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octobre 29, 2014

MONTESQUIEU

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Fondé sur la valorisation de l'individu et sur l'égalité juridique, l'idéal démocratique moderne émerge à l'aube du XVIIIe siècle d'une nouvelle conception de l'Homme: libre et doué de volonté autonome, celui-ci n'est plus soumis à la divine Providence. La liberté est définie comme une faculté inhérente à la personne humaine et se réalise pleinement à travers la reconnaissance de droits naturels, inaliénables et sacrés. Cette conception, qui ébranle la société d'ordres et de privilèges de l'Ancien Régime, est solennellement affirmée dans la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, qui proclame que «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit». 

Une doctrine libérale
Les grands principes d'organisation du pouvoir - fondés sur une définition restrictive du peuple, sur le système représentatif et sur le caractère exclusivement politique de la démocratie - auxquels se référaient les premières démocraties relèvent d'un large courant intellectuel issu de Locke et de Montesquieu.
 
Une démocratie parlementaire

Selon la doctrine de la démocratie libérale, le peuple souverain ne s'identifie nullement avec la réalité sociologique de l'ensemble des individus. En effet, dans le souci de n'accorder des droits politiques qu'à des individus jouissant d'une autonomie réelle, donc détachés des contraintes matérielles (tels les propriétaires ou les personnes payant un impôt) et des liens de dépendance sociale, les pères fondateurs des institutions américaines comme les révolutionnaires de 1789 vont prôner le suffrage censitaire. Si en France le suffrage universel masculin est admis dès 1848, les Etats-Unis n'ont renoncé qu'en 1964 au système des «poll-taxes», qui maintenait dans certains Etats un cens électoral. Par ailleurs, à la notion de «peuple», la doctrine libérale substitue celle de «nation», conçue comme un être abstrait, indépendant des contingences économiques et sociales (Sieyès). Erigée en souverain, la nation ne peut s'exprimer que par l'intermédiaire de représentants.
 

Dans le système de démocratie représentative adopté par les sociétés modernes, les citoyens n'exercent donc qu'indirectement le pouvoir. Par l'intermédiaire d'élections aux modalités diverses, ils désignent ceux qui seront chargés d'exprimer leur volonté. Les rapports entre les individus et le pouvoir sont ainsi médiatisés. Les représentants élus déterminent la loi imposée à tous. Dès lors, la démocratie libérale prend la forme d'une démocratie parlementaire, où tout un ensemble de mécanismes institutionnels - séparation des pouvoirs (conformément à la théorie de Montesquieu), soumission des gouvernants à la loi, élections libres, respect des droits de l'Homme - protège la société contre l'arbitraire du pouvoir.  
 

Une démocratie politique

Enfin, l'action du pouvoir libéral se limite à la sphère politique, qui est nettement dissociée du champ économique et social. Pour les libéraux, la démocratie a pour finalité de garantir l'épanouissement des droits inhérents à la personne humaine: le pouvoir doit assurer par des moyens légaux le respect des libertés afin que les relations sociales entre les individus, juridiquement égaux, se développent librement. Les individus ne doivent compter que sur eux-mêmes pour réaliser leur destinée. Contrairement à la démocratie américaine, très attachée dès sa naissance à la vie associative, au lendemain de l'Ancien Régime, caractérisé par ses corporations et ses confréries, les groupements et associations sont interdits en France. Mais les bouleversements socio-économiques du XIX e  siècle infléchiront considérablement la doctrine de la démocratie libérale. 

S'appuyant sur la méthode expérimentale, Montesquieu définit les lois comme des «rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses»; elles expliquent rationnellement les rapports constants de la création divine, de la physique, de la vie animale, mais aussi des hommes, même si la nature passionnée, l'ignorance et la liberté humaines conduisent à leur violation et à la révision des lois morales, politiques et civiles.
A la différence de Hobbes, Montesquieu croit à une sociabilité naturelle et considère qu'avec les sociétés commence la formation de lois positives, distinctes selon leurs objets: le droit des gens, qui règle les rapports des nations, le droit politique, qui établit les rapports entre gouvernants et gouvernés, et le droit civil, qui organise les rapports entre les citoyens. En énonçant des rapports, les lois inscrivent l'infinité des cas particuliers dans un système rationnel général. Elles sont ainsi relatives au physique d'un pays, à son climat, à ses mœurs, à son économie, à la religion qu'il pratique, aux valeurs, et, surtout, à la nature et au principe de son gouvernement. Cet ensemble de rapports forme l'«esprit des lois», qui doit être en harmonie avec la nature et la liberté humaines.  


Les systèmes de lois
Montesquieu reprend la traditionnelle typologie des régimes politiques - république, monarchie, despotisme - afin de définir leur nature, et surtout leur principe d'action, essentiel pour comprendre leurs systèmes de lois respectifs. Au sein du régime républicain, il distingue les formes démocratique et aristocratique selon que la souveraineté appartient à tous ou à quelques-uns. Le pouvoir monarchique est pratiqué en relation avec des lois fondamentales et à travers des corps intermédiaires. Le despotisme, quant à lui, est exercé par un seul pour son seul plaisir. Cette typologie permet d'établir une seconde distinction, nouvelle, entre les gouvernements républicain et monarchique, qui sont susceptibles d'être modérés, tandis que le régime despotique, contre nature, est déréglé. Plus que cette catégorisation, c'est la mise en évidence du «ressort» de chaque gouvernement qui est nouvelle. Le régime républicain a pour principe la vertu, qui rend compatible l'exercice de la souveraineté par le peuple et son obéissance; aussi modère-t-il le pouvoir des aristocrates. L'honneur est le principe de la monarchie parce qu'il forme et maintient distinctions et rangs sociaux. Enfin, limitant les ambitions des aristocrates et contraignant le peuple, la crainte est le principe du despotisme. La combinaison des natures et des principes des gouvernements rend possible la modération de la république et de la monarchie, et marque l'extrême dérèglement du despotisme, que seule la religion peut brider. Les gouvernements modérés doivent établir les lois nécessaires à la conservation de leurs principes contre le péril de leur corruption en despotisme. 

La liberté par la modération

La liberté politique, relative au rapport entre le citoyen et la Constitution, et la liberté civile, qui concerne le rapport entre le citoyen et les lois, forment l'objet essentiel de De l'esprit des lois. Affirmant que «tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser», Montesquieu tente de trouver les moyens par lesquels «le pouvoir arrête le pouvoir» et de garantir par là la liberté des citoyens. La Constitution de l'Angleterre, établie sur la séparation des pouvoirs, fournit un modèle de gouvernement modéré dont le but est la liberté. 
 

La distribution des pouvoirs
Montesquieu distingue le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, mais il attache aussi une importance capitale à la distribution des pouvoirs de l'Etat: pour éviter qu'une partie de la société ne craigne une autre partie, chacune d'elles doit disposer au moins d'un pouvoir; d'autre part, il convient d'établir des liens fonctionnels entre législatif, exécutif et judiciaire. C'est pourquoi chaque pouvoir aura une double faculté: celle de statuer et celle d'empêcher. Ainsi, aucun d'eux ne saurait statuer sans être en même temps empêché par le contrepoids de l'un des autres. En fait, c'est leur collaboration qui réalise la sécurité des hommes et qui les protège contre les abus du pouvoir.

Le libéralisme politique
Mais l'opposition inaugurée par Montesquieu entre pouvoir et liberté, qui fait de lui l'un des fondateurs du libéralisme politique, ne se réduit pas à la séparation des pouvoirs. Dans la lignée de Locke, il considère que la représentation politique offre «la meilleure espèce de gouvernement que les hommes aient pu imaginer». Exécutif et législatif forment deux partis parmi les citoyens libres et jaloux de leur indépendance. Pour conserver celle-ci, les citoyens équilibrent la puissance des deux partis. Ainsi placés dans une haine réciproque impuissante, les pouvoirs se maintiennent sans jamais nuire à la liberté. Le principe de modération se traduit dans ce modèle, d'une part, par la distribution des pouvoirs de l'Etat, d'autre part, par la représentation de citoyens libres. En recherchant «la tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté», qui définit la liberté politique, Montesquieu découvre la capacité des lois à garantir la liberté. 

La liberté de tous

Dans la conception libérale du magistrat, la liberté signifie le droit non pas de tout faire mais «de faire tout ce que les lois permettent; et si un citoyen pouvait faire ce qu'elles défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir». Inscrite dans la légalité, la liberté se définit négativement, par l'absence d'empiétement sur les libertés d'autrui. Elle est la conséquence non pas d'un régime politique spécifique mais de la modération des gouvernements qui règle la liberté d'indépendance et les excès du pouvoir. Montesquieu étudie donc avec une attention particulière les lois pénales et fiscales qui portent sur la situation du citoyen dans la vie civile et qui permettent au gouvernement d'assurer la liberté de tous.

L'esprit général d'une nationMontesquieu est autant un sociologue qu'un penseur politique et un philosophe de l'histoire. L'écrivain politique attribue une influence déterminante aux facteurs géographiques sur la mentalité d'une nation et sur l'esprit des lois. Il inaugure ainsi une théorie des climats et des terrains, selon laquelle les sociétés humaines varieraient en fonction de facteurs physiques dont les conséquences doivent être contrebalancées par les législateurs: les lois ont à lutter contre les tendances négatives générées par la chaleur ou le froid asiatiques, mais elles sont appelées à conserver les effets bénéfiques du climat tempéré. Montesquieu établit ainsi une opposition entre l'Asie et l'Europe, dont les climats respectifs font de la première le terrain d'élection de la servitude et de la seconde celui de la liberté.  

