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L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...
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Al,
Sommaire:
A) Quelle tragédie ! 100 ans après, la France doit subir Mélenchon et une opposition léniniste - Nicolas Lecaussin - IREF
B) Il y a 100 ans, une révolution bolchévique sanguinaire… et féministe - Eric Martin - NDF + Liste Youtube de Juri Lina
C) The Bolshevik Great Experiment: One Hundred Years Later -
D) Robert Fulford: Smart people still fall for the murderous fraud of communism - Robert Fulford - National Post
E) A Revolution to Always Remember but Never Celebrate - Lawrence W. Reed - Foundation for Economic Education
F) Il y a 100 ans, la révolution russe - Jérôme Métellus - marxiste.org
G) Lénine de Wikiberal
H) Communisme de Wikiberal
I) URSS de Wikiberal
J) La révolution russe de 1917 - CRI
A) Quelle tragédie ! 100 ans après, la France doit subir Mélenchon et une opposition léniniste
Triste constat. 100 ans après la « révolution
d’Octobre » (en réalité, un coup d’Etat bolchévique), l’opposition
politique en France est représentée surtout par les Insoumis et leurs
alliés. La plupart de leurs propositions font froid dans le dos et nous
incite à être plus que vigilants.
Plus d’une trentaine de députés
et une quinzaine de sénateurs avec à leur tête l’inévitable Jean-Luc
Mélenchon, voilà ce qui compose la seule force à s’obstiner contre les
« réformes » annoncées par le gouvernement. La situation serait cocasse
si elle n’était pas inquiétante : d’un côté, des petites réformes
concoctées par le gouvernement et considérées comme « ultra-libérales »
et, de l’autre, des idéologues marxisants. Ce n’est pas la meilleure
façon de sauver l’économie française. D’autant plus qu’on semble
sous-estimer les dangers des « mélenchonistes » et autres communistes
alors que nous devrions justement tirer les enseignements du génocide
communiste qui a suivi Octobre 2017.
La démocratie aux orties
Faire table rase du sytème politique démocratique : ça n’est pas
autre chose que propose le camp des Insoumis. Il suffit de lire leur
« synthèse programmatique ». En voulant faire table rase de tous les
systèmes - politiques et économiques – c’est une autre société qui est
envisagée. Sans chômage et sans pauvreté. Une société
« multilatéralement développée », sans patrons et sans riches,
construite sur le « partage » : des richesses, bien entendu, mais aussi
du temps de travail et de la vie en en général. Les salariés devront
« s’approprier l’entreprise » et « reprendre le pouvoir décisionnel ».
Le « revenu universel » effacerait les différences et les inégalités
entre les êtres humains. La révolution fiscale serait totale. Pas moins
de 14 tranches d’imposition seraient mises en place et un système
punirait tous les Français ayant choisi de s’installer dans un autre
pays plus clément fiscalement. Dès qu’ils reviendraient en France, ils
devraient payer la différence entre l’impôt payé dans leur pays
d’accueil et leur pays d’origine sur toute la période d’exil fiscal.
Il va de soi que les nationalisations et la « planification écologique » seront les clés des « réformes économiques » tandis que les services publics actuels deviendraient « citoyens ». La Santé ne peut être que l’affaire de l’Etat qui doit s’en emparer complètement. Pareil pour l’Education au sein de laquelle « l’apprentissage doit être centré sur la pédagogie »…
Rendre le pouvoir au peuple ou instaurer la dictature de classe
Concernant l’Europe, voici l’alternative : on la transforme en Europe
« citoyenne » ou on la quitte. Il faudrait faire « racheter la dette
des États par la banque centrale, pour mettre fin à la pression des
créanciers et réorienter le rôle de la BCE afin que ses activités se
focalisent sur le développement du plein emploi et instaurer le
financement direct des États auprès de la BCE ». De même, il s’agirait
de « supprimer la surveillance budgétaire des États, afin que les
peuples décident eux-mêmes de la manière dont les impôts et cotisations
sociales sont employés ». Il est aussi proposé d’ « instaurer
l’harmonisation fiscale et salariale en Europe » et un protectionnisme
« solidaire » aux frontières nationales. Bien entendu, la France sortira
de l’OTAN et de toute autre organisation « impérialiste ».
« Il faut rendre le pouvoir au peuple », c’est ce que disait Lénine à
la foule en octobre 2017. « Tout commence par le pouvoir des citoyens »
rappelle le programme des Insoumis. La « refondation républicaine »
doit passer par le fait de « rendre au peuple son pouvoir politique ».
Comment ? La démocratie n’est pas le bon système. Il faudra une nouvelle
Constitution, une Assemblée constituante dont les membres devraient
remplir plusieurs critères pas encore clairement définis. Origine
sociale « saine » ? C’est ce qu’avaient instauré les bolcheviks sous le
prétexte de vouloir « donner le pouvoir au peuple ». C’est ce que fait
le Venezuela de Maduro !…
C’est l’ « homme nouveau » qui est donc voulu par ces « nouveaux
communistes » omniprésents dans les médias qui les voient comme les
principaux opposants au gouvernement. Après 100 ans et 100 millions de
morts, la France n’a vraiment rien compris de l’Histoire ?
Nicolas Lecaussin
Source: IREF
B) Il y a 100 ans, une révolution bolchévique sanguinaire… et féministe
Ines Armand a joué un rôle central dans la révolution bolchevique de 1917 aux côtés de Lénine :
Eric Martin
Source
Ce documentaire a été écrit et produit en 2009 par le journaliste
dissident estonien (ex rép. d'URSS) exilé en Suède, Juri Lina qui a eu
accès à d'importantes archives soviétiques ouvertes aux chercheurs à
partir de 1991 lors de la Pérestroïka, jusque là inaccessibles et
inédites. Le documentaire est tiré du livre "Sous le signe du Scorpion"
Voir ici les vidéos de Juri Lina
C) The Bolshevik Great Experiment: One Hundred Years Later
Since the beginning of the centennial of World War I, I have been
writing a series of essays about the war as the memory of events passes
us by--a hundred years later. But as we approach the centennial of the
Bolshevik Revolution, I find it nearly impossible to delimit my thoughts
on this profound event in the history of the human race as if it were
only a passage of the war, like the Somme, or American intervention, or
the internment of enemy aliens.
There are so many narrations of
the "event" itself. There are so many answers to the question "why."
There are so many clashing depictions of tectonic shifts in Russia and
the world at that time, of Lenin, Trotsky, Dzerzhinsky and the rest as
actors, heroes, villains, and (to some modern day sycophants) secular
saints.
The inhuman cruelty, the killing capacity of this
Marxist-Leninist movement which styled itself occasionally as the
champion of the "people" (though much more often and much more
truthfully as the vanguard of the proletariat on the march toward a
revolutionary conflagration that would produce the new man) truly tests
the bounds of human comprehension. Even if we take into account a group
of recent historians who minimize standard historical estimates of total
non-combat, democidal totals of deaths (based in part on recently found
archival materials, but in part on soft hearts still loyal to the Great
Experiment), the median calculation of Communist mortality by
historians and demographers credits the Soviet Union of Lenin and Stalin
with somewhere between eighteen and sixty-two million deaths beyond
technically military losses. If we add up the democidal killings of
spin-off Communist regimes across the globe, the totals are
astronomical, with the estimates by historians, sociologists,
demographers, and other serious analysts hovering around a hundred
million human beings.
These deaths were, in the view of Communist elites from Lenin to
Stalin to Mao to Pol Pot, necessary. The grist of History's mill, so to
speak.
Still, many persist in wearing Che Guevara t-shirts and
longing for the Great Experiment. In 2011, Rasmussen pollsters found
that eleven percent of Americans thought that a Communist regime would be better than the current "system" of politics and economics in the United States.
Such
attitudes come in part from the lack of much serious study of history at
any level in the schools in the United States and in other parts of the
world. My own history students read Solzhenitsyn, or Yevgenia Ginzburg,
or The Black Book of Communism and express
surprise at the enormity of Communist mass murders and persecution they
have hardly been aware of previously. But this phenomenon is by no
means recent. In my own education, which took place, from first grade to
Ph.D., during the Cold War, only one or two teachers dealt with Soviet
and Communist mass murder in any way, and that was not until I was well
into university historical studies. And of course Hollywood, that great
shaper of popular historical awareness, has assiduously avoided all of
this murder and misery. No doubt because it offers so little in the way
of human drama.
In any case, the answer is not the schools, whose
bureaucracy and whose ideological and even pedagogical limitations will
never add to the curriculum a special chapter studying the bloody
history of the Great Experiment. Rather, the solution will come through
individual reading and learning among a growing subset of educated, and
especially self-educated, persons committed to the exploration of the
total state and its origins--outside and typically after the completion
of formal schooling. The materials of this kind of guerrilla education
takes the form these days of books, online seminars, special courses on
economics and society, and myriad other forms of information that
somehow escape from and flow around the historical narratives that avoid
mentioning these profound crimes which took place in the name of the
Marxist historical dialectic.
So as we come to this particular
grim centennial, we do well to pay even more attention to the influence
of the Bolshevik Revolution through the entirety of the last century. By
any measure, World War I shaped the century after it by
institutionalizing and to some extent normalizing mass violence, by
unleashing the state in its aggressiveness, acquisitiveness, and power.
But the "contributions" of the Bolshevik Revolution hold pride of
place. As yet, the legacy of the Bolshevik takeover of the
Russian Empire beginning in October/November 1917 represents the single
historical fact from the Great War — of dreadfully many possible choices
— that must be viewed as having visited the most misery and death on
the human race in its time and over the century to come.
Source
D) Robert Fulford: Smart people still fall for the murderous fraud of communism
The dream of communism energized many intellectuals and artists. For some, the dream lingered even after the brutality of Soviet life became known.
One afternoon a few decades ago a director from the National Film
Board visited my office to film an interview on the Gouzenko case, the
Ottawa scandal that exposed a Soviet spy ring installed in Canada during
the Second World War.
While the camera was being set up we chatted about dictatorships and I
mentioned that I found the Soviet Union far more evil than Hitler’s
Nazis.
He was shocked. “How can you say that?”
I answered: “Kills more. Lasts longer.” (In the event, it lasted 75 years.)
I find the Soviet Union more evil than the Nazis
“But,” the director said, “there is the matter of intention …” He was
upset that I failed to consider the good, humane, progressive
intentions behind communism. That’s why I remember our conversation so
clearly. He was a sensitive man with political views shaped by
good-hearted instincts. He felt we shouldn’t ignore the admirable
motives that started the Soviet Union.
This month, while the world notes the 100th anniversary of the 1917
revolution, we should consider the results of Lenin and the Bolsheviks
coming to power in Russia. That event turned Russia into an inhuman
hellhole and eventually inspired dictatorships in the nearby European
countries as well as in China, Cambodia, North Korea and elsewhere.
The Nazis and the communists were the forces that shaped the tragic
history of the last century and set the stage for this one. Should we
compare them? Well, we compare everything else. Why not compare two
events that the civilized world considers catastrophes?
The 1917 revolution turned Russia into an inhuman hellhole
Many still regard Marxism as a good idea that fell into bad hands,
notably Lenin’s and Stalin’s. I prefer the view of Martin Amis,
expressed in The New York Times the other day: “It was not a good idea
that somehow went wrong. It was a very bad idea from the outset, forced
into life with barely imaginable self-righteousness, pedantry, dynamism
and horror.” It defied human nature, so humans accepted it only under
threat of violence, which inevitably was applied. In the hands of
bullies who wanted power, Marxism was a terrifying weapon.
The disastrous reign of the communists was predicted long before it
happened. Mikhail Bakunin, the great anarchist writer, died 40 years
before the Russian revolution. But he left behind a grimly accurate
prediction: “If you took the most ardent revolutionary, vested him in
absolute power, within a year he would be worse than the Czar himself.”
Lenin and company were much worse, in fact. Yet their reign appealed
to the optimism and idealism of many generous hearts and minds. And long
after the worst was known, it still carried a certain appeal. For those
of a generally leftish persuasion, it had the virtue of promising to
overturn right-wing power. For years it was red-baited by Sen. Joseph
McCarthy and his crazed colleagues, another point in its favour.
Many still regard Marxism as a good idea that fell into bad hands
The dream of communism energized intellectuals and artists in the
West. For some, the dream lingered even after the brutality of Soviet
life became widely known. Ruth Wisse, a Canadian expert on Jewish
affairs and a professor at McGill and then Harvard, recently wrote an
article in the Forward, a revered Jewish magazine, under the title, Why
Do American Jews Idealize Soviet Communism? She describes a romantic
notion of the Bolshevik regime, embodied by Barbra Streisand’s loveable
and heroic character in the film The Way We Were.
Wisse remarks that Soviet Communism “killed an estimated 30 million
of its own citizens, including through a government-enforced famine in
Ukraine.” Hitler killed a million Jewish children; Stalin killed more
than twice as many children in Ukraine alone. It built the Gulag of
killing labour camps, which (Wisse says) far surpassed Hitler’s
concentration-camp network in the number of victims.
Wisse asks, “How then can Americans and particularly the Jews among
them perpetuate the romance of the Bolshevik regime?” In Toronto you can
still run into people who are nostalgic about the United Jewish
People’s Order (UJPO) when it was loyal to the communists and before
1956, when Nikita Khrushchev exposed Stalin’s crimes.
Many among us fell for this titanic fraud. Being alive demands that
we understand how even the best and brightest can be hoodwinked by
monsters masquerading as political heroes.
Robert Fulford
National Post
robert.fulford@utoronto.ca
Source
E) A Revolution to Always Remember but Never Celebrate
As the Great October Socialist Revolution reaches its centennial
anniversary, it's important to remember the devastation it wrought.
The propaganda of the old Soviet Union
referred to it for decades as the “Great October Socialist Revolution,”
the momentous event that brought Vladimir Lenin to power and gave birth
to seventy-four years of Communist Party rule. We are presently on the
eve of its centennial.
It is not an anniversary that anyone should celebrate.
For decent people everywhere, nothing about the Russian tragedy of 1917 is worth commemorating. Everything
about it, however, is worth remembering—and learning important lessons
from. The carnage wrought by the ideology that ascended to power a
century ago may forever stand as an evil unsurpassed in the annals of
human depravity. If you’re not sure just what that ideology was, or what
to call it, perhaps this article will help.
I first became an activist for liberty 49 years ago, in response to the Soviet invasion of Czechoslovakia. So in part for personal reasons, I could not let this centennial milestone pass without noting it in some way.
The victims of the Soviet regime and the other tyrannies it spawned in the 20th Century approach 100 million in number,
but can any article, book, or voluminous collection of both ever
adequately do justice to the stories of their agony and sacrifice? Of
course not. So with that limitation in mind, I choose to note the
occasion by telling you a little about just two of those 100 million.
Their names are Gareth Jones and Boris Kornfeld.
__________
Gareth Richard Vaughan Jones was born
in Wales on August 13, 1905. Both his parents were middle-class
educators determined that their son would get the best education
possible. By his 25th
year, young Gareth had earned degrees in French, German and Russian
from the University of Wales and Trinity College at Cambridge
University. Former British Prime Minister David Lloyd George hired him
almost immediately as his Foreign Affairs Advisor, a remarkable
assignment for a 25-year-old.
Gareth must have thought the world
was his oyster. Little did he know he would soon be a celebrity
journalist of international standing, and dead before his 30th birthday.
In the early 1930s, Jones undertook
two fact-finding missions to Stalin’s Soviet Union. He published several
well-received articles in major Western newspapers about his
observations. Before a third visit in March 1933, he picked up credible
information that conditions in Ukraine, then one of the 15 Soviet
republics, were dire. He resolved to find out for himself and scheduled a
third mission for March 1933.
A month before that fateful journey, Jones found himself invited by officials in Germany to
cover a political rally in Frankfurt. Adolf Hitler had just been named
Chancellor in January. Three days before the February 27 burning of the
Reichstag, Jones was one of a small handful of people on a plane bound
for that rally with Adolf Hitler and Joseph Goebbels. As he witnessed
the popular adulation of the man who would soon assume the mantle of
“Fuhrer,” Jones sensed the troubles ahead. If only the plane in which he
flew with Hitler and Goebbels had crashed, he later wrote, the history
of Europe would have been very different.
With his assignment in Germany behind
him, Jones arrived in Moscow in March. Travel from there to Ukraine was
forbidden, but that didn’t prevent him from eluding Soviet authorities
and making his way there anyway. What he saw and heard horrified him. By
the end of the month, he was back in Berlin and reporting to the world.
In an article published in the New York Evening Post, Britain’s Manchester Guardian and many other papers, he wrote:
I walked along through villages and twelve collective farms. Everywhere was the cry, “There is no bread. We are dying.” … I tramped through the black earth region because that was once the richest farmland and because the correspondents have been forbidden to go there to see for themselves what is happening.
In the train, a Communist denied to me that there was a famine. I flung a crust of bread which I had been eating from my own supply into a spittoon. A peasant fellow-passenger fished it out and ravenously ate it. I threw an orange peel into the spittoon and the peasant again grabbed it and devoured it. The Communist subsided.
