L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Chantal DELSOL nous convie avec sérénité de replacer le libéralisme dans son réel contexte (personnellement je reste mesuré
sur certains de ces propos) , cependant à lire absolument et à largement diffuser.
Chantal Delsol : L’âge du renoncement, dilemme entre christianisme et libéralisme
Chantal Delsol se dit elle-même « néo-conservatrice » ou
« libérale-conservatrice » ou « non-conformiste de droite ». Philosophe,
professeur d’université, élève de Julien Freund, grande lectrice de
Hannah Arendt et de Jan Patochka, elle sonde, de livres en livres, le
désarroi de nos contemporains.
Parution: (mai 2011) « L’âge du renoncement »
(Le Cerf) où elle analyse l’actuelle fermeture de la « parenthèse » du
judéo-christianisme qui nous conduirait, selon elle, a un retour de
l’âge des mythes et du temps circulaire. Selon elle le nihilisme, le
nôtre, ne serait qu’une phase de transition annonçant le retour du
paganisme.
Chantal Delsol s’interroge : que nous dit la sagesse d’aujourd’hui et quelle en est la limite ? Pourquoi faut-il considérer le nihilisme comme une simple parenthèse, comme un moment transitoire dans la « vaste décomposition des architectures de sens » qui s’opère aujourd’hui ?
Mais surtout, la sagesse, pense notre invitée, dissout en quelque sorte, dans une indétermination généralisée, le souci de la vérité et renforce la puissance du marché – et son désir marchand. N’y a-t-il pas un conflit entre le christianisme revendiqué par Chantal Delsol et le libéralisme qu’elle défend aussi ? La décomposition du christianisme au profit de la sagesse ne vient-elle pas d’une domination de plus en plus grande d’un libéralisme désentravé ?
Dans
l'atmosphère inquiète de la crise financière mondiale, on a vu ces
derniers temps les États voler au secours de
certains établissements privés pour compenser les déficits, dans le
but de rendre la confiance aux particuliers et d'empêcher une débâcle
économique. Depuis les États les plus attachés au
libéralisme, comme les États-Unis, jusqu'à ceux acquis depuis peu au
libéralisme, comme la France.
La
presse et l'opinion antilibérales ont lu dans ces décisions une sorte
de conversion au socialisme, à tout le moins un
changement de cap devant les perversions du libéralisme,
nouvellement découvertes. D'où des propos triomphalistes du genre «on
vous l'avait bien dit…», ou «les voilà enfin rattrapés par la
réalité…»
Pourtant,
il n'y a là rien d'étonnant ni de nouveau. L'ingérence de l'État dans
les affaires privées, accueillie comme une
merveilleuse bonne nouvelle pour les tenants de l'étatisme,
représente tout simplement pour le libéralisme la réponse à certaines
situations bien précises. En leur temps, John Stuart Mill et
Frédéric Bastiat le voyaient déjà ainsi. Les antilibéraux demeurent
prisonniers de leur vision simpliste du libéralisme, qu'ils décrivent
depuis des décennies comme un «ultralibéralisme». C'est
leur excès dans l'identification de leur adversaire (excès dû à des
causes militantes et idéologiques), qui les entraîne dans la
mécompréhension des phénomènes actuels. La tendance, notamment en
France, qui consiste à assimiler le libéralisme à l'anarchisme («le
renard libre dans le poulailler libre», voilà ce qu'en donnent encore
comme définition la plupart de nos étudiants, bien aidés
en cela par leurs enseignants), tient de l'idéologie qui consiste à
noircir l'adversaire en l'extrémisant, de façon à l'offrir facilement en
vindicte à l'opinion.
Je
ne dis pas qu'il n'existe pas des libéraux anarchistes, mais ils
représentent une infime minorité, et la position
idéologique consiste justement à identifier l'adversaire à sa
minorité extrême, comme si nous autres libéraux étions assez idéologues
ou assez crétins (au choix) pour identifier à longueur
d'année le socialisme à Pol Pot.
Tout
d'abord, le libéralisme n'a jamais prétendu qu'il devait se passer de
lois, et bien plutôt il a toujours été persuadé
qu'il ne saurait se développer valablement que sous des lois
régaliennes précises et obéies. Mais, au-delà, il faut préciser (ce qui
est moins simple et moins connu) que les libéraux défendent
dans la plupart des cas une doctrine qui tient la liberté pour
essentielle, mais non pas exclusive.
