L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre.
Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Sommaire:
D) - La page Université Liberté: Libéralisme
A) - Libéral(isme) « de gauche » ou « de droite » ? Quel(les) con(tradictions) !
Le libéralisme n’est ni de gauche, ni de droite. Le libéralisme est une
théorie du Droit qui délégitime la politique. « Gauche » et « droite »
sont des affiliations tribales dans le cadre de conflits politiques.
Dans la mesure où l’on est « de gauche » ou « de droite », l’on n’est
pas libéral dans la même mesure. Dans la mesure où l’on est libéral,
l’on n’est ni « de gauche » ni « de droite » dans la même mesure.
Être « de gauche » ou « de droite », c’est rêver d’imposer sa volonté à
d’autres personnes, soit par la violence politique qui les contraindra à
s’y plier, soit par quelque poudre de perlimpinpin qui les fera
magiquement changer d’avis. Être « de gauche » ou « de droite », c’est
se soucier de ce que les autres personnes font de leur propre propriété —
et vouloir les contrôler. C’est aussi se parer de supériorité morale et
répondre par « oui » ou par « non » à des questions telles que
« faut-il être plus gentil — ou moins gentil — envers les autres, selon
leur sexe, leur ethnicité, leur lieu de naissance, leur religion, leur
culture, leur fortune, leur éducation, etc. ? » Le libéral, au
contraire, répond : « Mais qui donc êtes-vous pour prétendre commander
autrui ? Quels sont vos titres de supériorité ? Si vous vous souciez
vraiment des “pauvres” (ou de tout autre groupe de personnes plus ou
moins vaguement défini), alors faites quelque chose pour eux avec vos
propres ressources ! Ne dépouillez pas des tiers de leurs ressources, de
leur temps, de leur libre-arbitre, pour le faire à votre place. »
Le libéralisme n’est jamais partisan. Un libéral qui se soucie vraiment
des « pauvres » n’est pas un « libéral de gauche », militant en faveur
de règles spéciales favorisant certains « pauvres », mais un libéral qui
soutient financièrement ces « pauvres », ou mieux, développe activement
soit une œuvre de bienfaisance, ou mieux encore, une entreprise
commerciale, qui améliore leur sort jusqu’à ce qu’ils ne le soient plus,
« pauvres ». Un libéral qui se soucie vraiment des « bébés non-nés »
n’est pas un « libéral de droite », luttant pour des règles spéciales
favorisant certains « bébés non-nés », mais un libéral qui dépense son
temps et son argent à améliorer le sort de ces bébés non-nés, en
soutenant leurs mères adolescentes ou démunies, en adoptant l’un de ces
bébés, en éduquant les parents potentiels sur les moyens de
contraception, etc. De même, un libéral qui se soucie du Paris
Saint-Germain n’est pas un « libéral pro-PSG », exigeant des règles
spéciales favorisant le PSG, mais bien un libéral qui travaille dur en
tant que membre de l’équipe du PSG ou du personnel d’accompagnement.
Dans tous les cas, l’identification tribale et les slogans décervelés
sont au mieux des vices lorsqu’ils sont des prétextes pour
s’auto-congratuler en restant oisifs, au pire des péchés quand ils
inspirent des violations de droits.
Il existe bien sûr une infinie variété de buts qu’un libéral peut
poursuivre ; mais à aucun moment un libéral ne demande que tout le monde
suive son choix de causes à soutenir ; il n’exige rien des autres, si
ce n’est le respect du Droit, c’est à dire le respect des droits de
propriété, les siens propres et ceux de toute autre personne. Bien sûr,
un libéral préférera s’associer à des personnes qu’il apprécie, qui
l’apprécient, qui partagent ses valeurs, etc. Autrement dit, il
discriminera en leur faveur, au détriment des autres. Mais il n’exigera
pas que d’autres discriminent de la même façon que lui : c’est là le
principe même de la liberté d’association ! Bien entendu, il aimera
propager ses idées, et se réjouira lorsque d’autres viendront à les
partager ; mais jamais il ne considérera la force comme un moyen
légitime pour arriver à cette fin, et encore moins la force suprême des
sicaires de l’État.
Le libéralisme est une théorie du Droit : il explique que les conflits
entre les hommes sont minimisés lorsqu’ils se reconnaissent mutuellement
les droits de propriété les uns des autres, selon les principes de la
propriété de soi, de l’appropriation initiale des ressources
non-appropriées, de la préservation de la propriété quand elle est
transformée par le travail, et de sa transmission par échange et don
volontaires. Le seul et unique impératif social est de respecter ces
droits de propriété ; toute violation de ces droits de propriété est
destructrice de l’ordre social ; et cette destruction est encore pire
lorsque la violation est promue plutôt que condamnée par les
institutions humaines. La politique consiste en la violation
institutionnelle des droits de propriété par les puissants, par la
violence et la menace de violence. Ces puissants peuvent tirer leur
pouvoir d’une technologie plus avancée, d’une plus grande fortune, d’une
meilleure santé, d’une population plus nombreuse, d’une intelligence
supérieure, d’un régime alimentaire plus riche, d’une organisation plus
efficace, d’une culture généralement supérieure, d’une meilleure
capacité à laver le cerveau de leurs victimes, ou de toute combinaison
des facteurs ci-dessus ou d’autres facteurs omis. Quoi qu’il en soit, la
politique est l’antithèse du Droit libéral.
Gauche et droite sont deux pôles dans la polarisation naturelle de la
politique : il y a inévitablement dans la conquête du pouvoir sur les
hommes et les ressources naturelles un vainqueur qui emporte toute la
mise, et des alliances binaires se forment spontanément dans un tel
contexte. Cet axe gauche-droite n’a donc jamais été fondé sur
quelqu’ensemble déterminé d’idées, mais toujours sur une lutte partisane
pour le pouvoir. La division historique entre ces pôles s’est en
général faite autour d’une « droite » qui prétend défendre les intérêts
de ceux favorisés par l’ordre traditionnel et d’une « gauche » qui
prétend défendre les intérêts de ceux défavorisés par cet ordre
traditionnel — avec des variations dérisoires lorsque la « gauche »
maintient un nouvel ordre assez longtemps pour qu’il devienne une
tradition. La « droite » tend donc à défendre l’intensification des
formes anciennes d’oppression et tout ce qu’il y a de mauvais dans
l’ordre actuel, cependant que la « gauche » tend à proposer de nouvelles
formes d’oppression et est subversive de tout ce qu’il y a de bon dans
l’ordre actuel. Les politiciens des deux côtés sont en général d’accord
sur la croissance indéfinie du pouvoir politique, avec occasionnellement
la diminution ou l’abolition d’un programme qui ne soutient le pouvoir
que d’un seul parti, minoritaire.
