La liberté d'expression et le droit de rire de tout ont décliné dans notre société.
Pour qui se passionne pour la liberté d’expression et son évolution, rien de plus éclairant que de comparer certaines polémiques d’aujourd’hui avec des humoristes d’hier, par exemple Pierre Desproges décédé en 1988 et devenu quasiment mythique depuis pour beaucoup, ou Coluche.
Pierre Desproges, en particulier, ne s’est pas privé de faire quelques blagues susceptibles d’offenser la mémoire juive aussi bien sur la Shoah que sur le Vél’ d’Hiv. Mais il n’a jamais connu le moindre souci d’aucune sorte à la suite de ses très drôles provocations.
Le rire et les excuses
Une jeune humoriste belge, Laura Laune, dont l’unique souci est de faire rire, s’interroge au cours d’un extrait de spectacle présenté au Journal de 20 heures de France 2 : « Quel est le point commun entre les Juifs et les baskets ? Il y en a plus en 39 qu’en 45 ».
Cette saillie dont on a beaucoup parlé, qui en a indigné certains mais a suscité de l’amusement chez beaucoup – avec cette appétence trouble pour de l’esprit authentique posé sur un sujet tabou – reflète parfaitement, avec l’émoi, la médiatisation et l’importance qui lui a été donnée, la différence de climat et d’époque entre un Pierre Desproges laissé tranquille et une Laura Laune obligée de se justifier même si personne, jusqu’à maintenant, n’a eu le ridicule de la faire poursuivre.
Un tel écart contraint à questionner ce qui chez ces humoristes et dans leurs blagues a engendré une différence aussi radicale entre la perception des uns et des autres.
Pierre Desproges n’était pas antisémite, dénué de toute malveillance à l’égard des Juifs. Laura Laune ne l’est pas davantage.
Pierre Desproges, avant 1988, était susceptible de toucher encore plus intimement les familles juives de victimes gazées que Laura Laune apparue et osant le rire trente années plus tard. En toute logique, l’éloignement du temps aurait dû non pas intensifier mais amoindrir les réactions.
Pourtant le contraire s’est produit. Et ce n’est pas propre qu’à la plaisanterie de Laura Laune mais à celles d’autres qui s’aventurent sur ces territoires dangereux, voire quasiment interdits de l’humour sur l’Holocauste, cet enfer, et la communauté juive.
Notre société serait-elle devenue authentiquement plus morale, soucieuse d’autrui, plus respectueuse des morts ? Je ne le crois pas une seconde.
Une moindre tolérance pour la provocation
Il est sûr en revanche que la liberté d’expression et le droit de rire de tout ont décliné et que la présomption dominante n’est plus de laisser écrire ou parler mais de blâmer, de pourfendre et éventuellement de poursuivre.
Le monde dans lequel nous vivons nous habitue, avec le terrorisme islamiste et l’ampleur de l’insécurité ordinaire, délictuelle ou criminelle, à une peur, une moindre tolérance pour l’infinie gratuité du langage et les facilités et provocations que celui-ci a plaisir à s’octroyer.
Mais la cause fondamentale qui fait que Pierre Desproges n’aurait peut-être plus le droit de nous faire rire sur les sujets sulfureux qu’il abordait sans crainte réside – et c’est une banalité – dans les réseaux sociaux, leur multiplication et en général leur indifférence à l’égard de la liberté d’expression ; mais au contraire leur volonté obsessionnelle de monter en épingle n’importe quel propos pour en appeler au lynchage médiatique, à la réprobation de tous et à l’ostracisation, cultivée avec bonne conscience, de celui ou de celle par qui le scandale prétendu aurait surgi.
Laura Laune a encore eu de la chance puisque, malgré quelques procureurs médiatiques outrés, le conflit s’est élargi à France 2 qui devient le bouc émissaire idéal. Comme si un immense public de téléspectateurs avait à être forcément protégé, respecté par éradication plutôt que considéré par compréhension.
Les réseaux sociaux ont évidemment diffusé partout des outrances, des drôleries, des humeurs et des provocations qui à l’époque de Desproges demeuraient peu ou prou dans le cercle du public des spectacles. Ils ont conduit à une augmentation radicale de la victimologie, réelle ou prétendue. Les familles des victimes, aussi lointain que soit l’Holocauste aujourd’hui, ont d’une certaine manière, à cause de cette prolifération par Internet, eu le sentiment d’une réactualisation permanente de l’horreur.
