janvier 14, 2015

RP#8 - Stratégie - Guerres et Paix ( sommaire: 12 thèmes actuels)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Sommaire:

A) - Imposer le silence par la Loi, l’erreur à ne pas commettre - Les Echos du 13 janvier 2015 par Gaspard Koenig *(*écrivain et président du think tank GenerationLibre)


B) - Défense : Hollande veut revoir le rythme de réduction des effectifs - les Echos du 14 janvier 2015

C) - La Bourse de Paris fragilisée par les craintes sur la croissance mondiale - Boursorama du 14 janvier 2015

D) - Paris dans l’œil du cyclone - Le Monde diplomatique du 13 janvier 2015 par Philippe Leymarie

E) - Aqpa, qui a revendiqué l’attaque contre Charlie Hebdo, est la branche la plus dangereuse d’el-Qaëda - L’Orient le Jour du 14 janvier 2015

F) - Entre 3000 et 5000 ressortissants européens ont rejoint des groupes jihadistes - Zone militaire du 14 janvier 2015 par Laurent Lagneau

G) - Sécurité : Patriot Act or not Patriot Act ? - Le Point du 14 janvier 2015 par Sophie Coignard

H) - Pétrole : panique sur les marchés, Maduro à Alger - Le Quotidien d’Oran du 14 janvier 2015 par Yazid Alilat

I) - Ebola : va-t-on vers un ralentissement de l’épidémie ? - IRIS du 14 janvier 2015 par Michel Majetta

J) - Le secteur du pétrole de schiste en difficulté face à la chute du cours du pétrole conventionnel - notre planete info du 13 janvier 2015 par Sun Xingjie

K) - « Charlie », Dieudonné... quelles limites à la liberté d’expression ? - Le Monde du 14 janvier 2015 par Damien Leloup et Samuel Laurent

L)Au cœur de la cyberguerre entre Anonymous et djihadistes - Le Temps du 13 janvier 2015 par Mehdi Atmani
 
 




A) - Imposer le silence par la Loi, l’erreur à ne pas commettre

Après les manifestations du 11 janvier, des responsables politiques ont appelé à réprimer davantage les mots qui fâchent. Mais brimer la liberté d’expression serait un contresens face à ce que la France vient de vivre...et de dire. 

Ce ne serait pas le moindre des paradoxes si la plus grande manifestation de l’histoire en faveur de la liberté d’expression aboutissait à la réprimer. Or, au lendemain de la journée du 11 janvier, de nombreux responsables politiques, à commencer par Manuel Valls, ont appelé à prendre des mesures plus strictes contre les mots qui fâchent. A la suite d’une réunion avec ses collègues européens, le ministre de l’Intérieur a demandé davantage de coopération aux opérateurs internet pour filtrer leurs contenus. La liberté d’expression n’est pas toujours décente, agréable ni raisonnable. Est-ce une raison pour la restreindre encore plus ? La France est déjà le quatrième pays le plus souvent condamné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour violation de la liberté d’expression... Il est du devoir des pouvoirs publics de combattre le racisme et l’antisémitisme. Mais cela doit-il passer par le contrôle de la parole ? Question saugrenue, semble-t-il. Et pourtant : n’en vient-on pas à traiter de manière différenciée les diverses religions ? Peut-on demander à un tribunal de distinguer l’humour et la haine, de sonder les cœurs, de déceler les arrière-pensées ? Charlie Hebdo et ses dessinateurs n’avaient-il pas été eux-mêmes maintes fois attaqués en justice pour incitation à la haine raciale par ceux qui aujourd’hui les pleurent, comme l’a relevé Willem ? Pour ne pas sombrer dans la confusion sur ces sujets éminemment sensibles, ouvrons nos classiques. Peut- être pas Voltaire qui, en dépit des phrases apocryphes qui lui sont régulièrement prêtées, n’a jamais conceptualisé la libre pensée qu’il pratiquait si bien (relire sa pièce Mahomet !). Il faudra attendre 1859 pour que John Stuart Mill pose, dans son essai On Liberty, le cadre théorique le plus solide en faveur d’une liberté d’expression pleine et entière. Il y explique que, nul n’étant infaillible, la connaissance avance par tâtonnements (ce qui rend bien dérisoires les lois mémorielles, Gayssot et autres) ; que le « choc des opinions » est nécessaire pour éduquer le citoyen ; et surtout que la raison n’a pas à craindre son contraire : la vérité doit sortir renforcée, vivifiée, de sa confrontation avec l’erreur. Sinon, elle devient un « dogme mort », ânonné sans comprendre. Il faut argumenter, moquer, répliquer. Ne pas craindre d’être choqué. En appeler à la conscience et non au juge. C’est une logique pleinement libérale : l’échange responsabilise, tandis que l’interdit bêtifie. 

Voilà pourquoi les lois Pleven, qui pénalisent la « provocation à la discrimination », sont contraires à l’idéal des Lumières si puissamment réaffirmé par le peuple dans la rue. En imposant le silence par la loi, elles incitent chaque communauté à revendiquer son « droit au respect ». C’est dans cet esprit que la parodie de la Cène pour une publicité fut interdite, ou que la Cour de Cassation condamna des caricatures du Pape. J’avais exposé ce point de vue aux dernières Universités de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), pourtant grande consommatrice de loi Pleven. A ma grande surprise, les réactions ne furent pas hostiles. Et si le meilleur moyen de lutter contre l’obscurantisme était de l’exposer, de le mettre à nu ? Il ne s’agit pas de tolérer les propos intolérables, mais de les réfuter. Comme l’a joliment dit, au moment de l’affaire Dieudonné, Jamel Debbouze (rejoint d’ailleurs par Human Rights Watch, qui condamna l’interdiction du spectacle) : « laissons parler les imbéciles », au lieu de les transformer en héros. C’est le meilleur moyen de les neutraliser. A l’inverse, il ne fait aucun doute que tout compromis avec la liberté d’expression renforcera la spirale du bâillon et de l’autocensure, pour des causes de plus en plus contestables, en fonction de la morale du moment. Quand on condamne, on ne prend plus la peine de convaincre. John Stuart Mill fixait comme seule restriction à la libre parole le dommage direct à autrui. Ainsi l’insulte, la diffamation, la violation de la vie privée, l’incitation à la violence ou au terrorisme peuvent être légitimement punies – et avec plus de fermeté qu’elles ne le sont à présent. Mais prenons garde à ne pas laisser s’installer un contresens sur les événements terribles de la semaine passée. C’est par la raison et l’éducation, non par la censure, que nous gagnerons ce long combat. De même, dans le débat qui se profile sur un Patriot Act à la française, ne cédons à la tentation de la surveillance à outrance et du contrôle généralisé. On ne triomphe pas des ennemis de la liberté en restreignant les nôtres, mais en les affirmant plus haut et plus fort.



B) - Défense : Hollande veut revoir le rythme de réduction des effectifs

A circonstances exceptionnelles, moyens exceptionnels. En raison du contexte international, mais aussi des récentes attaques sur le territoire français, François Hollande a décidé de revenir sur le rythme de réduction des effectifs militaires prévu dans la loi de programmation militaire. « Je suis très vigilant dans le contexte que je viens de décrire quant au niveau des effectifs militaires et donc des restructurations prévues. Je vais donc revenir sur le rythme de réduction des effectifs programmé pour les 3 prochaines années dans la loi de programmation militaire. Il doit être revu et adapté », a déclaré le chef de l’Etat lors de ses vœux aux armées mercredi. Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian sera donc chargé de remettre des propositions d’ici la fin de la semaine et un conseil de la
Défense se tiendra sur cette question mercredi au cours duquel François Hollande prendra sa décision. Votée en décembre 2013, la loi de programmation militaire prévoit 190 milliards d’euros de crédits au cours de la période 2014-2019, avec un budget annuel maintenu à 31,4 milliards d’euros jusqu’en 2016, à hauteur de 1,5% du PIB, et en légère progression ensuite. Pour maintenir un dispositif militaire cohérent en période de crise, le texte prévoyait la suppression de 34.000 postes dans les armées en six ans, dont 7.881 en 2014. 

Le Charles de Gaulle en mission dans le Golfe
Ces vœux ont été présentés à bord du porte-avions Charles de Gaulle, envoyé en mission dans le Golfe . « Cette semaine le Charles de Gaulle part en mission, est déjà en mission » « L’appareillage de notre porte-avions est un acte qui a du sens. C’est le symbole de notre
indépendance », a déclaré le président de la République, par ailleurs chef des armées. « La situation au Moyen-Orient justifie la présence de notre porte-avions ». « Nous pourrons si nécessaire mener des actions en Irak. » « La mission qui commence est aussi une réponse au terrorisme », a-t-il ajouté. 

Service civique universel
Le chef de l’Etat a, par ailleurs, réitéré sa volonté de rendre le service civique universel. Il « sera proposé à tous les jeunes Français qui en font la demande ». 

Allégement des troupes en Centrafrique
François Hollande a, en outre, annoncé l’allégement du dispositif militaire déployé par la France en République Centrafricaine, parallèlement à la montée en puissance de la mission de l’ONU qui déploiera 12.000 hommes. 

Droit d’association des militaires
Sous la pression de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, François Hollande a confirmé son intention de présenter un projet de loi sur le droit d’association professionnelle des militaires qui sera intégré au Code de la Défense. Celui-ci va « préserver les droits et devoirs des militaires » et les « prérogatives du commandement seront sauvegardées ». 

Droits des anciens combattants
Les droits des anciens combattants seront « consolidés », notamment avec la création d’une « carte opérations extérieures » à partir du premier octobre prochain.




C) - La Bourse de Paris fragilisée par les craintes sur la croissance mondiale

La Bourse de Paris a perdu du terrain (-1,56%) mercredi à l'issue d'une séance toujours marquée par la volatilité, dans un marché fragilisé par les craintes entourant les perspectives de croissance mondiale. L'indice CAC 40 a perdu 67,04 points à 4.223,24 points, dans un volume d'échanges nourri de 4,3 milliards d'euros. La veille, l'indice parisien avait gagné 1,47% pour sa deuxième séance de rebond consécutive. La cote parisienne qui a ouvert en nette baisse a fait une incursion dans le vert en milieu de matinée avant de repartir en territoire négatif. Ce repli du marché a été alimenté par une ouverture dans le rouge à la Bourse de New York. "Les préoccupations économiques reprennent le dessus", estime Xavier de Villepion, vendeur d'actions chez HPC. La Banque mondiale a révisé mardi soir à la baisse ses prévisions de croissance dans le monde à 3% en 2015, les abaissant notamment pour la zone euro, malgré la récente chute des prix du pétrole. Dans l'après-midi, le marché a également été fragilisé par la chute des ventes de détail en décembre aux Etats-Unis, qui a déçu les analystes. En France, l'inflation est quant à elle tombée à un niveau très bas (0,5%) en 2014. "Le marché s'est redressé au moment où la Cour de justice de l'Union européenne a donné le feu vert" au programme de rachats d'actifs annoncé en 2012 par la Banque centrale européenne (BCE), explique par ailleurs M. de Villepion. "C'est le seul moment où on a rebondi", souligne-t-il. La Cour européenne de justice a rendu un avis positif concernant la légalité du programme OMT, un outil de rachat de dettes publiques évoqué par la BCE à l'été 2012, mais jamais lancé. "C'est clairement un feu vert donné à la BCE pour lancer son QE (programme de rachats d'actifs, NDLR) dès le 22 janvier prochain", note Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque. La BCE tient sa réunion de politique monétaire jeudi de la semaine prochaine et la pression augmente pour que l'institution de Francfort prenne de nouvelles mesures face au risque de désinflation, en allant jusqu'à racheter des titres de dettes souveraines. Parmi les valeurs, les titres les plus dépendants de la croissance mondiale ont reculé à l'image de Saint-Gobain (-2,80% à 33,55 euros), ArcelorMittal (-5,88% à 8 euros), Schneider Electric (-1,94% à 60,27 euros) et Renault (-2,88% à 59,77 euros). Le secteur pétrolier a également été sanctionné. Total a perdu 2,12% à 40,82 euros et Technip 2,48% à 45,94 euros. Air France-KLM a souffert (-4,35% à 7,48 euros), alors que le groupe a démenti des informations du Figaro évoquant un nouveau plan de suppressions de postes.



