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septembre 16, 2018

Énarchie ou L'ENA: une ouverture avec des doctorants

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Merci


L'énarchie serait-elle en manque ?
La suppression de cette école ne sera pas d'actualité, à titre expérimental, des doctorants pourraient constituer une manne évolutive de hauts fonctionnaires  !
Cela promet !!


Décret n° 2018-793 du 14 septembre 2018 instituant à titre expérimental un concours externe spécial d'entrée à l'Ecole nationale d'administration réservé aux titulaires d'un diplôme de doctorat

JORF n°0214 du 16 septembre 2018
texte n° 1




Décret n° 2018-793 du 14 septembre 2018 instituant à titre expérimental un concours externe spécial d'entrée à l'Ecole nationale d'administration réservé aux titulaires d'un diplôme de doctorat

NOR: PRMG1815582D
ELI: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2018/9/14/PRMG1815582D/jo/texte
Alias: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2018/9/14/2018-793/jo/texte

Publics concernés : candidats aux concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration, élèves français et étrangers, stagiaires des cycles préparatoires.
Objet : expérimentation d'un concours externe spécial d'accès à l'Ecole nationale d'administration, ouvert aux candidats titulaires d'un diplôme de doctorat.
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication. L'expérimentation du concours externe spécial commence à la session 2019 des concours d'entrée à l'ENA.
Notice : le décret prévoit l'expérimentation, pour une durée de cinq ans, d'un concours externe spécial d'entrée à l'Ecole nationale d'administration (ENA) réservé aux titulaires d'un diplôme de doctorat et organisé par spécialités, afin de favoriser le recrutement d'élèves possédant un haut niveau de compétences scientifiques. En outre le décret modifie le décret n° 2015-1449 du 9 novembre 2015 relatif aux conditions d'accès et aux formations à l'Ecole nationale d'administration, notamment concernant les modalités de report des places non pourvues aux différents concours d'entrée à l'ENA.
Références : le décret et le texte qu'il modifie, dans sa rédaction issue de cette modification, peuvent être consultés sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).


Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'action et des comptes publics,
Vu le code de l'éducation, notamment son article L. 612-7 ;
Vu le code de la recherche, notamment son article L. 412-1 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, ensemble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu l'ordonnance n° 45-2283 du 9 octobre 1945 modifiée relative à la formation, au recrutement et au statut de certaines catégories de fonctionnaires, notamment son article 8 ;
Vu le décret n° 99-945 du 16 novembre 1999 modifié portant statut particulier du corps des administrateurs civils ;
Vu le décret n° 2007-196 du 13 février 2007 modifié relatif aux équivalences de diplômes requises pour se présenter aux concours d'accès aux corps et cadres d'emplois de la fonction publique ;
Vu le décret n° 2007-1444 du 8 octobre 2007 modifié portant statut particulier du corps des administrateurs de la ville de Paris ;
Vu le décret n° 2015-1449 du 9 novembre 2015 relatif aux conditions d'accès et aux formations à l'Ecole nationale d'administration ;
Vu l'avis de la commission administrative paritaire interministérielle en date du 29 mai 2018 ;
Vu l'avis du Conseil supérieur des administrations parisiennes en date du 30 mai 2018 ;
Vu l'avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat en date du 11 juin 2018 ;
Le Conseil d'Etat (section de l'administration) entendu,
Décrète :

  • Chapitre Ier : Dispositions temporaires instituant à titre expérimental un concours externe spécial d'entrée à l'École nationale d'administration réservé aux titulaires d'un diplôme de doctorat

    A titre expérimental et pendant une durée de cinq ans à compter du 1er mars 2019, peut être organisé chaque année un concours externe spécial d'entrée à l'Ecole nationale d'administration, ouvert aux candidats justifiant, à la date de clôture des inscriptions, du diplôme de doctorat défini à l'article L. 612-7 du code de l'éducation ou d'une qualification reconnue comme équivalente à ce diplôme dans les conditions fixées par le décret du 13 février 2007 susvisé.


    Sous réserve des dispositions spéciales prévues par le présent décret, les dispositions du décret du 9 novembre 2015 susvisé sont applicables au concours externe spécial prévu à l'article 1er, aux candidats à ce concours et à ses lauréats.

    Article 3

    Le concours externe spécial est organisé par spécialités.
    Il comprend une ou plusieurs épreuves d'admissibilité et des épreuves d'admission.
    La liste des spécialités susceptibles d'être offertes ainsi que la nature, la durée, les coefficients et le programme des matières des épreuves d'admissibilité et d'admission sont fixés par arrêté du ministre chargé de la fonction publique, après avis du conseil d'administration de l'Ecole nationale d'administration.


    Les modalités d'organisation ainsi que les spécialités offertes au concours externe spécial sont fixées chaque année par l'arrêté prévu au premier alinéa de l'article 3 du décret du 9 novembre 2015 précité.


    Le nombre de places offertes par spécialité au concours externe spécial est fixé par l'arrêté prévu au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 novembre 2015 précité.
    Pour l'application du deuxième alinéa de cet article, ces places sont prises en compte au titre des places offertes au concours externe et au titre des places offertes aux trois concours.
    Pour l'application du troisième alinéa de cet article, il en est également tenu compte dans le total des places offertes aux trois concours.
    Pour l'application du quatrième alinéa de cet article, il ne peut y avoir de report de places non pourvues des concours prévus aux 1°, 2° et 3° de l'article 1er du décret du 9 novembre 2015 précité sur le concours externe spécial. Le président des jurys peut, dans les conditions prévues par ce même alinéa, reporter tout ou partie des places non pourvues d'une spécialité du concours externe spécial sur l'une ou plusieurs autres spécialités de ce concours ou sur l'un ou plusieurs des trois autres concours.


    Pour l'application du dernier alinéa de l'article 1er du décret du 9 novembre 2015 précité, une candidature au concours externe spécial est assimilée à une candidature au concours externe.

    Article 7

    Le jury du concours externe spécial comprend, outre le président, six à quatorze membres, dont un binôme dévolu à chaque spécialité ouverte et une personnalité qualifiée dans le domaine du recrutement.
    Le président et au moins deux membres du jury sont communs avec les autres concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration.

    Article 8

    Au moins deux mois avant l'expiration du délai de cinq ans mentionné à l'article 1er, le directeur de l'Ecole nationale d'administration adresse au Premier ministre, après avis du conseil d'administration, un rapport final d'évaluation. Le rapport est ensuite présenté au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat.
    Ce rapport comporte notamment les éléments suivants :
    1° Le nombre de candidats inscrits au concours externe spécial ouvert aux titulaires d'un diplôme de doctorat, le nombre de candidats convoqués au concours, le nombre de candidats présents et le nombre de candidats absents aux épreuves, en indiquant pour chaque donnée la part des femmes et des hommes ;
    2° Le nombre de candidats admis à l'issue de ce concours, et, le cas échéant, le nombre de candidats admis ayant ensuite renoncé au bénéfice du concours ou ayant abandonné la scolarité à l'Ecole nationale d'administration avant leur première affectation, en indiquant pour chaque donnée la part des femmes et des hommes ;
    3° Les rapports du président des jurys ;
    4° Les appréciations portées par les jurys d'évaluation des élèves en fin de scolarité ;
    5° L'appréciation de la direction de l'Ecole nationale d'administration sur la scolarité de ces élèves ;
    6° Les emplois occupés par les anciens élèves recrutés par la voie du concours externe spécial en fonction et les appréciations portées par leurs employeurs.
    Il fait état, le cas échéant, des contestations et des contentieux auxquels l'expérimentation a donné lieu.
    Ce rapport propose au Premier ministre le maintien, avec ou sans limitation de durée, du concours externe spécial en l'assortissant de modifications éventuelles, ou l'abandon de cette mesure.


    Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 9 du décret du 16 novembre 1999 susvisé et du deuxième alinéa de l'article 7 du décret du 8 octobre 2007 susvisé s'appliquent respectivement aux administrateurs civils et aux administrateurs de la ville de Paris recrutés par la voie du concours externe spécial.

  • Chapitre II : Dispositions à caractère permanent modifiant le décret n° 2015-1449 du 9 novembre 2015 relatif aux conditions d'accès et aux formations à l'École nationale d'administration
    Article 10

    Le décret du 9 novembre 2015 précité est ainsi modifié :
    1° Au quatrième alinéa de l'article 2, les mots : « dans la limite du dixième des places offertes à ce concours » sont remplacés par les mots : « dans la limite de trois places offertes à ce concours » ;
    2° A la première phrase de l'article 23 et de l'article 35, après les mots : « l'Ecole nationale d'administration », sont insérés les mots : « ou de la Banque de France ou d'établissements publics assurant pour les agents de la fonction publique une formation statutaire initiale dont les stagiaires du cycle préparatoire ont réussi un des concours » ;
    3° A l'article 36, les mots : « chaque année » sont remplacés par les mots « et actualise » ;
    4° Au dernier alinéa de l'article 40, la référence au II de l'article 38 est remplacée par la référence au III de l'article 38.

    Article 11

    Le ministre de l'action et des comptes publics et le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'action et des comptes publics sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.


Fait le 14 septembre 2018.


Edouard Philippe

Par le Premier ministre :


Le ministre de l'action et des comptes publics,

Gérald Darmanin


Le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'action et des comptes publics,

Olivier Dussopt

 





L'énarchie désigne le gouvernement de la France par les énarques, hauts fonctionnaires sortis de l’École nationale d’administration (ENA). 
Le terme péjoratif d'énarchie a été forgé par Jean-Pierre Chevènement (sous le pseudonyme de « Jacques Mandrin ») dans son livre L’Énarchie ou les Mandarins de la société bourgeoise (1967).  

L’École nationale d’administration est une grande école française créée en 1945 pour démocratiser l'accès à la haute fonction publique de l'État. La "nécessité" d'une telle école trouve son origine dans le Régime de Vichy, qui inaugure déjà une prise de pouvoir de la technocratie, formalisée ensuite à la Libération avec la création de l'ENA :
L’originalité du Régime de Vichy est aussi l’arrivée en force de « technocrates », hauts fonctionnaires vite promus et qui rêvent de mettre en œuvre, sans contre-pouvoirs, leur programme de modernisation. (Jean-Marc Dreyfus, Dictionnaire de la Shoah, Larousse, 2015)
Ce système rappelle le système du mandarinat en Chine, qui dura de 605 à 1905 : une sélection (examens mandarinaux) déterminait qui de la population pouvait faire partie de la bureaucratie d'État. Ce système de recrutement par concours dans la fonction publique est inspiré des examens impériaux, ayant été ramené de Chine par les Jésuites, qui l'avaient adopté dans leurs écoles avant d'être repris et généralisé par Napoléon afin de créer une nouvelle élite destinée à remplacer celle de l'Ancien Régime.
Pour Bernard Zimmern, le premier triomphe de l'énarchie date de la présidence de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. La haute administration française « ignore ce qu’est réellement une entreprise, forme de beaux parleurs, brillants, mais des gestionnaires incapables. »

Critiques

  • l'énarchie favorise l'endogamie oligarchique des élites françaises (cooptation des anciens élèves au sein de la sphère publique, parapublique et privée) ;
  • l'ENA ne forme pas des spécialistes mais des hauts fonctionnaires qui seront parachutés à la tête des grandes entreprises nationales sans expérience de la gestion d’une entreprise ;
  • elle ne favorise ni la mixité sociale ni l'efficacité ;
  • par son conformisme et son conservatisme, elle paralyse le pays et l'Etat, en empêchant les réformes libérales et en maintenant, voire accroissant, les privilèges, le corporatisme, l'assistanat et le capitalisme de connivence ;
  • comme cela se produisit dans le système de mandarinat chinois, les membres de l'élite (les "lettrés") passent davantage de temps à chercher à accroître leur influence et à se combattre entre eux qu'à permettre aux libertés de progresser dans le pays ;
  • le "paritarisme", hérité du programme politique du CNR, conduit à une gestion de type soviétique de tous les organismes publics et parapublics, où les hauts fonctionnaires n'ont pour interlocuteurs que les syndicats ; cette gabegie généralisée (gaspillages, grèves...) se fait sur le dos du contribuable.

