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octobre 12, 2015

Politique étrangère française au Moyen-Orient et l'islamisme ??

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.






Sommaire:


A) "La France a-t-elle encore une politique au Moyen-Orient?" - le point de vue d'Hubert Védrine - Françoise Feugas - Orient XXI

B) L'islamisme aujourd'hui : du quiétisme au djihâdisme - diversités et réalités géopolitiques - Anne-Clémentine Larroque - Diploweb 
 
C) Divers liens sur l'Islam sur Université Liberté



 A) "La France a-t-elle encore une politique au Moyen-Orient?" - le point de vue d'Hubert Védrine
 
« J’espère ne désespérer personne ». C’est par cette phrase quelque peu anxiogène qu’Hubert Védrine introduit son propos, à la toute fin du colloque. Dans l’intitulé « La France a-t-elle encore une politique au Moyen-Orient ? », il a d’abord lu une référence à la « politique arabe de la France », et croit y déceler la nostalgie d’une période de l’histoire qui ne reviendra jamais. Des éléments structurants du monde se sont désagrégés depuis l’époque mitterrandienne où l’on se demandait déjà si « politique arabe » était une référence, une injure ou un idéal à reconstruire. La politique étrangère française du temps du « gaulo- mitterrandisme » ne se souciait guère de l’opposition entre chiites et sunnites. Du reste, le fondamentalisme religieux de quelques-uns n’entrait pas en ligne de compte dans la relation avec un monde arabe « un peu idéalisé ». Aujourd’hui, cette question est au premier plan et « concerne absolument tout le monde, du Maroc à l’Indonésie, à n’importe quelle banlieue d’Europe ou au Sahel ». La façon de considérer le conflit israélo-palestinien était alors complètement différente. Mais l’espérance de sa résolution au bout d’un processus de paix que l’on croyait possible s’est éteinte avec l’assassinat de l’ancien premier ministre israélien Yitzhak Rabin en 1995. « Il est de plus en plus clair maintenant que c’est fini, dit-il. « les sionistes religieux fanatiques ont gagné. » Il faut ajouter à cette nouvelle donne la fin de la dépendance américaine au pétrole saoudien, et bien sûr le retour de l’Iran sur la scène internationale avec l’accord conclu le 14 juillet dernier sur le nucléaire, malgré l’engagement considérable de Benyamin Nétanyahou pour l’empêcher et les craintes de l’Arabie saoudite. La Russie était complètement absente du jeu international depuis la fin de l’Union soviétique en décembre 1991. Ce n’est qu’avec les événements récents des trois ou quatre dernières années qu’elle a retrouvé un rôle dans la région — ou plutôt que ce rôle est devenu visible. 

Le plus petit commun dénominateur
Les trois quarts des pays européens n’ont aujourd’hui aucune politique étrangère digne de ce nom. L’expression commune européenne est donc forcément celle du « plus petit commun dénominateur, sur la base de principes sympathiques mais complètement inopérants ». Des politiques particulières ou de voisinage se mènent au cas par cas. « L’expression européenne est un cas où le total est inférieur à la somme des parties », dit-il. Elle « se transformera peut-être un jour en quelque chose de créatif mais pour le moment, ce n’est pas le cas. » L’Europe se contente donc d’assister à la désagrégation de ce qui avait été mis en place après la première guerre mondiale avec les accords Sykes-Picot et lors de la conférence de San Remo, quand les « puissances chrétiennes » ont mis fin à la domination, jugée par eux abusive, de l’empire ottoman en le disloquant. Cette configuration géopolitique a longtemps tenu par des procédés assez autoritaires, voire répressifs. « Tout un siècle de dureté, de cruauté (...) est en train de se désagréger en créant un tableau nouveau. On voit bien que personne ne contrôle l’ensemble. Personne ne peut refaire Sykes-Picot (...). Même en additionnant un Américain et un Chinois, un Américain et un Russe, cela ne marcherait pas. » Il n’y a donc pas de puissance « plus ou moins globale », ni de puissance régionale qui puisse imposer sa loi, même si beaucoup interagissent dans un jeu complexe. L’Iran reste fort, sans doute plus encore après l’accord ; pas suffisamment cependant pour imposer sa solution à toute la région. La Turquie non plus, qui a « un peu rêvé d’une sorte d’époque néo- ottomane dont aucun Arabe ne veut, bien sûr, et on voit bien que cela s’est heurté à des difficultés et qu’ils sont plutôt sur la défensive ». L’Égypte ne peut guère espérer plus que contrôler le Sinaï et influencer l’est de la Libye. En Arabie saoudite, le roi veut rassembler un « front sunnite », stopper le retour iranien et combattre les chiites « par Syriens et Yéménites interposés ». Mais Riyad, qui était dans une lutte frontale contre les Frères musulmans, se voit plus ou moins contrainte de passer des compromis avec eux. Ce qui embarrasse sans doute Abdel Fattah Al-Sissi, qui mène contre eux une répression féroce en Égypte. « Quant aux autres pays, bien malin qui peut prédire ce qu’ils seront dans 20 ou 30 ans. » Aucune puissance au monde n’est aujourd’hui capable d’avoir un schéma d’ensemble et encore moins de l’appliquer ; et « toutes les théories complotistes surestiment de façon déroutante la puissance des comploteurs potentiels. » 

Des États sous influence
Il y a une politique étrangère française de facto, parce qu’il faut bien prendre des décisions et entretenir des contacts avec les uns ou les autres. Au Maghreb, elle paraît quelque peu tâtonnante. « Elle n’est pas toujours en complète contradiction avec les orientations d’avant, mais elle n’est pas toujours claire non plus, et on ne sait pas très bien où elle va », mais on peut le dire tout aussi bien de la politique américaine, à l’exception notable de l’Iran. L’accord sur le nucléaire le 14 juillet dernier est en effet le résultat d’une réelle politique stratégique qui aura des conséquences tout à fait importantes dans la durée. En revanche, concernant Israël, Barack Obama avait bien tenté de demander l’arrêt la colonisation de la Cisjordanie, mais Nétanyahou lui a opposé une fin de non-recevoir. Car l’influence des lobbies est très grande : celle des colons en Israël tout autant que celle d’Israël sur le Congrès américain, sans parler du fameux lobby très intelligemment construit au fil du temps par le Likoud, énorme, évangéliste... et républicain. L’état d’affaiblissement des systèmes de décision démocratiques oblige à tenir compte, dans les analyses internationales, des phénomènes de diasporas, d’influence, de lobbying. Il y a quelques années, on aurait encore pu faire de l’analyse internationale un peu abstraite, en tout cas en ne parlant que des États. Mais ils sont précisément limités dans leur action, tiraillés, influencés. En tous cas, Obama ne s’est jamais tout à fait relevé politiquement du refus de Nétanyahou ; il a simplement réussi à résister à sa campagne, extrêmement forte et virulente, contre l’accord nucléaire avec l’Iran. La politique américaine est donc extrêmement affaiblie sur ce point. 

Du bon côté de l’histoire
Après les « printemps arabes » que l’on n’a pas vu venir, il y a eu l’Égypte et le coup d’État militaire du 3 juillet 2013 contre le président élu Mohamed Morsi. La France a considéré de façon pragmatique et relativement empiriste qu’après tout, il fallait « faire avec » Abdel Fattah Al-Sissi. Pour certains hommes politiques français, la leçon à tirer des événements intervenus au Proche-Orient entre 2011 et 2013 a été qu’il fallait désormais se placer « du bon côté de l’histoire » en aidant à renverser Bachar Al-Assad. Or, si cette position est honorable moralement, elle a conduit à une impasse. Globalement, la politique occidentale qui s’est concentrée sur le fait qu’Assad devait partir n’a donné aucun résultat, d’où des évolutions plus réalistes dans la période récente. Ainsi François Hollande a-t-il finalement autorisé à la défense ce qu’elle demandait depuis un an : mener des frappes aériennes en Syrie, où se trouvent la tête et les camps d’entraînement de l’organisation État islamique (OEI). Domine désormais l’idée qu’Assad doit certes quitter le pouvoir ; non pas comme une condition sine qua non à toute négociation avant, mais « à un moment ou un autre ». Sur cet aspect de la politique française, l’hésitation prévaut. Quant à la politique de la France vis-à- vis du Maghreb, elle se résume à « s’entendre le moins mal possible simultanément avec l’Algérie et le Maroc. » Après l’Égypte, l’Iran. La France a maintenu jusqu’au bout une politique très dure sur l’accord avec l’Iran, ce que Riyad a su apprécier concrètement par des achats de Rafale, de Mistral, etc. « Il n’y a pas à critiquer la France d’en profiter, après tout. » En revanche, distinguant les opportunités économiques et commerciales de ce qui pourrait ressembler à un début d’alliance, Hubert Védrine prévient : si ces « opportunités » devaient prendre l’allure d’une sorte d’alliance avec le « front sunnite » qu’appelle de ses vœux l’Arabie saoudite, cela ne correspondrait à aucun des intérêts fondamentaux de la France. Il défend la position de Nicolas Sarkozy dans la question libyenne. « J’ai essayé d’être honnête avec la décision de Sarkozy à l’époque, en rappelant qu’il ne s’est pas excité sur le sujet tout seul. Il y a quand même eu un début de printemps arabe, la révolte de Benghazi, la menace de Mouammar Kadhafi de noyer cette révolte “dans une rivière de sang” — et il l’aurait sans doute fait —, la demande du Conseil de coopération du Golfe (CCG) d’une intervention protectrice, la demande de la Ligue arabe. » C’est pourquoi, dans la résolution de l’ONU au titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies intitulé « Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression », l’intervention militaire en Libye ne fait pas partie de la liste des interventions unilatérales non légitimes (au contraire de l’intervention américaine en Irak en 2003). On peut néanmoins s’interroger sur le bien-fondé et les objectifs de cette intervention, note-t-il, quand on constate l’état actuel de décomposition de la Libye, même si du point de vue européen, le principal problème réside dans le fait que le verrou libyen anti-immigration ait sauté. « Il aurait peut- être fallu instaurer une espèce de protectorat provisoire, mais aucun Libyen ne le voulait »

Interventionnisme ou isolationnisme ?
Dans un tel contexte, qu’est devenue la politique étrangère française ? s’interroge l’ancien ministre des affaires étrangères de Jacques Chirac. Il n’y a que des « morceaux de politique française juxtaposés ». Dans le conflit syrien, l’hésitation demeure : l’OEI est-elle la menace majeure ? Ou doit-on considérer que l’objectif numéro 1 est le régime syrien ? Quel est l’intérêt de la France à le renverser ? La hiérarchisation des objectifs, la clarification n’ont été faites ni par la France ni par personne. Dès lors, que faire face à cette décomposition du Moyen-Orient en cours ? Le choix est large, de l’interventionnisme à une non-intervention quasi totale. La position de la France pourrait consister à prendre acte de son impuissance et à attendre qu’une sorte de traité de Wesphalie soit instauré entre pays arabes pour réorganiser la région. Quelqu’un comme l’ancien premier ministre Dominique de Villepin n’est pas loin de dire qu’il ne faut plus jamais intervenir nulle part, même au titre du chapitre VII de la Charte de l’ONU. La position inverse consisterait à considérer que la menace de l’OEI est sérieuse, et qu’en conséquence il convient de se donner les moyens d’y mettre fin en mettant sur pied une véritable coalition, beaucoup plus large que celle qui aujourd’hui ne fonctionne pas. Elle devrait comprendre la Russie (et non pas le régime syrien), l’Iran et la Turquie qui abandonnerait son double jeu. C’est du reste ce que demandent les militaires américains : une fois l’objectif atteint, que fait-on ? La réponse se trouve du côté d’une solution politique pour l’Irak et pour la Syrie, affirme-t-il sans évoquer à aucun moment la résolution du conflit israélo-palestinien. « Sur l’Irak, on ne peut pas le faire sans l’Iran ; c’est moins impossible depuis l’accord du 14 juillet, mais avant c’était considéré comme impensable ». En ce qui concerne la Syrie, il faut être en mesure de garantir la sécurité des alaouites, exposés à une vengeance contre le régime syrien qu’ils représentent. Et entrer dans un vrai débat à propos de Bachar Al-Assad. Quelles sont les garanties de reconstruction de la Syrie ? Est-elle simplement encore possible ? Ceux qui envisagent d’éradiquer l’OEI doivent aller jusqu’au bout du raisonnement en envisageant « l’après », c’est-à-dire des solutions politiques. « Le simple fait de l’énoncer dit à quel point on en est loin ». Par conséquent, le plus probable est qu’on reste dans un entre-deux, par peur de devoir s’allier avec la Russie, ce qui est pourtant incontournable, affirme-t-il. 

À la recherche d’une dynamique
« Je ne dis pas qu’on ne peut rien faire ; il y a toujours quelque chose à faire », conclut-il à propos de la Syrie. Mais pour agir, encore faut-il savoir quels sont les intérêts vitaux de la France. Pour les peuples, c’est évident : qu’ils puissent revivre en paix. Pour la France et tous les pays impliqués, c’est neutraliser les menaces de terrorisme, même lointaines. Il n’y a pas tellement d’autres intérêts vitaux ; pas d’intérêt vital pétrolier dans l’affaire syrienne, par exemple. Cette question des intérêts vitaux est au fondement de toute politique étrangère, laquelle ne se limite pas à s’empêtrer dans des guerres de position ; c’est la recherche d’une dynamique. Par conséquent, répondre à l’interrogation posée par le colloque : « la France a-t- elle encore une politique au Moyen-Orient » revient à les déterminer clairement. Il est nécessaire de maintenir des liens bilatéraux avec chaque pays arabe, mais il est impossible d’en faire une synthèse. Malgré tout, l’affirmer écarte de facto toute posture radicalement isolationniste. Certes, le décalage entre l’idée que la France se fait de son rôle, de ses responsabilités et sa capacité d’action réelle est à la fois ridicule et attristant, mais « ce n’est pas parce qu’on ne contrôle pas tout, qu’on ne peut pas refaire Sykes-Picot, qu’on s’en fiche, advienne que pourra », résume-t-il tout en expliquant qu’il cherche à esquisser une sorte de ligne équilibrée, quelque part entre l’action intempestive et irresponsable et l’inaction totale. Reconstruire une politique de la France envers les pays arabes ne peut se faire que laborieusement, « sans oublier qu’il y a par ailleurs une gigantesque bataille historique et longue au sein de l’islam et que de toutes façons il faut qu’on aide les modernisateurs, ou
qu’au moins on ne les handicape pas par nos politiques (...). C’est un long chemin. Je ne vois pas comment être plus optimiste que ce que je dis là maintenant. »

Françoise Feugas



B) L'islamisme aujourd'hui : du quiétisme au djihâdisme - diversités et réalités géopolitiques


La distinction établie entre islam et islamisme permet de mieux comprendre la diversité des islamismes. L’analyse actuelle des islamismes requiert de prendre en compte avec vigueur des paramètres à la fois politiques, historiques, géographiques et nationaux qui influent sur les mouvances islamistes actuelles et sur leur géopolitique. Voici un texte de référence pour construire une connaissance consolidée d’un sujet d’importance. 