D) - Paris dans l’œil du cyclone
 
Les assassins de l’équipe de « Charlie hebdo » ont assuré avoir agi pour le compte ou avec le soutien d’Al Qaida dans la péninsule arabique (AQPA), tandis que le preneur d’otage de l’épicerie casher, Porte de Vincennes à Paris, se réclamait de l’Organisation de l’Etat islamique (OEI). Ces deux organisations ont félicité les jeunes Français d’avoir ainsi « vengé le Prophète » et puni la France de son engagement anti-musulman. Bien qu’il soit hasardeux de qualifier ces attaques terroristes certes coordonnées, mais pour le moment relativement limitées de « guerre », comme le font certaines autorités françaises, force est de constater que l’engagement multiple de la France sur les fronts de l’antiterrorisme place l’Hexagone en position de cible désormais aussi privilégiée, sinon plus, à l’heure actuelle, que l’historique « Satan » américain. La station de radio RTL a diffusé samedi des extraits d’une conversation entre Amedy Coulibaly et ses otages, au supermarché Hypercacher de la porte de Vincennes, enregistrée vendredi après-midi à l’insu du preneur d’otages, dont le combiné téléphonique avait été mal raccroché : Coulibaly — tué dans l’assaut en fin d’après-midi, après qu’il a lui- même assassiné quatre otages — cite notamment l’action militaire française au Mali et les bombardements occidentaux en Syrie. « Ils essaient de vous faire croire que les musulmans sont des terroristes. Moi, je suis né en France. S’ils n’avaient pas été attaqués ailleurs, je ne serais pas là », se justifie Amedy Coulibaly devant ses otages, se réclamant également d’Oussama Ben Laden. 

Sales Français
Ces derniers mois, les menaces s’étaient multipliées, avec notamment un appel en novembre signé de Abou Mohammed Al-Adnani, porte-parole de l’Organisation de l’Etat islamique (OEI) : « Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen en particulier les méchants et sales Français, attaquez-les avec des couteaux, avec des pierres, et remettez-vous en à Allah : tuez-le de n’importe quelle manière ». Mais on se souvient également de la déclaration plus ancienne (août 2009) de Ayman Al-Zawahiri, qui allait succéder à Oussama Ben Laden : « La France, qui prétend être un pays laïc alors que son cœur est plein de haine pour les musulmans, va payer pour ses crimes ». Lire « “Guerre contre le terrorisme”, acte III », par Alain Gresh, Le Monde diplomatique, octobre 2014.Ces derniers jours, le magazine Inspire, émanation d’Al Qaida — qui avait placé dès 2013 Stéphane Charbonnier, alias Charb, le directeur de Charlie Hebdo, sur une liste « Recherchés morts ou vifs pour crimes contre l’islam » — a publié un portrait du dessinateur, barré d’une croix, avec cette légende : « Salutations et remerciements de la communauté islamique à ceux qui ont vengé le prophète Mohamed ». Al Qaida et l’OEI, les deux mouvances djihadistes en concurrence, se sont répartis de fait les zones d’influence et rien ne les distingue sur le plan idéologique. La conquête et l’instauration du « califat » de l’OEI représente toutefois une militarisation plus aboutie du combat djihadiste, assortie d’un saut de génération, et une nette modernisation des moyens de communication [1]. 

Dans certains milieux musulmans, la France a à tort ou à raison la réputation : 

de combattre l’islam sur son territoire (interdiction de la burka et du voile intégral dans les lieux publics) ; 

d’avoir chassé les groupes armés radicaux du nord du Mali (l’opération Serval)

d’avoir établi plus récemment un cordon de surveillance du Sahel en coopération avec cinq pays du « G5 » [2] (l’opération Barkhane)

de coopérer avec le pouvoir fédéral nigérian dans la lutte contre la secte musulmane Boko Haram ; 

d’être intervenue en Centrafrique, aux côtés des chrétiens, pour repousser les ex-Séléka musulmans dans le nord du pays (l’opération Sangaris). 

Hub terroriste
Des affirmations qui peuvent être retournés point par point : 

soucieuse de laïcité, la France est également protectrice des cultes, quels qu’ils soient, et s’efforce d’aider les communautés musulmanes à perfectionner la qualité de leurs clergés, à développer leurs modes de représentation, etc. ; 

l’opération de « nettoyage » au nord du Mali a été menée au profit d’un gouvernement musulman (Bamako) et avec l’aide de combattants d’un pays gouverné par des musulmans (Tchad) ; 

la secte Boko Haram s’est davantage distinguée dans les massacres de masse, ou l’enlèvement de centaines de jeunes filles, que dans le culte d’Allah

la totalité des dirigeants et la grande majorité des populations des pays du « G5 » sahélien sont musulmanes ; 

l’intervention française en Centrafrique a permis d’enrayer une vague de massacres entre radicaux musulmans et chrétiens, qualifiée par certains de début de génocide ; 

l’intervention franco-américano-britannique de 2011 en Libye, par ailleurs très critiquée, avait été dirigée contre le régime laïc (pour l’essentiel) de Mouammar Kadhafi, au profit des clans islamistes, qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé. 

L’actuel gouvernement français, qui ne cesse d’attirer l’attention sur la gravité de la situation au sud de la Libye, devenu un « hub terroriste », repousse cependant l’idée d’une intervention unilatérale, sur le mode de ce qui avait été conduit en 2011 une opération « qui nous est reprochée par le monde entier », comme l’avait admis un haut responsable militaire (Lire « L’hydre libyenne, hantise du Sahel »). Pour justifier son engagement en Afrique, et notamment au Sahel, Paris invoque la nécessité d’assurer un « plancher de sécurité », à titre essentiellement préventif, à ces pays le temps que le « G5 » sahélien, aidé par des forces africaines, soit en mesure de prendre totalement le relais. Mais il prévient ne serait-ce que pour inciter par exemple le Mali ou la Centrafrique à consolider, par des élections régulières, la légitimité de leurs institutions que les Français « ne sont pas là à vie »... 

Notes
[1] Cf. Peter Harling, « Etat islamique, un monstre providentiel, Le Monde diplomatique, septembre 2014.
[2] Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. 




E) - Aqpa, qui a revendiqué l’attaque contre Charlie Hebdo, est la branche la plus dangereuse d’el-Qaëda

El-Qaëda dans la péninsule arabique (Aqpa), basée au Yémen, qui a revendiqué mercredi l'attaque contre Charlie Hebdo, est la branche la plus active et la plus dangereuse du réseau extrémiste selon Washington. Né en janvier 2009 de la fusion des branches saoudienne et yéménite d'el-Qaëda, le groupe est considéré comme "terroriste" par Washington qui promet 10 millions de dollars pour toute information conduisant à la localisation du chef d'Aqpa, le Yéménite Nasser Al-Whaychi, et de sept autres dirigeants du groupe. Whaychi
avait proclamé en juillet 2011 son allégeance à Ayman al-Zawahiri, nouveau chef d'el-Qaëda après la mort d'Oussama ben Laden, tué en mai 2011 au Pakistan. Les deux auteurs présumés du massacre, les frères Chérif et Saïd Kouachi, ont été tués par les forces spéciales françaises. Peu auparavant, le cadet a déclaré avoir été missionné par Aqpa pour agir en France. Dans un appel à la chaîne BFMTV, Chérif Kouachi a indiqué avoir séjourné en 2011 au Yémen, affirmant avoir été financé par l'islamiste américano-yéménite Anwar al-Aulaqi, tué lors d'une frappe d'un drone américain la même année. Ces dernières années, Aqpa a revendiqué une série d'importants attentats, au Yémen comme à l'étranger, dont une tentative de faire exploser un avion de ligne américain le jour de Noël 2009. Et le groupe a appelé à plusieurs reprises ses partisans à s'en prendre à la France, engagée en Irak avec la coalition contre le groupe Etat islamique, mais aussi en Afrique contre des jihadistes. Le magazine d'Aqpa en anglais, "Inspire", destiné à susciter des vocations de "loup solitaire" à l'étranger, a appelé ses partisans à mener des attentats en France et inscrit en 2013 le directeur de la publication de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, Stéphane Charbonnier, surnommé Charb, sur sa liste de personnes à abattre. Ce dernier a été tué dans l'attentat contre le siège du journal, avec 11 autres personnes, le 7 janvier. En novembre 2010, Aqpa a revendiqué l'envoi de colis piégés aux Etats-Unis et l'explosion d'un avion cargo américain deux mois plus tôt à Dubaï. En 2009, un kamikaze d'Al-Aqpa a failli tuer le ministre saoudien de l'Intérieur en se faisant exploser en sa présence. Sur le sol yéménite, le groupe extrémiste sunnite mène régulièrement des attaques meurtrières contre les forces de l'ordre et plus récemment contre les rebelles houthis qui se sont emparés de la capitale Sanaa en septembre. Aqpa anoatmment profité de l'insurrection populaire contre le pouvoir central en 2011 pour renforcer son emprise dans le pays, surtout dans le Sud. Le nouveau pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi a réussi à l'en déloger en 2012, repoussant le groupe dans les zones montagneuses avec le soutien des Etats-Unis et de leurs drones. Fin 2012, le numéro deux d'Aqpa, le Saoudien Saïd al-Chehri, est mort dans une frappe de drone. Ancien de Guantanamo, il était passé par un programme de réhabilitation dans son pays avant de refaire surface au Yémen.





F) - Entre 3000 et 5000 ressortissants européens ont rejoint des groupes jihadistes

Lors du débat sur la prolongation de l’opération Chammal, le 13 janvier, le Premier ministre, Manuel Valls, a rappelé qu’environ 400 ressortissants français (ainsi que des résidents en France) sont actuellement en Irak et en Syrie pour combattre dans les rangs de l’État islamique (EI ou Daesh). « Certains de nos compatriotes sont impliqués dans les atrocités commises par Daech. Beaucoup participent également à la propagande, et appellent à commettre des attaques sur notre territoire. Face à cela, il nous faut agir avec sang-froid, discernement et détermination », a-t-il dit. Au total, selon les chiffres avancés devant la commission des Affaires intérieures du Parlement britannique par Rob Wainwright, le directeur d’Europol [ndlr, European Police Office], il y aurait actuellement entre 3.000 et 5.000 Européens partis faire le « jihad ». Et 2.500 noms de suspects ont déjà été rassemblés auprès des services des différents pays de l’Union européenne. « Clairement, nous avons affaire à un grand nombre, principalement de jeunes hommes, qui ont le potentiel de revenir et le potentiel, ou l’intention et la capacité de mener des attaques comme celles de Paris la
semaine dernière », a estimé M. Wainwright. « C’est certainement la menace terroriste la plus sérieuse à laquelle l’Europe doit faire face depuis le 11-Septembre », a-t-il aussi prévenu. Ce serait une erreur de se focaliser uniquement sur les jihadistes européens enrôlés par l’État islamique. D’autres organisations terroristes recrutent également des ressortissants occidentaux, comme les différentes branches d’al-Qaïda. Ainsi, des étrangers combattent dans les rangs des shebab somaliens ou dans ceux du Front al-Nosra, plus précisément du groupe Khorassan. Et si ce phénomène n’est pas nouveau, il prend une ampleur particulièrement inquiétante. C’est ce qu’a d’ailleurs souligné le directeur d’Europol. « Tandis que les services de sécurité se sont assez justement concentrés prioritairement sur les combattants qui reviennent de Syrie et d’Irak, les événements à Paris la semaine dernière montrent qu’il y a clairement une menace de la part des cellules dormantes », a-t-il également dit. Mais que faire de ces jihadistes quand ils reviendront en Europe? « Il faut harmoniser les dispositifs pénaux, mais de grâce, n’envoyons pas tous ceux qui reviennent de Syrie en prison. Il vont encore être plus radicaux et il vont inspirer d’autres », a estimé Gilles de Kerchove, le coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme, dans un entretien diffusé par l’AFP. « Parce qu’on sait combien la figure du vétéran inspire, même si le type faisait la vaisselle en Syrie et n’était pas en première ligne. Il va inventer qu’il était un grand héros, qu’il a décapité dix personnes », a-t-il ajouté, en citant les cas de Mohammed Merah, Mehdi Nemmouche ou encore celui d’Amedy Coulibaly. Sans doute que la solution la plus simple serait de mettre les jihadistes à l’isolement afin d’éviter justement l’endoctrinement d’autres détenus... Quoi qu’il en soit, pour M. de Kerchove, la « menace de nouveaux attentats reste sérieuse » car « Daesh veut agir et l’a annoncé » tandis qu’ »al-Qaïda est fort dégradé mais veut rester dans la course et se rappeler à notre bon souvenir [ndlr, ce qui est fait, avec la revendication de l'attentat contre Charlie Hebdo par AQPA]« . « Il n’y a pas une solution miracle. C’est en jouant sur la palette de la prévention, de la détection, de la répression et la dimension internationale qu’on va essayer d’éviter le plus possible que cela se répète. Mais l’empêcher, non. On ne l’empêchera pas à 100% », a ensuite fait valoir M. de Kerchove. « Il y a malheureusement des armes qui viennent des Balkans, de Libye, qui sont en vente libre et il y a des fous. Quand vous avez un accès facile à la kalachnikov et des fous radicalisés, c’est extrêmement difficile de l’empêcher, mais on peut essayer le plus possible, sans entrer dans une société totalitaire », a-t-il également ajouté. Quant au nombre de ressortissants européens ayant rejoint des groupes jihadistes en Irak et en Syrie, M. de Kerchove l’estime à 3.000. Et, selon lui, « 30% sont rentrés dans les pays de l’UE ». Par ailleurs, il y a ceux qui sont partis s’enrôler dans les organisations jihadistes... Et il y a ceux qui ont un lien avec ces dernières. En décembre, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait indiqué que « le nombre de ressortissants français ou résidents habituels en France en lien avec les filières terroristes en Syrie et en Irak s’établissait à plus de 1.200′′ au total.