Bibliographie

  • 1967, L’Énarchie ou les Mandarins de la société bourgeoise, Jacques Mandrin (Jean-Pierre Chevènement), La Table ronde de Combat
  • 2007, Les Lunettes à Frédéric, ou : le Voyage au bout de l’État, Emile Jappi (René de Laportalière), éd. du Chef-d'oeuvre
  • 2012, Promotion Ubu roi - mes 27 mois sur les bancs de l'ENA, Olivier Saby, Flammarion
  • 2015, La ferme des énarques, Adeline Baldacchino, Michalon
  • 2017, Ce que doit faire le prochain président (chapitre 10 : Supprimer l'Éna), Agnès Verdier-Molinié, Albin Michel

Voir aussi

Citations

  • L'omnipotence napoléonienne de l'Etat fut longtemps, en France, tempérée par l'inefficacité bonasse des fonctionnaires. (...) La création, en 1945, de l'Ecole Nationale d'Administration a changé tout cela. Détournant le courant des forts en thème de l'enseignement des Lettres au lycée de Bourg-en-Bresse, elle l'a précipité dans les canaux desséchés de ce grand corps assoupi mais si consubstantiel à la nation : l'Administration. (Jean-Pierre Chevènement, 1967)
  • C'est l'Énarque qui représente maintenant dans notre pays le visage quotidien du pouvoir. (...) Comme autrefois le latin dans l'enseignement secondaire, l'agilité verbale est ici devenue une fin en soi de l'enseignement parce qu'elle est un critère et un attribut social. (Jean-Pierre Chevènement, 1967)
  • Le but essentiel du processus de sélection est de trier les gens en fonction de leur total manque d’originalité et de leur capacité à apprendre et à répéter des enseignements dont personne en dehors d’eux ne peut comprendre l’intérêt. Voila qui est absolument nécessaire quand l’on veut choisir des gens sans originalité qui devront suivre des règles établies en dehors d’eux, sans poser de questions. (...) Le non sequitur de base en France est : "Je suis sorti premier de l’ENA, donc je suis plus intelligent que vous qui n’avez pas fait d’études", ce qui  est loin d’être certain. (Charles Gave, 2013)
  • La caste technocratique, à la différence des autres, n'a aucune légitimité. La France n'avait pas besoin d'énarques. Ils se sont emparés du pouvoir à la faveur d'une erreur historique du général de Gaulle, qui s'est tout simplement trompé d'époque, même si l'on peut comprendre, à la lumière du passé récent de la France, pourquoi il l'a commise. Et s'ils sont devenus féroces, c'est parce qu'ils savent bien, au fond d'eux-mêmes, qu'ils sont des imposteurs. Leur pouvoir ne repose sur aucun support historique, sur aucun soubassement économique ou culturel, sur aucun service rendu au pays par leurs ascendants au fil des siècles. C'est un pouvoir arbitraire et cupide, artificiellement plaqué sur le pays et qu'il conduit à sa perte. Sans aucun scrupule, il adopte pour seuls moyens de gouvernement ceux qui ne visent qu'à abaisser le peuple, à le priver de sa liberté et de sa dignité. Ces gens sont allés trop loin pour reculer. Ils sont bien décidés à garder le pouvoir de toutes les façons possibles, fût-ce au prix d'une lutte à mort. Et ce sont de tels "partenaires" que les membres du camp de la liberté veulent influencer de l'intérieur ! (...) Il est donc évident que les énarques de droite n'ont pas d'autre choix, pour garder leur pouvoir et leurs privilèges, que d'utiliser le meilleur outil qu'ils puissent trouver à cet effet, la dictature socialiste. (Claude Reichman, Le secret de la droite, 2003)
  • Puisque l'économie semblait vouloir leur échapper, il ne leur restait plus qu'à l'investir. Ce qu'ils firent sans aucune difficulté. Pour une entreprise ayant des relations quotidiennes avec l'administration et travaillant peu ou prou pour l'Etat, l'engagement, à sa direction, d'un "grand commis" paraît, au début, une excellente affaire. Muni d'un bon carnet d'adresses, où figurent ses pairs et compagnons demeurés au sein des cabinets ministériels et de la haute administration, l'énarque devenu patron fait merveille pour desserrer les contraintes et décrocher les marchés. Son pouvoir régalien s'est certes réduit, mais il bénéficie d'une rémunération sans commune mesure avec celle d'un haut fonctionnaire et il prend goût à une vie où il peut jouir d'un confort qu'il n'avait jamais connu jusque là. Il n'a d'ailleurs pris aucun risque en quittant l'administration, puisqu'il peut y revenir quand il veut. La règle vaut tout aussi bien pour l'énarque devenu député que pour celui qui s'est dirigé vers l'entreprise. Le sein douillet de la fonction publique est prêt à le recueillir à tout moment. Il aura même monté en grade pendant son absence. Cette disposition en apparence secondaire est en fait essentielle pour comprendre la facilité avec laquelle les énarques se sont emparés de tous les rouages politiques du pays. (Claude Reichman, Le secret de la droite, 2003)
  • La première promotion de 1946-1947 comptait 86 énarques. La France en compte environ 5.000 aujourd'hui et, durant ce laps de temps, la dépense publique est passée de 35% à 57% du PIB. Selon les statistiques de la promotion Léopold Sédar Senghor, 27,7% des postes des grands corps de l'État (Cours des comptes, Conseil d'État, inspection des finances) sont occupés par des enfants d'énarques. (...) L'ENA est bien le symbole de cette idée que l'État et les administrations publiques en général (centrales, locales et sociales) sont toujours légitimes quoi qu'ils fassent. La seule idée d'évaluer vraiment leur missions ou actions équivaut à remettre en question la nécessité même de leur existence. (Agnès Verdier-Molinié, Ce que doit faire le prochain président)
  • Comme tous ceux qui avaient reçu ma formation et suivi mon parcours professionnel, c’était inconsciemment que j’étais devenu un homme malfaisant. (René de Laportalière, Les Lunettes à Frédéric, ou : le Voyage au bout de l’État, 2007)
  • J'aimerais mieux que mon fils apprît aux tavernes à parler, qu'aux écoles de la parlerie. (...) Hors de ce batelage, ils ne font rien qui ne soit commun et vil. Pour être plus savants, ils n'en sont pas moins ineptes. (Montaigne, Essais)
  • Il ne sait rien ; il croit tout savoir — cela présage clairement d'une carrière politique. (George Bernard Shaw)
  • La grande spécificité de ces établissements d’enseignement est qu’ils étaient les premiers à ne plus former des individus intellectuellement pour les préparer à exercer des métiers de services divers (juridiques, médicaux, financiers...) mais pour les préparer à gouverner. Par ce réseau d’établissements, la France espérait produire une élite destinée exclusivement au gouvernement : les technocrates. Fort naturellement, cette élite se retrouva immédiatement en concurrence avec les élites politiques traditionnelles de la Troisième République : les professions libérales. (...) Par conséquent, depuis soixante dix-ans, l’on a progressivement remplacé une élite de producteurs, au sens économique, par une élite de prédateurs, substitué au gouvernement de ceux qui par nature font autre chose le  gouvernement des gens qui ne savent rien faire d’autre que gouverner. Et cette mutation se manifeste clairement lorsque l’on compare, comme nous l’avons fait, les résultats de la IIIe République et ceux de la Ve. (Philippe Fabry, 22/10/2015)

Liens externes





 
« Inaptocratie : un système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire et où les autres membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services qui ont été payés par la confiscation de la richesse et du travail d'un nombre de producteurs en diminution continuelle. »






août 09, 2018

L'Étatax un vrai poète, çà carbure et çà nous pompe dur !!

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 Le plaisir d’essence. 
   
Dans ce monde de brut
de moins en moins raffiné
nous passons Leclerc de notre temps
à faire l’Esso sur des routes, pour,
au Total, quel Mobil ?
On se plaint d’être à sec,
tandis que le moteur économique,
en ce temps peu ordinaire,
est au bord de l’explosion,
dans un avenir qui semble citerne.
Il conviendrait de rester sur sa réserve,
voire, jauger de l’indécence de ces bouchons
qu’on pousse un peu trop loin.
Il y a des coups de pompes
ou des coûts de pompes
qui se perdent.
La vérité de tout cela sortira-t-elle du puits de pétrole ?
Qu’en pensent nos huiles ?
Peut-on choisir entre L’éthanol et l’État nul,
voilà qui est super inquiétant!
C'est en dégainant le pistolet de la pompe
qu'on prend un fameux coup de fusil.
Je vous laisse réfléchir sur cet axe-là ou sur ces taxes-là...

Bonne route à vous !  






 





 




janvier 20, 2018

Stéphane Geyres: Y a-t-il des obligations chez les libertariens ?

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Sommaire

A) Y a-t-il des obligations chez les libertariens ? - Stéphane Geyres - Contrepoints

B) Divers articles et bio de cet auteur


A) Y a-t-il des obligations chez les libertariens ?

Les libertariens et même les anarcho-capitalistes ne sont pas contre toute obligation. Lesquelles sont acceptables selon eux ? Une perspective propriétariste.

Obligation, interdiction ou pas, tout n’est apparemment pas toujours clair pour ceux qui critiquent ou tentent d’assimiler la logique libertarienne en matière d’autorité, d’interdit et d’autorisation. Il me semble que c’est souvent dû à une compréhension imparfaite de l’organisation et du mode de gouvernance au sein d’une société libérale ou libertarienne. Je vais donc tenter de l’éclaircir ici.

La société libre pour les libertariens

La société libre, ou Libertalie, repose sur la propriété privée du sol, exclusivement et partout. Il n’existe donc pas d’espace public, nulle part. L’intérêt de couvrir l’ensemble de la Planète par la propriété privée n’est pas tant de vouloir éradiquer les espaces publics que d’assurer que des règles claires de droit et de gouvernance existent et soient définies partout. Car la propriété privée d’un territoire, ce n’est pas tant un capital immobilier – même si cela reste vrai – que l’attribution d’un responsable précis et unique du droit à un territoire précis. J’ai bien dit le droit : le propriétaire fait le droit.

Comme le propriétaire fait le droit – la notion de propriétaire est large, cela peut-être un individu, tel un monarque, un collectif restreint (une entreprise, une oligarchie) ou une copropriété où chacun détient une part variable de la propriété – c’est le propriétaire qui décide du régime politique en vigueur en ce lieu, et selon un processus de décision convenu. On peut donc imaginer une mosaïque quasi infinie de territoires aux régimes et aux règles aussi variés que l’homme pourra la créer.

Second principe de la Libertalie, l’individu est libre de contracter ou de s’associer avec qui bon lui semble et voudra bien s’associer avec lui. Ainsi par exemple, si je souhaite m’installer quelque part, il y a deux situations de base : soit je suis propriétaire d’un sol et c’est réglé, soit je ne le suis pas ; et dans ce second cas, il suffit que je trouve une propriété qui voudra bien m’héberger, ou m’accepter au sein de sa copropriété, ou encore me louer un espace ou logement. Ou toute variante. Dans tous les cas, je passerai un libre contrat avec l’entité propriétaire – individu ou non – pour me loger.

Tout au long de sa vie, chacun de nous peut évoluer sur ces territoires en fonction de ses goûts, priorités ou fortunes. On peut ainsi naître en un endroit, une fois majeur y rester (ou pas) en signant un contrat avec le territoire local, puis déménager vers un autre territoire et y signer un autre contrat, et ainsi de suite selon les aléas de la vie et aussi selon l’évolution des territoires eux-mêmes.