Les réseaux sociaux ont permis à de médiocres citoyens de se révéler et de faire de leur surabondance une fierté au lieu qu’elle soit une indignité. Tous ces petits maîtres, tous ces procureurs, eux, sans morale ni intelligence, tous ces justiciers médiocres qui condamnent, tous ces inquisiteurs expéditifs, toute cette cohorte qui furète, débusque, renifle et dénonce ce qu’elle estime innommable pour se repaître de l’exploitation d’un rien hypertrophié par bêtise ou malfaisance, sont la rançon abjecte de la communication sophistiquée d’aujourd’hui.
Pierre Desproges n’y survivrait pas – alors qu’il a été épargné par la loi Pleven de 1972 dont l’esprit était liberticide mais qui interdisait les seuls propos et écrits battant en brèche les vérités considérées comme absolues du tribunal de Nuremberg – mais s’il en avait réchappé, nul doute qu’il aurait changé de cible et qu’il aurait ridiculisé ces censeurs de la pire espèce : ceux qui exécutent au grand soleil de la transparence.
Humour
L'humour est une forme d'esprit railleuse qui (selon Larousse) « s'attache à souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de certains aspects de la réalité ».
« Politesse du désespoir » d'après Boris Vian, c'est « une façon habile et satisfaisante de désamorcer le réel au moment même où il va vous tomber dessus », selon Romain Gary. « Rire, c'est être malicieux, mais avec une bonne conscience » (Friedrich Nietzsche, Le gai savoir).
L'humour est du ressort de la liberté d'expression. Pour cette raison, il est vu d'un mauvais œil par les régimes autoritaires. Dans les démocraties sociales, il est souvent contrôlé et limité par un arsenal de lois qui interdisent de l'exercer à l'encontre de certaines minorités protégées.
Citations humoristiques
- « La gravité est le bonheur des imbéciles. » (Montesquieu)
- « Chaque plaisanterie est une petite révolution. » (George Orwell)
- « Il n'y a pas de limites à l'humour qui est au service de la liberté d'expression car, là où l'humour s'arrête, bien souvent, la place est laissée à la censure. » (Cabu)
- « L'humour est le plus court chemin d'un homme à un autre. » (Georges Wolinski)
- Veuillez laisser l'État dans les toilettes où vous l'avez trouvé ! (blague libertarienne)
- Justice : un produit plus ou moins frelaté que l'État vend au citoyen pour le récompenser de son obéissance, de ses impôts et des actions civiles qu'il exerce. (Ambrose Bierce, Le dictionnaire du diable)
- Agissez contre la pollution ! Refusez de respirer ! (Achille Talon)
- Qui peut honnêtement, sans arrière-pensées, rendre Marx responsable des millions de morts du communisme sous prétexte qu'il avait oublié le facteur humain dans ses calculs ? (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
- Tous les êtres de toutes les Galaxies sont égaux devant la Grande Matrice, indépendamment de leur forme, du nombre de leurs écailles ou de leurs bras, et indépendamment même de l'état physique (solide, liquide ou gazeux) dans lequel il se trouve qu'ils vivent. (Umberto Eco)
- Le communisme, c'est une des seules maladies graves qu'on n'a pas expérimentées d'abord sur les animaux. (Coluche)
- Grâce à Nietzsche, la pensée occidentale se débarrasse pêle-mêle de la morale, des valeurs, des Grecs, de Dieu, de l'État, de la Démocratie... autant d'inventions nées de la haine, du ressentiment et de la résignation des faibles, toujours en train de se plaindre et d'appeler la police. (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
- C'est pas grave d'être de gauche... en général ça passe au premier relevé d'ISF. (Gaspard Proust)
- Ah ! Que ne suis-je riche, pour venir en aide au pauvre que je suis ! (Tristan Bernard, Le fardeau de la liberté)
- La pensée d'Aristote contient en germe l'Inquisition, le fascisme et le communisme. Heureusement que les deux tiers de son œuvre ont été égarés ! (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
- La première Loi de l’Économie est : pour tout économiste, il existe un économiste d'avis contraire. La seconde Loi de l’Économie est : ils ont tous les deux tort. (econoclaste.org)
- Économie : la science qui permettra d'expliquer demain pourquoi les prédictions d'hier ne se sont pas réalisées aujourd'hui. (anonyme)