Cette hypothèse inédite, ancrée dans l'esprit des Lumières, selon laquelle les différences géographiques et le niveau d'exploitation des terres participeraient au degré de liberté des peuples, à l'évolution de leurs mœurs et à la formulation des lois civiles, s'inscrit dans une théorie, plus globale, de «l'esprit général d'une nation», que Montesquieu définit tout à la fois par «le climat, la religion, les lois, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les mœurs, les manières». 
 

L'économie

L'économie est un moyen fondamental des sociétés pour modérer le pouvoir politique. Ainsi, le commerce et la monnaie, bannis des sociétés despotiques mais favorisés par les gouvernements modérés, constituent une forme de communication entre les nations: ils adoucissent les mœurs et contribuent à la paix, dans la mesure où ils rapprochent les peuples en tenant compte de leurs intérêts réciproques.  
 

L'histoire et l'esprit des nations
Montesquieu, pour qui la grande diversité des lois et de la nature des gouvernements tient à la variété des faits sociaux qui les déterminent, est un philosophe de l'histoire, ni fataliste ni relativiste. Dans le tableau qu'il dresse de l'histoire des peuples, des institutions et des mœurs, l'ensemble des facteurs qui forment l'esprit général des nations obéit à une causalité rationnelle, déjà perceptible dans les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence. Selon lui, il règne un équilibre entre les diverses causes: « Quand les unes agissent avec force, les autres leur cèdent d'autant .» Aussi reconnaît-il aux hommes la capacité d'infléchir et de corriger toutes les tendances qui s'écartent du principe des gouvernements modérés et qui conduisent au despotisme.

Montesquieu

De Wikiberal
Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu est un philosophe et magistrat français du siècle des Lumières né le 18 janvier 1689 à la Brède (Gironde), et mort à Paris le 10 février 1755.
Certains ont voulu le réduire, à l'image d'un doctrinaire univoque du libéralisme, mais en fait il fut l'inspirateur le plus lucide avec John Locke des principes d'organisation politique et sociale sur lesquels nos sociétés modernes s'appuient.
« Dans une nation libre, il est très souvent indifférent que les particuliers raisonnent bien ou mal: il suffit qu'ils raisonnent; de là sort la liberté, qui garantit des effets de ces mêmes raisonnements ».
Il est le père de la théorie de la séparation des pouvoirs afin d'en neutraliser les abus. Montesquieu voit dans le législatif le pouvoir le plus susceptible d'abuser de son autorité. Toutefois, Montesquieu ne désirait rien d'autre que de voir évoluer la monarchie française vers le modèle britannique, alors que les pères fondateurs de la Révolution française (excepté Mounier) fuyaient au contraire ce modèle gangrené par la corruption
Fils de Jacques de Secondat, baron de Montesquieu (1654-1713) et de Marie-Françoise de Pesnel, baronne de la Brède (1665-1696), Montesquieu naît dans une famille de magistrats, au château de la Brède (près de Bordeaux) dont il porte d'abord le nom et auquel il sera toujours très attaché. Ses parents lui choisissent un mendiant pour parrain afin qu'il se souvienne toute sa vie que les pauvres sont ses frères[1].
Après une scolarité au collège de Juilly et des études de droit, il devient conseiller du parlement de Bordeaux en 1714. En 1715, il épouse à 26 ans Jeanne de Lartigue, une protestante issue d'une riche famille et de noblesse récente qui lui apporte une dot importante. C'est en 1716, à la mort de son oncle, que Montesquieu hérite d'une vraie fortune, de la charge de président à mortier du parlement de Bordeaux et de la baronnie de Montesquieu, dont il prend le nom. Délaissant sa charge dès qu'il le peut, il s'intéresse au monde et au plaisir.
À cette époque l'Angleterre s'est constituée en monarchie constitutionnelle à la suite de la Glorieuse Révolution (1688-1689) et s'est unie à l'Écosse en 1707 pour former la Grande-Bretagne. En 1715, le Roi Soleil Louis XIV s'éteint après un très long règne et lui succèdent des monarques plus faibles. Ces transformations nationales influencent grandement Montesquieu ; il s'y référera souvent.
Il se passionne pour les sciences et mène des expériences scientifiques (anatomie, botanique, physique...). Il écrit, à ce sujet, trois communications scientifiques qui donnent la mesure de la diversité de son talent et de sa curiosité : Les causes de l'écho, Les glandes rénales et La cause de la pesanteur des corps.
Puis il oriente sa curiosité vers la politique et l'analyse de la société à travers la littérature et la philosophie. Dans les Lettres persanes, qu'il publie anonymement (bien que personne ne s'y trompe) en 1721 à Amsterdam, il dépeint admirablement, sur un ton humoristique et satirique, la société française à travers le regard de visiteurs perses. Cette œuvre connaît un succès considérable : le côté exotique, parfois érotique, la veine satirique mais sur un ton spirituel et amusé sur lesquels joue Montesquieu, plaisent.
En 1726, Montesquieu vend sa charge pour payer ses dettes, tout en préservant prudemment les droits de ses héritiers sur celle-ci. Après son élection à l'Académie française (1728), il réalise une série de longs voyages à travers l'Europe, lors desquels il se rend en Autriche, en Hongrie, en Italie (1728), en Allemagne (1729), en Hollande et en Angleterre (1730), où il séjourne plus d'un an. Lors de ces voyages, il observe attentivement la géographie, l'économie, la politique et les mœurs des pays qu'il visite. Avant 1735, il avait été initié à la franc-maçonnerie en Angleterre[2].
De retour au château de la Brède, en 1734, il publie une réflexion historique intitulée Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, monument dense, couronnement de ses années de voyages et il accumule de nombreux documents et témoignages pour préparer l'œuvre de sa vie, De l'esprit des lois. D'abord publié anonymement en 1748 grâce à l'aide de Mme de Tencin, le livre acquiert rapidement une influence majeure alors que Montesquieu est âgé de 59 ans. Ce maître-livre, qui rencontre un énorme succès, établit les principes fondamentaux des sciences économiques et sociales et concentre toute la substance de la pensée libérale. Il est cependant critiqué, attaqué et montré du doigt, ce qui conduit son auteur à publier en 1750 la Défense de l'Esprit des lois. L'Église catholique romaine interdit le livre - de même que de nombreux autres ouvrages de Montesquieu - en 1751 et l'inscrit à l'Index (La partie religion avait été écrite au même titre que les autres). Mais à travers l'Europe, et particulièrement en Grande-Bretagne, De l'esprit des lois est couvert d'éloges.
Dès la publication de ce monument, Montesquieu est entouré d'un véritable culte. Il continue de voyager notamment en Hongrie, en Autriche, en Italie où il demeure un an, au Royaume-Uni où il reste 18 mois. Il poursuit sa vie de notable, mais reste affligé par la perte presque totale de la vue. Il trouve cependant le moyen de participer à l'Encyclopédie, que son statut permettra de faire connaître, et entame la rédaction de l'article Goût : 'il n'aura pas le temps de terminer, c'est Voltaire qui s'en chargera.
C'est le 10 février 1755 qu'il meurt d'une fièvre inflammatoire.


http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/fr/presentation/

Montesquieu possède une édition des œuvres latines de Hobbes (1668, Catalogue, no 1473) et les traductions françaises du De cive par Sorbière (1651, Catalogue, no 2394) et par Du Verdus (1660, no 2393). Nous ignorons s’il a lu ou consulté le Léviathan dans sa version anglaise. Montesquieu fréquente aussi le Droit de la nature et des gens, où Hobbes est très longuement cité, paraphrasé et critiqué par Pufendorf.

Du Traité général des devoirs (1725) à la Défense de l’Esprit des lois (1750), l’attaque est constante contre le « système terrible » de Hobbes (Défense) qui risque de « gâter » le lecteur comme ce fut le cas pour le duc d’Orléans (Spicilège, no 505). La critique explicite concerne les principes de la morale et du droit et se maintient sans changements significatifs de 1725 à 1748. Cependant certains thèmes essentiels de L’Esprit des lois (la différence entre le gouvernement despotique et le gouvernement monarchique, l’éloge de la modération politique, l’éclipse de la souveraineté, le refus de couper les hommes du reste de la nature) ouvrent des nouveaux fronts avec Hobbes ou tout au moins, puisqu’il n’est plus nommé, révèlent l’éloignement des deux auteurs.