DEPUIS les attentats perpétrés contre le journal français Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, l’Europe puis la Tunisie, symboles de la démocratie, ont connu les attaques et les menaces des groupes djihadistes basés au Moyen-Orient. Cette déferlante de violences terroristes est massivement revendiquée par l’Etat Islamique, né officiellement le 29 juin 2014, et appelé Daech par ses détracteurs. Pourtant, l’EI ne se résume pas à une organisation criminelle. Son recrutement, la formation de ses partisans, sa médiatisation, son financement, sa prétention à devenir un Etat, démontrent qu’il existe « une puissance Daech ». Cette nouvelle machine de guerre totalitaire repose sur la mise en action de principes idéologiques djihadistes (basés sur le takfirisme), c’est-à-dire, l’une des lectures contemporaines, la plus radicale, de ce qu’on appelle l’islamisme. En même temps, islamisme, ce néologisme à la sémantique plurielle ne se limite pas à la concrétisation radicale et violente de l’EI ou de sa mère-porteuse, Al-Qaïda. Dans mon ouvrage, j’ai tenté d’établir l’analyse et la synthèse des diverses réalités islamistes. Le suffixe -isme détermine la revendication idéologique d’un groupe à son adhésion à un système de valeurs ancré sur un principe philosophique, religieux, politique, économique : par exemple, l’athéisme, le féminisme, le socialisme, le libéralisme, etc. Le mot islamisme prend aujourd’hui plusieurs sens et la formation de cette notion à partir de sa racine - islam - fait l’objet de nombreuses critiques de la part des partisans-mêmes de la religion musulmane, non- islamistes dans leur grande majorité. Le contexte historique et géopolitique du Moyen-Orient depuis le XIXe siècle au moins, et la présence plus ou moins marquée de l’Occident, ont joué un rôle de taille dans la construction de ce que l’on appelle la nébuleuse islamiste. Au départ, cette idéologie s’est organisée sur un projet politique en plaçant le message coranique au centre de sa doctrine. Ainsi, le projet politique émane du message religieux, mais s’en détache aussi. L’islamisme n’est pas l’islam. Pourtant, l’amalgame prévaut souvent, car si l’islam est avant tout une religion de loi et donc du droit, elle est aussi empreinte de l’idée de gouvernance, dès les origines. La dimension politique fait donc partie intégrante de l’islam. Cependant, et il paraît fondamental de le souligner, les principes islamistes poussent le projet de construction politique plus loin. Dans la perspective islamiste, la structure étatique islamique doit englober toute la société, ses lois, ses principes économiques, ses individus. L’islamisme présente donc un aspect totalisant, à la fois politique et social. La mise en actes politiques appelle des moyens très variés. Pour mettre en place une structure de pouvoir islamiste et assurer sa prédominance sur la société musulmane, il existe trois configurations, et donc trois types d’islamisme. L’activisme politique d’abord, l’activisme missionnaire ensuite, et la troisième voie : l’activisme violent et terroriste, appelé également djihâdisme. Ces trois systèmes de pensée fondent des courants dont les moyens d’action diffèrent : action politique pour le premier ; prosélytisme, quiétisme et prédication pour le deuxième, violences et attentats pour le troisième. Il paraît donc nécessaire de questionner la double nature religieuse et politique de l’islam afin de comprendre comment les islamismes traduisent une interprétation politique du message religieux initial qui, depuis les années 1970, a été réinterprété politiquement jusqu’aux dérives totalitaires des djihadistes actuels de l’EI.
Nous développons spécifiquement ici les fondements et enjeux des islamisme politiques puis djihadistes. 

I. Les islams dans l’Islam : du religieux au politique
A. L’islam : une religion politique totale
L’islam constitue la troisième religion monothéiste, révélée par le Prophète Muhammad dans la première moitié du VIIe siècle après JC, dans la péninsule arabique. Islam signifie en arabe se soumettre aux lois de Dieu. Allah, pour les croyants musulmans, renvoie au Dieu unique, créateur de l’Univers. Son prophète, Muhammad, chef de guerre du clan des Qurayshites, - une tribu arabe puissante de la Mecque -, a été choisi par Allah. L’islam reconnaît les différents prophètes des religions monothéistes juive et chrétienne, il place Muhammad comme le dernier d’entre eux. Le caractère prosélyte de la religion musulmane s’est imposé dés le départ : l’islamisation a permis à la religion de se développer très rapidement de la deuxième moitié du VIIe siècle au début du VIIIe siècle. Aux côtés de l’islam, il existe l’Islam. En effet, la naissance de la religion musulmane s’est accompagnée d’une expansion du domaine géographique sur lequel elle exerce une influence ; le Dâr-al-Islam, « Domaine de l’Islam ». Il correspond à un ensemble géopolitique gouverné par un musulman et où les lois privées sont encadrées par la Charia. L’Islam renvoie donc au territoire se trouvant sous domination arabo-musulmane. La réglementation religieuse a des incidences fortes dans la vie civile et politique de l’Islam. Si le livre saint des musulmans est le Coran, il fait partie d’un ensemble appelé Loi islamique ou Charia, composé aussi de la Sunna pour les Sunnites. Elle tire son essence du Coran et de la Sunna et englobe certains principes de droit : et de deux sources de droit : l’ijma et le Qiyâs. En effet, le caractère politique de l’islam est précisément déterminé par la nature et l’encadrement de la Charia. Elle est protégée et appliquée grâce au fiqh : réglementation juridique qui régit l’organisation interne de la communauté des croyants à la fois dans le domaine religieux mais aussi dans le secteur politique et social. L’ensemble de ces règles concerne l’Oumma : la communauté des musulmans évolue à l’échelle de la planète. C’est la contraction de l’Oumma islamiyya : la communauté islamique. La Charia est à la fois religieuse et sociale. Suivie par les musulmans des Etats islamistes, elle ne s’applique pas de la même manière et selon les mêmes règles, dans les différents Etats qui l’ont adoptée. 

B. les courants de l’islam : sunnisme, chiisme et bien plus encore
Si l’islam demeure numériquement la deuxième religion au monde, il se divise en plusieurs branches. L’islamisation est un processus qui touche le Moyen-Orient et le Nord de l’Afrique aujourd’hui, mais également l’Afrique subsaharienne dans sa partie nord-Ouest et la région des Grands lacs, une partie de l’Asie Centrale et l’Indonésie. Les sunnites suivent la Sunna (actions et paroles du Prophète au quotidien) et respectent la tradition de succession du Prophète, depuis les origines. Les sunnites constituent presque 90 % de la population musulmane mondiale. Les chiites, un peu plus de 10% de la communauté, se sont opposés à la succession originelle et ont choisi de suivre Alî, cousin et gendre du Prophète, au sein du parti du Shia. Ils ne reconnaissent pas la Sunna et considèrent que l’imam est la source unique de l’autorité spirituelle et temporelle de l’islam. Pour les sunnites, il demeure un simple chef de prière. La famille chiite se scinde en plusieurs branches parmi lesquelles : les zaydites, les duodécimains et les ismaéliens. En lien avec leur opposition à la succession du Prophète, les chiites donnent une place centrale à l’imam, le véritable Guide de la communauté. Chacune des mouvances chiites est établie en fonction des modalités de succession de l’imam. Les zaydites (au Yémen notamment) sont les moins rigides à l’inverse des duodécimains (en Iran et en Irak), majoritaires, qui croient que le douzième imam (IXe siècle) n’est pas mort. N’ayant pas de chef religieux depuis, ils ont accepté la tutelle temporelle des sunnites, ce qui leur a valu leur intégration et leur a assuré plus de succès que les deux autres courants. Cependant, l’exemple des guerres civiles syrienne ou yéménite actuelles montre que sunnites et chiites peuvent encore s’opposer radicalement. L’opposition des courants religieux musulmans se nomme la fitna : c’est-à-dire la guerre au cœur de l’islam qui sème le désordre et la discorde au sein de l’Oumma. Celle-ci peut inclure des confrontations entre sunnites comme c’est le cas entre les partisans de l’EI contre les kurdes.

C. L’interprétation du Coran au cœur de la complexité islamique
Le fondamentalisme est une idéologie visant à rappeler le retour aux fondements d’un message dont le sens aurait été dévoyé au fil du temps. Toutes les grandes religions monothéistes connaissent des mouvances fondamentalistes en leur sein. L’enjeu est la création d’une version qui interprète les textes sacrés d’une religion de façon littérale, sans prendre en compte la transformation des sociétés concernées. Dans l’islam, les fondamentalistes souhaitent revenir au message originel diffusé dans les sourates du Coran et dans les hadiths (paroles du Prophète compilées au IXe siècle) qui forment la Sunna. Les premières formes de fondamentalisme musulman apparaissent peu après la période prophétique. Elles ont évolué jusqu’aux wahhabisme et salafisme actuels. Les fondamentalistes contemporains admettent l’interprétation mot à mot du Coran, c’est-à-dire l’exégèse appelée tafsir. Ce qui différencie les mouvances islamistes actuelles demeure l’application de l’ijtihad : l’« effort de réflexion ». En islam, c’est l’interprétation personnelle des sources coraniques par les docteurs en droit musulman qui sert à fabriquer des normes juridiques. Elle suppose une utilisation de la Raison ; les wahhabites n’utilisent pas la Raison et restent très proches des normes existantes à la différence des réformistes salafistes qui s’en servent. Ainsi, le fondamentalisme s’incarne d’abord chez les wahhabites, mais les liens entre wahhabites et salafistes sont devenus ténus à partir des années 1970 et de fait, le fondamentalisme a pu conquérir aussi certaines branches salafistes. 

II. Du fondamentalisme à la naissance d’une revendication politique et sociale : les islamismes
A. Le Réveil d’une revendication islamiste: du wahhabisme (XVIIIe siècle) au réformisme salafiste (XIXe siècle)
Les premières formes d’islamisme, en tant qu’idéologie politico-religieuse, sont apparues dés le IXe siècle, moins de deux cents ans après la révélation de Mohammed. Ibn Hanbal (780- 855), le fondateur de l’école islamiste dite hanbalite s’oppose à l’« islam éclairé » imposé de force par le calife abasside de l’époque. Ainsi, les hanbalites ont contesté l’ordre politique établi en tentant d’imposer un ordre moral et social très sectaire. Le wahhabisme, doctrine islamiste saoudienne développée au Moyen-Orient (Qatar par exemple) demeure l’héritier légitime du hanbalisme : une des quatre écoles religieuses nées entre la mort du Prophète et le IXe siècle. L’école hanbalite refuse toute prise en compte du contexte historique et social d’écriture du Coran et de la Sunna. Elle demeure la plus rigoriste. Deux successeurs au mouvement hanbalite ont permis à cette doctrine d’émerger : - au XIIIe siècle, Ibn Taymiyya , juriste rendu célèbre par son intransigeance et son intolérance envers les mauvais musulmans et les Infidèles (chrétiens, juifs, païens), - cinq siècles plus tard, Mohammed Ibn Abd al- Wahhab rejette tout autant la présence des mécréants dans tout l’Empire ottoman, dont son Arabie natale dépend alors. Issu d’une famille qui suit la doctrine hanbalite, il a voyagé dans de nombreux pays de l’Empire avant d’écrire un ouvrage sur l’Unicité de Dieu. C’est à partir de cette œuvre autant que du combat de son fondateur que le mouvement wahhabite se développe. Mais à la différence du hanbalisme, ce mouvement n’est pas seulement doctrinal ; il a une dimension politique. En effet, pour donner un bras armé à sa doctrine, Abd al-Wahhab a conclu un pacte avec un conquérant arabe, Muhammad Ibn Saoud. Ce dernier favorise alors la diffusion du wahhabisme au gré de ses conquêtes, de celles de ses descendants, à partir de leur région d’origine – le Nejd [1]. Mais en deux siècles, le wahhabisme s’étend bien au-delà car la famille Saoud parvient en 1932 à constituer un État très puissant et très vaste : le Royaume d’Arabie saoudite. L’État saoudien a ainsi fondé ses racines sur le terreau doctrinal wahhabite.

Dans l’actualité récente, on a montré la proximité entre les wahhabites saoudiens et les salafistes, notamment égyptiens. Pourtant, si elle peut être mise en lien, leur pensée s’inscrit dans un contexte historique et géopolitique différent et les deux mouvances ne doivent pas être confondues. La salafiyya n’est donc pas le wahhabisme. Les salafistes se réclament des penseurs wahhabites, mais leur mouvement n’est pas né en Arabie saoudite. En effet, le salafisme a pris forme dans un ensemble géographique disparate (Égypte, Syrie, Irak et Inde), à partir du XVIIIe siècle. Il n’apparaît véritablement qu’au XIXe siècle, un siècle après la naissance du wahhabisme. De l’arabe salaf, ancêtre, la salafiyya prône un retour aux valeurs des pieux ancêtres, c’est-à-dire aux principes des fondateurs de l’Islam, depuis le VIIe siècle. Il s’agit du Prophète mais aussi de ses quatre premiers successeurs : les califes Rashidun, « les bien guidés » qui ont régné tour à tour, au VIIe siècle, sur le Dâr-al-Islam naissant : Abou Bakr, Omar, Othman et Ali. Pour les salafistes, la Sunna et le Coran doivent être compris et lus sans faire appel à la raison individuelle mais uniquement par la mise en application et l’imitation des gestes et paroles du Prophète. C’est pourquoi de tous les islamistes, les salafistes sont ceux qui ont la lecture la plus littérale des textes sacrés. En d’autres termes, les wahhabites ne vont pas aussi loin. D’abord née d’une réflexion très moderne, la doctrine salafiste a mué vers un fondamentalisme puritain, se confondant avec le wahhabisme saoudien. Mais la construction de la doctrine salafiste obéit à des logiques historiques différentes. En effet, trois âges distincts ont marqué l’évolution doctrinale de la salafiyya : du XIXe siècle aux années 1990. Au départ, contrairement aux wahhabites, les penseurs salafistes n’ont pas basé leur doctrine sur la pensée hanbalite. Ils sont partisans d’une pratique de l’interprétation ouverte à l’ensemble des quatre écoles juridiques sunnites : ils s’appuient sur la rigueur juridique de l’école hanbalite mais non sur son radicalisme. Aussi, au XIXe siècle, deux grands penseurs et fondateurs du mouvement ont impulsé la création du mouvement réformiste salafiste : Jamal al-Din dit al-Afghani (1838-1897) et Muhammad Abduh (1849-1905). Il s’agit du premier âge du salafisme. Cette première vague ne s’autoproclame pas « salafiste » mais réformiste ; l’identification du courant s’élabore seulement au XXe siècle. Leur objectif est de préparer le monde musulman au questionnement posé au monde entier par l’Occident, en pleine industrialisation. L’arrivée des Occidentaux dans l’Empire ottoman notamment, a imposé naturellement à l’Oumma une analyse de la solidité de ses structures et de ses valeurs : son identité, sa culture, ses fondements spirituels et intellectuels. Le mouvement réformiste incarne donc une révolution dans l’idéologie islamiste : il marque le réveil de l’esprit de l’islam, à l’échelle sociale et politique. Les fondateurs du salafisme ont estimé que la société musulmane devait se réformer et imposer un retour aux valeurs des « pieux ancêtres » car, selon eux, la société ottomane est en train de péricliter à tout niveau. Le salafisme est donc, au départ, un compromis entre un retour aux valeurs des pères fondateurs de l’Islam et l’intégration des nouveautés apportées par l’Occident. Par exemple, l’ouverture aux progrès technologiques était souhaitée par les salafistes du Premier Age. L’Occident ne représentait pas une menace mais plutôt un modèle dont il fallait se servir pour réformer le monde musulman. Seulement, suite à l’effondrement de l’Empire ottoman dans les années 1920, les Occidentaux ont cherché à investir ce nouvel espace. Les salafistes ont alors intégré à leur doctrine une volonté de résistance au modernisme et se sont rattachés davantage aux mouvements fondamentalistes wahhabites de l’Arabie centrale. En d’autres termes, il s’est agi d’un regain de résistance identitaire basé sur l’identité religieuse. Cela correspond à la seconde vague du salafisme articulée autour de la figure centrale d’Hassan Al-Banna (1906-1949), fondateur égyptien de la confrérie des Frères musulmans. Pour lui, la présence occidentale en Égypte génère des pratiques contraires aux valeurs de l’islam. Il est partisan d’un salafisme nouveau. Certains chercheurs refusent de lier aujourd’hui salafisme et Frères Musulmans. Il vrai qu’en Egypte ou en Tunisie par exemple, ces mouvances sont détachées ; leurs objectifs et moyens d’action diffèrent et par conséquent leur doctrine aussi. Les salafistes de cette deuxième vague ont accepté d’intégrer la culture religieuse soufie dans leur pensée, courant mystique de l’islam que les wahhabites rejettent. Autre rupture avec le wahhabisme, les salafistes comme les Frères musulmans n’intègrent pas le rôle de l’autorité politique de la même manière dans leur doctrine. Les wahhabites relient historiquement le pouvoir politique des monarques saoudiens à la pensée islamiste. Pour les Frères musulmans, cet automatisme n’est pas envisageable. Salafisme et wahhabisme saoudien peuvent, néanmoins, être concordants à partir des années 1950. Les Frères musulmans, persécutés en Égypte et en Syrie, sont accueillis en Arabie saoudite et chargés de diffuser les valeurs islamistes aux jeunes dans les écoles et universités. Les Frères assurent donc la moralisation de la société en préparant la communauté dès son plus jeune âge ; c’est un islamisme basé sur la prédication et qui commence par le bas. Ainsi, islamisme politique et islamisme de prédication se rencontrent et se complètent. Leur rapprochement est néanmoins à nuancer car les Frères musulmans, salafistes réformistes, ne sont pas inféodés à la famille politique saoudienne. L’arrivée des Américains en Arabie saoudite les pousse rapidement vers l’Irak. Un nouveau courant émerge et radicalise les thèses du salafisme de deuxième génération. Le jeu politique a donc un impact direct sur le mariage idéologique des wahhabites et des Frères musulmans salafistes du deuxième âge. À partir des années 1980, wahhabites et Frères musulmans ne sont plus considérés comme alliés. Partisans de l’islam politique, les Frères s’opposent aux pratiques saoudiennes. Cependant, le salafisme ne se cantonne pas à la version donnée par les Frères musulmans. Le troisième âge salafiste est nourri par les thèses de l’intellectuel saoudien, Sayyid Qotb (1906-1966). Son émergence est aussi précipitée par la révolution chiite iranienne et à partir de 1979, le salafisme se referme sur les thèses wahhabites les plus puritaines. Les thèses de Qotb ont nourri l’émergence d’une idéologie radicale devenue le djihadisme (voir III). Finalement, trois types de courants salafistes ont été déterminés (Bernard Rougier) : . Le salafisme originel, littéraliste et missionnaire qui n’admet de ses partisans ni la participation au pouvoir politique, ni leur utilisation des médias modernes. . Le salafisme réformiste, représenté par le courant de la Sahwa. Ses partisans dépassent la fonction de missionnaires des premiers. Ils ont vocation à diffuser au plus grand nombre leur vision de l’Islam et leur vision politique du monde. Ils condamnent l’influence des Occidentaux sur les dirigeants du Moyen-Orient, car elle déstabilise l’ensemble de l’Oumma. Le pouvoir temporel doit suivre les préceptes du religieux et non l’inverse. . Enfin, le salafisme djihâdiste est lui-même divisé en plusieurs mouvements. De manière générale, il prône le devoir de djihâd pour tous les musulmans. C’est le cœur de la doctrine. Il existe des djihâdistes locaux comme en Palestine qui n’ont pas vocation à imposer un califat mondial, et des djihâdistes internationaux, dont les membres d’Al-Qaida font partie. Aujourd’hui, les trois courants salafistes ont généré des groupes politiques comme non- politiques, aux moyens d’action différents qui n’ont pas nécessairement de liens entre eux dans les pays qu’ils touchent. 