Les obligations librement consenties

Pour revenir à l’obligation, ou pas, on comprend qu’il faut aborder la question en deux temps. Le premier consiste au choix du territoire où l’on s’installe. Ce choix est a priori parfaitement libre, on peut aller où on le souhaite, pourvu que l’on y soit accepté. De la même manière, ce choix est réversible par annulation ou fin du contrat, pour quitter le territoire. Il n’y a donc aucune forme d’obligation qu’un « État » impose au citoyen, puisque le citoyen peut choisir son « État » librement.

Ensuite, comme l’installation passe par un contrat, clairement celui-ci pourra prévoir dans ses annexes tout un tas de clauses qui correspondent aux règles et au régime en vigueur au sein du « pays » choisi, comme lorsqu’on achète un appartement en copropriété et que cela nous engage à respecter le règlement intérieur ; mais aussi à participer à sa révision lorsque cela a du sens. Il y a donc obligation, et obligation forte, mais c’est une obligation volontaire, non imposée par la force.

La question de l’obligation change alors notablement. Si on a librement choisi de s’installer au sein d’une communauté végan – pure hypothèse à la mode – il est évident qu’il nous est alors obligatoire d’en respecter les règles, et donc interdit de mettre viandes et gibiers à nos menus. Ou encore, si l’on a opté pour un « pays » explicitement francophone, il faudra y respecter l’usage exclusif du français.

On voit donc que la société libre ne supprime jamais totalement les obligations que nous pouvons connaître dans l’environnement étatique actuel. Vivre ensemble, c’est s’obliger au respect de règles convenues. Mais justement, la grande différence entre la Libertalie et un État monopole de la force, c’est que tout repose sur notre choix individuel explicite, comme un véritable contrat social. Il est à tout moment possible de rompre notre contrat et de quitter les lieux, sans contrainte donc.




B) Divers articles et bio de cet auteur


EXPRESSION: La Main Invisible/Stéphane GEYRES et le livre Libres !! 

Stéphane GEYRES et le libertarianisme 

 

 




avril 02, 2017

Les présidentielles et plus !! Vote, ou pas ? Aide explicative !

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Sommaire:

A) Pourquoi s'abstient-on de parler de l'abstention ? - Frédéric Says - France Culture

B) Pourquoi je ne vote plus - Paul Douard -  Vice

C) Pourquoi l’abstention peut-elle faire basculer la présidentielle ? - Le Monde

D) Présidentielle: abstention et mobilisation, enjeux majeurs du scrutin - La Dépêche

E) Pourquoi voter ? Quand l’abstention se justifie… - Par Vladimir Bressler - Contrepoints

F) Abstention de Wikiberal.




A) Pourquoi s'abstient-on de parler de l'abstention ?

La participation recule à chaque élection intermédiaire, même si elle reste relativement stable lors de la présidentielle. La question est pourtant absente des débats.

C'est l'angle mort du récit de cette campagne haletante. L'abstention est une donnée fantôme, à laquelle on est accoutumé, et qui n'intéresse plus grand-monde. Tout juste sert-elle d'amuse-bouche pour chaînes d'info en continu quand ces dernières n'ont rien à se mettre sous la dent avant 20 heures. On l'a vu lors des primaires de la gauche : pour les candidats, le manque de participation est simplement un paramètre parmi d'autres pour expliquer une défaite. L'abstention est au candidat déçu ce que la pelouse trop dure est au footballeur défait.

On aurait tort, pourtant, de hausser les épaules, de considérer que le boycott des urnes est une sorte d'aléa, un phénomène naturel, que l'on ne peut ni prévenir ni expliquer.
Certes, les élections qui réuniraient 100 % du corps électoral ne seraient pas plus enviables, et ne respireraient pas forcément la démocratie accomplie. Mais peu à peu, nous voyons un "peuple dans le peuple" en train de faire sécession.

Et ce n'est pas forcément lors de la présidentielle que c'est le plus visible...
La présidentielle, c'est même l'élection idéale pour se rassurer à bon compte. A chaque échéance, la participation est stable, autour de 80%. Mais au mois d'avril tous les 5 ans, une hirondelle présidentielle ne fait pas le printemps électoral.

Observons des élections comme les législatives ou les municipales, dans les zones périphériques rurales ou urbaines. Prenez Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis lors des dernières municipales. Les chiffres donnent le vertige : Sur 76 000 habitants, 26 000 inscrits. Sur 26 000 inscrits, 12 000 votants. Compte-tenu du nombre de listes en présence, il fallait seulement 4 000 voix, pas plus, pour remporter la mairie. 4000 voix pour une commune de 76 000 habitants. Le cas est extrême, bien sûr, mais la tendance ne l'est pas.
Si l'on affine, on découvre la morphologie de la France qui vote. Là encore à la présidentielle, les taux de participation sont assez homogènes. Mais aux législatives, celles de 2012 par exemple, les 18-24 ans sont 35% à se rendre aux urnes... contre 76% des sexagénaires.

Quel est l'âge où l'on vote le plus ? Le pic de participation est à 70 ans, comme le notent les spécialistes de l'abstention Jean-Yves Dormagen et Céline Braconnier. D'où une déformation de plus en plus nette entre la France des listes d'émargement et le pays réel.
Pourtant, nous journalistes continuons à commenter la bataille électorale comme si de rien n'était, en pourcentage, plutôt qu'en nombre absolu de voix. C'est-à-dire dans un monde clos, en oubliant qu'une partie des troupes est à l'extérieur de ce monde, et le regarde avec un mélange de désintérêt, de mépris et ou de colère.

Récemment, Antoine Bueno a publié un livre, intitulé « No vote ». Cette ancienne plume de François Bayrou, qui a fait préfacer son texte par Michel Onfray, veut créer une "fierté de l'abstentionnisme", même si l'expression semble confiner à l'oxymore. Cette abstention grandissante est un cri de colère muet ; un phénomène que chaque parti tentera de récupérer en le mettant - de manière facile - sur le compte de la déliquescence de ses adversaires. Ce qui permet de différer tout examen de conscience.

Et pourtant, il n'est pas superflu de faire une pause dans la frénésie de la campagne. D'examiner par qui sont choisis les élus, ce qui permet de comprendre pour qui ils gouverneront.






B) Pourquoi je ne vote plus

Vote FN, indignés débiles, jamais de changements. Plus jamais je ne participerai à ça.

Hier soir, dans un élan de citoyenneté et n'ayant rien à faire de particulier en attendant le livreur de bo bun, j'ai allumé la télévision et ainsi pu constater avec tristesse que le FN atteignait environ 30 % des votes au premier tour des Régionales 2015. 

Je déteste ces gens. Mais il y a un truc que je déteste encore plus : voter. C'est pourquoi dimanche, je suis resté chez moi devant une série quelconque au lieu de me rendre dans un bureau de vote. Je sais que j'ai déjà provoqué un certain nombre d'infarctus chez certains d'entre vous, vous qui triez vos poubelles et dénoncez quiconque ose stationner son vélo dans les parties communes de l'immeuble. Mais voilà ; comme 49 % des électeurs, je ne vote pas, et il s'agit d'une décision mûrement réfléchie. 

Aussi loin que je me souvienne, le vote n'a jamais été pour moi quelque chose de particulièrement constructif. Pourtant, les choses avaient plutôt bien commencé. La première fois que j'ai voté, c'était lors des élections de 2007. À cette époque, l'excitation de faire quelque chose de nouveau surpassait le caractère pertinent ou non de l'acte en lui-même. Un peu comme tous les dépucelages, en fait. On passe par plusieurs phases. D'abord on se dit que ça doit être cool puisque tout le monde en parle ; puis on se demande un peu ce qu'on fout là ; et enfin, on se dit que c'était super mais que la vie continue. Au bureau de vote, j'avais le sentiment d'avoir dans mes mains un pouvoir fabuleux. Pourtant, je ne connaissais pas grand-chose à la politique et au monde extérieur en général. Mes centres d'attentions se limitaient à l'époque au sexe opposé et à Counter Strike 1.6. 

Puis les élections se sont terminées. Le candidat à qui j'avais gentiment offert ma voix a perdu et la vie a suivi son cours, pour lui comme pour moi. Cinq ans plus tard, il y avait toujours des très pauvres, des très riches, et, au milieu, des types banals comme moi. Surtout, j'avais déjà le sentiment que nous n'allions pas dans la bonne direction. Alors que je me rapprochais très rapidement de la vie active, les élections de 2012 sont arrivées. 

Rappelez-vous : c'étaient les fameuses élections de l'espoir. Nicolas Sarkozy enfin évacué, la gauche revient avec des idées folles telles que : taxer les plus riches à 70 %. Mais aussi : la foule en délire place de la Bastille, les photos dans Libé. À ce moment-là, on est comme à un mariage. On ne peut pas s'empêcher d'y croire, alors on regarde et on patiente. Je reconnais que je méprisais un poil ces foules qui hurlaient, croyant que le monde dans lequel nous vivons allait s'améliorer comme ça, d'un coup. Le lendemain matin de cette élection, j'étais comme après une soirée terminée chez une fille. De beaux souvenirs en tête, mais pleinement conscient que les choses resteront telles quelles. Un retour à la réalité. Je ne comprends pas comment autant de personnes intellectuellement développées peuvent si facilement tomber dans le panneau. Je sais qu'il est bon pour la santé d'être optimiste, mais quand même. 

Aujourd'hui, tout le monde continue d'y croire. Comme les Anglais et la Coupe du Monde de Football. Pour ma part, j'essaie de survivre face à la méprise générale des votants et leurs arguments tous prêts, qui sont pour moi dénués de sens et souvent responsables de mon abstention. L'argument le plus roué, qu'on me chie au visage tous les quatre matins, est évidemment le bon vieux : « Des gens se sont battus pour que tu aies ce droit ! » Le tout dit avec un gros regard condescendant. Je sais que notre société judéo-chrétienne apprécie de vivre dans la culpabilité, mais ce n'est pas parce que je ne vote pas que je dois tous les soirs me flageller seul dans ma chambre sans chauffage. D'une part, je n'ai rien demandé à ces gens. D'autre part, l'aspect héroïque de leur combat doit être replacé dans son contexte et ne pas être appliqué à une situation présente qui n'a évidemment plus rien à voir. Aussi, mourir pour une cause ne suffit pas à la rendre respectable, et encore moins respectable indéfiniment. 

Toute la journée d'hier, j'ai vu défiler des tweets complètement cons sur les abstentionnistes, type « Avec cette montée du FN, vous n'avez pas honte de ne pas voter ? » 

Évidemment que je remercie profondément ces gens d'avoir eu le courage de se bouger le cul pour nous éviter de passer notre vie à labourer des champs pour le compte de Seigneurs pervers et malhonnêtes. Néanmoins, cela ne veut pas dire que je dois souscrire à ce système sans même y réfléchir une seconde. 

Le second argument qui m'est le plus souvent vomi au nez délivre, en substance, ce message tout aussi péremptoire : « OK, mais tu fais quoi pour changer les choses ? » Ce qui m'attriste dans cette phrase, c'est qu'elle insinue indirectement qu'il n'y a aucun autre moyen que le vote pour changer les choses. Il est là, le grand problème de notre « génération citoyen » dépendant du vote. Car de fait, notre système de vote a rarement permis des avancées majeures. Il y a certes eu le Front Populaire et les premiers congés pays, mais c'était il y a, putain, 80 ans. Les avancées sociales les plus importantes sont arrivées grâce au courage de certaines personnes : IVG, Mariage pour tous, etc. 

Je me trouve nettement plus utile à simplement dire bonjour à un clodo plutôt qu'à voter pour un type qui ira une fois tous les trois mois à l'Assemblée pour faire des blagues machistes à ses copains de classe contre 12 870 euros bruts par mois. Quand je vois ma copine qui bosse tous les jours dans une association qui aide les petits vieux et ceux dont le monde se fout, je me dis que si tous les votants, avec leur grand discours tout droit sorti d'un cours d'éducation civique, faisaient le quart de ce qu'elle fait, notre pays s'en porterait déjà bien mieux. 

