mai 02, 2021

Crise identitaire ! Identitarisme !

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Al, 

 

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Merci

 


 

SOMMAIRE:

- A) «Les identitaristes ont fait voler en éclat le récit commun de l’humanité» avec Perrine Simon-       Nahum  de

- B) La Dérive identitariste avec Jean Bernabé;  de Jean Derive Paris, L’Harmattan, 2016, 201 p

- C)  « L'identitarisme condamne ses fidèles à une aliénation perpétuelle »de Laurent Dubreuil. Propos recueillis par Source Le Point

 


  A) «Les identitaristes ont fait voler en éclat le récit commun de l’humanité» avec Perrine Simon-       Nahum

Dans «  Les Déraisons modernes  », la philosophe Perrine Simon-Nahum s’élève contre les nouveaux mythes qui retirent à l’homme sa capacité à s’inscrire dans l’Histoire. Collapsologie, «  guerre des identités  », théories décoloniales enferment bien davantage qu’elles ne libèrent, analyse-t-elle, appelant ses concitoyens et, plus largement les démocraties, à «  se faire confiance  ».

«  Nous avons cessé de nous faire confiance  », regrettez-vous, en dénonçant une pseudo «  vision vertueuse du monde  », porteuse en fait d’«  un puissant nihilisme  ». Est-ce une dimension essentielle de l’époque actuelle ?

Essentielle car cette confiance est ce qui permet à l’individu de relier la vision qu’il a de lui-même, de ses relations aux autres, à ce que le monde peut lui apporter et à ce qu’il peut, lui, apporter en retour au monde. Plus largement, nos démocraties souffrent de ce manque de confiance, car elles ont cessé de reposer sur le partage d’éléments objectifs.

Autre idée-force de votre livre : l’importance de «  l’individu historique  ».

Nous sommes arrivés aujourd’hui, dans le domaine de la pensée, à l’épuisement des philosophies qui remettaient en cause l’idée de «  sujet  ». Il ne s’agit évidemment pas de revenir à l’idée d’un individu «  maître de la nature  » mais de considérer l’homme du point de vue de sa condition historique, comme à la fois héritier et acteur de sa propre histoire. Seul cela nous permettra de sortir de la mélancolie de notre époque, du sentiment que nous sommes les héritiers d’un monde qui a failli, face aux victimes de toutes sortes ou lors des massacres qui ont ponctué le XXe siècle.

Cette «  guerre des identités  », importée des Etats-Unis, a-t-elle gagné en France ?

Elle tend aujourd’hui à se diffuser aussi bien dans les médias que sur les bancs de l’université ou dans l’opinion. Son pouvoir de séduction est grand dans la mesure où d’une part, elle offre une vision du monde simpliste et d’autre part, elle s’impose à travers la violence des discours.

«  L’idée même selon laquelle on appartient à une identité, à un groupe est une idée réactionnaire dans la mesure où elle interdit le fait d’en sortir, voire de la subvertir de l’intérieur. Quand cette identité est érigée contre d’autres, elle devient xénophobe ou raciste  »

Ne participe-t-elle pas, au contraire, à la confrontation des idées ?

Je ne pense pas et ce, pour deux raisons. D’une part, parce qu’elle entretient une désorientation des individus qu’elle considère uniquement comme des victimes. C’est le cas des thèses décoloniales, des théories du genre ou du «  queer  » qui, à l’origine, se voulaient émancipatrices et sont aujourd’hui liberticides car elles enferment les gens dans une identité. En sortir revient à leurs yeux à trahir sa communauté d’origine. D’autre part, parce que les formes qu’elle emploie sont des formes violentes, guerrières qui dressent les gens les uns contre les autres.

Vous citez les propos de Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la République, («  J’appartiens à ma famille, à mon clan, à mon quartier, à ma race…  ») et les rapprochez de ceux du Front national. Une illustration, selon vous, de «  la jonction inattendue entre les récits fondamentalistes et réactionnaires  » ?

L’idée même selon laquelle on appartient à une identité, à un groupe est une idée réactionnaire dans la mesure où elle interdit le fait d’en sortir, voire de la subvertir de l’intérieur. Quand cette identité est érigée contre d’autres, elle devient xénophobe ou raciste, comme dans le cas du racisme anti-blanc d’Houria Bouteldja.

Vous vous élevez contre les «  théories collapsologiques  ». Mais comment les jeunes générations ne seraient-elles pas sensibles au discours de Greta Thunberg demandant à leurs aînés de rendre des comptes sur l’état de la planète ?

Est-ce une analyse juste ? Pourquoi toujours être dans l’accusation ? On n’en finit pas de remonter la chaîne des responsabilités sans savoir d’ailleurs qui exactement incriminer. Pourquoi ne pas célébrer dans le même temps les progrès que nous accomplissons comme la découverte de vaccins anti-Covid en moins d’une année ? Chaque génération doit prendre sa part dans le monde à sa mesure. Aux jeunes de s’engager dans le sens qui leur paraîtra positif. Accuser les autres est une position facile. Elle évite de faire soi-même des choix.

«  Que sont les relations humaines, sinon des relations où chacun se frotte aux autres pour le meilleur et pour le pire ? Les relations, nous le savons, ne vont jamais dans un sens. Nous aimons, nous nous séparons. Nous naissons, nous mourons. C’est le sens même de la vie​  »

Plus généralement, le politologue Jérôme Fourquet jugeait récemment dans l’Opinion que l’incompréhension entre les générations, phénomène connu, est accentuée aujourd’hui par le fait que les plus jeunes sont totalement sortis du «  référentiel judéo-chrétien  ». Une analyse que vous partagez ?

Les référentiels changent en fonction des générations. Mais là où son analyse se vérifie, c’est qu’en nous excluant de l’histoire comme elles le font depuis trente ans, les pensées effondristes ou les identitaristes ont fait voler en éclat le récit commun de l’humanité, celui qui permet à la fois de se reconnaître des héritages mais aussi de les critiquer et d’ouvrir sur un autre avenir.

Les attentats puis la Covid ont, dites-vous, développé la culture américaine du «  safety system  ». A défaut d’être à l’abri nulle part, il faudrait pouvoir se préserver de toute agression psychologique dans la vie quotidienne…

Cette tendance s’est radicalisée avec la culture «  woke  » où les individus sont mis dans des «  bulles  », en situation de quasi-isolement afin de ne pas se sentir «  agressés  ». C’est le comble des dérives identitaires. Que sont les relations humaines, sinon des relations où chacun se frotte aux autres pour le meilleur et pour le pire ? Les relations, nous le savons, ne vont jamais dans un sens. Nous aimons, nous nous séparons. Nous naissons, nous mourons. C’est le sens même de la vie.

Doit-on organiser un hommage aux victimes de la Covid ?

Il faudra du temps pour prendre la mesure de l’événement. Et si l’on décide de commémorer, que faudra-t-il commémorer ? Sous quel prétexte ? La dette d’une société qui n’aura pas su préserver ses citoyens d’une mort possible ? Cette commémoration sera-t-elle une forme de repentance, celle de gouvernements qui n’auront pas su prévoir la pandémie ? Mieux vaut en tirer des leçons pour l’avenir et comprendre l’importance qu’il y a à anticiper et, pour cela, à investir dans la matière grise, la recherche. Evitons le culte d’une mémoire mortifère, même si les morts ne doivent pas être oubliés.

«  Je comprends la colère de la communauté juive dans l’affaire Sarah Halimi mais elle s’exerce à mauvais escient (..). On confond justice, politique et opinion.  »

L’histoire, son enseignement, est au centre de controverses aujourd’hui. Faut-il revenir au «  roman national  » ? Au contraire, « d’une certaine manière déconstruire notre propre histoire », comme l’a dit récemment Emmanuel Macron à la chaîne américaine CBS ?

Revenir au roman national n’a pas de sens. Par ailleurs, si le président avait à l’esprit la possibilité pour les Français de se reconnaître dans un récit multiple et partageable, c’est une bonne chose. L’histoire n’est pas un récit mono causal du passé. Elle n’aboutit pas à l’expression d’une vérité unique mais elle n’est pas non plus relativiste. Comme le disait Raymond Aron, elle est plurielle et pluraliste. Tel est le but de ce qu’on a coutume d’appeler aujourd’hui « l’histoire globale » quand elle n’est pas idéologique.

Vous êtes l’auteure de «  Les Juifs et la modernité  » (Albin Michel, 2018). L’arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire Sarah Halimi vous choque-t-il ?

Il ne me choque pas et ne doit pas le faire car comme citoyenne française et juive, et en dépit des leçons de l’histoire, je crois aux institutions. Je plaide même pour elles dans mon ouvrage. Il faut se garder en l’espèce de confondre la justice et le sentiment de justice. Je comprends la colère de la communauté juive, mais elle s’exerce à mauvais escient même si on doit bien entendu prendre en compte les sentiments de la famille de Sarah Halimi. On confond justice, politique et opinion. Si le pouvoir politique veut intervenir, c’est là qu’il doit le faire, en cessant d’euphémiser les discours, en appelant un « chat » un « chat ». Nos institutions meurent de la lâcheté des politiques qui rangent dans les tiroirs le rapport Obin (sur les atteintes à la laïcité à l’école) et désignent les immigrés comme des victimes au lieu de les intégrer dans le paysage national.

La «  Lettre des généraux  » qui appelle à une «  intervention de l’armée  » pour mettre fin au «  délitement  » du pays est approuvée par 58 % des Français (sondage Harris Interactive/LCI). Que cela vous inspire-t-il ?

Là encore, chaque institution doit rester à sa place et on ne peut que s’inquiéter, à l’horizon de la présidentielle de 2022, de voir les Français appeler de leurs vœux la venue au pouvoir d’un homme fort. Cela prouve qu’ils ont oublié l’histoire.

 

 Source: L'Opinion





B) La Dérive identitariste avec Jean Bernabé

Pour le linguiste cognitiviste qu’est Jean Bernabé, le langage n’est pas qu’un outil de communication qui sert à rendre compte d’un rapport cognitif au monde que nous aurions a priori et dont il ne serait qu’un effet actualisé. Il est, ainsi que l’ont montré par ailleurs les ethnolinguistes, le cadre transcendantal – au sens kantien du terme – à l’intérieur duquel s’inscrit nécessairement notre système cognitif façonné par sa structure même. Si bien que les dérives linguistiques sont toujours des dérives cognitives qui entretiennent entre elles un rapport dialectique, dans la mesure où l’être humain pense « tout en étant aussi “pensé” par son inconscient », selon un mécanisme de relations théorisé par Lacan sous le sigle RSI (réel/symbolique/imaginaire).

