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L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Librement vôtre - Faisons ensemble la liberté, la Liberté fera le reste.
Sommaire:
B) Europe de la défense : « Il faut que les Etats membres soient fortement impliqués » - AEF info - Jean-Pierre Maulny
C) Brexit : les députés britanniques donnent leur feu vert à Theresa May - AFP
D) Les autoroutes ferroviaires restent à la traîne - Le Figaro - AFP/Guillaume Souvant
E) Dérégulation bancaire : Mario Draghi fustige Donald Trump - Le Figaro - Manon Malhère
F) Quel bilan tirer du traité de Maastricht ? - Le Monde économie - Marie Charrel
G) 23 pays de l’UE violent les règles de qualité de l’air - Euractiv - James Crisp – traduit par Marion Candau
H) Guerre et intelligence économique
- JDE - Hubert de Langle
I) Le djihadisme, héritier du fascisme, du nazisme et du soviétisme ? - Figarovox - Eric Delbecque
J) Thierry de Montbrial : « La France ne devrait pas avoir honte de défendre ses intérêts » - Figarovox
A) Pour l’anniversaire de Maastricht, le « Grexit » revient
Le 7 février 1992, les Etats membres signaient le traité de
Maastricht. Pour Coralie Delaume, après la toute première sortie de l'UE lancée par le Royaume-Uni, la toute première sortie de l'euro pourrait arriver car la situation en Grèce
apparaît sans issue.
Le sujet n'est plus à la mode. Au cœur de l'actualité européenne, le «hard Brexit» de Theresa
May a volé la vedette depuis fort longtemps à la crise grecque, supposée réglée. En France, on
parvient à engager des campagnes présidentielles - et même à bâtir des programmes
économiques entiers - sans paraître se soucier du cadre européen. Dans ce contexte, il ne
viendrait l'idée à personne de remettre sur la table l'épineux sujet grec, surtout pas à quelques
mois des élections néerlandaises (mars 2017), de la présidentielle française et des législatives
allemandes (septembre). Pourtant, ce dernier pourrait bien s'imposer de lui-même sans
demander l'autorisation dans les semaines et mois qui viennent. Selon un récent article du
journal allemand Bild en effet, «le Grexit est de retour C'est Wolfgang Schäuble qui semble
avoir remis le sujet sur le tapis, à l'issue de l'Eurogroupe du 27 janvier dernier. Schäuble estime
comme à son habitude que le gouvernement grec n'en a pas fait assez dans le domaine des
«réformes de structure». Le ministre allemand des Finances n'a probablement jamais vraiment
renoncé à son idée de «Grexit temporaire» formulée en 2015. Il semble à nouveau vouloir
pousser les Grecs vers la sortie, quitte à affirmer sans gêne qu'ils n'ont «pas fait ce qu'ils se
sont tant de fois engagés à faire».
L'État grec est en cours de démantèlement pur et simple. Pourtant, ce ne sont pas les réformes
qui ont manqué en Grèce. Dès 2013, l'OCDE indiquait dans un rapport que le pays avait «le
taux le plus élevé de réponse aux réformes structurelles recommandées» et se félicitait des
«progrès impressionnants accomplis» (OECD, Economic Survey - Greece, November 2013).
C'était bien avant, pourtant, qu'Athènes ne s'engage sur la voie du troisième mémorandum, celui
exigé par les Européens après que Tsipras eût capitulé face à ses créanciers mi 2015. Ce
troisième mémorandum a repoussé toutes les limites de ce qui se pouvait concevoir en terme
de maltraitance économique. Ce troisième mémorandum en effet, véritable «catalogue des
horreurs de l'aveu même du journal allemand Der Spiegel, a repoussé toutes les limites de ce
qui se pouvait concevoir en terme de maltraitance économique. Outre le fait que «l'aide» de 86
milliards d'euros dont il est la contrepartie - mais qui n'est constituée que de prêts - va alourdir
d'autant une dette déjà située à près de 180% du PIB, outre les habituelles hausses d'impôts, la
nouvelle baisse des retraites et la énième «flexibilisation» du droit du travail, Athènes s'est fait
détrousser de l'infinitésimal reliquat de souveraineté qui lui restait. Comme le rappelle ici la
spécialiste du pays Marie-Laure Coulmin Koutsaftis l'État grec est en cours de démantèlement
pur et simple. Nombre d'actifs publics sont vendus à l'initiative d'un fonds de droit privé, la
Société des Participations Publiques, étroitement contrôlé par les créanciers du pays et présidé
par un Français. Le gouvernement hellène a également perdu la main sur son administration
fiscale qui s'est muée, le 1er janvier 2017, en «agence des recettes autonome». Outre certaines
attributions habituellement dévolues à un ministère du Budget (fiscalité, mesures douanières),
lui incombe la sympathique mission de faire main basse sur les habitations principales des
débiteurs insolvables pour les vendre. Enfin, un invraisemblable mécanisme adopté en mai
dernier et surnommé «la cisaille» permet de faire entrer en vigueur de manière immédiate et
mécanique de nouvelles mesures d'austérité s'il apparaît que le budget de l'État s'éloigne de
l'objectif d'excédent budgétaire primaire (hors service de la dette) de 3,5 % fixé pour 2018. Il
s'agit donc de «légiférer» en mode automatique, sans consulter le Parlement. Du jamais vu.
L'Allemagne, parangon d'intransigeance, ne veut pas entendre parler de coupes dans le stock de
dette hellène, surtout pas à l'approche de son scrutin législatif.
Là où le bât blesse, c'est que pour prix de ces réformes au chalumeau, les créanciers promettent de longue date à la Grèce un allègement de son énorme dette publique. Or sur ce point, l'ex- Troïka se déchire. Faucons jusqu'au délire, «les Européens» ne cèdent pas d'un pouce. Même le très modeste toilettage de la dette concédé en décembre dernier a failli être remis en question après qu'Alexis Tsipras a osé accorder un coup de pouce financie r aux retraités de son pays pour Noël sans demander l'autorisation à «l'Europe». L'Allemagne, parangon d'intransigeance, ne veut pas entendre parler de coupes dans le stock de dette hellène, surtout pas à l'approche de son scrutin législatif. Pour autant - et c'est un paradoxe - elle tient absolument à ce que le Fonds monétaire international demeure partie prenante de l'actuel plan «d'aide». Or le Fonds, pour sa part, met de plus en plus de distance entre lui-même et ses acolytes de l'ancienne Troïka. Il menace régulièrement de les quitter car ses statuts lui interdisent en principe de secourir un pays insolvable, ce qui est désormais le cas de la Grèce selon lui.
Le FMI alerte sur l'urgente nécessité de restructurer la dette hellénique et menace, si cela n'intervient pas, de se retirer de l'aventure.
Et ça fait longtemps qu'il le dit. On ne compte plus les rapports dans lesquels le FMI alerte sur l'urgente nécessité de restructurer la dette hellénique et menace, si cela n'intervient pas, de se retirer de l'aventure. En 2013 déjà, il publiait un document sévère relatif à la gestion de la première crise grecque, celle de 2010. Il déplorait qu'à l'époque «la restructuration de la dette [ait] été envisagée par les parties à la négociation mais qu'elle [ait] été exclue par les dirigeants de la zone euro» ( IMF Country Report No. 13/156 - Greece, 06/2013). Deux ans plus tard, le Fonds proposait d'accorder à Athènes «un délai de grâce» de trente ans sur le paiement de sa dette et estimait celle-ci «totalement non viable» (IMF Country Report No. 15/186 - Greece, 14/07/2015). En juillet 2016, le Bureau indépendant d'Évaluation (IEO) du FMI, publiait un bilan assassin rappelant que toutes les modalités de prise de décision habituellement en vigueur au sein du Fonds avaient été contournées dans l'affaire grecque. Pour des raisons politiques, pour satisfaire l'appétence des «Européens» pour une dureté d'airain vis à vis d'Athènes, la direction du FMI aurait sciemment désinformé son Conseil d'administration et conduit l'institution de Washington à opérer un renflouement là où il aurait fallu pratiquer un «haircut» (une coupe dans la dette). Enfin, le tout dernier rapport en date (janvier 2017) vient de réaffirmer de manière catégorique: «La dette grecque est totalement intenable. Même avec une application pleine et entière des réformes approuvées dans le cadre du programme d'aide, la dette publique et les besoins de financement vont devenir explosifs sur le long terme».
C'est avec ce document pour base de travail que devaient se rencontrer lundi, afin de s'entre- exposer une nouvelle fois les uns aux autres leurs inexpugnables divergences, les différents protagonistes: le FMI pour rappeler qu'il faut soit trancher fermement dans la dette grecque, soit prévoir un tour de vis austéritaire supplémentaire. Le gouvernement grec, pour faire valoir qu'il n'irait pas plus loin dans les réformes. Les créanciers européens pour rappeler que décidément, rien ne leur va, ni l'idée de se passer du concours du Fonds, ni celle de se ranger à ses vues en acceptant d'alléger enfin la dette hellène. Que peut-il sortir de ce dialogue de sourds ? Peut-être la fuite pure et simple d'un FMI excédé qui laisserait «les Européens» barboter seuls dans cet hôpital de jour à ciel ouvert. Que peut-il sortir de ce dialogue de sourds? Peut-être la fuite pure et simple, cette fois, d'un FMI excédé qui laisserait «les Européens» barboter seuls dans cet hôpital de jour à ciel ouvert qu'est devenue, vingt-cinq ans tout juste après l'entrée en vigueur du traité de Maastricht, l'Union économique et monétaire. La décision interviendra dans le courant de ce mois.