Ce
qui les différencie des socialistes et en général des tenants de
l'étatisme, c'est leur adhésion au principe de
subsidiarité. Lequel réclame que l'État ne s'ingère pas dans les
affaires privées tant que les privés accomplissent leur tâche sans nuire
à l'intérêt général ; mais réclame au contraire
l'ingérence de l'État lorsque la sphère privée se trouve
insuffisante, débordée ou corrompue.
Le
principe d'un libéralisme bien compris renvoie à cet égard aux
préceptes des ordolibéraux du milieu du XXe siècle (dont
la mouvance fut l'artisan de la renaissance de l'Allemagne après
guerre) : «liberté autant que possible, autorité autant que nécessaire»,
ou encore, plus précisément et pour illustrer le domaine
qui nous occupe en ce moment : «libéralisation autant que possible,
nationalisation autant que nécessaire».
Les
États-Unis se rallient à ces principes, et c'est en leur nom par
exemple qu'après le 11 Septembre le gouvernement
américain s'était ingéré dans les affaires de certaines compagnies
d'aviation, provoquant aussitôt en France une vague de triomphe
carrément stupide sur la conversion américaine à un certain
étatisme…
Toute
la question se trouve simplement dans la détermination du moment précis
où le privé se trouve insuffisant au point
que l'ingérence de l'État doive se déclencher : d'où les débats
récents qui ont eu lieu aux États-Unis concernant le financement public
de certaines banques. Mais le principe reste
sous-jacent.
On
ne peut comprendre le libéralisme ordonné que si l'on reconnaît la
spécificité des situations exceptionnelles. Depuis
Cicéron, la passion de la liberté a bien conscience que cette
dernière doit laisser place à l'autorité gouvernante en cas de péril -
la difficulté restant naturellement de définir le péril. La
liberté demeure ici le moyen le plus humaniste pour viser la
finalité suprême qui est l'intérêt général, sachant que dans certains
cas l'autorité doit se substituer à la liberté pour voler au
secours de l'intérêt général en danger.
Nos
contemporains ont beaucoup de difficulté à admettre un traitement
différent de la situation ordinaire et de la
situation extraordinaire, car ils comprennent cette dernière comme
un prétexte livré aux apprentis dictateurs qui légitimeraient ainsi leur
sale besogne. Et le risque existe, en effet, mais
peut-être vaut-il la peine de le courir pour obtenir un équilibre
salutaire de la liberté et de l'autorité, la seconde garantissant la
première.
Les
Français, éduqués par des économistes bien souvent étatistes, restent
persuadés que nous nous trouvons devant une
alternative : l'ingérence permanente de l'État ou la terrible
anarchie illustrée par «que le plus fort gagne» (et que le diable
emporte les traînards). Il y bien longtemps que cette alternative a
été dépassée par le libéralisme ordonné, ce que démontrent à l'envi
bon nombre de pays épargnés de nos doctrinaires désuets.
Il
est préjudiciable qu'en France les gouvernants eux-mêmes semblent
encore marqués par la certitude de ce dilemme funeste,
et ne soient pas capables d'expliquer clairement aux citoyens
comment fonctionne et à quoi peut servir un libéralisme ordonné.
Peut-être que cette crise permettra une ouverture d'esprit salutaire
: mieux vaut tard que jamais.
Chantal Delsol
Le Figaro du 30 10 08
http://www.chantaldelsol.fr/la-droite-et-lagauche/ |
La droite et la gauche
Comparaison philosophique
L’un des grands Européens de la seconde moitié du siècle, Léo Moulin,
avait écrit un ouvrage intitulé « La droite, la gauche et le péché
originel ». L’écriture de ce livre n’était pas innocente au regard de sa
propre vie. C’est dans les geôles de Mussolini qu’il avait lu les
auteurs communistes, et compris que, nonobstant l’ouvriérisme de son
père et ce qu’il croyait avoir repris de tradition familiale à cet
égard, il n’était pas de gauche.