À partir de ces prémisses, l’auteur, convoquant à la fois la linguistique, la philosophie et la psychanalyse, examine l’emploi qui est fait aujourd’hui du concept d’identité dans l’usage social courant, en particulier dans les médias, pour y relever une série de glissements dommageables susceptibles de conduire aux pires dérives identitaristes (idéologie revendiquant pour les peuples et communautés une identité supposée essentielle et immuable), avec ses corrélats bien connus que sont le chauvinisme, le racisme, le communautarisme, la xénophobie qui nourrissent la plupart des conflits dans le monde.

 Le premier chapitre de l’ouvrage pose les bases théoriques de la thèse défendue par Jean Bernabé. Constatant que l’identitarisme est généralement combattu à partir d’une posture moralisatrice peu efficace (idéologie contre idéologie), l’auteur entend se situer sur un autre plan, celui d’une analyse rationnelle des concepts véhiculés par la langue. Partant d’une démarche résolument étymologique, ce qui est logique de son point de vue puisque, dans une perspective cognitiviste, l’histoire de l’évolution des concepts ne peut être retracée qu’à partir d’une source linguistique, il s’appuie sur la distinction faite par Paul Ricœur dans Soi-même comme un autre1, entre les termes latins ipse et idem pour mieux définir les contours du concept d’identité qui, dans ses usages, peut renvoyer tantôt à l’un tantôt à l’autre avec toutes les ambiguïtés découlant de cette double valeur sémantique.

Une telle distinction a conduit le philosophe à créer deux néologismes discriminants, tous deux impliqués dans le concept d’identité, celui d’ipséité et celui de mêmeté, auxquels Jean Bernabé associe respectivement les propriétés d’évolution et d’impermanence, d’une part, et d’invariance et de permanence, d’autre part. Pour lui, le noyau même du concept d’identité ressortit à celui de mêmeté. Il ne saurait par conséquent s’appliquer à des entités collectives par nature plurielles et donc diverses au sein même de l’ensemble qui en réunit les unités individuelles au nom d’un certain nombre de propriétés communes. L’histoire nous montre en outre, de façon évidente, que les cultures de ces communautés ne sont pas des essences immuables et qu’elles sont soumises à évolution. Tout au plus, pour rendre compte de ce qu’elles peuvent avoir de particulier à un instant « t » de l’histoire, peut-on parler à leur propos de spécificité, état ethnoculturel qui est quant à lui variable en fonction des aléas de l’histoire. Dans la mesure où l’analyse de Jean Bernabé accorde une importance capitale à l’étymologie, le terme n’est pas choisi au hasard puisque ce substantif, de par son origine latine, renvoie au concept d’espèce et non à celui d’individu. 

À partir de cette distinction fondamentale entre ipséité et mêmeté, Jean Bernabé explore toute une série de paires oppositionnelles qui lui sont implicitement subordonnées, telles que virtuel/actuel, abstrait/concret, matériel/immatériel, idéalisme/matérialisme, intrinsèque/extrinsèque, transcendance/immanence, absolu/relatif, essentialisation/réification (…) dont les emplois pervertis ou la confusion dans les usages qui en sont faits viennent complexifier encore les amalgames inhérents au concept d’identité.

Après ces considérations théoriques, les chapitres suivants sont surtout des chapitres d’illustration. L’auteur commence par explorer tous les domaines de la vie sociale où, faute de la clarification conceptuelle exposée dans le chapitre I, l’utilisation abusive du terme identité appliqué à des collectivités favorise une dérive « essentialiste » laissant entendre que des communautés auraient de toute éternité une identité en soi, portée par leur langue, leur religion, leur régime politique, leurs coutumes, voire leur prétendu déterminisme racial…

Puis, il se fait un plaisir de recenser et d’analyser un grand nombre d’exemples médiatiques qui, en parlant d’identité collective à propos de groupes, déterminés par leur appartenance biologique (en particulier sexuelle), géoculturelle, religieuse etc., font le lit de l’identitarisme. Ces exemples concernent non seulement ceux qui sont en toute conscience d’idéologie « identitariste », dans le sens sectaire du terme, mais aussi – et c’est peut-être là le plus intéressant – les militants anti-identitaristes qui ont une conception ouverte et plurielle d’une identité conçue comme collective. En ayant recours en toute bonne foi à ce concept d’identité collective, utilisé de façon positive comme vecteur d’enrichissement entre les peuples, en lieu et place de celui de spécificité ethnoculturelle, ils n’en accréditent pas moins, selon Jean Bernabé, une interprétation de l’identité propice à une dérive essentialiste. En toute honnêteté, l’auteur ne néglige d’ailleurs pas de faire sa propre autocritique à propos de l’ouvrage dont il est le co-auteur (avec Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant) : Éloge de la créolité2. Il se fait à lui-même le reproche de ne pas avoir été assez vigilant à l’époque, tombant dans le travers qu’il dénonce aujourd’hui quant à l’usage du terme « identité ».

Passant en revue les positions d’un certain nombre de journalistes, d’hommes politiques, d’écrivains et d’intellectuels, il montre qu’avec la meilleure volonté, la plupart adoptent sur cette question une position qui est loin d’être totalement clarifiée. Deux exceptions notables : le socio-anthropologue Edgar Morin3 et le philosophe Michel Serres4, à propos desquels Jean Bernabé souligne, citations à l’appui, la proximité de leurs thèses avec les siennes qu’il développe encore plus radicalement.

L’auteur étant antillais, rien d’étonnant à ce que son dernier chapitre, sous le titre « Les avatars de la domination coloniale et la formation des spécificités guadeloupéenne, guyanaise et martiniquaise », traite le sujet abordé tout au long de l’ouvrage en se focalisant sur cet ensemble géopolitique où l’histoire a rendu cette question particulièrement brûlante et complexe.

Dans sa conclusion, Jean Bernabé propose logiquement, compte tenu de ses analyses précédentes, de remplacer l’expression « identité des peuples », qui fait aujourd’hui florès mais dont il a démontré l’ambiguïté dangereuse, par celles, à ses yeux plus adéquates, de « spécificité ethnoculturelle » ou de « singularité des peuples ». Cette modification linguistique, pour ne pas rester une question de mots sans incidence sociopolitique, devra s’appuyer sur une conscience historique qui, des pérégrinations de l’Homo sapiens aux migrations contemporaines consécutives aux impérialismes et néocolonialismes de tout poil, questionne en permanence ces spécificités et met en lumière la relativité, à l’inverse exact d’une catégorie essentielle. L’auteur avance l’hypothèse que cette illusion de l’essentialité identitaire des peuples, entraînant une confusion entre « identité », qualité propre à un individu, et « spécificité », propriété des groupes humains, remonterait probablement à une époque où, la mondialisation des échanges étant moins répandue et moins rapide qu’aujourd’hui, une relative autarcie des sociétés rendait leur évolution peu perceptible. Ce n’est évidemment plus le cas de nos jours où la confrontation brutale de cultures très différentes favorise la méfiance de l’Autre et les replis communautaires. L’éducation doit jouer un rôle capital pour combattre ce phénomène, non pas seulement au nom d’une posture moralisatrice, mais par un cheminement « vers une meilleure compréhension du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique [la trilogie lacanienne], registres constituant l’ontologie au niveau de la vie quotidienne des peuples » (p. 173).

L’ouvrage est précédé d’une préface de Jean-Rémi Lapaire, professeur de linguistique cognitive à l’Université Bordeaux-Montaigne, qui montre la pertinence d’une approche de la question sous l’angle de la linguistique cognitive. Il est également enrichi de trois textes en appendice qui font chacun écho aux réflexions de Jean Bernabé. Dans les deux premiers, Robert Saé et Maurice Laouchez, tous deux membres du collectif Kolétetkolézépol, examinent la portée des thèses avancées à la lumière du combat pour l’émancipation des peuples colonisés, notamment dans le monde caraïbe. Jean-Luc Bonniol, anthropologue et historien, professeur émérite de l’Université d’Aix-Marseille, signe le troisième, dans lequel il propose quelques réflexions pour éclairer la naissance de l’illusion essentialiste associée au terme d’identité, concomitante de sa récente fortune dans le langage politique. Cette analyse est particulièrement intéressante car elle ne se contente pas de valider les propositions de l’auteur de l’ouvrage, elle les complète par une réflexion personnelle, nourrie de celle d’autres anthropologues et sociologues, sur la polysémie du terme « identité » envisagée sous un angle relativement peu développé par Jean Bernabé.

Au terme de la lecture de cet ouvrage, se posent deux questions, celle de la cohérence de la démarche et celle de son efficacité sociale dans la mesure où il se veut militant.

Pour ce qui est du premier point, on ne peut que constater la cohérence interne de la démonstration à partir du moment où l’on accepte les prémisses du raisonnement : si l’on admet avec l’auteur que le terme identité formé sur le mot latin idem auquel il doit sa morphologie, relève de la catégorie ontologique de l’« essentiel » et désigne une propriété immuable de l’individu qui demeure quels que soient les changements que son histoire peut lui faire subir (la mêmeté de Ricœur), il est certain que son usage ne peut effectivement s’appliquer qu’à des entités individuelles et est à bannir pour ce qui est des groupes aux individualités diverses, soumis aux aléas de l’histoire et à propos desquels l’idée de conscience collective n’est qu’une métaphore. Parler à leur propos d’identité collective est un abus de langage conduisant aux dérives essentialistes de l’identitarisme.

Un tel positionnement fait toutefois bon marché des différents emplois du mot idem en latin. Celui-ci ne sert pas seulement en effet à désigner la permanence de telle ou telle propriété d’une entité individuelle sur un axe diachronique où l’idée de similitude ne porte que sur une succession d’instants « identiques » les uns aux autres. Il s’emploie aussi au premier chef pour exprimer la similitude d’une entité par rapport à une autre. En ce sens, en reconnaissant différents objets comme « identiques », il renvoie à la notion d’homologie qui fonctionne bien en anthropologie en créant des typologies modales de civilisation5, ou en ayant parfois recours à la notion d’universaux de culture. Il est peut-être dommage que, dans un ouvrage dont l’objectif affiché est de traiter d’anthropologie culturelle et politique, cette voie sémantique de l’homologie véhiculée par le terme idem et son corrélat identique n’ait pas été davantage explorée à propos des contacts de culture. De son côté, le concept porté par le terme latin ipse est sans doute capable de transcender davantage l’histoire de l’individu que ne le suggère l’auteur. Ne peut-on faire l’hypothèse que ce concept est capable d’exprimer une certaine permanence dans la conscience qu’on a de soi (le self anglais), ce qui ne saurait être totalement étranger au concept d’identité vécue comme un état subjectif ?