Dans une société libérale, nulle personne honnête et saine d’esprit ne
pourra se revendiquer sérieusement d’être « de gauche » ou « de droite »
: il n’y aura pas de partition politique entre deux alliances pour
s’emparer du pouvoir, chaque camp proposant un assemblage donné
arbitrairement défini de revendications et d’opinions ; au contraire,
l’intérêt de chaque individu sera unique et ne rentrera dans aucune
classification grossière de ce type. Toute personne proclamant
sérieusement être « de gauche » ou « de droite » sera au pire un
criminel fier de l’être, devant être traité comme tel, au mieux une
personne dérangée mentalement prétendant être un tel criminel,
probablement un vieux radoteur laissant s’exprimer un traumatisme
remontant à une époque pré-libérale ; ou moins sérieusement, un comédien
incarnant temporairement l’un des cas précédents.
Ceux qui se proclament aujourd’hui « libéraux de gauche » ne comprennent
pas le libéralisme ; ils ne sont souvent que des « idiots utiles » au
sens employé par Lénine, faisant la promotion de certaines idées
communistes sans en comprendre les conséquences — à moins d’être
d’authentiques agitateurs socialistes avançant masqués (la distinction
entre les deux n’est pas toujours claire). Ceux qui se proclament
aujourd’hui « libéraux de droite » ne comprennent pas non plus le
libéralisme ; ils ne sont que les pantins de vieilles superstitions, et
soutiennent souvent un politicien de droite contemporain qui reprend mal
les opinions de politiciens de gauche du siècle précédent. Il y a
toutes sortes de dupes, bien sûr, et certaines parmi elles pourront
effectivement partager sincèrement un certain nombre d’idées libérales.
Mais soyons clairs : ceux qui sentent devoir assortir leur libéralisme
d’un qualificatif « de gauche » ou « de droite », ou l’affubler de
quelque préfixe ou suffixe que ce soit, révèlent ainsi clairement qu’ils
rejettent certaines parties du libéralisme pour adopter une philosophie
politique opposée sur des sujets pour lesquels ils jugent que certains
viols de droits de propriété sont justifiés. Si de telles personnes
ressentent le besoin de s’appeler libéraux de gauche, libéraux de
droite, du milieu, de l’avant ou de l’arrière, libéraux-conservateurs,
national-libéraux, néo-libéraux, paléo-libéraux, végo-libéraux ou que
sais-je encore, soyez certains qu’il y a au moins un sujet sur lequel
ils ne sont pas libéraux. Bien sûr, sur ce sujet, ils expliqueront
pourquoi ceux qui, ne suivant par leurs théories, s’en tiennent au
libéralisme, ne sont que de « vulgaires » libéraux, ou des libéraux
vulgaires. Ainsi soit-il. Nous, les contributeurs de ce site, nous
bornons bien à n’être guère que de simples libéraux — de vulgaires
libéraux ! — sur chacun des sujets variés que ces divers post-libéraux
éclairés tiennent à cœur comme exceptions aux droits de propriété. Notre
réponse consiste à reconnaître à chacun ses propres intérêts, ses
propres obsessions, et ses propres névroses sur certains sujets — avec
toutefois cette réserve que nul n’a le droit d’utiliser ses préférences
personnelles comme prétexte pour violer les droits d’autrui. Ces
libéraux à particule pourront prétendre avoir « dépassé » le libéralisme
; nous affirmons qu’ils ne l’ont pas encore atteint.
B) - Savez vous vraiment ce qu'est le libéralisme ?
Je précise tout de suite que je ne vais pas parler de politique :
ma brève incursion dans le monde politique m'a appris qu'il n'y a pas de
parti complètement libéral, et que la plupart des
hommes politiques sont plus prompts à nous forcer à entrer dans le
système qu'ils préconisent, à coup de lois et de règlements, plutôt que
nous laisser vivre comme nous l'entendons. Entre
parenthèses, cela reflète de leur part un mépris certain pour
l'individu, puisqu'ils ne le croient pas capable de se conduire
honnêtement et solidairement s'il ne rentre pas dans leur système.
Or c'est évidemment le contraire qui se produit. L'individu ne
recherche plus la vertu lorsqu'il lui suffit d'appliquer les règlements
pour se donner bonne conscience, et il ne ressent plus le
besoin d'être solidaire lorsque l'État l'est à sa place.
Dans notre pays, la pensée libérale est ancienne et profonde. Elle
été illustrée par une pléiade d'écrivains prestigieux, parmi lesquels
on peut citer : La Boétie, Montaigne,
Montesquieu, Voltaire, Diderot, Turgot, Condorcet, Benjamin Constant, Jean-Baptiste Say, Frédéric Bastiat,
Victor Hugo, Alexis de Tocqueville,
Gustave de Molinari, Jacques Rueff,
Bertrand de Jouvenel, Raymond Aron,
Jean-François Revel.
Vous remarquerez au passage que quatre de ces grands penseurs sont originaires d'Aquitaine. Il y a lieu d'en être fier.
A vrai dire, la pensée libérale est si prestigieuse qu'elle fait
de l'ombre aux hommes de pouvoir. Aussi la dénigrent-ils sous des
vocables variés, et se gardent-ils bien de l'enseigner dans
leur système d'éducation. Si bien que les idées les plus fausses
courent à son sujet. Mon ambition est de rétablir la vérité en
définissant avec précision ce qu'est le libéralisme, et en
montrant l'implacable logique qui lie ses différents concepts.
Mais si vous avez des convictions libérales, et si vous voulez
défendre efficacement vos idées, la logique ne suffit pas. La plupart
des gens ne sont pas disposés à se battre pour des
raisonnements, si même ils veulent bien les écouter. En revanche
ils sont prêts à se battre, voire à mourir si nécessaire, pour des
principes moraux. Je vais donc m'efforcer de montrer que le
libéralisme est non seulement le système le plus efficace sur le
plan économique, mais encore le seul système social moralement cohérent.
Le libéralisme c'est d'abord une morale individuelle,
ensuite une philosophie de la vie en société dérivée de cette morale,
enfin seulement, une doctrine économique qui se déduit
logiquement de cette morale et de cette philosophie.
Cette morale repose sur deux concepts-clés :
La responsabilité individuelle : être responsable, cela veut dire assumer soi-même les
conséquences de ses propres actes. C'est un principe d'apprentissage par tâtonnement et d'autoperfectionnement.