Lecteur de Pufendorf, Montesquieu connaît la complexité des thèses de Hobbes sur les lois naturelles : Hobbes est moins « outré » que Spinoza (Pensées, no 1266 ; transcrit entre 1734 et 1739), il sait que les pactes doivent être observés (Pensées, no 224 ; antérieur à 1731). Pufendorf jouait de cette complexité pour écarter les thèses les plus sulfureuses, dissocier Hobbes de Spinoza et le réintégrer dans la tradition du droit naturel. Ce n’est pas le point de vue de Montesquieu : « beaucoup moins outré » que Spinoza, Hobbes « est, par conséquent, beaucoup plus dangereux » (Pensées, no 1266). Débarrassé de ses complexités, ramené à l’essentiel, Hobbes « me dit que la justice n’est rien en elle-même, qu’elle n’est autre chose que ce que les lois des empires ordonnent et défendent » (ibid.). De même, selon la relation par la Bibliothèque française de la communication faite par Montesquieu des premiers chapitres d’un Traité général des devoirs (OC, t. VIII, p. 429-439), « l’auteur, dans les chapitres iv et v, fait voir que la justice n’est pas dépendante des lois humaines […] Cette question conduit à la réfutation des principes de Hobbes sur la morale ». Ce thème est repris dès le premier chapitre de L’Esprit des lois : au lieu de « dire avec Hobes qu’il n’y a rien de juste ou d’injuste que ce qu’ordonnent les lois positives […] il faut [...] avouer des rapports d’équité anterieurs à la loi positive qui les établit » (EL, I, 1 ; OC, t. III, p. 7). Notons cependant que Montesquieu admet avec Hobbes (sans expliciter ce point d’accord) que les rapports d’équité sont établis par les lois positives. Montesquieu a biffé cette première référence à Hobbes : peut-être sait-il que ce dernier ne se laisse pas si facilement réduire à ce positivisme sans nuance et que cette manière de le critiquer est peu originale. Quand Hobbes entre directement en scène au chapitre qui suit, Montesquieu expose la critique qui lui est propre, qu’il a formulée bien plus tôt (Pensées, no 1266 ; transcrit entre 1734 et 1739, mais « n’ayant pu entrer dans le Traité des devoirs », de 1725) et qui sera ensuite reprise et développée par Rousseau : avant l’établissement des sociétés, les hommes sont proches de l’animalité, raisonnables seulement en puissance, poussés par la crainte à se fuir et ensuite à se regrouper et non à se faire la guerre pour la domination. Or cette critique est préparée par la distance prise au préalable avec le rationalisme du droit naturel moderne. Si les bêtes « ont des lois naturelles, parce qu’elles sont unies par le sentiment » (EL, I, 1), on ne peut plus, comme Grotius et Pufendorf, réduire la loi naturelle à la loi de raison propre aux animaux raisonnables. De même les premières lois naturelles, selon l’ordre temporel, procéderaient pour les hommes du sentiment et de l’instinct, et non de la raison. C’est dans ce mouvement où l’actualisation de la raison dépend du développement de la société que Hobbes se voit reprocher d’attribuer « aux hommes, avant l’établissement des sociétés, ce qui ne peut leur arriver qu’après cet établissement […] » (EL, I, 2). On pourra donc user du concept d’état de guerre (là encore Montesquieu tait ce qu’il emprunte à Hobbes) si on cesse de le confondre avec l’état de nature qui devient ainsi le point de départ d’une histoire hypothétique de l’humanité. L’annihilation fictive de l’État et du droit, que Hobbes jugeait nécessaire à la démonstration génétique des principes du droit politique, est ainsi historicisée comme c’était déjà le cas chez Locke ou Pufendorf et comme cela le sera encore plus chez Rousseau.


L’état de guerre entraîne le droit à la défense naturelle. Grotius et Pufendorf condamnent l’attaque préventive, sauf si on a la certitude que l’autre a le pouvoir et la volonté de vous attaquer (Droit de la guerre et de la paix, II, 22, § 5). Selon un texte qui n’a pu entrer dans le Traité général des devoirs et qui est consacré à la conception hobbésienne du droit naturel, « il est faux que la défense entraîne nécessairement la nécessité d’attaquer » (Pensées, no 1266). C’est une position encore proche de celle de Grotius. En 1748, Hobbes n’est plus cité et l’accent est différent : l’état de guerre qui subsiste entre les États (et non au sein de chacun d’eux) fait que « le droit de défense naturelle entraîne quelquefois la nécessité d’attaquer » (EL, X, 2). La référence grotienne à une intention avérée de nuire ou d’attaquer disparaît : il suffit que l’attaque soit le seul moyen d’empêcher l’autre de vous détruire. 


Avant 1731, et la critique est de nouveau peu originale, Hobbes, selon Montesquieu, « a oublié son principe du droit naturel », l’obligation de respecter les pactes, en affirmant « que, le peuple ayant autorisé le prince, les actions du prince sont les actions du peuple, et, par conséquent, le peuple ne peut pas se plaindre du prince, ni lui demander aucun compte de ses actions, parce que le peuple ne peut se plaindre du peuple » (Pensées, no 224). C’est amalgamer des arguments de 1642 et de 1651, l’idée que, dans une monarchie, « le roi est le peuple » (De cive, chap. xii, § 8) et l’argument selon lequel « celui qui se plaint d’un tort commis par le souverain se plaint de ce dont il est lui-même l’auteur » (Léviathan, chap. xviii) : dans l’argument reconstitué, c’est le peuple et non, comme dans le Léviathan, chaque particulier qui autorise le prince. Comme d’autres avant lui (et en particulier Pufendorf), Montesquieu refuse de placer le souverain à l’extérieur de la convention qui l’établit : le prince a un pacte à honorer. De même le fait que le prince représente le peuple, qu’il soit son délégué – Hobbes parle bien d’un trust, d’une mission de confiance qui lui est confiée – est retourné contre l’absolutisme, l’idée d’une autorisation sans limites. Ce texte n’est pas repris dans L’Esprit des lois : Montesquieu préfère critiquer l’absolutisme sur un autre terrain, en développant positivement la théorie politique qui lui est propre : éclipse de la souveraineté au profit du gouvernement (voir l’article « Souveraineté » du présent dictionnaire), distinction de la monarchie et du gouvernement despotique (ce qui revient à l’évidence à s’opposer à la manière dont Hobbes récuse la distinction entre royauté et tyrannie et, plus généralement, la distinction aristotélicienne du politique et du despotique).


Au-delà de la morale, des principes du droit et de la politique, il y a des raisons philosophiques qui expliquent que Hobbes, beaucoup plus que Spinoza, soit un adversaire : son artificialisme, son volontarisme exagéré, sa manière de séparer (brutalement selon Montesquieu) l’homme du reste de la nature. Comme pour préparer la critique de Hobbes qui suit immédiatement, Montesquieu déclare dans un passage biffé du manuscrit de L’Esprit des lois que « c’est surtout chez eux [les animaux] qu’il faut aller chercher le droit naturel » (I, 2 ; OC, t. III, p. 8) ; « Hobbes dit que la curiosité est particulière à l’homme ; en quoi il se trompe, chaque animal l’ayant dans la sphère de ses connaissances » (Pensées, no 288). Il ne s’agit pas d’une divergence mineure : la curiosité est pour Hobbes ce qui manifeste la spécificité de l’animal humain, l’arrachement au présent qui détermine sans cesse de nouveaux désirs, ce que Montesquieu refuse de manière d’autant plus significative qu’il emprunte à Hobbes (peut-être par Locke interposé) l’idée que le comble de la félicité consiste à « former toujours de nouveaux désirs et les satisfaire à mesure qu’on les forme » (Pensées, no 69).

Terrel Jean , « Hobbes, Thomas », dans Dictionnaire Montesquieu [en ligne], sous la direction de Catherine Volpilhac-Auger, ENS de Lyon, septembre 2013. URL : http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/fr/article/1377671021/fr

Bibliographie


Simone Goyard-Fabre, « Montesquieu adversaire de Hobbes », Paris, Minard, 1981, « Archives des Lettres modernes », 72 pages.

Benoît Le Roux, « Hobbes et Montesquieu », Analyses et réflexions sur Montesquieu De L’Esprit des lois, Paris, Ellipses, 1987, p. 162-168.

Annamaria Loche, « Le ragioni di una polemica : Montesquieu e Hobbes », Oxford, Voltaire Foundation, SVEC 190 (1980), p. 334-343.

Montesquieu était-il libéral? - Philosophie politique

La liberté politique chez Montesquieu - Dogma

 


 

octobre 27, 2014

Sur la page pour une démocratie libérale 5/21 (liberté de parole)

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


La liberté de parole

La liberté de parole et d'expression, s'agissant tout particulièrement de questions politiques et d'autres affaires publiques, est le ferment de toute démocratie. Les gouvernements démocratiques ne contrôlent pas le contenu de la plupart des écrits et discours. En conséquence, les démocraties sont généralement caractérisées par une multitude de voix exprimant des idées et des opinions variées, voire contradictoires. Selon les théoriciens de la démocratie, un débat libre et ouvert aboutit normalement à la considération de la meilleure opinion et permet ainsi d'éviter les erreurs graves

La démocratie dépend d'une population alphabétisée, cultivée et ayant accès à l'information de façon à participer le plus pleinement possible à la vie publique de sa société et à critiquer les responsables du gouvernement lorsqu'ils prennent des mesures malavisées ou tyranniques. Les citoyens et leurs représentants élus reconnaissent que la démocratie dépend de l'accès le plus libre possible à des idées, à des données et à des opinions non censurées.
Pour que les peuples libres puissent se gouverner eux-mêmes, ils doivent être libres de s'exprimer - ouvertement, publiquement et aussi souvent qu'ils le souhaitent - que ce soit oralement ou par écrit.
 
La protection de la liberté de parole est un droit dit négatif, en ce qu'il se borne à empêcher le gouvernement de limiter la liberté de parole, contrairement aux droits dits positifs, qui exigent une action particulière du gouvernement. Dans la plupart des cas, les autorités d'une démocratie ne se mêlent pas du contenu des écrits et des discours dans leur société.

La contestation étant le terrain d'épreuve de la démocratie, le droit de se rassembler pacifiquement est essentiel et est partie intégrante de l'exercice du principe de la liberté de parole. Une société civile autorise un débat animé entre ceux qui sont en profond désaccord au sujet d'un dossier quelconque.

La liberté de parole est un droit fondamental, mais il n'est pas absolu. Il ne saurait être invoqué pour justifier la violence, la calomnie, la diffamation, la subversion ou l'obscénité. Toutefois, les démocraties bien établies exigent généralement un niveau élevé de menace pour justifier l'interdiction d'expressions pouvant inciter à la violence, nuire de façon mensongère à la réputation d'autrui, renverser un gouvernement constitutionnel ou promouvoir un comportement obscène. La plupart des démocraties interdisent également tout discours incitant à la haine raciale.
Dans toute démocratie, la difficulté consiste à trouver le juste équilibre entre la protection de la liberté de parole et de rassemblement d'une part, et la lutte contre les discours qui incitent réellement à la violence, à l'intimidation ou à la subversion, d'autre part. 
 