À ce propos, on peut se demander si la proposition de Jean Bernabé de remplacer l’expression « identité des peuples » par « spécificité ethnoculturelle » relève d’une équation sémantique dont le deuxième terme correspond simplement à une façon plus juste de désigner un même référent. Pour moi, l’une et l’autre expression ne renvoient pas à la même chose. L’expression « spécificité ethnoculturelle » correspond à un point de vue de l’extérieur qui recherche l’objectivité, même si l’on sait bien que cet horizon ne peut être atteint. C’est le point de vue du scientifique, sociologue, anthropologue (etc.) qui étudie une société. La notion d’« identité culturelle des peuples », pour fantasmatique qu’elle soit, correspond en revanche à un point de vue subjectif vécu de l’intérieur : peu importe qu’il coïncide ou non avec la réalité ; on sait depuis longtemps que ce que les sociologues relèvent des comportements objectifs des groupes ne correspond que rarement au stéréotype idéel que s’en font les membres qui les composent. Il n’empêche que les deux points de vue existent et ne sont pas superposables. Parler de « spécificité ethnoculturelle » pour désigner la conscience stéréotypée et commune de leur singularité en tant que groupe qu’ont une partie significative des membres d’une communauté, n’est-ce pas justement mal nommer les choses et trahir quelque peu la citation de Camus que Jean Bernabé a mise en exergue de son chapitre I : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » ?

Si des communautés pensent avoir une identité collective faut-il, au prétexte qu’il s’agit d’une illusion dangereuse, occulter cette réalité idéelle en la bannissant du langage et en remplaçant les termes et expressions qui en rendent compte par d’autres expressions qui renvoient en fait à une autre réalité ? N’est-il pas plus salutaire d’acter le fait que ce point de vue illusoire existe et de travailler à montrer ce qu’il a de fallacieux dans sa vision essentialiste, ainsi que Jean Bernabé le fait justement très bien et utilement dans son livre, arguments linguistiques et philosophiques à l’appui. C’est pourquoi, pour ma part, plutôt que de préconiser le bannissement du mot « identité » lorsqu’il est appliqué à des groupes, je recommanderais un encadrement systématique de son emploi de la part des intellectuels et acteurs médiatiques à qui Jean Bernabé s’adresse dans son ouvrage. À eux la charge de faire comprendre, dans le sillage de Lévi-Straussque l’identité est « une sorte de foyer virtuel auquel on [peut] se référer pour expliquer certaines choses, mais qui n’a pas d’existence réelle »6 et que ce concept ne peut qu’être métaphorique lorsqu’il renvoie à des groupes.

Ces considérations n’invalident pas le principe du combat militant pour ne pas se laisser piéger par les mots et leurs dérives sémantiques entraînant des confusions cognitives. On sait qu’il s’agit d’un combat long et difficile car l’usage, surtout à notre époque de médiatisation à outrance, est souvent plus puissant que les intellectuels (linguistes, philosophes) qui entendent légiférer en la matière pour plus de cohérence. On a cependant des exemples d’actions militantes qui ont eu quelques incidences sur l’usage de certains termes, au moins dans leur emploi officiel : ainsi en va-t-il de mots comme « race » ou « schizophrène ». Cependant, la voie est étroite entre l’exigence de vérité de la démarche philosophique et les vertueuses postures du « politiquement correct ». Puisse le livre de Jean Bernabé, par la richesse et la profondeur des analyses qu’il propose, contribuer à combattre la dérive identitariste par un usage plus juste du mot « identité ».

Notes

1 Paris, Le Seuil, 1990 (« Points Essais »).

2 Paris, Gallimard, 1993 [1988].

3 Cf. Edgar Morin, La Méthode, 5. L’humanité de l’humanité : l’identité humaine, Paris, Le Seuil, 2001.

4 Cf. Michel Serres, L’Incandescent, Paris, Le Pommier, 2003 (« Essais »).

5 Cf., par exemple, Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005 (« Bibliothèque des sciences humaines »).

6 Cf. Claude Lévi-Strauss, ed., L’Identité. Séminaire interdisciplinaire, Paris, Grasset, 1977 : 322.

Pour citer ce document

Référence papier

Jean Derive, « Jean Bernabé, La Dérive identitariste », L’Homme, 222 | 2017, 159-162.

Référence électronique

Jean Derive, « Jean Bernabé, La Dérive identitariste », L’Homme [En ligne], 222 | 2017, mis en ligne le 01 juin 2017, consulté le 02 mai 2021. URL : http://journals.openedition.org/lhomme/30439 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lhomme.30439 

Auteur

Jean Derive

Du même auteur

 



 

- C)  « L'identitarisme condamne ses fidèles à une aliénation perpétuelle »

Dans « La Dictature des identités », Laurent Dubreuil pointe la dérive identitariste qui s'empare des universités américaines et gagne désormais la France.

Les Métamorphoses du poète latin Ovide interdites d'enseignement car menaçant « l'espace sécurisé » de certains étudiants ? Un plat vietnamien servi dans une cantine universitaire débouchant sur une accusation d'« appropriation culturelle » ? Des remises de diplômes en marge des cérémonies officielles et destinées aux « lavandes » (lesbiennes, gays, transgenres…) ? Bienvenue dans le joyeux monde de l'identitarisme triomphant ! Avec La Dictature des identités, Laurent Dubreuil, professeur à l'université de Cornell, revient avec humour et férocité sur les multiples revendications identitaires qui débordent les limites des seuls campus américains et sont, selon lui, autant de micro-totalitarismes en devenir. Entretien.

Le Point : Vous dénoncez dans votre ouvrage la mise en place d'un « despotisme démocratisé », qui serait désormais exercé par des minorités se réclamant d'identités multiples. N'est-ce pas un terme trop fort ?

Les Métamorphoses du poète latin Ovide interdites d'enseignement car menaçant « l'espace sécurisé » de certains étudiants ? Un plat vietnamien servi dans une cantine universitaire débouchant sur une accusation d'« appropriation culturelle » ? Des remises de diplômes en marge des cérémonies officielles et destinées aux « lavandes » (lesbiennes, gays, transgenres…) ? Bienvenue dans le joyeux monde de l'identitarisme triomphant ! Avec La Dictature des identités, Laurent Dubreuil, professeur à l'université de Cornell, revient avec humour et férocité sur les multiples revendications identitaires qui débordent les limites des seuls campus américains et sont, selon lui, autant de micro-totalitarismes en devenir. Entretien.

Le Point : Vous dénoncez dans votre ouvrage la mise en place d'un « despotisme démocratisé », qui serait désormais exercé par des minorités se réclamant d'identités multiples. N'est-ce pas un terme trop fort ?

Laurent Dubreuil : Le terme de « despotisme démocratisé » est sans doute fort. Vu les circonstances actuelles, il ne l'est hélas pas trop. Je vois dans le despotisme une pratique politique organisée qui, reposant sur l'arbitraire, la violence, l'exclusion et la censure, ne saurait remettre en cause sa propre légitimité. Le despotisme est traditionnellement le fait d'un souverain ou d'un parti. L'actuelle forme identitaire, que je dénonce, « démocratise » la dictature en la mettant au niveau de tout le monde. Dans ce régime en formation, chaque identité se fonde d'elle-même, elle se connaît et se reconnaît à des traits qui lui seraient « propres », elle ne saurait être discutée, elle jouit de droits exclusifs, y compris celui de réduire au silence celles et ceux qui ne se conforment pas à sa petite dictature. Les « réseaux sociaux », avec leurs oukases, leurs manifestations de groupe et leur verbiage soliloquant, offrent l'idéale plateforme pour l'expression coordonnée de ce que Gilles Deleuze et Félix Guattari nommaient des « micro-fascismes ».

Pour vous, la logique de victimisation et la souffrance comme marque identitaire emprisonneraient ceux qui s'en réclament. Mais un mouvement comme #MeToo a surtout eu de nombreuses vertus, non ?

Partout dans l'expérience humaine se trouvent de la souffrance et des victimes. Je n'appelle pas à faire comme s'il n'était rien de négatif. Ce que je dénonce, c'est le piège de l'identité politique contemporaine, qui finit par installer chacune et chacun dans une douleur devenant l'alpha et l'oméga de son existence. À force de définir chaque identité par une victimisation sans cesse renouvelée, on ne peut plus séparer l'oppression de ce que l'on est : renoncer à la souffrance reviendrait à se trahir. Ainsi, l'identitarisme condamne ses fidèles à une aliénation perpétuelle, éventuellement agrémentée de menus moments de vengeance, et à une reconduction d'ensemble de la domination politique, sous le couvert de « rééquilibrages ».

Il n'est pas étonnant que règne l'hypocrisie.

Le mouvement #MeToo était beaucoup de choses à la fois. Une prise de parole à l'encontre des violences sexuelles a plus d'une « vertu » (pour employer votre mot). Mais une telle parole peut être proférée sans ratifier pour autant le mythe d'une identité masculine ou l'équation entre l'expérience féminine et celle du viol. On peut en outre s'interroger sur la fausse spontanéité de la parlure électronique qui passe pour le synonyme d'un mouvement sociétal. Il est quand même intéressant que le hashtag #MeToo dise, dans l'ordre : 1) l'inscription du marquage électronique (le signe dièse) en ouverture de phrase ; 2) l'expression du moi ; 3) la redéfinition de ce moi en fonction d'une donnée qui lui préexiste et qu'il répète (« moi aussi »). La juste dénonciation de la « domination masculine » prend ainsi, via Twitter, un tout autre aspect et sert à résumer la production informatique de sujets psychiques déjà configurés selon des situations jugées cruciales.

Vous soulignez l'hypocrisie de certains théoriciens, comme Judith Butler, qui, tout en défendant une identité fluide, avec laquelle on pourrait jouer, appuient également les revendications de ceux qui se réclament d'une identité naturalisée, voire racialisée. 

