octobre 13, 2014

Thierry FALISSARD: Wikibéral; Libres!; Mais « Faut-il avoir peur de la Liberté ? »

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

L'Avant-propos par Thierry Falissard

Le libéralisme est-il une menace planétaire au même titre que le seraient le réchauffement climatique, le terrorisme islamiste ou la prolifération nucléaire ? Est-il dépourvu de toute éthique au point d’abandonner chacun d’entre nous au jeu aveugle des forces du marché ?
Ne laisse-t-il pas chaque personne livrée à elle-même en détruisant tout lien collectif ?
Faut-il intervenir vigoureusement pour en limiter les dérives ?



La sagesse populaire dit que « la peur n’évite pas le danger », aussi il serait utile d’analyser ce « danger », en allant jusqu’à sa racine. C’est ce que ce com-pendium tente de faire, à partir d’un exposé concis du « noyau dur » du libéralisme et des conséquences qui en résultent. Le lecteur jugera de lui-même si cette peur, en définitive, est réellement justifiée.

Car il est facile de mettre en accusation le libéralisme en lançant une contre-vérité, un slogan aguicheur, qui fera appel aux sentiments plus qu’à la raison. Il faut cependant du temps et une méthodologie adaptée pour répondre, en développant un raisonnement qui se tienne, à un discours réducteur qui voit le libéralisme là où il n’est pas, ou le refuse là où il apporterait la solution.

Ce parcours offrira une vue très synthétique de la pensée libérale dans plu-sieurs de ses aspects, y compris (et surtout) les plus contestés. L’auteur cherche à illustrer que la préoccupation du libéralisme est avant tout d’ordre éthique, et non seulement économique comme beaucoup le pensent. Il espère que le lecteur en appréciera le caractère essentiel, en même temps que l’aspect révolutionnaire, souvent méconnu.

 
 
L'institut COPPET n'est pas en reste pour présenter ce libre;

Ce livre de 70 pages présente le libéralisme en 21 questions (extraits à lire plus bas) :
 
1 – Y a-t-il une pensée unique libérale ?
2 – De quelle liberté parlons-nous ?
3 – L’éthique est-elle soluble dans le libéralisme?
4 – Quels sont mes droits ?
5 – Pourquoi tant de haine envers l’État ?
6 – Sommes-nous tous propriétaires ?
7 – La démocratie est-elle libérale ?
8 – Et le collectif, qu’en faites-vous ?
9 – Peut-on faire le bonheur des gens malgré eux ?
10 – Peut-on tout dire librement ?
11 – Pourquoi cette obsession économique ?
12 – Pourquoi les monopoles c’est mal ?
13 – Le capitalisme est-il libéral ?
14 – Faut-il tout privatiser ?
15 – Et l’argent, où le trouvez-vous ?
16 – Y a-t-il une propriété intellectuelle ?
17 – Et la question sociale ?
18 – Que faites-vous pour les plus faibles ?
19 – Comment concilier écologie et libéralisme ?
20 – Comment peut-on être antilibéral ?
21 – Pour finir, faut-il avoir peur du libéralisme ?
 