B. De l’apprentissage des pratiques politiques à la mise en place des régimes politiques islamistes : révolution chiite, printemps arabes et résistance politique ou terroriste La réalisation d’un projet politique n’existe pas dans tous les groupes islamistes. Seuls les Frères Musulmans, les salafistes réformistes et les chiites khomeynistes embrassent cette ambition. Cependant, si ces trois tendances visent l’instauration de la Charia, les moyens utilisés pour y parvenir et les modes d’application de la Loi islamique ne sont pas les mêmes. Très schématiquement, deux types d’islamisation peuvent s’opposer dans la mise en place du projet : par le haut, l’institution de la Charia permet au peuple de s’islamiser, ou par le bas, l’islamisation du peuple génère la création d’un État islamique. Aussi, dans le cadre de l’activisme radical, la lutte des djihâdistes résistants à la politique anti-islamique d’un régime exprime un message politique à prendre en compte. Trois types d’intégration politique des islamismes dans le monde : l’islamisme consacré par l’État, l’islamisme légitimé par les élections ou associé au pouvoir, puis les groupes islamistes résistants et clandestins. 

L’islamisme consacré par l’État
Prenons l’exemple de l’Iran, véritable modèle révolutionnaire à suivre pour l’ensemble des islamistes du Dâr-al-Islam, chiites comme sunnites. L’activisme révolutionnaire et chiite est né avec un homme : l’ayatollah Khomeiny, il a instauré la théocratie chiite en 1979 en renversant le Shah d’Iran soutenu par les Américains. Ce courant islamiste est national puisqu’ancré en Iran, mais il montre une dominante présente au sein de tous les mouvements islamistes chiites : la capacité des ayatollahs, des oulémas et des mollahs d’encadrer les croyants, en autonomie vis-à-vis de la sphère étatique, tout en continuant de faire progresser les connaissances en matière de normes religieuses. La révolution islamique de 1979 a défini un cumul de deux fonctions pour le grand ayatollah. Il cumule le rôle d’autorité politique, à côté d’un président de la République élu au suffrage universel, et demeure le chef spirituel de la nation : son Guide Suprême. En 2015, ce dernier est Ali Khamenei et le Président de la République élu : Hassan Rohani. Les mollahs iraniens exercent un contrôle important sur l’exécutif et sur la stricte application de la charia dans toute la société iranienne. L’islamisme chiite s’incarne dans l’organisation de la République islamique iranienne. 

Islamismes consacrés par les urnes
La reconnaissance politique des partis islamistes se réalise pleinement lors de leur participation aux élections présidentielles ou législatives. Elle consacre leur pouvoir politique s’ils parviennent à les gagner. Évidemment, les mandats sont, en principe, temporaires et parfois interrompus mais ils traduisent l’évolution du degré d’ancrage politique des islamismes à l’échelle étatique. Les Printemps arabes ont favorisé l’apparition de la prise de pouvoir légale des islamistes et leur insertion dans le jeu politique démocratique en Tunisie, en Egypte et même au Maroc. Entre 2011 et 2012, en Égypte et en Tunisie, les élections portent les islamistes au pouvoir, au Yémen elles les y associent et, en Libye, elles les incluent au jeu politique. Pourtant, la stabilité politique n’est pas acquise et aucun des partis islamistes n’exercent aujourd’hui seul, le pouvoir. Dans d’autres pays comme la Turquie ou le Liban, les islamistes ont été intégrés avant 2011 aux appareils politiques par le biais d’élection, soit en tant que parti élu soit en tant que groupe rattaché à une coalition. 

Clandestinité et résistance politique des islamismes
L’interdiction des partis politiques islamistes par les pouvoirs publics laisse aux islamistes deux possibilités : l’action clandestine ou l’exil. Pour les activistes clandestins, le djihâd devient légitime, ils jugent leurs gouvernants comme des impies car ils ne protègent plus l’Oumma. Le Président égyptien actuel, Al-Sissi, a déclaré illégale l’organisation des Frères Musulmans égyptiens, le 25 décembre 2013. Il les assimile à des terroristes au même titre que les partisans de l’Etat Islamique. En dehors de la région arabe-musulmane, il existe également des conflits violents liés à la revendication politique mais aussi nationale et culturelle de certains groupes islamistes. C’est le cas des Ouïghours en Chine d’Asie centrale et des islamistes du Caucase pour les Russes. Aux périphéries de ces « États continents », les territoires intégrés au prix de conquêtes difficiles et tardives la Tchétchénie, définitivement russe au milieu du XIXe siècle et le Xinjiang, devenu chinois en 1949 , concentrent des peuples marqués par une forte identité ethnique et religieuse. Depuis le 11 septembre 2001, le Mouvement islamiste du Turkestan oriental dont se réclament les Ouïghours est sévèrement réprimé par l’administration chinoise au nord-ouest du Xinjiang ; de violentes confrontations ont encore lieu aujourd’hui. Du côté russe, après les deux guerres russo-tchétchènes des années 1990, le mouvement djihâdiste s’est autoproclamé en 2007 chef de « l’émirat du Caucase », à partir duquel il fomente régulièrement des attentats contre Moscou (l’émir du Caucase, Dokou Oumarov, est mort en mars 2014). Pour la Chine et la Russie, islamisme et terrorisme se confondent.

III. De la résistance identitaire à l’activisme violent et terroriste : les djihadismes
A. Les fondements d’une idéologie radicale : du Coran aux Pères fondateurs du djihadisme
Le moyen ultime pour les islamistes les plus radicaux de sauvegarder l’unité de l’Oumma ou de lutter contre les forces mécréantes est le djihâd, « le combat sacré ». Le Coran évoque le grand djihâd, un combat personnel sur soi pour devenir meilleur et le petit djihâd ou djihâd par l’épée .Le petit djihâd est donc défensif ou offensif. Il devient défensif s’il existe une menace sur l’Oumma, tout musulman doit y participer. Le djihâd offensif est utilisé dans le cadre de la conquête du Dâr-al-Islam. Le djihâdisme contemporain marque un passage déterminant dans l’évolution structurelle de l’ensemble des islamismes. Il est le fruit et le moteur de l’islamisme radical. Il ne partage avec les deux autres formes d’islamismes – missionnaire et politique , que leur finalité : créer un État islamique. Mais les djihâdistes restent hostiles à la simple prédication et à la coopération avec le pouvoir politique. Le terme djihâdisme est donc un néologisme, indiquant la volonté d’adhérer au petit djihâd. Dès lors, l’usage du djihâd demeure la matrice de leur croyance religieuse. Les islamistes djihâdistes sont sunnites, ils établissent la guerre sainte contre les régimes impies à l’intérieur du Dâr-al- Islam ou à l’extérieur quand ils considèrent que le territoire est occupé par une puissance non musulmane menaçante ( en Afghanistan pendant la guerre contre les Soviétiques (1979-1989 par exemple). Le djihâd est donc le mode opératoire principal des djihâdistes afin de conquérir ou reconquérir le pouvoir. C’est la manifestation de la défense armée de l’Oumma. Au début de la conquête coloniale au XIXe siècle, un djihâd de résistance a lieu en Algérie, au Soudan et en Libye. Mais il peut également concerner d’autres acteurs du monde islamique, il engendre ainsi la fitna (le désordre entre les musulmans). L’actuelle lutte de l’État Islamique, contre les forces chiites irakiennes et syriennes ou contre les Kurdes sunnites, en donne un exemple concret. La construction idéologique du djihadisme contemporain s’est élaborée à partir des thèses anciennes d’Ibn Tamiyya (hanbalite du XIVe siècle) adjointes à celles de Maududi et de Sayyid Qotb plus récemment. La pensée du théologien Maududi est à l’origine de l’islamisme pakistanais. Maududi demeure l’une des trois figures islamistes les plus importantes du XXe siècle, aux côtés d’Hassan Al-Banna et de l’ayatollah Khomeiny. Né en Inde, ce sunnite fondamentaliste est proche des milieux déobandis (mouvement islamiste né en 1867 dans le Nord indien, prônant l’encadrement religieux de la vie quotidienne par la production de fatwas et s’étant diffusé dans les années 1970 en Afghanistan et au Pakistan, après intégration des principes wahhabites, les écoles deobandies sont à l’origine du mouvement des Talibans). Maududi a une vision nouvelle sur le rôle de la religion musulmane dans l’État pakistanais qu’il voit naître. Il promeut sa langue officielle, l’ourdou, tout en défendant la constitution d’un État islamique plus global, à l’échelle de l’Empire des Indes. Il s’oppose au nationalisme et au pouvoir des oulémas mais croit en la construction d’un État islamique, qui sera capable d’islamiser le peuple, par le haut. La révolution islamique constitue le cœur de son projet. Elle passe par l’application du djihâd par l’activisme politique. Bien qu’il ait inspiré Qotb et nombre d’islamistes radicaux et clandestins, Maududi agit en toute transparence. En 1941, il fonde légalement un parti : la Jamat Ulema Islami (JUI). Plus tard, et partant d’Egypte, les idées de Sayyid Qotb ont à leur tour fortement marqué les groupes islamistes jusqu’aux membres djihâdistes d’Al-Qaida. Avec elles, l’intransigeance salafiste émerge : les soufis sont considérés comme hérétiques car ils se livrent au culte des saints ; les chrétiens et les juifs les « gens du Livre » toujours respectés dans la tradition musulmane – sont traités de mécréants, c’est-à-dire d’incroyants. Cependant, au-delà de cette vision, le discours de Qotb va plus loin : il prône un islamisme radical qui défend le djihâd en terre mécréante mais aussi en territoire musulman quand celui- ci est menacé par des idées contraires à la Loi islamique, c’est-à-dire d’influence occidentale. Il oppose «vrais musulmans» et «apostats». En acceptant des compromis avec les Américains, les souverains saoudiens font partie des apostats. Du discours de Sayyid Qotb est né un nouveau courant de pensée : le takfirisme. Les partisans takfiri doivent excommunier les autres musulmans jugés impies. Il s’agit d’une lecture radicale du discours de Qotb visant à séparer les bons musulmans du monde impie, et ceux générant la fitna. Ce groupe d’islamistes radicaux, la Société des musulmans, se structure au moment où Sadate, le président égyptien, restreint le champ d’action des islamistes égyptiens, à partir de 1977. Isolé au départ, le mouvement s’exporte dans les pays du Golfe et fait des émules chez les étudiants égyptiens des Gamaat islamiyya. À partir du moment où les takfiri sont arrêtés, les Gamaat se radicalisent. Séparées des Frères Musulmans mais suivant Qotb, elles incarnent un salafisme violent et djihâdiste et recrutent parmi les populations pauvres et urbaines. Leur dissolution, après l’assassinat de Sadate – dont elles sont les responsables , les mènent à la radicalisation terroriste dans le monde musulman comme aux États-Unis dans les années 1980-1990. Elles sont intégrées au sein du groupe du Djihâd islamique égyptien dans les années 1990, responsables entre autres, des attentats sur le site touristique de Louxor. Les Gamaat ont essaimé leur pensée et leurs modes d’action en Afrique subsaharienne et en Asie centrale. Dans le monde musulman, après le départ des colonisateurs occidentaux, au tournant des années 1950 et 1960, trois types de djihâd se mettent donc en place progressivement : celui des partisans de S. Qotb dans les années 1970 et 1980, dans le cadre de la guerre d’Afghanistan contre les Soviétiques ; le djihâd des années 1990 contre les régimes militaires algérien, égyptien et en Bosnie ; enfin, depuis la fin des années 1990, le nouveau djihâd contre l’Occident. Ce dernier est la raison d’être du mouvement Al-Qaida. En effet, cette forme d’activisme est devenue une idéologie qui s’est mondialisée ; elle prend racine dans les premières formes du takfirisme. La naissance d’Al-Qaida s’explique par une réorientation de la logique du djihâd internationalisé construit en Afghanistan, contre les anciens alliés des moujahidines, les Américains. Ainsi, les membres de l’organisation s’attaquent à la fois aux « ennemis proches », c’est-à-dire aux gouvernements impies du monde musulman Moyen- Orient et Afrique subsaharienne mais également aux « ennemis lointains » : les États-Unis et leurs alliés, dont les Infidèles : juifs comme chrétiens. Al-Qaïda représente le renouveau du djihadisme. L’objectif de ses deux fondateurs – Abdullah Youssouf Azzam et Oussama ben Laden est de revenir à la base du message coranique interprété, selon eux, par la mise en place du califat mondial instaurant l’unité de l’Oumma. Au départ, Al-Qaida crée un réseau à partir des groupes de vétérans d’Afghanistan, notamment avec les talibans, les Gamat islamiyya, les Jamaa islamiyya pakistanaise et indonésienne. Ensuite dans les années 1990, le mouvement se transforme en un centre de formation de djihâdistes très organisé doté de camps d’entraînement en Afghanistan et au Pakistan. Les secteurs d’influence sont divisés et dirigés par des chefs régionaux appelés « émirs », au Moyen-Orient, en Algérie et dans le sous-continent indien. L’organisation soutient également les djihâds plus ciblés en Occident comme celui du GIA algérien en France. 

B. Le 11 septembre ou la mondialisation du djihadisme : d’Al-Qaïda à l’EI
A partir du 11 septembre 2001, le djihadisme mondialisé entre sur la scène des grands acteurs géopolitiques. Al-Qaida devient l’organisation terroriste à abattre, le cœur des préoccupations sécuritaires de l’ensemble des démocraties occidentales. La rhétorique de l’Axe du Mal de Georges W. Bush se développe. Ses interventions en Afghanistan (2001) et en Irak (2003) relancent alors le djihâd au Moyen-Orient. Cela crée une nouvelle ligne de fracture décisive pour l’avenir géopolitique du monde musulman, entre islamistes sunnites et chiites. L’intervention occidentale et la traque effectuée à l’encontre d’Oussama Ben Laden et de ses troupes, ont porté un coup à la nébuleuse d’Al-Qaïda. Elle est restructurée et se divise en deux sous-groupes en 2009 : Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA). Au-delà de cette nouvelle structuration, Al-Qaida concentre des mouvances plus ou moins proches de ses principes. En Somalie, Al-Shabbab a prêté officiellement allégeance à AQMI depuis 2009. Ansar al-charia, groupe armé et salafiste tunisien, a reconnu sa filiation récente avec la nébuleuse. L’AQPA est le résultat de la fusion des Saoudiens et des Yéménites du mouvement. Si l’Arabie saoudite a mis hors de ses frontières les membres d’Al-Qaida, le Yémen les a tous récupérés malgré les offensives régulières de l’armée yéménite depuis 2012. En Asie du Sud-Est, la Jemaah Islamiyya ainsi que les islamistes philippins d’Abu Sayyaf, se sont revendiqués structures d’Al-Qaida mais la cellule mère du Pakistan n’a jamais confirmé ce lien Al-Qaida n’est plus actuellement la seule incarnation du djihâdisme, en Irak et en Syrie, l’Etat Islamique offre une nouvelle image de l’islamisme radical dans le monde. Les djihâdistes sunnites d’Al-Qaida, partis lutter contre les forces occidentales en Irak, trouvent sur leur route l’opposition des chiites du nord-est irakien. La même année en 2003, Abou Moussad al- Zarkaoui fonde la branche irakienne d’al-Qaida : « al-Qaida au Pays des deux Rives » (les deux rives renvoient au Tigre et à l’Euphrate, fleuves irakiens délimitant la Mésopotamie).Il radicalise les objectifs de la « maison-mère » provoquant la réaction d’ Oussama Ben Laden qui décide de se séparer de son allié irakien. L’État Islamique en Irak (EII) naît alors de cette scission. L’opportunité d’un développement territorial de l’organisation s’établit au moment de la mise à mort du système politique baasiste de Saddam Hussein par les Américains, puis, à partir de 2011, de la brèche ouverte par le Printemps arabe en Syrie. 

