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Quelle est la part de sincérité, quelle est la part de tactique dans la soudaine affection de Bertrand Delanoë pour le libéralisme ? Je suis bien incapable de le dire. Mais pour ces propos prudemment iconoclastes, si je puis oser cet oxymore, il attire l’attention sur l’origine du libéralisme et personnellement je m’en réjouis.
François GOULARD
Pour l’opinion, pour une large partie de la classe
politique, dont la culture ne s’est jamais alimentée qu’à la seule
source médiatique, le libéralisme se réduit à une acception purement
économique du terme. Il se confond, à peu près, avec le
libre marché, avec le capitalisme pour utiliser un terme qui n’est plus
guère à la mode. Or le libéralisme est d’abord une doctrine
politique, fondée sur une conception de l’homme, considéré
comme libre et responsable et que les institutions politiques doivent
protéger contre les abus du pouvoir. La démocratie
libérale, en science politique, s’oppose à la démocratie
populaire, en ce qu’elle protège l’individu et les minorités de
l’emprise d’un pouvoir, qui, même à supposer qu’il soit
majoritaire, doit respecter les principes fondamentaux que
sont les droits de l’homme. Le libéralisme est inséparable de la
séparation des pouvoirs et du respect de l’Etat de droit. Comme
les droits de l’homme incluent le droit de propriété, le
libéralisme respecte le libre marché, c’est-à-dire le droit des
individus, seuls ou groupés en sociétés, de disposer de leurs
biens.
La figure emblématique du libéralisme est donc beaucoup plus
le juge intègre que le banquier à cigare, contrairement aux caricatures
coutumières. Mais si le libéralisme est d’abord
politique, il est aussi économique, et il serait malhonnête,
intellectuellement incohérent, de se réclamer de l’un tout en rejetant
l’autre.
Fondamentalement, libéralisme et socialisme s’opposent. On
peut, pour simplifier, dire que le premier tire des conséquences
économiques de conceptions d’abord morales et politiques et que
le second partant de nécessités économiques et sociales est
conduit à reléguer au second plan les droits des individus.
Voilà pour les idées qu’il convient d’avoir à l’esprit.
Elles sont à la fois fondatrices et révélatrices. On ne devrait pas
innocemment se réclamer du libéralisme et du socialisme.
Conceptuellement, mais aussi pratiquement, les deux
idéologies reposent sur des conceptions différentes de l’homme, qui
sous-tendent des conceptions différentes de la politique. Le
libéralisme, c’est Tocqueville et Bastiat, et non
Tocqueville sans Bastiat.
Cela signifie-t-il qu’un libéral rejette toujours et
systématiquement toute intervention de l’Etat qui contrecarre le libre
fonctionnement du marché ? Bien sûr non. Cela
signifie-t-il qu’un socialiste est toujours et
systématiquement, un ennemi des libertés ? Il serait absurde de le
prétendre.
En réalité, il est arrivé que les socialistes soient
sensiblement plus libéraux que la droite : en matière de mœurs, par
exemple, dans certaines circonstances dans le domaine de la
liberté de l’information, la gauche a été libérale alors que
la droite ne l’était pas. Et la droite mettant en œuvre le droit
opposable au logement a battu la gauche sur un terrain à
proprement parler socialiste.
Cependant, il faut dire à Monsieur Delanoë que son
libéralisme est très relatif. Il appartient à un parti qui prône en
matière économique et social une irresponsabilité qui est
foncièrement anti-libérale. Sa gestion des affaires
parisiennes n’est pas non plus un modèle de libéralisme : il a instauré
une sorte de totalitarisme municipal, selon lequel les
loisirs bénéficient d’une préférence de principe, au
détriment de l’activité.
Quant à la droite, elle est loin d’être constamment
libérale, y compris sur le plan économique, où elle le dispute à la
gauche en fait d’interventionnisme brouillon. Une partie de la
droite française est autoritaire s’agissant des libertés
publiques, et corporatiste en matière économique, c’est-à-dire
absolument non libérale.
« Les idées libérales ne sont pas suffisamment portées dans le débat électoral, notamment par l'UMP. Or on ne gagnera la présidentielle que si les Français qui se reconnaissent dans une modernité..." F.G.
François Goulard, né le 21 septembre 1953 à Vannes (Morbihan), est un homme politique français, membre de Démocratie libérale puis de l'UMP à partir de 2002. Député du Morbihan de 1997 à 2012, maire de Vannes de 2001 à 2004 et de 2006 à 2011, il a été secrétaire d'État aux Transports et à la mer de 2004 à 2005 et ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche de 2005 à 2007. En juin 2012, il est battu aux élections législatives et perd son siège de député. Il est président du Conseil général du Morbihan depuis avril 2011.