt, il faisait partie du groupe Spinelli, qui plaidait pour une Europe fédérale.

Avec le philosophe Jürgen Habermas, dont il était proche, Ulrich Beck était l'un des intellectuels allemands les plus engagés ces dernières années dans le combat européen. Les titres de deux de ses derniers ouvrages, Pour un empire européen et Non à l'Europe allemande, en témoignent.

Ulrich Beck aimait mettre en avant les cours qu'il avait donnés à la London School of Economics et à la Maison des sciences de l'homme à Paris. Ne détestant pas la polémique, Ulrich Beck s'en était violemment pris ces dernières années à Angela Merkel, fustigeant l'attentisme de la chancelière. Il avait créé le néologisme Merkiavel, qui allait faire florès dans toute l'Europe.

Frédéric Lemaître  du Monde

novembre 09, 2014

LES COMMUNAUTARIENS CONTRE LA MODERNITE avec André BERTEN

L'Université Liberté, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Libéraux et libertariens
Commençons par une petite élucidation de vocabulaire. Il faut se rendre compte que le débat entre les libéraux et les communautariens aux Etats-Unis s’est surajouté à un débat préalable entre libéraux et libertariens. Les libéraux (« liberals ») aux Etats-Unis constituent une position centriste et relativement égalitariste qui est née du New Deal. La figure exemplaire du libéralisme à l’américaine est John Rawls et son ouvrage A Theory of Justice, (1971). Si les libéraux maintiennent une priorité radicale aux droits et aux libertés, ils adoptent malgré tout des positions sociales différentes de celles adoptées par exemple par Robert Nozick. Une des premières réactions à la Théorie de la Justice a été libertarienne, exprimée par Nozick dans son livre Anarchie, Etat et Utopie (1974) qui joignait une forme de libéralisme politique, qui est une vieille tradition américaine, avec les formes de libéralisme économique les plus fortes, celles que l’on trouve chez Hayek ou chez Friedman. Cette caractéristique distingue les libertariens des libéraux. D’ailleurs, par certains aspects, ce courant libertarien correspond mieux à ce qu’on entend par libéraux en France. Donc, il ne faut pas se tromper lorsqu’on envisage le débat entre libéraux et communautariens. La première attaque contre les grands libéraux, Rawls, Dworkin..., a été d’abord une attaque que l’on dit de « droite », en tout cas, elle fut instiguée par les libertariens. Il y a eu d’autres attaques qui venaient des radicaux de gauche, par exemple du marxisme analytique. 

Le débat communautarien se situe de façon tout à fait différente ; Alain de Benoist l’a très bien présenté. Les thèses des communautariens étaient nouvelles, au moins aux Etats-Unis, parce que Rawls a écrit la Théorie de la Justice contre l’utilitarisme et donc contre l’idée que la croissance économique fournissait une sorte de bien-être moyen et que, de ce point de vue, le problème des inégalités et celui du respect absolu des libertés n’étaient pas très importants. Or les attaques communautariennes qui ont, me semble t-il, des résonances avec des traditions avec lesquelles nous sommes plus familiers sur le Continent, avaient une toute autre teneur. Il y a quatre principaux auteurs communautariens : Michael Sandel, Alasdair McIntyre (auteur de Après la vertu et de Quelle justice ? Quelle rationalité ? ), Charles Taylor et Michael Walzer. Outre ses représentants qui ont lancé le mouvement communautarien dans les années 80, il y a toute une nébuleuse de penseurs autour des communautariens. Je dirais de façon presque caricaturale que tout sociologue est communautarien d’une certaine façon, car les idées développées par Sandel sur le fait qu’il y a un certain conditionnement social et culturel des individus, est quelque chose de tout à fait évident et incontestable, mais qui à mon avis n’invalide pas un certain nombre de thèses libérales. 