Si nous sommes bien face à une dictature en voie de cristallisation, il n'est pas étonnant que règne l'hypocrisie. J'ai de nombreux collègues en ce moment qui – me témoignent-ils en privé – rejoignent mes analyses. Pourtant, ils ne seraient pas vus en public en train de critiquer le moindre aspect du dogme identitaire. Quand Judith Butler signe un texte qui condamne une jeune enseignante voulant prendre la défense des « transraces », l'auteure de Trouble dans le genre est prise la main dans le sac. Butler, qui, officiellement, présentait le queer comme alternatif à la politique d'identité, ne semble guère gênée par les idées que véhicule la pétition, et qui voudrait qu'on naisse plus ou moins transgenre, que la race (voire l'affiliation religieuse) s'hérite, etc. Le problème supplémentaire, à mon sens, tient au fait que Butler n'a en réalité jamais été aussi critique de l'identité que ce qu'elle prétendait, ainsi que je le montre dans mon livre. Je sais que ce dernier propos peut surprendre en France, où le mariage et la manif dits « pour tous » ont provoqué des querelles illusoires pour ou contre la prétendue « théorie du genre » et où Judith Butler est l'héroïne du progressisme genré. Mais je renvoie à la lecture que je livre dans La Dictature des identités et j'ajoute qu'une des causes de la difficulté présente tient à tout un ensemble de faiblesses et de complicités conceptuelles dans le système d'intellectuels comme Judith Butler.

D'après votre analyse, cette montée des revendications identitaires est indissociable de la révolution numérique et du développement des réseaux sociaux.

La politique d'identité n'a pas attendu les réseaux sociaux pour advenir. À certains égards, l'identitarisme se contente de faire revenir le pire de la politique ordinaire. Mais l'enrégimentement électronique des esprits et des discours est un phénomène qui change la donne. Le capitalisme est désormais technologique, communicationnel et mondialisé. À ce titre, ce qui passe « aux États-Unis » est instantanément transféré et multiplié sur le réseau et il n'appartient, dès lors, plus à tel ou tel pays. Bien que l'identitarisme conserve ses foyers localisés (comme le campus américain), il circule à la surface du globe, il se dissémine, il essaime. Fondamentalement, ramener la vie au connu, catégoriser les personnes, réduire le champ des possibles à des choix donnés, restreindre la création sont autant de projets en phase avec le dessein de commerce et de contrôle des technologies dominant Internet. On y utilise des algorithmes assez sales et assez frustes, qui ont besoin de schématiser toute chose : l'identitarisme est parfaitement adapté à une pareille tâche.

Trigger warnings (« avertissements »), safe space (« espace sécurisé »), cultural appropriation (« appropriation culturelle »)… Cette novlangue au service de l'identitarisme accrédite-t-elle la montée d'un despotisme d'un genre nouveau ?

La novlangue a, en effet, son côté 1984. On pourrait également citer la modification de l'allemand sous le nazisme, que le philologue Victor Klemperer avait étudiée sous l'appellation de Lingua Tertii Imperii. L'origine de nombreux termes comme safe space, micro-agression, trigger warning est à puiser dans un dialecte de l'anglais (le « globish ») qui situe assez Internet comme le lieu de provenance de la phraséologie nouvelle. Avec ces termes qui prolifèrent, on a peut-être moins affaire à un langage qu'à un codage, qu'à un cryptage : au lien de faire sens, le lexique devient une série de mots d'ordre, de commandements en vue de la production de tel ou tel comportement. Je parle dans mon livre de « sociodrones » pour toutes ces pratiques automatiques de dénonciations, d'éloges, de prohibitions en régime identitaire. La novlangue en question serait en ce sens un index d'attitudes et de discours tout faits.

Rejoindriez-vous l'analyse de votre collègue de l'université de Columbia Mark Lilla qui a reproché à cet identitarisme de fragmenter les luttes et de renoncer à des revendications communes, ce qui aurait notamment facilité la victoire de Donald Trump face aux démocrates ?

La critique de l'identitarisme comme obstacle à la « convergence des luttes » est une idée ancienne, et toujours valide. Dans le tract de 1977, qui, semble-t-il, est le plus ancien emploi écrit de l'expression identity politics, les militantes afro-américaines du groupe Combahee River mettent déjà en garde contre le risque d'une méprise et le virage vers ce qu'elles nomment le « séparatisme ». En d'autres termes, dès le début de la politique d'identité, y compris parmi les personnes qui promouvaient cette position, le péril d'une fragmentation était repéré. Dans les années 1990, lors du deuxième essor américain de la politique d'identité, la critique est formulée de nouveau, cette fois de manière extraordinairement développée. Ce débat, à l'intérieur de la gauche et de l'extrême gauche, est une raison pour laquelle on assistera à un net reflux de l'identitarisme aux États-Unis un peu avant les années 2000.

La victoire « idéologique » de Trump résulte aussi du triomphe d'une logique identitaire.

Les autres causes du ressac sont, à la même époque, l'attaque (généralement de droite) contre le « politiquement correct » et aussi cette tendance, proprement américaine, à aller si loin dans une pratique collective destructrice qu'un sentiment d'erreur s'impose. Il suffit de songer ici aux procès de Salem au XVIIe siècle, aux excès du maccarthysme, à la quasi-unanimité pour la seconde guerre en Irak, etc., qui, tous, seront ensuite reniés par la majorité, naguère enthousiaste. Cette dernière tendance sociale est l'une des rares sources d'espoir pour un avenir non identitaire, d'ailleurs. Pour en revenir à l'argumentation de Mark Lilla, elle est donc assez « habituelle ». Seulement, regardez combien elle est désormais isolée : la gauche américaine a largement abandonné la critique de l'identitarisme. En parallèle – et c'est l'une des nouveautés de la configuration présente –, la droite, à commencer par Trump, a soudain embrassé le verbiage des identités navrées. L'homme blanc hétéro, nous dit-on, est une minorité (ce qui, numériquement, est vrai), une victime, qui a des caractères inchangeables, etc. L'action politique est alors reconfigurée au nom de ces attributs, qu'un mur doit « protéger » dare-dare. La victoire « idéologique » de Trump ne résulte donc pas seulement de la « fragmentation des luttes », mais aussi, voire d'abord, du triomphe d'une logique identitaire d'un bout à l'autre de l'échiquier politique.

Vous montrez que les premières victimes de l'identitarisme sont les œuvres d'art. La récente tentative de censure des Suppliantes d'Eschyle à la Sorbonne par des organisations accusant la mise en scène de « racialisme » est-elle la preuve que cet identitarisme a déjà atteint la France ?

Les œuvres d'art sont surtout la cible ultime de l'identitarisme qui, s'il veut tuer en nous toute possibilité de penser et sentir autrement, doit s'empresser d'empêcher l'événement vital que peuvent être un film, un tableau, une sculpture, un poème. Comme je l'ai dit avec insistance, dans mon livre et dans cet entretien même, le milieu idoine de l'identitarisme est électronique et connecté. Il ne saurait donc faire de doute que la dictature dont je parle est à même de déferler partout. Eh oui, la France ne dispose d'aucune immunité contre ces idées. Par ailleurs, l'éloge de « l'identité nationale » dans la politique hexagonale est tout autant identitaire que la volonté d'empêcher les représentations des Suppliantes à cause du crime de blackface...

Là-dessus, la triste ironie de la situation du théâtre de la Sorbonne est que le metteur en scène n'aurait probablement pas été inquiété si, comme tant d'autres avant lui, il avait « blanchi » la pièce d'Eschyle en oubliant que les héroïnes sont décrites comme ayant la peau sombre et l'air « barbare ». La censure agitée au nom de la protection de l'identité noire devient une sorte d'incitation à faire comme si « les Grecs » avaient été sans relation avec les civilisations africaines. Drôle d'antiracisme.

Quels arguments opposer à cet identitarisme qui s'appuie souvent sur des expériences incontestables de violence subie ou de discrimination de tout ordre (racial, sexuel…) ?

La « discrimination de tout ordre » est en effet incontestable. Mais, aux États-Unis où l'identitarisme se porte à merveille, on assiste plutôt en ce moment à certaines régressions évidentes (avec les violences policières à l'encontre les personnes de couleur, par exemple). En réalité, l'identitarisme n'est pas la suite naturelle ou logique de la lutte contre la ségrégation raciale, du féminisme, de l'anticolonialisme, etc. Ce qui se passe est, au contraire, un maintien des discriminations usuelles (voire un renforcement par réaction) qui s'ajoute à l'arrivée de pratiques despotiques identitaires. Assurément, la mise en place contemporaine de l'identitarisme aboutit à une restriction des libertés pour chacune et chacun, un statu quo ou une aggravation des inégalités pour la plupart, et, certes, quelques prébendes pour quelques-uns. Le premier argument à opposer est donc que, si la promotion politique de l'identité a une visée émancipatrice, ce but est manqué. Ensuite, quand un tort est dénoncé, la solution ne saurait jamais être un renversement de la structure d'oppression, mais un refus radical de la situation de domination elle-même. Le corps social en son entier ne gagne rien à ce que soient inversées les injustices (même si d'aucuns préfèrent être « du côté du manche »). Enfin, si nous prétendons vivre en démocratie, le pouvoir ne saurait être morcelé entre divers sous-groupes – quels qu'ils soient – mais doit appartenir au peuple, qui, lui, n'est  pas une identité, mais une entité politique, nécessairement changeante.

Vous enseignez dans une prestigieuse université américaine. Ceux qui se sont élevés contre l'identitarisme dans ce milieu ont souvent été l'objet de violentes attaques, ou ont pu voir leur carrière compromise. Ne craignez-vous pas les conséquences de la parution d'un tel ouvrage ?

Pour l'instant, je suis sans doute relativement à l'abri parce que l'ouvrage n'est disponible qu'en français : en général, le souci identitaire des différences ne va pas jusqu'à la connaissance d'autres langues que l'anglais. En 2017, la publication dans la Los Angeles Review of Books d'un article qui préfigurait ma thèse n'a toutefois pas suscité de réaction bien nette. On va donc dire qu'au mieux ce que je raconte est négligeable puisque sans aucune importance. Au pire, évidemment, on peut s'attendre à des attaques : que je sois empêché d'enseigner par des manifestations devant, ou dans, ma salle de cours ; que je sois relégué symboliquement ; que je n'aie plus d'augmentation de salaire ; que je sois dénoncé publiquement, et ainsi de suite. Nous verrons. Si la crainte (même justifiée) de la censure et de la condamnation fait taire d'avance, la partie est perdue. Je ne me résous pas à ce lâche attentisme.