I stayed overnight in a village where there used to be two hundred oxen and where there now are six. The peasants were eating the cattle fodder and had only a month’s supply left. They told me that many had already died of hunger. Two soldiers came to arrest a thief. They warned me against travel by night, as there were too many 'starving' desperate men.
“We are waiting for death” was my welcome… “Go farther south. There they have nothing. Many houses are empty of people already dead,” they cried.
Jones had walked into one of the
Great October Socialist Revolution’s most heinous crimes: the Holodomor
of 1932-33. Known also as the Terror-Famine and the Ukrainian Genocide,
it was an intentional, man-made, planned-from-the-top catastrophe that
claimed the lives of between four and ten million people. From Stalin on
down, Communist officialdom engineered it to crush Ukrainian resistance
to the forced collectivization of agriculture. Two years and millions
of deaths later, Stalin would declare in a speech, “Life has improved, comrades. Life has become more joyous.”
In Bloodlands: Europe Between Hitler and Stalin, historian Timothy Snyder refers to the widespread cannibalism during the disaster:
Survival was a moral as well as a physical struggle. A woman doctor wrote to a friend in June 1933 that she had not yet become a cannibal, but was "not sure that I shall not be one by the time my letter reaches you." The good people died first. Those who refused to steal or to prostitute themselves died. Those who gave food to others died. Those who refused to eat corpses died. Those who refused to kill their fellow man died. Parents who resisted cannibalism died before their children did.
Twenty-seven year-old Gareth Jones
was the first journalist to reveal the infamous Ukrainian famine to the
outside world. No credible person today denies that it occurred. But in
March 1933, Jones was shocked to find his revelations met with
denunciation from some veteran and highly-respected journalists.
Chief among the deniers was reporter and Soviet sympathizer Walter Duranty of the New York Times. On March 31, Duranty penned a piece for The Times
in which he claimed Jones’s report to be a fabrication. He even cited
Kremlin sources (as if they were to be trusted), who labeled Jones a
flat-out liar.
Duranty never apologized for his
allegations against Jones, nor did he ever retract his “there is no
famine” propaganda. He would later win a Pulitzer Prize for his
“coverage” of the Soviet Union. Decades later, The Times conceded that his articles amounted to “some
of the worst reporting to appear in this newspaper.” Duranty was a
classic example of what Vladimir Lenin disdainfully labeled “useful
idiots.” (They’re still around, by the way, in disturbing abundance. You
can learn more about them in the works of sociologist Paul Hollander, here, here, and here.
Moscow despised the fact that Jones
had found a way to get into Ukraine against its wishes. Telling the
world about conditions there put him on the official black list. Soviet
Foreign Minister Maxim Litvinov (whom Jones had interviewed in Moscow)
wrote a personal letter to Lloyd George, informing him that his
colleague Jones would never be allowed entry into the Soviet Union
again.
Two years later, Jones and a German
journalist covered events in turbulent China. They were captured by
bandits who released the German within two days but held on to Jones for
sixteen more. Then under mysterious circumstances on August 12,
1935—the day before his 30th birthday—Jones was shot to death. As a BBC documentary suggests, the evidence tying the murder to the Soviet secret police is very strong.
Two weeks after Jones’ killing, David Lloyd George paid tribute to his young friend:
That part of the world is a cauldron of conflicting intrigue and one or other interests concerned probably knew that Mr Gareth Jones knew too much of what was going on... He had a passion for finding out what was happening in foreign lands wherever there was trouble, and in pursuit of his investigations he shrank from no risk... I had always been afraid that he would take one risk too many. Nothing escaped his observation, and he allowed no obstacle to turn from his course when he thought that there was some fact, which he could obtain. He had the almost unfailing knack of getting at things that mattered.
Gareth Jones didn’t live to see his
courageous reporting vindicated, but his memory is celebrated today in
Ukraine, where he is a national hero.
________
Exactly when Boris Nicholayevich
Kornfeld was born, no one seems to know now for sure. We might know
nothing of him today were it not for a few paragraphs in a famous book
by a man—for the moment, let me simply refer to him as Mr. X—whose life
he hugely affected and perhaps even helped save.
We do know that in the late 1940s, Kornfeld was a prisoner incarcerated
at Ekibastuz, a notorious forced-labor camp in Soviet Siberia. We know
that Kornfeld was a doctor by profession and was sometimes ordered to
tend to other prisoners. He was Jewish, but was apparently so affected
by the faith and stoicism of Christian prisoners in the camp that he
converted. He felt a powerful compulsion to tell others about
Christianity, at great risk to himself.
In his famous book, Mr. X writes this about his encounter with Dr. Kornfeld:
Following an operation, I am lying in the surgical ward of a camp hospital. I cannot move. I am hot and feverish, but nonetheless my thoughts do not dissolve into delirium, and I am grateful to Dr. Boris Nikolayevich Kornfeld, who is sitting beside my cot and talking to me all evening. The light has been turned out, so it will not hurt my eyes. There is no one else in the ward.
Fervently he tells me the long story of his conversion from Judaism to Christianity. I am astonished at the conviction of the new convert, at the ardor of his words.
We know each other very slightly, and he was not the one responsible for my treatment, but there was simply no one here with whom he could share his feelings. He was a gentle and well-mannered person. I could see nothing bad in him, nor did I know anything bad about him. However, I was on guard because Kornfeld had now been living for two months inside the hospital barracks, without going outside. He had shut himself up in here, at his place of work, and avoided moving around camp at all.
This meant that he was afraid of having his throat cut. In our camp it had recently become fashionable to cut the throats of stool pigeons. This has an effect. But who could guarantee that only stoolies were getting their throats cut? One prisoner had had his throat cut in a clear case of settling a sordid grudge. Therefore the self-imprisonment of Kornfeld in the hospital did not necessarily prove that he was a stool pigeon.
It is already late. The whole hospital is asleep. Kornfeld is finishing his story…I cannot see his face. Through the window come only the scattered reflections of the lights of the perimeter outside. The door from the corridor gleams in a yellow electrical glow. But there is such mystical knowledge in his voice that I shudder.
Those were the last words of Boris Kornfeld. Noiselessly he went into one of the nearby wards and there lay down to sleep. Everyone slept. There was no one with whom he could speak. I went off to sleep myself.
I was wakened in the morning by running about and tramping in the corridor; the orderlies were carrying Kornfeld's body to the operating room. He had been dealt eight blows on the skull with a plasterer's mallet while he slept. He died on the operating table, without regaining consciousness.
Who was the “famous” Mr. X who penned those words? None other than Aleksandr Solzhenitsyn, ten years a prisoner in what he would later immortalize as “The Gulag Archipelago” in the title of one of the greatest literary and historical works of the 20th
Century. The future Nobel laureate Solzhenitsyn acknowledged that
Kornfeld played a key role in his mental and spiritual resolve to endure
ghastly circumstances. When the Gulag
manuscript was smuggled out and appeared in print in the West in 1973,
it blew away whatever was left of the myth of Soviet socialism’s
“workers’ paradise.”
Boris Kornfeld was not just a number.
He, like the other 80 or 90 or 100 million victims of the Great October
Socialist Revolution, was a real human being. He had a name, a family,
plans and ambitions, likes and dislikes, joys and sorrows. Thankfully,
he had more than a little decency too. He shared truth and inspiration
and suffered for it. But we have good reason to believe that in his
courage, channeled to the soul of another man, he helped bring an end to
a truly Evil Empire.
Gareth Jones would, I’m quite sure, be very pleased with that outcome.
These further words of Solzhenitsyn provide me with an appropriate conclusion. Think about them:
Socialism of any type leads to a total destruction of the human spirit and to a leveling of mankind into death.
In different places over the years I have had to prove that socialism, which to many western thinkers is a sort of kingdom of justice, was in fact full of coercion, of bureaucratic greed and corruption and avarice, and consistent within itself that socialism cannot be implemented without the aid of coercion.
The Great October Socialist Revolution was a calamity of the first order. Let us make no excuses for it. Ever.
Author’s Note: Please consider attending this important centennial event on November 7, 2017 in Washington, D.C., sponsored by the Victims of Communism Memorial Foundation.
Lawrence W. Reed
Lawrence W. Reed is president of the Foundation for Economic Education and author of Real Heroes: Incredible True Stories of Courage, Character, and Conviction and Excuse Me, Professor: Challenging the Myths of Progressivism.
Source
F) Il y a 100 ans, la révolution russe
Cette année marque le 100e anniversaire de la révolution
russe, qui pour les marxistes est d’une importance colossale. Pour la
première fois – si l’on excepte l’héroïque soulèvement des communards,
en 1871 –, les travailleurs prenaient le pouvoir et engageaient la
construction d’une société socialiste. L’impact international de cet
événement fut immense. Il bouleversa le cours de l’histoire.
La Tendance Marxiste Internationale profitera de cet anniversaire
pour expliquer dans le détail quelles furent les causes de cette
révolution, sa dynamique interne, les raisons de sa dégénérescence
bureaucratique, au milieu des années 20 – et quelles leçons nous devons
en tirer, aujourd’hui, pour faire avancer la lutte contre le système
capitaliste. Nous publierons des articles et organiserons des réunions
publiques sur ce thème. Nous défendrons la révolution russe contre ses
adversaires de droite et « de gauche », car ils ne manqueront pas de
célébrer 1917 à leur manière, à coup de mensonges et d’interprétations réactionnaires.
Au fil du temps, la littérature hostile à la révolution russe – et
plus précisément à la révolution d’Octobre – a pris des proportions
impressionnantes, en termes quantitatifs. Cependant, la valeur
scientifique de ces innombrables livres et articles est proche de zéro.
La raison en est simple : leurs auteurs ne voulaient pas faire œuvre de
science ; ils voulaient uniquement dissuader les exploités du monde
entier de chercher une solution à leurs problèmes dans les idées et le
programme du bolchevisme, c’est-à-dire du marxisme.
On peut ranger dans deux catégories les arguments contre la
révolution russe. La première regroupe toutes les « révélations » et
anecdotes visant à peindre les dirigeants du parti bolchevik sous les
traits d’hommes sans foi ni loi, cyniques et mus par des pulsions
sanguinaires. Ici, l’exécution du tsar Nicolas II et de sa famille
occupe en général une place de choix. Bien des larmes sont versées sur
le sort de « Nicolas le Sanglant » et de ses proches, comme si leur
exécution fut un acte de cruauté gratuite à l’encontre d’une gentille
petite famille sans histoire. De même, lors du bicentenaire de la
Révolution française, en 1989, des historiens ont pleuré sur le sort que
les Jacobins ont réservé à Louis XVI et Marie-Antoinette.
Naturellement, la barbarie et les crimes innombrables des monarchies
russe et française n’arrachent pas l’ombre d’un soupir à ces âmes
sensibles.
La deuxième catégorie d’arguments contre la révolution russe est plus
« sérieuse » : elle délaisse le sensationnalisme et le moralisme
hypocrite pour tenter de s’élever jusqu’au niveau d’un raisonnement
politique. Nous en évoquerons deux parmi les plus courants.
Les « Amis de Février »
Rappelons d’abord qu’en 1917 il n’y eut pas une, mais deux révolutions. Fin février [1],
les masses ouvrières de Petrograd – et d’abord les femmes – firent
grève et manifestèrent pour protester contre la faim, la misère et les
horreurs de la guerre impérialiste. Le tsar fit envoyer la troupe pour
noyer dans le sang cette « rébellion ». Mais celle-ci, indomptable,
finit par gagner les soldats à sa cause et, dès lors, se transforma en
insurrection. Le 27 février, les révolutionnaires contrôlaient la
capitale – et Moscou se soulevait à son tour. Le 2 mars, Nicolas II
abdiquait.
La révolution de février déboucha sur une situation de double
pouvoir. Un « gouvernement provisoire » formé à la hâte, constitué de
représentants de la bourgeoisie et des grands propriétaires terriens,
faisait face aux soviets – « conseils », en russe – des ouvriers, des
soldats et des paysans, dont le système de délégués élus et révocables
culminait dans un Comité Exécutif. Or dans la foulée de février, les
bolcheviks, c’est-à-dire l’aile gauche du mouvement ouvrier russe, ne
constituaient qu’une petite minorité des soviets. La majorité, et donc
le Comité Exécutif, était contrôlée par deux autres partis se situant
sur la droite des bolcheviks : les mencheviks et les
socialistes-révolutionnaires (SR).
En dépit de leur adhésion verbale à la révolution et au socialisme,
les dirigeants mencheviks et SR résistaient de toutes leurs forces aux
revendications des masses, parmi lesquelles la paix et la réforme
agraire. Ils tergiversaient sans cesse, mais au final soutenaient le
gouvernement provisoire et les politiciens de la grande bourgeoisie
– qui, de leur côté, conspiraient contre la révolution et préparaient le
retour de « l’ordre ».
C’est ici que les historiens bourgeois s’écrient en chœur : « La
révolution de février, oui ! Celle d’octobre, non ! » Ils reprochent à
Lénine et Trotsky d’avoir préparé la deuxième révolution de 1917, la
révolution bolchevique d’Octobre. Ils reconnaissent parfois que le
régime issu de février était contradictoire, instable, mais prétendent
qu’il posait tout au moins les bases d’une authentique « démocratie »
(bourgeoise), à l’avenir...
Au fond, ce point de vue est beaucoup moins inspiré par l’amour de la
démocratie que par la haine du bolchevisme. Ce que ces historiens ne
pardonnent pas à la révolution d’Octobre, c’est d’avoir arraché le
pouvoir des mains des grands capitalistes et propriétaires terriens,
pour le placer entre les mains des travailleurs alliés à la masse des
paysans pauvres. Par ailleurs, l’idée selon laquelle la révolution
d’Octobre a empêché l’avènement d’une « démocratie » bourgeoise
florissante, en Russie, ne résiste pas au simple rappel des faits. Fin
août 1917, par exemple, la grande bourgeoisie russe appuya de toutes ses
forces l’offensive dirigée par le général Kornilov, dont l’objectif
était d’écraser la révolution et d’instaurer une dictature militaire. La
mobilisation des bolcheviks fut le facteur décisif qui fit échouer
cette tentative de coup d’Etat contre-révolutionnaire. Mais de cela, les
« Amis de Février » n’aiment pas parler !
Octobre : un coup d’Etat ?
C’est l’argument fétiche des historiens hostiles à la révolution
d’Octobre : celle-ci n’aurait été qu’un vulgaire « coup d’Etat ». Dans L’Obs du 22 décembre dernier, Pascal Riché sacrifie à la tradition : « simple coup d’Etat bolchevique »,
écrit-il au sujet d’Octobre, sans consacrer une ligne à tenter de le
démontrer. Ce qui est amusant, c’est qu’il démontre le contraire – bien
involontairement – dans différents passages de son article. Il souligne
notamment qu’après le retour de Lénine en Russie, en avril, alors que « la situation économique et militaire se détériore, la popularité des bolcheviks (…) et de leur programme simple – «du pain, la paix, la terre» – décolle ». Plus loin, il rappelle qu’après le fiasco de l’offensive du général Kornilov, « le prestige des bolcheviks croît, ainsi que leur représentation dans les soviets des villes ».
Précisément, Mr Riché ! A compter du mois d’avril, la popularité des
bolcheviks ne cessa de « décoller ». Fin septembre, les bolcheviks
devinrent majoritaires dans les soviets, qui étaient les organes
démocratiques à travers lesquels s’exprimait la volonté des
travailleurs, des soldats et des paysans pauvres de Russie.
D’ailleurs, la direction du parti bolchevik choisit de faire coïncider
l’insurrection d’Octobre – la conquête effective de l’appareil
gouvernemental – avec le Deuxième congrès des Soviets (25 et
26 octobre), où les bolcheviks étaient majoritaires, ce qui donna à
l’insurrection la légalité la plus large. Non seulement la révolution
d’Octobre ne fut pas un coup d’Etat, c’est-à-dire une opération menée
dans le dos du peuple, mais elle fut organisée au grand jour lorsque les
bolcheviks comprirent qu’ils bénéficiaient d’un soutien décisif dans
les masses.
Toute la politique du parti bolchevik, en 1917, contredit la théorie
du « coup d’Etat ». Par exemple, dès le mois de juillet, les bolcheviks
avaient gagné le soutien des couches les plus avancées de la classe
ouvrière de Petrograd. Elles fulminaient d’impatience, voulaient prendre
le pouvoir. Mais Lénine et Trotsky s’efforcèrent de les retenir, car
Petrograd était en avance sur le reste du pays. En dehors de la
capitale, beaucoup de travailleurs et de soldats soutenaient encore les
dirigeants mencheviks et SR. Lénine insistait : « il faut expliquer patiemment ». Etrange formule, chez un « putschiste » !
Inutile, par contre, d’expliquer patiemment tout ceci aux Pascal Riché de ce monde, car ils ne veulent pas
comprendre. Ce qu’ils haïssent instinctivement dans la révolution
d’Octobre, c’est le renversement de la classe capitaliste par les
travailleurs et les paysans. C’est pour cette même raison que nous
l’admirons – et, surtout, que nous devons l’étudier dans toutes ses
dimensions, dans toute sa richesse, pour préparer la prochaine
révolution socialiste.