G) - Sécurité : Patriot Act or not Patriot Act ?

Aux États-Unis, l'opinion est de plus en plus réservée sur les mesures d'exception adoptées après le 11 Septembre. Raison de plus pour garder la tête froide en France. 

C'est la grande question qui agite le microcosme depuis quelques jours : faut-il, ou ne faut-il pas, un "Patriot Act" à la française ? Et, preuve que la réponse n'est pas simple, une ligne de fracture apparaît au sein d'une même famille politique. Le jour même de la grande marche qui a noirci de monde les rues de France, dimanche 11 janvier, Valérie Pécresse l'affirme sur Twitter : "Il faudra bien entendu un Patriot Act à la française". François Fillon, lui, y est fermement opposé : "Aucune liberté ne doit être abandonnée. Et je n'ai pas proposé de modification législative fondamentale", assure-t-il, avant d'ajouter : "Sinon, on donne raison à ceux qui viennent combattre sur notre sol." L'entourage d'Alain Juppé fait également savoir qu'il n'y est pas favorable. À gauche, c'est l'ancien garde des Sceaux et ex-président du Conseil constitutionnel Robert Badinter qui s'insurge, sur France Info, contre l'idée d'un
Patriot Act à la française : "Ne nous laissons pas aller à ces ripostes de papier presque dérisoires qui consistent à fabriquer textes et exceptions qui méconnaissent les principes fondamentaux." Quelques heures plus tard, mardi 13 janvier, Manuel Valls déclare à l'Assemblée nationale qu'il faut prendre "des mesures exceptionnelles", mais "jamais des mesures d'exception qui dérogeraient aux principes du droit et des valeurs". Une distinction sémantique ténue. 

Des moyens efficaces, pas des textes !
Aux États-Unis, le Patriot Act, un texte adopté dans le sillage des attentats du 11 Septembre, est loin de faire l'unanimité, même à droite. Le sénateur libertarien Rand Paul, en lice pour la primaire républicaine de 2016, s'oppose à la prorogation de ce texte d'exception voté pour quatre ans mais jamais abandonné. Quel président prendrait le risque de sembler mégoter sur la sécurité de ses concitoyens ? Pourtant, son réexamen en juin promet d'être houleux au
Congrès, même s'il est dominé par une majorité républicaine dans les deux chambres. Il est vrai que les dispositions qui permettent de perquisitionner le domicile, d'éplucher les données bancaires, les conversations et même le dossier médical de n'importe quel citoyen sans le moindre contrôle judiciaire ont abouti à des résultats mitigés, puisque moins de 1 % des requêtes concernent des affaires de terrorisme. Or, l'opinion publique ne serait pas prête, hors contexte, à accepter de telles atteintes aux libertés fondamentales pour des affaires de droit commun, si répréhensibles soient-elles. Avant de songer à un Patriot Act à la française, ce sont les dispositifs existants qu'il faut améliorer. Que dire, par exemple, de la CNCIS, cette commission chargée de vérifier la légalité des écoutes administratives, dont le fonctionnement évoque une sorte de mélange entre Courteline et Balzac ? Avant d'écrire la moindre ligne nouvelle, c'est aux blocages et aux archaïsmes qu'il faut s'attaquer. Au plus vite.


H) - Pétrole : panique sur les marchés, Maduro à Alger

La situation du marché pétrolier, où les prix ont atteint hier mardi en débuts d'échanges les 45,36 dollars pour le brut américain (WTI) et 46,73 dollars pour le brut de référence de» la mer du Nord (Brent), est préoccupante. Les marchés Jsont en mode panique», selon des analystes. La baisse alarmante des cours du brut, depuis la réunion ministérielle de l'Opep en novembre dernier, a provoqué en fait un véritable branle bas de combat au sein de certains pays membres de l'organisation, dont le pétrole constitue l'essentiel des recettes d'exportations. Il en est du Venezuela, de l'Iran, mais également de l'Algérie qui a vu ses réserves de changes fondre de plus de 10 milliards de dollars en six mois. La décrue des recettes d'exportations d'hydrocarbures, qui ne devraient guère dépasser les 60 milliards de dollars en 2014, en est la principale raison. C'est un peu dans cette atmosphère de panique que le président vénézuélien Nicolas Maduro est arrivé hier à Alger, une étape d'un périple qui l'a déjà conduit à Ryadh et Téhéran. À Alger, Maduro, sérieusement remonté contre l'Arabie Saoudite, que tout le monde accuse d'avoir fait pression pour le maintien du plafond de production de l'OPEP à 30 millions de B/J, devait discuter avec les responsables algériens, en particulier avec le président Abdelaziz Bouteflika, de la meilleure position à prendre pour redonner des couleurs au marché pétrolier. Mais, surtout, créer un front au sein des pays- Opep contre l'Arabie Saoudite et provoquer une réunion d'urgence de l'organisation, au moins d'ici mai prochain, pour revoir le plafond de production des pays producteurs membres. Sur un autre registre, il s'agit également, dans la même démarche, de sensibiliser les pays producteurs non membres de l'Opep à rationaliser leur offre sur le marché, arrivé à d'inquiétants niveaux de saturation par une abondance de pétrole de schiste américain. Les entretiens entre les présidents Bouteflika et Maduro «seront l'occasion pour une concertation entre l'Algérie et le Venezuela (...) au sujet de l'actuelle crise des prix du pétrole, et sur les voies et moyens de parvenir à leur redressement, dans le cadre d'un effort élargi aux producteurs non-Opep», indique un communiqué de la présidence. Avant Alger, Maduro s'était rendu dimanche en Arabie Saoudite, et la veille en Iran. 

Le périple du président Vénézuélien a coïncidé hier avec un nouveau plus bas des cours du brut sur les marchés asiatiques, où le pétrole frôle des plus bas depuis six ans en raison d'une offre surabondante, mais se maintenant au-dessus du seuil des 45 dollars le baril. Pis, les analystes prédisent un passage du Brent sous les 40 dollars dans les prochains mois. La banque d'affaires Goldman Sachs anticipe pour le brut «WTI» à 41 dollars dans trois mois, à 39 dollars dans six mois avant un rebond jusqu'à 65 dollars dans un an, contre respectivement 70 dollars, 75 dollars et 80 dollars estimés auparavant, dans une note. À Alger, Maduro, sérieusement remonté contre l'Arabie Saoudite, que tout le monde accuse d'avoir fait pression pour le maintien du plafond de production de l'OPEP à 30 millions de B/J, devait discuter avec les responsables algériens, en particulier avec le président Abdelaziz Bouteflika, de la meilleure position à prendre pour redonner des couleurs au marché pétrolier. les experts de la banque prévoient un baril à 42 dollars dans trois mois, à 43 dollars dans six et à 70 dollars l'an prochain, contre 80, 85 et 90 dollars précédemment. 

LES MARCHES EN MODE «PANIQUE»
Lundi, le baril de «light sweet crude» avait perdu 2,29 dollars à 46,07 dollars, sur le New- York Mercantile Exchange (Nymex), terminant à son plus bas niveau en clôture depuis le 11 mars 2009. A Londres, le Brent coté sur l'Intercontinental Exchange (ICE) avait clôturé à 47,43 dollars, en baisse de 2,68 dollars, une première sous le seuil symbolique des 50 dollars depuis le 28 avril 2009. Pour le Sahara Blend, brut algérien, il faudrait ajouter au moins 5 à 6 dollars par rapport au cours du Brent. Selon un analyste sur le marché australien, «la chute des prix du brut est déconcertante». «Nous devons attendre des baisses de production de gaz de schiste aux Etats-Unis pour renverser les excédents et stabiliser les prix», estime le même analyste de marché pour qui »le marché est en mode panique pour le moment et nous assistons à des retraits» importants de positions des opérateurs. Une situation qui commence à faire bouger certains membres de l'Opep des pays du Golfe. Suhaïl Mazroui, ministre émirati du pétrole a souhaité hier mardi ‘'une rationalisation de la production des pays non membres de l'Opep, en insistant sur le fait que le niveau actuel des prix ne pouvait être maintenu». «Nous disons au marché et aux autres producteurs d'être rationnels, de suivre l'Opep et d'agir pour une croissance du marché», a-t-il souligné, avant de déclarer que « l'Opep ne peut plus protéger» le prix du baril de pétrole. «Nous avons connu une surproduction, venant essentiellement du pétrole de schiste, et cela doit être corrigé», a-t-il ajouté. Pour autant, à Téhéran, on hausse le ton : «ceux qui ont planifié la baisse des prix du pétrole contre certains pays devraient savoir qu'ils le regretteront», a déclaré le président Rohani, visant directement l'Arabie Saoudite.



I) - Ebola : va-t-on vers un ralentissement de l’épidémie ?

Le Liberia, un des pays les plus violemment touché par Ebola, après avoir décrété en novembre la fin de l’état d’urgence, va rouvrir ses écoles en février. Peut-on voir là un signe du ralentissement de l’épidémie ? 

Le dernier bulletin du WHO recensait plus de 21 000 cas d’Ebola et 8 304 morts ont été enregistrés. Au Liberia, la courbe épidémique a touché un pic en novembre et a connu son pic maximal épidémique cet été. Le taux d’incidence – soit le nombre de nouveaux cas - est en train de diminuer ; c’est pour cette raison qu’une certaine normalisation est en train de se mettre en place. En termes de dynamique de l’épidémie, il se passe en revanche quelque chose de très particulier en Guinée où le taux d’incidence est très fluctuant et ne permet pas d’arrêter une tendance à court terme. Nous sommes encore loin de maîtriser la situation dans ce pays et, malheureusement, des taux d’incidence explosent dans certaines zones, en particulier dans le Sud-Est. On peut, en revanche, noter des signes encourageants avec des tendances à la baisse au Sierra Leone. Cela étant, les taux de transmission de la maladie restent encore très élevés dans certaines zones, notamment dans la capitale, Freetown, et la région de Bombali au Sierra Leone, dans la région de Montserrado au Liberia et à Macenta en Guinée. L’ensemble de ces pays ont aujourd’hui la capacité théorique de traiter les patients : ils peuvent assurer deux lits dans les centres de traitement par cas reporté comme confirmé ou probable. Le problème reste la distribution de ces lits sur les territoires, qui ne suit pas forcément la densité géographique des nouveaux cas. L’objectif d’isoler 100% des cas détectés n’est donc pas encore atteint. 

On a constaté, depuis l’exportation de quelques cas dans des pays comme les Etats-Unis, la France ou l’Espagne, qu’Ebola se soignait très bien dans nos hôpitaux. Pourtant, l’épidémie a fait plus de 7800 morts en Afrique de l’Ouest en moins d’un an. Que cela révèle-t-il de la situation de ces pays et surtout de la gestion de l’épidémie ? 