Laurent Dubreuil, « La Dictature des identités » (Gallimard), 128 pages, 14,50 euros

Source Le Point

 

 

 

 

 





août 27, 2020

France !! Ou allons-nous ?

Bienvenue, excellente lecture....


Sommaire:

 - A) Déficit commercial: la France mouton noir de l’Europe - - Sputnik

 - B) Charles Gave, le «niveau d’incompétence stupéfiant» de l’État explique la gravité de la crise - - Sputnik

 - C) Le Billet du Lupus : La France au cœur de la Révolution Mondialiste -

 - D) La relance ou la mort. Le billet de rentrée de Michel Taube - Opinion internationale

 - E) Paris ne fait plus rêver les cadres -

La guerre économique contre les populations - Bruno Bertez - - réseau international.


A) Déficit commercial: la France mouton noir de l’Europe

L'aggravation du déficit commercial de la France s'accélère, contrairement à celui de nos voisins européens. Pour l’économiste Charles Gave, ce déficit chronique de la balance commerciale n'est que le reflet des maux de l’économie tricolore, en l’occurrence l’étranglement de son secteur privé sous le poids de l’État.

Bonne dernière: c’est la place au sein de l’Union européenne de la France en matière de balance commerciale. Avec 9,3 milliards d’euros de déficit pour le seul mois de juin, non seulement l’Hexagone aggrave son ardoise mais il touche le fond du classement européen, loin derrière tous les autres États membres.

La faute au Covid-19? Depuis le début de la crise sanitaire, certains économistes et journalistes économiques avancent que «pendant le confinement», le recul des exportations dans les «secteurs clés dont l’aéronautique» a contribué à aggraver la balance commerciale tricolore. Hormis le fait que la France creuse son déficit depuis 16 ans, l’aéronautique est un exemple à prendre avec prudence dans la mesure où ce secteur, majoritairement incarné dans l’Hexagone par Airbus, profite également à l’Allemagne qui, de son côté, affiche toujours un excédent commercial insolent (14,3 milliards en juin) et qui, rappelons-le, demeurait en 2019 le plus fort au monde devant celui de la Chine.

D’ailleurs, à en croire les données des autres pays européens agglomérées par Eurostat, rares sont ceux qui ont vu s’aggraver leur déficit commercial en ces temps de crise sanitaire mondiale, bien que certains États européens à la balance commerciale excédentaire (l’Allemagne n’est pas la seule) pourraient décevoir par rapport  à 2019.

La France, seul État membre dont la dégradation du déficit s’accélère

L’Autriche a beau être dans le rouge sur la période juillet 2019–juin 2020, le déficit commercial qu’elle enregistre ces trois derniers mois est du même ordre que celui enregistré avant la crise sanitaire. En février et mars, l’aggravation de celui-ci s’est même nettement ralentie. Même schéma à Chypre ou, dans une moindre mesure, en Lettonie. Et même la Grèce, qui enregistrait en moyenne 1,8 milliard de déficit commercial par mois avant la crise, a vu ce chiffre passer à 1,2 milliard à partir de mars. Idem en Roumanie ou encore en Espagne: si la balance de cette dernière reste fortement négative sur le semestre, son déficit a quasiment cessé de se creuser ces deux derniers mois. La Tribune souligne d’ailleurs que la péninsule ibérique a, par rapport à l’an passé, «pratiquement divisé par deux» son déficit commercial au premier semestre.

Quant à l’Irlande et aux Pays-Bas, les deux pays affichent respectivement 6 et 4 milliards d’excédent commercial, sans jamais être passés dans le rouge. Une fourchette dans laquelle se place également l’Italie, État européen le plus touché par la pandémie et souvent présenté dans les médias tricolores comme le canard boiteux de l’UE. Après une légère inflexion en avril, elle est pourtant revenue à un excédent commercial de 5,3 milliards d’euros au mois de juin, soit son niveau d’avant-crise.

Globalement, seule la Hongrie enregistre avec la France une aggravation plus forte encore de sa balance commerciale par rapport à avant la crise et encore, ce pays d’Europe centrale reste en excédent commercial sur le semestre.

Concrètement, par son ampleur (un trou de 58,9 milliards en 2019, en «amélioration» par rapport à l’an passé) et son aggravation constante, la France est un cas unique dans l’Union européenne.

Un secteur public trop lourd à porter pour le privé

Comment expliquer un tel déclin commercial de la France? Pour l’économiste Charles Gave, président du think tank libéral L’Institut des libertés, la réponse est évidente: l’économie française pâtit de l’hypertrophie de son secteur public, en somme du «poids de l’État». Bien que selon l’Insee, la proportion des dépenses publiques dans le PIB serait en baisse depuis des années, elles représentaient encore près de 56% de la richesse nationale en 2018. Un niveau qui place la France en tête du classement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En comparaison, la même année l’Allemagne –avec laquelle les Français aiment se comparer– affichait un niveau de dépenses publiques à hauteur de 44,9% de son PIB.

«Avec 10 points de PIB en plus, le jockey français pèse 80 kilos alors que son homologue allemand en pèse 40. Lequel des deux va gagner la course?»

Or, comme le souligne l’économiste, non seulement le secteur public ne génère pas d’exportations, ne contribuant ainsi pas au rééquilibrage de la balance commerciale française, mais il l’aggraverait même. Selon Charles Gave, les agents de l’État, dont le statut les met à l’abri des aléas économiques, n’ont pas revu à la baisse leurs habitudes de consommation face à la crise et avec elles, leur demande en biens étrangers.

«L’amélioration des déficits commerciaux [des autres États membres, ndlr] vient certainement d’une très forte baisse de leurs importations, parce que les gens se sont restreints. Tandis qu’en France il n’y a que les 45% du secteur privé qui se soient restreints, les 55% du secteur public n’ont aucune raison de se restreindre.»

Dans un pays où la consommation a été érigée comme l’alpha et l’oméga de l’économie, la consommation de produits étrangers est encore trop forte par rapport à ce que la France est capable d’exporter. En effet, faute de pouvoir dévaluer, comme par le passé, pour pallier tout écart de compétitivité, les produits tricolores sont généralement plus chers que leurs concurrents, leurs prix reflétant des coûts de production dans l’Hexagone gonflés par les charges. Des prélèvements obligatoires dont vit l’État et qui, en 2017, représentaient en France près de 48,4% de son PIB, soit la pression fiscale la plus élevée des pays de l’OCDE. En somme: un cercle vicieux qui étrangle à feu doux le secteur privé français.

«Ce qui se serait passé dans un pays normal, c’est qu’on aurait dévalué à cause de notre manque de compétitivité et à la place de payer les fonctionnaires en deutsche marks, ils auraient été payés en francs français et du coup, les entrepreneurs français auraient pu vendre à l’étranger. Mais là, les fonctionnaires sont payés en deutsche marks et celui qui fait la différence, celui qui paie les fonctionnaires en deutsche marks, c’est le secteur privé français. Du coup, il s’atrophie. La rentabilité des entreprises françaises s’écroule à cause du poids du siège social France», vulgarise Charles Gave.

Ce dernier dénonce la «farce» de la comptabilité nationale, où l’«on mesure la rentabilité d’un fonctionnaire au salaire qu’on lui verse». «Plus vous augmentez de fonctionnaires, plus le PIB augmente… et plus la dette augmente… et plus le déficit extérieur augmente», développe-t-il, avant d’assener qu’«un système qui diverge finit toujours par exploser».

«Un système qui diverge finit toujours par exploser»

Dans une telle situation, les entreprises ne sont pas les seules à pâtir de ce poids grandissant de l’État. Les Français ont vu au cours des dernières décennies s’effondrer leur pouvoir d’achat. «On est en train de s’écrouler en relatif, le niveau de vie en France –qui était le deuxième d’Europe au moment de Giscard, si ce n’est le premier– en l’espace de 30, 40 ans, on est passé au 13e rang», regrette l’économiste.

Pour Charles Gave, la réalité d’une France jouant à jeu égal avec l’Allemagne n’est plus, finalement, à cause du refus des hommes politiques français d’appliquer les réformes allant de pair avec la souscription d’une monnaie unique, commune à une diversité d’économies.

 

Source:  Sputnik

 

  B) Charles Gave, le «niveau d’incompétence stupéfiant» de l’État explique la gravité de la crise

 Une commande publique pléthorique, une classe politique à laquelle les réalités du monde de l’entreprise échappent. Alors que l’économie française est mise à mal par la crise du Covid-19, Charles Gave, président de l’Institut des Libertés, revient pour Sputnik sur les raisons qui font de la France la championne du monde de la récession.

Avec une croissance négative de 5,8% pour le seul premier trimestre, la France est l’économie la plus touchée par la récession. Dans la première partie de notre entretien, l’économiste et financier Charles Gave, président de l’Institut des Libertés, revenait pour Sputnik sur les raisons de cet important écart observé entre l’Hexagone et ses partenaires européens, quitte à mettre à terre certaines idées reçues.

En effet, dans un récent rapport, le Sénat a mis en lumière le volume d’aides débloqué à l’occasion de la crise du Covid-19 bien plus important au Royaume-Uni, État ouvertement libéral, qu’en France. Des Britanniques plus généreux que les Français? Un constat qui au premier abord pourrait surprendre, dans un pays où l’on n’est habituellement pas peu fier de son État-providence.

«Je me souviens des années Thatcher et Mitterrand, où on nous expliquait que Mme Thatcher était un monstre et que les enfants anglais mourraient de faim dans la rue. Pendant les années Thatcher, les dépenses sociales ont beaucoup plus progressé en Angleterre qu’en France. Pourquoi? Parce que comme la croissance du PIB était beaucoup plus forte, cela permettait à l’État anglais –tout en levant moins d’impôts en pourcentage– d’avoir des rentrées fiscales bien supérieures, ce qui permettait de donner des tas d’avantages sociaux nouveaux», relate Charles Gave.

Comme le souligne l’économiste, difficile de trouver de l’argent frais à partager entre les Français quand le «gâteau» qu’est l’économie (et les retombées fiscales qu’elle génère) ne s’accroit pas… «Ce que les gens ne comprennent pas, c’est qu’il vaut mieux avoir un État à 30% comme en Suisse avec un PIB qui croît de 4% par an qu’être avec un État à 60% et un PIB qui stagne», développe Charles Gave.