[1]
Jusqu’en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien, qui a 13 jours
de retard sur le calendrier grégorien (le nôtre). Suivant ce dernier,
l’insurrection de février débuta le 8 mars, à l’occasion de la journée
internationale des droits des femmes.
Jérôme Métellus
Source
G) Lénine
Vladimir Illitch Oulianov dit Lénine est un idéologue et homme politique russe né à Simbirsk le 22 avril 1870 et mort le 21 janvier 1924.
Créateur du premier État communiste, l'URSS, il a donné une réalité aux idées de Marx et de Engels, tout en transformant profondément la doctrine marxiste. Le marxisme-léninisme jette ainsi les bases du totalitarisme.
En associant pour la première fois l’idée d’un parti unique, d’une
police politique et d’un système concentrationnaire, il a été
l’inspirateur de toutes les variantes du communisme développées au XXe
s. (stalinisme, trotskisme, maoïsme, castrisme, etc.) tout en exerçant
une influence sur le fascisme et le nazisme. En ce sens, il a été la personnalité majeure du siècle dernier et le principal ennemi du libéralisme.
Le théoricien
Chez Lénine, la théorie est liée à la pratique. Il n'y a pas de
dogme : l'orthodoxie est ce que dit le parti en ce moment et dans la
forme où il le dit. L'effort intellectuel principal consiste à assurer
la cohérence dialectique du côté de l'action politique et du côté de la
théorie. Il faut conférer à chaque pas politique un sens idéologique. Il
n'y a pas plus de vérité qu'il n'y a de liberté : la vérité bourgeoise
s'oppose à la vérité prolétarienne. La pensée de Lénine est foncièrement
dualiste.
Dès Que Faire ? (1902),
il montre le parfait mépris qu’il éprouve à l’égard des ouvriers :
ceux-ci ne songent qu’à améliorer leur situation matérielle et non à
détruire l’ordre social existant. Le prolétariat
ignore ce qui est bon pour lui. Le Parti, composé d’une élite
intellectuelle qui détient la science, est l’incarnation (et non la
représentation) du mouvement ouvrier. Ce parti doit être organisé de
façon hiérarchisée et autoritaire comme une fabrique ou comme une armée.
Le « centralisme démocratique » exclut toute liberté de critique au
sein du Parti : La liberté
est un grand mot, mais c’est sous le drapeau de la liberté de
l’industrie qu’ont été menées les pires guerres de brigandage ; c’est
sous le drapeau de la liberté du travail qu’on a spolié les
travailleurs. L’expression « liberté de critique » telle qu’on l’emploie
aujourd’hui renferme le même mensonge. Le Parti bolchevik, créé en 1912 et modèle de tous les PC ultérieurs, répond à cette conception.
Dans l’État et la Révolution (1917), opuscule rédigé entre les révolutions de février et d’octobre, il se présente comme le restaurateur du vrai marxisme.
Contre les opportunistes partisans d’une prise de pouvoir légal, Lénine
souligne la nécessité d’une prise de pouvoir violente pour supprimer l’État
bourgeois et le remplacer par un État prolétarien. Instrument
d’oppression, l’État doit être au service de la classe révolutionnaire :
la violence sera au service de la majorité (le peuple) contre la
minorité bourgeoise. Avec la disparition des exploiteurs, les intérêts
de tous seront en harmonie avec ceux de tous et l’État dépérira. Cette
première phase de dictature du prolétariat, le socialisme, va donc inévitablement déboucher sur le communisme, règne de l’abondance. Par la suite, tout au long de l'histoire de l'URSS,
le communisme sera évoqué en termes messianiques, comme un but très
lointain mais capable de justifier toutes les souffrances présentes. En
attendant, tous sont soumis à l’État, dans une bureaucratie
autogestionnaire généralisée :
Recensement et contrôle, voilà l’essentiel et pour l’organisation et
pour le fonctionnement régulier de la société communiste dans sa
première phase. Ici, tous les citoyens se transforment en employés
salariés de l’État constitué par les ouvriers armés. Tous les citoyens
deviennent les employés et les ouvriers d’un seul cartel du peuple
entier, de l’État.
Il ébauche le modèle d’une système totalitaire : Quand la majorité du
peuple commencera par elle-même et partout ce renversement, ce contrôle
des capitalistes (transformés alors en employés) et de la gent
intellectuelle qui aura conservé les pratiques capitalistes, alors ce
contrôle sera vraiment universel, général, national, et nul en pourra
plus s’y soustraire, de quelque manière que ce soit ; « on n’aura plus
où se mettre ».
Lénine rejette la morale « bourgeoise » : « Notre morale est
entièrement subordonnée aux intérêts de la lutte du prolétariat », aussi
« nous disons : est moral ce qui contribue à la destruction de
l’ancienne société d’exploiteurs et au rassemblement de tous les
travailleurs autour du prolétariat en train de créer la nouvelle société
communiste ». La violence est légitime quand elle exercée par les
opprimés, le mensonge et le cynisme sont nécessaires pour faire
triompher la cause portée par le mouvement de l’histoire. Le droit
est à ses yeux également une « illusion bourgeoise ». La création de la
Tchéka, la police politique est suivie rapidement par l’ouverture du
premier camp de concentration. « Un bon communiste c’est aussi un bon
tchékiste ». Le but de la politique est de détruire l'adversaire :
« Cacher aux masses la nécessité d’une guerre exterminatrice, sanglante,
désespérée comme objectif immédiat de l’action future, c’est se tromper
soi-même et tromper le peuple. »
L’importance décisive de 1918 et du communisme de guerre
A l’arrivée au pouvoir des bolcheviks ceux-ci ne contrôlent pas grand
chose dans un pays qui a sombré dans l’anarchie. Les paysans se sont
emparés des terres et les ouvriers ont pris le contrôle des usines. Il
n’y a plus ni noblesse ni bourgeoisie
industrielle. De plus, la paix de Brest-Litovsk (mars 1918) enlève à la
Russie les régions agricoles les plus riches et les régions
industrielles les plus productrices. Pour Martin Malia, c’est le vide
social de tout ce qui existe au-dessus du peuple (tout ce qui n’est ni
paysan ni ouvrier) qui laisse au Parti la possibilité de s’organiser en
bureaucratie idéocratique universelle : le Parti va remplacer la société. La destruction du capitalisme révèle ce constat fâcheux : le socialisme
ne se manifeste nulle part : il faut le construire. Comme Eduard
Bernstein l'avait compris, on ne peut compter sur le prolétariat pour
accomplir seul la révolution, ce doit être l'affaire de révolutionnaires
"professionnels".
A l’été 1918, le processus de désintégration menace le pouvoir
bolchevique : le communisme de guerre va permettre de sauver le régime
tout en posant les bases du futur État soviétique. Les soviets sont
épurés en juillet et tous les partis sont mis hors la loi en août. Le
terme ennemi de classe désigne désormais ceux qui sont hostiles à l’État
à Parti unique. De plus, entre avril et décembre, par une série de mesures improvisées, l’ensemble de l’économie est nationalisé. Il faut donc créer un organisme central pour remplacer le marché :
le Soviet panrusse de l’économie nationale, préfiguration du Gosplan.
Sans marché, seul le plan peut décider des investissements. Pour battre
les armées blanches, l’État doit également mettre sur pied une armée,
l’Armée rouge : la militarisation de la société va de pair avec
l’étatisation de l’économie. L’Armée rouge réussit, en dépit de sa
médiocrité, a triompher de ses adversaires : les armées blanches étaient
divisées, peu populaires aux yeux des paysans et elles s’appuyaient sur
l’étranger, ce qui faisait jouer le réflexe nationaliste en faveur des
bolcheviques. La Tcheka, créé en décembre 1917, devient à l’automne 1918
un organisme centralisé au service du Parti.
Une des conséquences importantes de la crise de 1918 est la
bureaucratisation du Parti. Le Politburo devient le comité directeur aux
dépens du Comité central et un Secrétariat (sans le nom) est créé sous
la direction de Sverdlov qui inaugure le système de domination d’en haut
que devait développer ensuite Staline.
A l’automne, les membres des soviets sont désormais nommés par
l’appareil de l’État. Les effectifs du parti augmentent : de 125 000 à
600 000 en 1920. D’origine modeste, les nouveaux membres y trouvent un
moyen d’ascension sociale inouï : à demi incultes, ils vont s’identifier
plus facilement à un Staline qu’à un intellectuel comme Trotski.
Le seul groupe social qui conserve son autonomie, c’est la paysannerie. Le communisme de guerre
n’a pu en venir à bout. Pour le reste, il n’y a plus de société
civile : il ne peut donc y avoir ni Thermidor, ni Restauration. Avec la
révolte de Kronstadt, Lénine prend conscience de la nécessité du
centralisme démocratique : avec le Xe Congrès, le caractère
« monolithique » du Parti est établi définitivement par l’interdiction
des factions.
La NEP improvisée en 1921 est une concession face aux graves problèmes
économiques. Elle repose sur une contradiction entre le système
politique et l’économie de marché : le Parti qui ne peut pas admettre le pluralisme politique ne peut admettre non plus le pluralisme économique.
Bibliographie
- Œuvres complètes dont :
- 1899 : Le développement du capitalisme en Russie
- 1902 : Que faire ?
- 1904 : Un pas en avant, deux pas en arrière
- 1905 : Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique
- 1908 : Marxisme et révisionnisme ; Matérialisme et empiriocriticisme
- 1913 : Les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme
- 1915 : La faillite de la II° Internationale
- 1916 : L'impérialisme, stade suprème du capitalisme ; L'opportunisme et la faillite de la II° Internationale
- 1917 : Thèses d'Avril ; L'État et la révolution
- 1918 : Sur l'infantilisme "de gauche" et les idées petites-bourgeoises ; La révolution prolétarienne et le rénégat Kautsky
- 1919 : De l'État ; Les tâches de la III° Internationale
- 1920 : La maladie infantile du communisme (le "gauchisme")
- 1923 : Testament politique
Sources
- Philippe Nemo, Histoire des idées politiques aux temps modernes et contemporains, PUF 2002.
- Alain Besançon, Les origines intellectuelles du Léninisme, Calmann-Lévy 1977.
- Hélène Carrère d'Encausse, Lénine, Fayard 1998.
- Martin Malia, Comprendre la Révolution russe, Le Seuil Points histoire 1980.
- Lénine, L'inventeur du totalitarisme, Stéphane Courtois, Perrin, 2017
Citations
- La société tout entière deviendra un seul immense bureau et une seule immense usine avec égalité de travail et égalité de rétribution. (L'État et la Révolution)
- Le peuple n'a pas besoin de liberté, car la liberté est une des formes de la dictature bourgeoise. Le peuple veut exercer le pouvoir. La liberté ! Que voulez-vous qu'il en fasse ? (L'état et la Révolution)
- Pourquoi faudrait-il tolérer la liberté d'expression et la liberté de la presse ? Pourquoi un gouvernement qui fait ce qu'il juge bon devrait-il tolérer la critique ? Il ne tolèrerait pas une opposition qui utiliserait des armes mortelles, or les idées sont bien plus mortelles que les fusils.
- Lénine était le plus grand des hommes après Hitler et la différence entre le communisme et la foi d’Hitler est très subtile. (Joseph Goebbels)
- Lénine lui-même et la plupart de ses compagnons conspirateurs n'ont jamais rien appris sur le fonctionnement de l'économie de marché et n'ont jamais voulu le faire. Tout ce qu'ils savaient sur le capitalisme, c'était que Marx l'avait dépeint comme le pire de tous les maux. Ils étaient des révolutionnaires professionnels. Leurs seules sources de revenus étaient les fonds du parti, qui était approvisionné par des contributions volontaires et le plus souvent involontaires (extorquées), ainsi que par des souscriptions et les "expropriations" violentes. (Murray Rothbard, La mentalité anti capitaliste)
H) Communisme
Le communisme est un système théorique d'organisation sociale reposant sur la propriété commune des moyens de production. C'est également un mouvement politique qui prétend renverser le capitalisme pour instaurer une société sans classe.
Manifeste politique
Le communisme désigne également le système politique proposé par Karl Marx dont voici les 10 points-clés du Manifeste du Parti Communiste[1] :
- Expropriation de la propriété foncière et affectation de la rente foncière aux dépenses de l'État
- Impôt fortement progressif
- Abolition de l'héritage
- Confiscation des biens de tous les émigrés et rebelles
- Centralisation du crédit entre les mains de l'État, au moyen d'une banque nationale, dont le capital appartiendra à l'État et qui jouira d'un monopole exclusif
- Centralisation entre les mains de l'État de tous les moyens de transport
- Multiplication des manufactures nationales et des instruments de production ; défrichement des terrains incultes et amélioration des terres cultivées d'après un plan d'ensemble
- Travail obligatoire pour tous ; organisation d'armées industrielles, particulièrement pour l'agriculture
- Combinaison du travail agricole et du travail industriel ; mesures tendant à faire graduellement disparaître la distinction entre la ville et la campagne
- Éducation publique et gratuite de tous les enfants. Abolition du travail des enfants dans les fabriques tel qu'il est pratiqué aujourd'hui. Combinaison de l'éducation avec la production matérielle, etc.
On peut remarquer que la social-démocratie a réalisé au XXe siècle tous ces objectifs, en partie et à des degrés divers.
Un système inéluctablement totalitaire
De nombreux auteurs ont montré que le communisme impliquait le totalitarisme. Les résultats des expériences communistes confirment toutes cette analyse.
Friedrich Hayek dans La Route de la servitude (1944) souligna que l'interventionnisme étatique était une pente glissante vers le totalitarisme, sur une « route de la servitude ».
La planification économique est le contrôle des moyens par lesquels les
hommes peuvent réaliser les fins qu'ils se fixent ainsi que le contrôle
de ces fins. Un contrôle total de la vie économique signifie que les
moyens et les fins humaines sont décidées par l'État et qu'ainsi la
liberté est abolie. John Jewkes développa une thèse proche dans Ordeal by planning (1946)
Karl Popper dans La Société ouverte et ses ennemis range Karl Marx avec Friedrich Hegel et Platon dans la lignée des intellectuels responsables de la genèse des idées totalitaires.
Un système économique qui ne peut pas fonctionner
Articles connexes : Exploitation, lutte des classes, baisse tendancielle du taux de profit, matérialisme historique et plus-value.
La théorie communiste, dans sa version marxiste,
se fonde sur un certain nombre de concepts dont la validité a été mise
en pièces depuis bien longtemps. Ces points sont développés dans les
articles concernés.
Michael Polanyi dans La Logique de la liberté montre que la planification
voulue par le communisme ne peut pas fonctionner car les ordres
monocentriques (dirigés d'en haut) sont incapables de gérer la masse
d'information utilisée dans les sociétés polycentriques.
Le débat sur le calcul économique dans une économie socialiste avait dès les années 1920-1930 établi l'impossibilité d'une économie socialiste, en se fondant cette fois là sur l'impossibilité d'une économie sans prix.
"De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins"
L'utopie
communiste "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins",
apparemment généreuse, ne pourrait se réaliser que dans un monde idéal
où la rareté serait éliminée. Cette idée fausse a laissé d'importantes traces dans les social-démocraties : ainsi, les dirigeants de la Sécurité sociale française ne cachent pas que leur seule règle de gestion est "chacun cotise selon ses moyens, et reçoit selon ses besoins"[2]. En pratique, on obtient des déficits continuels et un accroissement ininterrompu de la dette publique.
Les dirigeants socialistes étant amenés très vite à constater que
les besoins sont illimités alors que les moyens sont restreints, deux
stratégies leur sont ouvertes :
- limiter les besoins : rationnement, uniformisation, encadrement autoritaire de l'économie (contrebalancé par l'apparition du marché noir) ;
- augmenter les moyens : État-providence, spoliation, enfer fiscal (contrebalancé par l'exil des plus actifs)
Le communisme volontaire ?
Au plan politique, les libéraux sont opposés au communisme d'une part parce que celui-ci ne peut exister qu'avec la coercition et la violence, et d'autre part parce que l'idéal communiste est total et collectif et ne laisse aucune place à la liberté individuelle.
Si des communautés veulent mettre en œuvre une espèce de
communisme en leur sein par mise en commun de tous les biens de leurs
membres, rien ne s'y oppose dans un régime libéral - tant que les droits de chacun sont respectés et que chacun a exprimé son consentement, comme c'est le cas pour certaines formes de coopération comme le mutualisme, ou dans certaines communautés religieuses monastiques ou laïques, adeptes d'une pauvreté volontaire (par exemple les huttérites).
Christian Michel résume ces remarques :
« Le communisme est un bel idéal. Que les communistes s'organisent dans leurs communes et phalanstères, qu'ils affichent leur bonheur d'y vivre, et ils seront rejoints par des millions et des milliards de gens. […] Ce qu'il faut combattre n'est pas le communisme, ni aucune autre idéologie, mais la traduction politique de cette idéologie. »
Il y a eu au moins une expérience de communisme volontaire : celle du kibboutz en Israël
après l’indépendance de 1947. Elle s'est soldée par un échec et la
disparition de quasiment tous les kibboutzim, transformés en entreprises
privées[3].