 

Liberté d’expression

De Wikiberal
 
La liberté d'expression est l'absence de contrainte exercée à l'encontre d'individus en raison de l'expression de leurs opinions. Les démocraties modernes déclarent unanimement leur attachement à ce principe, qui est cher aux libéraux. Pourtant, la compréhension qu'ont ces derniers de la liberté d'expression est très différente de l'esprit des lois qui, dans presque tous les pays démocratiques, sont censées « l'encadrer ».  

La liberté d'expression vue par les libéraux et les libertariens

De manière tout à fait cohérente avec la conception libérale de la liberté de l'individu, les libéraux défendent le droit de chacun d'avoir et d'exprimer toute idée, sans discrimination de contenu. En effet, le fait d'être exposé à l'opinion d'autrui ne constitue pas en soi une agression, quels que soient la divergence d'idées des parties et les courants les plus influents dans la société. Par conséquent les libéraux s'opposent à la répression contre des idées même contraires à leur éthique, comme le racisme, dont l'expression est un exemple de crime sans victime. Le libéralisme va donc plus loin que le droit positif, qui limite toujours la liberté d'expression en la soumettant à la législation, même quand cette dernière n'instaure pas d'interdiction préalable, par exemple :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.  »
    — article 11 de la DDHC
La diffamation est un cas particulier de l'expression d'idées compatible avec l'axiome de non-agression. Ceux qui sont favorables à son interdiction considèrent que si l'on exprime sans justification des jugements portant atteinte à la réputation d'une personne, on crée une victime. En fait, leur position est notamment opposée à la liberté de conscience, puisqu'ils veulent imposer par la force leurs propres normes de jugement. La réputation d'un homme n'est pas sa propriété : elle n'a d'existence que dans l'esprit des individus, et il n'appartient qu'à eux de choisir les procédés par lesquels ils forment leurs opinions. Le droit de disposer d'une partie de l'esprit d'autrui est radicalement rejeté par la théorie libertarienne du droit.
En effet, c'est tout le problème des relations dites "spéciales" ou "singulières" entre ce que pense un individu et son propre comportement.
Une personne peut être en total désaccord avec ce qu'une autre dit et agir en conséquence, par exemple, lorsqu'une chaîne de radio profère des propos inadmissibles, il éteint sa radio. Si d'autres apprécient ce que dit telle ou telle station de radio et choisissent librement de l’écouter, il n'y a aucune raison de les en empêcher. Une station de radio ne survit que par ses auditeurs, si elle les perd par son comportement, elle devra soit rectifier le tir soit disparaître. Rien n'empêche ses adversaires de lancer une radio concurrente, un journal, un blog, un groupe pour combattre des propos jugés intolérables en faisant usage de leur propre liberté d'expression.
D'une certaine manière, la liberté d'expression est la meilleure arme contre les débordements de la liberté d'expression.
Libéraux et libertariens sont donc opposés au délit d'opinion (moyen de faire taire les dissidents), à la censure, à la police des consciences, au délit de presse, au "droit" de réponse, etc.
Un des premiers manifestes en faveur de la liberté d'expression est l'Areopagitica de l'écrivain John Milton, publié en 1644, qui s'élève contre la censure préalable, et dont le sous-titre est : pour la liberté d'imprimer sans autorisation ni censure. De même, Baruch Spinoza, dans son Traité théologico-politique paru en 1670 (chapitre XX : "Où l’on montre que dans un État libre il est loisible à chacun de penser ce qu’il veut et de dire ce qu’il pense") s'élève contre la censure :
« Il est évident que les lois concernant les opinions menacent non les criminels, mais les hommes de caractère indépendant, qu’elles sont faites moins pour contenir les méchants que pour irriter les plus honnêtes, et qu’elles ne peuvent être maintenues en conséquence sans grand danger pour l’État[1] »

Fausses idées sur la liberté d'expression

La plus répandue des fausses idées sur la liberté d'expression est la confusion entre "droit de" et "droit à". Dans le premier cas il s'agit d'interdire l'usage de la contrainte en raison des idées exprimées par une personne ; or, les libéraux sont a priori pour une liberté d'expression totale quelles que soient les idées exprimées, même les pires (racisme, xénophobie, apologie du nazisme ou du communisme, etc.). Dans le second, le désir qu'a une personne d'être entendue devrait l'emporter sur les droits de propriété des autres. On légitime ainsi l'expropriation partielle de ressources privées (les murs des bâtiments, du temps d'antenne télévisée, les rues...) quand cela peut servir à faire passer ses idées ou simplement à supporter une œuvre artistique :
Le seul homme qui ait le droit de m'empêcher de coller ma pensée sur un mur, c'est le propriétaire de la maison. (Choderlos de Laclos)
De la même façon, les subventions étatiques aux journaux en panne de lecteurs sont illégitimes, puisqu'on force le contribuable à financer des journaux qui ne l'intéressent pas.
Autrement dit, pour un libéral, la liberté d'expression est totale, mais dans la mesure où elle respecte strictement le droit de propriété d'autrui.
La liberté d’expression consiste donc à ne pas empêcher de façon coercitive l'expression des idées et des opinions. Cependant, elle ne doit en aucun cas aboutir à :
  • une obligation inconditionnelle de donner à autrui la possibilité de s'exprimer (par exemple un éditeur ou un groupe de presse est maître de ses choix éditoriaux et de ses publications) ;
  • un relativisme moral, qui mettrait toutes les opinions sur le même plan (sophismes, idées nuisibles ou violentes, etc., que précisément la liberté d'expression permet de combattre sans violence).
Exemple classique : peut-on, au nom de la liberté d'expression, crier "au feu !" dans une salle de théâtre bondée, alors qu'il n'y a pas de feu ? Non, et ce non pas en raison des conséquences possibles (encore que cela puisse constituer une circonstance aggravante), mais parce qu'on enfreint les règles acceptées lors de l'achat du billet et fixées par le propriétaire. Les victimes, s'il y en a, se retourneront contre le propriétaire, qui se retournera contre le fautif.
Autre exemple : peut-on, au nom de la liberté d'expression, menacer quelqu'un, déclencher une fausse alerte à la bombe, etc. ? Une menace n'est pas forcément une agression, elle n'acquiert ce caractère que quand elle est directe et explicite ("clear and present danger", selon la loi américaine). Les victimes ont donc le droit de prendre des mesures coercitives contre une agression qui se présente comme manifeste et imminente.
Une insulte (une "agression verbale") n'est pas, d'un point de vue libertarien, une agression, et n'est sûrement pas à mettre sur le même plan qu'une agression physique. Le "délit d'outrage", inventé pour protéger les fonctionnaires (policiers, enseignants, magistrats...) ou les "symboles de la République" (drapeau, hymne national), n'existe tout simplement pas, et fait partie des innombrables abus étatiques.

Un exemple : le négationnisme

Il est clair que l'idéologie libérale rejette le nazisme, le fascisme, le négationnisme et autres idéologies semblables.
Dans 14 pays d'Europe, le négationnisme (négation de l'holocauste) fait l'objet d'une loi dont la transgression est punie par la prison. Pourtant le négationnisme a des disciples en Europe dans tous ces 14 pays. Est-ce que la criminalisation des propos négationnistes aide à la disparition de ce mouvement ? Absolument pas, bien au contraire, la criminalisation les aide ! Dans la plupart des cas, la criminalisation des propos négationnistes ou même révisionnistes crée des martyrs et alimente ainsi la cause des groupes néo-nazis.
Brimer la liberté d'expression sous prétexte d'empêcher la "banalisation" de propos racistes, xénophobes ou autres n'empêche pas la survie de ces mouvements, car on ne peut empêcher les gens de penser ce qu'ils veulent. La meilleure manière de combattre le néo-nazisme est d'utiliser la raison et le ridicule et non pas de criminaliser une telle expression. Si des propos néo-nazis perdurent, c'est à l'individu de les combattre en s'exprimant en toute liberté. La liberté d'expression elle-même est la meilleure arme contre les débordements de la liberté d'expression.
Dans ce contexte, criminaliser l'expression des propos négationnistes ou révisionnistes revient à juger irresponsable le public, qui pourrait être "influencé" par de tels propos. Évidemment une telle expression n'est pas rendue impossible par l'interdiction, elle est seulement rendue clandestine, et d'autant plus intransigeante.