«On passe notre temps à essayer de se partager un gâteau fixe, alors qu’il faut prendre des mesures pour qu’il grossisse. Mais il y a un niveau d’incompétence dans l’État français qui est très stupéfiant», s’inquiète-t-il.

Le président de l’Institut des Libertés revient sur les plaidoyers réguliers des journalistes pour «réindustrialiser» la France, regrettant que l’on occulte le fond du problème: «Si c’était rentable d’avoir des industries en France, les industriels ne seraient pas partis les mettre ailleurs», assène-t-il. En témoignent les conséquences observables avec le récent cas de Sanofi.

Des politiciens qui ne comprennent pas les entreprises

En effet, l’indignation suscitée par l’annonce du laboratoire que les Américains bénéficieront du plus gros des précommandes en cas de découverte d’un vaccin contre le Covid-19, en réponse au soutien financier des États-Unis à la recherche de Sanofi, témoigne d’une vision particulière du monde de l’entreprise de la part d’une partie de la classe politique française.

Venant principalement de la gauche, les critiques soulignaient le crédit d’impôt-recherche dont a bénéficié Sanofi ou encore que nul ne pourrait prétendre bénéficier en priorité d’une telle découverte. À croire que certains estiment que les laboratoires sont des entreprises philanthropiques.

«Dire que l’on va augmenter les impôts et que l’on va filer des subventions, ça ne marche pas…», tranche Charles Gave, qui souligne que «le Président de la République n’a rien à dire sur la façon dont Sanofi est gérée.»

L’économiste souligne qu’une entreprise telle que Sanofi est «indépendante» et qu’elle reste libre de passer des contrats avec qui bon lui semble. Pourtant, Emmanuel Macron s’est dit «ému» par les propos du président de Sanofi à Bloomberg. «S’ils veulent que le siège de Sanofi déménage aux États-Unis, qu’ils continuent…», ajoute-t-il.

L’économiste ne ménage pas l’actuel Président de la République, rappelant que celui-ci «n’a jamais fait une fin de mois», la carrière de ce haut fonctionnaire de formation se limitant à un très bref passage par la banque Rothschild. Pour Charles Gave, il est capital que les fonctionnaires aient à faire un choix définitif entre l’engagement politique et leur carrière dans la fonction publique, celle-ci n’étant généralement que mise en pause le temps de leur mandat. «Il faut qu’il y ait une différence entre la fonction publique et la fonction administrative.»

«Une corruption gigantesque»

Autre exemple de prise de position publique de politique ou ex-politique pour qui l’entreprise reste une abstraction conceptuelle, l’ex-ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem. Devenue présidente France de l’ONG ONE, implantée notamment à Abuja, Dakar, Johannesburg, Ottawa ou encore Paris, elle plaide dans Le Monde pour «un retour à un souverainisme économique sans tomber dans le souverainisme», comme le résument nos confrères. «Ils veulent tout et son contraire, ce qui est complètement idiot sur le plan logique», se désole l’économiste.

«Ce qu’il faut, c’est que ceux qui produisent en France soient sur un terrain de concurrence égal avec les autres pays. La France a 70% de fonctionnaires de plus pour 10.000 habitants que l’Allemagne. C’est le secteur productif français qui paie ces fonctionnaires. Le jockey France pèse 80 kilos et le jockey Allemagne pèse 30 kilos, il ne faut pas s’étonner que ce dernier gagne la course…»

Dernier point pour le moins éloquent, avancé par la journaliste Nathalie Mauret sur le plateau de l’émission C dans l’air, le fait que la commande publique pèse dans le secteur du BTP en France pour près de 70% de sa croissance. Tous secteurs confondus, les chiffres sont rares et surtout divergents fortement. Selon l’Observatoire économique de la commande publique (OECP), la commande de l’État représentait en 2016 près de 84 milliards d’euros. Selon un rapport sénatorial publié en 2015, celle-ci serait de l’ordre de 400 milliards pour une année.

Des chiffres qui ne manquent pas de faire réagir Charles Gave, rappelant qu’habituellement, ce sont les «millions de décisions individuelles qui font le succès ou l’échec d’un produit.»

«Une commande publique aussi élevée ne peut pas ne pas amener à une corruption gigantesque. Ce n’est pas de la concurrence, puisqu’il faut acheter le fonctionnaire qui va acheter votre truc. […] On refait l’Union soviétique, ce n’est rien d’autre», développe l’économiste.

Il plaide régulièrement pour qu’un audit des dépenses de l’État soit effectué, si possible autrement que par le biais d’une institution telle que la Cour des comptes. «À quoi sert l’ambassade française auprès des pôles», s’interrogeait-il en décembre 2019 sur le plateau de Sud Radio, où il évoquait déjà le lien observé à travers le monde entre le poids de l'État dans l'économie et celui de la corruption.

État français, le régalien en chute libre

Dans son dernier rapport annuel, le Forum économique mondial (World Economic Forum –WEF) plaçait la France au 7e rang sur 28 en matière de compétitivité. S’ils soulignaient une embellie en la matière, grâce aux réformes entreprises par Emmanuel Macron –malgré des lacunes persistantes en matière de culture du management et d’agilité de l’entreprise– les auteurs du rapport s’inquiétaient en revanche du recul de l’État dans ses fonctions régaliennes.

Ces derniers dressent ainsi un tableau au vitriol de la «start-up nation» d’Emmanuel Macron. Au-delà de fermer le classement de 141 pays en matière d’imposition, la France dégringolait en matière de lutte contre le crime organisé, de fiabilité des services de police, d’indépendance de sa justice, ainsi qu’en termes de respect des droits patrimoniaux, ou de réponse au risque terroriste.

 

Source:  Sputnik

 

C) Le Billet du Lupus : La France au cœur de la Révolution Mondialiste 

Après avoir été la matrice de la révolution bourgeoise en 1789, puis celle de la révolution marxiste  en  1870, la France apparaît à la lumière du présent, comme la matrice de la révolution Mondialiste en cours aux Etats-Unis, mais déjà bien avancée dans ce qu’il reste de notre beau Pays. A chaque fois, et pour chaque révolution,  il faut souligner des apports théoriques français et un faisceau d’idées  qui servent à structurer des mouvements de basculement idéologique.

Je ne reviendrais pas ici sur l’apport de la Philosophie des Lumières à la révolution de 1789 ; ni sur l’influence qu’exerça la Commune de Paris sur Karl Marx qui y consacrera même un ouvrage. Il apparaît plus important de rappeler quelques épisodes théoriques importants qui nourrissent et fortifient ce qu’il convient d’appeler une Révolution Mondialiste pas encore tout à fait achevée dans le Monde, mais qui en France, nonobstant une perte de souveraineté inéducable, apparaît désormais comme irrémédiable et presque constutionnellement inscrite dans le marbre.

Bien que déplorant cette perte de souveraineté nationale en France, je me dois d’acter qu’à part quelques nostalgiques des années passées (Onfray pour les années 30, Zemmour pour les 30 glorieuses) il n’existe pas en France à ce jour, une force d’opposition politique capable d’inverser le cours des choses. La nostalgie n’ayant à mon sens jamais constituée, à part peut-être dans les EHPADS de la république, un moteur suffisant pour entraîner et produire une énergie capable d’influer durablement sur les événements. Et n’allez surtout pas me dire que les Thénardiers de la « causette nationale » (la Famille Lepen) constituent à eux seuls une alternative crédible, alors qu’ils n’ont pas réussi à faire en 50 ans et avec près de 30% des voix ce que Macron à fait après seulement 2 ans d’exercice du pouvoir et avec à peine plus de 20% des suffrages exprimés.

Tout cela ne fait pas cependant de la France, un grand trou noir où plus rien n’existe, à part les discutions interminables sur le covid et au sujet des ravages d’une immigration galopante et sa cohorte de faits divers macabres. Non, non ! La France existe encore et exerce, rassurons nous, une réelle influence nuisible, non pas diplomatique, mais intellectuelle. Il n’y a qu’à se renseigner pour cela auprès des Etudiants américains, tous convertis désormais aux joies de la « French Théory », sorte de pratique nihiliste, consistant à détruire à peu prés tout ce qui pourrait ressembler à  de la vie  et à ses lois naturelles, pour la remplacer par une post-modernité relativiste au forts relents genristes et intersectionnels.

A la base de ce goulash (goulag) minoritaire, sorte de « wok » destiné  à concasser l’hétéro blanc  suspecté d’être privilégié et raciste, trois philosophes français,  qui sur les ruines de leur marxisme décadent,  décident qu’il est temps de faire la peau à ce vieux conservatisme empêcheur de tourner rond, et le plus souvent en rond :  j’ai nommé dans le désordre -Gille Deleuze, Michel Foucault et Jacques Derrida.

Ces trois larrons s’inspirent directement des thèses des situationnistes de 68, Guy Debord en tête, et reprennent à leur compte les écrits de Jean Baudrillard sur la société de consommation… Tout cela n’aurait sans doute pas pris, d’abord en France, puis aujourd’hui à l’étranger, l’importance que cela a, si au même moment en France, un certain Mitterrand ne s’était emparé du pouvoir en 81, au travers d’une union avec les communistes. Puis avec le tournant dit de 83, le même Mitterrand,  n’avait décidé de se passer du Parti Communiste, pour un régime de gauche dit de la troisième voie ancêtre de ce que nous appelons aujourd’hui le mondialisme. Jacques Attali l’âme damnée de Mitterrand, le ministre de la sous culture Jack Lang,  et le Journal  Globe au titre bien choisi par l’inénarrable Georges Marc Benhamou, puiseront largement dans les théories fumeuses de la french théorie. Tandis que sur le plan diplomatique, et comme si un malheur ne suffisait pas, la diplomatie des « droits de l’hommiste » faisant suite au tiers-mondisme ravageur de Regis Debray, puisera largement quant à elle du côté des « Nouveaux Philosophes » à savoir l’inégalable BHL et son complice d’alors André Glucksman.