La raison de l'échec de toute idéologie collectiviste telle que
le communisme est que, dans un tel type d'organisation sociale, les
personnes les plus capables ne voient pas leurs mérites reconnus et
récompensés, et finissent par rejeter un collectif qui les exploite ; un
système où la responsabilité
est collective pousse chacun à vivre aux dépens des autres, comme l'ont
montré dès le départ les premières expériences de "socialisme utopique"
telles que celle du philanthrope Robert Owen au XIXe siècle. La pauvreté
(faute de motivation à produire des biens et services) est ainsi le
résultat inéluctable du communisme politique. L'autoritarisme,
l'oppression et la dictature en constituent l'autre aspect : dans
l'optique d'un Lénine, le prolétariat ignore ce qui est bon pour lui et doit donc être contraint par le parti.
Une idéologie mortifère
Au socialisme proprement dit, qui est un collectivisme coercitif, le communisme, religion séculière selon Aron[4], rajoute une eschatologie. Pour l'idéologie marxiste, un État libre et abondant, dans lequel sera terminée la lutte des classes, s'établira plus tard, après la dictature du prolétariat et la phase présumée transitoire de capitalisme d'État.
Cet État utopique, le communisme, constituera une sorte de paradis
terrestre, l'adage "à chacun selon ses besoins" sera réalisé. On conçoit
aisément qu'au pays de Cocagne, où tous nos besoins sont satisfaits
magiquement, le communisme soit facile à instaurer (n'importe qui est
disposé à partager la surabondance), mais au nom de ce paradis terrestre
sont morts au XXe siècle des dizaines de millions d'êtres humains.
De nombreux rapprochements sont effectués entre le communisme soviétique et le nazisme, les deux grands totalitarismes qui signèrent le Pacte Germano-Soviétique le 23 août 1939.
"Renouveau" du communisme
Certains philosophes du début du XXIe
siècle, encore dans le sillage du marxisme, cultivent une sorte de
nostalgie à l'égard du communisme, ou le voient toujours comme une utopie acceptable. Pour Alain Badiou, le communisme est "le nom générique d’une alternative au capitalisme"[5]. Slavoj Žižek critique le "manque de radicalisme" des dirigeants communistes du XXe
siècle (qu'il s'agisse des maoïstes ou des Khmers Rouges) et affirme la
valeur intrinsèque de la violence révolutionnaire ; proche d'un nihilisme subjectiviste, il évite soigneusement de décrire sa vision de ce que pourrait être un monde communiste[6].
De même, le philosophe et économiste souverainiste Frédéric Lordon
prône un « soulèvement » contre les tenants du système, et dit
publiquement qu' « il faut mettre les jetons » aux gens de la finance,
sans expliquer quel type de société il envisage pour remplacer le
"système"[7].
Citations
- « Faire intervenir l'État, lui donner pour mission de pondérer les profits et d'équilibrer les fortunes, en prenant aux uns, sans consentement, pour donner aux autres, sans rétribution, le charger de réaliser l'œuvre du nivellement par voie de spoliation, assurément c'est bien là du Communisme. » (Frédéric Bastiat)
- « On ne peut bien vivre là où tout est en commun. Comment l'abondance de produits peut-elle se réaliser là où chacun essaye de se soustraire au travail, étant donné qu'il n'est point stimulé par la pensée de son propre profit et que la confiance dans le travail de l'autre le rend indolent ? » (Thomas More, Utopia, 1516)
- « Communisme : rêve de quelques-uns, cauchemar de tous. » (Victor Hugo, Choses vues)
- « Le communisme, c'est le nazisme, le mensonge en plus. » (Jean-François Revel)
- « Communistes : Votre ennemi c'est le mur mitoyen. Le mien, c'est le despotisme. J'aime mieux escalader les trônes que la haie du voisin. » (Victor Hugo, Choses vues)
- « Tous les révolutionnaires proclament à leur tour que les révolutions précédentes ont fini par tromper le peuple ; c'est leur révolution seule qui est la vraie révolution. « Tous les mouvements historiques précédents », déclarait le Manifeste communiste de 1848, « étaient des mouvements de minorités ou dans l'intérêt de minorités. Le mouvement prolétarien est le mouvement conscient et indépendant de l'immense majorité, dans l'intérêt de l'immense majorité ». Malheureusement cette vraie révolution, qui doit apporter aux hommes un bonheur sans mélange, n'est qu'un mirage trompeur qui ne devient jamais une réalité. Elle est apparentée à l'âge d'or des millénaristes : toujours attendue, elle est toujours perdue dans les brumes du futur, échappant toujours à ses adeptes au moment où ils pensent la tenir. » (Vilfredo Pareto)
- « Les fruits ne comptent pour rien, l’arbre capitaliste est toujours coupable. Par contre les fruits du communisme sous toutes ses formes sont toujours empoisonnés mais l’arbre n’est jamais à blâmer, seul son jardinier le serait ! » (Xavier Prégentil)
- « En abolissant la propriété personnelle, le communisme ne fait que me rejeter plus profondément sous la dépendance d'autrui, autrui s'appelant désormais la généralité ou la communauté. Bien qu'il soit toujours en lutte ouverte contre l'État, le but que poursuit le communisme est un nouvel « État », un status, un ordre de choses destiné à paralyser la liberté de mes mouvements, un pouvoir souverain supérieur à moi. (...) Désormais toute distinction s'efface, tous étant des gueux, et la société communiste se résume dans ce qu'on peut appeler la « gueuserie » générale. » (Max Stirner)
- « Si on n'est pas communiste à 20 ans, c'est qu'on a pas de cœur. Si on l'est toujours à 40 ans, c'est qu'on a pas de tête. » (Attribuée à George Bernard Shaw (hautement improbable), Clemenceau, Winston Churchill)
- « Le Parti n'a pas raison parce que la doctrine est vraie, la doctrine est vraie parce que le Parti a toujours raison. » (Étienne Gilson)
- « Le communisme est synonyme de nihilisme, d'indivision, d'immobilité, de nuit, de silence. » (Pierre-Joseph Proudhon, Système des contradictions économiques)
- « Si les régimes communistes se sont effondrés, c'est parce qu'ils ont perdu leurs deux piliers : la foi et la peur. » (Václav Klaus, président tchèque)
- « L’une des plus amères ironies du XXe siècle fut que le communisme, qui se voulait une doctrine égalitaire et accusait le capitalisme d’égoïsme et de sacrifier cruellement les autres pour son bonheur, est devenu une fois au pouvoir un système d’un égoïsme et d’une cruauté telle qu’elle rendait les péchés du capitalisme pâles en comparaison. » (Thomas Sowell)
- « Le communisme n'est ni un système économique, ni un système politique. C'est une forme de folie, une aberration temporaire qui disparaîtra un jour de la surface de la terre parce qu'elle est contraire à la nature humaine. » (Ronald Reagan)
- « Le communisme, c'est une des seules maladies graves qu'on n'a pas expérimentée d'abord sur les animaux. » (Coluche) (humour)
- « Le communisme disparaîtrait demain, comme a disparu l’hitlérisme, que le monde moderne n’en poursuivrait pas moins son évolution vers ce régime de dirigisme universel auquel semblent aspirer les démocraties elles-mêmes. » (Georges Bernanos)
- « Communisme : système généreux, qui enrichit la population en l'appauvrissant, et rend l'homme plus libre en l'enfermant. » (Christian Millau, Dictionnaire d'un peu tout et n'importe quoi)
- « La plupart des gens qui ont lu le Manifeste du Parti Communiste ne réalisent probablement pas qu’il a été écrit par deux jeunes hommes qui n'avaient jamais travaillé un jour de leurs vies, et qui néanmoins parlaient hardiment au nom des "travailleurs". » (Thomas Sowell)
- « On peut définir le communisme comme un altruisme sans empathie. Ou plus péjorativement, comme un altruisme sans cœur. » (Mencius Moldbug)
- « Le communisme possède une langue que chacun peut comprendre : ses éléments sont la faim, l'envie, et la mort. » (Heinrich Heine)
- « Le communisme, pour s'implanter dans les institutions, avait besoin de la statolâtrie, c'est-à-dire de l'absolutisme monarchico-constitutionnel, qui dit : l’État ne cesse pas d'être tout-puissant, mais ce n'est plus un homme, c'est la nation affranchie, se gouvernant elle-même de concert avec son chef, le roi. Et ceux qui parlèrent ainsi eurent l'art de confisquer l’État et d'exclure du gouvernement et le roi et la nation. » (abbé Antoine Martinet, Statolâtrie, ou le Communisme légal, 1848)
- « Le communisme est une maladie de l'esprit. Il promet la fraternité universelle, la paix et la prospérité pour inciter les humanistes et les idéalistes à participer à un complot qui vise à conquérir le pouvoir par la tromperie et à y rester par la force brute. » (John Stormer, None Dare Call It Treason)
I) URSS
L'Union des républiques socialistes soviétiques, abrégé en URSS
(en russe : Союз Советских Социалистических Республик, abrégé en :
СССР), était un État fédéral de 15 républiques soviétiques et qui a
existé de 1922 jusqu'à sa dissolution en 1991. Ce fut le principal État communiste pendant cette période.
Bilan humain
En prenant le pouvoir en 1917, Lénine planifie l'élimination des « contre-révolutionnaires ». En mars 1919,
la révolte des ouvriers d'Astrakhan est écrasée dans le sang par
l'armée rouge, et près de 5 000 personnes sont noyées en une semaine
dans la Volga. Le « nettoyage » des derniers bastions anti-communistes
de Crimée coûte la vie à 50 000 personnes. La politique de
« décosaquisation » frappe entre 300 000 et 500 000 cosaques qui seront
assassinés ou déportés.
Des camps de travaux forcés sont créés par le décret du 15 avril
1919. Entre 1920 et 1923, la Russie soviétique comptera 84 camps. En
juillet 1934, une réorganisation aboutira à un organisme central gérant
les camps de travail forcé, le Goulag (Главное управление лагерей :
« administration principale des camps »).
L'arrivée au pouvoir de Staline va généraliser les massacres de masse. En 1932 et 1933,
6 millions d'Ukrainiens moururent de la famine d'État imposée par
Moscou. La folie meurtrière frappe jusque dans les rangs du régime. 650
000 d'entre eux feront les frais des purges staliniennes. 720 000
exécutions d'opposants et 300 000 morts dans les camps. À la fin de la
seconde guerre mondiale, les déportations ethniques feront des centaines
de milliers de victimes, et si la mort de Staline en 1953
marque la fin des massacres à grande échelle, les déportations
s'accélèrent pour atteindre un point culminant de 900 000 personnes
envoyées au goulag au début des années 60.
Lorsque Gorbatchev a tenté de libéraliser l'économie et de donner la liberté d'expression,
le régime basé sur la peur et la restriction économique extrême ne
pouvait plus tenir, et il s'est très vite effondré en 3 ans comme un
château de cartes. L'URSS a explosé en 15 pays, dont son principal
successeur est la Russie.
Bibliographie
- 1963, Otto Von Habsburg, "Czecho-slovakia and the Ussr", New Individualist Review, Vol 2, n°4, spring
- Repris en 1981, In: Ralph Raico, dir., New Individualist Review, Indianapolis: Liberty Fund
- 2004,
- Richard Ebeling, commentaire du livre de Anne Applebaum, "Gulag: A History", The Freeman, July, Vol 54, n°6
- Daniel Hager, "The Lessons of Another Tolstoy. V. K. Tolstoy Was Guilty of Being a Scientist", The Freeman, Janvier/Février, Vol 54, n°1
- 2005, Jon Basil Utley, "Vorkuta to Perm: Russia's Concentration-Camp Museums and My Father's Story. Teaching Future Generations about Government Terror and Enslavement in the Soviet Union", The Freeman, Juillet-août, Vol 55, n°6
Voir aussi
- démocratie totalitaire, démocratie populaire
- marxisme, socialisme, totalitarisme
- matérialisme historique
- stakhanovisme
- Bloc de l'Est
- Alexandre Soljenitsyne, Andreï Sakharov, Vladimir Boukovsky
- Lénine, Staline, Willi Münzenberg, Arthur Koestler
Citations
- La chute du mur de Berlin a mis fin à une expérience grandeur nature qui se déroulait depuis près d'un demi-siècle. D'un côté, on avait l'Union soviétique avec son système marxiste d'économie centralement planifiée. De l'autre, les pays occidentaux avec des économies plus ou moins mixtes, mais dont aucune ne se rapprochait, même de près, de ce qui se passait en URSS. L'Union soviétique s'est effondrée, et il faut aujourd'hui se donner beaucoup de mal pour trouver quelqu'un qui croie encore aux vertus de l'économie planifiée. (Milton Friedman)
- De même que les États-Unis sont l’enfant légitime de la Grande-Bretagne, de même l’URSS était la fille légitime de la Révolution française, ce qui explique la coupable indulgence de toutes les élites françaises pour ce régime monstrueux et pour tous ses avatars (Cambodge, Vietnam, Cuba...). (Charles Gave)
- Lorsque les archives du Gosplan furent enfin accessibles et que les anciens économistes soviétiques qui avaient participé à sa mise en œuvre furent autorisés à s’exprimer, il devint impossible de nier l’évidence : point par point, la condamnation à mort prononcée par Mises en 1920 s’était avérée exacte. On découvrit, par exemple, qu’en l’absence de marché libre, les responsables du Gosplan était littéralement incapables d’établir une échelle de prix et en étaient réduits à utiliser les espions du KGB pour récupérer les catalogues de La Redoute ou de Sears. La plus grande entreprise de planification économique jamais conçue n’avait ainsi dû sa survie... qu’à l’existence d’économies de marché à ses portes et les écrits de Mises, formellement interdits par le pouvoir soviétique comme naguère par les nazis, circulaient de mains en mains au cœur même de l’appareil de planification (anecdote rapportée, notamment, par Yuri Maltsev, un des économistes chargés par Gorbatchev de mettre en œuvre la perestroïka). (Georges Kaplan)
- L’URSS se trouve grosso modo située, dans l’équilibre des forces, du côté de celles qui luttent contre les formes d’exploitation de nous connues. (Jean-Paul Sartre et Maurice Merleau-Ponty, Les Temps Modernes, janvier 1950)
- Celui qui ne regrette pas l'URSS n'a pas de cœur ; celui qui souhaite son retour n'a pas de tête. (Vladimir Poutine)
- Pourquoi le banditisme et le pillage sont-ils aussi sévèrement réprimés ? Parce qu'ils constituent une atteinte au monopole d’État ! (plaisanterie de l'ère soviétique, rapportée dans l'entrée "monopole d’État" du "Manuel du Goulag" de Jacques Rossi)
- Cette disparition de l'URSS repose sur l'impossibilité d'avoir une économie qui fonctionne sans système de prix. (Georges Lane, Deuxième volet de la désinformation économique)
- En fait, le système ne s'est pas effondré. C'est une décision politique qui a choisi de l'abandonner, vu son énorme gaspillage, ses faibles performances, son absence d'inventivité. Tant qu'il a duré, c'est l'anarchie spontanée qui a fait fonctionner la planification programmée. C'est la résistance à l'intérieur de la machine qui a fait marcher la machine. (Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe)
- Dans le système soviétique, une personne était propriété de l’État : un rouage que l'on pouvait actionner à volonté[1]. (Boris Spassky, 07/01/2015)
- Toute personne qui tente de préserver son indépendance, en quelque endroit et en quelque domaine que ce soit, est à coup sûr considérée comme un ennemi de tout le régime. Toute la puissance de l'Union soviétique, toute la machine d’État est aussitôt mobilisée pour combattre ce désespéré, ce fou audacieux. Dès le départ, il se trouve confronté dans une lutte inégale, celle d'un homme seul face à tout un régime. Et tant que l'opposition n'est pas écrasée, tous les moyens sont bons. (Vladimir Boukovski, préface au livre Le jeu de la destruction, Viktor Korchnoï, 1981)
- Le régime communiste était à plus d’un titre une coquille vide. C’est ce qui explique qu’il se soit désintégré de lui-même au lieu d’être battu. Certaines personnes ou certains groupes n’apprécient guère cette vision des faits et se targuent d’avoir fait tomber le communisme par eux-mêmes mais c’est inexact. Je ne veux pas amoindrir le mérite de quiconque mais en 1989, il suffisait d’une pichenette pour venir à bout du communisme. La réaction en chaîne qui a suivi de la part de millions de personnes s’est produite de façon automatique et spontanée. (Václav Klaus, L'AGEFI, 26/10/2015)
- Il n’y a pas de mots pour décrire ces ténèbres. À la fois serviteur déloyal et chef corrompu, le bolchevisme a été dès sa venue au monde l’image même de la duplicité et du mensonge, de la tromperie et de la traîtrise. (Léonid Andreïev, 1871-1919)
- En URSS, la carte du Parti donnait le droit d'appartenir à une "race supérieure" et privilégiée. (Jacob Sher, Lettre à un ami et voisin socialiste, 1997)
Notes et références
- ↑ В советской системе человек был государственной собственностью. Винтиком, который могли закручивать, как хотели. (Р-Спорт, 02.01.2015)
Liens externes
- L'arme fatale du libéralisme (sur la soviétologie, par Pascal Avot)
J) La révolution russe de 1917
Une bourgeoisie faible et incapable de prendre le pouvoir
L’un des traits essentiels de l’histoire de la Russie est la lenteur de son évolution, économiquement,
socialement et culturellement. Sa situation, entre l’Orient et l’Occident, peut l’expliquer : elle subit le
joug de l’Orient mais ne suit pas son modèle car elle reste toujours sous la pression militaire de
l’Occident. Cependant, elle bénéficie de ce que Trotsky appelle le développement combiné, qui
découle justement de l’inégalité des rythmes d’évolution.