Là où le bât blesse, c'est que pour prix de ces réformes au chalumeau, les créanciers promettent de longue date à la Grèce un allègement de son énorme dette publique. Or sur ce point, l'ex- Troïka se déchire. Faucons jusqu'au délire, «les Européens» ne cèdent pas d'un pouce. Même le très modeste toilettage de la dette concédé en décembre dernier a failli être remis en question après qu'Alexis Tsipras a osé accorder un coup de pouce financie r aux retraités de son pays pour Noël sans demander l'autorisation à «l'Europe». L'Allemagne, parangon d'intransigeance, ne veut pas entendre parler de coupes dans le stock de dette hellène, surtout pas à l'approche de son scrutin législatif. Pour autant - et c'est un paradoxe - elle tient absolument à ce que le Fonds monétaire international demeure partie prenante de l'actuel plan «d'aide». Or le Fonds, pour sa part, met de plus en plus de distance entre lui-même et ses acolytes de l'ancienne Troïka. Il menace régulièrement de les quitter car ses statuts lui interdisent en principe de secourir un pays insolvable, ce qui est désormais le cas de la Grèce selon lui.
Le FMI alerte sur l'urgente nécessité de restructurer la dette hellénique et menace, si cela n'intervient pas, de se retirer de l'aventure.
Et ça fait longtemps qu'il le dit. On ne compte plus les rapports dans lesquels le FMI alerte sur l'urgente nécessité de restructurer la dette hellénique et menace, si cela n'intervient pas, de se retirer de l'aventure. En 2013 déjà, il publiait un document sévère relatif à la gestion de la première crise grecque, celle de 2010. Il déplorait qu'à l'époque «la restructuration de la dette [ait] été envisagée par les parties à la négociation mais qu'elle [ait] été exclue par les dirigeants de la zone euro» ( IMF Country Report No. 13/156 - Greece, 06/2013). Deux ans plus tard, le Fonds proposait d'accorder à Athènes «un délai de grâce» de trente ans sur le paiement de sa dette et estimait celle-ci «totalement non viable» (IMF Country Report No. 15/186 - Greece, 14/07/2015). En juillet 2016, le Bureau indépendant d'Évaluation (IEO) du FMI, publiait un bilan assassin rappelant que toutes les modalités de prise de décision habituellement en vigueur au sein du Fonds avaient été contournées dans l'affaire grecque. Pour des raisons politiques, pour satisfaire l'appétence des «Européens» pour une dureté d'airain vis à vis d'Athènes, la direction du FMI aurait sciemment désinformé son Conseil d'administration et conduit l'institution de Washington à opérer un renflouement là où il aurait fallu pratiquer un «haircut» (une coupe dans la dette). Enfin, le tout dernier rapport en date (janvier 2017) vient de réaffirmer de manière catégorique: «La dette grecque est totalement intenable. Même avec une application pleine et entière des réformes approuvées dans le cadre du programme d'aide, la dette publique et les besoins de financement vont devenir explosifs sur le long terme».
C'est avec ce document pour base de travail que devaient se rencontrer lundi, afin de s'entre- exposer une nouvelle fois les uns aux autres leurs inexpugnables divergences, les différents protagonistes: le FMI pour rappeler qu'il faut soit trancher fermement dans la dette grecque, soit prévoir un tour de vis austéritaire supplémentaire. Le gouvernement grec, pour faire valoir qu'il n'irait pas plus loin dans les réformes. Les créanciers européens pour rappeler que décidément, rien ne leur va, ni l'idée de se passer du concours du Fonds, ni celle de se ranger à ses vues en acceptant d'alléger enfin la dette hellène. Que peut-il sortir de ce dialogue de sourds ? Peut-être la fuite pure et simple d'un FMI excédé qui laisserait «les Européens» barboter seuls dans cet hôpital de jour à ciel ouvert. Que peut-il sortir de ce dialogue de sourds? Peut-être la fuite pure et simple, cette fois, d'un FMI excédé qui laisserait «les Européens» barboter seuls dans cet hôpital de jour à ciel ouvert qu'est devenue, vingt-cinq ans tout juste après l'entrée en vigueur du traité de Maastricht, l'Union économique et monétaire. La décision interviendra dans le courant de ce mois.
Quelle suite les États membres donneront-ils à un éventuel départ de ce «tiers séparateur» qu'est
en réalité le Fonds?
Les Grecs, pour leur part, semblent (re)commencer à envisager une sortie de l'euro. D'anciens ministres d'Alexis Tsipras se font entendre. Comme le rapporte Médiapart l'ex ministre des Affaires européennes Nikos Xydakis a récemment affirmé que l'omerta sur la question monétaire devait être levée. «Il ne doit pas y avoir de tabou quand nous parlons du destin de la nation. Nous sommes arrivés au point où le peuple est au bout de son endurance. Je crois que nous avons besoin d'une discussion politique nationale en profondeur», a-t-il affirmé. Yanis Varoufakis pour sa part, ne mâche pas ses mots dans la tribune qu'il signe ici le 4 février. Il accuse le ministre allemand Wolfgang Schäuble de manigancer un Grexit hostile. Puis il enjoint le gouvernement de son pays à prendre les devants, lui suggère de tourner le dos aux créanciers et de restructurer unilatéralement certains titres de dette, l'invite à mettre en place un système de paiement parallèle. Cette «double monnaie Varoufakis en avait préparé l'avènement au printemps 2015, alors qu'il était encore ministre des Finances du gouvernement Syriza. Le projet n'a jamais vu le jour. Que de temps gaspillé s'il devait s'imposer maintenant. Que de mesures d'austérité votées pour rien.... Est-ce à dire pour autant qu'un éventuel Grexit serait forcément un désastre? Tout dépend de l'aide que recevra Athènes si elle choisit de faire le grand saut. La situation internationale a changé depuis 18 mois. Le nouveau pouvoir américain ne fait pas mystère de son hostilité à la construction européenne. S'il n'a pas encore été nommé à ce poste et si sa candidature doit d'abord être acceptée par des Européens qui traîneront nécessairement des pieds, Ted Malloch, le candidat de Donald Trump au poste d'ambassadeur américain auprès de l'UE désormais connu pour ses diatribes hostiles à l'Union et à l'euro, n'hésite pas à affirmer «Je ne veux pas parler à la place des Grecs, cependant, du point de vue d'un économiste, il y a très fortes raisons pour la Grèce de quitter l'euro». Au point, pour les États-Unis, d'aider la Grèce à franchir le pas le cas échéant? Difficile, pour l'heure, d'y voir clair dans le jeu américain. Ce que l'on peut dire, en revanche, c'est que la crise grecque est de retour. Après la toute première sortie de l'Union (celle de la Grande-Bretagne), la toute première sortie de l'euro pourrait elle aussi se produire très bientôt.
Les Grecs, pour leur part, semblent (re)commencer à envisager une sortie de l'euro. D'anciens ministres d'Alexis Tsipras se font entendre. Comme le rapporte Médiapart l'ex ministre des Affaires européennes Nikos Xydakis a récemment affirmé que l'omerta sur la question monétaire devait être levée. «Il ne doit pas y avoir de tabou quand nous parlons du destin de la nation. Nous sommes arrivés au point où le peuple est au bout de son endurance. Je crois que nous avons besoin d'une discussion politique nationale en profondeur», a-t-il affirmé. Yanis Varoufakis pour sa part, ne mâche pas ses mots dans la tribune qu'il signe ici le 4 février. Il accuse le ministre allemand Wolfgang Schäuble de manigancer un Grexit hostile. Puis il enjoint le gouvernement de son pays à prendre les devants, lui suggère de tourner le dos aux créanciers et de restructurer unilatéralement certains titres de dette, l'invite à mettre en place un système de paiement parallèle. Cette «double monnaie Varoufakis en avait préparé l'avènement au printemps 2015, alors qu'il était encore ministre des Finances du gouvernement Syriza. Le projet n'a jamais vu le jour. Que de temps gaspillé s'il devait s'imposer maintenant. Que de mesures d'austérité votées pour rien.... Est-ce à dire pour autant qu'un éventuel Grexit serait forcément un désastre? Tout dépend de l'aide que recevra Athènes si elle choisit de faire le grand saut. La situation internationale a changé depuis 18 mois. Le nouveau pouvoir américain ne fait pas mystère de son hostilité à la construction européenne. S'il n'a pas encore été nommé à ce poste et si sa candidature doit d'abord être acceptée par des Européens qui traîneront nécessairement des pieds, Ted Malloch, le candidat de Donald Trump au poste d'ambassadeur américain auprès de l'UE désormais connu pour ses diatribes hostiles à l'Union et à l'euro, n'hésite pas à affirmer «Je ne veux pas parler à la place des Grecs, cependant, du point de vue d'un économiste, il y a très fortes raisons pour la Grèce de quitter l'euro». Au point, pour les États-Unis, d'aider la Grèce à franchir le pas le cas échéant? Difficile, pour l'heure, d'y voir clair dans le jeu américain. Ce que l'on peut dire, en revanche, c'est que la crise grecque est de retour. Après la toute première sortie de l'Union (celle de la Grande-Bretagne), la toute première sortie de l'euro pourrait elle aussi se produire très bientôt.
Coralie Delaume est essayiste. Elle anime depuis 2011 le blog «L'arène nue » consacré au
projet européen. Elle a publié Europe, les États désunis (Michalon, 2014) et, avec l'économiste
David Cayla est économiste, La fin de l'Union européenne (Michalon, 2016).
B) Europe de la défense : « Il faut que les Etats membres soient fortement impliqués »
Pourquoi le sujet de l’Europe de la défense revient-il dans le débat aujourd’hui ?