Autre exemple : la diffamation

Est-il permis de diffamer quelqu'un, c'est-à-dire de raconter à son propos des mensonges qui pourraient lui causer du tort ? Les réponses libérale et libertarienne divergent ici.
Pour les libéraux classiques, la diffamation est condamnable; ainsi, Benjamin Constant d'écrire dans De la liberté des brochures, des pamphlets et des journaux au début du XIXe siècle : « [La liberté d'expression] n'exclut point la répression des délits dont la presse peut être l'instrument. Les lois doivent prononcer des peines contre la calomnie, la provocation à la révolte, en un mot contre tous les abus qui peuvent résulter de la manifestation des opinions. Les lois ne nuisent point à la liberté; elles la garantissent, au contraire. Sans elles aucune liberté ne peut exister »[2].
D'un point de vue libertarien, la diffamation ne doit cependant pas être poursuivie (ce qui ne signifie pas qu'on l'approuve moralement). En effet, la diffamation ne nuit jamais directement à personne. Si j'affirme que le pape est un nazi, et que vous me croyez, c'est votre problème, pas le mien. Soutenir le concept de diffamation suppose que les gens sont de parfaits irresponsables et vont croire tout ce qu'on leur dit. C'est la même façon de penser erronée qui conduit à interdire le négationnisme ou l'expression de l'antisémitisme.
«En vertu des lois actuelles contre la diffamation, (un individu) agit en violation de la loi dès lors qu’il a "l’intention de nuire", même si l’information diffusée est vraie. Or le caractère légal ou illégal d’une action devrait dépendre de sa nature objective et non de la raison d’agir de l’acteur. Si une action est objectivement non-agressive, elle doit être autorisée quelle que soit l’intention, bienveillante ou malveillante, qui la motive (cette dernière pouvant, par contre, être pertinente quant à la moralité de l’action). Sans parler de l’énorme difficulté pour le juge de découvrir les motifs subjectifs d’un individu »
    — Murray Rothbard
Faut-il accepter comme exception à ce principe le cas du faux témoignage, car il semble bien y avoir un lien direct de cause à effet entre ce qui a été dit (le faux témoignage) et la conséquence, qui peut être la condamnation d'un innocent ou la relaxe d'un coupable ? Non pour les libertariens, car le faux témoignage n'est pas condamnable en raison des dommages provoqués, mais en raison du fait que le témoin s'est engagé contractuellement (ou par serment) à dire la vérité. Ce n'est pas l'accusé qui pourra poursuivre le faux témoin, mais le tribunal.
Il convient de préciser que les faux témoins étaient mis à mort par les tribunaux, dans les temps anciens, car le faux témoignage était associé à un très grave trouble à l'ordre public [domaine politique et social] et à l'ordre spirituel, lié aux fondements de la conscience [domaine moral et religieux], car le faux témoignage était, par définition, attentatoire à la vérité.
Du point de vue du droit naturel, la liberté d'expression est bien absolue, et le « délit » de diffamation n'existe pas. Soutenir ce concept de diffamation revient pour les libertariens à cautionner un extraordinaire recul du droit d'expression, le délit de diffamation étant couramment utilisé par les gouvernements pour faire taire leurs opposants (on pourrait même l'utiliser contre les libertariens quand ils traitent les gouvernants d'esclavagistes).
Alors que les libertariens cherchent à séparer ce qui n'est condamnable que moralement (action immorale) et ce qui est condamnable juridiquement (agression contre la personne ou sa propriété), le droit positif criminalise, en présumant des intentions des acteurs, certaines actions qui ne sont pas directement des agressions. Du point de vue juridique, dans des conditions spécifiques et dans le cadre d'une restriction de la liberté d'expression, la notion de dépôt de plainte en dénonciation calomnieuse existe (et les individus peuvent donc l'utiliser), et le faux témoignage (ou ladite diffamation) est constitué tant que la personne qui en calomnie une autre n'a pas donné la ou les preuve(s) de ce qu'elle avance, et / ou que la personne calomniée a prouvé son honneur et sa moralité, suivant selon le système judiciaire inquisitorial français, ou suivant selon le système judiciaire accusatoire anglo-saxon. En pratique, l'arbitraire le plus complet règne en ce domaine, certains tribunaux ayant même inventé la notion de "diffamation de bonne foi"[3] !

Le droit de se taire

De même qu'on ne peut empêcher quelqu'un de s'exprimer, il n'y a pas, inversement, d'obligation à s'exprimer. Cela concerne aussi bien la protection des sources des journalistes et les diverses sortes de secret professionnel que le droit à ne pas être contraint à s’accuser soi-même (droit à ne pas s’auto-incriminer), un droit tiré du principe de la présomption d'innocence[4]. Pour les libertariens, cela relève de l'inaliénabilité de la volonté humaine.

Clientélisme et liberté d'expression

Les atteintes à la liberté d'expression obéissent généralement à un clientélisme électoral. Voici un exemple de raisonnement de politicien relativement à la répression de l'incitation à la haine :
  • les gens sont des faibles, les incitations à la haine pourraient les pousser à passer à l'acte ;
  • le pouvoir qui, lui, est une élite supérieure au reste de la population, sait ce qu'il faut faire ;
  • ainsi le pouvoir sait discriminer entre les bonnes interdictions et les mauvaises : il peut décréter par exemple qu'on n'a pas le droit d'exprimer de haine envers les juifs, les musulmans ou les homosexuels, mais que c'est toléré envers les riches, les Blancs, les banquiers, les zoophiles, etc. ;
  • si un groupe de pression quelconque veut imposer une nouvelle interdiction en sa faveur, sa demande sera examinée avec bienveillance (il a intérêt à être assez nombreux ou à faire un grand tapage médiatique).
Le politicien pourra ensuite trouver a posteriori toutes sortes de justifications éthiques à des limitations à la liberté d'expression en réalité d'origine clientéliste.

Atteintes à la liberté d'expression en France

Nuvola apps colors.png Article principal : Liberté d'expression en France.

Internet, la liberté d'expression et le libéralisme

Malgré les tentatives de contrôle, la liberté d'expression s'est considérablement émancipée depuis l'avènement du Web. Il devient difficile[5] pour un pouvoir exécutif de mettre efficacement en œuvre les mesures de répression de l'opinion décrites ci-dessus dès lors que cette dernière s'exprime de façon libre, décentralisée, infiniment reproductible, et indélébile sur Internet. Dans cette mesure, Internet est très souvent comparé[6] à deux grandes inventions de l'Histoire qui ont également abaissé le coût d'accès à la connaissance, et contrecarré la censure: l'imprimerie et l'écriture.
L'écriture, inventée il y a quelques 5000 ans en Mésopotamie, a signifié le début de la civilisation et de l'Antiquité. En ce qui concerne l'imprimerie, elle a servi de catalyseur[7] au Schisme, à la Réforme, et donc à la Renaissance et aux Lumières.
Le 21e siècle a d'ailleurs connu nombre de mouvements qui ont en commun de défendre un idéal de liberté (plus ou moins bien exprimé), et d'utiliser Internet pour se mobiliser: les printemps arabes, le mouvement des Indignés, le Tea Party, Occupy Wall Street, les "partis pirates", etc. Nombreux sont ceux[8] qui expriment l'opinion que ces exemples illustrent les toutes premières manifestations d'une nouvelle ère de liberté à laquelle Internet servira de vecteur.


LIBERTÉ D'EXPRESSION ABSOLUE


Nous jouissons, en Occident, d'une liberté d'expression enviable par rapport à d'autres parties du monde et en comparaison d'autres époques. Mais cette liberté résiste mal à la montée du pouvoir. Tous les États occidentaux opposent aujourd'hui à la liberté d'expression des limitations croissantes, formelles ou informelles, directes ou indirectes, qui ont rétabli ou créé de véritables délits d'opinion. Si le phénomène de la censure montante est passé inaperçu, c'est parce qu'il relève d'une tyrannie soft, d'une tyrannie tranquille.

Censure directe

Les restrictions formelles à la liberté d'expression incluent les dispositions des codes pénaux qui protègent le secret d'État, qui répriment les propos séditieux, ou qui interdisent ce qui est défini comme pornographique ou obscène. Ces restrictions ont souvent, selon les circonstances et les pays, été atténués depuis le 19e siècle; parfois, elles ont été renforcées. Si elles ne sont pas toujours appliquées, les lois limitant la liberté d'expression représentent une épée de Damoclès sur la tête des dissidents et une incitation à l'autocensure. Des formes anciennes de délits d'opinion ont été remises à la mode sous le couvert de prétextes nouveaux comme la rectitude politique antisexiste ou la lutte antiraciste.

La propagande haineuse et la contestation de la Shoah figurent parmi les nouveaux délits d'opinion. Seuls les États-Unis y ont échappé grâce au premier amendement de la constitution. Dans d'autres pays, dont le Canada, des gens ont été envoyés en prison pour avoir défendu des opinions contraires à l'orthodoxie officielle. Le livre d'Adolf Hitler, Mein Kampf, n'a pu être publié en France qu'avec l'addition, par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 juillet 1979, d'un avertissement moralisateur de onze pages destiné au lecteur trop idiot pour ne pas voir dans ce livre autre chose qu'un fatras d'hypothèses simplistes et d'opinions primaires.

Dans sa défense classique de la liberté d'expression, John Stuart Mill observait que la volonté naïve d'interdire seulement les idées fausses implique que nous connaissons la vérité a priori, sans qu'il soit besoin de débat(1). Indispensable à la recherche de la vérité, la liberté d'expression représente aussi une condition nécessaire de la confiance que l'on accorde à des hypothèses dont on n'a pas le temps ou la capacité de vérifier le bien-fondé, mais qui apparaissent vraisemblables pour la simple raison que les opinions contraires ne passent pas le test des débats libres. Comme ceux qui jadis ne connaissaient pas le truc du mat qui monte à l'horizon de la mer ou de l'ombre ronde de la terre sur la lune, nos contemporains qui n'ont jamais analysé les images satellites ont quelque raison de croire que la terre est ronde parce que n'importe qui est libre de le contester et que personne n'y réussit. Quelles raisons auront donc nos enfants de croire en la réalité de la Shoah après quelques décennies de suppression coercitive de l'opinion opposée?

De plus, l'interprétation des lois sur la littérature haineuse ou raciste est indéfiniment extensible, selon les circonstances de temps et de lieu, selon les passions de la foule ou l'arbitraire des gouvernants. Au Bangladesh, un livre de la romancière Taslima Nasreen a été interdit pour « incitation à la haine interconfessionnelle », et son auteur frappée d'une fatwa par un groupe de tyrans barbus(2). Au Canada, on a entendu des voix demander, heureusement sans succès jusqu'à maintenant, le recours aux lois sur la littérature haineuse contre des contempteurs du nationalisme québécois.

Combien de fois des textes d'apparence anodine n'ont-ils pas été conçus, interprétés ou manipulés par l'État de manière à renforcer l'arsenal des classes dirigeantes contre la liberté d'expression? Les lois contre la diffamation l'illustrent. La partie visible de l'iceberg apparaît dans le cas de Robert Maxwell, dirigeant d'entreprise véreux, mort en novembre 1991 (vraisemblablement par suicide) après avoir réussi, des années durant, à faire taire ses dénonciateurs. Le silence sur ses tractations frauduleuses s'explique par les menaces de poursuites en diffamation qu'il assénait à quiconque s'intéressait à ses affaires et par le fait que personne ne se sentait capable de supporter le coût d'un procès contre le célèbre richard.

