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Taux d'intérêt très bas, investissements publics, relâchement des contraintes budgétaires, la
zone euro a choisi de relancer par la demande. Une erreur ?
La nouvelle Commission européenne, les
nouveaux gouvernements en France, en Italie, la BCE de M. Draghi ont décidé de mettre en
place une puissante expérimentation keynésienne dans la zone euro. Elle consiste en
l'utilisation d'une politique monétaire très expansionniste d'où les taux d'intérêt très faibles, nuls ou même négatifs, et la dépréciation très forte de l'euro par rapport au dollar ; en l'arrêt
de la réduction des déficits publics (France, Italie), avec le report dans le temps de la date
limite pour avoir ramené le déficit budgétaire à 3 % du Produit intérieur brut ; en une hausse
potentiellement forte des investissements publics financés en partie par de l'argent public. Ces
mesures de stimulation de la demande s'ajoutent au soutien très important de la demande déjà
apporté par la baisse du prix du pétrole. La philosophie des nouvelles autorités et des
nouveaux gouvernements européens est donc clairement keynésienne : ils pensent que
l'insuffisance de la demande était auparavant la cause de l'absence de croissance de la zone
euro. Cette nouvelle politique est d'ailleurs acclamée par l'ensemble des économistes et des
partis politiques de gauche. Ce choix du passage à une politique fortement keynésienne fait
cependant apparaître un certain nombre de dangers sérieux qui ne semblent pas avoir été pris
en compte par les tenants de cette politique.
Un problème d'offre
D'abord le risque que le problème majeur de l'économie de la zone euro ne soit pas un problème de demande, mais un problème d'offre. La France et l'Italie souffrent de coûts salariaux trop élevés, d'une protection excessive de l'emploi, de réglementations multiples, d'un système éducatif et de formation professionnelle de mauvaise qualité, d'une pression fiscale très élevée sur les entreprises. Il est intéressant de voir que parmi les quatre plus grands pays de la zone euro, l'Espagne est le seul où l'investissement des entreprises progresse, et est le seul aussi qui a fait l'effort de réduire ses coûts salariaux unitaires et de flexibiliser son marché du travail.
Vers une nouvelle crise financière
Le second risque est lié aux distorsions majeures apportées sur les marchés financiers par la politique monétaire très expansionniste (quantitative easing) de la Banque centrale européenne. Les taux d'intérêt sont écrasés par les achats d'obligations par la BCE (les taux d'intérêt sont négatifs en Allemagne jusqu'au taux d'intérêt à 8 ans), les primes de risque ont disparu avec le report des investisseurs des dettes publiques vers les dettes risquées. Pendant des années, les investisseurs (assureurs par exemple) de la zone euro vont acheter des dettes publiques à taux d'intérêt nul ou négatif et des actifs financiers risqués sans recevoir les primes de risque qui, normalement, les accompagnent. Ceci fait peser le risque d'une crise financière lorsque les taux d'intérêt monteront dans le futur et quand la réalité du risque liée aux actifs financiers se révélera : il s'agira d'une crise similaire à la crise des subprimes aux États-Unis, lorsque la réalité d'un risque qui n'a pas été rémunéré apparaît.
Le poids de la dette
Le troisième risque est lié au report dans le temps de l'ajustement budgétaire ; les taux d'endettement publics vont continuer à augmenter de plus de 2 points par an en France, en Italie, en Espagne. Le danger est double. D'une part, il faudra dans le futur réduire les déficits publics et stabiliser les dettes publiques dans un environnement moins favorable ; si le prix du pétrole remonte à partir de 2016, ce qui est le scénario le plus probable, la croissance sera affaiblie, la remontée de l'inflation tirera vers le bas les taux d'intérêt, tout ce qu'il faut pour rendre pénible un ajustement budgétaire. D'autre part, il y a un danger de "neutralité ricardienne" : que les ménages et les entreprises, voyant que l'ajustement budgétaire est repoussé dans le temps, craignent une perte de revenus dans le futur (hausse des impôts, baisse des transferts publics) et renoncent à consommer ou à investir aujourd'hui.
Une stratégie peu coopérative
Le quatrième risque enfin est celui de tensions internationales. Comment expliquer aux
partenaires de la zone euro (États-Unis, Royaume-Uni, pays émergents) que, alors que la zone
euro a un très important excédent extérieur (4 % du PIB), elle passe à une stratégie de
dévaluation massive de l'euro ? Le fonctionnement efficace du système monétaire
international implique normalement que les pays qui ont des excédents extérieurs doivent
apprécier leur taux de change. La stratégie de la zone euro est très non-coopérative d'un point
de vue international. La stratégie keynésienne de relance de la demande paraît parfois être une
stratégie rassurante. Elle ne l'est pas, avec les risques d'inefficacité (si le problème est un
problème d'offre), de dérèglement des marchés financiers et de crise financière, de report à
une période moins favorable de l'ajustement budgétaire, de tension internationale.
Artus : au secours, les keynésiens ont pris le pouvoir en zone euro
Source, journal ou site Internet : Le Point
Date : 24 mars 2015
Auteur : Patrick Artus
5 commentaires:
Toujours une erreur quand c'est fait par la force et pas par le marché...
Les étatistes adorent Keynes qui justifie leur laxisme. Le réveil sera douloureux.
Exact Jacques, merci de ton commentaire. En effet et cela malgré un passé bien connu notamment aux USA. Mais ne cherchent ils pas a effectuer une guerre ??
C'était évident que ça allait arriver depuis le jour qu'ils ont voulu le créer...
Un euro de dépense de l'Etat, c'est deux euros d'appauvrissement du pays. C'est le vrai multiplicateur.
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