L’idée d’une Europe de la défense n’est pas neuve : elle a émergé avec le traité de Maastricht
en 1992, en même temps que la question d’une politique étrangère commune. C’est en 1999,
après le sommet franco-britannique de Saint-Malo qu’on a souhaité que l’Europe de la défense
soit prise en charge par l’Union européenne. Mais depuis le traité de Lisbonne, les progrès en
matière d’Europe de la défense sont faibles, il faut le reconnaître. En réalité, c’est le Brexit qui
a relancé l’Europe de la défense. La France et l’Allemagne se demandaient comment faire pour
éviter que l’Europe n’éclate et le thème de la défense et de la sécurité a été choisi (lire sur AEF).
Il y avait déjà eu une première étape à l’Europe de la défense quand François Hollande a été
élu en 2012, son ministre de la Défense Jean-Yves le Drian a décidé de relancer cette idée.
Parmi les propositions qui ont émergé au sommet européen de décembre 2016, le fonds européen de la défense est une idée lancée par François Hollande et reprise par Jean-Claude
Juncker (lire sur AEF). François Hollande et Jean-Yves Le Drian avaient pour idée de relancer
l’Europe de la défense car certains problèmes ne peuvent plus être pris en compte au niveau
national : ça concerne les questions de terrorisme et de migrations, et plus largement, les besoins
en matière de capacités militaires. Il y a également l’attitude russe aux frontières est de l’Union
qui pose problème, et, de manière générale, la montée des tensions. Enfin, les Américains
demandent que les Européens fassent plus pour leur défense. Cela ne date pas de Donald Trump
: Obama faisait déjà la même demande.
La Commission européenne a dévoilé, le 30 novembre 2016, un "plan d’action européen de la défense". Que recouvre-t-il concrètement ?
Le plan de relance de l’Europe de la défense comprend notamment l’idée d’un fonds européen de défense, dont un volet recherche et un volet "capability window", c’est-à-dire un fonds commun pour les programmes d’armement, qui serait alimenté par les États membres. On peut considérer que sur le principe, le volet recherche est entériné, il faut maintenant l’appliquer. Pour les autres sujets, qui sont abordés dans les conclusions du sommet européen de décembre et qui sont liés à l’implémentation de la stratégie globale de l’Union européenne dans son volet défense, il y a encore du travail. Cela concerne la coopération structurée permanente prévue dans le traité de Lisbonne mais jamais mise en place, ou la coordination des planifications de défense des États membres. Ce sont des travaux qui vont se faire durant les six premiers mois de l’année 2017, avec une difficulté : il faut que les États membres soient fortement impliqués. Le risque, c’est que tout s’arrête avec l’élection présidentielle française en avril et les élections fédérales allemandes en septembre, or ce sont les deux pays qui poussent pour relancer cette Europe de la défense.
La France et l’Allemagne sont-ils les deux seuls pays engagés dans la construction d’une Europe de la défense ?
On a une très forte impulsion, non seulement de la France et de l’Allemagne, mais aussi de la Commission européenne. La nouveauté, c’est que ce n’est pas une impulsion avec une logique libérale mais avec une logique politique de souveraineté. D’où l’emploi par la Commission européenne des termes "autonomie stratégique", ce qui est tout à fait nouveau. Les initiatives politiques existent, mais il y a encore des détails à régler. Si, par le biais du fonds européen, on peut emprunter au niveau de l’Union européenne, cela conduit à mutualiser la dette. On sait que l’Allemagne est réticente à ce principe. Le débat sur la mise en pratique de ces propositions va également être impacté par les décisions que pourra prendre Donald Trump. Cela peut être un accélérateur comme un sujet de division entre Européens.
De nouveaux traités au sein de l’Union européenne seront-ils nécessaires ?
L’idée de départ est de ne rien créer et d’utiliser les traités existants pour éviter des divisions supplémentaires. Un nouveau traité serait un plan B, mais ce serait surtout un échec signifiant que l’on n’a pas pu avancer à 28. À ce moment-là, un certain nombre de pays pourraient décider d’avancer seuls en matière d’Europe de la défense. Mais cela se révélera peut-être inévitable.
Une mutualisation des équipements militaires est-elle possible ? N’y a-t-il pas un risque que certains pays de l’Union paient pour les autres ?
Il y aura toujours un niveau national et un niveau européen. Par exemple, la force nucléaire de
dissuasion française, même si on considère qu’elle vient renforcer la sécurité de l’Europe, nous
allons la conserver au niveau national. La mutualisation vient surtout du fait que les défis
auxquels on doit faire face ne sont pas des défis qui s’arrêtent aux frontières. Pour ce qui est
des budgets, il faut rapporter le budget de défense au PIB. Les petits ne sont pas nécessairement
ceux qui font le moins : en Pologne, la part du PIB consacré à la défense est importante.
L’Allemagne est un des seuls pays qui augmente sensiblement son budget de la défense, même
si ce pays part de plus loin que les autres. Le déséquilibre est plus en termes de participation
aux opérations extérieures que de budget. C’est à ce niveau que nous avons le sentiment de
payer pour les autres.
Faut-il favoriser la coopération industrielle européenne pour construire l’Europe de la
défense ?
C’est une des idées du volet "capacités" du fonds européen de défense. Il est prévu que les
dépenses de ce fonds affectées à des programmes d’armement en coopération soient exonérées
du pacte de stabilité afin d’inciter à la coopération européenne en matière d’armement. C’est
un très bon incitatif pour mieux mutualiser nos dépenses et accroître les capacités militaires de
l’Europe.
Que pensez-vous de la proposition de fonds européen de sécurité et de défense de l’ancien
ministre de l’Économie Thierry Breton (lire sur AEF) ?
Le projet de la Commission pourrait représenter environ 10 milliards d’euros par an
d’équipements mis en commun. Le projet de Thierry Breton concerne l’ensemble des budgets
de défense des pays de l’Union européenne, soit environ 190 milliards d’euros. L’incitatif dans
sa proposition est très politique et c’est une bonne chose. Mais cela risque d’être difficile, voire
impossible à mettre en place. La proposition de la Commission européenne, même si elle est
très en deçà, est un pas en avant, mais qui n’aurait sans doute pas vu le jour s’il n’y avait pas
eu le projet de Thierry Breton. En ce sens, il faut saluer sa proposition.
Qu’est-ce qui pourrait stopper la création de cette Europe de la défense ?
Si les partis d’extrême droite arrivent au pouvoir, on va avoir beaucoup de mal à lancer le
chantier. L’autre risque est que Donald Trump essaie de diviser les Européens. Il l’a déjà fait
avec les Britanniques, il peut être tenté de diviser les Européens de l’Est et du Nord avec ceux
du sud, notamment en forçant les pays de l’Est à abandonner l’Europe de la défense sous peine
de ne plus être protégés face à la menace russe. Visiblement, l’ensemble européen est pour lui
un danger car c’est un bloc économique qui peut contester la suprématie des États-Unis.
François Hollande a annoncé que les célébrations des 60 ans du traité fondateur de
l’Union européenne à Rome en mars seraient l’occasion de faire avancer l’Europe de la
défense. Que peut-on espérer ?
Je pense qu’on peut attendre une déclaration très forte des pays de l’Union européenne. Le fait
de nommer, par exemple, tout ce que recouvre l’Europe de la défense sous le terme "Union de
défense" permettrait de donner plus de visibilité à ce qui existe aujourd’hui. Cela serait un signal
politique fort qui manque aujourd’hui.
Jean-Pierre Maulny
C) Brexit : les députés britanniques donnent leur feu vert à Theresa May
Les députés britanniques ont adopté dans la soirée du mercredi 8 février le projet de loi du
gouvernement conservateur de Theresa May autorisant le déclenchement du Brexit, une étape
clé vers la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE). Les députés de la Chambre des
communes ont approuvé le texte par 494 voix contre 122. Ce projet de loi, soumis au Parlement
après que le gouvernement y a été contraint par la Cour suprême en janvier, doit
maintenant être examiné par la Chambre des lords, qui devrait l’adopter. L’adoption définitive
du texte ne devrait pas intervenir avant plusieurs semaines, mais Mme May a répété qu’elle
déclencherait avant le 31 mars l’article 50 du traité de Lisbonne, qui lancera deux années de
négociations entre Londres et Bruxelles menant vers la sortie de l’UE. Pour étouffer toute
rébellion dans les rangs de la majorité conservatrice, la première ministre a promis, mardi, que
le Parlement se prononcerait sur les termes du Brexit avant le résultat final des négociations,
sans toutefois que cela puisse remettre en cause la sortie du giron européen. « Nous introduirons une motion. Cette motion sera dans l’accord final », a-t-elle déclaré, mercredi, au
Parlement. Et ce « avant que le Parlement européen ne débatte et valide l’accord final ». « Ce
sera un vote important », a estimé le secrétaire d’Etat au Brexit, David Jones. « Il laissera le
choix entre sortir de l’UE avec ou sans un accord négocié » avec Bruxelles. Mais le député
libéral-démocrate (centre) Tom Brake a refusé d’y voir une concession de la part du
gouvernement.
DES AMENDEMENTS REJETÉS
Lundi, dans ce même souci d’éviter toute rébellion chez les élus conservateurs avant le vote de
mercredi, Mme May a mis en garde les députés tentés de voter certains amendements visant
à réduire la marge de manœuvre du gouvernement. « Ce n’est pas le moment d’entraver la
volonté du peuple britannique », a-t-elle déclaré devant la Chambre des communes, où certains
élus s’inquiètent de la sortie du Royaume-Uni du marché unique européen annoncée par
Mme May. Message reçu puisque, mardi soir, la Chambre a rejeté un amendement des
travaillistes, qui souhaitaient voir accorder au Parlement un droit de veto sur le futur accord
entre Londres et Bruxelles. Les parlementaires ont également rejeté, mercredi, un amendement
du parti Libéral-démocrate réclamant la tenue d’un référendum sur l’accord de sortie de l’UE.