Sur la gestion de l’épidémie en elle-même, la situation est très spécifique aux pays, le Liberia et le Sierra Leone, par exemple, sortent d’une longue période d’instabilité socio-politique. La structure des centres de santé et celle des systèmes de santé eux-mêmes dans ces Etats étaient affectées bien avant la crise Ebola. Depuis les années 90, ces derniers s'étaient complètement dégradés et même s’il y avait du personnel dans certains de ces centres, le matériel de base manquait ; pour certains d'entre eux il n'y avait même pas d'accès à l'eau. Ces personnels de santé sont, de plus, mal rétribués, pas forcément bien formés, et sont bien souvent tentés de partir à la première opportunité, situation que l’on observe notamment dans les centres les plus éloignés des zones urbaines. Les politiques de santé sont elles-mêmes aussi très déficientes depuis plusieurs années, pour différentes raisons. Certaines sont structurelles, liées à l’histoire des conflits dans ces pays ou à la corruption, pour d’autres il s’agit d’un déficit chronique d’investissement des Etats. Les budgets consacrés à la santé, dans certains cas, sont en effet très faibles et représentent un pourcentage minime de l’ensemble des budgets publics. Si avant la crise Ebola, les budgets alloués à la santé étaient en augmentation, cela était loin d'être suffisant pour structurer, voire construire dans certaines régions un système de santé assez fort pour contrer une épidémie comme Ebola. Il y a, enfin, bien sûr, une importante responsabilité de la coopération internationale, notamment des politiques d’aides bilatérales qui ont été conduites au cours des quinze dernières années dans ces pays. Guinée, Liberia et Sierra Leone étaient en plein développement structurel et n'arrivaient pas à investir davantage dans leur système de santé du fait de leur endettement auprès du FMI. Pourtant, il était impératif que ces pays fassent de la santé publique une priorité : pour ces raisons, une aide internationale intelligente et efficace était fondamentale. Or, l’UE, la France et l’Allemagne se sont, au même moment et sans se coordonner, désengagés des questions de financement des systèmes de santé de ces pays. A l'aide bilatérale classique, la France privilégie depuis plusieurs années le financement de partenariats public-privé, 70% de l'aide française en faveur de la santé transitant par des canaux multilatéraux. Or ces derniers auront du mal à justifier leur efficacité dans le renforcement des systèmes de santé que ce soit au Liberia, au Sierra Leone et en Guinée pré-Ebola... L’OMS n’a, quant à elle, pas de moyens financiers, ni le mandat pour contrebalancer un tel déficit, même dans l'urgence. 

Les ONG ont les premières tiré le signal d’alarme au printemps 2014, notamment Médecins sans Frontières et ont été des acteurs très présents sur le terrain, parfois seuls à agir. Les ONG ont-elles remplacé l’action et la responsabilité des Etats dans cette crise? Qu’en est-il pour l’avenir ? Va-t-on vers une sorte de « privatisation » de la gestion des crises sanitaires internationales ? 

On peut effectivement avoir cette lecture a posteriori, en se disant que les ONG ont remplacé une responsabilité étatique. Il faut cependant savoir à quoi correspond cette responsabilité. On parle d’Etats qui sont sortis de périodes de guerres très longues pour certains d’entre eux et on parle simultanément de coopération internationale défaillante ou d’aide bilatérale peu coordonnée qui portent aussi une responsabilité. Naturellement, il y a de même la responsabilité de la gouvernance des chefs d’Etat des pays touchés, qui, peut-être, ne font pas de leur système de santé une priorité nationale indépendamment des contraintes financières. Mais, selon moi, le tableau est encore plus nuancé que cela. Le rôle des ONG humanitaires est toujours de répondre à un impératif. Si vous avez des populations en souffrance qui demandent de l’aide et se trouvent dans des pays incapables d’y répondre, les ONG humanitaires doivent intervenir. Elles ont ainsi répondu présentes durant cette crise d’Ebola et heureusement car, effectivement, les autorités nationales étaient complètement dépassées. Non seulement la population souffrante était en demande d’aide mais les Etats eux-mêmes l’ont demandée. Encore dernièrement, la Guinée demandait à Médecins Sans Frontières de les aider à mieux maîtriser la fluctuation de l’incidence dans la dynamique épidémique de leur pays. On se trouve donc avec des Etats complètement désemparés, une population abandonnée à elle-même et des ONG humanitaires qui jouent leur rôle de courroie d'urgence. Il ne s’agit pas non plus d’une privatisation. Les ONG, et notamment MSF, agissent grâce à l’aide publique. Certes, une partie de leur financement vient des dons d’individus, mais ils vivent aussi de bailleurs de fonds institutionnels. En espérant que 2015 soit vraiment l’année où cette crise Ebola sera réglée, la leçon à retenir est que, premièrement, il faut se poser la question de la pression financière internationale qui asphyxie les pays en voie de développement. Il faut aussi s’interroger sur la façon avec laquelle les aides bilatérales sont coordonnées par les Etats pour supporter notamment les systèmes de santé et il faut aussi les aider à construire des politiques de santé publique efficientes et efficaces. Enfin, il faudrait un « plan Marshall » sur la santé pour tous les Etats africains en voie de développement qui, structurellement, se trouvent aujourd’hui dans la même situation que le Liberia, le Sierra Leone et la Guinée et qui demain, s’ils sont frappés par Ebola, vivront la même catastrophe si rien n’est fait. Quant aux ONG, elles seront toujours là et répondront présentes pour travailler auprès des populations en souffrance se trouvant face à l’inertie de leur pays ou à leur incapacité à répondre, ainsi que face à l'irresponsabilité de la coopération internationale.



J) - Le secteur du pétrole de schiste en difficulté face à la chute du cours du pétrole conventionnel


Les prix du pétrole sont tombés en dessous de 50 dollars US. La Russie, le Venezuela et d'autres pays très dépendants des recettes pétrolières sont plongés dans l'inquiétude, tandis que les producteurs de pétrole de schiste comme les États-Unis et le Canada connaissent une crise inédite. 

Le gaz de schiste menacé par les faibles prix du pétrole
Le 4 janvier, l'entreprise américaine de pétrole de schiste WBH Energy s'est déclarée en faillite. Cela marquera peut-être le début de la réorganisation des entreprises de pétrole et de gaz de schiste en faillite. Depuis 2010, les dettes des entreprises américaines dans le secteur de l'énergie ont augmenté de 55%, tandis que l'indice S&P 1500 dans le secteur de l'énergie est rapidement tombé. La révolution des hydrocarbures de schiste en Amérique du Nord fait à la fois face aux prix faibles du pétrole et aux coups spéculatifs des investisseurs. Confrontées à l'assèchement des liquidités et à la baisse des prix pétroliers, les petites entreprises de pétrole de schiste vont faire faillite ou être fusionnées. Le secteur du pétrole et du gaz de schiste continuera bien sûr à exister, mais à condition de diminuer ses coûts d'exploitation pour concurrencer les producteurs à faible coût de l'OPEP. Les raisons de la chute des prix du pétrole sont de plus en plus claires : l'offre est excédentaire. Cependant, les producteurs de pétrole ne vont pas diminuer le nombre de barils produits, et les prix vont continuer à baisser. Au moment où les prix du pétrole ont chuté en dessous de 50 dollars US, l'OPEP a tenu une réunion pour trouver un consensus visant à ne pas limiter la production. Les coûts d'extraction des pays de l'OPEP demeurent en moyenne à environ 40 dollars US, tandis que les coûts d'extraction du pétrole de schiste sont au moins de 60 dollars US. Même si les prix du pétrole passent au-dessus de 40 dollars US, c'est encore rentable pour les pays de l'OPEP et les entreprises de pétrole de schiste risqueront d'être mises hors du marché. 

Les entreprises de pétrole de schiste entre la vie et la mort
A cause des bouleversements des prix du pétrole, les entreprises de pétrole de schiste, à fort coût d'exploitation, se trouvent déjà en mauvaise posture. A moins que les pays producteurs de pétrole collaborent ensemble pour limiter la production, donc pour rééquilibrer l'offre et la demande, il est peu probable que la tendance des prix du pétrole s'inverse à court terme. L'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe ont dénoncé l'irresponsabilité des pays producteurs non-membres de l'OPEP et notamment ceux qui produisent du pétrole de schiste. Cette position ferme de l'Arabie saoudite s'appuie non seulement sur ses 700 milliards de dollars US de réserve et ses bas coûts d'exploitation, mais aussi sur sa détermination à exclure les producteurs « irresponsables » du marché. Or, l'Arabie Saoudite peut supporter des prix bas pendant un certain temps encore, mais une telle position sera difficile à maintenir sur le long terme. Pour l'Arabie saoudite, les prix du pétrole doivent atteindre plus de 80 dollars US pour maintenir son équilibre budgétaire. C'est ce qui a fait dire au Prince Al-Waleed qu'il était « choqué » par l'intransigeance de son Ministre du Pétrole Ali Naimi, et il a proposé d'investir les réserves de change dans un fonds souverain pour couvrir l'impact des prix du pétrole sur les finances nationales. A l'évidence, l'attitude de l'Arabie saoudite va devenir la référence du marché pétrolier. 

La guerre entre les pays producteurs de pétrole va se poursuivre encore pendant un certain temps. A part la concurrence entre les pays producteurs de pétrole, la hausse du dollar US a aussi un impact sur les prix du pétrole. Au milieu des années 1980 et à la fin des années 1990, sous la pression de la montée de la valeur du dollar US, les prix du pétrole se sont rapprochés de chiffres à deux décimales. Aujourd'hui, les États-Unis figurent parmi les principaux pays producteurs de pétrole. Si les prix du pétrole continuent de baisser, la révolution du schiste s'achèvera, ce qui aura un effet considérable sur les Etats-Unis. Le « Wall Street Journal » a analysé, avec un ton pessimiste, que le plus grand danger actuel serait une appréciation excessive du dollar américain, comme ce fut le cas dans les années 1990. Un renchérissement excessif du dollar pourrait causer davantage de dégâts aux États-Unis qu'à l'étranger, en particulier dans l'économie marchande, mais il pourrait aussi avoir un impact sur le boom de l'énergique américain. La chute des prix du pétrole a mis à l'épreuve non seulement les compagnies de pétrole de schiste mais aussi l'industrie des énergies renouvelables et nouvelles. L'indice des actions de la voiture électrique Tesla n'a cessé de chuter. Dans ces circonstances, certains pays sont devenus des bénéficiaires et d'autres des victimes, tandis que les entreprises de pétrole de schiste sont passés de l'euphorie aux plus grandes difficultés, entre la vie et la mort.

Sun Xingjie, chercheur à l'Institut des relations internationales de l'Université du Jilin (Chine)




K) - « Charlie », Dieudonné... quelles limites à la liberté d’expression ?

« Pourquoi Dieudonné est-il attaqué alors que Charlie Hebdo peut faire des “unes” sur la religion » ? La question est revenue, lancinante, durant les dernières heures de notre suivi en direct de la tuerie à Charlie Hebdo et de ses conséquences. Elle correspond à une interrogation d'une partie de nos lecteurs : que recouvre la formule « liberté d'expression », et où s'arrête-t-elle ?
  1. La liberté d'expression est encadrée
  2. La particularité des réseaux sociaux
  3. Le cas complexe de l'humour
  4. Charlie, habitué des procès
  5. Dieudonné, humour ou militantisme ?
1. La liberté d'expression est encadrée
La liberté d'expression est un principe absolu en France et en Europe, consacré par plusieurs textes fondamentaux. « La libre communication des pensées et des opinions est un des 
droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », énonce l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Le même principe est rappelé dans la convention européenne des droits de l'homme : « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. » 

Cependant, elle précise : 

« L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. » La liberté d'expression n'est donc pas totale et illimitée, elle peut être encadrée par la loi. Les principales limites à la liberté d'expression en France relèvent de deux catégories : la diffamation et l'injure, d'une part ; les propos appelant à la haine, qui rassemblent notamment l'apologie de crimes contre l'humanité, les propos antisémites, racistes ou homophobes, d'autre part. Les mêmes textes encadrent ce qui est écrit sur le Web, dans un journal ou un livre : l'auteur d'un propos homophobe peut être théoriquement condamné de la même manière pour des propos écrits dans un quotidien ou sur sa page Facebook. L'éditeur du livre ou le responsable du service Web utilisé est également considéré comme responsable. En pratique, les grandes plates-formes du Web, comme YouTube, Facebook, Tumblr ou Twitter, disposent d'un régime spécifique, introduit par la loi sur la confiance dans l'économie numérique : ils ne sont condamnés que s'ils ne suppriment pas un contenu signalé comme contraire à la loi dans un délai raisonnable. 