Toute la journée d'hier, j'ai vu défiler des tweets complètement cons sur les abstentionnistes, type « Avec cette montée du FN, vous n'avez pas honte de ne pas voter ? » Je trouve que la question du vote n'est pas là. D'une part, la montée du FN est la conséquence de 30 ans d'errements politiques et médiatiques. D'autre part, voter doit être une conviction et non un choix rationnel. Si on pose le problème ainsi, c'est comme me demander si je préfère tuer trois vieillards ou 250 nouveaux nés. Évidemment qu'un choix logique et rationnel peut en ressortir. Mais je ne veux participer à ni l'un, ni l'autre. Et n'allez pas me dire que c'est un raisonnement de planqué. Il n'y a rien de plus lâche que le vote. Je vous rappelle que voter, c'est placer une partie de votre liberté individuelle dans les mains de personnes qui, en échange, doivent vous apporter une sécurité sociale et économique. 

Voter est devenu une manière de se délester de toute responsabilité. La pauvreté ? C'est à l'État de s'en occuper. La violence ? C'est à l'État de s'en occuper. L'éducation ? C'est aussi l'État. Évidemment que ces thèmes doivent être traités et pensés par l'État. Mais pour les votants, voter revient souvent à dire : « je vous donne ma voix, maintenant démerdez-vous et faites en sorte que tout autour de moi soit MIEUX. » Voter fait de nous des enfants qui attendent tout des autres, qui se plaignent en permanence mais qui sont fondamentalement incapables de bouger, préférant attendre les prochaines élections. 

De là découle un autre argument chez les citoyens modèles, et que j'estime totalement paradoxal : « Si tu ne votes pas, tu n'as pas le droit de te plaindre. » Pourtant, c'est plutôt l'inverse qui me semble cohérent. Un votant doit accepter le jeu du système politique pour lequel il contribue. Il doit normalement en accepter les règles et les conséquences. Il doit aussi savoir perdre et accepter de ne pas venir pleurer quand la personne pour qui il a voté vient de la lui mettre bien profond en augmentant les impôts ou en réduisant les aides sociales. C'est un peu comme ceux qui se plaignent des salaires indécents des joueurs de foot, tout en regardant un match sur une chaîne payante. 

Au fond, comment avoir envie de voter aujourd'hui quand vous voyez un panneau vous indiquant que votre commune s'apprête à investir un million d'euros pour construire un nouveau rond-point avec un phallus rose géant en plein milieu ? Comment avoir envie de voter quand on voit le taux d'absentéisme à l'Assemblée ou encore ces députés Européens qui viennent signer une fiche de présence pour être payé et repartent aussitôt ? 

Ce que je constate, c'est que tous les 5 ans des gens sont élus sur de fausses promesses. Deux ans plus tard, les gens commencent à s'en rendre compte, protestent et votent pour un autre candidat qui, lui aussi, se fera élire sur de fausses promesses à son tour. Et ainsi de suite. On est proche du syndrome de Stockholm. Les politiques s'apparentent à l'ex qui t'a trompé avec un mec plus grand et plus beau mais qui revient tous les six mois te faire chier avec son texto à 2 heures du mat' : « Salut, tu vas bien ? Tu fais quoi ce soir ? » On se dit que ça peut être sympa de se revoir, qu'elle a peut-être changé. Mais non, on connaît déjà la fin de l'histoire. 

Pour moi voter s'apparente à un jeu, une sorte de rendez-vous régulier, au même titre que la branlette du dimanche matin sous la douche ou les sushis du lundi soir devant une série. Voter, c'est notre Hunger Games à nous, qui fait le bonheur de l'un et le malheur des autres. Malgré ça, je continue de me faire insulter de branleur sous prétexte que le vote est un devoir. Je suis plutôt attristé de voir que les gens se laissent porter par la vague. J'ai plus le sentiment d'être dans une téléréalité où les gens votent bêtement alors qu'on sait déjà qui va gagner. 

Charles Bukowski disait : « La différence entre une démocratie et une dictature, c'est qu'en démocratie tu votes avant d'obéir aux ordres, dans une dictature, tu perds pas ton temps à voter. » 

Le but n'est évidemment pas de se diriger vers une dictature, mais plutôt d'adapter notre système pour le bien commun et ne plus voter aveuglément pour des gens qui, de toute évidence, ont autre chose à penser qu'à nous rendre la vie plus agréable. Quand je vois ce qui a motivé le vote pour les régionales de ces citoyens modèles, je ne peux que penser qu'une élection n'amènera jamais rien. Ou plus exactement : jamais rien de bon.



  
C) Pourquoi l’abstention peut-elle faire basculer la présidentielle ?
 
L’abstention telle qu’estimée aujourd’hui (32 %) dans l’enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po publiée par « Le Monde » pourrait battre des records pour ce scrutin.

Cinq millions d’électeurs sont en voie de disparition. Si le taux de participation était conforme à ce qu’il est habituellement lors d’une élection présidentielle, ceux-ci se déplaceraient pour voter. Mais aujourd’hui, ils déclarent vouloir s’abstenir. Pour souligner un problème central mais ignoré, les Anglo-Saxons disent qu’il y a « un éléphant dans la pièce ». En France, en 2017, un éléphant a bien quitté la pièce, et personne ne semble s’en apercevoir.

Que ces électeurs s’abstiennent réellement, et ce serait un signe de dévitalisation de notre démocratie. Qu’ils votent finalement, et ce pourrait modifier les rapports de force – au premier comme au second tour. Il faut donc regarder avec attention l’autre côté du miroir, non pas ceux qui votent mais ceux qui ne sont pas sûrs, à des degrés divers, d’aller voter.
Quel est le niveau d’abstention estimé ? 
A un peu plus de six semaines du premier tour de l’élection présidentielle, l’abstention se situerait aux alentours de 32 %. Un niveau dramatiquement élevé si on le compare aux précédents scrutins présidentiels. En effet, seule l’élection présidentielle a résisté à cette augmentation tendancielle de l’abstention que nous connaissons depuis trente ans – avec un bond de 15 à 25 points selon les élections.

Depuis 1974, l’abstention tourne autour de 20 %. Parfois un peu au-dessus comme en 1995 ou 2012, parfois un peu au-dessous comme en 1974, 1981, 1988, ou 2007. La seule exception est l’élection présidentielle de 2002 qui, avec une abstention de 29 %, se rapproche des tendances de 2017. Par ailleurs, si on regarde non pas le taux d’abstention final mais le taux d’abstention à un mois et demi du scrutin, que constate-t-on ? D’une part, que le déficit actuel de votants se confirme...


Par Gilles Finchelstein (directeur général de la Fondation Jean-Jaurès) et Martial Foucault (directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po)

Pourquoi ils n’iront pas voter. Des abstentionnistes témoignent

Insatisfaction, colère, dégoût de la politique, voire non-reconnaissance du vote blanc… A travers un appel à témoignages, des lecteurs du « Monde » nous ont expliqué les raisons de leur abstention.

Insatisfaction devant les programmes des candidats, colère, voire dégoût, causés par les affaires qui émaillent la campagne depuis plus de deux mois, désillusion d’électeurs persuadés que « voter ne changera rien », militants de l’abstention active, de la reconnaissance du vote blanc… Les raisons de s’abstenir sont multiples, comme l’illustrent les nombreux témoignages que nous avons recueillis à l’occasion d’une journée spéciale sur l’abstention, jeudi 30 mars, sur Le monde.fr. En voici quelques-uns :

  • Ils ne se sentent pas représentés par les candidats

Morgane M., étudiante de 23 ans : « Pourquoi l’abstention ? Parce que je ne me sens pas représentée »
« Aucun des candidats “principaux” ne m’attire et les petits candidats sont tellement peu représentés dans les médias qu’il faut aller chercher l’information par soi-même pour, au final, ne pas se sentir beaucoup plus proche d’eux. J’ai 23 ans et j’ai voté pour la première fois il y a cinq ans.
Ayant eu des cours d’éducation civique au secondaire, je me souviens encore de nos écrits sur : “Le vote, un droit ou un devoir ?” et mes cours de droit m’ont également démontré l’importance du vote. Cependant, à force de crier “antisystème” à toutes les sauces, à force de voir les casseroles de chaque candidat, à force de voir les gens s’étriper, voire s’insulter, par médias interposés (candidats ou électeurs), je commence à “perdre la foi”.

Je fais sûrement partie des gens désabusés. Ceux qui n’y croient plus. Je pense aussi que c’est le contexte mondial qui fait que je n’ai plus beaucoup d’espoir pour la démocratie en général. On risque d’avoir notre propre Trump au pouvoir. On risque de se déchirer entre Français. On risque de s’appauvrir. On risque de finir déçus (et encore plus qu’avant). Et ça me fait me sentir mal. J’aimerais pouvoir bouger les choses, voire me présenter moi-même aux élections si cela ne paraissait pas aussi compliqué avec les 500 signatures. Mais non. Je n’arrive pas à apprécier ces élections. Et qu’importent le résultat et mon vote (ou non), je finirai amère. »

Victoria F., 18 ans, en année d’échange aux Etats-Unis : « Je ne reconnais plus mon pays »
« Aujourd’hui âgée de 18 ans, me rendre aux urnes cette année aurait été une première pour moi, mais malheureusement je ne compte pas y aller, ou, dans le meilleur des cas, voter blanc, car nous avons la chance d’avoir ce droit et qu’il faut en profiter. Pourquoi cette décision ? Car j’ai l’impression que chaque candidat nous ment ouvertement, sans aucune gène, en faisant des promesses pharaoniques qu’ils ne tiendront jamais.
Notre société tourne en rond, ces politiciens ne sont avides que de pouvoir et d’argent. Ils ne sont plus des humains mais des robots impitoyables, sans aucune valeur. Je ne veux pas faire mon choix par élimination et faire partie des personnes qui auront élu un certain président qui, quoi qu’il advienne, ne me conviendra pas et ne méritera pas mon vote. Ma décision a été définitivement prise après “Le Grand Débat” diffusé sur TF1, où j’ai eu l’impression de voir des vautours se battre pour un morceau de viande. Mon beau pays n’est pas un morceau de viande et je refuse de voter pour un vautour. »

Cédric P., auditeur de 32 ans, Champigny-sur-Marne : « Notre démocratie est à bout de souffle »
« J’ai 32 ans et j’ai toujours voté, mais cette fois je pense m’abstenir ou voter blanc. A l’impression que ma voix ne sera pas entendue, que voter ne changera rien à l’état du pays et ne résoudra pas mes problèmes quotidiens (et cela, peu importe le parti et le candidat), s’ajoute la frustrante impression et constatation que toute la classe politique semble mue par l’appât du gain, plus que part le bien commun.
Je n’irai pas voter, car je pense que notre démocratie est à bout de souffle et qu’elle est sclérosée, que les gens qui disent nous représenter ne sont pas dignes. Aucun ne semble avoir de vraies propositions, de volonté politique de changement. Les politiques semblent n’avoir comme variable d’ajustement pour l’élaboration de leur budget que l’augmentation des impôts pour les honnêtes gens, et de leur demander de se serrer la ceinture ou de travailler plus longtemps en n’étant pas certain d’avoir une retraite. Ils nous demandent des efforts, votent des lois qui ne les concernent pas, et rien ne changera, car ces messieurs ne sont pas près de voter de mesures restrictives les concernant (diminutions de leurs indemnités, salaires, etc).
Je me rends compte que peut-être mon exposé est trop pêle-mêle, preuve qu’il est rédigé sous le coup d’une colère sourde et d’un désarroi profond face à la situation politique de notre pays. Pour conclure, je ne me sens pas représenté. »
  • Ils sont désabusés, voire écœurés, par les responsables politiques