Si plus des deux tiers des députés se sont opposés au Brexit lors de la campagne du référendum
du 23 juin 2016, la majorité d’entre eux estime désormais difficile de s’opposer à la volonté des
électeurs, qui se sont prononcés à 52 % pour une sortie de l’UE. Le Parlement écossais, dominé
par les indépendantistes du Parti national écossais (Scottish National Party, SNP), a voté
symboliquement, mardi, à une majorité écrasante contre le projet de loi du gouvernement
britannique autorisant Theresa May, à lancer le processus du Brexit. Ce vote, acquis par 90 voix
contre le projet et 34 pour, n’a aucun poids à Londres. La Cour suprême a statué en janvier :
seul le Parlement à Westminster devait être consulté sur le Brexit, s’opposant à une consultation
des parlements régionaux.
D) Les autoroutes ferroviaires restent à la traîne
Le transport de camions sur des trains, dit «autoroutes ferroviaires», est encore très loin de
l'objectif en volume fixé pour 2020 et n'est toujours pas rentable malgré d'importantes aides
publiques, selon le rapport annuel de la Cour des comptes publié mercredi. Les deux
«autoroutes ferroviaires» en activité en 2015 ont transporté «environ 70.000 unités en 2015»,
ce qui reste «nettement en deçà de l'objectif de 500.000 camions fixé pour 2020» lors du
Grenelle de l'environnement fin 2007, relèvent les magistrats de la rue Cambon. La ligne reliant
la France à l'Italie (175 km via le tunnel du Mont-Cenis) «ne parvient pas à monter en
puissance»: moins de 30.000 poids lourds par an, soit 2% seulement du trafic transalpin... mais
tout de même 9 millions d'euros de pertes en 2015, comblées «sans enthousiasme» par les deux
pays. Ce régime de subvention, qui prévaut à titre «transitoire» depuis 2003, est censé prendre
fin en 2018, la Cour des comptes appelant à «mettre en oeuvre la mise en concession» avant
cette date.
La ligne Perpignan-Luxembourg, seule à l'équilibre
Le rapport pointe par ailleurs «l'échec coûteux» de l'itinéraire atlantique (1050 km entre
Hendaye et les Hauts de France), pour lequel l'État et les collectivités ont engagé 69,3 millions
d'euros, «dont une quarantaine dépensés en pure perte». Seule la ligne Perpignan-Luxembourg
est parvenue à «un équilibre d'exploitation fragile», sans subvention mais avec des
investissements publics dans les terminaux ferroviaires, en particulier au Boulou (Pyrénées-
Orientales), pour un montant estimé à 70 millions d'euros en dix ans. Reste néanmoins à
«évaluer le bénéfice socio-économique et environnemental» de cet itinéraire emprunté chaque
année par 40.000 camions. Enfin, le prolongement de cette ligne vers Calais, qui a bénéficié de
18 millions d'euros d'aide de l'État, «peine à démarrer» en raison de la présence de migrants
cherchant à entrer dans le port pour rejoindre la Grande-Bretagne. Son activité avait été
suspendue en juillet après «trois mois de fonctionnement difficile». La reprise du trafic a
toutefois été annoncée mardi.
Un meilleur raccordement ferroviaire aux grands ports maritimes
Le Cour des comptes aborde aussi l'amélioration de la desserte ferroviaire des principaux grands
ports maritimes français. Le but? Renforcer leur compétitivité européenne. Le fret ferroviaire
est «moins présent en 2014 qu'en 2006» (-16%) et son développement «doit devenir une
priorité» pour les acheminements à destination et en provenance des ports, estime la juridiction
financière. Elle constate dans son rapport que l'objectif de doublement de la part relative du fret
ferroviaire et fluvial, qui était prévu pour 2015, «n'a pas été atteint pour l'ensemble des sept
grands ports maritimes» (Dunkerque, le Havre, Rouen, Nantes Saint-Nazaire, La Rochelle,
Bordeaux, Marseille). Ainsi, «le potentiel du transport fluvial est sous-exploité alors qu'il
apparaît fiable, sécurisé et compétitif». Et le nombre de sillons ferroviaires réservés aux
marchandises reste «encore trop faible comparé aux besoins, la priorité étant largement donnée
au trafic passager», observe l'institution. Elle préconise par exemple «d'accélérer le tronçon de
la ligne nouvelle Paris-Normandie», prévu pour arriver à Rouen en 2030 et au Havre entre 2030
et 2050. La Cour estime que le calendrier des travaux pour le contournement par Serqueux-Gisors prévu en 2020 est tardif. En termes d'investissements, elle estime aussi qu'un
«redéploiement des crédits en faveur de l'amélioration des accès aux ports maritimes est
essentiel à la compétitivité des ports par rapport à leurs concurrents». Car, selon elle, les grands
ports français n'ont pas atteint le niveau de performance de leurs homologues européens malgré
la réforme portuaire engagée en 2008 pour améliorer leur compétitivité. Après la crise
financière (2008/2009), «les trafics ont continué à baisser en France alors qu'ils sont repartis à
la hausse au niveau européen», déplore l'institution.
Guillaume Souvant
E) Dérégulation bancaire : Mario Draghi fustige Donald Trump
«La dernière chose dont nous ayons besoin à l'heure actuelle est un assouplissement de la
régulation», a prévenu Mario Draghi, lors d'un débat avec les députés du Parlement européen,
lundi à Bruxelles. Vendredi dernier, le nouveau président américain a signé deux décrets
ordonnant la révision de la réglementation financière et bancaire mise en place au lendemain
de la crise de 2008. C'est en particulier la fameuse loi «Dodd Frank», adoptée en 2010 sous
Barack Obama, avec comme objectif d'éviter une nouvelle crise et de protéger les
consommateurs de produits financiers. Globalement, cette loi renforce la surveillance des
banques et leur impose des conditions d'exercice plus strictes, notamment pour les activités
risquées. Ces deux décrets, très bien accueillis par les banquiers américains de Wall Street, ont
provoqué l'ire des démocrates. Et ils risquent d'accroître encore un peu plus la tension entre la
nouvelle Administration de Donald Trump et les Européens, qui ont également serré la vis aux
banques européennes en adoptant une quarantaine de règles. Non sans difficulté: elles avaient
suscité un intense lobbying bancaire à Bruxelles et d'âpres négociations entre les États membres
de l'Union. «L'idée de retrouver les conditions qui étaient en place avant la crise est
préoccupante, a averti Mario Draghi. Nous n'assistons pas au développement de risques
significatifs pouvant peser sur la stabilité financière grâce à l'action entreprise par les
législateurs, les régulateurs et les superviseurs depuis que la crise a éclaté.» L'industrie bancaire
européenne insiste, elle, sur la nécessité d'avoir des règles du jeu équitables au niveau
international. Une réglementation plus souple offrirait en effet un avantage concurrentiel aux
institutions financières américaines.
Manon Malhère
F) Quel bilan tirer du traité de Maastricht ?
Au fil des ans, il est devenu le symbole d’une Europe dysfonctionnelle et coupée des peuples,
aujourd’hui montrée du doigt par les mouvements eurosceptiques. Le 7 février, les pays
membres fêteront, dans la discrétion, les 25 ans de la signature du traité de Maastricht. Et
pourtant, en approfondissant la construction de l’Union européenne, ce texte fondateur a jeté
les bases qui mèneront à l’adoption de l’euro, dix ans plus tard. Parmi les nombreuses règles
qu’il a fixées, la plus célèbre – et critiquée – est celle instaurant la limite de 3 % du produit
intérieur brut (PIB) pour le déficit public, et de 60 % du PIB pour la dette publique.
« Ces seuils ont été fixés un peu arbitrairement pour assurer la convergence économique des pays membres », rappelle Grégory Claeys, chercheur au think tank bruxellois Bruegel.
Les dirigeants
européens imaginaient que cela suffirait à éviter les crises. La récession de 2008 a brutalement
montré qu’ils avaient tort.
1. Ce traité a-t-il fonctionné ?
« Dresser un bilan du traité de Maastricht est complexe, car cela dépend des points de vue, explique Eric Dor, économiste à l’IESEG. Son principal apport est d’avoir permis l’instauration de l’euro, auquel les Européens sont très attachés, en dépit de la crise. »
Pour le reste,les experts se montrent plutôt critiques. D’abord, parce que nombre de pays – à commencer par la France et l’Allemagne – ont rapidement foulé du pied les critères des 3 % et 60 % du PIB pour le déficit et la dette. Mais même s’ils avaient été respectés, ces critères n’auraient pas permis d’éviter que les écarts se creusent entre les Etats.
« Les vingt-cinq dernières années ont prouvé que les règles budgétaires communes ne suffisent pas pour empêcher les dérives économiques et les bulles financières », détaille M. Claeys.
Exemple : au début des années 2000, une énorme bulle immobilière s’est formée en Espagne, alors que le pays était l’un des meilleurs élèves au regard des critères de Maastricht. De même, en dépit des règles européennes, l’endettement des ménages et des entreprises au Portugal ou en Irlande s’est envolé. Autant de déséquilibres qui éclateront au grand jour en 2008.
« Il faut dire que Maastricht, privé de volet social, n’a instauré aucun système de redistribution permettant de corriger ces divergences », détaille Patrick Artus, chez Natixis.