La liberté individuelle : la
liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à
autrui ; ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a
de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la
jouissance de ces mêmes droits. (Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789. Article 4)
Ces deux concepts ne sont pas indépendants l'un de l'autre. Aucun des deux ne peut exister sans l'autre. En effet, on ne peut être responsable de ses actes que si on est libre de les
commettre ou non. Réciproquement, si l'on veut respecter la liberté des autres, il faut assumer soi-même les conséquences de ses actes.
Ces deux concepts ne sont pas non plus arbitraires. Ils se
déduisent d'un principe universel qui est celui du maintien de la vie et
de la recherche du bonheur.
Toutes les fonctions de tous les être vivants, du plus simple au
plus complexe, n'ont qu'un objectif : maintenir leur vie. On peut donc
dire que tout ce qui la maintien est bon, et que
tout ce qui la menace est mauvais. Voilà, pour les libéraux, le
fondement de la morale.
Un être vivant doit se procurer l'énergie ou la nourriture dont il
a besoin pour vivre et se propager, et se protéger des menaces
extérieures. Il doit réagir aux conditions extérieures - comme
le chaud et le froid -, ou aux agressions, par des actions. Chez
les plantes et les animaux inférieurs, ces actions sont entièrement
automatiques et inconscientes. Chez l'homme, les choses sont
un peu plus compliquées :
L'homme a un cerveau développé qui lui permet :
- de concevoir des objectifs
- de lancer des actions dont les résultats vont augmenter ou diminuer sa satisfaction. Ces actions s'obtiennent au prix d'un EFFORT
- de mémoriser le résultat de ces actions
- d'analyser ces résultats et de tirer des conclusions sur la façon de les améliorer
On voit tout de suite que grâce à ses efforts, et à l'utilisation
de sa raison, l'homme ne peut progresser indéfiniment vers la recherche
du bonheur qu'à deux conditions :
- Qu'il soit libre de ses actions.
- Qu'il en assume les conséquences.
S'il jouit de la liberté, l'homme peut créer, inventer de nouvelles voies.
S'il en assume les conséquences, il peut tirer parti de ses erreurs pour progresser.
Nous retrouvons ainsi les deux principes-clefs de la pensée libérale : la Liberté et la Responsabilité.
Voyons maintenant quelles conséquences on peut tirer de ces deux principes :
1. Pour assurer sa vie, l'homme doit produire des biens qu'il
pourra consommer, stocker, ou échanger, et des services qu'il pourra
échanger contre d'autres biens ou services. Celui qui n'a pas
droit au produit de ses efforts n'a pas la certitude de pouvoir
entretenir sa vie de la façon qu'il le désire. L'homme qui produit alors
que d'autres disposent de ce qu'il produit est un
esclave. La propriété acquise par l'effort et la raison est donc une condition impérative de l'exercice de la liberté.
Celui qui produit et échange gagne ce qu'il a. Il ne donne ni ne
prend ce qui n'est pas mérité. Il ne s'attend pas à être payé sur sa
bonne mine, ou sur ses plaintes, ou sur l'expression
passive de ses besoins, mais sur ses réalisations, sur ce qu'il a
accompli.
Réciproquement, la propriété acquise par la force, le vol, ou la
tromperie, est en contradiction formelle avec la morale libérale. La
règle peut être la plus forte du libéralisme, est
qu'on ne doit rien obtenir des autres par la coercition, mais seulement avec leur consentement.
2. L'homme produit au prix d'un effort, en utilisant sa raison. Il
obtiendra des résultats d'autant meilleurs qu'il fera plus d'efforts et
utilisera mieux sa raison. C'est la seule source
d'inégalité cohérente avec la morale libérale.
Le corollaire est que la morale libérale ne tolère pas
l'inégalité devant la loi, quelles qu'en soient ses formes :
l'esclavage, les castes, les titres nobiliaires, les
privilèges.
Nous allons voir maintenant que l'existence de la société améliore
considérablement l'efficacité de l'individu dans sa recherche du
bonheur par l'effort et la raison, et que réciproquement, la
recherche individuelle du bonheur par l'effort et la raison
engendre des conséquences extrêmement positives pour la société.
D'abord, la comparaison de ses résultats avec ceux des autres permet de progresser - à condition que le jugement ne soit pas altéré par l'envie. Ainsi la recherche de
l'efficacité fait progresser la morale.
Ensuite, s'il jouit de la liberté, l'homme peut créer, inventer de
nouvelles voies. Ce faisant, il enrichira aussi les autres. L'homme qui
fournit seulement un travail physique consomme à peu
de choses près l'équivalent de la valeur qu'il produit. L'homme qui produit une idée, une invention, ne reçoit qu'une infime partie de la valeur qu'il a ajoutée au patrimoine de
l'humanité, et dont un nombre illimité de personnes bénéficiera.
Enfin, l'individu peut obtenir les biens ou les services qu'il ne
peut ou ne veut produire lui-même, grâce à l'échange, sanctionné par un
contrat si l'échange s'accomplit dans la durée.
Lorsque l'échange est libre, les deux parties y trouvent leur satisfaction et aucun tiers n'est lésé.
Ainsi, si aucune autorité n'intervient pour lui dicter ses choix,
l'homme peut choisir le travail qu'il préfère, se spécialiser dans ce
travail, et aller aussi loin dans la voie du succès que
sa volonté et son talent le permettent. Mais ce succès dépend de
la valeur objective de ce travail pour les autres. Lorsque les
hommes sont libres de leurs échanges, c'est le meilleur
produit et le meilleur jugement qui l'emportent dans tous les
domaines de l'action humaine, qui élèvent les niveaux de vie et de
pensée de tous ceux qui participent à cette action.
Les échanges favorisent les rapports pacifiques entre les hommes et contribuent à la moralisation de ces rapports. Pour que les échanges soient efficaces, ils doivent exclure le
mensonge. Les échanges au sein de sociétés un peu complexes exigent donc la confiance.
Contrairement aux anciens rois et seigneurs féodaux, aux modernes
dictateurs, et même aux représentants de nos gouvernements, le chef
d'entreprise n'obtient rien par la force : il sert
autrui. Il doit satisfaire ses clients, et il perd tout pouvoir
dès qu'il n'est plus en mesure d'assurer de meilleurs services que ses
concurrents. La plus grosse entreprise perd sa puissance
et son influence dès qu'elle perd ses clients. Le profit va seulement à celui qui a compris ce que veulent les autres. Il n'en est pas de même pour les activités de l'État, qui
ne connaissent aucune sanction.