En dépit de l’opposition classique et pratique trop simple entre la
droite et la gauche, qui sert de clivage dans un certain nombre de pays à
commencer par la France, très peu d’ouvrages ont été écrits ici sur
cette question depuis la fin de la seconde guerre mondiale. C’est
pourquoi l’évocation du livre de Léo Moulin ne relève pas de l’anecdote,
outre le plaisir que j’ai de commencer cet article par un hommage rendu
à un grand esprit trop mal connu car Léo Moulin, comme le savent bien
tous ceux qui l’ont connu, était un seigneur. Si les livres
concernant ce clivage lui-même sont très rares, les ouvrages et même les
articles concernant la définition de la « droite » sont
extraordinairement rares, alors que nombre de textes, et des plus
talentueux, posent la question de la définition ou de la redéfinition de
la « gauche », de ses avatars et de son destin. Cette différence est
bien simple à comprendre : se dire de droite était, il y a encore dix
ans et même moins, une honte en France, car cela renvoyait à une
identification au pétainisme. Ici, la période de Vichy puis les
événements de la guerre d’Algérie ont littéralement évincé, non pas la
droite elle-même comme les élections le montrent depuis cinquante ans, mais la conscience de droite, son concept et sa légitimité. Autrement
dit, et les choses changent seulement depuis quelques années, pendant
longtemps, on pouvait voter à droite et être de droite, mais sans
justifier clairement cette appartenance. Aujourd’hui encore, en France,
un intellectuel qui ose se dire de droite est une exception rare, tant
il va de soi que seule la gauche pourrait penser… La complexité des
notions est donc amplifiée par l’ignorance (due au vide de la critique),
les amalgames historiques, et aggravée par l’impossibilité de classer
le président français qui a marqué la seconde moitié du siècle : le
Général de Gaulle, dont la pensée était d’origine maurassienne donc
clairement de droite, a-t-il été un homme politique de droite ou de
gauche ? La réponse n’est pas claire, non seulement si l’on regarde
objectivement sa politique (gouvernement avec le parti communiste,
nationalisations massives, planification), mais si l’on considère sa
volonté permanente de se situer au-delà des clivages traditionnels. On
peut dire que le parti qui détient actuellement les pouvoirs en France,
héritier du gaullisme, est un parti bonapartiste, mais le bonapartisme
n’est ni de droite ni de gauche, c’est un mode de gouvernement
autoritaire (ici de type républicain et technocratique), et
l’autoritarisme n’a pas de patrie idéologique..../...
.../... Si j’étais née à l’époque de l’essentialisme tout-puissant, à l’époque
de la gloire du particulier et dans une société où l’on vante les
hiérarchies justifiées par la seule tradition, je serais certainement de
gauche. Je suis de droite parce que je vis dans un pays où l’on
voudrait aplanir non seulement les inégalités acquises, mais aussi la
différence des efforts accomplis et même les différences entre les
hommes et les femmes ; où l’enfance est décrite à partir de l’Emile de
Rousseau, sans un regard sur les enfants réels des écoles réelles ; où
les gouvernants et les médias font sans cesse la morale au peuple et
édictent des politiques volontaristes sans se soucier des effets pervers
issus de la réalité détestée ; bref, dans un pays où la culture de
gauche a établi une domination si entière que la critique à son égard
représente un crime de lèse-majesté. Si je reconnais la majesté de Dieu
ou la grandeur d’un homme juste, je récuse obstinément la majesté de
n’importe quel courant de pensée. Dans ce domaine, toute omnipotence est
effroyable, et bien avant d’être de droite, je défends la concurrence
des idées : car la condition humaine est complexe, l’humain est divers,
et la vérité n’appartient à personne. En ce moment de l’histoire, et pas
seulement dans mon pays, c’est la gauche qui a perdu la trace de cette
évidence élémentaire. Voilà pourquoi je crois que notre époque a besoin
d’une refondation de la pensée de droite.
Et si vous voulez lire l'article en entier, cliquez sur le lien de la photo de son blog ci-dessus
Chantal Delsol : Qu’est-ce que l’homme ?
Chantal Delsol est membre de l’Académie des sciences morales et politiques
Le livre Qu’est-ce que l’homme ? de la philosophe Chantal Delsol tente d’éclaircir la question humaine. Mortalité, société, éthique, enracinement, émancipation... autant de thèmes qui permettent de mieux comprendre la question de l’homme.
L’homme, inépuisable sujet, se trouve ici revu de manière plus moderne, sous forme de cours anthropologique. À partir de la première œuvre de littérature (qui remonte à -2650 ans avant J.-C.) jusqu’à nos jours, Chantal Delsol retrace les grandes lignes directrices qui fondent le caractère humain au travers de six thèmes :
La mortalité et la différenciation,
Une société immortelle,
Ethique : l’intuition universelle de la norme,
La transmission,
La relation et la distance,
L’enracinement et l’émancipation.
Une société immortelle,
Ethique : l’intuition universelle de la norme,
La transmission,
La relation et la distance,
L’enracinement et l’émancipation.