Elie S., 26 ans, Poitiers. « J’ai 26 ans, et jamais je n’ai voté par envie, par conviction »
« Cela fait huit ans que je vote à chaque élection ; j’ai grandi dans une famille extrêmement politisée, avec deux parents militants encartés depuis leur adolescence : voter était un devoir. J’ai voté par devoir républicain, par défaut souvent. J’ai assisté à des meetings, à des réunions, regardé des débats ; j’ai manifesté, tracté, voté.
J’ai 26 ans, et jamais je n’ai voté par envie, par conviction. Le seul moment où j’ai pu avoir vraiment l’impression de m’exprimer, de faire un choix pour la société dans laquelle je voulais vivre, c’est lors de manifestations ou d’actions concrètes. Hors des cadres de la République.
Aujourd’hui, en tant que jeune, j’ai pour seul espoir une France fascisante ou libérale. J’ai la sensation de me réveiller dans un rêve immonde où tout le monde, des politiques aux médias, a oublié que la vérité, la réalité ne sont qu’affaire d’idéologie, de prisme ; que si la réalité est telle qu’elle est aujourd’hui, c’est qu’elle a été façonnée par une certaine idéologie que l’on ne remarque même plus et que la soi-disant neutralité médiatique renforce chaque jour en refusant de la questionner. Un monde où le seul espoir de la jeunesse ne devrait résider que dans des idées fascisantes ou ultralibérales.
Car il n’y a pas de troisième voie aujourd’hui, même auprès de cette gauche qui n’existe plus que dans la bouche de ses adversaires. Je n’y prendrai plus part, je ne voterai plus, je ne cautionnerai plus par mon vote la VRépublique. »

Baptiste F., 32 ans : « Que s’est-il donc passé pour que j’aie changé en cinq ans ? »
« J’ai 32 ans et j’ai toujours voté. Pour l’anecdote, il se trouve même que j’ai réalisé l’identité visuelle de la campagne de François Hollande (j’étais designer indépendant en 2012). J’ai longtemps éprouvé une certaine incompréhension vis-à-vis des abstentionnistes et de leurs slogans méprisants (“élections, piège à cons”). Et voilà que cette année, je me retrouverai dans leurs rangs.
Que s’est-il donc passé en cinq ans qui ait pu me faire revoir ma conception du vote à ce point ? Beaucoup de choses. Il y a d’abord le quinquennat écoulé, bien sûr, qui restera pour moi celui de la trahison et du passage en force. Celui de la mort de Rémi Fraisse. Celui du Medef qui applaudit un ministre de l’économie socialiste. Celui de la loi renseignement. De l’état d’urgence instrumentalisé pour assigner à résidence durant la COP21. Mais il y a surtout la Grèce. La victoire de Tsípras et ce qui s’en est suivi. Cette phrase de Wolfgang Schäuble, terrible de vérité nue : “On ne peut pas laisser des élections changer quoi que ce soit.”
Justement, peut-être ai-je trop longtemps espéré changer les choses à travers cet investissement minimal qu’est le vote ? Car il s’agit bien d’un investissement minimal, et le gouvernement est ravi que nous nous y cantonnions pour lui renouveler docilement toute sa légitimité. »

Ugo L., administrateur systèmes et réseaux de 31 ans : « Marre de voter utile et pas par conviction »
« A voté. Toujours. Parfois blanc. Depuis le début de cette présidentielle, j’ai toujours eu l’envie d’aller voter. Blanc, clairement. Mais depuis quelques jours, et observant cette campagne étrange, je ne sais même plus vers qui me tourner pour espérer trouver quelqu’un qui représente “les gens”. Je ne pense plus aller voter désormais. Marre aussi de voter “utile” et pas par conviction. Le vote blanc n’étant pas pris en compte, la seule façon de direvous êtes à côté de la plaque de bout en bout” est de ne pas y aller, et de faire le jeu de ceux qui vont y gagner, peu importe qui.
Et dernier point : je me suis rendu compte cette année à quel point les promesses des candidats ne me touchent même plus. A la première bonne idée que j’entends, je pense immédiatement au fait qu’il y aura 10 raisons invoquées six mois plus tard pour ne pas appliquer ladite promesse. Je n’ai aucune confiance dans les programmes des candidats (même en les ayant lus).
En fait voilà : ils nous lassent de la politique jusqu’à ce qu’on n’en ait plus rien à faire. Donc, non, je ne serais pas content si Marine est élue, mais je ne viendrai pas me plaindre non plus. Et j’espère secrètement que ça soit les pires cinq années qui suivent pour enfin voir un sursaut après coup… Trump power ;). »

Hicham N., agent EDF de 32 ans : « Le vote est un choix, l’abstention aussi »
« Pour voter, il faut avoir le choix, les candidats sont peu ou prou tous impliqués dans des malfaçons. Nous avons des lois. Or, dans les faits, ces lois ont été mises en place car la conscience humaine, la morale ou la logique ne permettent pas de préserver le vivre ensemble de manière pérenne. La vie politique a totalement oublié ces valeurs : la morale, la logique et, hélas !, la conscience ne sont que celles de leur propre pouvoir et de leur capacité à être influents. Depuis 2002, nous ne votons plus pour quelqu’un, nous votons contre quelqu’un, contre un parti.
Chaque candidat possède des idées intéressantes et je suis partisan d’une gouvernance plurielle qui confierait des ministères selon leurs compétences, et non leur copinage. La politique d’aujourd’hui est uniquement basée sur des amis de promos, des services rendus…
Nous sommes en France, pas dans
House of Cards. La confiance n’existe plus et une refonte totale du monde politique doit s’opérer avant de connaître un nouveau soulèvement du peuple français. »

Ilinca B., doctorante de 28 ans, Paris : « Ils ne méritent pas mon vote »
« J’ai bientôt 29 ans. Cela fait des années que je suis apolitique et que je ne vote plus, dégoûtée par les politiciens. Les derniers tampons sur ma carte d’électeur datent de 2012 mais sont trompeurs : je me déplaçais, mais mon vote était considéré comme blanc au vu de son contenu. Les promesses des politiques sont bidon. Aucun n’est intègre. Ce sont tous des profiteurs et des menteurs. Ils ne veulent pas le bien du peuple, ils veulent juste le pouvoir. Je ne leur fais pas confiance. Aucun ne mérite mon vote.
En contrepartie, j’assume mon désengagement politique. Pendant tout le quinquennat de Hollande, jamais je ne l’ai critiqué, ni lui ni son gouvernement, vivant tranquillement ma petite vie. Et je compte continuer ainsi. Peu importe qui est au pouvoir, ma vie ne va pas être améliorée. Je suis en doctorat (bac + 9 actuellement). Je n’ai plus aucun avantage étudiant car trop vieille ! ? Plus de gratuité dans les musées (mon doctorat est pourtant en rapport avec ceux-ci…), plus de carte Imagine “R”, plus de bourse. Pour financer mes études, j’ai trouvé, mais après combien de mois de recherche, un CDI (CDI ! je n’en reviens toujours pas !), payé… le smic.
Et pendant ce temps-là, les politiciens embauchent leur famille, fictivement ou non, qualifiée ou non, à des postes tellement mieux rémunérés que mon stupide smic. Comment voulez-vous que je ne sois pas dégoûtée ? » 

Evelyne A., proviseure adjointe de 49 ans, Pantin : « Ras le bol du vote utile »
« Je participerai aux élections par un vote blanc aux deux tours et ce, quels que soient les résultats du premier tour pour la première fois depuis mes 18 ans (j’en ai 49). Je vote à toutes les élections depuis ma majorité. Ras le bol du vote utile barrière à l’extrême droite ! Après ce vote utile, toujours la même société inégalitaire et sans projet collectif pour donner du sens au projet républicain et démocratique.
Je ne sais pas quoi dire à mes deux enfants sur cette vie politique qui semble plutôt servir des intérêts individuels qu’un projet de société. Je suis sans voix, alors je voterai blanc pour continuer d’exister comme citoyenne. J’ai signé l’appel des solidarités hier, car je veux penser une autre société plus préoccupée du bien-être de tous et de la justice pour chacun. »

Kaël C., sans-emploi de 37 ans, Paris : « J’en ai marre de faire des concessions sur mes convictions »
« Je suis issu d’une famille de gauche : père immigré, soixante-huitard, militant PS en province dans les années 1980, mère française ayant toujours voté vert par conviction, ou communiste pour essayer de faire peser la gauche de la gauche. Bref, une famille politisée. J’ai l’impression d’avoir toujours été de gauche. J’ai voté à 3 présidentielles. Verts, puis Chirac en 2002. Mes doigts m’en brûlent encore. Verts, puis Royal en 2007. Par défaut concernant Royal, je ne l’appréciais que peu mais face à Sarko j’aurais pu voter pour n’importe quel candidat plus ou moins de gauche. Verts, puis Hollande en 2012. Là encore sans conviction, mais surtout pas Sarko ! Et finalement, quel est le bilan ?
En 2007 et 2012, je me suis retrouvé à voter contre un candidat, plutôt que pour un projet. Les projets de Royal et Hollande me faisaient peu rêver, c’était une gauche trop molle pour moi, mais “voter, c’est important” + “pas Sarko” = vote de dépit.
Aujourd’hui, j’en ai marre. Marre de faire des concessions sur mes convictions. Marre d’en attendre peu d’un candidat et d’être malgré tout déçu. Marre de voir les élus se gargariser avec nos votes alors qu’on a voté contre, et pas pour. Marre de les voir si déconnectés, tous.
Alors, j’arrête, je ne veux plus voter. Ça ne changera rien aux élections, mais je ne me serai pas fourvoyé avec un vote qui ne correspond pas à mes convictions. »
  • Ils militent pour la reconnaissance du vote blanc

Sylvain D., cadre financier de 34 ans : « Je suis prêt à prendre le risque qu’un parti d’extrême droite soit au pouvoir »
« Je songe sérieusement à m’abstenir aux prochaines élections, pour la première fois depuis que je suis en âge de porter ma voix aux urnes. Profondément ancré à gauche, mon unique souhait serait de voir les plus vulnérables se porter mieux. Le dernier mandat présidentiel m’a profondément déçu par l’absence de mesures concrètes améliorant la répartition des richesses, notamment envers les plus faibles. L’environnement politique français est depuis trop longtemps pollué par des révélations incessantes et écœurantes pour tout citoyen lambda, qui doit, lui, se conformer à la loi.

Deux mesures auraient pu m’inciter à revoir ma position, mais aucune d’elles n’est présente dans les programmes tels que connus aujourd’hui : la comptabilisation et la reconnaissance du vote blanc, en guise de protestation, et de réelles mesures punitives pour tout égarement impliquant des personnalités publiques (inéligibilité à vie quand une mise en examen est prononcée, etc.).