« Comme l'État s'intéresse à tous les domaines
de la vie, que le public évince le contractuel, la dynamique actuelle pointe vers des limitations
croissantes de la liberté d'expression. »

Drôles de lois que celles-là, qui permettent aux puissants de protéger leur réputation, leurs idées ou leurs fraudes! Comme si l'image d'un homme qui est dans la tête d'un autre n'appartenait pas au propriétaire de la tête, comme s'il était normal qu'un individu justifie ses opinions devant des juges. Judiciariser l'écheveau qui unit l'image, l'opinion et l'action ne pouvait mener qu'à des dérapages totalitaires. Et c'est bien ce qui arrive. Les exemples d'intimidation ne manquent pas, même aux États-Unis où on a vu des poursuites en diffamation intentées par des extrémistes noirs contre ceux qui les accusaient de racisme, par des entreprises jugeant que des opinions nuisaient à leur réputation(3), par un auteur contre une critique défavorable dans le New York Times(4), par un général contre une chaîne de télévision l'accusant d'avoir dissimulé des vérités durant la guerre du Viêt-nam(5), et cetera.

Plus dangereuses peut-être que les lois créant des délits d'expression caractérisés sont les pouvoirs informels ou indirects dont l'État dispose pour étouffer les opinions dissidentes. L'astuce ne date pas d'hier. Juste avant la guerre civile américaine, le gouvernement fédéral empêchait la diffusion de la littérature anti-esclavagiste par la poste. Durant les hostilités, le ministre de la Poste signait l'arrêt de mort de journaux opposés à la guerre en interdisant leur distribution. Après la guerre, le gouvernement américain criminalisa la distribution postale de littérature obscène – incluant la publicité pour la régulation des naissances(6)! Afin de stopper la diffusion populaire de journaux radicaux, une loi britannique de 1819 frappait d'une taxe de six pence tout journal politique vendu moins de quatre pence et d'une périodicité plus fréquente que mensuelle(7). Ce ne sont pas tous les journaux qui, comme le Poor Man's Guardian, désobéirent à la loi – même s'il était beaucoup plus facile de défier l'État à une époque où il ne disposait pas des moyens multiples du quadrillage administratif actuel.

Censure détournée

Si la presse écrite échappe aujourd'hui au contrôle minutieux de l'État, les chaînes de radio et la télévision, même privées, vivent sous le carcan de réglementations pointilleuses et sous la menace constante de perdre leur permis d'exploitation. La réglementation de la publicité sert fréquemment à limiter la liberté d'expression des sociétés commerciales. Les lois portant sur les dépenses électorales et sur le financement des partis politiques interdisent à des particuliers ou des associations de participer librement aux débats politiques.

C'est tout le quadrillage administratif qui prête son renfort au contrôle étatique de la liberté d'expression. Il est souvent prudent de ne pas aliéner l'administration à qui vous devez telle autorisation, tel privilège, telle tolérance. Quand les contrôles administratifs ne suffisent pas, la richesse du trésor public y pallie: comment critiquer celui dont vous attendez une subvention ou un contrat?

Dans la plupart des pays, tout ce qui touche l'éducation et la recherche, sans parler de l'art et parfois de l'édition, tombe sous la coupe financière ou réglementaire de l'État. L'universitaire, le chercheur ou l'écrivain est bien libre de critiquer le gouvernement au pouvoir, même s'il se privera d'appuis dans la machine politico-bureaucratique, dispensatrice de toutes les faveurs. Pire est le sort de l'intellectuel qui critique l'État en tant que tel, puisqu'il ne s'aide pas davantage auprès du prochain gouvernement. Le journaliste qui s'oppose à la culture dominante sera vite marginalisé et inemployable. À part quelques exceptions, celui qui vise une carrière d'intellectuel à l'intérieur du système a besoin d'amis dans l'establishment, dont il a intérêt à épouser les vues.

Une défense absolutiste de la liberté d'expression – comme l'est la défense libertarienne – n'implique pas que son exercice doit être déchaîné. Car l'exercice de la liberté d'expression est naturellement limité par les droits de propriété: on est libre de dire ce qu'on veut, mais pas dans le salon de n'importe qui, et pas en utilisant les ressources de ceux qui ne sont pas d'accord. De plus, des règles informelles et des pressions sociales limitent de facto l'exercice d'une liberté d'expression qui serait de jure absolue. On ne fait pas de déclaration publique contre ses amis et, si on choisit de critiquer publiquement son patron, ses clients ou d'autres associés contractuels, c'est à ses risques et périls. On peut parler la langue qu'on veut et comme on le veut, mais chacun a intérêt à être écouté et compris.

Ces limites privées à la liberté d'expression sont aux limitations publiques ce que les pressions sociales sont aux prisons de l'État: dans le premier cas, on peut passer outre quitte à ne plus bénéficier de la collaboration volontaire de certains; dans le second, des bruits de bottes retentiront. Parce que l'exercice de liberté d'expression est nécessairement limité par des considérations de propriété et de bon voisinage, la reconnaissance d'un droit absolu demeure socialement efficace.

En substituant des contraintes légales formelles aux règles informelles et aux pressions de la société, l'État administratif a-t-il favorisé certaines formes de liberté d'expression? Peut-être. On est plus libre de parler de sexe aujourd'hui qu'au 19e siècle, et les syndiqués peuvent impunément critiquer leur patron. Mais parallèlement à cette diversité qui s'exprime dans la vie privée et des relations contractuelles, les lois et contrôles étatiques limitent sans cesse la liberté d'expression dans les affaires publiques (comme nous l'avons entrevu plus haut). Alors que l'État devrait favoriser les libertés publiques et laisser faire quand les gens s'imposent volontairement des contraintes dans leurs relations privées, il mine la liberté publique tout en prétendant supprimer les limites privées. Et comme l'État s'intéresse à tous les domaines de la vie, que le public évince le contractuel, la dynamique actuelle pointe vers des limitations croissantes de la liberté d'expression.

Les tentatives de contrôler et de censurer l'Internet en font foi. Aux USA, on invoque le prétexte de la pornographie, meilleur moyen de contourner le premier amendement. Dans d'autres circonstances et d'autres pays, on prendra prétexte de la sécurité publique ou de la sûreté de l'État. Les prétextes changent mais la tyrannie administrative avance partout où elle ne rencontre pas d'obstacle majeur. Il est urgent d'y mettre un frein.

1. John Stuart Mill, On Liberty (1854), P. F. Collier & Sons, 1909. >>
2. Le Monde, 19-20 décembre 1993, p. 1 et 6. >>
3. Wall Street Journal, 18 juillet 1994, p. A4. >>
4. Wall Street Journal, 22 février 1994, p. B6. >>
5. Wall Street Journal, 1 octobre 1984, p. 1. >>
6. Jeffrey Rogers Hummel, Emancipating Slaves, Enslaving Free Men.
A History of the American Civil War, Chicago, Open Court, 1996. >>
7. J. R. Dinwiddy, From Luddism to the First Reform Bill. Reform in England
1810-1832, Londres, Basic Blackwell, 1986. >>

par Pierre Lemieux via QL
 

Liberté d'expression en France

De Wikiberal
 
Les atteintes à la liberté d'expression sont extrêmement nombreuses en France, davantage que dans les autres pays développés. Philippe Nemo[1] souligne que les lois Pleven, Gayssot, Taubira, etc. établissent une législation de censure comparable à l'Inquisition :
Ce que les nouvelles lois françaises de censure demandent aux juges, c'est de sanctionner des pensées en tant que telles (...) On leur demande donc quelque chose de très proche de ce que l’Église demandait jadis aux Inquisiteurs (...) On est fondé à dire que cet usage de la force d’État contre la liberté d'expression et le pluralisme relève du fascisme : la détestation du libre débat, la haine de la pensée qui suintent des nouvelles lois de censure s'apparentent à l'obscurantisme et à la misologie des sociétés fascistes historiques qui ont toujours brûlé les livres, persécuté les intellectuels et prétendu fonder le consensus social sur l'élimination violente de toute critique.
La première atteinte à la liberté d'expression fut portée par la loi Pleven (1er juillet 1972), législation antiraciste qui réprime « la provocation à la discrimination, à la haine, ou à la violence ». Condamnant les intentions et non les faits, elle donne au juge le droit de sonder les esprits. Dans les décennies suivantes, son domaine ne cessera de s’étendre pour donner satisfaction à toutes les minorités qui s’estimeront discriminées.
En comparaison avec les décennies passées, on assiste à une forte régression de la liberté d'expression en France. Ainsi, Jean Raspail publie en 1973 Le Camp des Saints, une uchronie qui joue autour du fantasme d’une invasion apocalyptique de l’Occident par les pauvres du Tiers-Monde. Dans sa réédition de 2011, l'auteur ajoute en fin de volume une liste des passages de son roman qui tomberaient aujourd’hui sous le coup des « lois Pleven, Gayssot, Lellouche et Perben »[2]...
La liste ci-dessous n'est pas exhaustive.