En ce qui concerne l’industrie, en particulier, la Russie n’est pas passée par toutes les étapes de
l’évolution économique de l’Europe capitaliste, elle s’y est insérée au fur et à mesure que celleci
débordait des frontières nationales. Elle a ainsi profité d’effets de rattrapage. Une des conséquences en
est que, de 1905 à la Première Guerre mondiale, la production industrielle a doublé. Cependant,
l’économie russe reste handicapée par sa faible productivité du travail, et l’industrie reste très
minoritaire : l’écrasante majorité de la population est paysanne et travaille encore comme les paysans
français ou anglais du XVIIe siècle. Par contre, le développement brusque de l’industrie a donné
naissance à des entreprises gigantesques comptant des milliers d’ouvriers. Ainsi les entreprises de plus
de 1000 salariés emploientelles 42 % des ouvriers, alors qu’elles en rassemblent seulement 18 % aux
ÉtatsUnis par exemple. De plus, l’industrie russe est presque entièrement aux mains des banques,
ellesmêmes contrôlées par la finance européenne, par l’intermédiaire de tout un réseau de banques
auxiliaires et intermédiaires. En tout, 40 % des capitaux investis en Russie sont étrangers, et la
proportion est encore plus forte dans l’industrie lourde (métaux, charbon, pétrole).
Cette situation économique a déterminé profondément la physionomie sociale et politique de la
bourgeoisie russe : celleci est numériquement faible et s’en remet politiquement au tsar, donc à
l’aristocratie et à la bureaucratie largement corrompue — ce régime politique étant d’ailleurs soutenu
également par les bourgeoisies européennes, notamment française. En 1905, la bourgeoisie russe s’est
ainsi montrée veule, incapable de se battre pour le renversement du tsar ou même l’instauration d’un
régime parlementaire, tétanisée notamment par sa peur des ouvriers soulevés...
Un prolétariat puissant, dont la conscience se constitue rapidement
En effet, si la bourgeoisie russe n’est pas assez puissante pour prétendre au pouvoir, la classe ouvrière
l’est ellemême déjà trop. Le prolétariat russe n’est pas lui non plus passé par toutes les phases de
l’évolution occidentale, il n’a pas connu les corporations d’artisans, son développement à partir du
vivier des masses paysannes, se fait par bonds, suivant les besoins de l’industrie. D’un côté, ce
prolétariat, directement prélevé au village, a conservé des liens et des contacts avec ses origines
sociales. Mais, d’un autre côté, lui aussi bénéficie du développement combiné de l’industrie russe : il
est très concentré dans de grands établissements de quelques grandes villes, ce qui est facteur
d’organisation et de culture ; de plus, sa conscience de classe s’enrichit rapidement, se nourrissant à la
fois de l’histoire du prolétariat européen (notamment du développement du marxisme) et de sa propre
expérience, où la révolution de 1905 et les soviets occupent évidemment une place fondamentale.
La guerre, meurtrière et grosse de révolte
La guerre impérialiste débutée en 1914 a pour cause la concurrence interimpérialiste pour la domination mondiale. Mais cet enjeu global dépasse les possibilités de la Russie : ses propres buts de guerre (détroit de Turquie, Galicie, Arménie...) doivent impérativement correspondre aux intérêts des principaux États en guerre, c’estàdire de ses alliés (la France et l’Angleterre). Pour cela, la Russie est en quelque sorte condamnée à payer ses alliances avec ces pays plus avancés : elle est contrainte d’importer leurs capitaux et de leur verser les intérêts ; comme l’écrit Trotsky, elle a « le droit d’être une colonie privilégiée de ses alliés »... Ainsi, même si elle a dans cette guerre des intérêts impérialistes de niveau mondial, la bourgeoisie russe peut être considérée comme à demi « compradore », dépendante de la finance étrangère et d’États plus puissants.
L’armée russe, fournie en hommes par le service militaire obligatoire, connaît les mêmes antagonismes sociaux que l’ensemble de la société. Les officiers ont les mêmes tares que les classes dominantes dont ils sont issus : passéisme, bureaucratisme, corruption, etc. Les soldats sont des paysans sont envoyés au front sans réelle instruction, sans avoir pu assimiler la technique militaire moderne importée des pays avancés... Comme l’industrie, l’armée russe dépend de ses alliés... qui sont trop éloignés pour pouvoir l’aider efficacement.
De là ses défaites rapides sur le front allemand.
Or ces défaites entraînent la démoralisation, des désertions... et beaucoup de réflexion parmi les soldats. Les années passent et, sur le front comme à l’arrière, se fait sentir la lassitude de la guerre. Les classes les plus pauvres et les campagnes en ont assez de se faire prélever de la chair pour les canons. Dans le même temps, les industriels se mobilisent pour les besoins matériels de l’armée, ils leur consacrent jusqu’à 50 % de la production industrielle nationale, accroissant l’exploitation des ouvriers... et réalisant ainsi d’énormes bénéfices...
Tensions entre les classes
La guerre à son début a mis momentanément fin à un cycle montant de grèves. Les ouvriers sont eux aussi mobilisés pour le front : à Petrograd jusqu’à 40 % de la main d’œuvre est renouvelée. Mais les grèves reprennent à partir de 1915 et montent en puissance, changeant progressivement de nature, acquérant un caractère de plus en plus antiguerre et politique. Pendant toute l’année 1916, avec la dégradation des conditions de vie des masses, les meetings se multiplient, les ouvriers, poussés à bout, sont nerveux et combatifs, ils se lancent dans des grèves dont les revendications ne sont plus simplement économiques, mais aussi politiques. Or, si le prolétariat russe est largement minoritaire, ses liens avec la paysannerie lui permettent de rencontrer un puissant appui parmi les masses paysannes, dont les forces actives et la jeunesse connaissent au front un bouleversement de leurs conditions d’existence et un brassage qui sont sources d’expériences et de réflexions. Les ouvriers avancés les aident à prendre conscience de la nature du tasrisme, clé de voûte de l’aristocratie foncière qui les pille, et de la veulerie de la bourgeoisie, incapable de conquérir le pouvoir et donc de régler la question agraire en donnant la terre aux paysans.
La monarchie comme la bourgeoisie tremblent devant les défaites militaires et les tensions intérieures. Pour essayer de contrôler la situation sans s’embarrasser de la Douma (Parlement croupion octroyé après la révolution de 1905), le tsar décide d’ajourner celleci. Les ouvriers répliquent par des grèves. Partagés entre sa peur panique des ouvriers et ses propres aspirations politiques, l’opposition bourgeoise réaffirme son soutien à la politique du tsar, tout en décidant d’utiliser la Douma pour critiquer en parole la monarchie — mais sans poser la question du pouvoir : de fait, ses critiques en restent à la question du ravitaillement des troupes, dont la désorganisation mène au désastre...
En ce qui concerne enfin les partis qui se réclament du socialisme, le début de la guerre a montré leurs faiblesses. Les socialistes révolutionnaires (parti paysan) et la plupart des mencheviks (sociaux démocrates) ont refusé de combattre contre la guerre, beaucoup tombant dans le social chauvinisme, comme l’écrasante majorité des partis sociauxdémocrates et des syndicats européens. Après la répression terrible dont il a été victime suite à la défaite de la révolution en 1905, le parti bolchevik s’est reconstitué sous la direction des émigrés, et il a beaucoup progressé notamment dans les années qui ont précédé la guerre. Mais il est infiltré de partout par la police : à Petrograd, par exemple, 3 des membres du comité du parti sur 7 sont des agents de l’Okhrana, la police secrète du tsarisme ! Politiquement, le parti bolchevik est le seul à avoir dénoncé et combattu la guerre dès 1914. Pendant la guerre, la police, qui suit de très près la politique et la pratique du parti bolchevik, écrit dans un rapport : « L’élément le plus énergique, le plus allègre, le plus capable de lutter infatigablement, de résister et de s’organiser constamment, se trouve dans les groupements et les individus qui se concentrent autour de Lénine ».
La guerre impérialiste débutée en 1914 a pour cause la concurrence interimpérialiste pour la domination mondiale. Mais cet enjeu global dépasse les possibilités de la Russie : ses propres buts de guerre (détroit de Turquie, Galicie, Arménie...) doivent impérativement correspondre aux intérêts des principaux États en guerre, c’estàdire de ses alliés (la France et l’Angleterre). Pour cela, la Russie est en quelque sorte condamnée à payer ses alliances avec ces pays plus avancés : elle est contrainte d’importer leurs capitaux et de leur verser les intérêts ; comme l’écrit Trotsky, elle a « le droit d’être une colonie privilégiée de ses alliés »... Ainsi, même si elle a dans cette guerre des intérêts impérialistes de niveau mondial, la bourgeoisie russe peut être considérée comme à demi « compradore », dépendante de la finance étrangère et d’États plus puissants.
L’armée russe, fournie en hommes par le service militaire obligatoire, connaît les mêmes antagonismes sociaux que l’ensemble de la société. Les officiers ont les mêmes tares que les classes dominantes dont ils sont issus : passéisme, bureaucratisme, corruption, etc. Les soldats sont des paysans sont envoyés au front sans réelle instruction, sans avoir pu assimiler la technique militaire moderne importée des pays avancés... Comme l’industrie, l’armée russe dépend de ses alliés... qui sont trop éloignés pour pouvoir l’aider efficacement.
De là ses défaites rapides sur le front allemand.
Or ces défaites entraînent la démoralisation, des désertions... et beaucoup de réflexion parmi les soldats. Les années passent et, sur le front comme à l’arrière, se fait sentir la lassitude de la guerre. Les classes les plus pauvres et les campagnes en ont assez de se faire prélever de la chair pour les canons. Dans le même temps, les industriels se mobilisent pour les besoins matériels de l’armée, ils leur consacrent jusqu’à 50 % de la production industrielle nationale, accroissant l’exploitation des ouvriers... et réalisant ainsi d’énormes bénéfices...
Tensions entre les classes
La guerre à son début a mis momentanément fin à un cycle montant de grèves. Les ouvriers sont eux aussi mobilisés pour le front : à Petrograd jusqu’à 40 % de la main d’œuvre est renouvelée. Mais les grèves reprennent à partir de 1915 et montent en puissance, changeant progressivement de nature, acquérant un caractère de plus en plus antiguerre et politique. Pendant toute l’année 1916, avec la dégradation des conditions de vie des masses, les meetings se multiplient, les ouvriers, poussés à bout, sont nerveux et combatifs, ils se lancent dans des grèves dont les revendications ne sont plus simplement économiques, mais aussi politiques. Or, si le prolétariat russe est largement minoritaire, ses liens avec la paysannerie lui permettent de rencontrer un puissant appui parmi les masses paysannes, dont les forces actives et la jeunesse connaissent au front un bouleversement de leurs conditions d’existence et un brassage qui sont sources d’expériences et de réflexions. Les ouvriers avancés les aident à prendre conscience de la nature du tasrisme, clé de voûte de l’aristocratie foncière qui les pille, et de la veulerie de la bourgeoisie, incapable de conquérir le pouvoir et donc de régler la question agraire en donnant la terre aux paysans.
La monarchie comme la bourgeoisie tremblent devant les défaites militaires et les tensions intérieures. Pour essayer de contrôler la situation sans s’embarrasser de la Douma (Parlement croupion octroyé après la révolution de 1905), le tsar décide d’ajourner celleci. Les ouvriers répliquent par des grèves. Partagés entre sa peur panique des ouvriers et ses propres aspirations politiques, l’opposition bourgeoise réaffirme son soutien à la politique du tsar, tout en décidant d’utiliser la Douma pour critiquer en parole la monarchie — mais sans poser la question du pouvoir : de fait, ses critiques en restent à la question du ravitaillement des troupes, dont la désorganisation mène au désastre...
En ce qui concerne enfin les partis qui se réclament du socialisme, le début de la guerre a montré leurs faiblesses. Les socialistes révolutionnaires (parti paysan) et la plupart des mencheviks (sociaux démocrates) ont refusé de combattre contre la guerre, beaucoup tombant dans le social chauvinisme, comme l’écrasante majorité des partis sociauxdémocrates et des syndicats européens. Après la répression terrible dont il a été victime suite à la défaite de la révolution en 1905, le parti bolchevik s’est reconstitué sous la direction des émigrés, et il a beaucoup progressé notamment dans les années qui ont précédé la guerre. Mais il est infiltré de partout par la police : à Petrograd, par exemple, 3 des membres du comité du parti sur 7 sont des agents de l’Okhrana, la police secrète du tsarisme ! Politiquement, le parti bolchevik est le seul à avoir dénoncé et combattu la guerre dès 1914. Pendant la guerre, la police, qui suit de très près la politique et la pratique du parti bolchevik, écrit dans un rapport : « L’élément le plus énergique, le plus allègre, le plus capable de lutter infatigablement, de résister et de s’organiser constamment, se trouve dans les groupements et les individus qui se concentrent autour de Lénine ».
Cependant, la politique des bolcheviks n’a pas été sans ambiguïté dans certains cas, les conditions de
la guerre s’ajoutant à celles de la clandestinité pour désorganiser le parti, et conduisant parfois à des
prises de position opportunistes : c’est ainsi que, à la Douma, la fraction bolchevik a voté avec les
mencheviks une motion s’engageant à défendre « les biens culturels du peuple contre toutes atteintes,
d’où qu’elles vinssent »... Lénine, quant à lui, s’est battu pendant toute la guerre suivant une
orientation connue sous le nom de « défaitisme révolutionnaire » : chaque parti marxiste national doit
se battre avant tout pour la défaite de son propre impérialisme, pour la transformation de la guerre
impérialiste en guerre civile...
Les journées du 23 au 27 février
En février 1917, ni le parti bolchevik, ni personne ne s’attendaient à ce que la journée internationale des femmes, prévue pour le 23, soit la première journée d’une révolution. Nul n’a la moindre idée de ce qui se prépare, et les bolcheviks déconseillent la grève...
Pourtant, les ouvrières cessent le travail et manifestent massivement, allant d’usine en usine pour appeler les travailleurs à les suivre et à les soutenir. Les bolcheviks, comme les mencheviks et les socialistes–révolutionnaires emboîtent le pas à cette mobilisation spontanée des masses. Ces ouvrières du textile, pour une grande part femmes de soldats, constituaient certainement la fraction la plus exploitée du prolétariat. Ce sont elles qui déclenchent la révolution : la grève qu’elles ont impulsée s’étend, devient générale. Une gigantesque manifestation est convoquée...
Le comité central des bolcheviks hésite, avant d’appeler finalement à la grève générale le 25. Le comité de Petrograd est arrêté, mais c’est bien spontanément que la grève est devenue générale, tendant rapidement à se transformer en insurrection, car la masse prend conscience de sa force. Le gouvernement s’est préparé à la répression, mais les cosaques sont passifs et prennent parfois la défense des manifestants lorsque la police tire sur la foule. Les ouvriers interpellent les soldats et s’efforcent de fraterniseren les invitant à se joindre à eux. Lorsque la police intervient, les manifestants décident de résister et d’aller jusqu’au bout...
Malheureusement, aucun parti ne sait prendre la direction révolutionnaire, aucun n’appelle à l’organisation de l’insurrection armée. La direction bolchevik de Petrograd (Staline, Kamenev) manque d’initiative. Les dirigeant retardent considérablement sur les ouvriers, qui s’organisent eux mêmes, mais manquent de direction politique. Le 26, c’est l’affrontement général dans la capitale. Les ouvriers se heurtent à la police et à l’armée. Tout va dépendre de l’attitude des soldats. Vers le soir, des mutineries éclatent. L’armée se soulève enfin. Dès lors, c’en est fini de la monarchie, privée de son bras armé : elle s’effondre, presque facilement. La capitale est conquise par les ouvriers et les soldats. Les prisons sont ouvertes. Les mencheviks se précipitent à la Douma pour négocier une solution politique avec les partis bourgeois ; les bolcheviks se rendent dans les casernes et les usines...
