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octobre 14, 2014

La myopie du marché !

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

C’est Raymond Barre qui a vulgarisé cette expression. Le Premier Ministre des années 1976-1981 passait pourtant pour un libéral…
 
L’idée est bien simple : le marché permet en un moment donné d’équilibrer l’offre et la demande d’un produit, de sorte qu’un contrat puisse être conclu entre acheteur et vendeur sur la quantité et le prix d’un produit, mais là s’arrête son mérite. S’agissant de préparer l’avenir, de déterminer ce qu’il faudra produire et consommer dans un avenir plus ou moins proche, aucune indication n’est fournie par le marché, et il appartient donc aux autorités publiques de définir les orientations et les priorités sur le long terme.

 
 
Marché conclu, marché révolu
Suivant ce raisonnement, le marché conclu aujourd’hui serait sans conséquence pour demain. Une fois passé, le marché s’efface de la mémoire collective, personne ne s’en souvient, personne ne s’en soucie. En effet, dira-t-on, les conditions dans lesquelles l’accord a pu se nouer entre les parties ne se retrouveront jamais dans les jours suivants. Les termes du contrat ne peuvent donc se transposer dans des transactions futures. Le prix est éphémère. Il n’a aucune signification.
Voilà donc producteurs et consommateurs frappés d’amnésie : ils ne peuvent se référer à ce qui s’est passé hier pour prendre leurs décisions aujourd’hui. Chaque fois on repart à zéro, le passé est effacé, et on signera un nouveau contrat sans référence au précédent. On ne dira pas : c’était moins cher, c’était trop cher. Le marché ne donnerait aucune indication, aucune information.
 
La sagesse et l’art divinatoire des gouvernants
En revanche les hommes de l’Etat, les pouvoirs publics, auraient la science du futur. Ils seraient capables de savoir quelles activités doivent être développées, celles qui au contraire sont appelées à décliner ou disparaître. Les socialistes connaissent actuellement « les emplois du futur » et vont tout faire pour y préparer les jeunes. Il est d’ailleurs fortement question de remettre en selle un Commissariat au Plan (jadis présidé par Monsieur Guéno). Le planificateur a en effet la chance de centraliser les données statistiques, de disposer de modèles prévisionnels très élaborés, il est protégé contre les groupes de pression, ses décisions sont donc scientifiques. Il dispose enfin des plus beaux esprits issus des plus prestigieuses des grandes écoles.
Cette « présomption fatale » a été démasquée par Von Mises et Hayek dans les années 1930, quand les partisans de la planification soviétique se disaient capables de diriger scientifiquement l’économie, au lieu de la laisser évoluer au gré de marchés instables. Les économistes libéraux acceptent bien l’idée que demain ne sera pas comme aujourd’hui, mais précisément parce que nul ne sait ce que sera demain, car rien ne se reproduit à l’identique, rien ne peut se modéliser, car le seul fait qu’un choix ait été fait dans le passé modifie toute la logique des choix futurs. Le planificateur est donc incapable de maîtriser une « incertitude radicale ». On ne peut même pas imaginer des scénarios alternatifs auxquels on attribuerait des probabilités, puisque l’on ne sait pas ce qui peut se passer. De la sorte, il ne faut pas s’étonner des échecs de la planification partout où elle s’est installée. Elle a ruiné les pays communistes, mais aussi les peuples pauvres qui se sont abandonnés aux illusions d’un développement planifié. Sur les quelque quinze plans que la France s’est donnée depuis 1945, aucun n’a pu aller à son terme.
Pour ne pas en rajouter, on passera sous silence les pressions qui s’exercent sur le planificateur, y compris les pressions électorales, puisque la conclusion des plans s’inscrit dans les lois de finances sous forme de subventions, réglementations et autres privilèges. S’il y a des myopes en matière d’économie, ce sont bien les hommes politiques, dont les regards sont rivés sur les prochaines échéances électorales.
 