Pour ces deux raisons (non exhaustives), je suis prêt à prendre le risque qu’un parti d’extrême droite se retrouve propulsé au pouvoir. Je tends à penser que ce parti n’aurait que peu de moyens pour appliquer son programme radical, faute de majorité parlementaire. J’espérerais ainsi qu’un tel quinquennat imposerait enfin aux partis historiques une réelle remise en question. »

Romain S., intermittent de 36 ans, Paris : « Ce qui serait démocratique, c’est que le vote blanc compte vraiment »
« Dans le passé, j’ai toujours voté, par respect pour ceux qui se sont battus pour le droit de vote. Pour la démocratie. Mais s’agit-il encore d’une démocratie ? J’appartiens à une génération qui a toujours voté par défaut. Voter Chirac pour ne pas avoir Le Pen, voter Hollande pour ne pas avoir Sarkozy. Encore une fois, au second tour, il faudra voter pour celui en face du FN. Le fameux “vote utile” brandi par tous. Chez moi, ça ne fonctionne plus. Le peuple s’exprime ? Non, on soumet au peuple des hommes qui ont fait les mêmes écoles, qui appartiennent aux mêmes milieux sociaux, qui veulent le pouvoir, garder leurs privilèges et qui font fonctionner l’économie de ceux qui payent leurs campagnes.
L’Assemblée ne représente plus les Français, le Sénat encore moins. Et l’Europe
Il m’arrive d’être d’accord avec certaines idées de gauche, de droite et même du FN (le commerce loyal, c’est la seule je crois). Mais il suffit de lire, regarder les partis derrière, pour comprendre que rien ne changera. Macron pareil.
Si son programme ne tient pas la route économiquement, je crois que c’est Mélenchon qui pourrait obtenir mon vote, uniquement pour son envie d’une VIe République et de la règle verte. Mais ça voudrait dire participer à cette mascarade et je ne suis pas pour cette autre famille politique non plus. Ce qui serait démocratique, c’est que le vote blanc compte vraiment, que les élus rendent des comptes, à nous, pas aux puissants. »
  • Ils militent pour une abstention active

Thom : « Participer au jeu, c’est le cautionner »
« Voter, pour qui que ce soit, même blanc, c’est accepter les règles d’un jeu que je ne cautionne pas. L’élection serait l’antidote face à une situation sociale, politique et économique qui n’a pas fini de nous bouffer la vie. Le suffrage universel n’est, au fond, que le droit de choisir nous-mêmes nos maîtres, de désigner la sauce à laquelle nous préférons être mangés.
Il ne s’agit pas d’une abstention stérile et lâche, qui consiste à ne rien faire et à tendre docilement le cou au joug et les mains à la férule. Mon abstention s’arrête au bord des urnes.
Politiquement, nous agissons, mais nous ne jouons plus. Soit on redéfinit les règles clairement avant de jouer, soit on empêche le jeu de trouver son unique vainqueur. Avec 45 % d’abstention et 10 % de non-inscrits sur les listes, et ils osent se prétendre représentants du peuple ? »

Manu R., 42 ans, Pontault-Combault : « Voter me semble être un acte devenu insignifiant »
« J’ai 42 ans et j’ai toujours voté et voulu agir en citoyen reconnaissant pour la démocratie dans laquelle j’ai la chance de vivre. Toutefois, l’attitude de l’ensemble des candidats, l’influence des médias, l’absence de crédibilité des candidats quand ils pensent parler des questions de fond aux Français m’est devenue insupportable. J’ai choisi d’investir ma frustration dans une plus grande implication locale, dans la recherche de liens humains, de solidarité, d’échanges et de réflexions sur ce que nous voulons vraiment vivre, bâtir, etc.
Voter ne m’intéresse plus et me semble un acte devenu insignifiant, car aucun président ne fera ce qu’il a dit et ne pourra faire ce qui doit être fait. Je souhaite que ma résignation n’ouvre pas la voie au FN, même si beaucoup tentent de me culpabiliser dans ce sens. Les cinq prochaines années me permettront de voir si mon désengagement est si grave que cela et si tous ceux qui m’ont encouragé à voter pour un tel ou un tel sont toujours aussi enthousiastes si leur candidat a été élu. Seul l’avenir le dira… »

Sebastian B., professeur de 25 ans, Paris : « Je refuse le système politique actuel et ses représentants »
« J’ai toujours voté, même lorsque l’offre politique – puisque c’est bien d’une forme de marché dont il s’agit – ne me convenait pas. La chose a changé quand j’ai vu que le PS de Hollande et de Valls menait la même politique que l’UMP de Sarkozy et de Fillon. La cohérence me dicte pourtant de m’abstenir cette fois, et toutes les prochaines fois s’il le faut.
Car si de nombreux hommes et femmes politiques sont corrompus et avides de pouvoir, si leurs programmes ne sont souvent que des nuances marketées d’une même idéologie économique, ça n’est pas parce qu’ils seraient intrinsèquement mauvais ou stupides. C’est parce que le système électoral et politique de la VRépublique les détermine à être ainsi.
Ainsi, critiquer les candidats sans critiquer la structure sociale qui les a produits me semble totalement illogique. Voter, même blanc, revient à alimenter cette machine à produire de la médiocrité.
Tandis que les véritables questions politiques sont évincées par le cirque électoral, une large partie des Français ressent ce décalage et projette de s’abstenir. Elle se déclare parfois apolitique, mais sans l’être, car abstention doit être comprise comme étant, la plupart du temps, un acte politique. C’est pour cela que je revendique une abstention active, qui ne se contente pas uniquement de refuser le système politique actuel et ses représentants, mais qui souhaite porter des idées démocratiques de changement social à l’écart de tout cela, en usant de tous les moyens nécessaires. »
  • Ils prônent des votes alternatifs

Alexis N. : « Améliorons notre scrutin par un vote par notes »
« Il suffit d’observer les stratégies des candidats, d’écouter les tactiques ou les résignations de votes utiles, les arguments sur les nécessités de rassemblement, pour détecter que nous utilisons un système de vote d’une démocratie de l’ère féodale.
Ne serait-il pas intéressant, et cela avant même de passer au tirage au sort, ou aux autres stratégies de régulation du bien commun et de la chose publique, d’améliorer notre système de vote ? Au minimum pour le rendre insensible au nombre de candidats et aux stratégies de vote (vote utile ou autre tactique visant à influencer le résultat sans passer par un vote sincère et authentique).
Je le pense fortement et je m’indigne de l’absence de ce débat dans les grands médias. La volonté générale serait bien mieux représentée par un vote au jugement majoritaire, insensible au nombre de candidat, et aux stratégies de vote. Le système de vote actuel est buggé, j’ai décidé de ne plus l’utiliser et d’utiliser mon vrai pouvoir démocratique : mon portefeuille. Mon choix de consommation, consommer local, éthique, est plus important que mon droit de vote. » 

Clément G. : « Un scrutin par “jugement majoritaire” serait préférable au mode de scrutin actuel »
« Les dirigeants émergeant du système électoral actuel ne sont pas ceux qui, mus par la conviction de pouvoir agir dans l’intérêt général, se battraient pour défendre leurs idées. Ce sont ceux qui sont le plus avides de pouvoir, qui maîtrisent au mieux l’art de vendre leur image dans les médias et qui rechignent le moins à utiliser les moyens les plus immoraux ou malhonnêtes pour parvenir à leurs fins. Notre démocratie représentative s’est transformée en une oligarchie dirigée par une élite qui ne représente qu’elle-même. Un système d’assemblée désignée par tirage au sort lui serait bien préférable.
Même si on devait rester dans un système électoral permettant de choisir le candidat, parmi cette élite, qui nous rebute le moins, le mode de scrutin actuel est parfaitement inadapté, comme on aurait dû le comprendre et en tirer les conséquences depuis le 21 avril 2002. L’électeur est contraint de renoncer à un vote de conviction pour adopter un vote stratégique, en fonction de ce qu’il anticipe du résultat au vu des sondages. Un scrutin par “jugement majoritaire” serait préférable au mode de scrutin actuel. »

Hervé D., chef de projet informatique de 42 ans, Combs-la-Ville : « Je ne veux plus cautionner cette mascarade »
« Ce sera la première fois depuis que je suis en âge de voter que je ne me rendrai pas aux urnes en avril et mai prochains pour réaliser mon devoir de citoyen. Au passage, je n’aime d’ailleurs pas du tout le chantage qui est fait autour de ce devoir, nous qui avons la “chance” de pouvoir nous exprimer, et la pression populaire qui y est associée. Quand on y réfléchit bien, le suffrage universel n’est que l’illusion d’un choix.
Les raisons qui m’ont conduit à cette décision sont multiples et, hélas, pas très exceptionnelles : la raison principale est le rejet du système actuel qui a, pour moi, vécu. Mes autres raisons découlent de la première : perte de confiance dans les hommes politiques (corrompus, sans véritable envie de servir leur pays et leurs concitoyens, seulement leurs intérêts et ceux de leurs proches, opacité dans la gestion de notre pays, vote de lois par et pour les élites mais pas pour les citoyens, non-respect des programmes de campagne) comme dans les partis politiques (perte d’identité et de l’ADN qui pouvaient les caractériser à l’origine, sauf pour les extrêmes peut-être), envie que les citoyens reprennent leur destinée en main, participent à la construction de leur Nation pour un meilleur vivre ensemble. Finalement je ne veux plus cautionner cette mascarade. Et si l’on regardait dans la direction des Nuits debout ? »

Franck E., 53 ans : « Mon rêve : vote obligatoire pour tous »
« La démocratie représentative suppose, par définition, une ADHÉSION pour le candidat auquel l’électeur apporte son suffrage. Jamais totale, c’est impossible, mais sur la majorité des points. Parmi les candidats qui se présentent, je n’adhère véritablement à aucun. Hamon et Mélenchon se suicident en concourant séparément alors que la somme de leurs voix placerait un candidat commun en tête au premier tour. Et je ne vois que de mauvaises raisons à cela : entêtement, calculs politiques, ego surdimensionnés – rien pour faire avancer le pays. Que des manœuvres individuelles, au service de petites ambitions personnelles.
Donc je n’irai pas voter cette année. Je refuse de voter une fois encore pour quelqu’un qui ne me convient pas afin de contrer quelqu’un que je déteste. Ce que j’avais fait en 2012. Et aux primaires de la gauche. Là, non. Stop. Fini. Marre.
Il est significatif que le milieu politique français se refuse depuis toujours à prendre en compte les bulletins blancs. Sans doute par peur de se voir opposer, chiffres à l’appui, que ce qui est proposé n’emporte pas d’adhésion massive, contrairement à ce qui est affirmé de façon mensongère dans chaque meeting ou chaque émission par chaque candidat.
Mon rêve : vote obligatoire pour tous (donc plus d’abstention, tout le monde s’exprime), scrutin déclaré non valide si les bulletins blancs sont majoritaires. »

Le Monde



D) Présidentielle: abstention et mobilisation, enjeux majeurs du scrutin
 
Pour Jean-Yves Dormagen, professeur de sciences politiques, co-auteur de "La démocratie de l'abstention" en 2007, abstention et écarts de mobilisation peuvent être des enjeux majeurs de la présidentielle, dans un contexte de désillusion qui pourrait permettre à Marine Le Pen de déjouer les pronostics des sondages la donnant battue.

Pourquoi l'abstention continue-t-elle de progresser d'élection en élection ?
Les gens votent s'il y a un enjeu fort. Ce n'est pas un hasard si dans les années 70, 80, le taux de participation était aussi élevé, avec un clivage gauche/droite qui fonctionnait à merveille et avec l'idée qu'au bout du bulletin de vote, il y a un enjeu de société.

L'abstention a autant une dimension sociologique que politique, et avec le contexte actuel il est plus logique de s'attendre à une progression de l'abstention. Je ne serais d'ailleurs pas étonné qu'elle soit comparable à celle de 2002 (28% au premier tour).

Si on prend les électorats les uns après les autres, le quinquennat de Hollande a produit beaucoup de désillusion et aucun des candidats de gauche n'est en mesure de se qualifier pour le second tour, donc ça contrarie la dynamique de mobilisation.

A droite, avec tout ce qui se passe autour de François Fillon, ce serait étonnant s'il n'y avait pas un peu d'abstention, les électeurs de droite n'ont pas tous envie de voter Macron ou Le Pen.

La candidature Macron ne me paraît pas être un vote d'adhésion très fort mais plus comme un vote utile sans grande espérance, ce qui n'est pas très mobilisateur non plus.
Pour toutes ces raison, les électeurs qui veulent voter Le Pen aujourd'hui sont certainement plus motivés en moyenne.

Quel est le portrait robot de l'abstentionniste ?
Vous prenez un jeune qui a entre 20 et 30 ans qui vit seul, qui n'a pas fait d'étude, qui a un emploi plutôt précaire, qui vit dans une grande ville, en banlieue, en HLM et vous arrivez à des scores d'abstention vraiment élevés.