Le soir du 27, les soldats, les étudiants, les ouvriers et les habitants des quartiers populaires convergent vers le palais de Tauride dans lequel un étatmajor révolutionnaire s’est établi. En fait, cet état major s’est autoproclamé après l’insurrection et ne dirige rien : les dirigeants véritables de la révolution sont dans la rue et se montrent méfiants à l’égard de cette première tentative d’institutionnalisation : ce sont des ouvriers et des soldats de la base, qui ont cependant souvent un expérience de la lutte des classes et notamment la mémoire de 1905 et une culture révolutionnaire, qui leur permettent d’être l’avant garde consciente de toute la classe. En fait, beaucoup d’entre eux ont été formés directement par les bolcheviks, qui se trouvent bien sûr parmi eux.
Les journées du 23 au 27 février
En février 1917, ni le parti bolchevik, ni personne ne s’attendaient à ce que la journée internationale des femmes, prévue pour le 23, soit la première journée d’une révolution. Nul n’a la moindre idée de ce qui se prépare, et les bolcheviks déconseillent la grève...
Pourtant, les ouvrières cessent le travail et manifestent massivement, allant d’usine en usine pour appeler les travailleurs à les suivre et à les soutenir. Les bolcheviks, comme les mencheviks et les socialistes–révolutionnaires emboîtent le pas à cette mobilisation spontanée des masses. Ces ouvrières du textile, pour une grande part femmes de soldats, constituaient certainement la fraction la plus exploitée du prolétariat. Ce sont elles qui déclenchent la révolution : la grève qu’elles ont impulsée s’étend, devient générale. Une gigantesque manifestation est convoquée...
Le comité central des bolcheviks hésite, avant d’appeler finalement à la grève générale le 25. Le comité de Petrograd est arrêté, mais c’est bien spontanément que la grève est devenue générale, tendant rapidement à se transformer en insurrection, car la masse prend conscience de sa force. Le gouvernement s’est préparé à la répression, mais les cosaques sont passifs et prennent parfois la défense des manifestants lorsque la police tire sur la foule. Les ouvriers interpellent les soldats et s’efforcent de fraterniseren les invitant à se joindre à eux. Lorsque la police intervient, les manifestants décident de résister et d’aller jusqu’au bout...
Malheureusement, aucun parti ne sait prendre la direction révolutionnaire, aucun n’appelle à l’organisation de l’insurrection armée. La direction bolchevik de Petrograd (Staline, Kamenev) manque d’initiative. Les dirigeant retardent considérablement sur les ouvriers, qui s’organisent eux mêmes, mais manquent de direction politique. Le 26, c’est l’affrontement général dans la capitale. Les ouvriers se heurtent à la police et à l’armée. Tout va dépendre de l’attitude des soldats. Vers le soir, des mutineries éclatent. L’armée se soulève enfin. Dès lors, c’en est fini de la monarchie, privée de son bras armé : elle s’effondre, presque facilement. La capitale est conquise par les ouvriers et les soldats. Les prisons sont ouvertes. Les mencheviks se précipitent à la Douma pour négocier une solution politique avec les partis bourgeois ; les bolcheviks se rendent dans les casernes et les usines...
Le soir du 27, les soldats, les étudiants, les ouvriers et les habitants des quartiers populaires convergent vers le palais de Tauride dans lequel un étatmajor révolutionnaire s’est établi. En fait, cet état major s’est autoproclamé après l’insurrection et ne dirige rien : les dirigeants véritables de la révolution sont dans la rue et se montrent méfiants à l’égard de cette première tentative d’institutionnalisation : ce sont des ouvriers et des soldats de la base, qui ont cependant souvent un expérience de la lutte des classes et notamment la mémoire de 1905 et une culture révolutionnaire, qui leur permettent d’être l’avant garde consciente de toute la classe. En fait, beaucoup d’entre eux ont été formés directement par les bolcheviks, qui se trouvent bien sûr parmi eux.
Double pouvoir et affrontement entre les classes. Les paradoxes de février
Pendant l’insurrection la bourgeoisie apporte son soutien au tsar et appelle la monarchie à la répression; elle tente de négocier pour instaurer une dictature qui lui soit favorable. Mais l’insurrection triomphe et les soviets (conseils d’ouvriers et de soldats) se constituent. À Petrograd en particulier, le soviet de 1905 renaît de ses cendres : très vite, il concentre la réalité du pouvoir et devient le centre nerveux de la révolution. À la tête des soviets sont élus majoritairement des socialistes révolutionnaires et des mencheviks, partis « socialistes » majoritaires dans le mouvement révolutionnaire et ouvrier russe d’avant guerre. Les masses leur font confiance et leur remettent le pouvoir.
Or c’est là que gît le « paradoxe de février » : ces « socialistes » ne veulent pas du pouvoir ! Alors que la situation est révolutionnaire, ils prônent, au nom de la légalité, une orientation qui se ramène à l’abandon de leurs revendications de toujours : la paix, la république, la journée de 8 heures, la répartition des terres... ! Ils ne demandent plus que la liberté d’expression ! Pratiquement, ils cherchent à remettre le pouvoir entre les mains de la bourgeoisie, qui na pourtant joué aucun rôle dans l’insurrection et espérait sa défaite ! De fait, la bourgeoisie ne voulait pas non plus du pouvoir et aurait voulu rétablir la monarchie ! Mais cette solution n’est plus possible : les masses ne veulent évidemment pas du retour du tsar honni qu’elles viennent de faire chuter si facilement. Finalement, les cadets (parti bourgeois libéral), les socialistesrévolutionnaires et les mencheviks se mettent d’accord pour un gouvernement provisoire dirigé par le prince Lvov, reposant fondamentalement sur Milioukov, chef du parti cadet, véritable axe politique de ce gouvernement, et disposant d’une caution « socialiste » en la personne de Kerensky, nommé à la justice.
Le comité exécutif du soviet de Petrograd, dirigé par les socialistesrévolutionnaires et les mencheviks, impose le soutien des ouvriers et des soldats au nouveau pouvoir bourgeoislibéral. Ce comité exécutif n’est pas né de la lutte ellemême, comme il était apparu en 1905 pour déclencher et diriger l’insurrection : il s’est constitué pour contrôler et canaliser le mouvement des masses. Mais les différentes fractions des masses révoltées n’ont pas toutes le même niveau de conscience, et il manque de toute façon une réelle direction marxiste révolutionnaire qui ait une influence massive. Les soldats, en particulier, qui sont très majoritairement d’origine paysanne, élisent comme représentants des tribuns petits bourgeois : les « socialistesrévolutionnaires », dont le programme est de rendre la terre aux paysans, obtiennent de loin la majorité des délégués. Le parti cadet n’a en revanche aucun succès. Quant aux partis ouvriers, le parti menchevik a une réelle influence parmi les ouvriers de base. Le parti bolchevik n’a de succès que dans l’avantgarde, et il subit la pression : sous la direction de Staline et Kamenev (Lénine n’est pas encore rentré en Russie), au lieu de combattre fermement sur une ligne révolutionnaire, contre la canalisationliquidation de la révolution, pour le pouvoir aux soviets, il se rapproche du parti menchevik, se contente d’une lutte de type parlementaire dans le soviet et apporte même dans un premier temps son soutien au gouvernement provisoire ! Sur le terrain des luttes, cependant, les bolcheviks sont sans conteste à l’avantgarde, notamment dans leur bastion du grand quartier ouvrier de Vyborg, et ils se renforcent. En effet, ils sont les seuls à ne pas abandonner les revendications du mouvement ouvrier, notamment la journée de huit heures — laquelle est finalement imposée par les ouvriers au gouvernement provisoire...
Pendant l’insurrection la bourgeoisie apporte son soutien au tsar et appelle la monarchie à la répression; elle tente de négocier pour instaurer une dictature qui lui soit favorable. Mais l’insurrection triomphe et les soviets (conseils d’ouvriers et de soldats) se constituent. À Petrograd en particulier, le soviet de 1905 renaît de ses cendres : très vite, il concentre la réalité du pouvoir et devient le centre nerveux de la révolution. À la tête des soviets sont élus majoritairement des socialistes révolutionnaires et des mencheviks, partis « socialistes » majoritaires dans le mouvement révolutionnaire et ouvrier russe d’avant guerre. Les masses leur font confiance et leur remettent le pouvoir.
Or c’est là que gît le « paradoxe de février » : ces « socialistes » ne veulent pas du pouvoir ! Alors que la situation est révolutionnaire, ils prônent, au nom de la légalité, une orientation qui se ramène à l’abandon de leurs revendications de toujours : la paix, la république, la journée de 8 heures, la répartition des terres... ! Ils ne demandent plus que la liberté d’expression ! Pratiquement, ils cherchent à remettre le pouvoir entre les mains de la bourgeoisie, qui na pourtant joué aucun rôle dans l’insurrection et espérait sa défaite ! De fait, la bourgeoisie ne voulait pas non plus du pouvoir et aurait voulu rétablir la monarchie ! Mais cette solution n’est plus possible : les masses ne veulent évidemment pas du retour du tsar honni qu’elles viennent de faire chuter si facilement. Finalement, les cadets (parti bourgeois libéral), les socialistesrévolutionnaires et les mencheviks se mettent d’accord pour un gouvernement provisoire dirigé par le prince Lvov, reposant fondamentalement sur Milioukov, chef du parti cadet, véritable axe politique de ce gouvernement, et disposant d’une caution « socialiste » en la personne de Kerensky, nommé à la justice.
Le comité exécutif du soviet de Petrograd, dirigé par les socialistesrévolutionnaires et les mencheviks, impose le soutien des ouvriers et des soldats au nouveau pouvoir bourgeoislibéral. Ce comité exécutif n’est pas né de la lutte ellemême, comme il était apparu en 1905 pour déclencher et diriger l’insurrection : il s’est constitué pour contrôler et canaliser le mouvement des masses. Mais les différentes fractions des masses révoltées n’ont pas toutes le même niveau de conscience, et il manque de toute façon une réelle direction marxiste révolutionnaire qui ait une influence massive. Les soldats, en particulier, qui sont très majoritairement d’origine paysanne, élisent comme représentants des tribuns petits bourgeois : les « socialistesrévolutionnaires », dont le programme est de rendre la terre aux paysans, obtiennent de loin la majorité des délégués. Le parti cadet n’a en revanche aucun succès. Quant aux partis ouvriers, le parti menchevik a une réelle influence parmi les ouvriers de base. Le parti bolchevik n’a de succès que dans l’avantgarde, et il subit la pression : sous la direction de Staline et Kamenev (Lénine n’est pas encore rentré en Russie), au lieu de combattre fermement sur une ligne révolutionnaire, contre la canalisationliquidation de la révolution, pour le pouvoir aux soviets, il se rapproche du parti menchevik, se contente d’une lutte de type parlementaire dans le soviet et apporte même dans un premier temps son soutien au gouvernement provisoire ! Sur le terrain des luttes, cependant, les bolcheviks sont sans conteste à l’avantgarde, notamment dans leur bastion du grand quartier ouvrier de Vyborg, et ils se renforcent. En effet, ils sont les seuls à ne pas abandonner les revendications du mouvement ouvrier, notamment la journée de huit heures — laquelle est finalement imposée par les ouvriers au gouvernement provisoire...
Situation de double pouvoir : tout est possible...
La situation politique réelle est donc celle d’un double pouvoir : dans les faits, il y a une concurrence tendancielle entre le gouvernement provisoire, pouvoir officiel et légal, dominé par la bourgeoisie libérale avec une caution « socialiste », d’une part, et le pouvoir du soviet de Petrograd, d’autre part. Si le comité exécutif du soviet, refusant le pouvoir des ouvriers et des soldats, assure dans un premier temps la mise en place du gouvernement provisoire bourgeois, la situation est profondément ambiguë et instable : les masses n’ont aucune intention de quitter la scène politique sur laquelle elles viennent de s’engouffrer avec une telle puissance et de tels succès. D’autant que la conquête de la journée de huit heures libère un temps précieux pour l’action et la réflexion politiques : on se met à se réunir partout, à discuter de tout, à lire ensemble les journaux... C’est une véritable explosion de l’activité et de la conscience politique du peuple...
Mais, pendant ce tempslà, la guerre continue. Partout, les soldats désertent en masse, les troupes se retournent contre leurs propres officiers, l’aspiration à la paix immédiate et sans conditions se déchaîne... Or le gouvernement provisoire, avec le soutien des dirigeants ouvriers et « socialistes », décide de poursuivre la guerre et d’ajourner en conséquence la réalisation des revendications : il veut épuiser la révolution.
La situation politique réelle est donc celle d’un double pouvoir : dans les faits, il y a une concurrence tendancielle entre le gouvernement provisoire, pouvoir officiel et légal, dominé par la bourgeoisie libérale avec une caution « socialiste », d’une part, et le pouvoir du soviet de Petrograd, d’autre part. Si le comité exécutif du soviet, refusant le pouvoir des ouvriers et des soldats, assure dans un premier temps la mise en place du gouvernement provisoire bourgeois, la situation est profondément ambiguë et instable : les masses n’ont aucune intention de quitter la scène politique sur laquelle elles viennent de s’engouffrer avec une telle puissance et de tels succès. D’autant que la conquête de la journée de huit heures libère un temps précieux pour l’action et la réflexion politiques : on se met à se réunir partout, à discuter de tout, à lire ensemble les journaux... C’est une véritable explosion de l’activité et de la conscience politique du peuple...
Mais, pendant ce tempslà, la guerre continue. Partout, les soldats désertent en masse, les troupes se retournent contre leurs propres officiers, l’aspiration à la paix immédiate et sans conditions se déchaîne... Or le gouvernement provisoire, avec le soutien des dirigeants ouvriers et « socialistes », décide de poursuivre la guerre et d’ajourner en conséquence la réalisation des revendications : il veut épuiser la révolution.
La révolution russe de 1917, deuxième partie
Caractère paradoxal de la représentation au soviet
Nous avons vu que, malgré la victoire de la révolution sur le tsarisme, le comité exécutif du soviet soutient le gouvernement provisoire, gouvernement bourgeois qui continue la guerre et refuse de satisfaire les revendications du peuple. Mais la réalité du pouvoir est déjà aux mains du soviet, dans lequel se reconnaissent les soldats et les ouvriers, bien que les dirigeants du soviet ne pensent qu’à soutenir le gouvernement provisoire. C’est ainsi que le double pouvoir tend à se met en place : deux pouvoirs se font face, représentant deux classes opposées, la bourgeoisie et le prolétariat. Mais à la tête du soviet se trouvent encore « les lieutenants de la bourgeoisie dans le camp du prolétariat », comme dit Lénine. Ces conciliateurs ont peur des ouvriers, et ils influent sur la composition du soviet : à Petrograd, il y a quatre fois plus d’ouvriers que de soldats, et pourtant il n’y a au soviet que deux délégués d’ouvriers pour cinq délégués de soldats. Et, parmi les civils, tous ne sont pas élus par des ouvriers : les aventuriers et tribuns de toutes sortes, les journalistes et les avocats démocrates, les étudiants et les petits bourgeois radicaux, marquent de leur influence les décisions du soviet et surtout ses débats, face aux ouvriers silencieux et aux soldats irrésolus. Mais même si les soldats sont souvent surreprésentés et majoritaires dans les soviets, ils n’expriment pas, bien souvent, l’état d’esprit véritable des casernes : les dirigeants favorisent les officiers. — Or cette composition des soviets explique à ce moment une partie de leurs atermoiements patriotiques.
Errements dans la direction bolchevique
Mais le socialpatriotisme n’infecte pas seulement les soviets et les conciliateurs. Les dirigeants bolcheviques euxmêmes, notamment Kamenev et Staline, se rapprochent de l’aile gauche des mencheviques et penchent dangereusement vers la défense nationale, ligne qui domine dans la Pravda, au détriment du défaitisme révolutionnaire prôné par Lénine, lequel ne rentra d’émigration que le 3 avril.
À son retour, Lénine préconise le mot d’ordre « tout le pouvoir aux soviets », contre le gouvernement provisoire, pour mettre fin à la guerre et distribuer la terre aux paysans. Il est mis en minorité et même complètement isolé pour un moment, on qualifie ses thèses de « trotskystes », parce qu’il soutient que la révolution socialiste peut commencer en Russie avant l’Occident. Confiant en son parti, Lénine combat la direction droitière en s’appuyant sur les ouvriers du parti, qui avaient été formés pendant des années dans l’objectif de la prise du pouvoir par le prolétariat allié à la paysannerie. À la base, les militants combattent sur le front des revendications élémentaires, montrant que le gouvernement provisoire et les mencheviques refusent de les satisfaire malgré la situation révolutionnaire. À ce momentlà, le Parti bolchevique compte 79 000 membres dont 15 000 à Petrograd, notamment dans le quartier de Vyborg où les ouvriers bolcheviques se sont déjà opposés à Staline et Kamenev, allant jusqu’à les menacer d’exclusion...