Ceci a été parfaitement exprimé par la grande philosophe et romancière américaine Ayn Rand, dans un roman fameux,
mais malheureusement pas traduit en français qui s'appelle
"Atlas Shrugged". Dans ce roman, un système totalitaire
s'insinue peu à peu dans l'État Américain. Le Héros, Hank Rearden, un
self made man, subit un procès parce qu'il ne se plie pas
volontairement aux demandes du pouvoir. Comme dans tous les procès
totalitaires à leurs débuts, le pouvoir espère que Hank Rearden
s'accusera publiquement en échange de sa liberté. Mais Hank
Rearden est d'une autre trempe. Voici ce qu'il dit à ses juges :
«...Je ne travaille pour rien d'autre que mon profit - que
j'obtiens en vendant un produit dont ils ont besoin à des gens qui ont
envie de l'acheter et qui en ont les moyens. Je ne le
produit pas pour leur bénéfice au détriment du mien, et ils ne
l'achètent pas pour mon bénéfice au détriment du leur ; je ne leur
sacrifie pas mes intérêts et ils ne me sacrifient pas les
leurs ; nous traitons en égaux, par consentement mutuel, à notre
avantage mutuel - et je suis fier de chaque centime que j'ai gagné de
cette façon. Je suis riche, et je suis fier de chaque
centime que je possède. J'ai gagné mon argent par mon propre
effort, par le libre échange et le consentement volontaire de tous ceux
avec qui j'ai eu à faire - le consentement volontaire de
ceux qui m'ont employé quand je débutais, le consentement
volontaire de ceux qui travaillent pour moi aujourd'hui, et le
consentement volontaire de ceux qui achètent mon produit.
Je répondrai à toutes les questions que vous avez peur de me
poser ouvertement. Est-ce que je souhaite payer mes ouvriers plus que
leurs services ne valent pour moi ? Non, je ne le
souhaite pas. Est-ce que je souhaite vendre mon produit moins cher
que mes clients sont près à le payer ? Non, je ne le souhaite pas.
Est-ce que je souhaite le vendre à perte ou le
donner ? Non, je ne le souhaite pas. Si cela est mal, faites ce
que vous voulez de moi, selon vos propres standards. Voici les miens :
je gagne ma propre vie, comme tout honnête homme
doit le faire. Je refuse de me sentir coupable de mon existence et
du fait que je dois travailler pour la soutenir. Je refuse de me sentir
coupable de pouvoir le faire et de le faire bien. Je
refuse de me sentir coupable du fait que je le fais mieux que la
plupart des gens - du fait que mon travail a plus de valeur que celui de
mes voisins et que plus de gens ont envie de me payer.
Je refuse de m'excuser pour mes capacités - je refuse de m'excuser
pour mes succès - je refuse de m'excuser pour mon argent.»
Est-ce à dire que le libéral n'agit que par intérêt personnel ?
Nullement, mais pour lui, la sollicitude vis à vis de ses semblables, la
solidarité, sont des vertus individuelles qui
s'exercent directement ou au moyen de libres associations. Il ne
considère pas comme solidarité le fait de faire redistribuer par l'État
l'argent pris à d'autres.
Pour satisfaire des objectifs qui dépassent ses seules capacités,
l'individu s'associe librement à d'autres individus pour constituer des
associations ou des sociétés. Ces groupements peuvent à
leur tour s'associer pour accomplir des objectifs encore plus
ambitieux. Mais les groupes d'ordre supérieur ne doivent pas retirer aux
groupes d'ordre inférieur (dont le plus petit est
l'individu), ce que ces derniers peuvent accomplir eux-mêmes :
c'est le fameux principe de subsidiarité.
Pour le libéral, l'État lui-même devrait être une association
d'ordre supérieur à laquelle les associations d'ordre inférieur
délégueraient certains pouvoirs et certains moyens, selon le
principe de subsidiarité. Mais nous vivons depuis toujours dans un
schéma strictement inverse où l'État dispose de tous les pouvoirs et ne
consent à déléguer quelques petits espaces de liberté
aux citoyens que lorsque ceux-ci le lui arrachent.
L'État est le plus grand danger potentiel pour l'individu, car il
détient le monopole de l'usage de la force contre des victimes isolées
et désarmées, et ce pouvoir attire comme des mouches les
hommes ambitieux. Année après année, les rapports d'Amnesty International
sont remplis des horreurs perpétrées
par les États : les guerres, les massacres, les déplacements de
population, les camps de concentration, les destructions, les
enlèvements, les détentions arbitraires, les tortures, les
famines, les persécutions, les confiscations.
À défaut de pouvoir reconstruire les institutions selon le principe de subsidiarité,
les libéraux
s'efforcent de limiter le pouvoir des États. C'est eux qui ont
inventé le principe de séparation des pouvoirs, si difficile à mettre en
œuvre, même dans notre vieille démocratie. C'est eux qui
ont inventé la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 pour protéger les individus contre l'État.
Mais le libéral est conscient que si l'homme peut acquérir des
biens par l'effort et la raison, il peut aussi les acquérir aux dépens
des autres. Il accepte donc comme un moindre mal une
autorité dont la seule vocation serait précisément de faire
respecter les droits individuels. En pratique cela veut dire un État
limité aux seules fonctions dites "régaliennes" : la
Justice, la Police, et la Défense Nationale, ce qui implique une
Diplomatie. Toutes les autres fonctions sont mieux accomplies par la
libre association d'individus selon le principe de
subsidiarité.
Il est bon de rappeler que cette vision d'un État minimum était celle des fondateurs de la démocratie américaine :
« Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités
suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont dotés par le
Créateur de certains droits inaliénables ;
parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté, et la recherche
du bonheur. Les gouvernements sont établis par les hommes pour garantir ces droits,
et leur juste pouvoir émane
du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de
gouvernement devient destructrice de ce but, le peuple a le droit de la
changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau
gouvernement, en le fondant sur les principes et en l'organisant
en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté
et le bonheur. »
En résumé, le libéralisme est un système dans lequel s'épanouit
celui qui utilise sa raison, qui fournit des efforts, qui échange ou
s'associe librement avec les autres, notamment pour désigner
un gouvernement à qui ils délèguent le pouvoir de faire respecter
les droits individuels. Dans ce système, le transfert de biens d'un
individu à un autre ne se fait pas par décret,
redistribution, expropriation, vol, pillage ou faveur du prince,
mais par l'échange volontaire.
Dans tous les autres systèmes, un pouvoir central domine peu ou prou l'individu, et exerce sur lui diverses spoliations.