Ainsi, le 29 juin 2014, l’Etat Islamique s’auto-proclame califat en s’imposant par la force aux populations d’une zone de contrôle située du nord-ouest de l’Irak au nord-est syrien. Il se différencie d’Al-Qaida par un ancrage territorial déterminé dont l’expansion est la finalité depuis 2013. Pourtant, l’EI ne peut être reconnu comme Etat : ses frontières sont mouvantes et son territoire n’est pas en expansion constante. Son influence grandit, elle est devenue mondiale. D’abord, la médiatisation de ses actes de barbarie fait sa publicité auprès des potentielles recrues du monde entier déjà sensibilisées par les réseaux sociaux et les sites djihadistes. Ensuite, l’EI n’est pas en rupture idéologique ni en guerre avec Al-Qaida et il bénéficie de ses réseaux de communication avec les groupes djihâdistes. L’orchestration des deux attentats de Paris en janvier 2015 entre l’AQPA et l’EI démontre l’existence d’une coordination. Enfin, malgré son intégration territoriale en Syrie et en Irak et fort de son succès médiatique, l’EI s’impose comme modèle en Afrique, en Tunisie avec le groupe Okba Ibn Nafaâ ou au Nigéria, Boko Haram ayant prêté allégeance au calife Abou-Bakr Al- Baghdadi en mars 2015

Conclusion
La distinction établie entre islam et islamisme permet de mieux comprendre la diversité des islamismes. L’interprétation des préceptes islamiques a donné une vocation plurielle à l’idéologie politique qu’elle nourrit. Si l’on est tenté d’évoquer une nébuleuse islamiste mondialisée, en citant l’existence de la Ligue Islamique mondiale (LIM) création de 1962 par l’Arabie Saoudite (exportation du modéle wahhabo-salafiste en Occident), de la Fédération des Organisations Islamiques (FOIE) en Europe créée en 1989 (Frères Musulmans sous impulsion de l’UOIF en France), du Milli Görus : mouvement islamiste turc des années 1970 (bien ancré en Allemagne, Autriche et Est de la France) ou encore du Tabligh : (société quiétiste de prédication née en 1927 en Inde très puissant dans les années 1960 à 1980 en Europe). Il est nécessaire de rappeler la pluralité des interprétations théologiques, la diversité des moyens utilisés et des objectifs fixés par les différents groupes islamistes. Leur point commun est la revendication idéologique d’un message à ressort religieux, mais leur identité demeure très variée et en évolution constante. L’analyse actuelle des islamismes requiert de prendre en compte avec vigueur des paramètres à la fois politiques, historiques, géographiques et nationaux qui influent sur les mouvances islamistes actuelles et sur leur géopolitique.
 

Historienne de formation, Anne-Clémentine Larroque est maître de conférences en Questions internationales à Sciences Po. Elle est l’auteur de Géopolitique des islamistes, Qsj n°4014, PUF




C) Divers liens sur l'Islam sur Université Liberté

Musulman et libéral ?

Islamo-fascisme ??

En finir avec les complaintes victimaires (Laïcité et Islam)

Débats sur : Laïcité, Islam, Etat, Christianisme, Totalitarisme, Religion et instrumentalisation.

"L'Europe ne se fera pas sans la Russie ? "Royauté de France

Une autre crise, l'Autorité! en amène t-elle la violence?

L'islamo-faschisme - Islamisme - wahhabisme - salafiste - chiite - sunnite

L'esclavage une autre vérité !! Hommage RIP - Quand l'histoire rattrape un racisme occidental !

Nouvelles en socialie Hollandienne

 

 

mai 08, 2015

Le SMIC à travers le monde et ses pseudos "économistes" et le "revenu de base"

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Sommaire:

A) Faut-il aller vers un smic à deux vitesses ? - Par Le Point.

B) Salaire minimum de Wikiberal

C) Le SMIC : machine à exclure - Pascal Salin - Catallaxia

D) Des économistes français parmi les plus huppés vont réduire le chômage - Aleps

E) Pour lutter contre le chômage, il est urgent de réformer le SMIC - Par Vincent Delhomme - Un article de Trop Libre

F) Augmenter le salaire minimum, c'est augmenter le chômage (un rappel) - Gary Becker - Business Week (1995)

G) Pour information Droit: le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic)

H) Allocation universelle de Wikiberal

I) Vidéos sur le revenu de base, principes et avenir de notre société

J) 19 économistes appellent la BCE à faire du « Quantitative Easing for the people » - Adaptation française d’un article publié sur basicincome.org par Arthur Mignon. - revenudebase.info

K)  Autres posts sur ce thème "revenu de base"



A) Faut-il aller vers un smic à deux vitesses ?


Un rapport de l'OCDE confirme que le salaire minimum français reste parmi les plus élevés du monde. Au risque d'empêcher certaines personnes de trouver un emploi. Le débat sur le niveau du smic est décidément au centre des attentions. Aux États-Unis, beaucoup s'accordent pour dire qu'il devrait être augmenté : son niveau n'a pas bougé depuis 1997 quand celui du salaire moyen a augmenté de 80 %... En France, certains proposent au contraire de revoir ses règles de revalorisation pour faciliter les embauches en réduisant le coût du travail, comme l'a encore fait Christian Noyer, le président de la Banque de France, mardi dans sa lettre ouverte annuelle au président de la République. Une nouvelle étude de l'OCDE publiée mercredi devrait contribuer à nourrir le débat. L'organisation internationale chargée de promouvoir les meilleures politiques publiques rappelle qu'en 2013 le niveau du smic français avant impôt représente 65 % du salaire médian (le niveau de salaire à partir duquel la moitié des salariés gagnent plus et l'autre moins). Il s'agit du 4e niveau le plus élevé parmi 28 pays. 

Niveau du salaire minimum avant impôt : % du salaire médian avant et après la crise 



La crise n'a eu aucun effet sur le niveau du smic français. Son niveau reste très élevé, même une fois déduits les cotisations sociales et les impôts acquittés par les salariés.
Salaire minimum horaire, avant et après prélèvements, en 2013, en dollars (en parité de pouvoir d'achat) 

Cotisations sociales employées et impôt, salaire net, salaire brut


 
Après prise en compte des prestations sociales, il permet d'ailleurs de lutter relativement efficacement contre la pauvreté par rapport aux autres pays de l'OCDE. 

Heures de travail hebdomadaires qu'un titulaire du salaire minimum doit accomplir pour franchir le seuil relatif de pauvreté (50 % du revenu médian) en 2013. 


 Pour compenser ce salaire minimum élevé pour les entreprises, la France pratique des allègements massifs de charges sociales employeurs au niveau smic. De 40 % du salaire brut médian, soit le niveau le plus élevé de l'OCDE, le niveau de cotisations sociales retombait à 15 % du salaire minimum brut en 2013. Une tendance qui s'est encore renforcée en 2015 avec les baisses de cotisations accordées aux entreprises pour les salaires allant jusqu'à 1,6 smic depuis le 1er janvier 2015, dans le cadre du pacte de responsabilité de François Hollande. 




Mais pour le gouverneur de la Banque de France, cette politique de baisse de charges massives (non limitées au salaire minimum) est de plus en plus "onéreuse" pour les finances publiques, "sans effet net sur le chômage". Le gouverneur de la banque de France en conclut donc qu'il faut toucher au niveau du smic lui-même. "De nombreuses études montrent combien la protection apparente d'un smic relativement élevé au regard du salaire moyen ou médian expose en réalité ses bénéficiaires, notamment les jeunes en recherche d'insertion, à un risque de chômage accru", affirme Christian Noyer, tout en proposant de régionaliser le smic ou de le fixer par entreprise ou par branche. 

Son constat est conforté par le rapport de l'OCDE. De manière générale, une hausse du salaire minimum ne provoque pas de destructions d'emplois significatives, sauf si son niveau de départ est élevé et si le taux de chômage est important, estiment les experts de l'organisation internationale. Ce qui semble être le cas de la France. Passer d'un salaire minimum uniforme à des smics différenciés pourrait donc être une bonne solution, estiment donc les experts de l'OCDE, sans parler spécifiquement de la France. Seulement un tiers de ses membres ayant opté pour un salaire minimum ont d'ailleurs choisi un smic unique. Environ la moitié applique au contraire un salaire minimum moins élevé pour les jeunes et plusieurs autres le font varier d'une région à l'autre ou en fonction d'autres critères. Dans le premier car, les auteurs suggèrent de le faire augmenter progressivement avec l'âge ou l'expérience afin d'éviter les effets de seuils. 

Passer du smic à la prime d'activité
Le problème, c'est que la France a fait du smic un outil essentiel de lutte contre la pauvreté. Le réduire semble donc inacceptable. Des études ont pourtant montré qu'un faible salaire n'est pas le seul déterminant de la pauvreté. "Un nombre important de travailleurs au salaire minimum vivent dans des foyers dont les revenus sont supérieurs au seuil de pauvreté", soulignent ainsi les auteurs du rapport. La pauvreté au travail serait davantage déterminée par le faible nombre d'heures travaillées (temps partiel, chômage...) que par le niveau de salaire. C'est d'autant plus vrai qu'une grosse moitié des gains liés à une hausse éventuelle du salaire minimum aurait été absorbée, en 2013, par une baisse des prestations et par une augmentation les impôts et charges sociales. 

Dans un livre* remarqué, trois économistes de tendance sociale-libérale, qui avaient planché pour François Hollande pendant la campagne présidentielle, préconisaient donc de faire du RSA activité (un complément de salaire versé par l'État vient compléter le revenu des travailleurs pauvres en fonction des revenus de leur foyer) le principal outil de lutte contre la pauvreté, à la place du smic. Le gouvernement semble les avoir entendus, au moins partiellement, puisqu'il va fusionner le RSA activité avec la prime pour l'emploi pour créer une prime d'activité d'un montant supérieur. Reste à aller au bout de cette logique en revoyant les règles d'indexation du smic... 


Philippe Aghion, Gilbert Cette, Élie Cohen, Changer de modèle, de nouvelles idées pour une nouvelle croissance, Odile Jacob, 22,90 euros



B) Salaire minimum de Wikiberal

Le salaire minimum est la rémunération minimale qu'un employeur doit attribuer à un employé. S'il existe, il est généralement déterminé par l'État. Il est condamné par la plupart des libéraux, pour plusieurs motifs.

Problèmes posés par le salaire minimum

Le salaire minimum est tout d'abord une violation des droits individuels et une atteinte à la liberté contractuelle. En effet, l’individu prêt à travailler pour un salaire inférieur au salaire minimum ne peut le faire, et l'employeur prêt à l'embaucher se voit refuser ce droit. Le salaire minimum découle de la tendance générale de l'État à intervenir dans les affaires privées et à vouloir « protéger les gens contre eux-mêmes », préférant les voir au chômage plutôt qu'avec un salaire même modique. Le salaire minimum nie donc les droits de propriété de soi, impliquant qu'une tierce personne a le droit de se mêler d'un contrat légitime entre deux adultes consentants.
Le salaire minimum est également une mesure étatique arbitraire : si c'est une si bonne chose, pourquoi ne pas le porter d'emblée à un niveau très élevé, et décider de le chiffrer en millions ou en milliards ? Le choix de tel montant plutôt qu'un autre montant présume que l'État est omniscient et peut deviner quel est le "bon" salaire minimal, ni trop faible ni trop élevé. Or précisément il n'y a que le marché lui-même qui soit capable d'un tel ajustement, ce qui montre que − dans le meilleur des cas ! − le salaire minimum est une mesure inutile.

Le salaire minimum crée le chômage

Les tenants du salaire minimum soutiennent que sur le plan de redistribution, le salaire minimum affecte modérément la distribution des salaires tout en améliorant les revenus du travail de ceux qui se situent au plus bas de l'échelle sociale. Cet instrument de politique économique évalue la force relative de deux effets opposés (le niveau de l'emploi qui se détériore et les revenus des plus faibles qui s'élèvent). Aussi, les économistes interventionnistes considèrent que si le coût est faiblement supporté au niveau de l'emploi, il s'agit d'une politique utile. La déclaration d'une augmentation du salaire minimum a un effet d'annonce très populaire. Contredire ses effets néfastes sur l'économie et sur la société ne peut être facilement démontré par les économistes réalistes.
Même si les études empiriques n'ont pas de valeur de loi, elles suffisent à montrer à ceux qui veulent des preuves, qu'une hausse du salaire minimum est rarement une avancée sociale. Alida J. Castillo-Freeman et R. Freeman, en 1992[1], par exemple, ont trouvé des effets fortement négatifs sur le niveau de l'emploi du fait de l'augmentation substantielle du salaire minimum à Puerto Rico. David Neumark, Mark Schweitzer et William Wascher, en 2000[2], pour les États-Unis; John Abowd, F. Kramarz, D. Margolis, en 1999[3], pour la France et les Etats-Unis; Gábor Kertesi et János Köllo, en 2004[4], pour la Hongrie ou Martin Rama, en 2000[5] pour l'indonésie ont également identifié des effets considérables de "désemploi" en conséquences des politiques économiques de forte augmentation du salaire minimum.
D'un point de vue utilitariste, avec un salaire minimum (du type SMIC en France) qui est au-dessus du « prix du marché », le chômage sera plus élevé qu’il n’aurait été sans une telle mesure. Si le salaire minimum était préférable à un salaire déterminé par le marché et le libre-échange, pourquoi alors ne pas le doubler ou le décupler ? En réalité, c'est une mesure totalement arbitraire qui protège certains employés au détriment de ceux qui sont au chômage. Comme le note le Prix Nobel d'économie Gary Becker, « augmenter le salaire minimum, c'est augmenter le chômage »[6]. En 1966, Une étude d'Arthur Bums[7] montre que l'augmentation du salaire minimum de 0.25 dollar provoque l'augmentation conjointe de 8% du chômage des jeunes travailleurs (non blancs). En fait, l'augmentation du salaire minimum fragilise ceux qui sont dèjà fragilisés sur le marché de l'emploi. Ces études furent confirmées par les travaux aux États-Unis de Yale Brozen, de Finis Welch, de Jacob Mincer, d'Edward Gramlich, de William Beranek, de Robert H. Meyer & David A. Wise.
Tout l'art du politicien consiste à faire passer une telle mesure comme un « progrès social ». Ainsi, la redistribution des revenus se fait au profit non pas de ceux qui en ont le plus besoin, mais de ceux qui ont le pouvoir de pression le plus important sur le gouvernement, bénéficiant ici du soutien des syndicats[8].
En outre, le SMIC, du fait de son niveau élevé, a une influence particulièrement néfaste en France car il empêche l'ajustement entre l'offre (d'emplois par les entreprises) et la demande d'emplois (des chômeurs) sur certains marchés de l'emploi. Conformément à la loi de l'offre et de la demande, les prix sur le marché (ici le prix du travail est le salaire) devraient permettre un ajustement entre l'offre et la demande, et le retour à un état d'équilibre économique, le « plein emploi ». Les marchés de l'emploi concernés par ce problème sont ceux des emplois peu qualifiés (dont la productivité est inférieure au coût du SMIC pour l'employeur), où justement le chômage en France est particulièrement élevé.
Quand un salaire minimum est instauré, les politiciens n'ont évidemment de cesse de l'augmenter, pour complaire à leur clientèle électorale. Or, malgré leurs prétentions, une telle augmentation n'améliore en rien la situation des salariés : elle accroît artificiellement l'offre de travail et en diminue la demande. Par conséquent, les salariés assez chanceux pour trouver un emploi en profiteront (ils auront un salaire supérieur à ce qu'il aurait dû être), en revanche tous ceux qui ne trouveront pas d'emploi à ce niveau de salaire en pâtiront (alors qu'avant l'augmentation du salaire minimum, ils auraient pu trouver un travail au tarif offert, et éviter ainsi le chômage). Le résultat est que cette mesure interventionniste, comme toutes les mesures interventionnistes, aura augmenté les inégalités, en favorisant certains au détriment des autres.