C'est la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, qui est le texte de référence sur la liberté d'expression. Son article 1 est très clair : « L'imprimerie et la librairie sont libres », on peut imprimer et éditer ce qu'on veut. Mais là encore, après le principe viennent les exceptions. La première est l'injure (« X est un connard ») et la diffamation, c'est-à-dire le fait d'imputer à quelqu'un des actions qu'il n'a pas commises dans le but de lui faire du tort (« X a volé dans la caisse de l'entreprise »). 

Les articles 23 et 24 de cette même loi expliquent que « seront punis comme complices d'une action qualifiée de crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics », en font l'apologie, et liste les propos qui peuvent faire l'objet d'une condamnation : 

« - les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;
- les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal ;

- l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ;
-
l'apologie (...) des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi.
- (Le fait d'inciter à des) actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie.
- La provocation à la discrimination, la haine ou la violence envers des personnes
“en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une

nation, une race ou une religion déterminée”, ou encore “leur orientation sexuelle ou leur handicap” »

Dernier cas particulier : l'apologie du terrorisme, plus durement sanctionné depuis la loi de novembre 2014 sur la lutte contre le terrorisme. Le texte, mis en application ces derniers jours, prévoit que des propos d'apologie du terrorisme puissent être condamnés en comparution immédiate, renforce les peines encourues, et considère comme un fait aggravant le fait que ces propos soient tenus sur Internet. La même loi introduisait également la possibilité d'un blocage administratif - c'est à dire sans validation a priori par un juge - des sites de propagande djihadiste, une mesure fortement dénoncée par les défenseurs de la liberté d'expression. 

En résumé,
La liberté d'expression ne permet pas d'appeler publiquement à la mort d'autrui, ni de faire l'apologie de crimes de guerre, crimes contre l'humanité, ni d'appeler à la haine contre un groupe ethnique ou national donné. On ne peut pas non plus user de la liberté d'expression pour appeler à la haine ou à la violence envers un sexe, une orientation sexuelle ou un handicap. Le droit d'expression est sous un régime « répressif » : on peut réprimer les abus constatés, pas interdire par principe une expression avant qu'elle ait eu lieu. Mais si une personne, une association ou l'Etat estime qu'une personne a outrepassé sa liberté d'expression et tombe dans un des cas prévus dans la loi, elle peut poursuivre en justice. En clair, c'est aux juges qu'il revient d'apprécier ce qui relève de la liberté d'expression et de ce qu'elle ne peut justifier. Il n'y a donc pas de positionnement systématique, mais un avis de la justice au cas par cas. 

2. La particularité des réseaux sociaux
Le droit français s'applique aux propos tenus par des Français sur Facebook ou Twitter. Mais ces services étant édités par des entreprises américaines, ils ont le plus souvent été conçus sur le modèle américain de la liberté d'expression, beaucoup plus libéral que le droit français. Aux États-Unis, le premier amendement de la Constitution, qui protège la liberté d'expression, est très large. De nombreux propos condamnés en France sont légaux aux États-Unis. Les services américains rechignent donc traditionnellement à appliquer des modèles très restrictifs, mais se sont adaptés ces dernières années au droit français. Twitter a ainsi longtemps refusé de bloquer ou de censurer des mots-clés antisémites ou homophobes, avant de nouer un partenariat avec des associations pour tenter de mieux contrôler ces propos. De son côté, Facebook applique une charte de modération plus restrictive, mais les propos qui y sont contraires ne sont supprimés que s'ils sont signalés par des internautes, et après examen par une équipe de modérateurs. 

3. Le cas complexe de l'humour
La liberté d'expression ne permet donc pas de professer le racisme, qui est un délit, de même que l'antisémitisme. On ne peut donc pas imprimer en « une » d'un journal « il faut tuer untel»ou«mort à tel groupe ethnique», ni tenir ce genre de propos publiquement. Néammoins, les cas de Dieudonné ou de Charlie Hebdo ont trait à un autre type de question, celle de l'humour et de ses limites. 

La jurisprudence consacre en effet le droit à l'excès, à l'outrance et à la parodie lorsqu'il s'agit de fins humoristiques. Ainsi, en 1992, le tribunal de grande instance de Paris estimait 
que la liberté d'expression « autorise un auteur à forcer les traits et à altérer la personnalité de celui qu'elle représente », et qu'il existe un « droit à l'irrespect et à l'insolence », rappelle une étude de l'avocat Basile Ader. Néammoins, là encore, il appartient souvent aux juges de décider ce qui relève de la liberté de caricature et du droit à la satire dans le cadre de la liberté d'expression. Un cas récent est assez éclairant : le fameux « casse-toi, pauv' con ! ». Après que Nicolas Sarkozy a lancé cette formule à quelqu'un qui avait refusé de lui serrer la main, un homme avait, en 2008, acueilli l'ancien chef de l'Etat avec une pancarte portant la même expression. Arrêté, il avait été condamné pour « offense au chef de l'Etat » (délit supprimé depuis). L'affaire était remontée jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme. En mars 2013, celle-ci avait condamné la France, jugeant la sanction disproportionnée et estimant qu'elle avait«un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent contribuer au débat sur des questions d'intérêt général ». Plus proche des événements de la semaine précédente, en 2007, Charlie Hebdo devait répondre devant la justice des caricatures de Mahomet qu'il avait publiées dans ses éditions. A l'issue d'un procès très médiatisé, où des personnalités s'étaient relayées à la barre pour défendre Charlie Hebdo, le tribunal avait jugé que l'hebdomadaire avait le droit de publier ces dessins : « Attendu que le genre littéraire de la caricature, bien que délibérément provocant, participe à ce titre à la liberté d'expression et de communication des pensées et des opinions (...) ; attendu qu'ainsi, en dépit du caractère choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilité des musulmans, le contexte et les circonstances de sa publication dans le journal “Charlie Hebdo”, apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d'offenser directement et gratuitement l'ensemble des musulmans ; que les limites admissibles de la liberté d'expression n'ont donc pas été dépassées (...) On peut donc user du registre de la satire et de la caricature, dans certaines limites. Dont l'une est de ne pas s'en prendre spécifiquement à un groupe donné de manière gratuite et répétitive. Autre époque, autre procès : en 2005, Dieudonné fait scandale en apparaissant dans une émission de France 3 grimé en juif ultrareligieux. Il s'était alors lancé dans une diatribe aux relents antisémites. Poursuivi par plusieurs associations, il avait été relaxé en appel, le tribunal estimant qu'il restait dans le registre de l'humour. En résumé, la loi n'interdit pas de se moquer d'une religion - la France est laïque, la notion de blasphème n'existe pas en droit - mais elle interdit en revanche d'appeler à la haine contre les croyants d'une religion, ou de faire l'apologie de crimes contre l'humanité c'est notamment pour cette raison que Dieudonné a régulièrement été condamné, et Charlie Hebdo beaucoup moins. 

4. « Charlie », habitué des procès
Il faut rappeler que Charlie Hebdo et son ancêtre Hara-Kiri ont déjà subi les foudres de la censure. Le 16 novembre 1970, à la suite de la mort du général de Gaulle, Hara-Kiri titre : « Bal tragique à Colombey : 1 mort », une double référence à la ville du Général et à un incendie qui avait fait 146 morts dans une discothèque la semaine précédente. Quelques jours plus tard, l'hebdomadaire est interdit par le ministère de l'intérieur, officiellement à l'issue d'une procédure qui durait depuis quelque temps. C'est ainsi que naîtra Charlie Hebdo, avec la même équipe aux commandes. L'hebdomadaire satirique était régulièrement devant la justice à la suite à des plaintes quant à ses « unes » ou ses dessins : environ 50 procès entre 1992 et 2014, soit deux par an environ. Dont certains perdus. 

5. Dieudonné, humour ou militantisme ?
Dans le cas de Dieudonné, la justice a été appelée à plusieurs reprises à trancher. Et elle n'a pas systématiquement donné tort à l'humoriste. Ainsi a-t-il été condamné à plusieurs reprises pour « diffamation, injure et provocation à la haine raciale » (novembre 2007,
novembre 2012), ou pour « contestation de crimes contre l'humanité, diffamation raciale, provocation à la haine raciale et injure publique » (février 2014). Lorsqu'en 2009 il fait venir le négationniste Robert Faurisson sur scène pour un sketch où il lui faisait remettre un prix par un homme déguisé en détenu de camp de concentration, il est condamné pour « injures antisémites ». Mais dans d'autres cas, il a été relaxé : en 2004 d'une accusation d'apologie de terrorisme, en 2007 pour un sketch intitulé «Isra-Heil». En2012, la justice a refusé d'interdire un film du comique, malgré une plainte de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra). En plaidant pour l'interdiction de ses spectacles fin 2013, le gouvernement Ayrault avait cependant franchi une barrière symbolique, en interdisant a priori une expression publique. Néanmoins, le Conseil d'Etat, saisi après l'annulation d'une décision d'interdiction à Nantes, lui avait finalement donné raison, considérant que « la mise en place de forces de police ne [pouvait] suffire à prévenir des atteintes à l'ordre public de la nature de celles, en cause en l'espèce, qui consistent à provoquer à la haine et la discrimination raciales ». « On se trompe en pensant qu'on va régler la question à partir d'interdictions strictement juridiques », estimait alors la Ligue des droits de l'homme.



L)Au cœur de la cyberguerre entre Anonymous et djihadistes
 
Pour venger «Charlie Hebdo», les hacktivistes du collectif ont mis leur menace à exécution en bloquant depuis le 9 janvier plusieurs milliers de sites internet, mais aussi de comptes twitter et facebook djihadistes. Comment s’organisent-t-ils? Quel mode opératoire? Plongée dans les méandres des chats IRC où se coordonne cette opération punitive Il avait prévenu vouloir venger l’attentat contre Charlie Hebdo. Le collectif Anonymous a mis ses menaces à exécution. Dans la nuit du samedi à dimanche, les hacktivistes anonymes (contraction de activistes et de hackers) se sont attaqués aux sites internet, mais aussi aux comptes Twitter et Facebook de propagande djihadiste. Baptisée #OpCharlieHebdo, cette opération punitive visant les «terroristes islamistes» actifs sur Internet s’est organisée aussitôt après l’attaque, mercredi 7 janvier, contre l’hebdomadaire satirique. C’est sur le site de publication anonyme Pastebin que les membres du collectif ont prévenu: «Attendez-vous à une réaction massive et frontale de notre part, car le combat pour la défense de ces libertés est la base même de notre mouvement.» Dans le même temps, ils diffusent deux vidéos sur YouTube à partir d’un compte localisé en Belgique. Les extraits s’adressent à Al-Qaida et aux membres de l’Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak: «Nous, les Anonymous de toute la planète avons décidé de déclarer la guerre à vous les terroristes [...]. Nous allons surveiller toutes vos activités sur le Net, nous fermerons vos comptes sur tous les réseaux sociaux. Vous n’imposerez pas votre charia dans nos démocraties [...].» Reconnu comme une des premières superconsciences collectives issues du Web en 2003, Anonymous n’a ni charte, ni gourou, mais un seul but: la liberté d’expression absolue et sans concession sur la Toile et dans le monde réel. A l’image des cyberdjihadistes, Anonymous est mouvant, constitué de plusieurs groupuscules disparates qui se sont alliés par le passé dans une lutte contre l’Eglise de scientologie ou les «ennemis de WikiLeaks». A partir des 9 et 10 janvier donc, les hacktivistes passent à l’offensive. Toujours sur le site Pastebin, ils publient les adresses de plusieurs centaines de comptes Twitter en français, en anglais et en arabe. Mais aussi les adresses de profils Facebook.  