Les prix et les profits : les signaux du marché
Depuis Adam Smith, on sait que le marché est un processus dynamique, et non une transaction éphémère. Le prix d’un instant va être gardé en mémoire. Il est appelé à évoluer ; quand il diminue c’est qu’il y a des excédents et inversement une hausse des prix traduit une pénurie. Excédents et pénuries ont une influence sur le taux de profit : les bonnes affaires se font quand il y a pénurie et il faut déguerpir en cas d'excédents. L’art et la mission des entrepreneurs consistent à interpréter ces évolutions, et à s’y adapter. Au lieu d’une planification macro-économique et bureaucratique, nous voici en présence d’une planification micro-économique et responsable. Les erreurs se paieront, les innovations seront récompensées.
Voilà pourquoi la manipulation des prix par les autorités publiques produit des désastres : elle égare les entrepreneurs, encourage des activités désuètes à se maintenir et bloque la croissance d’activités prospères. Mettre le marché à l’heure de la politique, c’est en effet le rendre myope. Les entrepreneurs ne savent plus que faire quand l’incertitude sur les prix et les profits s’installe. Ils vont donc réduire leur énergie créative et la croissance se ralentira, les emplois disparaîtront aussi.




Le marché, processus de découverte
Loin d’être myope, le marché est au contraire orienté vers le plus long terme. Israël Kirzner a précisé que la vertu essentielle de l’entrepreneur, c’est sa vigilance, la qualité de la vigie qui est capable de voir la terre lointaine avant tout autre. C’est cette antériorité d’information qui incite un entrepreneur à risquer l’innovation là où les autres n’ont pas encore compris les vraies perspectives offertes. Dans la vie économique, des occasions apparaissent sans cesse, mais tout le monde ne peut les saisir. Le marché déverse quotidiennement des milliers d’information et donne aux entrepreneurs les moyens de découvrir ce qui est bon pour lui, parce que cela est bon pour le client.
Evidemment, certains regrettent cette « instabilité », ou cette « précarité ». Mais c’est la rançon nécessaire du progrès. Dans une économie stationnaire, il n’y a pas de surprise, mais il n’y a pas de progrès. Le marché prépare des jours meilleurs, il n’est pas myope, il est explorateur, il est pionnier.
 
 

Source: Libres.org , Aleps
 

octobre 13, 2014

Libéralisme et concurrence par Jacques Garello

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La concurrence reçoit tous les noms d’oiseaux, qui la discréditent et expriment tous les méfaits qu’elle engendrerait. Sauvage, elle crée le chômage en cassant les prix. Déloyale elle conduit au dumping, qu’il soit fiscal, social, environnemental. Imparfaite, elle permet aux grandes entreprises de nouer des ententes et d’imposer leurs conditions sur le marché. Inégale, elle avantage les pays émergents par rapport aux pays développés. Dommageable, elle freine la croissance.
La concurrence, c’est la faute de l’autre. Les uns veulent donc l’abandonner, les autres la réglementer pour instaurer une concurrence saine et « praticable ». Pas de concurrence sans harmonisation. 



La concurrence pure et parfaite
Dans la théorie classique de la concurrence, un marché peut être dit concurrentiel quand il présente cinq caractéristiques : polycité (un grand nombre d’entreprises en présence), atomicité (aucune n’a une taille suffisante pour imposer ses conditions), homogénéité (tous les concurrents offrent un même produit), fluidité (l’entrée et la sortie du marché sont ouvertes), transparence (tous les prix et les coûts sont connus). L’énumération de ces exigences montre qu’il est impensable d’avoir un marché qui puisse y satisfaire. Pourtant cette approche est celle qui inspire habituellement le droit de la concurrence et en particulier le fameux article 85 du traité de Rome, qui prohibe tout monopole, toute discrimination, toute position dominante, et toute entente ou tout cartel entre concurrents.
D’autre part, l’économiste Alfred Marshall a vulgarisé l’idée qu’un marché concurrentiel trouve par lui-même son équilibre en longue période, car les courbes de coûts des entreprises tendent à s’aligner les unes sur les autres, de sorte que l’offre serait rigoureusement égale à la demande, pour un prix unique. La concurrence serait « parfaite », on aurait la quantité optimale au juste prix. 

 
 
L’égalité entre concurrents
Evidemment, l’approche classique n’a rien à voir avec la réalité. Elle est même au départ incohérente, puisque la concurrence met en évidence la différence entre compétiteurs. Pour organiser une course à pied, doit-on s’assurer que tous les athlètes sont capables des mêmes performances ?
Pourtant, c’est ce que l’on prétend quand on exige l’égalité entre concurrents. Toutes les entreprises n’ont pas les mêmes coûts, ne subissent pas les mêmes charges fiscales et sociales : on va crier au dumping fiscal. Elles n’emploient pas les salariés aux mêmes conditions : on va crier au dumping social. Elles ne sont pas soumises aux mêmes réglementations qui limitent la pollution ou l’usage de l’énergie ou des ressources naturelles : on va crier au dumping environnemental. Elles ne passent pas leurs contrats dans la même monnaie : on va crier aux dévaluations compétitives.
Le rôle de la compétition est précisément de faire en sorte de faire apparaître ce qu’il y a de meilleur. Planifier la production, comme cela s’est fait en URSS, c’est niveler par le bas. Qui en supporte les conséquences ? 
 
Le libre choix des consommateurs
En fait, la première erreur a consisté à ne voir la concurrence que du côté des producteurs, alors qu’elle a pour raison d’être le meilleur service des consommateurs. Ce sont eux qui ont avantage à payer le moins cher les biens et services de la meilleure qualité. Mais les classiques étaient obnubilés par les courbes de coûts, comme si elles étaient données une fois pour toutes, et par l’équilibre, comme s’il devait s’établir durablement. En fait, le consommateur exerce une pression constante sur les producteurs, de sorte que les prix et les parts de marché se modifient sans cesse.
Sous la pression des clients, les entreprises vont chercher non seulement à s’améliorer de l’intérieur, mais aussi à faire pression sur leur environnement, et notamment sur leur gouvernement, pour obtenir les conditions d’une bonne compétitivité. Les unes vont le faire dans le sens de la protection (lutte contre les « dumpings », subventions, discriminations), les autres dans le sens de la libération (baisse de la fiscalité et des charges, stabilité monétaire, déréglementation). La mondialisation a pour effet de mettre les Etats eux-mêmes en concurrence, puisque les décisions politiques influent sans cesse sur la compétitivité.

 

La concurrence, un processus de découverte
La deuxième erreur des classiques aura été de juger de la concurrence en fonction de la situation instantanée du marché. Or, la concurrence n’est pas un état stationnaire. Comme l’a magistralement démontré Israël Kirzner, la concurrence est un processus de découverte. Elle permet aux entreprises d’exploiter les informations que livrent les signaux des prix et des profits. Mis en éveil par le marché, l’entrepreneur va chercher à répondre à des besoins aujourd’hui négligés ou mal satisfaits. Comme l’économie elle-même, le marché n’est pas en équilibre, il est en évolution.
L’exemple de l’innovateur est révélateur. Quand il propose une nouveauté, il détient au moins pour un temps un monopole, puisqu’il est le seul à savoir et à savoir faire. S’il rencontre l’accord des clients, il réalisera de grands profits, ce qui l’encouragera à persévérer, mais ce qui attirera aussi de nouveaux compétiteurs sur ce marché qui vient de s’ouvrir. Ainsi opère la concurrence. Et le processus n’a pour limites qu’un niveau élevé des coûts d’entrée (gros investissements de départ par exemple – mais ce cas est de moins en moins important parce que l’industrie est elle-même moins importante) ou une interdiction artificielle d’entrer sur le marché. Les véritables ennemis de la concurrence sont les monopoles publics, que personne ne peut menacer. Voilà pourquoi pour de nombreuses activités il ne peut y avoir de concurrence sans privatisation préalable. 
 
Etre en avance d’une idée
Mais la concurrence ne va-t-elle pas « tuer la concurrence » ? La bataille engagée par les entreprises ne va-t-elle pas se solder par une disparition partielle ou totale des compétiteurs ? Cette objection ne tient pas compte du fait que la baisse des prix élargit sans cesse le marché, et que ce que les entreprises perdent sur leur marge, elles le récupèrent sur la quantité. De plus, et c’est ici l’argument décisif, les entrepreneurs savent bien que la meilleure stratégie consiste à être toujours à la pointe de l’innovation, à être sans cesse « en avance d’une idée ». Il ne faut pas « s’endormir sur le mol oreiller du profit » (Schumpeter), il faut faire preuve de vigilance, (l’alertness de Kirzner). Mais l’entrepreneur n’y sera incité que s’il a la promesse de garder pour lui, au moins pour un temps, le salaire de son innovation. Toute traque fiscale au profit et à la réussite dénature et détruit en effet la concurrence. En revanche, la concurrence aboutit à une véritable « harmonisation », puisque les producteurs vont peu à peu s’aligner sur les meilleurs du moment. L’harmonisation n’est pas le préalable de la concurrence, c’en est le résultat provisoire, en attendant d’autres progrès.
 

Source: Libres.org , Aleps par Jacques Garello
 

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