Du salaire minimum au salaire maximum 

Près de 3 millions de salariés au 1er juillet 2003 sont soumis au régime du salaire minimum, selon une enquête de la Direction Statistique du Ministère de l'Emploi français[9]. L'écrasement de la grille salariale dans l'économie française a donc deux effets : l'éviction du marché de l'emploi par les personnes dont la productivité est inférieure à ce niveau arbitraire défini par l'État français, et le déclassement d'une catégorie toujours plus grande d'individus, se retrouvant à ce niveau minimal de salariat. Au final, le salaire minimum devient le salaire maximum.
Ce phénomène est accentué en France par les allègements de charge qui ont été mis en place sur les bas salaires, incitant les entreprises à ne pas augmenter ces employés. L'Ifrap compare ainsi le pourcentage de salariés au Smic en France (16,8 %) au pourcentage américain (1,5 %)[10].
On observe donc logiquement un faible taux d'occupation des actifs les moins productifs dans l'économie française : les jeunes et les plus de cinquante ans. Cela va sans surprise de pair avec un salaire minimum extraordinairement élevé (Voir le graphique, source OCDE).

Erreur courante : Le salaire minimum est un outil de protection sociale

L'existence d'un salaire minimum est souvent justifiée comme une mesure de protection contre les abus des employeurs, qui sans celui-ci ne proposeraient que des "salaires de misère" aux employés, pour une charge de travail qui ne serait pas pour autant réduite. Les employés travailleraient donc autant pour gagner moins.
Cette vision s'avère fausse pour de multiples motifs :
  • Elle part du postulat que « les employeurs », un groupe uniforme, seraient en mesure d'imposer le salaire de leur choix aux salariés, qui ne disposeraient d'aucun pouvoir face à ces employeurs. Cette vision est inspirée de la conception marxiste des relations entre salariés et employeurs ou de la loi d'airain des salaires du socialiste Ferdinand Lassalle. Or, ce dont la « loi d'airain » ne tient pas compte, c'est que les patrons sont exactement dans la même situation face aux ouvriers : les patrons se concurrencent pour débaucher et employer les ouvriers, ce qui permet à ces derniers de discuter du niveau des salaires et de faire jouer la concurrence entre patrons.
  • En outre, les coalitions de salariés existent, ce sont tout simplement les syndicats, qui sont en mesure de négocier de manière collective avec un pouvoir plus important.
  • Dans les faits, le pessimisme de cette vision n'est pas confirmé, comme le montre l'exemple des nombreux pays développés sans salaire minimum (Allemagne, Finlande, Suède, Italie, Suisse), où la pauvreté n'est pas plus élevée que dans des pays avec salaire minimum, et le taux de chômage souvent inférieur.

Une proposition de bon sens : le salaire complet

Searchtool-80%.png Article détaillé : salaire complet.
En particulier en France, les salaires sont maintenus à la baisse par le poids colossal des cotisations sociales, sur la réalité desquelles le flou le plus grand est entretenu (voir structure du salaire en France). Afin de contrôler ces prélèvements et donc d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés, les libéraux proposent le salaire complet, à savoir le versement au salarié de son salaire net plus les cotisations sociales, en le laissant ensuite choisir le prestataire de ses assurances sociales. La concurrence entre assureurs qui en résultera permet d'enrayer la spirale inflationniste des dépenses des organismes d'assurance sociale, alors que le service rendu diminue de jour en jour.

Citations

  • « Si on supprimait le SMIC, la seule conséquence en serait de rendre leurs chances à une foule d'êtres humains en les rétablissant dans leur droit d'entrer à nouveau sur le marché du travail, alors qu'ils en étaient exclus faute de produire assez pour rentabiliser leur embauche par un éventuel employeur. »
        — Pascal Salin, Le SMIC, machine à exclure[11]
  • « Un salaire minimum a toujours de mauvaises conséquences : une augmentation du chômage et une augmentation de la pauvreté. En outre, ses effets négatifs se concentrent sur les groupes de personnes que les [politiciens] bien intentionnés souhaitaient le plus aider. »
        — Milton Friedman
  • « Lorsque l'ouvrier d'un pays riche exige que la loi lui garantisse un salaire minimum pour être protégé contre la concurrence de son camarade d'un pays pauvre, il ne fait rien d'autre qu'empêcher ce dernier d'essayer d'améliorer sa situation en travaillant plus pour compenser la situation qui le défavorise. Et l'ouvrier pauvre qui doit donner dix heures de son travail pour acheter ce que l'ouvrier d'un pays mieux équipé produit en cinq heures est en droit de se considérer comme tout aussi exploité que par n'importe quel capitaliste. »
        — Friedrich Hayek, La Route de la servitude[12]
  • « Tout blocage du prix [du travail], par exemple par un salaire minimum rigide, crée du chômage. Certes, cela garantit théoriquement un revenu plus élevé au salarié, mais à ce prix-là, beaucoup ne trouvent pas d’emplois. D’où l’explosion du chômage pour les catégories les moins productives : le SMIC n’est pas un facteur « social », c’est un facteur d’exclusion du marché du travail. Ce qui compte, c’est que le prix du travail lui-même, pour l’entreprise, soit un vrai prix. »
        — Jean-Yves Naudet
  • « L'hypocrisie du Smic : Je t'impose une hausse des bas salaires mais comme je sais que c'est dur je t'exonère sur une partie des charges. »
        — Nicolas Doze
  • « Le salaire minimum (...) c'est la garantie de maintenir les pauvres, les minorités et les marginaux à l'écart en fixant un prix trop élevé pour leurs services. »
        — Arthur Laffer

 C) Le SMIC : machine à exclure


Je ne connais pas de SDF. Mais la télévision présente de temps en temps des portraits de quelques uns de ceux qu'on appelle ainsi. Ces portraits sont-ils fidèles, sont-ils "représentatifs", comme on le dit dans ce jargon qui prétend ramener chaque individu à une typologie sociale ? Je ne sais. Mais une chose me frappe chez certains de ces hommes et de ces femmes : c'est l'expression terrible d'une déchéance qui semble irréversible, d'un sort contre lequel il est devenu vain de lutter. La question cruciale et se pose donc : ces hommes et ces femmes ont connu une vie normale. Ils l'ont gagnée, leur vie ! Ils ont eu des familles, se sont intéressés aux problèmes du monde. Ils savent penser, parler, agir. N'est-il pas choquant qu'aucun d'eux ne puisse plus trouver sa place dans la société ? Comment se fait-il que personne - dans ce monde peuplé d'égoïstes - ne trouve son intérêt à embaucher ces gens ? 

Ce n'est donc pas seulement un scandale pour l'esprit mais un mystère - on pourrait dire un mystère d'iniquité - que, dans nos sociétés modernes, ils se trouvent empêchés de produire ce dont ils seraient capables, et ne vivent que d'expédients ou d'assistance. C'est pourquoi la recherche des causes est première et essentielle. Les vagues considérations globales du genre "c'est la société qui fabrique des exclus, 'elle' devrait être plus humaine et plus généreuse" servent le politicien, qui craint toujours d'être plus précis mais elles ne servent pas le raisonnement. Qui ne comprend d'ailleurs que "générosité" de l'Etat veut dire assistance et donc "dépendance" et "dépendance" maintien de l'"exclusion" ? L'économiste habitué à imaginer les actes et les raisons d'agir des personnes, posera la question de façon plus terre-à-terre et plus réaliste : tous les êtres humains sont par essence capables de créer des richesses. Or, l'homme est rationnel : lorsqu'il existe une occasion de profit, il en profite. Si l'on peut employer quelqu'un, quelle qu'il soit, à un coût qui est inférieur à ce qu'il rapporte, on l'emploie. S'il existe des SDF c'est donc que personne n'a intérêt à employer leurs capacités dans les conditions présentes. 

Pour quelle raison ? Prenons un SDF quelconque. Logiquement, il existe forcément un niveau de rémunération et un coût de son travail tel qu'il puisse être rentable d'acheter ses services. Seulement, voilà : la loi interdit de l'embaucher s'il ne coûte pas à son employeur un certain salaire, auquel s'ajoutent toutes sortes de cotisations obligatoires. 

On pourra bien dire que si le salaire minimum a été imposé, c'est bien parce qu'on lui trouvait des justifications. Les hommes politiques risquent peu à exciter compassion et ressentiment en déclarant qu'il n'est pas possible de vivre décemment en-dessous d'un certain revenu. L'ordre politique étant celui des apparences, il semble politiquement payant d'afficher la croyance suivant laquelle le salaire minimum "assurerait" un minimum de rémunération décente. 

Bien entendu, si c'était vraiment ce que l'on veut faire, ce ne serait pas le moyen. Le politique ne peut assurer un niveau de vie minimum (à certains) que par une redistribution directe. Imposer un salaire minimum aux entreprises avait cependant le double avantage politique d'éviter l'impopularité d'une imposition ouverte tout en paraissant constituer une "protection" contre les patrons suspects d'exploiter les travailleurs ou, au choix, réaliser un transfert ostensible à leurs supposés dépens. 

Toujours dans l'ordre politique, cette redistribution affichée a eu deux inconvénients visibles : elle est trop grossièrement ciblée, en ce sens que le salaire "acceptable" d'un jeune célibataire vivant chez ses parents n'est pas le même que celui d'un père de famille. En outre, le taux des cotisations sociales ayant beaucoup augmenté depuis la création du salaire minimum, les effets du salaire minimum sur le coût du travail sont devenus par trop voyants. 

Ce coût du travail, la crise de 1993 a obligé les hommes politiques à l'évoquer ouvertement : à la fois parce que la déflation a encore relevé le salaire minimum par rapport au salaire d'ajustement et parce que la crise financière des systèmes "sociaux" a ouvert le débat sur les charges sociales à ce niveau de salaire. 

On commence donc à se rendre compte que, quelles qu'en soient les véritables raisons, l'existence du salaire minimum imposé sépare les travailleurs en deux véritables castes : ceux qui travaillent, qui reçoivent le salaire minimum légal et un ensemble de services d'assurances obligatoires ; et ceux qui ne peuvent pas être embauchés à ces conditions-là, et qui ne reçoivent ni revenu ni sécurité (en-dehors d'allocations temporaires et d'éventuels petits travaux au noir). Le salaire minimum est donc, et de manière certaine, une interdiction de travailler. Et au niveau qu'elle atteint en France, cette interdiction est imposée des dizaines de milliers de personnes. Autrement dit, c'est une monstrueuse machine d'exclusion. Un "filet de sécurité" qui n'agirait qu'à rebours : n'évitant la chute de personne, mais empêchant de remonter ceux qui sont tombés. 

Son erreur intellectuelle ne consiste pas seulement à confondre une interdiction de travailler avec une garantie de revenu. Elle procède aussi d'un raisonnement mécanique qui nie la réalité des hommes et des emplois en niant leur diversité, ainsi que leur amélioration avec le temps. L'approche statisticienne des technocrates parle de "travail non qualifié" comme s'il s'agissait d'un matériau indifférencié. Construction intellectuelle triplement choquante qui, en niant trois fois la réalité des personnes, pousse inexorablement l'esprit à accepter leur exclusion de la société des hommes :
  • elle nie leur existence morale en acceptant cette notion absurde d'une "absence de qualification" qui leur dénie logiquement toute capacité productive, les rayant par implication de l'espèce humaine.
  • Elle bafoue leur dignité et sape les fondements du Droit en évoquant une "rémunération minimum" pour cette prétendue "absence de qualification".
  • Enfin, elle nie une troisième fois leur être par cette seule notion d'un travail indifférencié. Etre, c'est toujours être quelque chose. Savoir, c'est toujours savoir une chose et pas une autre.
Dans le monde réel, la capacité productive résulte de la rencontre entre une histoire d'apprentissages personnels et d'un milieu de travail plus ou moins approprié. Et cet échange réciproque change bien entendu sans arrêt : le nouveau apprend tous les jours son métier. Il peut aussi trouver, ou même inventer pour lui-même dans l'entreprise, un rôle qui fasse mieux correspondre ses propres capacités aux désirs des clients et justifier pour lui-même un salaire de plus en plus élevé. 

Le salaire minimum tue ces perspectives en interdisant l'entrée dans l'entreprise à ceux qui en auraient le plus besoin. Car ce sont ceux qui n'ont pas eu la chance de recevoir une formation initiale suffisamment poussée qui auraient relativement le plus à gagner à ce qu'on autorise l'embauche aux plus basses rémunérations. 

Les partisans du salaire minimum croient-ils sincèrement à cette idée, héritée du romantisme révolutionnaire, qu'un employeur serait nécessairement un exploiteur et qu'il faudrait donc le forcer à payer un salaire décent ? Qu'il y ait des employeurs sans scrupules c'est évident. De même qu'il existe des salariés sans scrupules. Mais la grande erreur des législations est de faire des lois pour empêcher les "abus". En refusant de faire confiance aux juges et surtout à ce juge de paix à long terme impitoyable qui s'appelle la concurrence, ils empêchent toutes sortes d'expériences, finalement bénéfiques pour tous. Car un employeur connaît son propre intérêt. C'est son métier de juger l'apport spécifique de chacun à l'entreprise et donc de savoir le rémunérer en conséquence pour éviter de le voir partir, ce qui ne lui laisserait que les plus mauvais. 

La presse économique nous a récemment abreuvés de reportages sur la dure vie de ceux qui sont payés un salaire de misère dans les pays anglo-saxons où le salaire minimum est faible ou inexistant. L'erreur implicite (et probablement volontaire) transmise par ces hebdomadaires consiste à comparer ces gens-là avec nos smicards, évidemment beaucoup mieux payés. Or, ceux qui gagneraient aussi peu en l'absence de salaire minimum ne sont pas les smicards. Ceux-là sont assez productifs pour justifier leur emploi au niveau imposé, et ne gagneraient donc pas moins si on supprimait le SMIC. C'est avec nos exclus, victimes de nos interdiction de travailler, qu'il faut comparer les faibles salaires dans les autres pays. 

Et à qui prétend qu'il vaut mieux ne pas travailler que le faire à ces conditions, on répondra que c'est aux intéressés de choisir. Les législateurs du salaire minimum, en les privant de leur Droit de choisir, leur confisquent leur Droit naturel (et constitutionnel) de travailler. Confisquer à quelqu'un son Droit de trvailler, c'est se dire propriétaire de sa capacité de travail. Et se prétendre propriétaire du travail de quelqu'un, c'est de l'esclavagisme. 

Si on supprimait le SMIC, par conséquent, la seule conséquence en serait de rendre leurs chances à une foule d'êtres humains en les rétablissant dans leur droit d'entrer à nouveau sur le marché du travail, alors qu'ils en étaient exclus faute de produire assez pour rentabiliser leur embauche par un éventuel employeur. 

Dans le climat terrorisant de la "pensée unique" qui domine notre pays, il faut du courage pour réclamer la suppression du salaire minimum. On a tôt fait d'interpréter cette position comme l'expression du désir de favoriser "les patrons" aux dépens des "travailleurs". Il s'agit, bien au contraire, de rendre leurs chances en rendant leur Droit à ceux qui, c'est le cas de le dire, sont les moins favorisés. C'est pourquoi je considère que réclamer la suppression du salaire minimum est un devoir moral qui s'impose à tous et je souhaite donc que tous hommes de bonne volonté, de tous horizons, s'engagent dans une campagne pour sa suppression. 

Pascal Salin



D) Des économistes français parmi les plus huppés vont réduire le chômage

Du moins est-ce leur présomption. Ils proposent un remède infaillible : l’adoption d’un « Jobs Act à la française ». Ils auraient pu se manifester plus tôt, François Hollande aurait sans doute pu gagner son pari d’inverser la courbe du chômage. Leur silence est coupable, puisqu’il s’agit d’économistes qui ont pignon sur rue, à commencer par Jean Tirole, prix Nobel 2014, deuxième lauréat français après le regretté Maurice Allais, adversaire militant du libre échange et de l’héritage.

Donc, quinze économistes, dont plusieurs membres de TSE et PSE (respectivement Toulouse School of Economics et Paris School of Economics, « écoles » qui ont joui du soutien permanent des pouvoirs publics et de mécènes du CAC 40) ont dévoilé leur opinion dans les colonnes des Echos d’hier lundi 30 mars.