Par exemple, Robert Bellah et toute son équipe ont défendu, aux Etats- Unis, des thèses sociologiques très proches des thèses communautariennes, bien avant les communautariens eux-mêmes. Des penseurs politiques qui nous sont plus familiers comme Hannah Arendt ou Leo Strauss, traduits en français depuis bien longtemps, ont aussi pas mal d’accointances avec le courant communautarien. Des philosophes néo-aristotéliciens - je pense à Hans Jonas ou Gadamer en Allemagne, et Ricoeur en France - sont également proches de cette pensée. Ricoeur, dans l’ouvrage Soi-même comme un autre, présente ainsi les différents moments de l’éthique et de la morale. Il reconnaît, avec les libéraux, qu’il faut certainement tenir compte des règles morales qui ont une prétention universelle, par exemple la formulation de droits que l’on trouve chez Kant et dans le kantisme, ou dans le libéralisme de John Rawls. Mais, en dernière instance, c’est une éthique du bien commun qui doit surmonter les apories du libéralisme. Donc, je n’hésite pas à placer Paul Ricoeur dans le courant communautarien. Ensuite, on trouve des auteurs républicains dans la tradition de Machiavel comme Quentin Skinner. 

Une critique de la Modernité 
Quel est le trait le plus commun à cette nébuleuse des communautariens? On ne peut les unifier que de façon négative. Ils manifestent une méfiance, et parfois une critique très radicale, vis-à-vis de la modernité et de certains de ses caractères, tels la rationalité ou la prépondérance donnée à l’individu rationnel, l’émergence de l’individualisme qui les choque, la différenciation des sphères comme par exemple la séparation radicale entre la morale et la politique, entre l’Eglise et l’Etat ; l’idée même de laïcité peut faire problème à un grand nombre de communautariens, de même que la liberté, les droits individuels, la méfiance à l’encontre de l’Etat que manifeste tout libéral. Tous ces éléments typiquement modernes ont suscité une critique communautarienne. On peut comprendre un certain nombre de réactions communautariennes, car si on fait une analyse de la modernité, il faut tenir compte aussi d’éléments pathologiques. La modernité n’est pas bien sûr positive à 100%. 

L’intérêt de l’attaque communautarienne est d’avoir mis le doigt sur un certain nombre d’insuffisances de la pensée libérale. Je ne pense pas qu’elle ait donné lieu à une déroute de cette dernière, loin de là. Mais je constate que les principaux tenants de la pensée libérale aux Etats-Unis ont, au cours du débat avec les communautariens, fait un chemin qui les font adopter aujourd’hui une position moyenne. Ils ont intégré un certain nombre des critiques communautariennes, répondu à beaucoup d’objections et dénoncé le fait que certaines critiques étaient déplacées et ne touchaient pas aux fondements du libéralisme. Mais ils ont concédé un certain nombre de choses. On pourrait le montrer chez Dworkin et Kymlicka. John Rawls est un bon exemple de cette évolution. La Théorie de la Justice de 1971 était un livre rigoureusement libéral au sens où les principes de justice affirmaient effectivement la priorité absolue des libertés et des droits fondamentaux par rapport à l’égalité des chances, ou à ce que Rawls appelait le « principe de différence », c’est-à-dire la nécessité de penser le développement économique en fonction aussi de l’avantage des plus mal-lotis d’après le principe visant à maximiser la situation des plus désavantagés. Or, son ouvrage de 1993, Political Liberalism (qui a été presque immédiatement traduit) présente de ce point de vue un certain nombre de concessions. La plus importante vise la définition même du libéralisme. 

Le libéralisme de John Rawls
Au fond, le libéralisme n’est pas une théorie abstraite, absolue, a- historique et sans fondements sociologiques. Rawls reconnaît que défendre les positions libérales, la neutralité de l’Etat et les droits absolus, n’a de sens que par rapport à une tradition, la tradition même du libéralisme. C’est une concession majeure à certaines thèses communautariennes. Certes, la tradition défendue par les libéraux se démarque de façon importante de la conception de la tradition qui est à la base des positions communautariennes. Les libéraux peuvent reconnaître que l’individu n’est pas un être souverain qui choisit absolument les valeurs auxquelles il va adhérer, ni un être absolument libre qui détermine sans présupposés le bien et la finalité qu’il vise. Néanmoins, le monde libéral s’est construit sur l’exigence normative de l’autonomie et de l’indépendance de l’individu, et cela constitue un trait spécifique de sa « tradition ». Il est alors très important de comprendre que si le monde libéral peut être un monde consistant qui a une substance réelle, c’est bien parce qu’il a fait la preuve dans l’histoire que l’exercice des valeurs libérales est aussi une forme de culture politique tout à fait viable. Rawls définit les citoyens de nos sociétés démocratiques libérales comme ayant deux pouvoirs moraux. Le premier pouvoir, dit-il, est la rationalité. Selon Rawls, un individu rationnel est celui qui possède les facultés de jugement et de délibération nécessaires à la recherche des fins et des intérêts qui lui sont particuliers (qui est capable de se former une conception du bien, de la réviser éventuellement ou d’en changer). Mais le second pouvoir est le sens de la justice : il qualifie l’individu comme raisonnable. La tradition libérale comporte ainsi une certaine conception de la justice (dont la « justice comme équité » de Rawls n’est qu’une conception possible). 