Et surtout, aucun mécanisme permettant de résoudre les crises, en particulier lorsqu’un Etat est menacé de faillite. Les leaders européens l’ont compris trop tard, lorsque la Grèce a frôlé la banqueroute, en 2010. Puis lors de la crise des dettes souveraines, en 2012.
2. Comment les règles budgétaires ont-elles évolué depuis ?
Depuis la crise, les pays membres ont multiplié les textes pour compléter le traité de Maastricht et renforcer l’architecture de la zone euro. L’ennui, c’est qu’ils ont accouché d’une usine à gaz si compliquée qu’il est impossible d’en faire le tour : « two pack », « six pack », « semestre européen »... « La gouvernance économique européenne est devenue bien trop complexe », explique régulièrement l’économiste Agnès Bénassy-Quéré, dans les notes qu’elle rédige pour le Conseil d’analyse économique (CAE). Aujourd’hui, les pays membres doivent présenter leurs budgets très en amont à la Commission européenne, qui donne son avis. Mais les sanctions en cas de dérive sont rarement appliquées. Désormais, aussi, les déséquilibres macroéconomiques (comme les bulles) sont censés être mieux surveillés. Une bonne chose. Mais les critères pour les mesurer sont si nombreux que la procédure est totalement inefficace. En outre, les règles de Maastricht ont été affinées. Désormais, les Etats membres doivent par exemple afficher un déficit public structurel inférieur à 0,5 % du PIB lorsque leur dette est inférieure à 60 % du PIB, et inférieur à 1 % lorsque la dette dépasse les 60 %.
« En théorie, cette règle est très pertinente, car le déficit structurel ne prend pas en compte les aléas liés à la conjoncture », explique M. Claeys.
Prenons l’exemple d’un pays tombé en récession. La baisse des recettes fiscales et les dépenses de crise telles que l’aide aux chômeurs creuse mécaniquement son déficit conjoncturel jusqu’à 4, 6 % ou 8 % du PIB. Mais, tant que son déficit structurel ne dépasse pas les 0,5 %, il ne sera pas contraint d’entamer sur- le-champ une cure d’austérité. Ce qui, en temps de crise, ne fait qu’aggraver encore la récession.
« L’ennui, c’est que personne ne sait vraiment calculer ce déficit structurel, et que les erreurs en la matière sont trop grandes pour que l’on puisse appliquer cette règle correctement», regrette M. Claeys.«En outre, la grande complexité de ces nouvelles procédures les rend inaccessibles pour les gouvernements eux-mêmes comme pour les citoyens, ce qui pose un problème de contrôle démocratique », souligne M. Dor.
3. Comment les améliorer ?
Les propositions pour rendre ces procédures budgétaires plus efficaces ne manquent pas. Trois grands courants s’affrontent. Les eurosceptiques réclament la sortie des traités – voire de l’euro –, afin que les gouvernements retrouvent la pleine maîtrise de leur budget. Tant pis pour la convergence. Pour une partie des économistes allemands, il convient au contraire de revenir aux règles de Maastricht, mais, cette fois, en s’assurant qu’elles soient vraiment appliquées par tous, quitte à muscler les sanctions. Le courant fédéraliste estime plutôt que l’euro ne survivra qu’à condition que l’on simplifie toutes les procédures budgétaires, et qu’on les complète enfin par des mécanismes de solidarité. Par exemple, en créant un fonds européen qui viendrait en aide aux pays les plus affectés en cas de crise. Ou une assurance-chômage commune minimale, qui lisserait les écarts entre pays. Les candidats à l’élection présidentielle française y vont eux aussi de leurs propositions – mais la plupart restent très floues. Le Républicain François Fillon veut réduire l’influence de la Commission sur le budget. Jean-Luc Mélenchon souhaite la sortie pure et simple des traités. Marine Le Pen, la présidente du Front national, s’est fait plus discrète sur la sortie de l’euro, sans y renoncer. Elle réclame « le rétablissement d’une monnaie nationale ». Benoît Hamon, le candidat du Parti socialiste, désire réécrire les textes, afin que les investissements et dépenses d’avenir soient exclus du calcul du déficit public. Problème : il n’est pas toujours simple de différencier les investissements des dépenses courantes de fonctionnement. Les salaires des chercheurs d’un centre public d’innovation sont-ils une dépense d’avenir, par exemple ? En Europe, personne n’est d’accord. Emmanuel Macron, enfin, soutient l’instauration, à terme, d’un « gouvernement de la zone euro », doté d’un budget propre. Un bond fédéral auquel aucun pays n’est pour l’instant prêt...
Marie Charrel
G) 23 pays de l’UE violent les règles de qualité de l’air
Les règles européennes en matière de qualité de l’air sont bafouées dans plus de 130 villes à travers 23 des 28 pays de l’UE, a révélé la Commission européenne le 6 février.
La pollution de l’air est la plus grande cause environnementale de morts prématurées dans l’Europe urbaine, et le transport en est la principale source. « La Commission continue de s’inquiéter du manque de progrès sur les plafonds fixées par la législation européenne dans les États membres », a déclaré l’exécutif, dans une communication publiée hier. La directive 2008 sur la qualité de l’air, en cours de révision, oblige les États membres à réduire l’exposition aux particules fines d’environ 20 % d’ici à 2020, par rapport au niveau de 2010. La directive sur les plafonds d’émission nationaux limite certaines émissions, donc celles des particules fines et d’oxyde d’azote (NOx) au niveau national. Une version révisée de la directive est en train d’être examinée par le Conseil des ministres et le Parlement européen. En 2013, à travers l’UE, le dioxyde d’azote (NO2), qui est principalement produit par la circulation, a provoqué 68 000 morts prématurées.
L’ozone (O3) a tué 16 000 personnes et les matières particulaires
(PM2.5) ont provoqué 436 000 morts dans la même année. Les particules PM2.5, de petits
grains de poussière et de suie microscopiques produits par la combustion de combustibles
fossiles, peuvent entrer dans les poumons et les vaisseaux sanguins.
Action en justice
Ces deux dernières années, la Commission a lancé une action en justice contre 12 États
membres pour avoir échoué à appliquer les normes de qualité de l’air pour le dioxyde d’azote.
L’Autriche, la Belgique, la République tchèque, l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, la
France, la Hongrie, l’Italie, la Pologne, le Portugal et le Royaume-Uni font face à de possibles
amendes. Des activistes écologistes au Royaume-Uni ont remporté une victoire à la Cour
suprême face au gouvernement britannique pour son non-respect des limites européennes.
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Des
poursuites semblables sont attendues à travers toute l’UE. La Commission a lancé d’autres
procédures d’infraction pour les particules PM10, qui sont plus grandes que les PM2.5. La
Belgique, la Bulgarie, la République tchèque, l’Allemagne, la Grèce, l’Espagne, la France, la
Hongrie, l’Italie, la Lettonie, le Portugal, la Pologne, la Roumanie, la Suède, la Slovaquie, la
Slovénie font face à des poursuites judiciaires. Des cas ont été portés devant la Cour de justice
de l’UE contre la Bulgarie et la Pologne en 2015. Le 6 février, l’exécutif a lancé un examen de
la mise en œuvre de la politique environnementale, qui devrait améliorer le respect des règles
européennes. Selon le commissaire en charge de l’environnement, Karmenu Vella, une mise
en œuvre correcte des lois environnementales pourrait permettre à l’économie européenne
d’économiser 50 milliards d’euros chaque année en coûts liés à la santé ou en coûts directs sur
l’environnement. L’exécutif prévoit d’identifier et de résoudre les problèmes avec les pays de
l’UE avant qu’ils ne deviennent urgents. Karmenu Vella n’a toutefois pas voulu nommer et
rejeter la faute sur un pays en particulier. « Parfois nous utilisons la carotte et parfois nous
utilisons le bâton. Cette fois-ci nous avons choisi d’utiliser la carotte », a-t-il déclaré aux
journalistes. La Commission a publié 28 rapports par pays, qui analysent les progrès réalisés
sur la gestion des déchets, l’économie circulaire, la qualité de l’eau et la protection de la nature.
L’exécutif prévoit de discuter des résultats avec chaque État membre et de lancer un instrument
pour aider les pays à partager leur expertise.
Économie circulaire
Pour l’exécutif, la prévention des déchets est un défi de taille pour toute l’UE. Six pays ne sont pas parvenus à limiter l’enfouissement de déchets municipaux biodégradables.
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La Commission
a retiré et un an plus tard, en 2015, a proposé une nouvelles version de son paquet économie
circulaire sur les déchets, le recyclage et les décharges. Karmenu Vella réfute l’affirmation
selon laquelle la décision de supprimer le vieux paquet a retardé la mise en place d’une
meilleure gestion des déchets au niveau national. « Je ne pense pas que nous ayons créé un
retard quelconque quand nous avons retiré le paquet économie circulaire. Le fait est que nous
sommes revenus avec un paquet beaucoup plus ambitieux, et un plan d’action. Je ne pense pas
que le travail sur la gestion des déchets a été interrompu à cette période », a-t-il déclaré.
CONTEXTE
La pollution de l'air comprend plusieurs matières particulaires : la fumée, la saleté et la
poussière issues des grosses particules (PM10) ; les métaux et fumées toxiques issues de la
fonte de métaux, des gaz d'échappement, des centrales nucléaires et de l'incinération des déchets
(matières à fines particules PM2.5). La directive de 2008 sur la qualité de l'air vise à harmoniser et à renforcer la réglementation européenne en matière de normes pour la pollution et l'air.