Chapitre 2 : De quelle liberté parlons-nous ?
Il ne s’agit pas du concept métaphysique de liberté, décliné en liberté intérieure, libre arbitre[1], émancipation par rapport aux lois de la nature, voire salut individuel, etc. Il s’agit du concept de liberté dans les relations interindividuelles, dans nos rapports avec les autres. C’est donc quelque chose de très concret, qui, excepté les ermites qui fuient la société, nous concerne tous, et tous les jours.
Le libéralisme s’intéresse au « vivre-ensemble », pas à la meilleure façon de mener sa propre vie ; aux relations avec nos semblables, pas au rapport moral que nous entretenons avec nous-mêmes.
Chacun, soutiennent les libéraux, devrait être parfaitement libre tant qu’il ne nuit pas aux autres : la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (comme le rappelle le bien connu article 4 de la « Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen » française de 1789).
On remarque que cette définition est toute négative : on ne dit pas ce qu’il est permis de faire, mais plutôt ce qu’il ne faut pas faire. Ce qui est positif, c’est la nuisance, qu’on cherche à éviter. Il reste donc à préciser de façon positive ce qu’on appelle « nuire à autrui ». Il peut déjà y avoir des divergences à ce stade parmi les libéraux.
Ainsi les libertariens formulent un principe de non-agression : aucun individu ni groupe d’individus n’a le droit d’agresser quelqu’un en portant atteinte à sa personne (ou à sa propriété)[2]. L’agression est l’usage de la violence (ou la menace d’employer la violence) contre quelqu’un qui ne vous a pas agressé.
Les utilitaristes libéraux, à la suite de John Stuart Mill, préfèrent un principe de non-nuisance : la seule raison légitime que puisse avoir une communauté civilisée d’user de la force contre un de ses membres, contre sa propre volonté, est d’empêcher que du mal ne soit fait à autrui[3].
Les différences qui découlent de ces deux définitions, pour subtiles qu’elles soient, n’en sont pas moins réelles. Pour un utilitariste, une obligation d’assistance à personne en danger peut être justifiée, alors que la plupart des libertariens la rejetteront, comme liberticide. La liberté du commerce est légitime a priori pour les libertariens, puisque le commerce n’est pas une agression, tant qu’il reste honnête (c’est-à-dire consiste en échanges consentis, sans tromperie sur la marchandise, quelle que soit cette dernière) ; pour les utilitaristes, elle est justifiée parce qu’elle accroît le bien-être général, malgré ses possibles nuisances (certains commerçants peuvent souffrir de la concurrence des autres, des prix élevés peuvent nuire aux clients).
Pour un libéral, la liberté positive, contrepartie de la liberté négative, est la possibilité d’agir comme on l’entend dans le respect de la liberté d’autrui. Tout dépend donc du contenu que chacun veut bien donner à cette liberté, contenu sur lequel il n’y a pas lieu de statuer, tant que la liberté d’autrui est assurée.
Car cette liberté positive n’est pas un droit absolu à quelque bien ou service que ce soit[4], éducation, emploi, assistance ou autre, car cela contraindrait d’autres personnes à fournir ces services ou à payer pour eux – en pratique par l’impôt ou la législation, autrefois par l’esclavage des uns et les privilèges des autres – sans que leur consentement soit obtenu. Cette « liberté » profiterait donc aux uns en empiétant sur la liberté des autres. Cette société de « faux droits » serait une société d’injustices plus ou moins bien déguisées.
La liberté n’est pas une émancipation complète de toute contrainte matérielle, ce qui est impossible dans le monde de rareté qui est le nôtre, où aucun gain ni aucun bien ne s’obtient sans travail (d’où le concept de propriété que nous verrons plus loin).
Cela signifie-t-il que dans une société libérale certains soient libres de s’épanouir et d’autres libres de mourir de faim ? Heureusement non (nous aborderons également cette préoccupation par la suite). Cela ne veut pas dire non plus qu’on puisse asservir une partie de la population au bénéfice d’une autre sous un prétexte de « solidarité ».
On pourrait se demander pour quelle raison fonder la vie en société sur la liberté et l’autonomie individuelle plutôt que sur d’autres valeurs, comme l’égalité matérielle, la gloire et le bien de la patrie, la préservation de la nature ou le respect de préceptes religieux ? (on aura reconnu respectivement les idéologies égalitaristes, nationalistes, écologistes et théocratiques)
Le libéralisme ne rejette aucun système de valeurs : il pose seulement comme principe premier celui de la liberté et du consentement individuel. Sans ce principe, toute société, quelles que soient ses bonnes intentions et quelles que soient les valeurs qu’elle promeuve, devient vite une tyrannie. Les exemples de telles sociétés ne manquent pas dans l’Histoire ; on ne peut pas dire qu’elles aient contribué au bonheur individuel ni enrichi l’Humanité. Toute idéologie est respectable dès lors qu’elle respecte le principe de non-agression.
Le principe libéral est avant tout un principe éthique, ce qui nous conduit à examiner les rapports entre libéralisme et éthique.

[1] Nous estimons que la notion de « libre arbitre » est métaphysique et n’est pas utile dans un exposé sur la liberté négative.
[2] Murray Rothbard, « Le manifeste libertarien » (1973).
[3] John Stuart Mill, « De la liberté » (1859).
[4] Ce que le marxisme appelle « liberté réelle », par opposition à la « liberté formelle » qui serait celle du libéralisme.
 
Du côté de la Main Invisible avec Stéphane GEYRE:

Car le collectif La Main Invisible ajoute un nouveau livre à sa collection.

Thierry Falissard, auteur de Libres !

Thierry, 53 ans, ingénieur des Ponts de formation, a fait toute sa carrière dans l’informatique, en se spécialisant sur les mainframes, ce qui lui vaut le titre de dinosaure (il rappelle à ce propos que les dinosaures ont dominé le monde animal pendant des dizaines de millions d’années, alors qu’en comparaison Karl Marx ne domine le monde politique français que depuis près d’un siècle et demi). Comme informaticien, il écrit beaucoup : brochures, manuels, études, logiciels, bogues, etc.
Son évolution vers le libertarisme s’est faite lentement au cours des années 90 et 2000, en approfondissant un questionnement philosophique, économique et éthique, en consultant certains sites web précurseurs (ceux de Faré, Hervé de Quengo, Hervé Duray, etc.), puis en lisant les auteurs : Pascal Salin, François Guillaumat, Bertrand Lemennicier, Hans-Hermann Hoppe, Ruwen Ogien, etc.
Après avoir été aussi un dinosaure de Wikipédia, il participe au projet Wikibéral depuis ses débuts. Il tient un blog rarement mis à jour et publie de rares articles dans Contrepoints et dans le Québécois libre. Favorable au reichmanisme non tempéré, il a longtemps participé à un blog imprécateur et frénétique : « Quitter la sécu ».
 
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Wikibéral a vocation à devenir complémentaire à Wikipédia sur un ensemble de sujets politiques, économiques ou philosophiques, souvent abordés de façon superficielle par Wikipédia. On peut le constater grâce aux moteurs de recherche qui positionnent en premier Wikibéral pour un certain nombre d'expressions, comme "démocratie totalitaire", "faux droits", "loi du plus fort", "axiome de non-agression", "capitalisme de connivence", "propriété de soi-même", "électeur médian", "marché politique", etc.  
Thierry FALISSARD
  Il est l'auteur d'un polar libertarien:  Meurtres à la banque.



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Loin d’être secondaire, limité aux talismans, pilules miracles ou autres escroqueries de bas de gamme, le marché de la stupidité est le plus vaste qui existe. En effet, personne n’est intelligent tout le temps; tout le monde, peu ou prou, même parmi les moins bêtes, a des accès de sottise, ou même, pour certains, est carrément et irrémédiablement stupide.
 
          Les causes en sont diverses. L’omniscience n’est pas une caractéristique humaine, aussi nous sommes tous ignorants, à des degrés divers. Or l’ignorance est certainement l’ingrédient principal de la bêtise (savoir, tel Socrate, que nous ne savons rien, est déjà un luxe rare). Nous sommes influençables et facilement conformistes (comme son nom l’indique, le conformisme est une solution de confort). Nous sommes crédules (être sceptique est très fatigant à la longue).

          Le marché de la stupidité humaine, comme tous les marchés, est régi par des lois simples que je vous propose de découvrir ou de redécouvrir. Les deux premières sont bien connues:
1) La loi de Barnum: ce marché est gigantesque, car le nombre de clients est potentiellement illimité (« there is a sucker born every minute » ou sa variante: « always and inevitably everyone underestimates the number of stupid individuals in circulation »). Dans l’univers, la stupidité est aussi répandue que l’hydrogène (encore dit-on que la quantité d’hydrogène, elle, a tendance à diminuer avec le temps).

2) La loi de l’équilibre général du marché de la stupidité: pour répondre aux besoins imbéciles, il y aura toujours une offre abondante disponible (« for every sucker born there's two people out there that will take their money » ou sa variante: « a fool and his money are soon parted »).
          Les troisième et quatrième lois du marché de la stupidité sont de mon cru:
3) Le marché de la stupidité humaine recoupe pour une très large part un autre marché: le marché politique (en application du premier amendement au huitième Commandement du Décalogue: « Thou shalt not steal, except by majority vote »);

4) Les symboles et les mythes sociaux sont les produits phares de ce marché (conformément à la loi d’Angleton: « Deception is a state of mind, and the mind of the State »).
          Examinons ces deux dernières lois.

Le marché de la stupidité humaine recoupe pour une très large part un autre marché: le marché politique.