Quel est leur grande découverte ?
C’est que la création d’emploi est liée à la flexibilité du marché du travail, en particulier de la réglementation du licenciement économique. Jusque là, rien que n’importe quel entrepreneur ne sache déjà. Certes, nos économistes entendent modifier l’article L 1233-2 du Code du travail sur la définition de la « cause réelle et sérieuse du licenciement » et supprimer l’article L 1233-4 sur l’obligation de reclassement dans l’entreprise. Ces amendements du Code tombent sous le sens : ils limiteraient le pouvoir discrétionnaire du juge devant lequel serait contesté le licenciement, et l’employeur aurait une plus grande marge de manœuvre. Mais ils ne songent pas un seul instant à contester la philosophie de lutte des classes qui inspire un Code du Travail faisant exception au droit commun des obligations. C’est pourtant l’accord entre employeur et salarié, dans le cadre d’un contrat individuel librement conclu, qui permettrait d’embaucher et licencier sans avoir à couvrir un parcours du combattant aujourd’hui dissuasif de la création d’emplois.

De l’avis de nos économistes, d’autres dispositions viendraient accompagner cette réforme majeure : financement des formations dont la qualité est « certifiée par les personnes qui recherchent un emploi » (original), indemnisation du chômage financée par des cotisations de l’entreprise variables avec un système de bonus-malus et « encourageant les demandeurs d’emploi qui le peuvent à sortir au plus vite du chômage » (sic) et révision de la grille des aides sociales pour les « recentrer autour du SMIC » (ce qui dispense les chômeurs de reprendre un emploi). Ces idées ne sont réellement pas sérieuses.

En sens inverse, les idées sérieuses ne sont même pas évoquées. Il n’y a aucune allusion à ce qui pousse les entrepreneurs à créer ou non des emplois. Il n’est rien dit sur la fiscalité des entreprises, l’impôt sur les sociétés n’aurait donc aucun impact. Rien non plus sur la fiscalité personnelle des entrepreneurs, avec une progressivité qui pénalise le succès. La fuite de l’épargne à l’étranger et les délocalisations n’auraient donc rien à voir dans l’affaire. Rien non plus sur le harcèlement textuel dont sont victimes petites et moyennes entreprises qui ne peuvent s’offrir l’aide de comptable et de services sociaux. Rien enfin sur la facture de la Sécurité Sociale, qui plombe les coûts du travail et qui sera de plus en plus élevée tant que l’on n’aura pas brisé le monopole de cette belle administration et changé le système des retraites et de l’assurance maladie.

Reste une question, peut-être la plus intéressante : pourquoi cette référence au Jobs Act ? Nos économistes ignorent-ils ou feignent-ils d’ignorer la vraie nature de ce décret de Barak Obama destiné, lui aussi, à sauver les emplois aux Etats Unis ? Le Jobs Act a été une immense gabegie budgétaire ; il a accentué le laxisme monétaire de la FED. Il a surtout intégré le « Buy American Act » dans le texte, appliquant à l’emploi ce qui était prévu jusqu’à présent pour les produits industriels réputés stratégiques ou prioritaires. Les étrangers n’auront plus accès au marché américain si leur activité ne conduit pas à la création d’emplois pour les travailleurs américains sur le sol des Etats Unis. Notamment, ils ne pourront passer des marchés avec des firmes ou des administrations US. Cette disposition a déclenché en 2011 une violente passe d’armes avec les Canadiens qui exportaient une grande partie de leur production vers les Etats Unis. Nos économistes seraient donc surpris de savoir que leur référence au Jobs Act les place dans la logique du « patriotisme économique » cher à Christian Estrosi, Arnaud Montebourg et Marine Le Pen.

Par leur ignorance, par leur prétention, nos économistes apportent la preuve que la science économique n’est pas admise dans l’Hexagone. Il est vrai que ce sont souvent de simples économètres mathématiciens, peu connaisseurs du monde de l’entreprise et du travail.


Aleps



Lire aussi les différents articles sur l'Université Liberté dont les détails ci-dessous en cliquant le lien en bas: 

 Sommaire:

A) L’incompétence économique des socialistes français. Alstom, Fitch, SFR, Alcatel, Dentressangle… la grande braderie socialiste - Bruno Bertez - les observateurs.ch

B) Faut-il licencier tous les économistes ? Par Eric Le Boucher - L'Opinion

C) Élie Cohen, l’unique économiste de France - par vogelsong


D) Que faire de la gloire des économistes français ? Par Jean-Michel Charpin - Les Echos

E) Economiste de marché une profession en plein renouveau - Philippe Wenger - La Bourse
 
F) Economistes/Universitaires de Wikiberal

Les économistes entre incompétences, idéologie, charlatans; faut-il les licencier ?





E) Pour lutter contre le chômage, il est urgent de réformer le SMIC 

Il est devenu urgent de réformer le smic pour enrayer la spirale du chômage en France

Face à un chômage de masse qui touche principalement les jeunes et les travailleurs non qualifiés, il est urgent de réformer le SMIC pour réintégrer ces populations au marché du travail.

Invité de l’émission Le Supplément ce dimanche, François Hollande l’a martelé, il demande à être jugé dans deux ans sur ses résultats en matière d’emploi. Sans baisse significative du chômage, celui-ci sait pertinemment que ses chances de réélection se trouveraient fortement hypothéquées. Problème social qui fracture profondément la société française, le chômage est également un poison politique en ce qu’il enlève toute crédibilité à la parole publique, incapable de résoudre un problème érigé en cause nationale depuis plusieurs décennies.

Rappelons tout d’abord un fait : le chômage en France ne touche majoritairement que les travailleurs peu ou pas qualifiés. Le taux de chômage des diplômés au-dessus du niveau du baccalauréat ne dépasse guère les 5%, lorsqu’il frôle les 15% pour les travailleurs non qualifiés1. C’est ce constat, à rebours des lieux communs, qui doit guider les politiques en matière d’emploi. Il est évident que toute baisse durable du chômage dans notre pays devra passer par l’amélioration des performances de nos systèmes d’éducation et de formation, et par la relance de l’activité économique. Mais comment recréer des emplois pour cette catégorie de travailleurs à plus court terme ? Il faut nécessairement se poser la question du coût du travail, et notamment du niveau du SMIC.

S’il n’est pas empiriquement prouvé que l’existence même d’un salaire minimum soit une cause du chômage, nombre d’économistes s’accordent à dire que, situé à un niveau trop élevé, il a certainement des effets négatifs sur l’emploi. Or, la France a un des salaires minimum les plus élevés au monde2, au 5e rang des pays de l’OCDE. Tandis qu’au cours de ces 20 dernières années, le salaire net moyen augmentait de 10% en termes réels, le SMIC gagnait 28%. Une partie de la population active non qualifiée en France coûte donc aujourd’hui trop cher à l’employeur par rapport à sa productivité, et se retrouve ainsi durablement exclue du marché du travail. On sait que la France a un marché du travail fortement polarisé, entre insiders bien protégés et outsiders précarisés. Le SMIC est devenu un facteur d’exclusion sociale.

Une première manière de baisser le coût des travailleurs les moins qualifiés, déjà largement exploitée par les gouvernements successifs, réside dans la baisse des charges sociales au niveau du SMIC. En effet, aujourd’hui, un smicard payé net 1128 € continue à coûter 1630 € à son employeur. L’avantage manifeste de cette solution est de baisser le coût du travailleur aux yeux de l’employeur sans toucher au niveau du SMIC lui-même. C’est l’une des solutions défendue par Sylvain Catherine, Augustin Landier et David Thesmar dans leur étude, Marché du travail : la grande fracture. Néanmoins, comme le rappelle Jean-Marc Vittori dans Les Échos, le Conseil constitutionnel ayant clos la possibilité de réduire les cotisations sociales pour les salariés, seules les cotisations patronales peuvent être diminuées, laissant ainsi une marge de manœuvre très réduite (de l’ordre d’une centaine d’euros, soit moins de 5% du coût total du SMIC). Une telle politique, bien que bénéfique, aurait donc des effets limités.

Il faudra donc accepter de toucher au niveau du SMIC pour mener une véritable politique de retour vers l’emploi des actifs non qualifiés. Des possibilités existent, comme une régionalisation du salaire minimum, car on ne vit évidemment pas de la même manière avec un SMIC en région parisienne et en zone rurale. Cela permettrait de s’attaquer au chômage dans certains bassins sinistrés où le niveau de vie est moins élevé, comme le Nord de la France. Il est également envisageable de créer un SMIC spécifique pour les actifs les moins qualifiés, les jeunes et les chômeurs de longue durée, plus bas au départ et qui augmente progressivement avec l’ancienneté. Un salaire minimum spécifique aux jeunes existe par exemple au Pays-Bas, où le chômage qui les touche est deux fois moins élevé qu’en France.

Politiquement explosive, la question du SMIC ne peut néanmoins pas être analysée sous le seul angle de son effet sur le chômage. Soyons clair, soutenir une baisse ciblée du SMIC ne signifie pas que l’on considère que son niveau actuel permette à tous les travailleurs qui le perçoivent de vivre dignement. Il ne s’agit pas non plus de considérer que certains individus ne méritent pas de retirer de leur travail plus que telle ou telle somme. Il s’agit simplement d’accepter le fait qu’un SMIC trop haut va à l’encontre même de son objectif social en limitant l’accès au marché du travail pour certaines catégories de la population.

L’État pourrait d’ailleurs réutiliser l’argent économisé par une baisse du SMIC et un retour vers l’emploi de certains bénéficiaires de minima sociaux pour compléter ce revenu moins élevé et lui permettre d’atteindre un niveau acceptable pour la collectivité. C’était l’idée première du RSA et l’idée qui semble guider la future prime d’activité prévue par le gouvernement. Ces dispositifs doivent être étendus. Une baisse du SMIC, compensée par un complément de revenus versé par l’État permettrait ainsi de faire diminuer le chômage en réintégrant de larges pans de la population au marché du travail, tout en leur assurant un niveau de revenu décent. Une réforme juste et efficace.

Par Vincent Delhomme
Étudiant en droit économique à Sciences Po, est chroniqueur de Trop Libre. Il est membre fondateur de L Think Libéral Sciences Po.


Un article de Trop Libre et voir la liste sur ce thème sur Contrepoints


Gary Becker


F) Augmenter le salaire minimum, c'est augmenter le chômage (un rappel)

Des coûts du travail plus élevés diminuent l'emploi. C'est pourquoi la proposition du Président Clinton d'augmenter le salaire minimum fédéral doit être rejetée. Un salaire minimum plus élevé réduira encore les occasions d'emploi des travailleurs peu qualifiés. 

Les adolescents, ceux qui ont arrêté l'école de bonne heure, les immigrés et autres travailleurs faiblement qualifiés gagnent fréquemment moins de 5,15 $ par heure, le nouveau minimum proposé. Ils trouvent des emplois dans de petits établissements, particulièrement dans les chaînes de restauration rapide et dans les autres secteurs de vente au détail. Augmenter le minimum, comme le veut le président, en mettra certains au chômage car leur productivité n'est pas assez grande pour justifier leur coût aux yeux des employeurs. 

Au cours des dernières décennies, de nombreuses études ont trouvé que l'augmentation du salaire minimum réduit bel et bien l'emploi des adolescents et autres personnes faiblement qualifiées. Cependant, les lois sur le salaire minimum sont toujours demeurées populaires chez les syndicalistes et auprès de beaucoup de politiciens. Et, périodiquement, certains économistes ont contesté l'opinion dominante quant à ses effets néfastes. De sérieux défauts
Un exemple récent et largement cité de ce type de défi provient de plusieurs études faites par deux économistes de l'Université de Princeton, David Card et Alan B. Krueger - le second étant désormais l'économiste en chef de Robert B. Reich au département du Travail. L'une de ces études trouve que le changement d'emploi après une augmentation du salaire minimum n'est généralement pas plus grand dans des États possédant une forte proportion de travailleurs à faibles salaires - le groupe qui devrait être le plus affecté par des minima élevés. 

Une autre étude est fréquemment mentionnée par Reich et d'autres membres du gouvernement pour soutenir l'argument selon lequel un salaire minimum ne diminuerait pas l'emploi. Cette étude compare les changements sur l'emploi dans les établissements de restauration rapide du New Jersey et de la Pennsylvanie après l'augmentation du minimum par le New Jersey en 1992. Parce que l'emploi diminua autant en Pennsylvanie que dans le New Jersey, Card et Krueger prétendent que la baisse a dû être provoquée dans les deux États par des causes autres que l'augmentation du minimum. 

Il se trouve certaines personnes, dont je fais partie, qui croient que ces études présentent de sérieux défauts. Plusieurs de ceux-ci ont été expliqués par Donald R. Deere et Finis R. Welch de l'Université Texas A&M et Kevin M. Murphy de l'Université de Chicago, dans des recherches présentées aux conférences de janvier de l'American Economic Association. 

Par exemple, le minimum fédéral plus élevé en 1990 et 1991 a causé une baisse plus importante de l'emploi des adolescents au New Jersey qu'en Pennsylvanie, ce qui pourrait expliquer pourquoi l'emploi n'a pas plus baissé au New Jersey quand l'État augmenta son propre minimum en 1992. Les employeurs du New Jersey ont probablement anticipé l'augmentation du salaire minimum de leur État quand ils ont fortement réduit l'emploi en réponse à la première hausse de salaire. Duel d'études 

Les études de Card et Krueger sont erronées et ne peuvent pas justifier d'aller contre les preuves accumulées par de nombreuses études passées et présentes qui trouvent des effets assez importants, et négatifs sur l'emploi, aux minima élevés. L'étude de Deere, Murphy et Welch montre que l'augmentation en deux temps du minimum fédéral, de 3,35 $ à 4,25 $ en 1990 et 1991, a réduit l'emploi des adolescents, des personnes ayant prématurément abandonné l'école et des autres groupes à faibles revenus. 

L'amplitude de ces réductions sonne juste, surtout après la prise en compte par les auteurs de la récession économique de l'époque. Après l'augmentation de 27 % du salaire minimum, l'emploi des adolescents, garçons et filles, baissa respectivement de 12 % et 18 %, alors que l'emploi de ceux ayant abandonnés l'école avant la fin des études secondaires diminua d'environ 6 %. Si le Congrès augmente le taux horaire de 18 %, à 5,15 $ l'heure, ces résultats signifient que l'emploi des travailleurs peu qualifiés diminueront de plus de 5 %. 

Le Président Clinton a justifié le besoin de salaires horaires plus élevés en notant qu'une famille ne peut pas vivre décemment avec les revenus du salaire minimum. Cependant, même Card et Krueger n'ont pas trouvé que l'augmentation du minimum constitue un moyen efficace de réduire la pauvreté, car les familles pauvres ne retirent typiquement qu'une faible fraction de leur revenu de la part de membres dont le salaire est proche du minimum. 

Le Président veut aussi accroître les aides actuelles à la formation des travailleurs les moins qualifiés, mais ces aides ne serait pas nécessaires si Clinton ne défendait pas en même temps la hausse du salaire minimum fédéral. Des minima plus élevés découragent la formation professionnelle des travailleurs peu qualifiés, car ces derniers passent leur temps à apprendre au lieu de produire. 

Même un magicien aurait de grosses difficultés à repousser la loi économique selon laquelle un salaire minimum plus élevé réduit l'emploi. Comme les politiciens ne sont pas des magiciens, ils ne devraient pas même essayer.

Gary Becker

2014


G) Pour information Droit: le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic)


Dernière mise à jour : 08/01/2015 +0,8%
Le Smic (Salaire minimum interprofessionnel de croissance) correspond au taux de rémunération horaire minimum légal.
Il est révisé, tous les ans, le 1er janvier.
Depuis 2013, sa revalorisation se fait en fonction d'un nouvel indice, l' Indice des prix à la consommation des ménages du 1er quintile de la distribution des niveaux de vie (IPCMPQ). Cet indice vise à mieux prendre en compte l'évolution des dépenses contraintes (loyer, énergie) des salariés à faible revenu.

Le gouvernement peut décider d'augmenter le salaire minimum, au-delà du montant qui résulterait de la seule application de l'indexation légale (" coup de pouce " au Smic).

Les chiffres donnés ci-dessous sont à jour de 2015 et reprennent un historique depuis le 1er juillet 2005.

SMIC : montant au 1er janvier 2015

BrutNet2
SMIC horaire9,61 €1 7,34 €
SMIC mensuel (151,67 heures)1 457,52 € 1 113 €
1 + 0,8 % par rapport au montant précédent. Non applicable pour calculer l'évolution du salaire mensuel.
2 En moyenne.

SMIC employé à domicile
au 1er janvier 2015
Base du salaire réel*

SMIC Horaire
(incluant les 10 % au titre des congés payés)
10,57 € brut
(8,10 € net)
 *Obligatoire depuis le 1er janvier 2013.