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Elle
est en cours de révision. Selon cette directive, les États membres sont tenus de réduire
l'exposition aux matières à fines particules de 20 % en moyenne d'ici 2020, par rapport aux
niveaux de 2010. La plupart des politiques appliquées proviennent de la stratégie sur la qualité
de l'air, qui vise à réduire les émissions de dioxyde de soufre (SO2) de 82 %, les émissions
d'oxyde d'azote (NOx) de 60 %, les émissions de composés organiques volatiles de 51 %, les
émissions d'ammoniac (NH3) de 27 %, et les particules primaires de 59 % par rapport aux
niveaux de 2000. Les groupes de protection de la santé pensent que les coûts engendrés par la
réduction des émissions, grâce à des filtres de fumées d'usine, des véhicules propres et
l'adoption de carburants renouvelables, seraient plus que compensés en évitant les
complications liées à la mauvaise qualité de l'air. La directive sur le plafond d'émission national
(PEN) faisait partie du paquet législatif. Elle prévoit des plafonds d'émissions à atteindre d'ici
2020 pour six polluants atmosphériques, comme les matières particulaires et l'oxyde d'azote.
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James Crisp – traduit par Marion Candau
H) Guerre et intelligence économique
A l'occasion de la sortie de ce livre qui nous propose une analyse synthétique de l' école
de pensée qui a fortement influencé les institutions françaises au travers de l’intelligence
économique, nous avons rencontré Christian Harbulot qui en a été a été l’un des
précurseurs.
Christian Harbulot : J’ai été à contre-courant de la pensée dominante depuis le début de ma
réflexion entamée au milieu des années 80. La guerre économique était un sujet tabou. Parler
des problématiques d’accroissement de puissance était politiquement incorrect. La création de
l’Ecole de Guerre Economique a permis peu à peu de sortir du ghetto cognitif et de faire passer
un certain nombre de messages dans le monde académique et dans la société en général.
Aujourd’hui, lorsque je compare certains écrits, je pense avoir eu plus raison qu’un Bertrand
Badie dans l’analyse des matrices du monde contemporain. La question de la puissance est un
enjeu dans les relations internationales. L’information joue un rôle déterminant dans les
rapports de force géostratégiques, géoéconomiques et sociétaux. Ces deux constats sont le point
de départ de mes travaux qui débutent avant la fin de la guerre froide. A la fin du XIXe siècle,
une partie de la classe dirigeante britannique n’a pas hésité à sacrifier une partie de
l’infrastructure industrielle de la Grande Bretagne pour chercher de nouvelles sources
d’enrichissement. Les Etats-Unis vécurent un scénario relativement similaire un siècle plus
tard. Mais sans aboutir au même résultat. La renaissance du nationalisme économique n’est
pas le fruit de l’excentricité de M.Donald Trump.
Elle signifie d’abord et avant tout la fin d’un
processus de mondialisation désynchronisé des logiques de puissance. Ce constat amplifie la
légitimité de la démarche suivie par l’Ecole de Guerre Economique créée il y a vingt ans.
Le livre de M. Gagliano est un regard extérieur sur une approche française et c’est là son intérêt
principal. Il n’est pas prisonnier de l’esprit de chapelles qui mine le système français depuis de
nombreuses années. Gagliano ne s’est pas enlisé dans la langue de bois officielle qui domine
souvent les écrits sur les sujets que j’aborde. Il a su lire entre ses lignes et a bien capté le fil
rouge de mon cheminement dans l’exploration des questions liées à l’intelligence
économique. En tant qu’italien, Gagliano n’a pas une grille de lecture conformiste et il a su
capter le côté atypique des fondateurs de ce qui pourrait être défini un jour comme une école
française. Il n’est pas courant de voir des officiers généraux sortis du cadre opérationnel,
construire un modèle de pensée avec un ancien subversif et les jeunes talents qui les
entouraient. L’histoire de l’EGE reste à écrire mais sa production de connaissances, son
réseau de 1300 anciens et ses contacts et partenariats à l’étranger permettent de se faire une idée
de son rayonnement comme le démontre la consultation de son site (ege.fr) ainsi que des sites
périphériques qu’elle anime (infoguerre.fr, knowckers.org ou le portail de l’IE). Cette école
de pensée est reconnue à l’international par rapport à ce qu’elle apporte comme innovation, en
particulier dans de nouveaux domaines comme celui de la guerre de l’information. La lecture
de l’ouvrage de Gagliano est une manière de s’informer en sortant des sentiers battus. C’est la
force d’une écriture européenne qui ne s’est pas arrêtée aux visions figées du monde
contemporain.
GUERRE ET INTELLIGENCE ECONOMIQUE dans la pensée de Christian
HARBULOT
De Giuseppe GAGLIANO, préface de Nicolas MOINET |
Format 16 x 24, 96 pages N&B - 1ère édition (dec 2016)
ISBN 979-10-93240-19-0
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I) Le djihadisme, héritier du fascisme, du nazisme et du soviétisme ?
Eric Delbecque a lu l'ouvrage Une guerre sans fin du député Pierre Lellouche consacré à la menace planétaire de l'islamisme radical. Il y voit une contribution
riche, fournie et cohérente à l'étude du phénomène «totalitaire» du 21e siècle.
Le livre de Pierre Lellouche, Une guerre sans fin (éd. du Cerf) est apparemment celui d'un
néoconservateur à l'américaine... Il y dénonce très classiquement le relativisme moral dont font
preuve une partie des Occidentaux vis-à-vis des salafistes, et il appelle à une réaction bien
davantage musclée contre tous les soutiens de l'intégrisme islamiste. L'ancien ministre s'assume
en faucon extrêmement résolu qui déteste franchement toute complaisance - dans le débat
hexagonal au premier chef - envers ce qui mine la confiance de l'Occident en lui-même. Pour
aller au fond des choses, on peut même avoir l'impression qu'il n'est pas loin d'adhérer à la thèse
du «choc des civilisations» de Samuel Huntington. Il est pourtant nécessaire de dépasser les
apparences. Si l'on peut trouver ses positions tranchantes, il n'en reste pas moins que son analyse
présente un grand mérite: celle de la cohérence. De plus, enracinée dans un travail de fond
impressionnant, elle déploie une vision parfaitement lucide du salafisme djihadiste. Il ne cesse,
à juste titre, de le qualifier de totalitarisme. Le djihadisme incarne au XXIe siècle la menace
fasciste et totalitaire. De ce point de vue, son décryptage est incontestable: le djihadisme
s'impose comme l'héritier du fascisme, du nazisme et du soviétisme. Il incarne au XXIe siècle
la menace fasciste et totalitaire. Il ne s'agit pas de sombrer dans l'anachronisme, mais de noter
une filiation et une identité de nature, où plutôt de constater qu'une analogie est possible. Ces
quatre idéologies dérivent d'une matrice commune, un modèle holiste de fonctionnement social
dans lequel l'individu n'est rien. Quelle est l'étape suivante de son raisonnement? Que
l'immigration massive en Europe de populations qui ne partagent pas nos idées et nos codes
culturels (notamment la laïcité et les valeurs démocratiques) fragilise le tissu social et favorise
la propagation du fondamentalisme (qui constitue aux yeux de Pierre Lellouche l'une des
véritables menaces contre laquelle il convient de lutter, le djihadisme en constituant une
conséquence mécanique). Deux sociétés distinctes cohabitent sur le même territoire, elles
vivent côte à côte, mais s'éloignent de plus en plus l'une de l'autre. Il pose donc le constat
suivant: deux sociétés distinctes cohabitent sur le même territoire, elles vivent côte à côte, mais
s'éloignent de plus en plus l'une de l'autre. «La première continue de rechercher toujours plus
de droits individuels, en évacuant toute contrainte morale, religieuse et bien entendu nationale,
mais s'inquiète confusément de «ne plus se sentir chez elle». La seconde, poussée par les plus
jeunes, rejette en bloc ce modèle et cherche au contraire, autour de la religion, à conforter des
règles morales et sociales fortes». Faut-il conclure que le député juge irréconciliables les
différentes communautés sur le territoire national? Non. Il explique très clairement que le noeud
gordien à trancher est celui du choix de la loi qui s'applique en dernier ressort: celle de la
République ou celle de la Charia. C'est au sein de la communauté musulmane de France que
doit se régler cette question. Ce qui doit être établi une fois pour toutes, c'est que les convictions
religieuses appartiennent à la dynamique de l'intériorité, et ne régulent pas l'existence de la cité,
espace d'interaction d'une galaxie de consciences aux perceptions du monde les plus variées.
Une culture élémentaire les rassemble néanmoins, qui repose sur quelques règles affirmant la
liberté de conscience, l'égalité homme/femme, et la désirabilité de société ouvertes. Pierre
Lellouche appelle parallèlement à en finir avec la repentance et la négation de notre Histoire.
Par ailleurs, Pierre Lellouche appelle parallèlement à en finir avec la repentance et la négation
de notre Histoire. Il encourage aussi à la responsabilité, comme dans ces lignes fortes: «Tant
que l'Europe n'aura pas accepté d'appréhender le monde tel qu'il est, en acceptant ses
bouleversements et ses menaces, tant qu'elle n'aura pas réinvesti le registre de la puissance et du recours à la force, elle sera incapable de distinguer ses amis de ses ennemis. Nous ne ferons
rien pour les premiers et rien contre les autres. Et la France devra prendre ses responsabilités,
au besoin seule. La solitude dans l'action valant mieux, pour une grande nation, que
l'immobilisme des puissances éteintes». L'ouvrage impressionne par sa densité et les
connaissances de l'auteur en matière de relations internationales. Les perspectives analytiques
qu'il ouvre sur l'approfondissement du fonctionnement de l'échiquier de la puissance mondiale,
allant des Etats-Unis à la Russie en passant par l'ensemble des pays du Moyen-Orient, excitent
la curiosité et le désir de raisonner dans de vastes horizons stratégiques. Personnalité souvent
caricaturée, Pierre Lellouche affirme dans ces pages - de manière magistrale - que sa pensée
mérite une écoute attentive, qu'il excède de loin le niveau habituel des réflexions de nos
politiciens, et qu'affirmer un désaccord avec certaines de ses conclusions exige d'affuter ses
arguments...