Ce qu’il faut aujourd’hui retenir, c’est qu’après 14 ans de « moulinette mitterrandienne » à la sauce déconstructiviste, il ne restait plus grand-chose en France des années De Gaulle, des « années bonheur » diront certains amnésiques de l’Algérie. Le grand Charles ,qui malgré l’opposition forcenée des Américains, avait quand même réussi à maintenir un semblant de prestige et de cohésion nationale jusqu’en 1969 année de son piteux départ, clôturant ainsi  et définitivement le conservatisme des « 30 glorieuses » . Par la suite, moins romantique Alain Peyrefitte nous invita en Chine, et Giscard sans destin à la maison. S’en suivi la parenthèse socialo-liberale giscardo-pompidoulienne avec à la clef, le neofascisme mitterandien qui mis bien avant la NSA américaine, tout le monde sur écoute, Edern Hallier  « l’idiot  international » en fit les frais, mais n’eut pas la chance de d’Edward Snowden, la Russie soviétique d’alors, se montrant moins accueillante que celle de Poutine. Force est de constater, que 30 après le décès de Mitterrand, et l’instauration de son régime socialiste, les chefs d’états et de gouvernement lui ayant succédé à la tète de la France, n’ont en rien changer, si ce n’est pour la renforcer, à la doxa mondialiste.


Reste que pour paraphraser Sartre ( Autre trublion philosophe marxiste) les mots sont comme des balles,  une fois qu’ils sont écrits, vous ne pouvez pas contrôler les dégâts qu’ils font, la France en a payé et continuera d’en payer le prix, les Etats-Unis commence à peine à en subir les effets dévastateurs. Faut il pour autant interdire les mots, non bien évidemment, car le langage étant le propre de l’homme, les déconstructivistes adeptes de la « french theory »  sont déjà à l’oeuvre, bien trop heureux de les noyer dans un relativisme du non-sens.

Souhaitons cependant à l’Occident un vrai sursaut démocratique, hors des sentiers battus et débattus de la propagande mondialiste qui ne semblent elle mener qu’à une seule chose : A toujours plus de servitude et de lassitude.

« À chacun son dû ; le destin est tracé et on ne peut que l’accomplir ou le trahir. Il incombe à quelqu’un de traverser la mer, de posséder Didon et d’épouser Lavinia pour faire renaître, encore plus éclatante, la ville intérieure des origines. Essaierons-nous ? »

 Source: leblogalupus.com/

 

D) La relance ou la mort

Les Français, en effet, comme l’a dit ce matin Jean Castex, vont devoir prendre leurs responsabilités. C’est l’heure de la rentrée, mieux, de la relance. Relance scolaire. Relance économique. Relance sociale. Voilà précisément ce que signifie aujourd’hui « vivre avec le coronavirus ».

Et puisque le gouvernement est en retard pour dévoiler son plan de relance, véritable faute politique qui montre combien le président de la République a du mal à rester le maître des horloges, alors,  ce sont aux Français eux-mêmes d’assurer cette relance économique et sociale. Ce sera le sens des débats de l’université de rentrée du MEDEF aujourd’hui.

Cette rentrée 2020-2021 est une question de survie. Après avoir constitué une épargne de précaution de 100 milliards d’euros en moins de six mois, l’heure est à la vie, aux études, à la consommation, à une nouvelle société du plaisir à réinventer, mais du plaisir quand même. N’attendons pas le plan de relance à 100 milliards, consommons cette épargne, ces autres 100 milliards disponibles et la France repartira.

« Vivre avec le coronavirus », cela veut dire que le respect des gestes barrière ne doit pas empêcher cette relance. Il n’en est qu’une modalité d’application. Déjà psychologiquement : quel dommage qu’il eut fallu tant argumenter pour « imposer » et généraliser – fort partiellement – le port du masque. Alors qu’une mesure nationale, unilatérale et universelle prise dès juillet aurait permis de se concentrer sur la mobilisation des énergies pour réussir la rentrée.

Bien sûr que nous faisons face à une des pires pandémies de l’histoire. Bien sûr que les centaines de milliers de morts, les millions de malades affectent durablement nos sociétés et nos familles. Le moral de tout le monde en a pris un coup.

Mais, alors que nous sommes probablement entre deux vagues épidémiques, notre devoir à tous est de nous mettre au boulot, de retourner à l’école pour nos enfants, de faire revivre la société. Sinon les morts sociales et physiques seront démultipliées.

Certes, une consommation nouvelle, plus sobre, plus durable, plus réfléchie est déjà en train de sortir de cette crise inédite. Mais si la machine à consommer, n’en déplaise aux écologistes les plus sectaires, ne repart pas, la France, l’Europe sombreront dans des années noires que l’on pressent déjà, avouons-le.

Les Français sont un grand peuple. C’est le moment de le prouver.

Alors, bonne rentrée, et belle relance !

 Michel Taube

Source:  Opinion internationale

 

 E) Paris ne fait plus rêver les cadres

 Plus de la moitié des cadres franciliens (54%) sont insatisfaits de leur situation. Un mois après la fin du confinement, 32% recherchent activement un poste, passent des entretiens ou ont demandé une mutation hors de la Ville Lumière. 

Les grèves des transports en décembre contre la réforme des retraites, puis le confinement lié à la crise du coronavirus ont, d'après une étude de Cadremploi publiée mardi, renforcé l'envie des cadres franciliens de quitter Paris. Néanmoins, la peur de quitter son emploi freine le passage à l'acte.

Parmi les 1.919 cadres interrogés en ligne du 16 au 17 juillet 2020, 96% vivent ou travaillent en région parisienne et 83% d'entre eux envisagent une mobilité en région. Cependant, ce chiffre est plutôt stable d'année en année (84% en 2018, 82% en 2019).

"Comme toujours, s'ils sont nombreux à exprimer leurs désirs de quitter la Ville Lumière, le cap entre la réflexion et la prise de décision reste difficile à franchir", note l'étude.

Malgré cette constance, ils sont tout de même 32% à rechercher activement un poste, à passer des entretiens ou à avoir demandé une mutation. Pour se mettre au vert, les cadres franciliens sont pour 61% d'entre eux "prêts à changer de métier" ou à accepter une baisse de salaire (53%). Une décision qui n'est pas anodine pour ces professionnels. De fait, les cadres Franciliens gagnent en moyenne 5.000 euros de plus que ceux vivant en province (52.000 euros brut par an contre 47.000), selon le baromètre 2019 de l'Apec.

Si l'option de la démission est en recul (46%, en baisse de 6 points par rapport à 2019), celle consistant à faire des allers/retours à Paris est en hausse notable de 7 points, peut-être facilitée par l'essor du télétravail pendant le confinement.

"J'aime plus Paris"

Mais pourquoi les Parisiens veulent-ils quitter leur ville ? Bien que l'accessibilité rapide à tous les services et la vie culturelle que Paris propose soient appréciés par plus de huit Franciliens sur dix, les inconvénients de la capitale semblent avoir pris le dessus sur les avantages qu'elle présente. Plus de 6 Parisiens sur 10 jugent Paris trop stressante, presque autant reprochent le coût trop élevé de la vie et près de la moitié pointe du doigt les temps de transports trop longs.

Au delà de ces inconvénients, 46% des cadres parisiens ne sont pas satisfaits de leur logement et 27% déplorent l'inaccessibilité à la propriété. Globalement, tous critères confondus, 54% des cadres franciliens se déclarent insatisfaits de leur situation.

Bordeaux en tête

Parmi les destinations rêvées par les Parisiens, plus de la moitié souhaite s'installer à Bordeaux, suivi de près par Nantes (44%) puis par Lyon (31%). La principale motivation au départ est la recherche d'un meilleur cadre de vie pour 89% de ces cadres.

Source: La Tribune

 

  La guerre économique contre les populations

QUI DIT DETTE, DIT CRÉATION DE MONNAIE

QUI DIT CRÉATION DE MONNAIE DIT BANQUE

QUI DIT BANQUE DIT MANAGERS D’ACTIFS

QUI DIT MANAGERS D’ACTIFS DIT … BLACKROCK

La crise actuelle ouvre une voie royale à Blackrock et sa galaxie bancaire pour venir picorer ce qu’il reste de patrimoine privé et public. De fait le système de création monétaire auquel se sont soumis les États ne laisse aucune porte de sortie alternative. L’étau se resserre sur les États, sur les banques normales et sur… nous représentants de ménages et de PME/PMI.

Liliane Held-Khawam

« …depuis l’abrogation du Glass-Steagall Act séparant de façon rigoureuse les banques de crédit des banques de marchés. Aux États-Unis, si banques et gouvernements s’accrochent depuis longtemps à BlackRock comme au Bon Dieu, c’est qu’il reste peu d’institutions financières solides. » (ici)

Non nous ne sommes pas en guerre, la seule guerre, c’est celle qui sera menée contre vous

par Bruno Bertez.

Les deux crises, la Grande Crise Financière 2 qui a démarré en Septembre 2019 et la Crise du Covid ont propulsé les dettes mondiales vers de nouveaux sommets inexplorés.

On a dépassé dans de nombreux cas les endettements des périodes de guerre.

Selon tout probabilité, ce n’est pas fini.

Il va falloir allez plus loin et creuser encore les déficits et accumuler les dettes pour faire face aux conséquences de ces crises sur la croissance. Une grande crise économique, une GEC 2 est quasi inévitable si on ne consent pas de nouvelles dépenses de relance.

La comparaison avec les situations d’après-guerre est tentante, mais elle est très insuffisante pour de nombreuses raisons :

D’abord les guerres ont une fonction de destruction du Capital excédentaire et inefficace que l’on ne retrouve pas ici.

Ensuite lorsqu’une guerre est finie, elle est finie : les dépenses militaires deviennent inutiles et les besoins de financement liés à la guerre disparaissent, les ressources se dirigent à nouveau vers l’économie civile.

Enfin après les guerres la demande potentielle est forte, et la machine se remet en route quasi spontanément. Il faut certes résorber les anomalies de la guerre comme les surendettements de l’état et restaurer les bases de la monnaie, mais c’est à un choc unique qu’il faut faire face.

Dans le cas présent il n’en va nullement ainsi, car certes il y a des chocs mais ils se produisent sur des dérives continues qui durent en fait depuis 40 ans.

L’accumulation inexorable des dettes n’est pas provoquée par un ou deux chocs, elle est le régime normal du système. Pour tourner, depuis la financialisation il a besoin de produire du crédit, de plus en plus de crédit, du « credit impulse » à jets continus, parce que le rendement de ce crédit en termes de croissance des GDP est de plus en plus faible.

La masse d’actifs financiers qui s’est accumulée depuis 40 ans est considérable et elle est logée, enracinée dans toute l’économie : tout est inextricablement lié, enchevêtré, connecté, toutes les valeurs, tous les bilans sont marqués par la surévaluation des actifs financiers. Tout a été contaminé.