« L’homme se définit par sa condition même de mortel et sa lutte contre la mort. Sa propre fin, c’est le thème récurrent de sa vie, de sa peur ou de son bonheur. »
En citant Socrate ou Aristote, Chantal Delsol nous
livre les grandes interrogations de l’homme sur l’homme, et ceci depuis
la nuit des temps. Ainsi, la peur de la mort est
un thème régulier de nos sociétés humaines. Comment vaincre la
mort, cet irrémédiable moment, signe de la fin de l’humanité ? En se
perpétuant et en renouvelant les sociétés ! Le
parallèle entre la mort chez l’homme et la mort dans la société
s’avère être un point central car le besoin de se renouveler pour créer
l’immortalité reste fondamental.
« Le souci de la mort vaut aussi pour les sociétés et une société ne peut durer que par le souci des individus de laisser derrière eux d’autres êtres ».
La peur de la mort se
trouve adoucie par les religions qui aident à rassurer les mortels.
Comment fonctionne l’homme ? À cette question, les chapitres sur
la transmission, la relation et la distance ou encore l’enracinement et
l’émancipation tentent de répondre. Pour Chantal
Delsol, il n’y a aucun doute, le fondement même de l’homme
s’exerce dans l’acte du don et celui de la dette car ils créent le lien.
Elle n’est pas la première à l’observer. Pour appuyer sa
thèse, elle reprend une citation du célèbre anthropologue
Marcel Mauss : « Il est de la nature de la nourriture d’être partagée. Ne pas en faire part à autrui c’est tuer son essence, c’est la détruire pour soi et pour les autres ».
L’homme ne serait rien sans autrui. Seul, qu’adviendrait-il ? Pour se faire, les actions de transmettre et de
communiquer restent essentielles. Comment pourrait-il laisser une trace ? Quel serait le but de sa vie ?
L’homme, au delà de tout, doit se développer personnellement,
fidèlement à son moi profond, tout en restant ancré dans ses racines.
C’est cette dichotomie paradoxale qu’il faut comprendre comme
une aventure profondément constitutive de l’homme. La volonté de
s’arracher de sa condition fait partie de la condition humaine.
L’émancipation signifie aussi la recherche d’un enracinement,
certes adapté, mais ancré dans un destin anthropologique et
culturel.
Interrogatif, humain et sensible, ainsi se veut ce livre paru en 2008 aux éditions du Cerf
BIOGRAPHIE
Chantal Delsol, née en 1947 à Paris, est philosophe,
historienne des idées politiques, romancière, éditorialiste, professeur de philosophie politique à l’université de Paris‑Est et membre de l’Institut (Académie des sciences morales et politiques).
Elle est l’épouse de l’ancien ministre UDF Charles Millon. Elle dirige, depuis 2008, au Collège des Bernardins (Paris), l’Observatoire de la modernité.
historienne des idées politiques, romancière, éditorialiste, professeur de philosophie politique à l’université de Paris‑Est et membre de l’Institut (Académie des sciences morales et politiques).
Elle est l’épouse de l’ancien ministre UDF Charles Millon. Elle dirige, depuis 2008, au Collège des Bernardins (Paris), l’Observatoire de la modernité.
Chantal Delsol est membre de l’Académie des sciences morales et
politiques depuis le 18 juin 2007, élue au fauteuil précédemment occupé
par Roger Arnaldez. Elle est philosophe, professeur et
auteur de multiples ouvrages savants sur la politique, la justice,
la République, l’Europe, la démocratie, bref sur tous les domaines qui
se croisent au carrefour de la philosophie, des
sciences politiques et de la sociologie des mentalités.
QUELQUES LIVRES
Parmi ses essais :
- Les Pierres d’angle. À quoi tenons-nous? (Cerf 2014).
- L’Âge du renoncement (Cerf, 2011).
- La Paresse et la Révolte (Plon, 2011).
Parmi ses essais :
- Les Pierres d’angle. À quoi tenons-nous? (Cerf 2014).
- L’Âge du renoncement (Cerf, 2011).
- La Paresse et la Révolte (Plon, 2011).
- L’Identité de l’Europe, avec Jean‑François Mattéi (PUF, 2010).
- Éloge de la singularité, essai sur la modernité tardive (La Table Ronde, 2000).
Parmi ses romans :
- Quatre (Mercure de France, 1998).
- Éloge de la singularité, essai sur la modernité tardive (La Table Ronde, 2000).
Parmi ses romans :
- Quatre (Mercure de France, 1998).
Comment l’Occident a quitté le holisme
Comment l’Occident a quitté le holismePour l’université de la Rose blanche, Biarritz Août 2014
Paternité et Autonomie
Paternité et AutonomieSimone Weil et le rejet des partis politiques
Simone Weil contre les partis politiques
publié dans Simone Weil, Philosophie, mystique, esthétique, sous la direction de Gizella Gutbrod, aux Archives Karéline
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire