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Source: Libres.org , Aleps par
Les gros mangent les petits
Le libéralisme permet
aux entreprises à la recherche du profit de se développer. Mais elles
sont diverses et inégales et une sélection impitoyable
va s’opérer au profit de celles qui atteindront une taille
supérieure. La concentration, appelle la disparition des artisans, des
petites et moyennes entreprises, au bénéfice de grands groupes
incontrôlés, qui eux-mêmes vont contrôler la société, au détriment
de la liberté individuelle : la libre entreprise aura paradoxalement tué
la liberté.
Pourquoi la concentration ?
La thèse de la
concentration remonte à une idée de Marx, lui-même héritier de quelques
économistes classiques anglais – dont Malthus et Ricardo.
Mais au 20ème siècle, dans les années 1930, après la
Grande Dépression, Joseph Schumpeter prédit la fin du capitalisme et la
marche inéluctable au socialisme.
Au cœur de la thèse :
les « économies d’échelle ». Quand une entreprise réussit à produire un
plus grand nombre de produits, les
coûts unitaires vont diminuer parce que les frais fixes (équipement,
bâtiments, administration) vont être répartis sur une quantité plus
élevée.
La grande entreprise manageriale
La concentration
n’aurait pas seulement pour effet d’accroître la compétitivité au point
d’éliminer progressivement les concurrents de moindre
taille. Schumpeter soutient que le passage à la grande entreprise
modifie son mode de fonctionnement. Alors que l’entrepreneur
« manchestérien », artisan de la révolution industrielle à
la fin du 18ème siècle, était à la tête d’une entreprise à
taille humaine, les grandes sociétés sont gouvernées par des
directeurs, des « managers » qui ne sont plus sous le
contrôle des propriétaires de l’entreprise.
Les petits
actionnaires n’ayant pas l’information nécessaire pour sanctionner les
erreurs de gestion, il y a irresponsabilité des managers, le
pouvoir au sein des grands groupes échappe aux propriétaires. De
même que les armées étaient conduites jadis par de grands capitaines,
elles sont aujourd’hui menées par des états-majors anonymes.
Galbraith ira plus loin : dans cette nouvelle « ère des directeurs »
(Burnham), la vie en société s’organise entre cellules sociales
géantes ; aux grandes entreprises
correspondent les grandes administrations, les grands syndicats,
tous ces corps sociaux étant entre les mains d’une classe dominante.
Dans « le nouvel état industriel », la
concentration s’opère entre grandes organisations concentrées, et
cette évolution rapproche l’Est et l’Ouest : URSS et USA convergent.
Small is beautiful
A cette heure le
phénomène de concentration généralisée ne s’est pas produit. Tout au
contraire, on a vu des géants de l’industrie disparaître à la
fin du 20ème siècle et le développement des petites et moyennes
entreprises a été à la base de la poussée de croissance vécue depuis
lors. Aux Etats Unis, au cours des vingt dernières années, 30
millions d’emplois ont été créés dans 9 millions d’entreprises de
faible taille.
La première erreur de
Marx, Schumpeter et les autres a été de sous-estimer les coûts de la
grande entreprise : les problèmes de relations
humaines y sont bien plus compliqués, l’information y circule moins
bien, enfin les frais fixes ne sont pas aussi faibles que le prétend
l’analyse classique. D’ailleurs, beaucoup de
« grands » groupes ont volontairement éclaté et décentralisé leurs
structures, on y a inventé le concept de « centres de profits » et un
véritable marché s’est installé au
cœur de l’entreprise naguère organisée sur une base purement
hiérarchique.
La concentration, une affaire industrielle
La deuxième erreur a
été de voir la réalité économique à travers la seule activité
industrielle. Il est vrai que les « économies
d’échelle » existent dans quelques industries, où il faut des
investissements de départ très élevés pour être compétitifs (industrie
chimique et certaines industries mécaniques). Mais
l’industrie ne tient plus qu’une place résiduelle dans la production
globale et ce sont les services qui représentent aujourd’hui les 80% de
la production et des échanges. Or, les frais fixes y
sont très faibles par rapport aux frais variables (comme les
salaires) et la proximité et la connaissance de la clientèle
s’accommodent mieux d’entreprises souples et adaptables, de faible
taille.
Too big to fail
En sens inverse, la
récente crise financière a montré que les grandes banques semblent
intouchables : elles ont atteint une taille si
importante qu’elles ne pourraient plus faire faillite sans entraîner
un cataclysme économique. Elles ont été déclarées « trop grosses pour
faire faillite ». Moyennant quoi les Etats,
c'est-à-dire les contribuables, ont été priés de mettre la main à la
poche pour sauver ces établissements bancaires.
Parallèlement, les
Etats ont soutenu de grandes entreprises du secteur automobile en
difficulté. Les grands groupes, objets pourtant de vives
critiques – notamment sur les salaires de leurs dirigeants – se sont
trouvés ainsi en situation d’impunité. L’irresponsabilité est devenue
la règle.
La gouvernance suppose un libre marché financier
Mais il en a été
ainsi par l’effet de l’interventionnisme. La logique n’est pas
économique, mais politique. Il y a eu disparition de la
« gouvernance », c'est-à-dire corruption du contrôle de l’entreprise
par ses actionnaires.
Henry Manne,
inventeur du concept de « gouvernance », a rappelé que si les
actionnaires n’ont pas souvent de pouvoir en assemblée
générale, ils ont toujours la possibilité de vendre leurs actions.
Quand les cours s’effondrent, une Offre Publique d’Achat pourra
survenir. Alors l’entreprise sera reprise par une meilleure
équipe de gestion. Les managers des grandes compagnies ne sont pas
irresponsables quand existe un véritable marché financier, où
s’échangent les titres de propriété (comme la Bourse par
exemple).
A l’inverse, le
système de contrôle par le marché financier devient inefficace quand des
entreprises en péril continuent à fonctionner n’importe
comment, parce qu’elles sont cautionnées ou aidées par l’Etat.
C’est souvent le cas
des entreprises publiques liées à l’Etat, dont le « sauvetage » peut
ruiner des concurrents de taille moindre et
infligent une charge aux contribuables, dont les sociétés réalisant
du profit. Il y a bien exploitation des petits par les gros, mais cela
n’a rien à voir avec le libéralisme.
La taille optimale
De façon générale, il
n’y a aucune indication véritable sur ce que peut être la taille
optimale d’une entreprise dans un secteur donné. La taille
est affaire de techniques, d’organisation, de la nature des produits
et services. Or, tout cela est appelé à évoluer.
Un nouveau tourisme
draine les clients vers de petits hôtels de province, mais les chaînes
n’ont pas disparu. Les compagnies aériennes, très
concentrées il y a quarante ans avec quelques « majors », sont
aujourd’hui éclatées en de très nombreuses petites compagnies.
Les « start up » démontrent que de petites entreprises peuvent se développer en peu de temps et avoir des performances
surprenantes.
La liberté ne se
mesure pas aux résultats (combien d’entreprises, de quelle taille) mais
aux procédures (la concurrence est-elle réelle et protégée,
ou faussée par des interventions ?). Dans une société de libertés,
il y a de la place pour les petits comme pour les gros.
Source: Libres.org , Aleps par