Nous avons vu que, malgré la victoire de la révolution sur le tsarisme, le comité exécutif du soviet soutient le gouvernement provisoire, gouvernement bourgeois qui continue la guerre et refuse de satisfaire les revendications du peuple. Mais la réalité du pouvoir est déjà aux mains du soviet, dans lequel se reconnaissent les soldats et les ouvriers, bien que les dirigeants du soviet ne pensent qu’à soutenir le gouvernement provisoire. C’est ainsi que le double pouvoir tend à se met en place : deux pouvoirs se font face, représentant deux classes opposées, la bourgeoisie et le prolétariat. Mais à la tête du soviet se trouvent encore « les lieutenants de la bourgeoisie dans le camp du prolétariat », comme dit Lénine. Ces conciliateurs ont peur des ouvriers, et ils influent sur la composition du soviet : à Petrograd, il y a quatre fois plus d’ouvriers que de soldats, et pourtant il n’y a au soviet que deux délégués d’ouvriers pour cinq délégués de soldats. Et, parmi les civils, tous ne sont pas élus par des ouvriers : les aventuriers et tribuns de toutes sortes, les journalistes et les avocats démocrates, les étudiants et les petits bourgeois radicaux, marquent de leur influence les décisions du soviet et surtout ses débats, face aux ouvriers silencieux et aux soldats irrésolus. Mais même si les soldats sont souvent surreprésentés et majoritaires dans les soviets, ils n’expriment pas, bien souvent, l’état d’esprit véritable des casernes : les dirigeants favorisent les officiers. — Or cette composition des soviets explique à ce moment une partie de leurs atermoiements patriotiques.
Errements dans la direction bolchevique
Mais le socialpatriotisme n’infecte pas seulement les soviets et les conciliateurs. Les dirigeants bolcheviques euxmêmes, notamment Kamenev et Staline, se rapprochent de l’aile gauche des mencheviques et penchent dangereusement vers la défense nationale, ligne qui domine dans la Pravda, au détriment du défaitisme révolutionnaire prôné par Lénine, lequel ne rentra d’émigration que le 3 avril.
À son retour, Lénine préconise le mot d’ordre « tout le pouvoir aux soviets », contre le gouvernement provisoire, pour mettre fin à la guerre et distribuer la terre aux paysans. Il est mis en minorité et même complètement isolé pour un moment, on qualifie ses thèses de « trotskystes », parce qu’il soutient que la révolution socialiste peut commencer en Russie avant l’Occident. Confiant en son parti, Lénine combat la direction droitière en s’appuyant sur les ouvriers du parti, qui avaient été formés pendant des années dans l’objectif de la prise du pouvoir par le prolétariat allié à la paysannerie. À la base, les militants combattent sur le front des revendications élémentaires, montrant que le gouvernement provisoire et les mencheviques refusent de les satisfaire malgré la situation révolutionnaire. À ce momentlà, le Parti bolchevique compte 79 000 membres dont 15 000 à Petrograd, notamment dans le quartier de Vyborg où les ouvriers bolcheviques se sont déjà opposés à Staline et Kamenev, allant jusqu’à les menacer d’exclusion...
A la conférence du Parti des 28 et 29 avril, Lénine parvient à faire passer sa ligne, l’opposition de
droite est mise en minorité, Kamenev et Staline ne sont pas élus au bureau. Cela ne signifie pas que
Lénine fut le grand démiurge de la révolution, mais qu’il sut s’insérer dans la chaîne des forces
historiques où, comme le dit Trotsky, il fut un grand anneau... Quant au Parti bolchevique de l’époque,
forgé dans et par le marxisme vivant pendant des années avant la guerre, son caractère démocratique
est prouvé par ces débats animés et ces luttes politiques internes provoqués par la pression des
événements.
Crise généralisée du pays et des rapports sociaux, collaboration de classe des mencheviques et des socialistesrévolutionnaires
En avril, trois solutions sont possibles : la reprise en main de la situation par la bourgeoisie — mais cela aurait provoqué une guerre civile que celleci n'était pas en mesure de remporter ; le passage de tout le pouvoir aux soviets — mais les conciliateurs ne le veulent évidemment pas et ils bénéficient encore de la confiance des masses (la résolution des bolcheviques proposant de donner tout le pouvoir aux Soviets est passée inaperçue) ; la coalition reste donc la seule solution : les mencheviques et les socialistesrévolutionnaires (S.R.) entrent au gouvernement, avec le soutien des soviets — seuls les bolcheviques et les mencheviques internationalistes s’y opposent.
Cependant, la situation en Russie ne cesse d’empirer et la guerre s’éternise. Bien que l’armée soit dans un profond état de décomposition, le gouvernement provisoire poursuit la guerre contre les Allemands. Les défaites sont cuisantes et ne font que renforcer à la fois la déliquescence généralisée et les motivations révolutionnaires des soldats. Du côté de la paysannerie, on assiste à une perte de confiance envers le gouvernement provisoire, qui refuse de lui donner la terre, bien que ce soit officiellement le nerf du programme du parti S.R., principale force populaire de soutien au gouvernement. Les paysans passent alors à l’offensive, en décidant de réaliser euxmêmes l’expropriation de l’aristocratie foncière et le partage des terres... Enfin, la situation des villes est catastrophique, le ravitaillement n’est plus assuré, le coût de la vie monte en flèche, la production industrielle est au plus bas, d’autant plus que les patrons mettent en œuvre un lockout larvé. Au même moment, les plus grosses entreprises travaillant pour la guerre engrangent des bénéfices énormes. La colère des ouvriers ne cesse de croître...
Le comité exécutif du soviet préconise en parole la réglementation de l’économie par l’étatisation, l’organisation rationnelle de la production et la fixation des prix de l’industrie par l’État. Mais jamais il ne va jusqu’à l’affrontement avec le gouvernement, qui doit toute son existence à ce soutien. Et, lorsque la cible des manifestations commence à devenir le gouvernement, le comité exécutif du soviet de Petrograd décide de ne plus manifester... Pendant ce tempslà, les forces de la contrerévolution se regroupent et se disposent pour passer à l’offensive contre les ouvriers et la révolution...
Évolution des rapports de force dans les soviets
À partir de juin, les rapports de force politiques dans les soviets commencent à changer. Les bolcheviques deviennent majoritaires au soviet de Moscou et dans la section ouvrière du soviet de Petrograd. Les ouvriers prennent conscience qu’ils ne peuvent compter que sur euxmêmes, radicalisent leur perspective politique et commencent à s’armer pour défendre et approfondir la révolution. Même dans l’armée, dont la composition est pourtant majoritairement paysanne, l’influence des bolcheviques se développe, grâce à leurs mots d’ordre liant les revendications élémentaires à la nécessité de la prise du pouvoir par les soviets. Dans la forteresse de Cronstadt, au large de Petrograd, le soviet décide de prendre en main tout le pouvoir : les officiers sont emprisonnés. Quant aux usines, la montée de l’influence bolchevique y est très puissante et rapide...
Cette influence reste cependant moindre que celle des mencheviques — qui restent très implantés dans les milieux ouvriers — et surtout que celle des S.R., qui ont le soutien d’une majorité de paysans et des petits bourgeois des villes, qui participent de plus en plus aux soviets. C’est ainsi que, lorsque le congrès panrusse des soviets se réunit, sur 777 délégués, on compte 105 bolcheviques, 248 mencheviques et 285 socialistes révolutionnaires. La situation dans la capitale, Petrograd, est cependant plus avancée que dans le reste du pays : la conférence des comités de fabriques et d’usines adopte ainsi une résolution disant que seul le pouvoir des soviets peut sauver le pays. La situation tend à devenir explosive : dans le quartier ouvrier de Vyborg, la villa de Dournovo, dignitaire du Tsar, est prise et occupée par les organisations ouvrières ; mais le comité exécutif du soviet de Petrograd exige qu’ils quittent le lieu ; les bolcheviques, majoritaires dans le quartier, lancent un appel à manifester — qu’ils annulent finalement après la décision du congrès des soviets saisi de l’affaire, et face à laquelle ils jugent opportun de s’incliner, malgré la fureur des ouvriers de Vyborg, déjà prêts à en découdre avec les collaborateurs, mais encore minoritaires dans la capitale...
Crise généralisée du pays et des rapports sociaux, collaboration de classe des mencheviques et des socialistesrévolutionnaires
En avril, trois solutions sont possibles : la reprise en main de la situation par la bourgeoisie — mais cela aurait provoqué une guerre civile que celleci n'était pas en mesure de remporter ; le passage de tout le pouvoir aux soviets — mais les conciliateurs ne le veulent évidemment pas et ils bénéficient encore de la confiance des masses (la résolution des bolcheviques proposant de donner tout le pouvoir aux Soviets est passée inaperçue) ; la coalition reste donc la seule solution : les mencheviques et les socialistesrévolutionnaires (S.R.) entrent au gouvernement, avec le soutien des soviets — seuls les bolcheviques et les mencheviques internationalistes s’y opposent.
Cependant, la situation en Russie ne cesse d’empirer et la guerre s’éternise. Bien que l’armée soit dans un profond état de décomposition, le gouvernement provisoire poursuit la guerre contre les Allemands. Les défaites sont cuisantes et ne font que renforcer à la fois la déliquescence généralisée et les motivations révolutionnaires des soldats. Du côté de la paysannerie, on assiste à une perte de confiance envers le gouvernement provisoire, qui refuse de lui donner la terre, bien que ce soit officiellement le nerf du programme du parti S.R., principale force populaire de soutien au gouvernement. Les paysans passent alors à l’offensive, en décidant de réaliser euxmêmes l’expropriation de l’aristocratie foncière et le partage des terres... Enfin, la situation des villes est catastrophique, le ravitaillement n’est plus assuré, le coût de la vie monte en flèche, la production industrielle est au plus bas, d’autant plus que les patrons mettent en œuvre un lockout larvé. Au même moment, les plus grosses entreprises travaillant pour la guerre engrangent des bénéfices énormes. La colère des ouvriers ne cesse de croître...
Le comité exécutif du soviet préconise en parole la réglementation de l’économie par l’étatisation, l’organisation rationnelle de la production et la fixation des prix de l’industrie par l’État. Mais jamais il ne va jusqu’à l’affrontement avec le gouvernement, qui doit toute son existence à ce soutien. Et, lorsque la cible des manifestations commence à devenir le gouvernement, le comité exécutif du soviet de Petrograd décide de ne plus manifester... Pendant ce tempslà, les forces de la contrerévolution se regroupent et se disposent pour passer à l’offensive contre les ouvriers et la révolution...
Évolution des rapports de force dans les soviets
À partir de juin, les rapports de force politiques dans les soviets commencent à changer. Les bolcheviques deviennent majoritaires au soviet de Moscou et dans la section ouvrière du soviet de Petrograd. Les ouvriers prennent conscience qu’ils ne peuvent compter que sur euxmêmes, radicalisent leur perspective politique et commencent à s’armer pour défendre et approfondir la révolution. Même dans l’armée, dont la composition est pourtant majoritairement paysanne, l’influence des bolcheviques se développe, grâce à leurs mots d’ordre liant les revendications élémentaires à la nécessité de la prise du pouvoir par les soviets. Dans la forteresse de Cronstadt, au large de Petrograd, le soviet décide de prendre en main tout le pouvoir : les officiers sont emprisonnés. Quant aux usines, la montée de l’influence bolchevique y est très puissante et rapide...
Cette influence reste cependant moindre que celle des mencheviques — qui restent très implantés dans les milieux ouvriers — et surtout que celle des S.R., qui ont le soutien d’une majorité de paysans et des petits bourgeois des villes, qui participent de plus en plus aux soviets. C’est ainsi que, lorsque le congrès panrusse des soviets se réunit, sur 777 délégués, on compte 105 bolcheviques, 248 mencheviques et 285 socialistes révolutionnaires. La situation dans la capitale, Petrograd, est cependant plus avancée que dans le reste du pays : la conférence des comités de fabriques et d’usines adopte ainsi une résolution disant que seul le pouvoir des soviets peut sauver le pays. La situation tend à devenir explosive : dans le quartier ouvrier de Vyborg, la villa de Dournovo, dignitaire du Tsar, est prise et occupée par les organisations ouvrières ; mais le comité exécutif du soviet de Petrograd exige qu’ils quittent le lieu ; les bolcheviques, majoritaires dans le quartier, lancent un appel à manifester — qu’ils annulent finalement après la décision du congrès des soviets saisi de l’affaire, et face à laquelle ils jugent opportun de s’incliner, malgré la fureur des ouvriers de Vyborg, déjà prêts à en découdre avec les collaborateurs, mais encore minoritaires dans la capitale...
L’épisode de la villa Dournovo conduit le gouvernement et ses collaborateurs qui dirigent les soviets à
la conclusion qu’il est temps de désarmer les masses et de lancer une offensive d’envergure contre les
bolcheviques. L’influence des bolcheviques continue de se développer, comme le montre le succès de
ses mots d’ordre massivement soutenus et repris dans les manifestations et la multiplication
d’initiatives d’ouvriers et de soldats défiant la direction des soviets et reprenant à leur compte de plus
en plus massivement l’exigence de la prise du pouvoir.... C’est alors un acharnement général contre le
Parti bolchevique, qui est déclaré horslaloi, plusieurs de ses dirigeants étant arrêtés et ses journaux
saisis...
Avec l’été, une nouvelle alternative se dessine en Russie : le gouvernement provisoire soutenu par les dirigeants collaborateurs des soviets est de moins en moins capable de gérer la situation militaire, sociale, économique et politique ; dès lors, la situation se polarise, deux issues possibles se font jour : liquidation de la révolution par un coup d’État de type fasciste — ligne de la réaction et de la bourgeoisie, représentées par Kornilov —, ou transcroissance socialiste de la révolution à travers la prise du pouvoir par les soviets — ligne de la dictature du prolétariat, défendue par les bolcheviques...
Avec l’été, une nouvelle alternative se dessine en Russie : le gouvernement provisoire soutenu par les dirigeants collaborateurs des soviets est de moins en moins capable de gérer la situation militaire, sociale, économique et politique ; dès lors, la situation se polarise, deux issues possibles se font jour : liquidation de la révolution par un coup d’État de type fasciste — ligne de la réaction et de la bourgeoisie, représentées par Kornilov —, ou transcroissance socialiste de la révolution à travers la prise du pouvoir par les soviets — ligne de la dictature du prolétariat, défendue par les bolcheviques...
La révolution russe de 1917, troisième partie
Les journées de juillet
La période de fin juindébut juillet est marquée par une impatience grandissante des masses. La guerre coûte cher, les conditions économiques sont déplorables, sans compter le coût humain d’offensives hasardeuses. Le gouvernement, qui compte dix ministres bourgeois, est irrésolu et de plus en plus rejeté par le peuple.
À Petrograd, cette agitation est avivée par les anarchistes. Le Parti bolchevik considère que les ouvriers et les soldats les plus avancés de la capitale doivent attendre un soutien plus large des masses ; certains bolcheviks toutefois acceptent mal que leur rôle soit de réfréner l’ardeur de la population. Pour les bolcheviks, toute manifestation aurait dans les prochains jours un caractère nettement révolutionnaire, or les conditions ne sont pas prêtes.
Le 3 juillet, effectivement, sur l’initiative des régiments de mitrailleurs, des ouvriers et soldats en armes manifestent à Petrograd, sous des mots d’ordres révolutionnaires : tout le pouvoir aux soviets, départ des ministres bourgeois, non à l’offensive contre le prolétariat allemand, la terre aux paysans, pour le contrôle ouvrier. Les bolcheviks, dont la prudence n’est pas acceptée par ces masses les plus radicalisées, changent de tactique et encadrent les manifestations. Cellesci recommencent le lendemain, encore plus puissantes. Les seules forces armées dont dispose le gouvernement sont les cosaques et les junkers, la plupart des autres régiments observant, dans le meilleur des cas pour le gouvernement, la neutralité. Ces forces, insuffisantes pour mater le mouvement, se livrent à des provocations : il y a des morts et des blessés. Le soir du 4 juillet, les manifestants font le siège du palais de Tauride, où sont rassemblés les comités exécutifs des soviets, ils réclament tout le pouvoir pour les soviets. Les conciliateurs continuent leurs atermoiements, et refusent le pouvoir que les masses veulent leur offrir. Cellesci, découragées, cessent alors les manifestations.
C’est pendant cette retraite qu’arrivent enfin des renforts armés pour le gouvernement, venant principalement du front. Ces régiments ont été convaincus, «preuves» à l’appui, que les manifestations de Petrograd étaient un complot des bolcheviks, à la solde de l’Allemagne. Comme l’histoire l’a plusieurs fois montré (en France en 1848 et 1870, en Allemagne en 1919...), cette poussée révolutionnaire non menée à son terme (ce qui était inévitable selon l’analyse bolchévique, une grande partie des masses se faisant encore des illusions sur les conciliateurs) est suivie d’une période de reflux. Les insurgés sont désarmés, les calomnies se propagent contre les bolcheviks, accusés d’être à la solde du Kaiser, beaucoup sont arrêtés (dont Trotsky, Kamenev...) et Lénine doit se réfugier en Finlande.
La période de fin juindébut juillet est marquée par une impatience grandissante des masses. La guerre coûte cher, les conditions économiques sont déplorables, sans compter le coût humain d’offensives hasardeuses. Le gouvernement, qui compte dix ministres bourgeois, est irrésolu et de plus en plus rejeté par le peuple.