Anonymous les présente comme appartenant à des extrémistes islamistes. La majorité de ces comptes ont été bloqués alors que d’autres continuaient à fonctionner. Par cette action, 
le collectif entend attirer l’attention du public et des autorités sur tous ceux qui soutiennent ouvertement sur Internet les actes terroristes contre Charlie Hebdo. Les opérations se discutent sur le chat IRC (l’un des nombreux protocoles de communication sur Internet) «Anonops». Lundi, on dénombrait plus de 200 canaux de discussions multilingues de ce type. La participation nécessite une connexion VPN (Virtual Private Network), ainsi que le navigateur Tor pour garantir l’anonymat des échanges. Sur le canal francophone de l’opération, hacktivistes et djihadistes se livrent une cyberguerre intense. Le pseudonyme «Something» écrit: «Sérieux, y en a combien des twitter djihadiste la, j’ai l’impression que ça n’en fini plus...» (sic). La communauté s’organise comme elle le peut. Plusieurs dizaines d’Anonymous listent les cibles sur un document partagé en annexe. On dénombre plusieurs milliers de comptes Twitter et Facebook. Mais aussi les adresses des sites internet d’organisations et de sociétés désignés par le collectif comme appartenant aux djihadistes. Comment en être sûr? Lavandina, membre de l’opération francophone, reconnaît qu’«aucun membre» de son équipe ne parle arabe. «On utilise Google Translate. Puis nous scannons le contenu de chaque cible pour nous assurer qu’elles appartiennent à des organisations djihadistes: photos de personnes égorgées, enfants morts, drapeau djihadiste, menace explicite.» D’autres membres pénètrent ces cibles à la recherche de failles qu’ils pourront exploiter pour les mettre à plat. L’autre technique vise à collecter tous les comptes Twitter utilisant le hashtag en arabe #Etat islamique. Hier, lors de notre passage sur le canal IRC, la traque djihadiste s’orientait sur le site Kavkazcenter.com. Les Anonymous s’attelaient à collecter toutes les informations (identité de l’administrateur par exemple) qui pourraient les mener vers d’autres pistes. Les comptes ciblés sont ensuite bloqués. Cette riposte est «éphémère, car les djihadistes recréent aussitôt de nouveaux comptes, écrit Lavandina. Mais nous voulions leur taper sur les doigts.» La riposte djihadiste ne s’est pas fait attendre. Quelques heures seulement après le début de l’opération #OpCharlieHebdo, les activistes islamistes ont contre-attaqué avec «une telle maîtrise et une telle rapidité qui prouvent que nous combattons des professionnels», souligne Sonic sur le chat. Les djihadistes ont aussitôt recréé de nouveaux comptes sous une autre identité. Parallèlement, ils ont orienté des attaques informatiques contre des centaines de sites internet d’institutions françaises. On citera celui du Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane, le CHU de Strasbourg, le Palais des Papes à Avignon, la ville de Tulle ou la fondation Jacques Chirac. Mais aussi le site du lycée Charles de Gaulle à Dammartin-en-Goële, la ville où les frères Kouachi se sont retranchés. L’opération #OpCharlieHebdo suscite la controverse parmi les experts en sécurité informatique qui estiment que de telles actions peuvent nuire au déroulement des enquêtes. Une inquiétude qui ne freine pas la détermination du collectif puisque celui-ci entend poursuivre ses actions ces prochains jours.
 

janvier 13, 2015

RP#7 - Stratégie - Guerres et Paix ( sommaire: 5 thèmes actuels)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



 Sommaire:

A) -  Les attentats à Paris : quel point de vue depuis les Etats-Unis ? - IRIS du 13 janvier 2015 par Nicolas Dungan

B) -  Salman, futur roi saoudien, un homme très lié au Maroc - médias 24 du 12 janvier 2015

C) - Le Kazakhstan et l’Union eurasiatique : quels sont les enjeux de l’adhésion ? - Diploweb du 13 janvier 2015 par Hélène Rousselot (*Documentaliste et traductrice de russe, Membre de l’association LRS (Littérature russe et d’expression russe). Responsable « Asie Centrale » au Comité de rédaction de la revue en ligne regard-est.com)

D) - La pauvreté au japon, un mal grandissant - L’Express du 13 janvier 2015 par Philippe Mesmer

E) - Facebook, Twitter : les leçons de « Charlie » - Le Point du 13 janvier 2015 par Guillaume Grallet




A) -  Les attentats à Paris : quel point de vue depuis les Etats-Unis ?



Les Etats-Unis, son président en tête, ont particulièrement montré leur soutien à la France lors des attaques de la semaine dernière, et loin semble le temps où l’on y rebaptisait les French fries en Freedom fries. Comment interpréter ce soutien et cette mobilisation étatsunienne à l’épreuve qu’a subie la France ? 

Tout d’abord, on ne peut pas manquer de remarquer l’absence de dirigeants américains lors de la marche républicaine ce dimanche. Cette absence a particulièrement été pointée du doigt aux Etats-Unis : les citoyens, la presse, les médias, la twittosphère, le « commentariat », l’ont ressenti comme un signe d’indifférence inacceptable. C’est peut-être un problème sécuritaire qui a empêché Eric Holder, le ministre de la Justice des Etats-Unis, de défiler alors qu’il était à Paris. Ou, quoique j’en doute, c’est peut-être aussi une maladresse de la part de Barack Obama qui aurait pu envoyer son vice-président, Joe Biden. George Bush père disait quand il était vice-président : « You die, I fly ». Biden ou John Kerry auraient pu être là, contrairement à Obama qui a un dispositif de sécurité tellement lourd qu’il valait mieux ne pas venir. En tout état de cause, cette absence américaine n’a, apparemment, en rien offusqué la France, peuple ou dirigeants. Concernant la mobilisation française, il faut se rappeler que les Américains se rendent compte qu’ils ont mal réagi aux évènements du 11 septembre 2001. Leur réponse de colère et de vengeance avait été quasiment l’inverse de celle des Français depuis la semaine dernière. Les Américains reconnaissent que le « either you are with us, or you are with the terrorists » (vous êtes soit de notre côté, soit avec les terroristes) de George W. Bush était fondamentalement erroné en tant que jugement et avait conduit à des comportements extrêmement destructeurs, telles l’invasion en Irak et la déstabilisation du Moyen-Orient qui en a résulté. Quant aux Français et Américains, il y a une solidarité qui existe dans les moments difficiles entre nos deux peuples et nos républiques fondées sur les principes des Lumières. Ce sont les deux seuls pays au monde qui se réclament — et qui essaient tant bien que mal d’incarner — des valeurs universelles. Cette fraternité est donc réelle. Du côté des États-Unis, on considère que la manière, digne et unie, dont la France a réagi aux attaques de la semaine dernière, c’est en quelque sorte ce que les Américains auraient voulu faire eux- mêmes après le 11 septembre. 

Certains évoquent aujourd’hui la nécessité d’un Patriot Act à la française, inspiré du modèle américain. Quel bilan y porte-t-on outre-Atlantique plus de 10 ans après son instauration ?
Il y a deux volets au Patriot Act et au Homeland Security Act, son analogue. Chacun de ces deux volets montre justement pourquoi il n’y en a pas besoin en tant que tel en France. Le premier volet a été la refonte complète, plutôt par le Homeland Security Act, de tout ce qui était renseignement, intelligence et maintien de l’ordre au niveau du gouvernement fédéral, dont les services dans ces domaines étaient très fortement dispersés. Aux Etats-Unis, à l’époque, le département de l’Immigration dépendait d’un ministère et la douane d’un autre, de même pour le renseignement et le FBI. Souvent, ils ne communiquaient pas entre eux. Il fallait réorganiser tout cela. La France est un pays beaucoup plus organisé que les Etats-Unis et d’ailleurs que de nombreux autres au niveau du fonctionnement de l’État. Si la France a besoin d’améliorer la coordination de ses services de renseignement, comme l’a évoqué le premier ministre, Manuel Valls, ce n’est pas à mon sens en passant par un Patriot Act ou un Homeland Security Act. Le Patriot Act américain en particulier a conduit — et c’est le deuxième volet — a beaucoup de pratiques considérées comme abusives et tendant à diminuer les libertés individuelles aux Etats-Unis. La France n’a pas besoin de quelque chose d’aussi défensif. Il ne faut pas une restriction des droits telle que ce que le Patriot Act a amené ; la France ne doit pas reproduire ces errements. Par ailleurs, l’élaboration de la politique interne aux États-Unis relève du Congrès, qui rédige les projets de loi en son sein, et il est plus normal qu’aux États-Unis de telles réformes passent par la législature au premier chef. En France, la Constitution confie au gouvernement l’élaboration de la politique interne, et celui- ci dispose de maints outils pour le faire, y compris de nouvelles lois, mais pas uniquement. 

Pensez-vous que ces événements tragiques sont à même de rapprocher encore davantage Français et Américains, notamment en matière de renseignement et de sécurité, alors que les informations sur les frères Kouachi notamment n’avaient semble-t-il pas été partagées entre les deux nations ? 

Je doute qu’il soit possible de rapprocher plus encore les directions de renseignements américains et français, tellement elles travaillent déjà comme s’il s’agissait d’un service unique. Cela étant, la France ne fait pas parti du groupe des Five Eyes — Etats-Unis, Grande- Bretagne, Australie, Nouvelle Zélande et Canada — et elle n’en a sans doute pas envie parce qu’elle veut garder sa propre marge de manœuvre. Le but de la politique internationale française, qu’elle soit diplomatique ou militaire, c’est « l’indépendance nationale ». Il est donc difficile pour la France et les Etats-Unis de se rapprocher davantage à ce niveau. Par ailleurs, il y a plusieurs analyses depuis les événements de la semaine dernière, faites par des professionnels du renseignement, qui soulignent que, contrairement à ce qu’on voit au cinéma et à ce que nous ferait croire Edward Snowden, les professionnels du renseignement sont en réalité sérieusement débordés. C’est le cas dans tous les grand pays, France, Etats-Unis, Grande-Bretagne et ailleurs. Les services peuvent donc peut-être travailler plus efficacement ensemble, et ils chercheront sans aucun doute à le faire, mais travailler plus étroitement sera difficile car c’est ce qui se pratique déjà aujourd’hui. 



B) -  Salman, futur roi saoudien, un homme très lié au Maroc
 
Fortes rumeurs au sujet d'une probable abdication du Roi Abdallah. Le futur successeur, le Prince Salman, a des liens forts avec le Maroc. Agé de 90 ans, le roi Abdallah d’Arabie saoudite a été hospitalisé le 31 décembre dernier pour une pneumonie. Mais depuis plusieurs mois, c’était le prince héritier Salman qui assurait l’essentiel des activités officielles et des tâches de représentation. Le prince Salman a ainsi reçu ce dimanche 11 janvier à Riyad le président vénézuélien Nicolas Maduro. Il y a quelques jours, il présidait l’ouverture du majlis al choura (conseil consultatif, une sorte de parlement mais dont les membres sont désignés, tout en étant assez représentatifs de différents courants). En décembre, il a représenté son pays au sommet du G20 en Australie ainsi qu’au sommet du CCG à Doha. Tous les jours, le compte Twitter du prince héritier saoudien, 77 ans, rend compte de ses activités officielles. Désigné prince héritier en 2012 par le roi Abdallah, Salman exerce les fonctions de ministre de la Défense. Pendant plus de 40 ans, il a été gouverneur de la capitale Riyad où sa gestion a été très appréciée. 

Salman et le Maroc
Salman est bien connu au Maroc et surtout à Tanger où il passe le plus clair de son temps lorsqu’il n’est pas en Arabie saoudite. Salman dispose de résidences à Madrid et à Londres mais c’est à Tanger qu’il dispose d’une résidence voisine du palais royal et d’une seconde résidence en bord de mer sur la côte atlantique. Depuis deux ans, le prince Salman a entrepris de vastes travaux dans sa résidence de plage, un mini-palais entouré d’une dizaine de villas. L’ensemble est solidement fortifié. Lorsqu’il est à Tanger, la plage qui borde sa résidence est fermée au public et une unité des FAR est présente pour contribuer à assurer la sécurité de l’un des hommes les plus puissants du monde. L’armée saoudienne compte notamment parmi les 10 budgets militaires les plus importants de la planète, quelque 55 milliards de dollars en 2014. L’été dernier d’ailleurs, Salman est arrivé à Tanger à la veille de l’Aïd al Fitr accompagné d’un nombre important de collaborateurs politiques et de membres de sa famille. Il est resté plus de cinq semaines dans la région avant de s’envoler directement pour Paris le 1er septembre. Il devait y être reçu par le président français François Hollande et rencontrer son homologue Jean -Yves Le Drian. Le prince Salman aime séjourner à Tanger avec sa famille. Avec sa suite, à l’été 2014, il lui est arrivé de privatiser des restaurants en plein cœur de la saison d’été. A Tanger également, il a reçu et rencontré plusieurs politiques marocains et européens.