- Si vous pensez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance ! (Derek Bok)
- Hannah Arendt : sa critique du totalitarisme fait autorité, sauf peut-être chez les penseurs fascistes et staliniens. (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
- Quel mérite y a-t-il à donner un emploi à quelqu'un qui le mérite ? En donner à ceux qui ne le méritent pas, ça, c'est du mérite ! (Ayn Rand, La Grève)
- Egoïste : personne de mauvais goût, qui s'intéresse davantage à elle-même qu'à moi. (Ambrose Bierce, Le dictionnaire du diable)
- Inventeur de la théorie des Idées, Platon démontre que nous sommes prisonniers d'une caverne insalubre et que nous tournons le dos à la vraie vie qui est ailleurs. (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
- Selon certaines sources, l'hégélianisme aurait fait à ce jour plus de 185 millions de morts, et au moins le triple de migraineux. (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
- S'il y avait un impôt sur la connerie, l'Etat s'autofinancerait. (Coluche)
- Qui donne à l’État prête à rire. (Tristan Bernard)
- Premier libéral-libertaire, Guillaume d'Occam oppose l'intuition personnelle et expérimentale à l'ordre prétendument naturel et immanent. Ce faisant, il invente le nominalisme et le rasoir. (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
- La moitié des hommes politiques sont des bons à rien. Les autres sont prêts à tout. (Coluche)
- Ça fait beaucoup marrer les gens de voir qu'on peut se moquer de la politique, alors que, dans l'ensemble, c'est surtout la politique qui se moque de nous. (Coluche)
- La grande différence qu’il y a entre les oiseaux et les hommes politiques, c’est que, de temps en temps, les oiseaux s’arrêtent de voler. (Coluche)
- Les fonctionnaires sont tellement habitués à ne rien faire que lorsqu'ils font grève, ils appellent ça une "journée d'action". (Coluche)
- La politique est l'art de chercher des ennuis, de les trouver, d'en donner un diagnostic erroné, puis d'appliquer les mauvais remèdes. (Ernest Benn, régulièrement attribuée à tort à Groucho Marx)
- Les hommes politiques et les couches des bébés doivent être changés souvent... et pour les mêmes raisons. (George Bernard Shaw)
- Il vaut mieux pomper même s'il ne se passe rien que risquer qu'il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas. (devise Shadok applicable à l'interventionnisme étatique)
- Le problème des Français est qu'ils n'ont pas de mot dans leur langue pour "laissez-faire". (Graham Watson)
- J’adorerais être de gauche. C’est un souhait, mais je trouve que c’est tellement élevé comme vertu que j’y ai renoncé. C’est un gros boulot, un dépassement de soi, c’est une attitude, une présence à l’autre… Il faut être "exceptionnel" quand tu es de gauche. Quand tu n’es pas de gauche, tu peux être moyen. Quand tu es de gauche, c’est l’excellence, le génie moral, le génie de l’entraide. C'est trop de boulot ! (Fabrice Luchini, France 2, 17/10/2013)
- Les socialistes ont eu tort de venir au pouvoir. Ils auraient dû faire comme Dieu : ne jamais se montrer pour qu'on continue à y croire. (Coluche)
- En trayant sans cesse la vache à lait, on tue la poule aux œufs d'or. (Henri Jeanson)
- L'esprit totalitaire, c'est quand l'humour lui-même devient suspect. (Slobodan Despot, 16/02/2018)
- Tout est drôle, tant que cela arrive à quelqu'un d'autre. (Will Rogers)
- L'homme souffre si profondément qu'il a dû inventer le rire. (Friedrich Nietzsche)
- On dirait que la fatalité veut, dans notre existence, compléter la torture par la dérision ; elle y met toutes les douleurs de la tragédie ; mais, pour ne pas nous laisser au moins la dignité du personnage tragique, elle nous réduit, dans les détails de la vie, au rôle du bouffon. (Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation)
Voir aussi
- Pages de Wikibéral contenant des citations humoristiques
- BD libérales
- Climathon
- canular libéral : nouvelle alternative prolétarienne
- Films et séries :
- Ayn Rand et l'humour
- Le Maître du monde, Les Inconnus, George Carlin
- Une loi politico-économique humoristique : la Loi de Bitur-camember
- La Sécurité sociale française sur Désencyclopedie
https://www.wikiberal.org/wiki/Humour