Le libéralisme, contrairement à tous les autres régimes, n'admet
pas la seule inégalité qui soit vraiment injuste : l'inégalité devant la
loi : ce sont des libéraux qui ont éliminé
l'esclavage, les castes, les titres nobiliaires, les privilèges.
En revanche il ne considère pas comme immorales les inégalités de
résultat. Mais n'est-il pas profondément injuste de
récompenser de la même façon le paresseux et celui qui se donne du
mal ? Celui qui fait n'importe quoi et celui qui réfléchit ? C'est
parce qu'il existe cette récompense à la raison
et à l'effort que les sociétés qui appliquent la morale libérale
ont toujours été, dans tous les temps et sous tous les cieux, les
sociétés les plus prospères, comme elles ont été les plus
tolérantes, les plus ouvertes et les plus humaines.
Saint-Loubouer, 2000
C) - Oui, le libéralisme est social
De l'extrême gauche à une grande partie de la droite, les Français se
disent "sociaux", et anti-libéraux. Ils veulent dire par là qu'ils
s'intéressent au sort des plus défavorisés, alors que nous,
les libéraux, qui défendons l'individu et l'économie de marché -
rebaptisée loi de la jungle pour la circonstance - sommes des
égoïstes, avides de profit. Or il se trouve que c'est
exactement le contraire : c'est nous les généreux, et eux les
prédateurs! Mais il nous acculent toujours à la défensive en se plaçant
sur le terrain de la morale. Il est grand temps de repasser à
l'offensive, et d'occuper à notre tour ce terrain.
C'est l'objet de cet exposé. Je vous préviens tout de suite
que c'est un exposé de combat, et qu'il a pour ambition de vous donner
des armes. Ceux qui n'ont pas envie de se battre peuvent
quitter la salle sans me vexer... Je n'en vois pas, je
reprends le fil.
Voici tout d'abord une arme tactique pour déstabiliser
l'adversaire : faites l'innocent et demandez lui ce qu'il entend par
libéralisme. Il y a toutes les chances pour qu'il bafouille des
inexactitudes. Dites lui alors que vous n'êtes pas surpris
qu'il n'aime pas le libéralisme, car il ne sait pas ce que c'est.
Contrairement à ce qu'il croit, où feint de croire lorsqu'il
sait mais que la vérité le gêne, les sociétés qui appliquent
la morale libérale ont toujours été, dans tous les temps et sous tous
les cieux, les sociétés les plus prospères, les plus
tolérantes, les plus ouvertes et les plus humaines.
Vous pourrez ensuite terrasser votre adversaire tout à loisir avec les armes que je vais maintenant vous donner.
Beaucoup de personnes voient dans le libéralisme seulement une
doctrine économique, d'autres y voient aussi une doctrine politique. En
réalité le libéralisme est avant tout une
morale individuelle, ensuite une philosophie de la vie en
société dérivée de cette morale, enfin seulement, une doctrine
économique qui se déduit logiquement de cette morale et de cette
philosophie.
Le libéralisme repose sur deux principes moraux : La liberté et la responsabilité individuelles.
- Etre responsable, cela veut dire assumer soi-même les
conséquences de ses propres actes. C'est un principe d'apprentissage par
tâtonnement et d'auto perfectionnement.
- La liberté individuelle, pour le libéral, ce n'est pas ma
petite liberté égoïste, c'est la liberté de chacun. Ce n'est pas faire
tout ce qui me plait sans me soucier des autres, car alors
je risquerais de limiter la liberté d'autres personnes : si je
me livre à la drogue au point de ne plus pouvoir assumer ma propre
existence, je deviens une charge pour les autres.
Cette idée est exprimée de façon remarquable par l'article 4 de la fameuse Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui dit :
la
liberté consiste à pouvoir
faire tout ce qui ne nuit pas à autrui; ainsi l'exercice des
droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent
aux autres membres de la Société la jouissance de ces
mêmes droits.
Je vous demande de bien noter au passage que cette fameuse
Déclaration est l'œuvre de libéraux. Comme vous le savez, les jacobins,
c'est à dire les socialo-communistes de l'époque, se sont
assis dessus et ont institué la Terreur.
Les concepts de liberté et de responsabilité ne sont pas
indépendants l'un de l'autre. Aucun des deux ne peut exister sans
l'autre. En effet
- on ne peut être responsable de ses actes que si on est libre de les commettre ou non. Réciproquement,
- si l'on veut respecter la liberté des autres, il faut assumer soi-même les conséquences de ses propres actes.
Pour assurer sa vie, l'homme doit produire, au pris d'un effort et en utilisant sa raison,
des biens qu'il pourra consommer, stocker, ou échanger, ainsi que des
services
qu'il pourra échanger contre d'autres biens ou d'autres
services. Celui qui n'a pas droit au produit de ses efforts n'a pas la
certitude de pouvoir entretenir sa vie de la façon qu'il
désire. L'homme qui produit alors que d'autres disposent de ce
qu'il produit est un esclave. Celui qui produit alors que l'Etat lui en
prend la moitié, est un demi esclave. La
propriété acquise par l'effort et la raison est donc une condition impérative de l'exercice de la liberté.
Celui qui produit et échange gagne ce qu'il consomme. Il ne
prend rien aux autres. Il ne s'attend pas à être payé sur ses plaintes
ou sur l'expression passive de ses besoins, mais sur ses
réalisations, sur ce qu'il a accompli.
Réciproquement, la propriété acquise par la force, le vol ou
la tromperie, est en contradiction totale avec la morale libérale. Si
l'on veut que chacun jouisse de la liberté, on ne
doit rien obtenir des autres par la coercition, mais seulement avec leur consentement.
L'individu peut obtenir les biens ou les services qu'il ne
peut ou ne veut produire lui-même, grâce à l'échange. L'échange se fait
avec un autre individu ou avec une société : par exemple
l'échange d'un travail contre un salaire. Lorsque
l'échange est libre, les deux parties y trouvent leur satisfaction, sans
cela ils ne le feraient pas, et aucun tiers n'est
lésé.
Les échanges favorisent les rapports pacifiques entre les
hommes et contribuent à la moralisation de ces rapports. Car pour
que les échanges soient efficaces, ils doivent exclure le
mensonge. Et l'on constate bien que la confiance règne dans
les sociétés libérales. Ceux qui la trahissent sont l'objet d'opprobre. Si vous voulez vous en convaincre, je vous
recommande la lecture du livre fondamental d'Alain Peyrefitte : La Société de Confiance.