          Le marché de la stupidité se caractérise par le fait que, dans l’échange volontaire auquel il participe, le client est finalement perdant, sans qu’il en soit forcément conscient (puisqu’il est stupide). Comme dans tout marché, l’art du vendeur consiste à répondre aux besoins du client et à lui vendre ce qu’il est disposé à acheter:
• quelque chose de prétendument efficace, censé régler un problème précis, ou quelque chose dont il n’a en réalité pas besoin (une machine à balayer dans les coins, un philtre d’amour, un parfum pour éloigner les fantômes, une séance de désenvoûtement, etc.);

• quelque chose qui n’existe pas (comme les beaux habits neufs de l’empereur, dans le conte bien connu, avant qu’il soit révélé que « le roi est nu »);

• des promesses (un produit ou service futur, un gain ou un avantage futur) – promesses évidemment non tenues le plus souvent, mais auxquelles le client croit fermement, ce qui le pousse à participer à ce marché.
          Les deux premiers types de produit montrent vite leurs limites, et le client, pour peu qu’il finisse par ouvrir les yeux, risque vite de se rendre compte de l’escroquerie et de l’inanité de son achat.

          En revanche, les promesses en l’air, caractéristiques d’un marché très particulier, le marché politique, fournissent une denrée inépuisable, car immatérielle, et dépendant uniquement de l’imagination de l’offreur et, en contrepartie, de la crédulité du demandeur, et de ses attentes.

          L’investissement du côté du client est faible: un vote, un soutien à un candidat. Le gain n’est pas immense (ce n’est certes pas un pari pascalien, où l’on gagne l’infini), mais, quoique repoussé dans le futur, il est très concret pour le client: ce peut être un avantage « social », une sécurité en plus, un coût moindre pour un service « public », etc. Voulez-vous des exemples? Consultez le programme électoral de votre candidat préféré (ou, au contraire, de celui ou celle que vous détestez le plus).

          Une fois la vente opérée (l’élection passée), la promesse a été vendue, et c’est tout ce qui importe pour le candidat. Il y a deux choses bien distinctes: la promesse, et l’objet de la promesse. Seule la promesse a été échangée contre le vote. Il n’y a aucune garantie que la promesse soit tenue: le politicien n’a signé aucun contrat, et la justice ne le tracassera pas quand ses mensonges seront devenus flagrants aux yeux de tous. Au contraire, il risque de passer pour un réaliste pragmatique, éloigné de toute démagogie.

          On a certes le droit de vendre du vent à celui qui aime les courants d’air. Mais les promesses politiques sont à la fois immorales et illégitimes, dans tous les cas – qu’elles ne soient pas tenues (tromperie envers l’électeur trop naïf), ou qu’elles soient tenues, ce qui s’opère alors aux dépens du « moins fort politiquement ».
 
Car la politique ne crée pas de richesse, puisqu’il ne s’agit que d’un vol institutionnalisé, le politicien qui gagne l’élection se souciant comme de sa première veste (électorale) de votre consentement à son programme.

Les symboles et les mythes sociaux sont les produits phares du marché de la bêtise.

          La capacité à accepter les promesses politiques finit par s’émousser, et le citoyen a de plus en plus conscience que le marché politique est un marché de dupes. Conformément à la théorie de la subjectivité de la valeur, il pourrait bien finir par ne plus accorder de crédit aux promesses, et se retirer de ce marché où il n’a rien à gagner, le coût d’opportunité du vote devenant prohibitif.

          Mais le politicien est normalement plus malin que son client-électeur-contribuable, puisque tout son art consiste à vivre à ses dépens sans que ce dernier se rebiffe. Il ne va pas seulement blâmer ce client qui le fuit, ce mauvais citoyen qui ne participe pas à la vie de la Cité, qui s’abstient, ou qui vote n’importe comment. Il va chercher toujours plus à s’attirer ses bonnes grâces en se faisant psychologue, pour sonder son âme et en déceler les craintes, les aspirations, et la phénoménale capacité à s’illusionner.

          Le citoyen a un besoin illimité de protection. Chaque jour, il risque de perdre son emploi, d’être agressé dans la rue, de tomber malade, de s’appauvrir et de ne plus pouvoir conserver son train de vie, etc. Il faut donc lui vendre des talismans protecteurs, et au besoin lui faire peur pour qu’il les achète.

          Pour répondre au besoin illimité de protection, le politicien va jouer les apprentis sorciers et proposer des « mesures » qui se révèleront toujours pires que le mal auquel elles sont censées remédier. Voyons quelques exemples typiques.

          On proposera d’instaurer un salaire minimum pour éviter d’avoir des travailleurs pauvres – ce faisant, on créera une nouvelle barrière à l’emploi qui exclura ceux dont le travail valait moins. Le SMIC devient ainsi un symbole de progrès qui ne protège en réalité personne.