C’est pourquoi, par rapport aux conceptions communautariennes qui affirment que l’individu n’est pas un être absolument désincarné et désengagé, il me semble qu’on peut soutenir une position politique libérale qui pose que quels que soient les engagements et les enracinements de l’individu, l’Etat doit lui permettre, et non l’obliger, de changer ses options fondamentales. C’est l’idée qu’un individu peut se convertir ou abandonner la religion dans laquelle il a été élevé. C’est quelque chose qui doit lui être reconnu comme un droit fondamental, une possibilité reconnue politiquement. 

Je vais développer deux thèmes communautariens qui me semblent importants. Le premier concerne la morale et l’épistémologie politique ou la manière dont on conçoit les rapports entre le moral et le politique. L’autre point concerne la question sociologique. 

La théorie du contrat social
Du point de vue de la morale politique, la critique fondamentale des communautariens vise la conception de la société comme le résultat d’un contrat social. Or l’idéologie contractualiste oriente fondamentalement la pensée politique moderne. Tout penseur politique moderne d’une certaine façon est contractualiste. Cela ne veut pas dire que le contrat social a véritablement existé, mais que le modèle selon lequel on doit penser une société pluraliste est le modèle selon lequel les individus se mettent d’accord pour savoir le genre de société à mettre en oeuvre. Or, les communautariens soutiennent que cette fiction est nuisible parce qu’elle rend contingent et secondaire ce qui constitue véritablement les traditions. Le modèle vient de Descartes qui a dit que rien de ce qui lui a été enseigné par les Anciens n’a de valeur et qui recommence à zéro. Les communautariens soutiennent que le modèle libéral politique du contrat social pose qu’à tout moment on peut repenser la société à partir de rien. Ce n’est pas tout à fait faux bien sûr ; cependant, nous libéraux pensons la société à partir d’une tradition. 

Cela implique aussi me semble-t-il une épistémologie, c’est-à-dire une manière de concevoir le jugement politique. Les libéraux défendent l’idée que des arguments qui sont liés à des engagements philosophiques ou religieux ne sont pas des arguments qui doivent être dévéloppés pour constituer les règles de la société. Par exemple, les règles de justice ne doivent pas être justifiées à partir de nos croyances religieuses. Les communautariens estiment, eux, que la laïcité, entendue comme neutralité de l’Etat, est une sorte d’utopie ; non pas qu’il faille avoir un Etat intégriste, un mélange absolu entre l’Eglise et l’Etat, mais qu’il est impossible que n’interviennent pas dans le débat politique nos croyances les plus profondes. Donc cette séparation entre le moral et le politique qui est une des thèses des libéraux est une pure illusion qui ne peut être au fond que mensongère par rapport à ce qui est véritablement en jeu dans les débats. 

Je vais ajouter un élément qui concerne les questions anthropologiques et sociologiques. Un des reproches fondamentaux qui a été fait aux libéraux est celui-ci : les communautés, en tant que telles, ont une valeur. Si nous laissons la société fonctionner selon les règles de la liberté individuelle, c’est-à-dire selon les règles du marché, il y a de grandes chances pour qu’un certain nombre d’identités culturelles disparaissent, soit parce qu’elles sont minoritaires, soit parce qu’elles n’ont pas les moyens de se maintenir, ou encore parce que les règles du libre marché culturel ne se réfèrent pas à la valeur culturelle des groupes : elles sont de nature économique. La critique communautarienne défend l’idée que le libéralisme politique n’a pas d’autres méthodes pour valoriser les libertés que celle du marché. Par rapport à d’autres valeurs (religieuses, artistiques ou esthétiques, etc.), le marché est une méthode qui ne permet pas de préserver les entités culturelles spécifiques. 

 Par André BERTEN,



André Berten

https://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/etes/.../DOCH_006_(Berten).pdf
André Berten. HABERMAS CRITIQUE DE RAWLS. LA POSITION ORIGINELLE DU POINT DE VUE. DE LA PRAGMATIQUE UNIVERSELLE
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