A lire absolument.
A lire absolument.
Eric Delbecque est président de l'Association pour la compétitivité et la sécurité économique
(ACSE) et directeur du département intelligence stratégique de SIFARIS. Avec Christian
Harbulot, il vient de publier L'impuissance française: une idéologie? (éd. Uppr, 2016).
J) Thierry de Montbrial : « La France ne devrait pas avoir honte de défendre ses intérêts »
Le fondateur de l'Institut français des relations internationales tourne le dos à
une diplomatie des «valeurs» et plaide en faveur d'un retour à la notion d'intérêt national. Ainsi,
la France pourra préserver son identité et maintenir sa place dans le monde.
La France a-t-elle encore une politique étrangère ?
Il faut d’abord se souvenir de l’objectif fondamental d’une politique étrangère. Il s’agit
d’assurer la survie d’une unité politique, à moyen et long terme. Or, les concepts de survie, de
sécurité et d’identité sont profondément liés. Assurer la sécurité, c’est préserver l’identité. On
n’échappe pas à cette question, même si elle a été mise de côté pendant des années. En témoigne
le débat encore très feutré sur le multiculturalisme. Est-ce bien ou est-ce mal ? En tout cas, c’est
aujourd’hui mal vécu et il faut en tenir compte. Le mal-être de la France est l’une des
explications de sa difficulté à définir une politique étrangère.
Vous plaidez pour revenir à une notion « d’intérêt national ».
Oui, c’est fondamental. La notion d’intérêt national est la traduction opérationnelle de la
préservation de l’identité et de l’intégrité. Cet intérêt se décline et il ne doit pas être identifié
aux valeurs, une déformation des deux quinquennats précédents. L’exemple type est
l’intervention au Mali. Ce fut une bonne décision, qui était dans l’intérêt national de la France
puisqu’une déstabilisation du Sahel et de l’Afrique du Nord serait lourde de menaces pour nous.
Pourtant, François Hollande a tenu à expliquer que l’on n’intervenait pas pour nos intérêts, mais
au nom de valeurs et de principes. C’est surprenant, choquant même. On donne l’impression
d’avoir honte de défendre l’intérêt national. Tous les pays de la planète en parlent sans
complexes, et la France serait la seule à ne pas oser prononcer le mot ?
Cette notion n’induit-elle pas inévitablement un certain repli sur soi ?
L’intérêt national ne doit pas se comprendre dans un sens trop étroit. Un grand pays doit
contribuer à façonner son environnement. Et l’on en vient aux notions de gouvernance,
d’alliances ou d’action au sein de l’Union européenne ou de l’ONU.
Des Etats-Unis à la Chine, la plupart des puissances n’ont guère de difficultés à définir
leurs intérêts « nationaux » ou « vitaux ». Pourquoi est-ce si compliqué en France ?
Il y a une idéologie en France, issue de la Révolution. La France est LE pays des droits de l’Homme. Là-dessus, nous sommes en concurrence avec les Etats-Unis. Nous sommes en effet les deux seules nations au monde à prétendre être des phares universels. Ce souci des droits de l’Homme honore la France. Mais nous continuons à mettre de manière compulsive cette dimension en avant, alors que nos moyens d’agir ne cessent de se réduire. Les Etats-Unis, eux, jouent sur les deux claviers. Ils invoquent toujours l’universalité des droits de l’Homme. Mais dans le même temps avancent leurs intérêts les plus tangibles, qu’ils soient sécuritaires ou commerciaux. Nous ne savons pas faire cela.
Vous plaidez donc pour une école « réaliste » de politique étrangère ?
Je pense qu’il faut savoir faire la différence entre des sujets essentiels sur le plan des idées, comme la relation entre Islam et démocratie par exemple, et les questions opérationnelles. Le problème est que l’on en est venu à confondre politique étrangère et discours sur les valeurs.
Faut-il donc relire Machiavel ?
Il y a trente-six façons de lire Machiavel... Et je n’oppose pas réalisme et idéalisme. Dans le brouillard des combinaisons, on se perd dans les calculs. Il faut donc un phare, l’idéal. Sinon, on finit par faire n’importe quoi. Dire que la fin justifie les moyens est inacceptable. Il faut un guide éthique, moral, une boussole pour éclairer l’action en général. Ceci étant posé, dans le court et le moyen terme, il est très important d’être réaliste, ce qui ne veut pas dire cynique. Il s’agit de regarder les réalités telles qu’elles sont. Et d’agir avec une claire conscience des conséquences de ses actes. C’est l’éthique de responsabilité, tout aussi nécessaire.
En disant cela, avez-vous en tête des interventions armées dont nous n’aurions pas mesuré toutes les conséquences ?
Oui, bien sûr. En Libye par exemple, ce principe de responsabilité n’a pas été suivi. Et on voit aujourd’hui le désastre qui en résulte. Il y a un principe de précaution à observer. Pourquoi en parle-t-on pour les médicaments ou l’alimentation et ne l’applique-t-on pas à la politique internationale ? Je pense ainsi qu’en Syrie, l’erreur de Barack Obama n’est pas d’avoir décidé de ne pas intervenir. Cela n’aurait fait qu’aggraver le chaos à partir du moment où l’on n’aurait pas assumé les conséquences de nos actes, en mettant dans la bataille hommes et argent. L’erreur d’Obama est d’avoir parlé de lignes rouges, sans les faire respecter après. Ce genre de discours non suivi d’effets sape la crédibilité.
Si elle ne s’énonce pas forcément en 140 signes, la politique internationale semble de plus en plus assujettie à l’accélération du temps médiatique...
Oui, elle se résume de plus en plus souvent à la façon dont on réagit à des chocs externes. Et ce n’est pas cela, une vraie politique étrangère. Elle doit s’inscrire dans la durée. Ce facteur temporel est essentiel. Les Chinois ont-ils une vision ? La réponse est oui. Les Etats-Unis ? Oui aussi. Quelle est notre vision ? D’être des missionnaires, des disciples de Saint-Paul ? Et en donnant quel sens à cette mission ?
Il y a une idéologie en France, issue de la Révolution. La France est LE pays des droits de l’Homme. Là-dessus, nous sommes en concurrence avec les Etats-Unis. Nous sommes en effet les deux seules nations au monde à prétendre être des phares universels. Ce souci des droits de l’Homme honore la France. Mais nous continuons à mettre de manière compulsive cette dimension en avant, alors que nos moyens d’agir ne cessent de se réduire. Les Etats-Unis, eux, jouent sur les deux claviers. Ils invoquent toujours l’universalité des droits de l’Homme. Mais dans le même temps avancent leurs intérêts les plus tangibles, qu’ils soient sécuritaires ou commerciaux. Nous ne savons pas faire cela.
Vous plaidez donc pour une école « réaliste » de politique étrangère ?
Je pense qu’il faut savoir faire la différence entre des sujets essentiels sur le plan des idées, comme la relation entre Islam et démocratie par exemple, et les questions opérationnelles. Le problème est que l’on en est venu à confondre politique étrangère et discours sur les valeurs.
Faut-il donc relire Machiavel ?
Il y a trente-six façons de lire Machiavel... Et je n’oppose pas réalisme et idéalisme. Dans le brouillard des combinaisons, on se perd dans les calculs. Il faut donc un phare, l’idéal. Sinon, on finit par faire n’importe quoi. Dire que la fin justifie les moyens est inacceptable. Il faut un guide éthique, moral, une boussole pour éclairer l’action en général. Ceci étant posé, dans le court et le moyen terme, il est très important d’être réaliste, ce qui ne veut pas dire cynique. Il s’agit de regarder les réalités telles qu’elles sont. Et d’agir avec une claire conscience des conséquences de ses actes. C’est l’éthique de responsabilité, tout aussi nécessaire.
En disant cela, avez-vous en tête des interventions armées dont nous n’aurions pas mesuré toutes les conséquences ?
Oui, bien sûr. En Libye par exemple, ce principe de responsabilité n’a pas été suivi. Et on voit aujourd’hui le désastre qui en résulte. Il y a un principe de précaution à observer. Pourquoi en parle-t-on pour les médicaments ou l’alimentation et ne l’applique-t-on pas à la politique internationale ? Je pense ainsi qu’en Syrie, l’erreur de Barack Obama n’est pas d’avoir décidé de ne pas intervenir. Cela n’aurait fait qu’aggraver le chaos à partir du moment où l’on n’aurait pas assumé les conséquences de nos actes, en mettant dans la bataille hommes et argent. L’erreur d’Obama est d’avoir parlé de lignes rouges, sans les faire respecter après. Ce genre de discours non suivi d’effets sape la crédibilité.
Si elle ne s’énonce pas forcément en 140 signes, la politique internationale semble de plus en plus assujettie à l’accélération du temps médiatique...
Oui, elle se résume de plus en plus souvent à la façon dont on réagit à des chocs externes. Et ce n’est pas cela, une vraie politique étrangère. Elle doit s’inscrire dans la durée. Ce facteur temporel est essentiel. Les Chinois ont-ils une vision ? La réponse est oui. Les Etats-Unis ? Oui aussi. Quelle est notre vision ? D’être des missionnaires, des disciples de Saint-Paul ? Et en donnant quel sens à cette mission ?
Le sens est une chose, les moyens en sont une autre. Ne nous font-ils pas cruellement défaut
?