Atteintes directes à la liberté d'expression

  • Un arsenal de lois limite la liberté d'expression en matière de presse (par exemple la loi du 16 juillet 1949 sur les publications pour la jeunesse), de cinéma (régime d’autorisation préalable des films au niveau national), d'audiovisuel (instances de régulation de l’audiovisuel), de "respect de la vie privée" (article 226-1 du Code pénal) et de "droit à l’image".
  • Une loi telle que la loi HADOPI, sous prétexte de combattre le téléchargement illégal et le piratage, permet de s'attaquer en profondeur à la liberté d'expression, ce que les étatistes appellent pudiquement une "approche globale de la sécurisation".
  • La censure pour raisons politiques a toujours existé : par exemple le film Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick, estimé attentatoire à la dignité de l'armée française, a été censuré jusqu'en 1975. Le film Pierrot le fou de Godard (1965) fut interdit aux moins de dix-huit ans pour "anarchisme intellectuel et moral".
  • Nier ou mettre seulement en doute si peu que ce soit le génocide des juifs pendant la Seconde guerre mondiale est sanctionné pénalement. Bruno Gollnisch a été condamné en janvier 2007 pour une phrase apparemment anodine : « je ne suis pas spécialiste de cette question et je pense qu'il faut laisser les historiens en discuter. Et cette discussion devrait être libre ». En février 2012, Jean-Marie le Pen est condamné pour « apologie de crimes de guerre » et « contestation de crime contre l'humanité » pour avoir écrit en janvier 2005 dans l'hebdomadaire d'extrême droite Rivarol : « En France du moins, l'Occupation allemande n'a pas été particulièrement inhumaine, même s'il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550.000 kilomètres carrés ». Dans beaucoup d'autres pays, de telles phrases passeraient inaperçues ; en France, certains sujets de discussion doivent être abordés avec d'extrêmes précautions si l'on veut éviter une condamnation pénale[3].
  • De façon plus générale, la France est le seul pays à avoir des lois dites « mémorielles » et servant le plus souvent à s'attirer le soutien d'une population d'électeurs. La plus récente de ces lois est la loi sur le génocide arménien[4].
  • L'apologie de la consommation de drogues (par exemple l'apologie du cannabis) est pénalisée (article L.630 de la loi du 31 décembre 1970), qu'il s'agisse de presse écrite ou audiovisuelle, de vente de gadgets (T-shirts, stylos, porte-clés, cendriers...), etc. Cet article du Code de la santé stipule que la provocation à l‘usage ou au trafic de stupéfiants, par la publicité ou l'incitation ou la présentation sous un jour favorable des produits classés stupéfiants, est punie de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende, même si l'incitation est restée sans effet.
  • Entre 2006 et 2011, un décret empêchait de fournir des recettes de produits naturels non-homologués (par exemple la recette du purin d’ortie, insecticide et fertilisant naturel[5]).
  • Enregistrer et/ou diffuser des images de scènes de violence (quelles qu'elles soient : violences policières, violences au cours de manifestations, « happy slapping »...) est sanctionné pénalement, sauf si on est journaliste[6].
  • Inciter les « assujettis » sociaux à refuser de s'affilier à un organisme de Sécurité sociale ou à ne pas payer les cotisations à un régime d'assurance obligatoire est sanctionné pénalement[7] (précision : cet article de loi, dans l'optique de la fin du monopole légal de la sécurité sociale survenu en France en 2001, condamne en fait le non-respect de l'obligation d'assurance, et non le manquement à l'obligation de cotiser à un organisme français quel qu'il soit).
  • Mein Kampf, d'Adolf Hitler, n'a pu être publié en France qu'avec l'addition, par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 juillet 1979, d'un avertissement moralisateur de onze pages. Le livre Suicide, mode d'emploi a été interdit à la vente en 1987, par une loi réprimant la « provocation au suicide ». Le 12 mars 1987 c'est le roman L'Os de Dionysos qui est interdit par le Tribunal de Grande Instance de Tarbes pour "trouble illicite, incitation au désordre et à la moquerie, pornographie et danger pour la jeunesse en pleine formation physique et morale".
  • Le livre "Le Grand Secret", publié en 1996 par le docteur Gubler, médecin de François Mitterrand, a été interdit en France pour violation du secret médical. Un arrêt de la Cour européenne (décision du 18 mai 2004) a sanctionné les juges français qui ont interdit la sortie du livre.
  • Il est permis de commenter une décision de justice, en revanche il est interdit « de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance » (article 434-25 du Code pénal). Par exemple, estimer qu'une décision de justice est un chef d'œuvre d'incohérence, d'extravagance, et d'abus de droit a été sanctionné pénalement[8].
  • Interdiction lors des élections de diffuser des résultats de sondages, tendances ou résultats partiels, avant l'heure de fermeture des bureaux de vote (interdiction facilement contournée par les médias étrangers via Internet).
  • Brûler un coran puis uriner dessus et diffuser le tout sur Internet vaut à son auteur en 2011 trois mois de prison avec sursis et 1.000 € d’amende pour incitation à la haine à l'égard des musulmans (le blasphème n'existe plus depuis 1881, sauf en Alsace-Moselle par incorporation de l'article 166 du code pénal allemand)[9]. En revanche, l'exposition en Avignon de photographies d'un Christ plongé dans l’urine et le sang est soutenue moralement et financièrement par les pouvoirs publics.
  • Un commerçant n'a pas le droit d'afficher dans son magasin des photos de voleurs, tirées de sa vidéosurveillance, avec la mention "voleur"[10] (risque de poursuites pour atteinte au droit à l'image, au respect de la vie privée, et pour diffamation).
  • La loi Evin interdit la publicité concernant les boissons alcoolisées. En 2012, la chaîne W9, qui diffuse la série télévisée d'animation américaine Les Simpson, a dû flouter systématiquement le nom de la Duff, la bière préférée du personnage principal (cette bière, qui était fictive au début de la série, a eu la malchance -ou la chance - d'exister par la suite).
  • De façon plus générale, les messages publicitaires obligatoires peuvent être considérés comme une atteinte à la liberté d'expression.
  • En 2013, un élu FN, Julien Sanchez, est condamné à 4 000 € d'amende pour avoir omis de censurer sur sa page Facebook des propos de commentateurs qui dénonçaient en 2011 l’islamisation de la ville de Nîmes.[11].
  • La prétendue protection de la vie privée (d'invention récente, puisque l'article 9 du Code civil date de 1970) permet de s'attaquer à la liberté de la presse : par exemple, le Nouvel Observateur a été condamné en février 2013 pour "atteinte à la vie privée" suite à la publication d'extraits du roman Belle et Bête de Marcela Iacub, relatant sa relation avec Dominique Strauss-Kahn (bien que ce dernier ne soit jamais mentionné nommément dans le roman).
  • Depuis 2013, le patrimoine des députés peut être consulté en préfecture mais pas publié : la publication d'une déclaration de patrimoine est passible d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende.
  • L’autorité des marchés financiers (AMF) invoque l’article 632-1 de son "règlement général" pour attaquer des blogueurs accusés d'avoir diffusé des informations inexactes sur leurs blogs au détriment de la Société Générale[12].
  • le livre Le Salut par les Juifs de Léon Bloy (livre écrit en réponse à La France juive de l'antisémite Édouard Drumont), maintes fois réédité depuis 1892, a été censuré le 13 novembre 2013 par le juge des référés de Bobigny, suite à une plainte de la Licra.
  • en janvier 2014, la "circulaire Valls" interdit les spectacles de l'humoriste Dieudonné en invoquant la "dignité humaine".

Notion d'injure ou de diffamation

  • L'injure publique ou non-publique est pénalisée, et plus gravement quand elle vise un agent public (notion d'outrage). On peut être condamné pour "offense au chef de l’État" (cas de l'homme qui avait brandi en 2008 une affichette "Casse toi pov'con" lors d'une visite présidentielle à Laval : en mars 2013, la Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la France pour viol de la liberté d'expression).
  • L'injure raciale est sanctionnée pénalement. La notion d'injure raciale est très large : assimiler les juifs[13] (qui d'un point de vue scientifique ne constituent pourtant pas une « race » ni une ethnie) à une « secte » et à une « escroquerie » constitue une injure raciale « dont la répression est une restriction nécessaire à la liberté d'expression dans une société démocratique » (selon la Cour de cassation statuant sur le cas de l'humoriste Dieudonné en février 2007). Jean-Paul Guerlain est condamné pour injure raciale en 2012 pour avoir utilisé l'expression "travailler comme un nègre". En juillet 2014, Anne-Sophie Leclère (ex-tête de liste FN aux municipales à Rethel) est condamnée à neuf mois de prison ferme et 5 ans d'inéligibilité pour avoir comparé la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, à un singe.
  • Il existe de la même façon un délit d'« injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion » (en février 2007, puis septembre 2012 : affaire des caricatures du prophète Mohammed publiées par Charlie-Hebdo)
  • Un caricaturiste peut être puni pour « injures publiques envers une administration, en l’occurrence la police nationale ». C'est le cas du dessinateur Placid, pour avoir réalisé une caricature de policier en 2001, en lui retroussant un peu le nez à la manière d'un cochon[14], le genre de la caricature n'autorisant pas les « représentations dégradantes »[15].
  • Répression des injures sexistes ou « homophobes » : la loi du 30 décembre 2004 pénalise les propos liés au sexe ou l'orientation sexuelle de la personne. Une législation à contre-courant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme[16].
  • Google est fréquemment mis en cause pour son dispositif "Google Suggest" qui procède à des associations de mots que certains considèrent comme injurieuses ou diffamatoires ; les jurisprudences sont contradictoires[17]
  • En décembre 2013, Jean-Marie Le Pen est condamné pour "injure publique à caractère racial" pour avoir en 2012 attribué aux Roms la phrase : "Nous, nous sommes comme les oiseaux, nous volons naturellement".
  • Traiter quelqu'un de "fumiste" relève de la diffamation, en revanche on peut sans risque qualifier son travail de "fumisterie"[18].
  • en août 2014, Christine Tasin est condamnée à 3000 € d’amende pour avoir dit le 15 octobre 2013 « l'islam est une saloperie » ; son avocat souligne que « ce sont des propos hostiles à l’islam et non aux musulmans ».
  • Le délit de « diffamation », en raison de son caractère très vague et très subjectif (atteinte à l'honneur ou à la considération, « volonté de nuire »), est en général le moyen le plus commode de faire taire un adversaire, et n'importe quel écrit politique un peu critique peut encourir une condamnation. Par exemple, exprimer l'opinion qu'en France « les contrôles d’identité au faciès sont non seulement monnaie courante, mais se multiplient » a valu à son auteur une condamnation pour diffamation[19]. La diffamation ne consiste pas à dire quelque chose de faux concernant une personne, c'est en fait une atteinte à l’honneur concernant un fait précis (sinon c’est une injure). Les deux moyens de défense (outre la requalification en injure) sont l'exception de vérité (souvent difficile à prouver : on peut être condamné pour quelque chose de vrai -par exemple l'affirmation de charlatanisme- qu'on n'a pu prouver, et relaxé pour quelque chose de faux) et l'exception de bonne foi (impliquant entre autres absence d’animosité personnelle et prudence dans l’expression).