L'homme obtiendra des résultats d'autant meilleurs qu'il fera
plus d'efforts et utilisera mieux sa raison. C'est la seule source
d'inégalité cohérente avec la morale libérale. La morale
libérale ne tolère pas l'inégalité devant la loi, quelles
qu'en soient ses formes - l'esclavage, les castes, les privilèges -
parce que ces inégalités sont obtenues par la coercition
exercée par le pouvoir. Il faut que vous vous pénétriez bien
de cette vérité historique : en France l'esclavage a été aboli une
première fois en 1794 sous la pression inlassable de
Condorcet, l'Abbé Grégoire, et La Fayette, qui étaient tous
des libéraux. Rétabli par Napoléon, il a de nouveau été aboli en 1848
grâce aux efforts non moins inlassables d'autres libéraux,
en l'occurrence Tocqueville, Montalembert, et Victor
Schoelcher.
Les interactions volontaires avec les autres permettent à
l'individu d'améliorer considérablement son efficacité dans sa recherche
du bonheur par l'effort et la raison. D'abord, la
comparaison de ses résultats avec ceux des autres permet de
progresser - à condition que le jugement ne soit pas altéré par l'envie, péché capital pour un chrétien, mais
moteur de l'action socialiste.
Réciproquement, la recherche individuelle du bonheur par
l'effort et la raison engendre des conséquences extrêmement positives
pour les autres. S'il jouit de la liberté, l'homme peut créer,
inventer de nouvelles voies. Ce faisant, il enrichira aussi
les autres. La plupart des gens consomment à peu de choses près
l'équivalent de la valeur qu'ils produisent. Mais l'homme
qui produit une idée, une invention, ne reçoit qu'une infime
partie de la valeur qu'il a ajoutée au patrimoine de l'humanité, et dont
un nombre illimité de personnes
bénéficiera.
Si aucune autorité n'intervient pour lui dicter ses choix,
l'homme peut choisir le travail qu'il préfère, se spécialiser dans ce
travail, et aller aussi loin dans la voie du succès que sa
volonté et son talent le permettent. Mais à une condition : il faut que ce travail ait un intérêt pour d'autres.
C'est ce que ne comprennent pas tous ceux qui considèrent
que la Société doit leur fournir le genre de travail auquel
ils aspirent, même s'il y a déjà beaucoup trop de gens qui font ce
travail.
Quant à l'entreprise, elle meurt si elle n'est plus
durablement en mesure d'assurer à ses clients le service qu'ils
désirent. La plus grosse entreprise perd sa puissance et son influence
dès qu'elle perd ses clients. Le profit va donc seulement à celui qui a compris ce que veulent les autres. Il n'en est pas de même pour les activités de l'Etat, qui ne
connaissent aucune sanction.
Les théories de gauche et de la pseudo droite sur
l'entreprise, généralement conçues et propagées par des gens qui n'ont
jamais mis les pieds dans une entreprise, partent de l'idée qu'il
existe une opposition irréductible entre les intérêts des
travailleurs et ceux des patrons. Il n'y a rien de plus contraire à la
réalité, au moins dans un marché libre. Car dans un marché
libre, il n'y a pas de chômage permanent, et les patrons sont
en concurrence les uns avec les autres pour attirer les meilleurs
salariés. Et même en situation de sous emploi, les patrons
conscients, qui pensent d'abord à la pérennité de leur
entreprise avant même de penser au profit, savent qu'une entreprise ne
peut être efficace que si les travailleurs s'y sentent bien. La
préoccupation majeure de tout bon manager,
est de faire en sorte que ce soit le cas. C'est très difficile, car
chacun de nous croit volontiers que ses mérites ne sont
jamais suffisamment reconnus, et les syndicats nous
encouragent à le penser. Dans l'entreprise privée, on y parvient
pourtant, puisqu'il n'y a que 5% de syndiqués, et il n'est pas rare de
voir les syndicalistes eux-mêmes demander discrètement une
place dans l'entreprise pour leurs enfants. Bien entendu, il y a des
mauvais chefs d'entreprise, mais en moins grand nombre que ne
le laisseraient croire le cinéma et la presse - qui sont à 80%
au mains des gauchos - et s'il y en a peu, c'est pour une raison bien
simple : les mauvais chefs d'entreprise ne survivent pas
longtemps.
J'ai découvert un jour dans les archives du groupe Peugeot un petit livre datant de 1894
intitulé "Institutions patronales de la maison Les Fils de Peugeot
Frères". Ce
livre avait donc plus d'un siècle. Il contenait de manière
très claire et très lisible les comptes des différentes institutions
suivantes :
- une caisse de retraite
- deux sociétés de secours mutuels (une par usine)
- deux sociétés d'appui mutuel en cas de décès
- une caisse d'assurance contre les accidents
- des logements ouvriers
- trois écoles
- deux cercles ouvriers
- un hôpital
J'ai vainement cherché dans notre Sécurité Sociale totalitaire
s'il existait des avantages que n'avaient pas déjà les salariés de la
maison Peugeot. Je n'en ai trouvé aucun. En revanche
j'ai trouvé trois avantages qu'avaient sur nous ces salariés
il y a plus d'un siècle :
- leur participation n'était que de 5,5% du salaire, le reste étant couvert par l'entreprise
- bien que la part patronale fut très supérieure, la gestion était paritaire
- tous les salariés recevaient ce petit livre, clair, lisible et précis.
Et ce petit livre se terminait ainsi :
"Les ouvriers de la Maison "Les Fils de Peugeot frères" ne se
sont jamais mis en grève et une entente parfaite a toujours existé entre
les patrons et les ouvriers"
"Un grand nombre de familles sont occupées dans les usines depuis 3 générations"
J'ai découvert depuis que les Peugeot n'étaient pas les seuls.
D'autres grandes familles industrielles, notamment les Michelin,
avaient des institutions comparables.
Ce pan d'histoire a été masqué par la propagande gauchiste, ou tourné en dérision sous le vocable de "paternalisme".
Je ne peux pas m'étendre aussi longuement sur chacune des
conquêtes sociales du libéralisme que je viens de le faire pour
celle-ci, car je dépasserais très largement le temps pourtant
raisonnable qui m'est imparti. Je me contenterai de les
résumer brièvement.
Dès 1803, Jean-Baptiste Say déplorait le travail répétitif. Il
pensait qu'il fallait donner plus d'initiative aux ouvriers, et se
faisait pour cela l'apôtre de l'instruction primaire
obligatoire, loi défendue par les libéraux et combattue par
les marxistes avec Jules Guesde, qui y voyait une façon pour les
capitalistes de se procurer une main d'œuvre plus rentable!