On ne peut avoir une politique étrangère ambitieuse sans les moyens économiques adéquats. Si la France reste incapable de faire les réformes qu’elle esquive depuis tant d’années, le discours sur les valeurs deviendra de plus en plus un discours d’impuissance. C’est le drame actuel. On a l’impression de faire de la politique en disant seulement où est le bien et le mal. On se réfugie dans le logos sur les valeurs.
Faut-il donc s’accommoder de régimes autoritaires, au nom de la stabilité ?
Si l’on prend la question du Proche-Orient, le réalisme suggère que la priorité est le rétablissement d’un certain ordre, insatisfaisant du point de vue des valeurs, mais préférable à un chaos qui s’aggrave et s’exporte. Evidemment, nous préférerions des démocraties tempérées en Libye et en Syrie. Mais à court terme, le nouvel ordre ne sera pas de ce type. Pour l’heure, il est difficile d’échapper au dilemme chaos-régime fort. Il faut un travail en finesse. Nous sommes obligés de travailler avec des régimes que l’on n’aime pas, mais nous devons tout faire pour ne pas encourager leurs penchants autocratiques. Tocqueville a bien montré que les régimes autoritaires ne sont jamais aussi vulnérables que lorsqu’ils essaient de se réformer. Mais que, quand ils ne se réforment pas, ils finissent par éclater.
Comment « gérer » la question russe, revenue sur le devant de la scène jusqu’à devenir un sujet de politique intérieure ?
Nous sommes dans une situation très désagréable, pour tout le monde. C’est devenu un sujet totalement passionnel. On est sommés d’être « pour » ou « contre », ce qui est une réduction toujours dangereuse. Il faut calmer le jeu, dépassionner tout cela et tenter de rétablir des relations apaisées pour travailler ensemble sur des sujets d’intérêt commun. Aujourd’hui, tout ce qui avait été construit, y compris quand l’URSS était encore debout, a sauté. Nous sommes arrivés à un degré catastrophique de défiance et de propagande. Les Russes et les Européens ont en commun d’avoir besoin d’un minimum d’ordre. Ne devons-nous pas avoir un certain degré de coopération avec eux pour combattre le terrorisme islamique ?
Pourquoi en est-on arrivés là ?
Sans doute parce que nous avons confondu géopolitique et politique étrangère. Il ne faut pas confondre les termes, car on confond alors les notions. La géopolitique reste l’idéologie relative au territoire. Quand Brzezinski disait que l’Ukraine était le pivot pour le contrôle du continent eurasiatique, il faisait de la géopolitique. Et ce qui s’est passé en Ukraine, avec la velléité d’y étendre l’OTAN, a été la conséquence de cette idéologie. Cela a été perçu comme un danger mortel par les Russes.
L’idée d’une « menace russe » revient pourtant en force.
Là encore, regardons les choses calmement. Le PIB de la Russie se situe loin derrière celui de l’Italie. Alors, la menace impérialiste russe me semble à relativiser. Il faut ramener les choses à leurs proportions. La Russie est active, certes. Mais c’est un pays à la démographie faiblissante et à l’économie très fragile.
On ne peut avoir une politique étrangère ambitieuse sans les moyens économiques adéquats. Si la France reste incapable de faire les réformes qu’elle esquive depuis tant d’années, le discours sur les valeurs deviendra de plus en plus un discours d’impuissance. C’est le drame actuel. On a l’impression de faire de la politique en disant seulement où est le bien et le mal. On se réfugie dans le logos sur les valeurs.
Faut-il donc s’accommoder de régimes autoritaires, au nom de la stabilité ?
Si l’on prend la question du Proche-Orient, le réalisme suggère que la priorité est le rétablissement d’un certain ordre, insatisfaisant du point de vue des valeurs, mais préférable à un chaos qui s’aggrave et s’exporte. Evidemment, nous préférerions des démocraties tempérées en Libye et en Syrie. Mais à court terme, le nouvel ordre ne sera pas de ce type. Pour l’heure, il est difficile d’échapper au dilemme chaos-régime fort. Il faut un travail en finesse. Nous sommes obligés de travailler avec des régimes que l’on n’aime pas, mais nous devons tout faire pour ne pas encourager leurs penchants autocratiques. Tocqueville a bien montré que les régimes autoritaires ne sont jamais aussi vulnérables que lorsqu’ils essaient de se réformer. Mais que, quand ils ne se réforment pas, ils finissent par éclater.
Comment « gérer » la question russe, revenue sur le devant de la scène jusqu’à devenir un sujet de politique intérieure ?
Nous sommes dans une situation très désagréable, pour tout le monde. C’est devenu un sujet totalement passionnel. On est sommés d’être « pour » ou « contre », ce qui est une réduction toujours dangereuse. Il faut calmer le jeu, dépassionner tout cela et tenter de rétablir des relations apaisées pour travailler ensemble sur des sujets d’intérêt commun. Aujourd’hui, tout ce qui avait été construit, y compris quand l’URSS était encore debout, a sauté. Nous sommes arrivés à un degré catastrophique de défiance et de propagande. Les Russes et les Européens ont en commun d’avoir besoin d’un minimum d’ordre. Ne devons-nous pas avoir un certain degré de coopération avec eux pour combattre le terrorisme islamique ?
Pourquoi en est-on arrivés là ?
Sans doute parce que nous avons confondu géopolitique et politique étrangère. Il ne faut pas confondre les termes, car on confond alors les notions. La géopolitique reste l’idéologie relative au territoire. Quand Brzezinski disait que l’Ukraine était le pivot pour le contrôle du continent eurasiatique, il faisait de la géopolitique. Et ce qui s’est passé en Ukraine, avec la velléité d’y étendre l’OTAN, a été la conséquence de cette idéologie. Cela a été perçu comme un danger mortel par les Russes.
L’idée d’une « menace russe » revient pourtant en force.
Là encore, regardons les choses calmement. Le PIB de la Russie se situe loin derrière celui de l’Italie. Alors, la menace impérialiste russe me semble à relativiser. Il faut ramener les choses à leurs proportions. La Russie est active, certes. Mais c’est un pays à la démographie faiblissante et à l’économie très fragile.
L’Europe est-elle encore le « levier d’Archimède » de la France, selon les mots du général
De Gaulle ?
Aujourd’hui, l’Europe est en péril, c’est une évidence. Les Allemands ne le montrent pas trop,
mais ils sont terrifiés par la situation française. Si nous continuons à mettre des rustines sans
faire les bonnes réformes économiques, alors la zone euro éclatera. Cela pourrait prendre cinq
ou dix ans, mais cela arriverait. Et ce serait le vrai début de la fin pour l’Union européenne. Or,
une explosion de l’Europe signifie retourner des décennies en arrière en termes géopolitiques.
Et, dix ou vingt ans plus tard, on pourrait voir revenir la guerre en Europe.
Que faire, alors ?
D’abord, les principaux Etats européens doivent s’entendre sur la réalité de ce risque. Ensuite,
il faut se concentrer sur les points les plus importants. Donc sur les questions sécuritaires et
économiques. Il faut être clair sur les fondamentaux mais pas dogmatique sur les institutions.
Que la Commission se recentre sur l’essentiel et arrête de se disperser sur des détails. Et, bien
sûr, il faut partir de la France et de l’Allemagne. L’avènement de Trump a le mérite de nous
rappeler le principe gaullien fondamental : on ne peut s’en remettre à des nations extérieures
pour sa sécurité sur le long terme. D’où la nécessité de conserver un outil de défense robuste.
La montée du fait religieux est-elle un défi pour la politique étrangère ?
Quand on parle de religion, il faut distinguer quatre niveaux d’appréciation du sujet. Le niveau
anthropologique, fondamental, qui recouvre le rapport personnel de l’individu au spirituel ; le
niveau ethnologique, qui voit l’identité d’une nation marquée par la religion ; le niveau
sociologique, avec l’influence du patrimoine culturel ; et le niveau politique, avec la
manipulation de la religion. En distinguant ces niveaux, on évite de tomber dans des bagarres
inutiles. Le niveau politique seul doit nous intéresser.
Pourquoi ce fait religieux a-t-il autant investi le champ politique ?
Dans des pays appartenant sociologiquement au monde musulman, et qui ont fait autrefois
partie de l’espace colonial européen, tous les systèmes politiques qui ont été essayés ont échoué.
Qu’ils soient inspirés du marxisme ou tout simplement autoritaires. Il n’est resté comme
principe idéologique que la religion. Le succès de la religion sur le plan politique, c’est ce qui
reste quand tout a échoué.
En quoi l’arrivée au pouvoir de Donald Trump va-t-elle bouleverser la politique
internationale ?
Trump a une manière de s’exprimer choquante, très déconcertante tout au moins, mais il ne dit
pas que des bêtises. Nous allons avoir un paysage nettoyé des attachements routiniers hérités
de la Seconde Guerre mondiale. Cela, c’est fini. Mais ce qui n’est pas fini, c’est la réalité des
intérêts. Trump va se rendre compte de certaines interdépendances. Et réaliser que l’on a tous
intérêt à une certaine stabilité, qu’une Europe trop faible et chaotique n’est pas une bonne chose
pour l’Amérique. Ceci étant dit, il ne fera pas de cadeaux. Il raisonne en termes de rendements
visibles, à court et moyen terme, sans vision de temps long. Il n’a pas d’états d’âme, pas de
passion idéologique et une vision assez étroite. Mais je ne crois pas à la catastrophe, à la fin,
pour tous les accords commerciaux et les alliances. Il y aura un certain entre-deux, mais je ne
vois pas Trump en chef d’orchestre de la désagrégation du monde.
Thierry de Montbrial
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