Montant du SMIC depuis le 1er juillet  2005
PériodeSmic horaire brut Variation/montant
précédent*
Smic mensuel brut
pour 151,67 heures
au 01.01.20159,61 €+ 0,8 %1457,52 €
au 01.01.20149,53 €+ 1,1 %1 445,38 €
du 01.01.2013
au 31.12.2013
9,43 €+ 0,32 %1 430,22 €
du 01.07.2012
au 31.12.2012
9,40 €+ 1,95 %1 425,67 €
du 01.01.2012
au 30.06.2012
9,22 €+ 0,33 %1 398,37 €
du 01.12.2011
au 31.12.2011
9,19 €+ 2,11 %1 393,82 €
du 01.01.2011
au 30.11.2011
9,00 €+ 1,58 %1 365,00 €
du 01.01.2010
au 31.12.2010
8,86 €+ 0,45 %1 343,77 €
du 01.07.2009
au 31.12.2009
8,82 €+ 1,26 %1 337,70 €
du 01.07.2008
au 30.06.2009
8,71 €+ 0,93 %1 321,02 €
du 01.05.2008
au 30.06.2008
8,63 €+ 2,25 %1 308,88 €
du 01.07.2007
au 30.04.2008
8,44 €+ 2,06 %1 280,07 €
du 01.07.2006
au 30.06.2007
8,27 €+ 2,99 %1 254,28 €
du 01.07.2005
au 30.06.2006
8,03 €+ 5,52 %1 217,88 €
* Taux officiels pour l'évolution du Smic horaire (arrondis). Non applicables pour calculer l'évolution du salaire mensuel.




H) Allocation universelle de Wikiberal

L'allocation universelle (Guaranteed minimum income, Basic Income Guarantee, etc.) se présente comme un revenu de base versé à tous, d'un montant permettant de vivre, indépendamment du besoin qu'en a celui qui la reçoit, et sans obligation de travail en contrepartie.
L'idée est ancienne et remonte à Thomas Paine, Jeremy Bentham, voire le De subventione pauperum sive de humanis necessitatibus de l'humaniste judéo-catalan Joan Lluís Vives i March (1526)...
Même si ce concept n'est pas purement libéral, un certain nombre de libéraux le jugent préférable aux allocations actuelles (comme le « revenu minimum d'insertion » en France, devenu ensuite « revenu de solidarité active ») qui sont des trappes à pauvreté. En effet, l'allocation universelle n'entraîne pas un phénomène de désincitation au travail, puisqu'elle est versée sans conditions (pour ceux qui ont des revenus suffisants, elle se traduit par une baisse de l'impôt équivalente). Il est donc toujours avantageux de travailler plutôt que de se contenter de l'allocation. C'est à cette fin qu'un parti comme Alternative Libérale proposait un revenu d'existence (ou "revenu de liberté") inconditionnel. Milton Friedman proposait la même chose sous forme d'« impôt négatif ».
Dans certaines propositions libérales, comme celle de Philippe van Parijs, le salaire minimum serait diminué ou supprimé en contrepartie de l'allocation universelle, ce qui permettrait d'abaisser le coût du travail et de relancer l'emploi. D'autres proposent un "revenu minimum du travail" (RMT) qui viendrait compléter le revenu mensuel de tout salarié en-dessous d'un certain niveau de salaire, avec en contrepartie la suppression du salaire minimum[1]

Critique libertarienne

Étonnamment, pour certains libéraux l'allocation universelle ne serait pas du vol en raison de son universalité ! Or il s'agit bien d'une redistribution issue de l'impôt, donc de la coercition, celui qui ne paie pas d'impôt étant assisté par celui qui en paie[2]. Les inconvénients de cette allocation sont les mêmes que pour d'autres formes d'assistanat, avec des désavantages supplémentaires :
  • encouragement à la paresse d'une partie de la population, qui choisira de vivre aux dépens des actifs (et pourra trouver en cas de besoin des compléments de revenu dans le travail "noir")[3] ; des sondages montrent que si une telle allocation existait, une proportion importante de la population (30 à 40 %[4]) choisirait de moins travailler ;
  • cette population assistée aura tendance à toujours croître, et comme on ne pourra décemment diminuer l'allocation, les impôts devront être augmentés d'autant ;
  • par effet d'aubaine, l'allocation attirera de nombreux nouveaux résidents, pauvres ou riches (ces derniers pourront toujours avoir à l'étranger des revenus ou une fortune non déclarés[5])
  • cette allocation pourrait être conçue, d'un point de vue libéral pragmatique, comme une mesure temporaire avant une suppression complète de l'assistanat (c'est dans cet esprit que Milton Friedman la défendait, pour éviter l'empilement actuel d'allocations sociales) ; en réalité, sous la pression de la démagogie, elle risque au contraire d'être le début d'un engrenage redistributeur social-démocrate préparé par des libéraux naïfs.
Alain Wolfelsperger juge immorale l'allocation universelle, d'une part parce que "les laborieux sont injustement exploités par les paresseux", d'autre part parce que cette allocation n'impose en contrepartie aucune obligation aux bénéficiaires :
Ce qui choque, à cet égard, dans l'AU c'est justement qu'elle exonère explicitement les bénéficiaires de toute obligation de réciprocité et non pas qu'elle est contraire à on ne sait quelle éthique puritaine du travail. Ce n'est pas la sacralisation du "droit à la paresse" qu'on peut lui reprocher mais la condamnation de facto du principe de réciprocité (ou de non-exploitation) qu'elle implique. (...) [Le projet d'AU] repose sur une contradiction, pour ainsi dire, constitutionnelle : d'un côté il fait vaguement appel à la conscience morale des plus favorisés sur cette terre pour accepter les sacrifices qu'implique sa mise en place mais, de l'autre, il conduirait au rejet formel de certains des principes les mieux universellement inscrits dans cette conscience morale.
Henry Hazlitt, qui avait proposé en 1939 un "subside décroissant" (tapering subsidy : une allocation réduite progressivement, proportionnellement au revenu), indiqua avoir abandonné l'idée quand il se vit confronté à un dilemme : toute allocation de type "impôt négatif" (negative income tax) s'avère insuffisante pour les plus pauvres et excessive pour les plus riches.

Arguments des libéraux de gauche

Pour les libéraux de gauche l'allocation universelle ne doit son existence qu'à un contrat dont l'objet est le système monétaire choisi. Étant un système monétaire librement choisi, donc un libre contrat institué entre les hommes qui acceptent de l'utiliser, l'argument libertarien qui affirme que la monnaie est une affaire privée est respecté. Il n'est ainsi pas d'obligation pour aucun homme de rejoindre un système monétaire à allocation universelle et chacun peut donc librement refuser cette allocation.
L'allocation universelle n'est pas l'objet d'une redistribution qui prendrait aux uns pour distribuer aux autres mais est donc fondée sur un choix de paradigme lié à la création monétaire et au libre choix d'un tel système monétaire.
Si en effet on produit de plus en plus un même objet avec les gains de productivité, son prix unitaire peut baisser et par ailleurs la somme totale des objets ainsi produits peut voir sa valeur globale monter. Il n'en pas autrement dans ce paradigme pour l'instrument d'échange universel qu'est la monnaie. Elle se crée sur la base des individus et uniquement des individus et ce faisant si sa valeur unitaire peut baisser (quoique cela dépendra de la production en regard qui peut augmenter ou baisser elle même) et sa valeur globale peut monter puisqu'en contre-partie chaque individu peut choisir de devenir un producteur autonome avec le libre choix des ressources qu'il utilise pour cela.
En sus et cet argument compte depuis au moins 1791 dans "les droits de l'homme" de Thomas Paine, les individus sont mortels et n'ont pas de comptes à se rendre au delà d'un temps égal à l'espérance de vie. Il n'y a donc aucune raison devant les libertés que les individus morts aient choisi qui serait propriétaire des ressources après eux, créant un biais inacceptable devant l'appropriation des ressources originelles des uns au détriment des autres. Ce qui rejoint aussi le proviso lockéen, en intégrant la succession continue des générations.
Thomas Paine[6] expliquait déjà cela selon les termes suivants :
"Ceux qui ont quitté ce monde et ceux qui n'existent pas encore sont à la plus grande distance les uns des autres que l'imagination humaine puisse concevoir : quelle possibilité d'obligation peut-il donc y avoir entre eux ? Quelle règle ou quel principe peut-on poser pour que deux êtres imaginaires dont l'un a cessé d'être et l'autre n'existe pas encore, et qui ne peuvent jamais se rencontrer dans ce monde, l'un soit autorisé à maîtriser l'autre jusqu'à la consommation des siècles ?"
De ce point de vue l'Allocation Universelle est donc bien loin d'aucun assistanat, mais la condition même de la liberté de tout individu nouveau né, en mesure de ce fait d'utiliser les ressources de son choix pour produire et échanger de façon autonome sur la base d'une monnaie véritablement commune et ne faisant l'objet d'aucun impôt, étant créée non pas une seule fois, mais sur la seule base du flux de renouvellement des individus au sein de l'espace économique considéré.
On peut donc ainsi considérer que l'allocation universelle est fondée sur l'homme lui-même et rien d'autre, instituant ainsi que seul l'homme lui-même et son temps d'existence sont valeurs reconnues par les co-contractants. On considère alors que toute valeur étant relative à l'homme qui l'estime seule la monnaie basée sur l'homme est celle sur laquelle ils peuvent s'accorder pour un instrument d'échange . Il s'agit donc d'un contrat monétaire librement choisi qui par essence reconnaît que tout homme est émetteur fondamental de rien d'autre que des valeurs subjectives hors une seule, la monnaie, non-subjective parce qu'objet d'un contrat entre eux, donc que tout homme est émetteur fondamental de la monnaie.
Pour les libertariens, la création monétaire devrait être une affaire totalement privée, confiée au marché ; on ne peut par ailleurs, en régime libéral, disposer des ressources appropriées sans le consentement de leurs propriétaires. Si une communauté veut instaurer librement une monnaie privée avec "dividende universel", pourquoi pas ? La viabilité d'un tel projet est cependant très douteuse, car faire bénéficier tout le monde de la création monétaire ex nihilo de façon égale est un jeu à somme nulle du point de vue du "bénéficiaire", l'allocation n'étant qu'une illusion de richesse compensée en fait par l'inflation, et une utopie d'un point de vue économique : un tel système, prétendument basé sur un "libre contrat" mais offrant une forme de gratuité illusoire, s'il était viable, serait déjà en place et prospèrerait (comme les SELs ou certaines monnaies privées). There Is No Free Lunch !

Notes et références

  1. Voir Libéraliser le Marché du Travail, Gabriel A. Giménez-Roche, Libres ! 100 idées, 100 auteurs.
  2. "Le pillage réciproque n'en est pas moins pillage parce qu'il est réciproque" (Frédéric Bastiat).
  3. Ce phénomène est à relativiser en fonction des barèmes de l'impôt sur le revenu. Il sera moindre dans les pays où l'impôt ne s'applique qu'à partir d'un certain montant minimal de revenu (ce qui fait qu'en France la moitié des foyers ne paient pas d'impôt).
  4. Revenu garanti, « la première vision positive du XXIe siècle »
  5. Le cas s'est déjà vu pour des Anglais résidant en France et déclarant leur revenu au Royaume-Uni : ils touchent en France des aides sociales puisqu'ils n'ont aucun revenu en France.
  6. « Thomas Paine et le revenu de base »

Citations

  • Ils prétendent que tout homme a le droit de vivre sans travailler et, en dépit des lois de la réalité, qu’il a droit à un "minimum vital" - un toit, des aliments et des vêtements -, sans faire aucun effort, comme un privilège de naissance. Qui doit lui fournir tout cela ? Mystère. (Ayn Rand, Atlas Shrugged, discours de John Galt)
  • L'homme, comme tous les êtres organisés, a une passion naturelle pour l'oisiveté. (...) Toute mesure qui fonde la charité légale sur une base permanente et qui lui donne une forme administrative crée donc une classe oisive et paresseuse, vivant aux dépens de la classe industrielle et travaillante. C'est là, sinon son résultat immédiat, du moins sa conséquence inévitable. (Alexis de Tocqueville, Mémoire sur le paupérisme)
  • Ma principale objection contre le revenu minimum garanti s'enracine dans la sagesse du choix public : par défaut d'incitation, la structure étatique nous assure que les bonnes intentions et les théories élégantes se traduisent rarement par de bons résultats en politique publique. Le plus gros risque à mettre en place un revenu garanti est qu'il ne remplace pas complètement - ni même partiellement - les programmes d'assistance existants, mais qu'il consiste seulement à rajouter une nouvelle couche de dépenses au-dessus des couches existantes. (Véronique de Rugy, Reason, mars 2014)
  • L’assurance d’un certain revenu minimum pour tous, une espèce de plancher en-dessous duquel personne ne devrait tomber même lorsqu’il n’arrive pas à s’auto-suffire, apparaît non seulement comme une protection tout à fait légitime contre un risque commun à tous, mais un élément nécessaire de la Grande Société dans laquelle l’individu n’a plus de demande spécifique pour les membres d’une communauté particulière dans lequel il est né. (Friedrich Hayek, Law, Legislation and Liberty)

Liens externes



I) Vidéos sur le revenu de base, principes et avenir de notre société
 

À l’occasion des élections départementales, le Mouvement Français pour un Revenu de base propose d’expérimenter dans des départements pilotes de nouvelles règles d’attribution du RSA de façon à perfectionner ce dispositif vers la mise en place du revenu de base.
Il est notoire que le RSA souffre de nombreux défauts, notamment liés aux règles d’attribution. Les démarches pour le toucher sont lourdes et stigmatisantes. 2/3 des ménages qui ont un emploi mais qui auraient droit au RSA activité n’en font pas la demande, soit parce qu’ils ne savent pas qu’ils y ont droit, soit parce qu’ils trouvent les démarches trop lourdes. Et même s’il parvient à toucher le RSA, la peine de l’allocataire ne s’arrête pas pour autant : les montants du RSA activité, recalculés tous les trois mois, peuvent varier fortement d’une période à l’autre et les erreurs et rappels de trop-perçus sont fréquents. Autant de défauts qui accroissent l’incertitude et la précarité des bénéficiaires de ce minimum vital.
Cette incertitude risque aussi de les décourager à rechercher un emploi, de peur de perdre leur RSA ; un paradoxe pour une mesure qui a justement été mise en place pour éviter de décourager les individus à reprendre un emploi (si déjà ils parvenaient à en trouver un). Quand on ajoute au non-recours le fait que un quart des SDF aujourd’hui a un emploi, on mesure combien le RSA échoue à lutter contre la pauvreté au travail.
Le gouvernement propose de mettre en place une prime d’activité qui fusionnerait prime pour l’emploi et RSA activité. Cependant les démarches pour toucher  la prime d’activité n’en seront pas beaucoup moins lourdes et le non-recours risque encore d’être important. En outre, en faisant une différence entre RSA socle et prime d’activité, cette proposition risque d’accroître la stigmatisation des bénéficiaires du RSA socle, voire éventuellement de les décourager encore plus à accepter un emploi.
Au XXIème siècle, il faut affirmer que les lourdeurs administratives et l’incertitude totale sur ses droits sociaux sont des dysfonctionnements qui doivent appartenir au passé. Il est temps de passer à un système plus simple et davantage en adéquation avec le besoin d’autonomie caractéristique de l’ère moderne, un système qui favorise l’émergence et l’accompagnement des  projets de vie au sein de la société, entre autonomisation financière et insertion professionnelle. Un système qui repose sur la confiance et le soutien plutôt que le contrôle et la justification.
Dans un marché de l’emploi en pleine mutation, où les places stables se font rares et les carrières sont courtes et multiples, entrecoupées de période sans activité rémunérée consacrées à la vie de famille ou la création de projets (professionnels, artistiques, entrepreneuriaux), il n’est plus tenable de  vouloir faire une discrimination entre des personnes sans emploi ni ressource (bénéficiaires aujourd’hui du RSA socle) et des personnes en emploi mais ayant simplement besoin d’un supplément de ressource (RSA activité et prime pour l’emploi aujourd’hui, prime d’activité demain), il serait préférable de maintenir une prestation unique – comme le RSA – dont le montant serait comme aujourd’hui dégressif à mesure que les revenus du travail augmentent. Mieux  encore, il est possible de faire en sorte de verser cette prestation automatiquement, sans qu’aucune démarche ne soit nécessaire pour la percevoir. Cette prestation peut être versée sans qu’il soit demandé au bénéficiaire de produire aucune justification sur ses démarches pour rechercher un emploi.
En somme, il faut mettre en place un “RSA inconditionnel”, versé suivant les mêmes règles de dégressivité que le RSA actuel (quand le salaire net augmente de 100 €, le RSA versé diminue de 38 €), mais sans exigence de contrepartie.