Inconnues
Selon le site israélien Debka, l’abdication du Roi Abdallah est une option ouverte. Son ami l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos a fait de même il y a quelques mois. Mais une succession n’est jamais un processus facile surtout lorsque ses règles ne sont pas immuables. Ces jours-ci du côté de Washington, -Américains et israéliens suivent les choses de près-, on s’inquiète ouvertement d’une succession qui serait conflictuelle. Selon Simon Henderson du Washinton Institute, «il est peu probable que la transition saoudienne se passe de manière fluide, quoiqu’il ne fasse aucun doute que c’est ainsi que la maison des Saoud souhaite qu’elle soit perçue». Si Abdallah a formellement désigné Salman comme son successeur, ce dernier a été bien malade en 2012 avec le diagnostic de troubles neurologiques. Et au-delà du prince héritier Salman, il y a également le prince Muqrin, prince héritier-adjoint également désigné en 2012. C’est Abdallah qui a inventé le titre. Avant de mourir en 1953, le roi Abdelaziz (ou Ibn Saoud) avait établi un système de succession entre ses fils, du plus âgé au plus jeune. A 65 ans, Muqrin fait partie, avec Abdallah et Salman, des trois derniers fils vivants du défunt roi Abdelaziz. Néanmoins, si Salman devient roi d’Arabie saoudite, il peut désigner son prince héritier. Muqrin ou pas ? Salman a des enfants qui sont dans la haute administration et dans l’armée. Et si Muqrin est désigné prince héritier, quel serait le nouveau mode de succession instauré pour la suite ? A l’heure où le royaume saoudien est confronté à d’importants défis sécuritaires au nord à la frontière irakienne, au sud aux frontières du Yémen et à l’est avec l’Iran, ainsi qu’à d’importantes transformations économiques et sociales, le futur de la maison Saoud ne laisse pas indifférent. 




C) - Le Kazakhstan et l’Union eurasiatique : quels sont les enjeux de l’adhésion ?
 
L’incessante promotion de l’idée eurasiatique, par leur président N. Nazarbaev ne convainc manifestement pas tous les Kazakhstanais. Certains se montrent défiants à l’égard de cette adhésion à une institution incluant la Russie, de peur de voir celle-ci exercer une forte une ingérence dans leur pays. L’UNION eurasiatique rassemblant la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie, se substituera à l’Union douanière et à l’Espace économique commun à partir de janvier 2015. L’accord scellant la constitution de cette Union sur la base de l’Union douanière (elle-même formée au sein de la Communauté économique eurasiatique) [1], a été signé par les présidents kazakh, russe et biélorusse, à Astana, le 29 mai 2014. La prochaine adhésion du Kazakhstan à cette nouvelle organisation régionale soulève des protestations au sein de ce pays centrasiatique dont le président Noursoultan Nazarbaev est pourtant à l’initiative de l’idée d’intégration depuis une vingtaine d’années. À en croire les discours du président kazakh, l’Union douanière a déjà apporté des bénéfices économiques substantiels à son pays. Or, si le Kazakhstan a bénéficié d’investissements étrangers et ce grâce à un plus grand marché que celui du seul Kazakhstan : l’Union douanière compte 169,8 millions de consommateurs, tandis que les Kazakhstanais ne sont que 17 millions, les principaux investisseurs ne sont ni biélorusses, ni russes. Mais des données officielles d’une part et les protestations d’activistes et de responsables kazakhstanais d’autre part incitent à examiner plus précisément la rationalité économique de ce processus. Le volet politique de l’Union eurasiatique est également source d’inquiétude pour certains Kazakhstanais, notamment depuis le début de la crise ukrainienne à l’automne 2013. 


Bilan de l’adhésion du Kazakhstan à l’Union douanière
Astana a déjà vu le déficit de sa balance commerciale vis-à-vis de Moscou s’aggraver. Le supposé renforcement de l’intégration entre les pays membres de l’Union douanière aurait entrainé un développement des échanges commerciaux entre Minsk, Astana et Moscou. Mais il semblerait que le Kazakhstan n’en ait pas pleinement profité. Astana a vu, en effet, le déficit de sa balance commerciale vis-à-vis de Moscou s’aggraver, en passant de 8,5 en 2011 à 11 milliards de dollars en 2012. Le Kazakhstan qui a dû revoir plus de 50% de ses tarifs douaniers, globalement plutôt à la hausse [2] , se trouve bel et bien exposé à une concurrence accrue de marchandises en provenance de Russie. Celles-ci, croissantes jusqu’en 2012, consistent en carburant (malgré ses richesses en hydrocarbures, le Kazakhstan ne produit pas suffisamment d’essence notamment pour sa propre consommation), en machines-outils et en métaux (respectivement 23,6%, 15,2% et 11,7%, en 2012) [3]. Puis, au cours des huit premiers mois de l’année 2014 par rapport à la même période de 2013, elles ont baissé de 21% (les importations de Biélorussie ne varient pas pendant cette période, après avoir augmenté en 2012). Pour les périodes janvier-août 2013 et 2014, le tableau ci-dessous montre que les exportations du Kazakhstan vers les deux autres pays de l’Union douanière diminuent fortement, voire très fortement avec la Biélorussie. Et si les échanges du Kazakhstan avec des pays hors CEI diminuent aussi, ils régressent moins fortement que ceux du Kazakhstan avec la Russie. 

Ces réductions des échanges du Kazakhstan se traduisent par un excédent de la balance commerciale en baisse. Il est de 46 810,4 en 2011, puis de 43 148,0 en 2012 et enfin de 33,84 milliards de dollars en 2013. Ses exportations totales ont diminué de 4,04% en 2013 par

rapport à 2012 (elles s’établissaient à 83,41 milliards de dollars en 2013), tandis que ses importations totales étaient de 49,58 milliards, soit 1,02% de plus qu’en 2012 [4]. La part des pays hors CEI (donc hors Union douanière) dans les importations du Kazakhstan s’accroit pendant cette période puisqu’elle est de 58,1% en janvier-août 2014 (contre 53,3% pour la même période de 2013) et celle de ses exportations est de 88,6% (contre 87% pour la même période de 2013). De plus, les principaux partenaires économiques du Kazakhstan sont la Chine et l’UE et leurs parts dans les échanges du Kazakhstan augmentent. Elles sont respectivement 14,6% et 45,7% de ses échanges commerciaux sur la période janvier-août 2014, contre 17,2% et 40,5% pour la même période de 2013. Ces chiffres peuvent par conséquent soulever la question du bien-fondé de la promotion d’une intégration douanière et économique du Kazakhstan avec la Biélorussie et la Russie, puisqu’il commerce davantage avec des pays tiers. Le Kazakhstan avec la Biélorussie ne comptent que pour 0,5% des IDE réalisés en Russie. Du reste, les données relatives aux investissements directs étrangers (IDE) renforcent la pertinence de cette question. Moscou et Minsk ne représentent que 5% des IDE réalisés au Kazakhstan. Les principaux investisseurs dans ce pays étaient en 2012 les Pays- Bas, la Chine, le Canada et le France. Réciproquement, le Kazakhstan avec la Biélorussie ne comptent que pour 0,5% des IDE réalisés en Russie. Ce qui abonde dans le sens du politicien et journaliste kazakh Amirjan Kosanov qui souhaite voir son pays coopérer plutôt avec des pays pouvant opérer des transferts de technologie vers son pays, par crainte de voir son pays touché par une économie russe en piteux état. 

Les bénéfices attendus de l’adhésion du Kazakhstan à l’Union eurasiatique
Comme le soulignent B. Slaski et E. Dreyfus dans leur article « Quelle Union eurasiatique ? », l’Union douanière devait accorder au Kazakhstan un « accès facilité et sans taxes aux oléoducs et aux gazoducs russes et biélorusses menant vers l’Europe occidentale » ainsi qu’une meilleure protection face aux produits chinois depuis 2010. Mais, sur ce dernier point, les données de l’Agence pour les statistiques du Kazakhstan n’indiquent pas une telle évolution, puisque les importations chinoises au Kazakhstan croissaient en valeurs absolues et en pourcentage des importations totales du Kazakhstan. Ces importations chinoises atteignaient 7,444 milliards de dollars en 2012 (soit 16,1% des importations totales du Kazakhstan), puis 8,364 milliards de dollars en 2013 (soit 17,1% des importations totales du Kazakhstan) et 5,441 milliards de dollars pour les neuf premiers mois de l’année 2014 (avec une part de 18% dans les importations totales du Kazakhstan). L’Union eurasiatique, quant à elle, devrait permettre aux produits kazakhstanais d’accéder plus facilement aux infrastructures russes et européennes et ce, peut-être, grâce à la facilitation des transports Asie-Europe par voies terrestres, alors qu’ils se font, pour l’heure, plutôt par voie maritime. Mais, la signature par les chemins de fer russes et chinois à la mi-octobre 2014 d’un mémorandum pour le projet de construction de lignes à grande vitesse entre Moscou et Pékin, pourrait modifier un peu la donne. Par ailleurs, ce rapprochement économique avec la Russie qui est le 156ème membre de l’Organisation Mondiale du Commerce depuis le 22 août 2012, pourrait simplifier l’entrée du Kazakhstan à l’OMC, de l’avis cette dernière et de celui de la Russie. De plus, les banques centrales des trois pays se sont mises d’accord pour échanger des informations et un travail d’harmonisation fiscale serait en cours entre les trois pays, où la TVA est de 18% en Russie et de 12% au Kazakhstan (de 20% en Biélorussie). Ce qui marque un premier point de dissymétrie entre les trois partenaires. Des acteurs économiques ainsi que la population kazakhstanaise avaient anticipé un renforcement des taxes douanières et donc une augmentation générale des prix, suite à l’entrée de leur pays dans l’Union douanière. En théorie, les consommateurs kazakhstanais pouvaient aussi compter sur une augmentation de la concurrence entre produits de consommation. Dans les faits, force est de constater que l’inflation est à la baisse depuis 2011. De l’ordre de 7% en 2011, elle atteint 6% en 2012, 4,8% en 2013, année où elle était la plus faible depuis 15 ans. En revanche, elle pourrait remonter pour atteindre les 6,9% fin 2014 [5]. D’autres bénéficiaires d’une intégration eurasiatique plus poussée pourraient être des Kazakhs de régions frontalières entre la Russie et le Kazakhstan. Des initiatives, apparemment locales, se font jour notamment dans la région de Saratov (en Russie) qui compte environ 3% de Kazakhs. Elle a vu naître le centre d’information « Evrazia-Povolje » (« Eurasie-région de la Volga »), dirigée par une historienne russe, en septembre pour promouvoir la coopération transfrontalière entre la Russie et le Kazakhstan. Au niveau national, cette intégration se manifeste par le forum annuel de coopération régionale, auquel participent les deux chefs d’État. Le dernier en date s’est tenu en septembre 2014, dans la ville pétrolière d’Atyrau, sur le bord de la mer Caspienne, au Kazakhstan. Ce forum annuel, qui est le onzième du nom (Moscou et Astana n’ont donc pas attendu la mise en place de l’Union douanière en 2007 pour l’instaurer) et consacré au domaine pétrolier, a présenté un projet de création d’un pôle d’innovation gazo-chimique sur la base du complexe d’Orenbourg (en Russie) ainsi qu’un projet de centre de formation d’ingénieurs pour le secteur des hydrocarbures. Ces exemples de développement de l’intégration et de la coopération eurasiatique ne doivent pas masquer de remarquables dissymétries structurelles et de diverses natures entre les deux voisins. Les plus immédiatement repérables sont celles qui ont trait à leurs superficies, démographies et produits intérieurs bruts, difficilement comparables. La superficie du Kazakhstan (2,7 millions km2) représente 13,5% de celle de l’Union douanière (soit environ 20 millions de km2), sa population compte pour 10,4% de celle de l’Union et son PIB - pour 9,3% de celui de l’Union en 2013. En raison de ces dissymétries relevées entre le Kazakhstan et la Russie, des consensus entre la Russie et le Kazakhstan paraissent difficilement réalisables, ce qui alimente encore la méfiance de Kazakhstanais vis-à-vis de la participation de leur pays à une telle organisation. Et les cercles économiques kazakhs n’ont, du reste, pas caché leur réticence envers le projet d’Union eurasiatique. Quant à l’ensemble de la population kazakhstanaise, au vu de son soutien à l’Union douanière (48% en faveur de l’Union douanière, contre 55% en Russie, en 2011 [5]), on peut supposer qu’elle n’est pas plus enthousiaste vis-à-vis de l’Union eurasiatique. Les besoins en matière d’intégration sont par conséquent divergents entre les deux pays, ce qui explique un décalage d’agendas des priorités entre les partenaires de la future Union eurasiatique. Pour la Russie, l’intérêt des processus d’intégration se mesure sur le long terme, tandis qu’au Kazakhstan, un plus court terme domine. 