Notion de discrimination

  • passer une annonce pour recruter une aide ménagère à domicile qui soit chrétienne, ou une puéricultrice en précisant « homosexuel s’abstenir », aboutit à une condamnation pour discrimination (voir Patrick Simon, bulletin du Cercle Frédéric Bastiat n°80, p. 6) ; en revanche certaines discriminations religieuses semblent tolérées (exemple d'offres d'emploi de bouchers "halals", les candidats devant être musulmans) ;
  • plus généralement, le code du travail rend la discrimination à l'embauche illégale : la France est le seul pays où l'apparence physique ou l'état de santé figurent parmi les critères de discrimination illégaux. Une annonce où l'on chercherait à recruter un candidat ou une candidate en bonne santé ou d'apparence agréable serait donc discriminatoire ;
  • la liberté de conscience et le droit de changer de religion ou d'abandonner sa religion ne sont pas officiellement reconnus pour les musulmans. L'apostasie est punie au minimum (en pratique) par une "mort sociale", et au pire (en théorie) par la mort.[20]

Comparaison avec les États-Unis

Aux États-Unis, le premier amendement à la constitution nationale garantit en théorie une liberté d'expression très étendue, puisqu'il ne permet « aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de la presse ».
Cependant la liberté d'expression exclut « les propos relevant de l'obscénité, de la diffamation, de l'incitation à l'émeute, du harcèlement, des communications privilégiées, des secrets commerciaux, des documents classifiés, du copyright, des brevets, des opérations militaires, des discours commerciaux comme la publicité, et de restrictions de temps, de lieu et de manière »[21], ce qui met la liberté d'expression à la merci de l’État. La censure s'exerce à différents niveaux[22].

Censure

De Wikiberal
 
  La censure est une limitation autoritaire de la liberté d'expression de chacun. Elle passe par le contrôle du pouvoir sur des livres, journaux, bulletins d'informations, pièces de théâtre, films, etc., avant d'en permettre la diffusion au public.
Par abus de langage, on parle parfois de "censure" pour désigner le comportement d'un éditeur ou d'un média qui refuse de donner la parole à certaines personnes ou à certains groupes. Il faut rappeler que la liberté d'expression consiste aussi pour chacun à discriminer et à choisir les sujets sur lesquels il décide de s'exprimer, au détriment des autres. Il n'y a pas de "droit à s'exprimer n'importe où et de n'importe quelle façon" : la liberté d'expression doit respecter la liberté individuelle et le droit de propriété. Ainsi ce qu'on appelle la "modération" sur Internet n'est pas une censure : la censure interdit une opinion en tout lieu, alors que la modération ne l'exclut que de son territoire.

La censure en France

En France, sous l'Ancien Régime, la censure a toujours existé. Par exemple, les livres étaient édités "avec privilège du Roi" : cette "autorisation", qui préfigurait la propriété intellectuelle, donnait en réalité un droit de regard aux censeurs royaux. Elle coexistait avec un grand marché de l'édition "sous le manteau", la fabrication se faisant dans des ateliers clandestins ou dans des pays étrangers plus libéraux. Lors de la Révolution française, la censure est abolie en 1791, mais rétablie en 1794 par la contre-révolution de Thermidor.
Sous l'Empire, le décret du 5 février 1810 instaure une censure complète de la presse et de la "librairie" : surveillance étroite de la presse, encadrement administratif de l'imprimerie (par un corps d'inspecteurs et de contrôleurs), contrôle des ouvrages imprimés aux frontières, registre des intentions de publication, "brevet" nécessaire pour être imprimeur ou libraire (nécessitant entre autres un certificat de bonne vie et mœurs et une prestation de serment), "dépôt légal" réaffirmé, etc. Napoléon III y rajoutera un contrôle du colportage. Ce décret ne sera complètement aboli que par la loi du 29 juillet 1881. La censure sur les spectacles sera levée en 1906. La censure réapparaîtra lors des deux guerres mondiales et de la guerre d'Algérie (1954-62). La condamnation des Fleurs du Mal de Baudelaire (1857) ne sera levée qu'en 1949. J'irai cracher sur vos tombes de Boris Vian, considéré comme pornographique et immoral, sera interdit en 1949 et son auteur condamné pour outrage aux bonnes mœurs ; le procureur estime que cette condamnation est justifiée moins par le caractère scandaleux de l’œuvre que par le fait que son prix la rende accessible à tout le monde...
La censure pour raisons politiques a toujours existé en France : par exemple le film Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick, estimé attentatoire à la dignité de l'armée française, a été censuré jusqu'en 1975. Le film Pierrot le fou de Godard (1965) fut interdit aux moins de dix-huit ans pour "anarchisme intellectuel et moral".
Le livre Suicide, mode d'emploi a été interdit à la vente en 1987, par une loi réprimant la « provocation au suicide ». Le 12 mars 1987 c'est le roman L'Os de Dionysos qui est interdit par le Tribunal de Grande Instance de Tarbes pour "trouble illicite, incitation au désordre et à la moquerie, pornographie et danger pour la jeunesse en pleine formation physique et morale".
Le livre "Le Grand Secret", publié en 1996 par le docteur Gubler, médecin de François Mitterrand, a été interdit en France pour violation du secret médical. Un arrêt de la Cour européenne (décision du 18 mai 2004) a sanctionné les juges français qui ont interdit la sortie du livre.
Le 13 novembre 2013 le livre Le Salut par les Juifs de Léon Bloy (livre écrit en réponse à La France juive de l'antisémite Édouard Drumont), maintes fois réédité depuis 1892, a été censuré par le juge des référés de Bobigny, suite à une plainte de la Licra.

Contre la censure

Les libéraux sont opposés à tout type de censure, pour des raisons éthiques.
La censure est une violence injustifiée qui restreint la liberté d'expression. C'est une mesure paternaliste qui fait fi de la responsabilité et de l'intelligence des personnes. Le discours haineux / violent / immoral à lui seul ne constitue pas une agression, il doit donc s'exprimer et participer à l'échange libre des idées, ce qui est le meilleur moyen de le combattre.
D'un point de vue strictement conséquentialiste, censurer quelqu'un, c'est lui faire une publicité dont il n'aurait jamais rêvé. C'est en faire une victime d'autant plus intransigeante, et qui continuera de toute façon dans la clandestinité. Ne pas le censurer, c'est au contraire lui permettre d'exhiber sa bêtise / sa haine / ses préjugés au grand jour, et de devoir faire face aux arguments rationnels, ce dont il a le plus souvent horreur. Il faut donc laisser s'exprimer même les totalitaires et les antilibéraux, autrement on ne pourrait même pas savoir qu'ils existent !
Être opposé à la censure ne signifie pas pour autant cautionner des idées dangereuses ou des pratiques immorales ; celles-ci doivent pouvoir s'exprimer parce que les inconvénients de la censure l'emportent largement sur ses avantages. Plutôt que l'interdiction, il faut favoriser la libre expression qui permet la réfutation :
Si l'on a la possibilité de dévoiler par la discussion le mensonge et l'erreur, d'éviter le mal grâce à l'éducation, le remède à appliquer est davantage de liberté d'expression, et non d'imposer le silence par la force.[1]
 

La censure est l’essence du socialisme à cliquer :)


Liberté d'opinion

De Wikiberal
 
Le concept de « Liberté d'opinion » désigne deux libertés indissociables l'une de l'autre, c'est-à-dire que si l'une de ces libertés est menacée, l'autre l'est également nécessairement.
D'une part, la « Liberté d'opinion » consiste en la liberté de prendre connaissance des opinions d'autrui.
Il s'agira par exemple du libre choix du livre que l'on lit, de la radio que l'on écoute, de la chaîne de télévision que l'on regarde, du journal que l'on lit, du site Internet que l'on consulte, de l'école où l'on suit un enseignement, de l'église où l'on écoute une prédication.
D'autre part, la « Liberté d'opinion » consiste en la liberté d'exprimer ses opinions envers autrui.
Il s'agira par exemple du libre choix du livre que l'on écrit ou que l'on publie, de la radio que l'on crée ou que l'on diffuse, de la chaîne de télévision que l'on crée ou que l'on diffuse, du journal que l'on publie, du site Internet que l'on crée, de l'école que l'on crée, de l'église que l'on crée.
On peut distinguer une liberté de pensée, opposée à la propagande, et une liberté de penser, qui va de pair avec la liberté de communiquer ses pensées, la liberté d'expression.
On désigne parfois en abrégé sous le terme de « liberté de penser » la liberté de communiquer ses pensées. Dans l'état actuel de la technique, il n'est en effet pas possible d'empêcher qui que ce soit de penser quoi que ce soit.
Il faut tempérer cette idée par la prise de conscience qu'il est possible de forcer des individus et les groupes à accepter telle ou telle pensée ou idéologie (propagande, publicité, média, éducation, conditionnement).
La liberté de penser consiste aussi à ne pas dépasser les limites de la raison (faits scientifiques, ce que l'on sait, ce qui est vrai), car, sans lois, sans limites, la liberté de penser n'existe plus.
 
 
 
 
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