Une procédure administrative automatisée

Concrètement, comment fonctionnerait ce RSA automatique ? Comment savoir qui y aurait droit et pour quel montant ?
Aujourd’hui, ce sont les Conseils Généraux qui instruisent les dossiers de RSA et les Caisses d’Allocations Familiales (CAF) qui procèdent au calcul et au paiement du RSA. Or les services des impôts détiennent déjà toutes les informations nécessaires (revenus, ressources, etc.) pour pouvoir calculer le RSA. Elles leurs sont communiquées directement par l’URSSAF suite aux déclarations trimestrielles de salaire effectuées par les employeurs. Il suffirait alors que le service des impôts communique trimestriellement les informations sur les revenus de chacun auprès de la CAF du département pilote les informations, leur permettant de déterminer qui a droit au RSA et pour quel montant, et de procéder au paiement.

Pourquoi le contrôle est la plupart du temps inutile

Il peut sembler choquant à première vue que l’on offre une prestation à un individu sans qu’il démontre aucun effort pour s’insérer professionnellement. Or la suppression de la conditionnalité se justifie à plusieurs titres.
Tout d’abord, il ne faudrait pas croire qu’il est nécessaire de contrôler les bénéficiaires du RSA pour qu’ils cherchent à s’intégrer professionnellement. Tout un chacun cherche à s’intégrer dans le monde du travail, parce que c’est la voie d’intégration sociale la plus valorisée. Certes il existe une minorité d’individus qui semblent avoir décroché, que le monde de l’emploi semble rebuter foncièrement. Pour ces derniers, le frein est le plus souvent psychologique et la menace de suspension du RSA produit rarement l’effet escompté. Bien souvent d’ailleurs, les travailleurs sociaux en charge du dossier de ces derniers ne cherchent même pas à suspendre le RSA parce qu’ils savent qu’une telle mesure ne les rapprocherait pas de l’emploi mais les fragiliserait et les marginaliserait encore plus.
Une deuxième raison est qu’il est devenu de plus en plus difficile de définir ce qu’est une réelle démarche d’insertion professionnelle. L’accès immédiat à l’emploi n’est pas forcément la porte d’entrée unique pour s’intégrer sur le marché du travail : il existe un nombre croissant d’individus qui s’y intègrent en commençant par s’investir bénévolement dans des projets associatifs, en lançant leur petite (auto)entreprise de services divers (transport, services divers aux ménages, développement de logiciels et autres projets collaboratifs, etc.). Quand bien même un certain nombre de ces projets se soldent par des échecs, ils sont toujours l’occasion de se former par la pratique et permettent d’acquérir une expérience qui peut éventuellement être valorisée sur le marché du travail.
Dès lors, les Conseils Généraux auraient tort de conditionner l’attribution du RSA à des démarches d’insertion dans l’emploi sans reconnaître que la participation à d’autres projets, même s’ils ne se traduisent pas immédiatement par un emploi, sont aussi des portes d’entrée dans le monde du travail. Il serait délicat et certainement improductif de chercher à définir et circonscrire ce que constitue une réelle démarche d’insertion professionnelle pour définir une conditionnalité à l’obtention du RSA. Ajoutons d’ailleurs que la multiplication de ces projets, marchands ou non marchands, offre autant d’occasions pour les individus les plus éloignés de l’emploi de s’investir dans des projets qui leur permettront de se réhabituer au travail, de se former, d’acquérir de l’expérience, sans que la question de leur “rentabilité” entre en ligne de compte.

Une nouvelle relation entre le travailleur et son conseiller

Ainsi l’on peut dire que le contrôle de l’allocataire est la plupart du temps inutile. Il n’est pas seulement inutile, il est aussi coûteux. S’il est bien entendu coûteux en temps mobilisé pour les démarches administratives, tant pour l’allocataire que pour les services de l’Etat, c’est probablement sur la relation entre l’allocataire et son conseiller que le coût du contrôle pèse le plus, et ainsi sur l’efficacité de l’accompagnement de l’allocataire.
En effet, le professionnel chargé d’accompagner l’allocataire dans ses démarches d’intégration professionnelle (qu’il soit embauché par Pôle Emploi, la Mission Locale pour l’Emploi, l’Aide Sociale Départementale ou le Centre Communal d’Action Sociale), a deux missions qui peuvent être en contradiction. La première est d’aider l’allocataire dans son intégration professionnelle et sociale, la seconde est de contrôler, de vérifier que l’allocataire réalise bien les “efforts” nécessaires à son insertion professionnelle, et de le sanctionner au cas où il n’effectuerait pas les démarches exigées.
Cette deuxième mission biaise forcément la première. En effet, l’allocataire aura toujours le sentiment d’être jugé dans ses démarches et pourrait être amené à mentir sur ses efforts pour ne pas risquer de perdre son RSA. Et ce d’autant plus que rien ne dit que les démarches exigées correspondent effectivement au parcours d’insertion le plus valorisant pour l’allocataire. A son tour, le conseiller risque d’être amené à suspecter l’allocataire de mensonge ou de dissimulation. Ainsi, la mission de contrôle risque d’introduire de la méfiance dans la relation entre l’allocataire et son conseiller et entraver la mission d’accompagnement. La confiance est d’autant plus primordiale lorsque les allocataires sont déjà plus ou moins marginalisés, et que le travailleur social est parfois le dernier lien entre allocataire et services publics.
Au contraire, si le RSA devient inconditionnel, le professionnel chargé de l’accompagnement de l’allocataire n’aura plus pour mission de le sanctionner s’il ne suit pas ses préconisations. Et ça, le bénéficiaire le saura. Il pourra alors se construire une réelle relation de confiance qui permettra au professionnel d’accompagner beaucoup plus efficacement l’allocataire dans sa démarche d’insertion. Ajoutons en outre que le conseiller n’aura plus à perdre de temps à instruire de dossier de RSA, ce qui libèrera du temps pour le travail, beaucoup plus précieux et productif, de conseil et d’accompagnement.

Quel est le coût financier du RSA inconditionnel ?

Le budget du RSA était d’environ 11 milliards d’euros en 2013. En 2011, le non recours au RSA socle était évalué à ⅓ tandis que le non-recours au RSA activité était estimé à 68%. Ainsi, si le RSA inconditionnel était appliqué au niveau national, on pourrait estimer son surcoût financier à environ 7 milliards d’euros. Des calculs détaillés seraient nécessaires pour donner une évaluation plus précise. Remarquons qu’il ne s’agit pas tant d’un coût associé à une nouvelle mesure, mais plutôt du coût nécessaire pour que soit effectivement respecté le droit au revenu promis par la loi mettant en vigueur le RSA.
Ainsi, pour avoir une idée approximative du coût de la mesure pour une expérimentation dans un département, on peut rapporter ces 7 milliards au poids de la population du département dans la population nationale. A titre d’exemple, avec ses 220 000 habitants, la Nièvre représente 0,33% de la population française. Rapporté à sa population, le RSA inconditionnel entraînerait donc un coût supplémentaire de 22,9 millions d’euros par rapport au RSA actuel.
Face à ce coût, il faut souligner le gain pour les services de l’Etat. L’automatisation du versement du RSA permettrait de faire des économies substantielles sur la gestion administrative des dossiers. Les calculs de RSA et les paiement seront automatisés. Ces économies sont difficiles à évaluer.
Ajoutons que le surcoût d’une telle proposition ne saurait être supporté par les seuls départements. L’Etat central devra y concourir au titre de l’expérimentation du RSA inconditionnel, mais aussi parce que c’est l’occasion pour lui d’expérimenter de nouvelles coopérations entre les administrations publiques (Conseil Général, CAF, Service des Impôts) qui permettraient de simplifier. Or “faire simple” est justement devenu l’un des leitmotiv du gouvernement, qui pour cela a mis en place un Secrétariat d’Etat à la Réforme de l’Etat et à la Simplification. Ainsi le RSA inconditionnel peut être l’une des mesures qui doit participer à ce “choc de simplification” prôné par le Gouvernement.

Un précédent au Canada dans les années 1970

On peut s’attendre par ailleurs à ce qu’un RSA inconditionnel produise des effets sociaux qui vont au-delà d’une baisse de la pauvreté.
Une forme de RSA inconditionnel, le Mincome, a déjà été expérimentée au Canada entre 1974 et 1979, dans la ville de Dauphin (Manitoba), mais a du être abandonnée en 1980 à cause de la récession. La sociologue canadienne Evelyne Forget a mené étude qui montre que suite à cette expérience, non seulement plus d’adolescents sont parvenus à finir leurs études secondaires, mais en plus les taux d’hospitalisation ont diminué, ce qui suggère que le programme Mincome a eu des effets positifs sur l’éducation et la santé. On peut imaginer que le Mincome n’y est pas pour rien, éloignant l’angoisse de la perte de revenu et les potentiels effets néfastes de cette angoisse sur l’éducation et la santé.
Les 22 et 29 mars prochains auront lieu les élections départementales. C’est l’occasion de renouveler les Conseils Généraux (dorénavant appelés Conseils Départementaux), qui sont en charge d’attribuer le Revenu de Solidarité Active (RSA).
Le Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB) appelle les nouveaux Conseils Départementaux élus en mars prochain à proposer sur leur territoire d’expérimenter le RSA inconditionnel et il se propose d’apporter son expertise pour la mise en place de ces projets pilotes. Il s’engage à apporter tout le soutien nécessaire pour mener à bien ce projet aux départements qui souhaiteraient s’y investir. Enfin, le MFRB en appelle au Gouvernement, et notamment aux Ministère des Affaires Sociales et au Secrétariat d’Etat à la Réforme de l’Etat et à la Simplification, de soutenir cette démarche d’expérimentation nécessaire et opportune.

Jean-Eric Hyafil

Economiste et membre fondateur du MFRB. Titulaire d'un master en économie et du CAPES de Sciences Economiques et Sociales, je mène une thèse sur le Revenu de base à l'Université Paris 1.



L’idée d’une allocation universelle, d’un revenu de base inconditionnel, n’est pas neuve. Elle apparaît pour la première fois au lendemain de la révolution française, fait l’objet d’un premier débat public au lendemain de la première guerre mondiale, d’un second à la fin des golden sixties. James Tobin, James Meade, Herbert Simon et d’autres prix Nobel la défendent. Un réseau est créé en Europe en 1986 pour la promouvoir et a aujourd’hui essaimé dans les cinq continents. En 2016, elle fera l’objet d’un référendum national en Suisse. Son insertion au cœur de nos dispositifs de distribution des revenus ne serait-elle qu’un ajustement à la marge ? Ou constitue-t-elle une révolution indispensable pour permettre à nos États-Providence d’affronter au mieux les défis inédits de ce siècle ?

Philippe Van Parijs est responsable de la Chaire Hoover d'éthique économique économique et sociale de l'Université de Louvain depuis sa création en 1991 et professeur invité aux Universités de Leuven et d’Oxford, après avoir été, de 2004 à 2011, professeur invité à l’Université Harvard. En 1986, il a co-fondé le Basic Income European Earth Network (BIEN), devenu en 2004 le Basic Income Earth Network. Il est notamment l'auteur de Qu'est-ce qu'une société juste? (Paris, 1991), Refonder la solidarité (Paris, 1996), L’Allocation universelle (Paris, 2005, avec Y. Vanderborght) et Linguistic Justice for Europe and for the World (Oxford, 2011).


Extrait du documentaire ARTE "Le bonheur au travail" http://info.arte.tv/fr/le-bonheur-au-...

Olivier Keller au nom du groupe Europe Ecologie - Les Verts a proposé que la Région étudie la possibilité de la mise en place d'un revenu universel d'existence. Les groupes PS PRG et Front de Gauche se sont opposés à cette proposition.



J) 19 économistes appellent la BCE à faire du « Quantitative Easing for the people »



Une lettre publiée dans le Financial Times signée par 19 économistes appelle la Banque Centrale Européenne à adopter une approche alternative de son « quantitative easing » (assouplissement quantitatif), en distribuant par exemple de l’argent directement aux citoyens de la zone euro.

Adaptation française d’un article publié sur basicincome.org par Arthur Mignon.
En réponse au projet de la Banque Centrale Européenne (BCE) d’injecter 60 milliards d’euros par mois dans le système financier au cours des prochains 18 mois, 19 économistes ont signé une lettre au Financial Times appelant la BCE à adopter une approche différente qu’ils considèrent être un moyen plus efficace de doper l’économie de l’eurozone.

« Nous avons des preuves qui suggèrent que le quantitative easing (QE) usuel est un outil sur lequel on ne peut compter pour relancer l’emploi ou le PIB. Les recherches menées par la Banque d’Angleterre montrent que le QE favorise davantage les classes aisées, car elles bénéficient d’une augmentation des prix des actifs financiers que provoque le QE » peut-on y lire. Les signataires proposent une alternative :
Plutôt qu’être injectée dans les marchés financiers, la nouvelle monnaie créée par les banques centrales de la zone euro pourrait être utilisée pour financer les dépenses gouvernementales (comme l’investissement dans les projets d’infrastructures dont nous avons le plus besoin) ; autrement, chaque citoyen de l’eurozone pourrait recevoir 175 euros par mois pendant 19 mois, qu’il pourrait utiliser pour rembourser une dette ou dépenser comme bon lui semblerait. En dopant directement la consommation et l’emploi, l’une ou l’autre de ces propositions serait bien plus efficace que le plan de la BCE en faveur d’un quantitative easing usuel.
L’idée que les banques centrales distribuent de l’argent aux citoyens a souvent été nommée « quantitative easing for the people », une expression mise au point par Steve Keen, économiste australien.

Le professeur Steve Keen a signé la lettre avec 18 autres économistes, parmi lesquels plusieurs défenseurs du revenu de base tels Guy Standing, David Graeber, Frances Coppola et Lord Robert Skidelsky. Le seul signataire français est Jean Gadrey, l’économiste d’ATTAC qui explique sur son blog :
L’essentiel est que cette proposition contournerait les banques privées en exigeant de la BCE qu’elle prête de l’argent directement aux Etats (ou à des banques publiques) et/ou aux citoyens, et pas aux banques privées, lesquelles utiliseront la plus grande partie de ces montagnes de liquidités pour spéculer et pour se refaire une santé sans le moindre souci de l’intérêt général ni de la transition écologique, vu qu’on ne leur demande rien en contrepartie. Qui plus est, la solution du versement de la même somme mensuelle à tous les citoyens serait fortement réductrice d’inégalités dans chaque pays et entre pays de la zone. Cette somme est modeste en apparence, mais elle représenterait en France 35% du RSA pour une personne seule et, en Grèce et dans d’autres pays en souffrance, un soutien énorme à la lutte contre la pauvreté. Et s’il est vrai qu’elle est transitoire (18 à 24 mois), elle aurait probablement un impact plus durable. Il serait bon qu’elle soit débattue en France.
Guy Standing a récemment écrit un article décrivant une proposition de financement par la BCE d’expérimentations du revenu de base en Europe :
« On pourrait octroyer un versement mensuel à chaque homme, femme et enfant dans, disons, quatre zones de l’UE, à titre expérimental, avec pour seule condition d’y demeurer pour continuer de la recevoir. Ces gens resteraient libres de leurs mouvements. En revanche, cela les aiderait à pouvoir rester. De tels versements pourraient être octroyés pour une période d’un ou deux ans. »
Unconditional Basic Income Europe, réseau européen pour le revenu de base affilié au BIEN (réseau mondial pour le revenu de base), a également manifesté son soutien à ce genre de propositions, expliquant qu’il s’agit d’une « voie directe et pragmatique vers un revenu de base pour tous dans la zone euro. »

Bien que le concept de quantitative easing for the people partage des traits commun avec le revenu de base dans la mesure où ils consistent tous deux à distribuer des transferts d’argent à tous les individus sans condition, il ne se conçoit pas normalement comme un projet pérenne, mais plutôt comme une mesure de court terme ayant pour but de stimuler la demande.

Voici la liste complète des signataires :

Victoria Chick, University College London
Frances Coppola, Associate Editor, Piera
Nigel Dodd, London School of Economics
Jean Gadrey, University of Lille
David Graeber, London School of Economics
Constantin Gurdgiev, Trinity College Dublin
Joseph Huber, Martin Luther University of Halle-Wittenberg
Steve Keen, Kingston University
Christian Marazzi, University of Applied Sciences and Arts of Southern Switzerland
Bill Mitchell, University of Newcastle
Ann Pettifor, Prime Economics
Helge Peukert, University of Erfurt
Lord Skidelsky, Emeritus Professor, Warwick University
Guy Standing, School of Oriental and African Studies, University of London
Kees Van Der Pijl, University of Sussex
Johann Walter, Westfälische Hochschule, Gelsenkirchen Bocholt Recklinghausen, University of Applied Sciences
John Weeks, School of Oriental and African Studies, University of London
Richard Werner, University of Southampton
Simon Wren-Lewis, University of Oxford




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