          On durcira à coup de réglementation les conditions de licenciement pour « éviter les abus » des employeurs (le chômage ne participe-t-il pas de l’horreur économique capitaliste?) – ce faisant, on dissuadera les patrons d’embaucher, mais peu importe, on crée ainsi un nouveau symbole appelé « Code du Travail » censé nous protéger, alors que le résultat est bien de nous précariser davantage.

          On proposera une assurance santé obligatoire qui n’a d’assurance que le nom (en l’absence de prime liée au risque, de contrat, de garantie) et qui détourne plus de 20% du salaire complet: c’est la symbolique « Sécu » à laquelle le citoyen est tellement attaché, tel le chien à sa chaîne. Une chaîne héritée du communisme français, qui remonte à 1945, mais qui est solide, car les gouvernements (non communistes) n’ont eu de cesse de la renforcer au fil des ans, bien qu’elle contrevienne autant à la législation européenne qu’au droit de l’homme à disposer librement des fruits de son travail.

          Tous ces symboles contribuent à édifier un mythe, celui de la « protection sociale », du « modèle social », qui n’a d’efficacité que symbolique, car tous ces services (ou du moins ceux qui sont vraiment utiles) pourraient être rendus à moindre coût et meilleure qualité par le marché privé, ce que les intéressés ignorent souvent, aveuglés par l’illusion sociale « solidaire ».

          Mais la charge symbolique est si forte, que le client abusé reste prêt à payer très cher pour cette « protection », ce qui est tout bénéfice pour les profiteurs de la « République Fromagère ». Celui qui viendrait à contester ces mythes serait au sens propre un iconoclaste antisocial, un monstre d’inhumanité, bref, un libéral! Il préfère vivre sous la clarté du soleil plutôt qu’à l’ombre tutélaire, mais pernicieuse et délétère, de l’État redistributeur. Le soir venu, il parcourt les villes avec sa lanterne, à la recherche d’un homme qui ne croirait plus aux mythes étatiques, mais en vain: les assistés lui montrent les bienfaits de la solidarité forcée, tandis que les ponctionnés complaisants fustigent son « égoïsme » individualiste.

          Le citoyen a aussi un besoin illimité de se projeter dans l’avenir, d’espérer en la prospérité, de croire en son bonheur ou en celui de ses enfants, etc. Il ne compte pas sur lui-même pour avancer et réussir dans la vie, cela serait sans doute au-delà de ses forces. Il faut donc lui vendre du rêve, et c’est une autre des tâches du politicien. Se limiter à subvenir à son besoin de protection par ces symboles « sociaux » inefficaces mais tellement envoûtants serait faire montre de matérialisme mesquin, alors qu’il y a tant à gagner à vendre du rêve, du bonheur futur, le paradis sur terre… On lui proposera alors du Grand Dessein, du Vivre Ensemble, de l’Avenir Radieux ou Durable, ou bien l’Europe Sociale, le Pacte Républicain, un Autre Monde (qui est « possible », ou qui est « en marche », au choix), une France qui gagne… bref, toutes les lubies pré-totalitaires qui ont fait leurs preuves au XXe siècle.

          Il s’agit d’offrir, non plus l’espoir d’un avantage tangible, comme peuvent l’être les simulacres de protection sociale que nous avons mentionnés, mais un mythe collectif, du rêve à l’état pur, qui en appelle à la fois à l’instinct grégaire de chacun (qu’il soit nationaliste, communautaire, religieux, identitaire) et à la magie noire, à l’État comme source inépuisable de richesses et de bienfaits, infatigable pourvoyeur de lendemains qui chantent.

          Tandis que les gogos, sans se poser de questions, vivent de mythes, de symboles et d’eau fraîche, les politiciens, en calculateurs réalistes, cueillent les fruits de l’arbre de la stupidité. On peut penser que le gogo n’a que ce qu’il mérite (stupidity is painful after all). Cet état de choses serait tolérable si on permettait au restant de gens lucides d’échapper à l’esclavage politique, mais on sait qu’ils n’ont pas le choix; voter avec leurs pieds restant le dernier recours.

          Électeurs, réveillez-vous! Stupidity is no excuse for not thinking
 
Par Thierry Falissard dans

Faut-il avoir peur du libéralisme ?

Le blog


 
 

1 commentaire:

Bruno Robert Goossens a dit…

La liberté? Cela fonctionne dans les pays qui ne sont pas des pays d'esclaves, faits pour les esclaves.

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