Cette situation n’a rien à voir avec la situation de guerre, l’assimilation et la comparaison sont totalement abusives. Au lieu d’être dans une situation post-choc, nous sommes dans un cycle long, très long.

Certains observateurs dont Ray Dalio et moi-même datent ce cycle du crédit long de 1945. Je vous rappelle que la durée moyenne d’un cycle long du crédit est de 65 ans. Nous jouons déjà les prolongations.

J’aurais presque tendance à considérer que si les autorités n’étaient pas aveugles, elles comprendraient qu’il est temps, non pas d’essayer de prolonger encore ce cycle long du crédit qui s’est trop étiré, mais d’en débuter un autre. Après une remise à zéro des compteurs.

Je veux insister, l’originalité de la situation est là, dans le fait que les chocs se produisent sur des systèmes déjà très sollicités, déjà très déséquilibres, déjà en bout de course.

Ce qui explique d’ailleurs, le stock de dettes constituant une sorte de poids mort ou de boulet aux pieds des économies, que celles-ci ne peuvent plus croitre normalement, elles sont asphyxiées par la finance. Il suffit d’observer les faibles dépenses d’équipement productif et la conséquence qui en découle, l’érosion des gains de productivité. Le système ne fait plus de muscles, il consacre ses ressources à faire du gras à entretenir le gras financier.

Bien que les dépenses actuelles massives en réponse à la pandémie de COVID-19 semblent justifiées, les décideurs devront faire face à la dette publique croissante une fois la crise passée.

Bien entendu au lieu de poser dès maintenant les bases du débat futur, les autorités mentent, elles escamotent le problème de ce qui va se passer dans le futur comme si les choses allaient se résorber d’elles même.

Le meilleur exemple étant l’attitude des européens et singulièrement celle de Bruno Le Maire le simplet qui prétend que c’est la croissance qui va payer les dettes ! Je vous rappelle que potentiel de croissance de l’Europe et singulièrement de la France est de moins de 1% l’an !

Le succès du thème mondial de la Théorie Monétaire Moderne, la MMT, cette vieille lune est liée à cette question des déficits, des dettes et du poids mort qu’elles représentent.

Les gauches fabiennes, celles dont la vocation est de servir de béquilles au Capital ont saisi l’occasion de se refaire une santé politique en enfourchant ce vieux cheval du Chartalisme et en répondant que les dettes n’ont aucune importance, qu’un état qui a le pouvoir d’émission monétaire ne peut faire faillite et autres billevesées.

C’est un produit du temps, le temps secrète ses solutions miracles, c’est toujours comme cela. La position de la MMT in fine est simple : les dettes n’ont aucune importance car elles ne seront jamais remboursées et quand on aura fait le tour, on détruira la monnaie.

Avant d’arriver aux « solutions extrêmes » inéluctables, les responsables de la conduite des affaires vont, à mon avis tenter de jouer une fois de plus les prolongations. Pourquoi ? Parce qu’elles le peuvent encore : le système a encore de multiples tours dans sa poche et on peut en reculer les limites aux prix de nouvelles contorsions. Et au prix de quelques entorses aux libertés.

Le point fort du système c’est l’ignorance. Votre ignorance. C’est le décalage entre ce qui se passe aux différents niveaux structurels infra-structurels, super-structurels et au niveau conscient. Les prises de conscience sont très très en retard par rapport aux évolutions du réel. La conscience des agents économiques est très en retard par rapport à l’état actuel du système. Cela confère une marge de manœuvre encore considérable aux responsables de la mauvaise conduite des affaires. Voilà le secret de sa longévité d’un système à bout de course.

Les gens croient que les mots anciens recouvrent encore les mêmes réalités alors qu’ils en recouvrent de nouvelles ; le contenu des mots comme « monnaie » par exemple a glissé ; il change : les monnaies ne sont plus des réserves de valeurs mais des jetons commerciaux et financiers. Mais les gens ne l’ayant pas compris ils continuent de garder les monnaies-jetons -fétiches comme avant. Et tant qu’ils gardent ce qu’ils croient être de la monnaies -qui en fait ne vaut globalement rien- les responsables de la conduite de affaires peuvent en émettre, tirer des traites sur l’avenir et ainsi boucher les trous, les failles, les fissures.

Attendez-vous a ce que d’ici quelques mois on pose enfin le problème du « que faire face aux endettements colossaux ».

On va évoquer les tartes à la crème habituelles ; la répression financière et les hausses de la fiscalité ; on va même faire semblant d’avoir le choix, comme si on était autonome, comme si on n’était pas vassal du régime américain. En pratique ce sont les USA qui vont indiquer la voie et tout le monde suivra. À mon avis même les Allemands !

La guerre contre vous, le pillage, la répression financière

Les décideurs politiques seront fortement tentés d’imposer un plafond de taux d’intérêt aux institutions financières c’est à dire de choisir la répression financière, même si des augmentations fiscales conditionnelles seraient préférables.

Le dosage, le mix des politiques suivies après le Covid dépendra de l’état des économies, du chômage, de la légitimité des pouvoirs politiques en place et de la force des poussées populistes.

Autant dire que ce n’est pas facile à apprécier. Mon pari personnel c’est le laxisme renforcé, la lâcheté et le chien crevé au fil de l’eau.

Examinons la situation américaine :

Le ratio dette fédérale / PIB des États-Unis a fortement augmenté pendant la grande récession de 2008-09 et il a continué d’augmenter par la suite, passant de 62% en 2007 à 90% en 2010.

En 2019, il avait atteint 106%, et le Le Congressional Budget Office a averti que les fonds pour la sécurité sociale et l’assurance-maladie seraient épuisés d’ici 2028.

De nombreux économistes ont fait valoir qu’un ratio dette / PIB de 100% était déjà extrêmement élevé et que les futures augmentations d’impôts nécessaires pour le réduire devraient être massives.

Puis vint COVID-19. Confrontés à des verrouillages et à l’effondrement de l’activité économique, les gouvernements du monde entier ont approuvé d’énormes dépenses supplémentaires même si les revenus devaient baisser.

Après avoir projeté un déficit budgétaire annuel de 1 trillion avant la pandémie, l’office du Budget a ajouté pour l’exercice 2020 (qui se termine par Septembre) 2,2 trillions de dollars supplémentaires, suivis par 0,6 trillions de dollars supplémentaires en 2021.

Selon le Comité pour un budget responsable, on est à 17,9% du PIB en 2020 et à 9,9% en 2021.

Dans l’état actuel des choses, la dette fédérale devrait atteindre 108% du PIB d’ici l’an prochain.

Cela signifie qu’en l’espace de sept mois seulement, le taux d’endettement américain a déjà dépassé le niveau accumulé pendant les deux années de la Grande Récession, et cela ne tient même pas compte des factures de dépenses supplémentaires que le Congrès n’a pas encore adoptées.

Le consensus est que ces dépenses sont justifiées, compte tenu des circonstances horribles et sans précédent de la pandémie.

Néanmoins, hommage du vice à la vertu, les décideurs doivent reconnaître que des mesures pour réduire le ratio déficit / PIB seront nécessaires de toute urgence une fois que le virus aura été maîtrisé.

Certes, certains économistes à la Krugman ont fait valoir que dans un environnement de faible inflation et de taux d’intérêt bas, il ne fallait pas s’inquiéter de la taille de la dette fédérale, ce qui implique que les déficits devraient augmenter encore plus pour financer les travaux keynésiens d’infrastructures et autres dépenses.

Mais rien ne garantit que les conditions financières d’aujourd’hui se maintiendront indéfiniment. Peu importe, dans le long terme nous seront tous morts.

Le mythe de la réduction des déficits

La réduction des déficits budgétaires actuels et futurs, solution évidente au problème, elle a également tendance à être la plus difficile à réaliser politiquement. N’oublions pas l’état déplorable de la société civile.

Cela implique qu’il y aura une forte tentation de réduire la dette au moyen de mesures appelées « répression financière ».

Les décideurs vont essayer de réduire les coûts du service de la dette en plafonnant les taux d’intérêt que les institutions financières – y compris les banques et les fonds de pension et d’assurance – sont autorisées à payer.

Un plafond aux taux d’intérêt permet aux gouvernements de vendre et de rouler les obligations d’État à des taux d’intérêt plus bas qu’ils ne le pourraient autrement, car les épargnants ne peuvent pas obtenir de meilleurs rendements ailleurs.

Utilisée dans le passé, la répression financière a fonctionné, réduisant le ratio dette / PIB des États-Unis après la Seconde Guerre mondiale de 116% en 1945 à 66,2% en 1955.

Cette réduction progressive est due au fait que les plafonds des taux d’intérêt sont inférieurs au taux d’inflation, ce qui a entraîné un rendement réel négatif pour les créanciers pendant cette période. En fait on impose une sorte de prélèvement sur le capital des prêteurs.

Reinhart estime que si les taux d’intérêt réels avaient été positifs, la dette fédérale américaine en 1955 se serait élevée à 141,4% du PIB. Cette différence de 75 points reflète le montant de l’augmentation de la dette publique si le gouvernement n’avait pas recouru à la répression financière, toutes choses étant égales par ailleurs.

La répression financière réduit la croissance du PIB et elle est néfaste pour l’économie. La répression financière détourne l’épargne privée de l’investissement privé vers les titres d’État – généralement accompagnée d’une hausse de l’inflation en raison d’une demande excessive au taux d’intérêt contrôlé. Pour ces raisons, elle s’accompagne presque toujours d’une croissance relativement plus lente, d’une inflation élevée. La répression financière ce qui étouffe la reprise. Elle magnifie les inégalités !

De nombreux économistes croient à une accélération de l’inflation dès 2021, ils vont jusqu’à envisager 3 et même 3,5%. Je pense qu’il est trop tôt pour une estimation valable.

L’autre possibilité serait pour le Congrès de promulguer des augmentations d’impôts, ou de fixer un calendrier d’augmentations pour le moyen terme. C’est un subterfuge qui peut marcher même si sa crédibilité réelle est faible : la rigueur pour demain Hmm, ce n’est pas très crédible ! Surtout dans la situation présente de compétition stratégique avec la Chine !

On évoquera peut-être, selon le résultat des élections, une taxe carbone, une taxe sur la valeur ajoutée ou une surtaxe sur les impôts sur les riches.

source : https://brunobertez.com

via https://lilianeheldkhawam.com

 

 

 

 

 

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