La loi du 28 mars 1841 interdisant le travail des enfants de
moins de 8 ans et limitant celui des enfants de 8 à 12 ans fut
introduite à la Chambre par des libéraux. Le rapporteur était
Charles Dupin.
Le 17 novembre 1849, à l'Assemblée, Frédéric Bastiat, dans un
discours très documenté, et très émouvant, soutint un amendement destiné
à autoriser les syndicats ouvriers et la grève, la
grève sans violence bien entendu. Il ne fut pas entendu.
Il faudra attendre la loi de 1864, pour que soit reconnu le
droit de grève. Cette loi a été promulguée par Napoléon III sous
l'influence du libéral Emile Ollivier, premier ministre et
ministre de la justice. Il faudra attendre vingt ans de plus
pour que devienne légale l'existence des syndicats. Une loi avait été
déposée en ce sens dès 1876 par le député libéral Edouard
Lockroy. Mais elle fut combattue pendant 8 ans par les
socialistes. Poussée par le ministre de l'intérieur libéral Waldeck
Rousseau, elle devint la loi du 21 mars 1884. Mais quand en 1900
et 1901 Waldeck Rousseau, devenu président du conseil, tenta
de l'étendre en accordant la personnalité civile aux unions de
syndicats, il se heurta à l'opposition des socialistes.
Le 2 juillet 1906, le député libéral Gaston Doumergue déposa
un projet de loi autorisant la création de conventions collectives. Le
congrès de la CGT prit parti contre cette
proposition.
A partir de 1908, c'est encore sous l'impulsion des libéraux
que furent créées les premières caisses d'épargne. Comme elles étaient
privées, elles ne rencontrèrent que sarcasmes de la part
des socialistes.
Les socialistes, eux aussi, prétendent être motivés par une
morale. Mais il y a une immense différence entre leur morale et la
nôtre, sur laquelle je voudrais attirer votre attention. La
morale libérale, comme la morale chrétienne, avec laquelle
elle se confond d'ailleurs partiellement, s'adresse à l'individu. Elle s'adresse à l'individu
pour lui faire
assumer la responsabilité de ses actes, et ce faisant assurer
la liberté de son prochain. La morale socialiste, elle, proclame certes
qu'elle veut le bien de l'individu, mais elle
ne cherche à établir ce bien que par l'intermédiaire de l'Etat et de ses lois, c'est à dire par la coercition. Le socialisme et ses avatars définissent ce bien a priori, ils
l'inculquent aux enfants par l'éducation, et ils l'imposent par la gestion étatique de toutes les activités humaines.
Ce culte de L'Etat par des gens qui comprennent beaucoup
d'intellectuels, c'est à dire des gens qui sont censés observer et
réfléchir, a toujours été pour moi une source d'étonnement. Je
veux bien qu'il faille une bonne connaissance des mécanismes
économiques - qui n'est guère enseignée par l'Education Nationale - pour
comprendre tout le mal que fait l'Etat à l'économie.
Mais sur le plan social, qui est celui de cet exposé, il n'y a
pas besoin d'être très savant pour constater que toutes les horreurs
que l'on
trouve dans l'actualité et les livres d'histoire sont le fait
des Etats : les guerres, les massacres, les déplacements de population,
les camps de concentration, les destructions, les
enlèvements, les procès truqués, les détentions arbitraires,
les tortures, les famines, les persécutions, les confiscations. C'est à
chaque siècle et en de multiples endroits que ce culte
de l'Etat aboutit aux mêmes dérives abjectes, comme la Terreur
en France, le National Socialisme -c'est à dire le nazisme - en
Allemagne, ou les exterminations méthodiques opérées au sein
de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques.
Les libéraux, eux, en sont conscients, et c'est pour cela
qu'ils ont toujours cherché à limiter le pouvoir des Etats. Ce sont eux
qui ont inventé le principe de séparation des pouvoirs, si
difficile à mettre en œuvre, même dans notre vieille
démocratie. Ce sont eux qui ont inventé la Déclaration des Droits de
l'Homme de 1789 pour protéger les individus contre l'Etat.
Mais le libéral est conscient que si l'homme peut acquérir des
biens par l'effort et la raison, il peut aussi les acquérir aux dépens
des autres par la ruse ou par la force. Le libéral
accepte donc comme un moindre mal une autorité dont la seule
vocation serait précisément de faire respecter les droits individuels.
En pratique cela veut dire un Etat limité aux seules
fonctions dites "régaliennes" : la Justice, la Police, et la
Défense Nationale, ce qui implique une Diplomatie. Toutes les autres
fonctions sont mieux accomplies par la libre association
d'individus.
Les deux concepts de la morale socialiste dont on entend le
plus parler sont l'égalité et la solidarité. Je voudrais vous montrer à
quel point ces idéaux, a priori édifiants, sont dévoyés
par les mécanismes même du socialisme.
L'égalité.
Le libéral combat les inégalités vraiment injustes, c'est à dire celles
qui profitent aux hommes politiques et aux fonctionnaires, et les
inégalités qui
résultent du vol ou de la coercition, qui sont souvent le fait
de l'Etat, ou le fait que l'Etat ne fait pas son travail. Le
socialiste, lui, recherche l'égalité de résultat, et c'est ainsi
que dans ce pays tout est fait pour encourager celui qui ne
veut rien faire, et tout est fait pour mettre des bâtons dans les roues à
celui qui entreprend. C'est ainsi que l'Education
Nationale, n'ayant pas réussi à uniformiser les résultats des
élèves par le haut, s'est résigné à les uniformiser par le bas.
Je vous le demande, n'est-il pas profondément injuste de
récompenser de la même façon le paresseux et celui qui se donne du mal?
Celui qui fait n'importe quoi et celui qui réfléchit?
La solidarité.
Pour le libéral, la solidarité, la sollicitude vis à vis de ses
semblables, sont des vertus individuelles qui s'exercent directement ou
au moyen de libres
associations. La solidarité qui s'exerce par exemple dans les
petites communautés, villages, quartiers, lieux de travail, où les gens
se connaissent et s'impliquent. L'étude historique des
sources de l'aide aux déshérités, montre qu'elle était plus
importante, en pourcentage du niveau de vie moyen, lorsqu'elle était
privée que depuis qu'elle est publique. On se doute qu'elle
était aussi plus souplement adaptée aux besoins réels des
individus et qu'elle laissait moins de place aux gaspillages et à la
corruption. Je voudrais vous lire à ce sujet quelques lignes
de Frédéric Bastiat sur les sociétés de secours mutuels.