L'élection est en quelque sorte confisquée par les plus âgés. Les personnes de plus de 60 ans, a fortiori s'ils appartiennent aux catégories supérieures, sont totalement surreprésentées, voire majoritaires pour certaines élections, au détriment des plus jeunes, des plus précaires, des moins diplômés. Pour schématiser, le retraité-cadre, diplômé et propriétaire de son logement vote, quand le jeune avec un bac pro, vivant en banlieue s'abstient.

Dans quelle mesure l'abstention différentielle est-elle un des enjeux du scrutin ?
Les élections se jouent pour une large part dans les mobilisations différentielles, un phénomène très sous estimé.

On a longtemps cru qu'une élection, cela consistait à convaincre des gens avec la figure de l'électeur indécis (...) ce qui est une représentation partiellement fausse. Or, c'est sans doute moins important que le fait de bien mobiliser son électorat. L'abstention différentielle, c'est à dire que les différents électorats ne s'abstiennent pas dans les mêmes proportions, on l'a vue à l'oeuvre lors des municipales en 2014. L'électorat de gauche s'étant très peu mobilisé, la droite avec à peu près le même nombre de voix qu'en 2008, raflait toutes les villes. Quand vous avez 15 à 20% de vos électeurs qui ne vont pas voter, c'est une bérézina sur le plan électoral.

Pour le second tour de la présidentielle, si Marine Le Pen est largement derrière avec un Fillon ou un Macron à 58% par exemple, il suffirait pour qu'elle gagne, que 90% de ceux qui donnent une intention de vote à Le Pen votent vraiment pour elle, tandis que seulement 70% des électeurs qui déclarent une intention de vote Macron ou Fillon aillent réellement voter. Sans rien changer aux intentions de vote, Marine Le Pen aurait en réalité la majorité des voix par un simple phénomène de mobilisation différentielle et de sous estimation du vote blanc.

2017 AFP




E) Pourquoi voter ? Quand l’abstention se justifie…

Pour qui voter ? D'ailleurs, pourquoi voter ? …Et, d'abord, qu'est-ce que voter ? 
Dans dix jours, les Français devront se prononcer sur le choix d’un Président. Une petite dizaine de candidats se bousculent pour franchir le cap du premier tour dimanche 22 avril prochain. Alors, pour qui voter ? D’ailleurs, pourquoi voter ? … Et, d’abord, qu’est-ce que voter ?

L’élection présidentielle au suffrage universel
Dans moins de deux semaines, dimanche 22 avril précisément, se déroulera l’élection présidentielle au suffrage universel direct. L’élection présidentielle rythme la vie politique française. Chef du pouvoir exécutif, le Président est en quelque sorte le représentant suprême de la nation. Si son élection au suffrage universel direct a tant d’importance, c’est parce qu’elle fonde quasi-exclusivement sa légitimité à se hisser au sommet de l’État…
Et c’est en ce sens que l’élection présidentielle est dénoncée par certains abstentionnistes comme un cas particulièrement frappant d’usurpation populaire.
Aux termes des deux tours de l’élection présidentielle, est élu Président le candidat ayant reçu plus de 50% de vote en sa faveur. Mais que représente réellement ces 50%, par rapport à l’électorat et par rapport à la population toute entière ?

Le suffrage « Universel »
Tout d’abord, il faut bien considérer que seule une faible partie de la population a le droit de voter, bien que l’on parle de suffrage « universel ». Près de la moitié des individus soumis aux politiques du pays, pourtant reconnus citoyens français, ne sont en effet pas autorisés à s’exprimer sur ces politiques :
– Soit parce qu’ils sont trop jeunes (moins de 18 ans) ;
– Soit parce que la justice leur a ôté leur qualité d’électeur (peine prévue par le code pénal) ;
– etc.
Il n’en demeure pas moins que ces individus subissent tout autant que les autres les politiques du pays, et que la plupart d’entre eux font au moins autant – si ce n’est parfois plus – preuve de raison, de conscience et d’intelligence, que la majorité de la population. C’est aussi le cas de nombreux ressortissants étrangers, qui n’ont pas le droit de vote, bien que résidant depuis plusieurs années (parlons de ceux qui sont ici depuis au moins 5 ans, et envisagent de rester encore au moins aussi longtemps) sur le territoire français et apportant leur contribution à la société par leur travail ou leur engagement associatif.
Ensuite, même parmi ceux qui peuvent voter, une part non négligeable évite (à dessein ou non) de cautionner par un passage aux urnes ce qui apparait à leurs yeux comme une mascarade électorale. Non seulement près de 8% de la population en âge de voter n’est pas inscrit sur les listes électorales (et ne dispose donc pas d’une carte d’électeur, obligatoire pour aller voter), mais en plus, parmi les inscrits, demeure toujours une large part d’abstentionnistes, qui a pu avoisiner les 30% (28,40% au premier tour des élections présidentielles de 2002, 31,1% au second tour de 1969) et qui oscille de 15 à 20% en moyenne (environ 16% aux deux tours des dernières élections de 2007).
Enfin, parmi tous les bulletins déposés dans l’urne, seuls les suffrages « exprimés » sont pris en compte, c’est-à-dire les suffrages portant sur tel ou tel candidat ; les votes blancs et nuls, eux, ne sont pas comptabilisés. Ainsi, quand on annonce qu’un candidat  a réalisé X% des suffrages exprimés, on compte ses suffrages non par rapport aux inscrits ou aux votants, mais par rapport à ceux qui ont choisi un candidat. Or les votes blancs et nuls recouvrent de 5 à 10% des suffrages ! (4,20% pour le second tour de 2007). Par ailleurs, cette comptabilisation, qui biaise les résultats des élections, relègue le vote blanc aux oubliettes en l’associant à un vote nul ou erroné. Rappelons au passage qu’il suffit d’un petit gribouillis voire d’un simple trait de stylo sur un bulletin pour qu’il soit considéré comme « erroné »…

Le suffrage « direct »
On voit donc déjà comment les résultats des élections sont faussés. Mais ce n’est pas tout. Une autre hypocrisie concernant la répartition des voix provient de l’organisation même de l’élection, bien que l’on parle de suffrage direct :
L’élection présidentielle a la particularité de se dérouler sur deux tours. A priori, tout citoyen peut se porter candidats aux élections. (En réalité, les conditions matérielles sont très lourdes, et d’autres conditions formelles posent problème comme on le voit aujourd’hui avec la polémique des 500 signatures). Malgré cette parenthèse, l’offre électorale du premier tour des présidentielles est tout de même souvent assez riche (cf. les 16 candidats de 2002, 12 en 2007, 10 en 2012). Mais le départ importe moins que l’arrivée, puisqu’au final il ne doit en rester qu’un ! Et entre temps, le second tour ne retient que les deux candidats qui ont fait le meilleur score au premier. Ainsi, même si l’électeur peut peut-être trouver un candidat à son goût au premier tour, ce n’est généralement pas le cas au second. Seuls les « gros » candidats peuvent espérer franchir la barre du premier tour, tous les « petits » passant à la trappe. L’électeur qui souhaite donner sa voix à un candidat quelque peu marginal doit donc se résigner, à terme, à un choix entre un candidat qu’il n’aime pas, et un autre qu’il aime encore moins… L’élection présidentielle de 2002 a particulièrement bien mis en évidence cette résignation : qui oserait croire que les « 80% » de voix en faveur de Chirac (face à J.-M. Le Pen au second tour) lui ont été données de bon cœur ?

Un cas d’école : les 80% de Chirac en 2002
D’ailleurs, maintenant que nous avons relevé les biais de comptabilisation des résultats électoraux, amusons-nous à re-calculer les fameux « 80% » de Chirac en 2002 (82,2% plus précisément) :
19,88% [résultats du premier tour, le seul qui compte vraiment comme nous l’avons vu] – 3,38% [votes blancs et nuls, plutôt bas cette fois-là] = 19,21%
19,21% – 28,4% [abstention] =13,75%
En prenant le chiffre de la population en 2002 (environ 61,4M), le résultat de Chirac (les 5.665.855 voix qu’il a recueillies au premier tour – à ne pas confondre avec les 5.525.032 de voix de Le Pen au second tour) représente donc 9,23% de la population française, non-votants compris.
Ainsi, nous arrivons à un résultat hallucinant : même avec ses 80% au second tour, Chirac représente moins d’un dixième de la population ! Si les citoyens en prenaient vraiment conscience, le Président n’aurait plus aucune légitimité. En attendant, il se permet de constituer un gouvernement (sans demander l’avis de la population), véritable matrice du pouvoir exécutif qui dirigera le pays selon ses envies…
Alors, face à cette hypocrisie, que faire ? Voter pour un candidat vraiment différent, qui ne compte pas travailler à la reproduction de ce système mais à sa réduction voire sa destruction ? Seulement voilà le paradoxe : du point de vue de l’électeur, comment accepter de passer par les urnes…pour condamner le passage aux urnes ? Du point de vue du candidat, comment dénoncer cette hypocrisie, tout en devant s’y résoudre pour espérer se faire élire et donc pouvoir agir à son encontre, autrement dit contre lui-même ?

Voter
Voter, c’est accepter la démocratie représentative qui en résulte. C’est légitimer le pouvoir politique. Et, finalement, trahir l’espoir secret de vouloir l’exercer ; de vouloir fonder, en participant à sa justification, l’avènement de la majorité sur les minorités. C’est oser tenter de décider pour les autres. Une tentative essentiellement motivée, alors, par d’optimistes perspectives ; et, aussi, par un certain orgueil, celui de croire en la prédominance de ses idées.
C’est, à l’inverse, soumettre ses idées, son choix, à la sanction du suffrage. C’est risquer de devoir se résoudre à constater leur représentation minorées, voire exclues à l’issue du scrutin. Et, malgré cela, devoir se résigner à de tels résultats… Car le vote, qu’il soit prononcé, blanc, vide ou erroné, est l’acte qui fonde et légitime tout le processus de délégation du pouvoir, tant sur le plan symbolique que sur le plan juridico-politique. En acceptant le jeu du vote, l’électeur délègue son pouvoir à un candidat à la représentation – pour qui l’électeur en particulier n’a peut-être pas voté, mais qui se voit élu par la majorité, ou, plutôt : par une minorité relativement majoritaire.