L’opposition kazakhstanaise et l’adhésion à l’union eurasiatique
À l’approche de la signature de l’accord sur l’Union eurasiatique, en mai 2014, s’était tenu un forum anti eurasiatique, à Almaty. Des opposants à l’Union douanière dénonçaient l’influence de la Russie sur les autorités du Kazakhstan, ainsi que les ambitions politiques personnelles du président Nazarbaev, décidé à faire adhérer son pays à l’Union, aux dépens des intérêts de son pays. Il réunissait écrivains et opposants politiques tels que Tolegen Joukeev (né en 1949, ingénieur du pétrole, l’un des pères du projet d’exploitation du champ pétrolifère de Tengiz). S’y étaient exprimées des revendications, comme la demande d’un référendum sur l’entrée du Kazakhstan dans l’Union eurasiatique. Soulignons que ce projet n’avait pas fait l’objet de débat dans les médias et que l’entrée dans l’Union douanière n’avait pas été non plus sanctionnée par un référendum. Quelques jours plus tard, des opposants à l’Union dénonçaient l’influence de la Russie sur les autorités du Kazakhstan, ainsi que les ambitions politiques personnelles du président Nazarbaev, décidé à faire adhérer son pays à l’Union douanière, aux dépens des intérêts de son pays, selon l’économiste kazakh Toktar Esirkepov. L’incessante promotion de l’idée eurasiatique, par leur président N. 


Nazarbaev ne convainc manifestement pas tous les Kazakhstanais. Certains se montrent défiants à l’égard de cette adhésion à une institution incluant la Russie, de peur de voir celle- ci exercer une forte une ingérence dans leur pays. (Rappelons ici que plus de 29 Kazakhs ont été victimes d’actes racistes et 7 en sont morts en Russie, en 2014). Certains opposants kazakhs inquiets de voir la Russie mettre en œuvre des ambitions impérialistes, n’hésitent pas à aller jusqu’à évoquer la volonté russe de reconstituer une seconde URSS. Ce qui leur fait dire que la perte de souveraineté du Kazakhstan le ravalerait alors au rang de « province de la Russie ». Comme pour leur répondre, des experts russes dénoncent, eux, une rumeur orchestrée par des nationalistes kazakhs accusant la Russie de vouloir déstabiliser le Kazakhstan. Une telle perte de souveraineté signifierait plus certainement une encore moins grande latitude pour organiser des mouvements de protestation à l’égard du pouvoir, les autorités kazakhstanaises pouvant alors compter sur un soutien du Kremlin pour les contrer. Et la nouvelle crise ukrainienne advenue à l’automne 2013, alimente encore les réticences des nationaux-patriotes et anti-eurasiatiques kazakhstanais. Parmi ces derniers, outre Amirjan Kosanov déjà cité, les plus visibles dans les médias russophones sont Kazbek Beïsebaev (ancien membre du ministère des Affaires étrangères du Kazakhstan), Boulat Abilov (ingénieur des mines, ancien conseiller présidentiel et président du parti Azat), et Moukhtar Taïjan, économiste, qui se situe plutôt dans la mouvance des nationaux-patriotes. Selon le jeune opposant Janbolat Mamaï, les nationalistes kazakhstanais auraient réussi à faire pression sur N. Nazarbaev pour exclure la composante politique du projet d’Union eurasiatique, à savoir un parlement eurasiatique, une monnaie commune, la double nationalité, et une surveillance conjointe des frontières. Mais, les perspectives d’une intégration monétaire et politique, sont rejetées par la majorité de la classe politique, N. Nazarbaev en tête. De fait, à l’issue d’une rencontre avec ses homologues russe et biélorusse à Astana en mai 2013, le président kazakh avait réitéré qu’il n’était pas question de donner à la Commission Économique Eurasiatique [6] des compétences de nature politique. Il déclarait alors : « Je souhaite une fois de plus mettre l’accent sur le fait qu’il n’y a aucun plan qui, envisageant le transfert de compétences politiques à des instances supranationales, remettraient en cause l’indépendance des États. Il ne s’agit que d’intégration économique » [7]. Pour N. Nazarbaev, ce sont les domaines économiques qui doivent être les moteurs de cette intégration. Pourtant des Kazakhstanais à l’instar d’A.Kosanov craignent que le Kazakhstan ne soit entrainé par la Russie dans un plus isolement, en raison des tensions entre la Russie et l’Occident. Du reste, cette accentuation d’un relatif isolement pourrait compromettre le programme « La voie vers l’Europe » lancé par N. Nazarbaev en 2008 et dont l’objectif est de développer la coopération bilatérale du Kazakhstan avec des pays européens et l’Union européenne. En supposant que l’Union eurasiatique ne soit qu’économique, A. Kosanov pose aussi la question de savoir comment séparer l’économique du politique et du géopolitique dans un monde globalisé. 

[1] Pour de plus amples détails sur la formation de cette organisation, Cf. Bertrand SLASKI, Emmanuel DREYFUS, Quelle Union eurasiatique ? 30 janvier 2014 (http://www.diploweb.com/Quelle-Union-eurasiatique.html).
[2] « Regional Trade Integration and Eurasian Economic Union”, Banque européenne de Développement et de reconstruction, www.ebrd.com/downloads/research/transition/tr12d.pdf., p. 66.
[3] Proved провэд.рф/economics/customs-union.html, 22 juin 2013. [4] Kursiv, 5 mars 2014.


[5] Tengrinews.kz, 4 novembre 2014.



[6] La Commission économique eurasienne est l’organisme de réglementation supranationale permanente de l’Union douanière et de l’Espace économique unique ; elle fonctionne depuis le 2 février 2012.

[7] Kursiv, 29 mai 2013.



D) - La pauvreté au japon, un mal grandissant



Le gouvernement japonais ne parvient pas à juguler la pauvreté qui touche plus particulièrement les jeunes, les familles monoparentales et les personnes âgées. 


Les chiffres dévoilés le 1er août par le ministère japonais des Affaires sociales révèlent que, en 2012, 16,1% de la population vivaient sous le seuil de pauvreté. Celui-ci était alors estimé à 1,22 million de yens (8629 euros), soit la moitié du revenu annuel médian. Pour la première fois, la part des enfants touchés par la pauvreté (16,3%) dépassait celle des adultes. Ce niveau confirme la place occupée par l'archipel depuis plusieurs années parmi les mauvais élèves de l'OCDE. Le Japon se situe en quatrième position des nations affichant le taux de pauvreté le plus élevé, derrière le Mexique, la Turquie et les Etats-Unis. Parmi les foyers à parent unique, il est en tête, à 58,7%, devant les Etats-Unis (50%). En France, à titre de comparaison, 19% de ces ménages vivent sous le seuil de pauvreté. L'Institut pour la population et la sécurité sociale (IPSS), organisme public, souligne trois spécificités japonaises. L'importance des travailleurs pauvres, l'existence de catégories de population particulièrement touchées -jeunes, foyers à parent unique, personnes âgées- et, enfin, l'inefficacité des politiques publiques à lutter contre la pauvreté. 

Recrudescence des contrats précaires
De fait, le nombre de travailleurs pauvres croît depuis les années 80, époque où les entreprises ont commencé à recourir en masse aux contrats à durée déterminée et à l'intérim, profitant de politiques qui favorisaient le recours aux contrats précaires. Malgré une pause quand le Parti démocrate du Japon était au pouvoir, entre 2009 et 2012, les gouvernements successifs ont peu à peu allongé la liste des métiers ouverts à l'intérim et aux CDD. Aujourd'hui, près de quatre actifs sur dix sont en contrat précaire. Or les écarts de salaires entre contractuels ou intérimaires et salariés à temps plein peuvent aller du simple au double: "Cela crée une pression sur les rémunérations des salariés en CDI", regrette l'IPSS. Les experts de l'organisme s'inquiètent aussi du non-paiement des cotisations sociales, santé et retraite par 40% des travailleurs précaires: dans le système japonais, c'est à eux de cotiser et non à l'employeur. Pour aider les plus démunis, il existe un système équivalent au RMI: 1,6% seulement de la population en bénéficie, en raison des difficultés rencontrées pour y accéder. Dans le même temps, il n'y a pas de minimum vieillesse. Compte tenu de la modicité des retraites nippones, qui ont baissé de 1% en avril et baisseront de 0,5% en avril 2015, et de l'allongement de la durée de vie, la pauvreté des personnes âgées devient problématique. Le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures pour lutter contre la pauvreté des enfants. Mais, déplore-t-on à l'IPSS, "les contraintes budgétaires sont telles que les fonds disponibles pour l'assistance aux plus démunis restent limités".





Quelle est la responsabilité des réseaux sociaux après les attentats ? Le créateur de Facebook prend position, Twitter est sur la sellette. 

Artisan de la liberté d'expression, Facebook ? Si le réseau social peut agacer par son interventionnisme, notamment lorsqu'il censure une paire de seins nus - Postez une reproduction de "L'Origine du monde" de Gustave Courbet sur votre profil, et elle sera immédiatement retirée - Mark Zuckerberg a été prompt à réagir après l'affaire Charlie Hebdo. "Il y a quelques années, un extrémiste au Pakistan voulait me condamner à mort parce que Facebook refusait d'interdire du contenu sur Mahomet qui l'offensait. On s'est battu pour que puissent s'exprimer des voix différentes, même si elles sont parfois "offensives", car cela peut rendre le monde meilleur et plus intéressant", explique le créateur du réseau social dans un post vendredi. Mark Zuckerberg précise à propos du réseau social créé il y a 11 ans, qu'il s'agit d'"un endroit dans le monde où les internautes du monde entier peuvent échanger des vues ou bien des idées. Nous respectons les lois dans chaque pays, mais nous ne laissons jamais un pays ou un groupe d'individus dicter ce que les gens peuvent partager à travers le monde. (...) Je me suis engagé à créer un service où vous pouvez parler librement sans avoir peur de la violence." Avant d'ajouter "Mes pensées vont vers les victimes, les familles, le peuple de France et le peuple du monde entier qui choisit de partage des opinions et des idées, même si cela demande beaucoup de courage." Avant de ponctuer son texte par un #JeSuisCharlie. Le 12 janvier, Zuckerberg ajoutait : "Vous ne pouvez pas tuer une idée. (...) Aussi longtemps que nous serons connectés, alors aucune attaque par des extrémistes - que ce soit au Nigeria, au Pakistan, au Moyen Orient, ou en France - ne pourront s'interposer envers la liberté et la tolérance dans le monde." 

Des médias à part entière ?
Le débat est brûlant, parce qu'il pose la question de savoir si les réseaux sociaux, au poids grandissant dans la formation des opinions en quasi-direct, sont de simples plateformes de partage ou bien des médias à part entière, et à ce titre responsables des contenus publiés. Récemment, le groupe d'hacktivistes Anonymous, très attaché à la liberté d'expression, a expliqué vouloir conduire en ligne la guerre au terrorisme, à la suite des attentats de Charlie Hebdo. Et a pour cela "outé", c'est-à-dire rendu publique, une liste de comptes Twitter attribués à des djihadistes. Est-ce possible pour le réseau social de les faire disparaître ? 

Interrogé par Le Point.fr, Twitter explique qu'il se conformera aux décisions de justice des pays en vigueur. Même question pour les tweets assortis de hashtag : #JeSuisCoulibaly
#JeSuisKouachi. Si comme l'explique l'entreprise spécialisée dans l'analyse du web social Linkfluence, les tweets offensants sont extrêmement minoritaires, ils peuvent apparaître en "trending topics", car entraînant une condamnation massive. Est-il alors normal de s'en prendre au messager, c'est-à-dire Twitter, comme est tenté de le faire l'Union européenne en ce moment, plutôt qu'à l'émetteur du message ? Cette question est un véritable casse-tête pour le site qui pourrait de plus en plus recourir à des robots pour détecter des tweets jugés offensants. Il y a deux ans, la même question s'était posée avec la multiplication du hashtag #unbonjuif. À l'époque, le site ne disposait pas de bureau en France, et avait été condamné par la justice française. En attendant, au siège de Twitter, à San Francisco, a été déployée une gigantesque banderole noire assortie du hashtag "#Je Suis Charlie".



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