"Les sociétés de secours mutuels,
[sont une] institution admirable, née des entrailles de l'humanité,
longtemps avant le nom même de Socialisme. Il serait difficile de dire
quel
est l'inventeur de cette combinaison...Toujours est-il que
j'ai vu surgir spontanément des sociétés de secours mutuel, il y a plus
de vingt cinq ans parmi les ouvriers et les artisans les
plus dénués, dans les villages les plus pauvres du département
des Landes (écrit en 1848).
Dans toutes les localités où elles existent, elles ont fait un
bien immense. Les associés ... sentent tous leur dépendance réciproque,
l'utilité dont ils sont les uns pour les autres; ils
comprennent à quel point le bien et le mal de chaque individu
ou de chaque profession deviennent le bien et le mal communs...
Ce qui a fait jusqu'ici le succès de ces sociétés, - succès
lent, à la vérité, comme tout ce qui concerne les masses, - c'est la
liberté, et cela s'explique...
Leur écueil naturel est dans le déplacement de la
Responsabilité. Ce n'est jamais sans créer pour l'avenir de grands
dangers et de grandes difficultés, qu'on soustrait l'individu aux
conséquences de ses propres actes. Le jour où tous les
citoyens diraient : "nous nous cotisons pour venir en aide à ceux qui ne
peuvent travailler ou ne trouvent pas d'ouvrage," il serait à
craindre qu'on ne vit se développer, à un point dangereux, le
penchant naturel de l'homme vers l'inertie, et que bientôt les laborieux
ne fussent réduits à être les dupes des paresseux. Les
secours mutuels impliquent donc une mutuelle surveillance,
sans laquelle le fonds des secours serait bientôt épuisé. Cette
surveillance réciproque, qui est pour l'association une garantie
d'existence, pour chaque associé une certitude qu'il ne joue
pas le rôle de dupe, fait en outre la vraie moralité de l'institution.
Grâce à elle, on voit disparaître peu à peu l'ivrognerie
et la débauche, car quel droit aurait au secours de la caisse
commune un homme à qui l'on pourrait prouver qu'il s'est volontairement
attiré la maladie et le chômage, par sa faute, et par
suite d'habitudes vicieuses? C'est cette surveillance, qui
rétablit la Responsabilité, dont l'association, par elle même, tendait à
affaiblir le ressort.
Or, pour que cette surveillance ait lieu et porte ses fruits,
il faut que les sociétés de secours soient libres, circonscrites,
maîtresses de leurs statuts comme de leur fonds. Il faut
qu'elles puissent faire plier leurs règlements aux exigences
de chaque localité."
Voila comment les libéraux conçoivent la solidarité, mais les
socialistes baptisent cela "charité", et tournent le concept en dérision
comme ils ont tourné le paternalisme en dérision. Pour
eux, la solidarité consiste à faire redistribuer par l'Etat de
l'argent pris à d'autres. Cela n'a évidemment aucune valeur morale mais
donne bonne conscience. Pourquoi venir en aide
directement à son prochain, lorsqu'on a déjà payé l'Etat pour
le faire?
En pratique, l'Etat tue la compassion. Mais cette fausse
solidarité permet de faire mousser les hommes au pouvoir. En réalité,
elle est devenue au fil des ans une toile d'araignée si
complexe que personne ne la maîtrise plus, et elle laisse par
conséquent le champ libre à toutes sortes d'iniquités, de gaspillage, et
de corruption. Cela est encore plus vrai lorsque cette
pseudo solidarité est exercée par des Etats par
l'intermédiaire d'autres Etats. Que l'on ait besoin de rappeler de
telles évidences en dit long sur le degré de pénétration de la pensée
gauchiste.
En conclusion, le libéralisme s'intéresse à l'individu plus
qu'à la société. Il considère que la société n'est qu'un ensemble
d'individus libres et responsables, et que tout ce que chacun
de nous fait pour les autres, il le fait librement, soit par
raison, soit par inclination.
Les socialistes et leurs différents avatars, au contraire,
mettent la société au dessus de l'individu. Pour eux, l'individu est une
espèce d'animal sacrificiel qui ne compte pas devant la
société. Ils la voient comme ayant une vie indépendante des
éléments qui la constituent, ces éléments étant eux-mêmes des entités
abstraites sans grande importance.
Quant aux hommes de pouvoir, tous les hommes de pouvoir, ceux
de droite comme ceux de gauche, ils se donnent pour fonction de diriger
la société, et toute action individuelle est pour eux
potentiellement déviante et donc dangereuse.
Mais comme on ne peut convaincre, comme on ne peut diriger,
sans un substratum moral minimum, les intellectuels de gauche et les
hommes de pouvoir, qui ont les uns et les autres une
mentalité de prédateurs, se sont accaparés la morale comme ils
accaparent tout le reste. Leur méthode est simple : il leur suffit de
faire passer pour égoïste tout individu qui ose penser
tout seul, pour exploiteur tout individu qui ose entreprendre,
et pour ennemi du peuple tout individu qui met ses intérêts avant ceux
de l'Etat. Ils prétendent qu'eux seuls possèdent les
vertus d'altruisme et de solidarité.
Tant que vous n'aurez pas assimilé cela, vous serez à la merci
des intellectuels de gauche, et vous serez à la merci des hommes de
pouvoir de toutes tendances. Si nous, les libéraux, nous
voulons sortir du ghetto où nous sommes, il nous faut nous
battre sur le terrain de la morale, il nous faut récupérer la morale
qu'on nous a volée. Les libéraux adorent les raisonnements
économiques et dédaignent le combat politique. Mais les
raisonnements ennuient la plupart des gens. En revanche beaucoup de gens
sont prêts à se battre, voire à mourir, pour des principes
moraux. Ces principes sont universels. Ce sont les quatre
principes du décalogue relatifs à la vie en société : tu ne tueras
point, tu ne voleras point, tu ne mentiras point, tu n'envieras
point ce qui appartient à ton prochain, ainsi que le principe
ajouté par le nouveau testament : "aimez et respectez votre prochain
individu par individu" - je le formule à ma manière, mais
j'en respecte le sens . Or le communisme tue, les
gouvernements volent et mentent, les socialistes font reposer toute leur
action sur l'envie, et tous ces gens confondent l'amour du
prochain avec les faveurs accordées à tel ou tel groupe
d'électeurs.
J'espère vous avoir démontré que les vrais libéraux, eux,
respectent les principes moraux de notre civilisation chrétienne.