To vote or not to vote
Le vote est l’un des fondements du système politique auquel nous sommes soumis. Certains concentrent en conséquence toutes leurs critiques sur cet acte, prônant la grève électorale, et pensant ainsi perturber suffisamment les institutions. Effectivement, présenté de cette façon, le fait de ne pas voter est l’expression paradoxale du rejet de la mascarade démocratique. Mais si l’abstentionnisme affirme une position, il demeure une non-action. En d’autres termes : se résoudre à ne pas voter ne fera pas changer les choses, alors que cette position est censée exprimer l’une des critiques les plus violentes du système !
C’est pour cette raison que Murray Rothbard, en tant que libertarien s’adressant à des anarchistes a priori abstentionnistes, excuse ceux qui décident de se traîner jusqu’aux urnes :
« [Certains] prétendent qu’il est immoral de voter ou de participer à l’action politique – l’argument étant que ce genre de participation aux activités de l’État équivaut à lui donner une caution morale. Mais pour être moral, un choix doit être libre, et les hommes de l’État ont placé les individus dans une situation de non-liberté, dans un cadre général de coercition. Car l’État, malheureusement, existe, et les gens doivent commencer par travailler à l’intérieur de ce cadre pour remédier à leur condition. Dans un cadre de coercition étatique – Lysander Spooner le disait bien – le fait de voter ne saurait impliquer aucun consentement volontaire. En fait, si les hommes de l’État nous permettent périodiquement de choisir des maîtres, ce choix fût-il limité, il ne peut être immoral d’en profiter pour essayer de réduire ou de détruire leur pouvoir. » (Murray Rothbard, L’éthique de la liberté)
Rothbard se réfère à Spooner, lui aussi libertaire écrivant à l’attention des libertaires :
« En fait, il n’y a pas de raison d’interpréter le fait que les gens votent bel et bien comme une preuve de leur approbation. Il faut au contraire considérer que, sans qu’on lui ait demandé son avis, un homme se trouve encerclé par les hommes d’un État qui le forcent à verser de l’argent, à exécuter des tâches et à renoncer à l’exercice d’un grand nombre de ses Droits naturels, sous peine de lourdes punitions. Il constate aussi que les autres exercent cette tyrannie à son égard par l’utilisation qu’ils font du bulletin de vote. Il se rend compte ensuite que s’il se sert à son tour du bulletin en question, il a quelque chance d’atténuer leur tyrannie à son endroit, en les soumettant à la sienne. Bref, il se trouve malgré lui dans une situation telle que s’il use du bulletin de vote , il a des chances de faire partie des maîtres, alors que s’il ne s’en sert pas il deviendra à coup sûr un esclave. Il n’a pas d’autre alternative que celle-là. Pour se défendre, il en choisit le premier terme. Sa situation est analogue à celle d’un homme qu’on a mené de force sur un champ de bataille, où il doit tuer les autres s’il ne veut pas être tué lui-même. Ce n’est pas parce qu homme cherche à prendre la vie d’autrui pour sauver la sienne au cours d’une bataille qu’il faut en inférer que la bataille serait le résultat de son choix. Il en est de même des batailles électorales, qui ne sont que des substituts à la guerre ouverte. Est-ce parce que sa seule chance de s’en tirer passe par l’emploi du bulletin de vote qu’on doit en conclure que c’est un conflit où il a choisi d’être partie prenante ? Qu’il aurait de lui-même mis en jeu ses propres Droits naturels contre ceux des autres, à perdre ou à gagner selon la loi du nombre ? On ne peut douter que les plus misérables des hommes, soumis à l’État le plus oppressif de la terre, se serviraient du bulletin de vote si on leur en laissait l’occasion, s’ils pouvaient y voir la moindre chance d’améliorer leur sort. Mais ce n’en serait pas pour autant la preuve qu’ils ont volontairement mis en place les hommes de l’État qui les opprime, ni qu’ils l’acceptent en quoi que ce soit. » (Lysander Spooner,No Treason : The Constitution of No Authority)
Le seul cas où il faut s’abstenir
Il n’y a donc pas de mal à voter, quand bien même on se place du point de vue de l’abstentionniste sur la question de la démocratie. La seule situation dans laquelle il faut s’abstenir, c’est lorsqu’il vous semble impossible de faire un choix parmi les candidats, que selon vous aucun d’eux n’est « meilleur » ou seulement « moins pire » que les autres.
Lorsque les candidats, de gauche comme de droite, se révèlent tous être les pires ennemis de la liberté (des « anti-libéraux » au sens authentique du terme), aucun vote ne pourrait se justifier en tant que tentative – même désespérée – d’élargir son espace de liberté…

Le vote blanc
Face à l’hypocrisie de la démocratie représentative et au jeu de dupe des politiciens, certains électeurs croient marquer leur désaveu en votant blanc.  Le vote blanc semble en effet être une bonne alternative au vote partisan et à l’anti-électoralisme.
En réalité, le vote blanc ne traduit en rien une critique de la mascarade démocratique – bien au contraire ! Voter blanc, c’est un moyen d’exprimer le refus de soutenir un candidat ou un autre, certes, et contester ainsi d’une manière civique le choix électoral. Mais par l’acte même de voter, le vote blanc ne remet nullement en cause la procédure électorale et à l’hypocrisie du vote démocratique ! En un sens, celui qui vote blanc se trompe d’ennemi : il s’indigne de la mauvaise qualité de l’offre politique, sans comprendre quels véritables processus l’amènent à devoir se résigner à une telle offre.
De nombreux partisans du vote blanc militent pour sa reconnaissance (il existe même un « parti blanc » dont cette revendication constitue à elle seule tout le programme). Mais ceux qui contestent l’offre de candidatures à des élections n’ont qu’à se porter candidats eux-mêmes à ces élections ! Plutôt que de simplement contester le choix électoral, autant essayer de l’améliorer, notamment en l’élargissant en faisant entendre une nouvelle voix.

Critiquer l’offre électorale et l’améliorer
Se limiter à la critique est bien peu constructif, et proposer des idées nouvelles sans essayer de les faire avancer au moins par les moyens auxquels nous sommes tenus – dont le système électoral est donc un élément incontournable, « malgré nous » – ne saurait motiver de manière crédible d’autres actions.
Que tous les citoyens se regroupant pour contester ou critiquer l’offre électorale fassent tout pour y remédier en présentant leurs propres candidats ! Que chaque citoyen (et ce devrait être la définition même du citoyen) soit prêt à assumer une position politique claire, à oser défendre publiquement un candidat ou un autre, ou à défaut les concurrencer tous sur leur terrain en se portant candidat lui-même à des élections !
Le vote blanc ne vaut rien. Au pire, ceux qui votent blanc passeront aux yeux de la majorité pour des gens sans idées : « ils savent très bien dire qu’ils sont contre ceci ou cela, mais ne défendent clairement aucune alternative »…
Il est vrai qu’en ces temps de démagogie, où la subversion de pacotille terrasse la rébellion légitime, on se plait à présenter le vote blanc comme une forme de « contestation civique ». C’est une attitude qui séduit : voter blanc donne un petit côté contestataire en signifiant un rejet de l’offre politique, tout en évitant d’assumer une position politique peut-être impopulaire. Il est toujours plus facile de rechigner, bougonner, critiquer, que de s’engager vraiment. Ceux qui prennent des risques sont respectables pour cela même, quels qu’ils soient ; mais pour nombre d’entre eux les autres sont des froussards, des hypocrites ou des malhonnêtes qui ne méritent rien.

Consignes de vote 😉
Aux présidentielles, ou à quelqu’autre niveau d’élection que ce soit, il faut voter, que ce soit pour le seul candidat qui nous satisfait vraiment ou pour soi-même. La seule limite, c’est que l’on ne peut se présenter spontanément à des élections. Il existe des formalités souvent impossibles à remplir pour les candidats potentiels qui feraient vraiment bouger les lignes politiques. Par exemple, alors que les citoyens sont électeurs à 18 ans, il leur faut attendre 23 ans pour être éligibles aux législatives. Pour les présidentielles, il leur faut réunir 500 signatures d’élus locaux. Etc.

Exposons les différents cas de figure :
1 – Parmi les candidats, il y en a un que vous souhaitez vraiment voir élu : votez pour lui au premier tour.
1a – Il passe au second : votez pour lui.
1b – Il ne passe pas : abstention.
2 – Parmi les candidats, aucun ne vous convient. Si vous pouvez vous présentez aux élections pour faire valoir votre point de vue, présentez-vous.
2 bis – Si votre candidature n’est pas retenue, Abstention. Abstention d’office pour les moins de 23 ans.

Ceux qui auront eu le courage de me lire jusqu’ici comprennent donc où je veux en venir : l’abstention est un choix électoral à considérer au même titre que le vote pour n’importe quel candidat. Les campagnes publicitaires appelant au vote peuvent dès lors s’assimiler à une forme de propagande visant à assoir l’autorité de l’État, en cherchant à légitimer par de larges suffrages le pouvoir du futur président. A ce titre ces campagnes doivent être dénoncées, en même temps qu’il faut diffuser l’idée d’un abstentionnisme réfléchi et militant.

Par Vladimir Bressler




F) Abstention

Lors d'une élection, d'un référendum ou plus généralement d'une délibération, le comportement d’abstention correspond au fait de ne pas participer au vote : les personnes qui s'abstiennent sont qualifiées d'« abstentionnistes ».
L'abstention électorale peut résulter d'un comportement d'indifférence à l'égard de la politique, ou d'un parti-pris anti-politique. 
Pour les libertariens, l'abstention relève d'un comportement de contestation à l'égard de la politique, lié à différentes motivations :
  • posture anti-politique des libertariens, désobéissance civile : voter revient à approuver le statu quo politique et le principe de cleptocratie et de violence qui donne carte blanche aux politiciens pour appliquer (ou non) leur programme ;
  • refus de supporter des candidats de droite comme de gauche gagnés aux idées collectivistes de la social-démocratie;
  • immoralité du vote, qui permet à une majorité d'opprimer impunément une minorité ;
  • imposture du vote, par lequel on fait croire aux gens que leurs choix sont pris en compte, alors que l'élection est toujours faite par le seul électeur médian ;
  • illégitimité du suffrage universel tout autant que de l'"intérêt général" (la prise de décision par vote majoritaire devrait reposer sur le consentement de tous, et donc sur une unanimité, ce qui n'est pas le cas[1]);
  • coût d'opportunité prohibitif du vote tout autant que de la prise de connaissance des programmes et des candidats ;
  • passivisme, avec la conviction qu'un vote individuel n'a aucune influence sur les résultats ; si tout le monde s'abstenait également, le vote n'aurait plus de valeur et on en viendrait à des solutions non-violentes respectant la liberté et la propriété de chacun.

Citations

  • Le vote n'est pas un acte de liberté politique. C'est un acte de conformité politique. Ceux qui refusent de voter n'expriment pas leur silence, mais crient dans l'oreille des politiciens : "vous ne me représentez pas ! Ma voix n'est pas prise en compte dans ce système. Je ne vous fais pas confiance !" (Wendy McElroy)
  • Voter n’est pas dialoguer, c’est au contraire mettre fin au dialogue. C’est adopter le mode de résolution des conflits qui, comme la guerre, soumet les perdants à la volonté des vainqueurs. (Christian Michel)
  • Convaincus comme nous le sommes et comme l’expérience et la succession des temps nous ont forcé de l’être, que la politique, théologie nouvelle, est une basse intrigue, un art de roués, une stratégie de caverne, une école de vol et d’assassinat ; persuadés que tout homme qui fait métier de politique, à titre offensif ou défensif, c’est-à-dire comme gouvernant ou opposant, en qualité de directeur ou de critique, n’a pour objet que de s’emparer du bien d’autrui par l’impôt ou la confiscation et se trouve prêt à descendre dans la rue, d’une part avec ses soldats, de l’autre avec ses fanatiques, pour assassiner quiconque voudra lui disputer le butin ; parvenus à savoir, par conséquent, que tout homme politique est, à son insu, sans doute, mais effectivement, un voleur et un assassin ; sûrs comme du jour qui nous éclaire que toute question politique est une question abstraite, tout aussi insoluble et, partant, non moins oiseuse et non moins stupide qu’une question de théologie, nous nous séparons de la politique avec le même empressement que nous mettrions à nous affranchir de la solidarité d’un méfait. (Anselme Bellegarrigue, L’Anarchie – Journal de l’Ordre, numéro 2, automne 1849)
  • Si vous votez, vous n'avez pas le droit de chialer. Certains aiment dire le contraire. Ils prétendent que pour avoir le droit de chialer, il faut voter. Où est leur logique ? Si vous votez et élisez des politiciens incompétents et corrompus qui vont semer le bordel, alors vous en êtes responsable. Vous n'avez pas le droit de chialer. (George Carlin)
  • Le vote est l'illusion de l'influence donnée en échange de la perte de liberté. (Frank Karsten)
  • L’homme élégant respecte trop la démocratie pour risquer de la dérégler en votant. (Roland Topor)

Notes et références

  1. « Une loi qui détermine que c'est la majorité qui décide en dernière instance du bien de tous ne peut pas être édifiée sur une base acquise précisément par cette loi ; il faut nécessairement une base plus large et cette base c'est l'unanimité de tous les suffrages. Le suffrage universel ne peut pas être seulement l'expression de la volonté d'une majorité : il faut que le pays tout entier le désire. C'est pourquoi la contradiction d'une petite minorité suffit déjà à le rendre impraticable : et la non-participation à un vote est précisément une de ces contradictions qui renverse tout le système électoral.» (Friedrich Nietzsche, "Humain, trop humain", III, Le voyageur et son ombre, §276  : Le droit de suffrage universel)





 
 
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