À Petrograd, cette agitation est avivée par les anarchistes. Le Parti bolchevik considère que les ouvriers et les soldats les plus avancés de la capitale doivent attendre un soutien plus large des masses ; certains bolcheviks toutefois acceptent mal que leur rôle soit de réfréner l’ardeur de la population. Pour les bolcheviks, toute manifestation aurait dans les prochains jours un caractère nettement révolutionnaire, or les conditions ne sont pas prêtes.
Le 3 juillet, effectivement, sur l’initiative des régiments de mitrailleurs, des ouvriers et soldats en armes manifestent à Petrograd, sous des mots d’ordres révolutionnaires : tout le pouvoir aux soviets, départ des ministres bourgeois, non à l’offensive contre le prolétariat allemand, la terre aux paysans, pour le contrôle ouvrier. Les bolcheviks, dont la prudence n’est pas acceptée par ces masses les plus radicalisées, changent de tactique et encadrent les manifestations. Cellesci recommencent le lendemain, encore plus puissantes. Les seules forces armées dont dispose le gouvernement sont les cosaques et les junkers, la plupart des autres régiments observant, dans le meilleur des cas pour le gouvernement, la neutralité. Ces forces, insuffisantes pour mater le mouvement, se livrent à des provocations : il y a des morts et des blessés. Le soir du 4 juillet, les manifestants font le siège du palais de Tauride, où sont rassemblés les comités exécutifs des soviets, ils réclament tout le pouvoir pour les soviets. Les conciliateurs continuent leurs atermoiements, et refusent le pouvoir que les masses veulent leur offrir. Cellesci, découragées, cessent alors les manifestations.
C’est pendant cette retraite qu’arrivent enfin des renforts armés pour le gouvernement, venant principalement du front. Ces régiments ont été convaincus, «preuves» à l’appui, que les manifestations de Petrograd étaient un complot des bolcheviks, à la solde de l’Allemagne. Comme l’histoire l’a plusieurs fois montré (en France en 1848 et 1870, en Allemagne en 1919...), cette poussée révolutionnaire non menée à son terme (ce qui était inévitable selon l’analyse bolchévique, une grande partie des masses se faisant encore des illusions sur les conciliateurs) est suivie d’une période de reflux. Les insurgés sont désarmés, les calomnies se propagent contre les bolcheviks, accusés d’être à la solde du Kaiser, beaucoup sont arrêtés (dont Trotsky, Kamenev...) et Lénine doit se réfugier en Finlande.
La contre-offensive réactionnaire
Une fois la peur du soulèvement populaire passée, la période qui s’ouvre est pour les bourgeois de tout poils et leurs alliés conciliateurs l’occasion de réaffirmer leur pouvoir. Les conciliateurs ont qualifié le mouvement de juillet de contrerévolutionnaire (car dressé contre le pouvoir issu de la révolution de Février, aux mains d’une alliance de partis ouvriers et bourgeois). Les cadets profitent de cette aubaine pour réclamer une politique toujours plus libérale, voire réactionnaire : répression suite aux journées de juillet (dissolution des régiments les plus révolutionnaires, désarmement des ouvriers), soutien aux grands propriétaires fonciers contre les réquisitions de terre, allégeance guerrière envers les alliés impérialistes, rétablissement de la peine de mort pour les soldats réfractaires, rendus responsables de l’échec des offensives militaires... Les cadets posent aussi leurs conditions pour la constitution d’un nouveau gouvernement de coalition et, le 24 juillet, les comités exécutifs des soviets (toujours dominés par les conciliateurs) remettent intégralement le pouvoir à un nouveau gouvernement, plus proche de la juxtaposition de deux cliques (conciliatrice et militairebourgeoise) que d’une véritable coalition. Les cadets ont en particulier imposé le réactionnaire Kornilov comme nouveau généralissime, gage de discipline sur le front et d’émancipation visàvis du pouvoir issu de Février. Quant aux conciliateurs, quoique numériquement majoritaires dans ce nouveau gouvernement, ils en sont réduits aux lamentations devant les mesures de plus en plus réactionnaires imposées par leurs alliés bourgeois sous prétexte de lutter contre l’anarchie (relaxe des commandos monarchistes des CentNoirs par exemple). Kerensky, le président de ce nouveau gouvernement, est raillé de toutes parts, mais semble être le seul capable de servir de trait d’union entre ces deux cliques alliées qui se craignent.
Vers la crise politique
Pour se donner une légitimité, le gouvernement convoque une conférence nationale à Moscou pour le 13 août. Il s’agit d’ « états généraux » de la nation tout entière, mais sans aucun pouvoir et dont le gouvernement fixe la composition : pour moitié des représentants des classes possédantes, pour moitié des délégués des soviets. Les bolcheviks, à qui le droit d’expression est dénié pour cette conférence, décident de la boycotter. Cette réunion est organisée à Moscou pour l’éloigner de Petrograd, considéré comme un îlot anarchique au milieu d’un pays qui réclame l’apaisement. Elle est l’occasion pour les couches les plus réactionnaires (clergé, aristocrates...), effrayées par Février et plus encore par les journées de juillet, de relever la tête. Cependant, la conférence provoque l’hostilité des ouvriers moscovites qui, avec l’appui de leurs syndicats, paralysent la ville pour entraver son déroulement. D’autres villes de province sont touchées par la grève générale. Mais, échaudés par les journées de juillet, les ouvriers n’organisent pas de manifestations, pour éviter une confrontation avec des troupes réactionnaires prêtes à en découdre. La conférence de Moscou se déroule finalement dans une atmosphère théâtrale, chacun des deux camps présents — les démocrates conciliateurs d’un côté, les bourgeois et les réactionnaires de l’autre — jouant son rôle et défendant ses positions tout en maintenant l’apparence d’une coalition. Son principal effet est de cristalliser l’existence des deux cliques, personnifiées respectivement par Kerensky et par le généralissime Kornilov. Celuici n’hésite pas à recourir à des mouvements de troupes, à tel point que les conciliateurs moscovites font appel aux bolcheviks pour créer un comité de défense, craignant un coup d’État militaire de Kornilov, ostensiblement soutenu par les bourgeois et les réactionnaires.
L’impatience de la bourgeoisie est fortement aiguisée dans les jours qui suivent. La chute de Riga face à l’armée allemande, « prédite » par Kornilov, rapproche le front de Petrograd. C’est un bon prétexte pour masser des troupes « sûres » (notamment les cosaques), au nom de la défense de la capitale. En fait, la conspiration contrerévolutionnaire se prépare : le Grand Quartier Général (étatmajor) déclare que la désorganisation de l’armée est la cause de la défaite de Riga, et prévient que tout nouveau désordre dans la capitale sera sévèrement réprimé. De son côté, Kerensky, conscient de l’impasse dans laquelle se trouve le régime de Février, se fait complice de Kornilov, avec lequel il décide de négocier en mettant à sa disposition de nouvelles troupes pour préparer une marche sur Petrograd. La perspective d’une dictature de la bourgeoisie, sous la forme d’un directoire associant Kerensky et Kornilov, est envisagée. Pendant ce temps, les bolcheviks mettent en garde contre toute provocation et tout soulèvement prématuré.
Une fois la peur du soulèvement populaire passée, la période qui s’ouvre est pour les bourgeois de tout poils et leurs alliés conciliateurs l’occasion de réaffirmer leur pouvoir. Les conciliateurs ont qualifié le mouvement de juillet de contrerévolutionnaire (car dressé contre le pouvoir issu de la révolution de Février, aux mains d’une alliance de partis ouvriers et bourgeois). Les cadets profitent de cette aubaine pour réclamer une politique toujours plus libérale, voire réactionnaire : répression suite aux journées de juillet (dissolution des régiments les plus révolutionnaires, désarmement des ouvriers), soutien aux grands propriétaires fonciers contre les réquisitions de terre, allégeance guerrière envers les alliés impérialistes, rétablissement de la peine de mort pour les soldats réfractaires, rendus responsables de l’échec des offensives militaires... Les cadets posent aussi leurs conditions pour la constitution d’un nouveau gouvernement de coalition et, le 24 juillet, les comités exécutifs des soviets (toujours dominés par les conciliateurs) remettent intégralement le pouvoir à un nouveau gouvernement, plus proche de la juxtaposition de deux cliques (conciliatrice et militairebourgeoise) que d’une véritable coalition. Les cadets ont en particulier imposé le réactionnaire Kornilov comme nouveau généralissime, gage de discipline sur le front et d’émancipation visàvis du pouvoir issu de Février. Quant aux conciliateurs, quoique numériquement majoritaires dans ce nouveau gouvernement, ils en sont réduits aux lamentations devant les mesures de plus en plus réactionnaires imposées par leurs alliés bourgeois sous prétexte de lutter contre l’anarchie (relaxe des commandos monarchistes des CentNoirs par exemple). Kerensky, le président de ce nouveau gouvernement, est raillé de toutes parts, mais semble être le seul capable de servir de trait d’union entre ces deux cliques alliées qui se craignent.
Vers la crise politique
Pour se donner une légitimité, le gouvernement convoque une conférence nationale à Moscou pour le 13 août. Il s’agit d’ « états généraux » de la nation tout entière, mais sans aucun pouvoir et dont le gouvernement fixe la composition : pour moitié des représentants des classes possédantes, pour moitié des délégués des soviets. Les bolcheviks, à qui le droit d’expression est dénié pour cette conférence, décident de la boycotter. Cette réunion est organisée à Moscou pour l’éloigner de Petrograd, considéré comme un îlot anarchique au milieu d’un pays qui réclame l’apaisement. Elle est l’occasion pour les couches les plus réactionnaires (clergé, aristocrates...), effrayées par Février et plus encore par les journées de juillet, de relever la tête. Cependant, la conférence provoque l’hostilité des ouvriers moscovites qui, avec l’appui de leurs syndicats, paralysent la ville pour entraver son déroulement. D’autres villes de province sont touchées par la grève générale. Mais, échaudés par les journées de juillet, les ouvriers n’organisent pas de manifestations, pour éviter une confrontation avec des troupes réactionnaires prêtes à en découdre. La conférence de Moscou se déroule finalement dans une atmosphère théâtrale, chacun des deux camps présents — les démocrates conciliateurs d’un côté, les bourgeois et les réactionnaires de l’autre — jouant son rôle et défendant ses positions tout en maintenant l’apparence d’une coalition. Son principal effet est de cristalliser l’existence des deux cliques, personnifiées respectivement par Kerensky et par le généralissime Kornilov. Celuici n’hésite pas à recourir à des mouvements de troupes, à tel point que les conciliateurs moscovites font appel aux bolcheviks pour créer un comité de défense, craignant un coup d’État militaire de Kornilov, ostensiblement soutenu par les bourgeois et les réactionnaires.
L’impatience de la bourgeoisie est fortement aiguisée dans les jours qui suivent. La chute de Riga face à l’armée allemande, « prédite » par Kornilov, rapproche le front de Petrograd. C’est un bon prétexte pour masser des troupes « sûres » (notamment les cosaques), au nom de la défense de la capitale. En fait, la conspiration contrerévolutionnaire se prépare : le Grand Quartier Général (étatmajor) déclare que la désorganisation de l’armée est la cause de la défaite de Riga, et prévient que tout nouveau désordre dans la capitale sera sévèrement réprimé. De son côté, Kerensky, conscient de l’impasse dans laquelle se trouve le régime de Février, se fait complice de Kornilov, avec lequel il décide de négocier en mettant à sa disposition de nouvelles troupes pour préparer une marche sur Petrograd. La perspective d’une dictature de la bourgeoisie, sous la forme d’un directoire associant Kerensky et Kornilov, est envisagée. Pendant ce temps, les bolcheviks mettent en garde contre toute provocation et tout soulèvement prématuré.
Le putsch de Kornilov et le soulèvement ouvrier et populaire
À partir du 26 août, l’alliance fragile entre les deux cliques vole en éclats. Kornilov passe à l’offensive : il envoie ses troupes sur Petrograd dans le but d’un putsch. Kerensky, qui comprend qu’il ne serait d’aucune utilité dans le cas d’un écrasement des Soviets, joue lui aussi sa carte personnelle : il destitue Kornilov de son poste de généralissime et demande à son gouvernement les pouvoirs personnels spéciaux pour contrer l’offensive. Mais les libéraux du gouvernement, par l’intermédiaire de Milioukov, lui font comprendre que la force est du côté de Kornilov. Celuici prélève encore de nouvelles troupes du front (la défense du pays contre l’envahisseur allemand lui importe peu en ce moment...). Kerensky et les conciliateurs prennent peur face à l’attitude de leurs alliés bourgeois, ils demandent alors l’appui des masses, ainsi que des bolcheviks qui sont majoritaires à Petrograd, pour défendre la capitale. Mais la base n’a pas attendu : les ouvriers prennent les armes, les cheminots détournent les convois korniloviens, les soldats se mobilisent, les matelots de la forteresse de Cronstadt (sur la mer baltique, au large de Petrograd) se dressent contre leurs officiers et libèrent les prisonniers de juillet... Le 30 août, Kornilov est défait, celuici et les principaux généraux conspirateurs sont arrêtés, abandonnés par le reste de la bourgeoisie après avoir été encouragés par elle...
Cette défaite de Kornilov par les masses ellesmêmes sera le point de départ d’une nouvelle radicalisation de cellesci, et d’une montée en puissance des bolcheviks, qui ont été à l’avantgarde pour défendre la révolution de Février, participant au front uni contre la réaction (alors même que leurs principaux dirigeants étaient toujours contraints à l’exil ou maintenus en prison par le gouvernement provisoire), tout en préservant leur indépendance politique visàvis des conciliateurs. Leur ascension sera dès lors irrésistible : ils gagneront rapidement la confiance de la majorité des soviets dans les semaines suivantes, jusqu’à la prise de pouvoir d’octobre. C’est ce que nous verrons dans le prochain numéro.
À partir du 26 août, l’alliance fragile entre les deux cliques vole en éclats. Kornilov passe à l’offensive : il envoie ses troupes sur Petrograd dans le but d’un putsch. Kerensky, qui comprend qu’il ne serait d’aucune utilité dans le cas d’un écrasement des Soviets, joue lui aussi sa carte personnelle : il destitue Kornilov de son poste de généralissime et demande à son gouvernement les pouvoirs personnels spéciaux pour contrer l’offensive. Mais les libéraux du gouvernement, par l’intermédiaire de Milioukov, lui font comprendre que la force est du côté de Kornilov. Celuici prélève encore de nouvelles troupes du front (la défense du pays contre l’envahisseur allemand lui importe peu en ce moment...). Kerensky et les conciliateurs prennent peur face à l’attitude de leurs alliés bourgeois, ils demandent alors l’appui des masses, ainsi que des bolcheviks qui sont majoritaires à Petrograd, pour défendre la capitale. Mais la base n’a pas attendu : les ouvriers prennent les armes, les cheminots détournent les convois korniloviens, les soldats se mobilisent, les matelots de la forteresse de Cronstadt (sur la mer baltique, au large de Petrograd) se dressent contre leurs officiers et libèrent les prisonniers de juillet... Le 30 août, Kornilov est défait, celuici et les principaux généraux conspirateurs sont arrêtés, abandonnés par le reste de la bourgeoisie après avoir été encouragés par elle...
Cette défaite de Kornilov par les masses ellesmêmes sera le point de départ d’une nouvelle radicalisation de cellesci, et d’une montée en puissance des bolcheviks, qui ont été à l’avantgarde pour défendre la révolution de Février, participant au front uni contre la réaction (alors même que leurs principaux dirigeants étaient toujours contraints à l’exil ou maintenus en prison par le gouvernement provisoire), tout en préservant leur indépendance politique visàvis des conciliateurs. Leur ascension sera dès lors irrésistible : ils gagneront rapidement la confiance de la majorité des soviets dans les semaines suivantes, jusqu’à la prise de pouvoir d’octobre. C’est ce que nous verrons dans le prochain numéro.
La révolution russe de 1917, quatrième partie
Montée en puissance des bolchéviks
Temporairement freinée par les calomnies dont ils ont été l’objet en juillet, l’influence des bolchéviks va de nouveau en s’accroissant à partir de fin août. Le putsch raté de Kornilov a entraîné une radicalisation des masses, due à une perspicacité accrue à l’égard des conciliateurs, qui continuent à affirmer que la coalition avec la bourgeoisie est indispensable, alors que celleci n’hésite pas à encourager un mouvement contrerévolutionnaire pour mettre fin aux soviets. L’attitude des bolchéviks pendant la crise d’août, comparée à celle des « patriotes » qui les avaient calomniés en juillet, met fin aux soupçons de beaucoup. Dans les soviets, les bolchéviks prennent de plus en plus d’importance, par le nombre croissant de leurs délégués, mais aussi, dans les régions où ils ne sont pas présents, par le caractère radical des décisions prises : malgré les moyens limités du parti (manque d’imprimerie, et d’orateurs hors des grandes villes), les idées bolchéviques circulent dans l’ensemble du pays. Ils reprennent également leur activité sur le front : le nouveau rapport de forces leur permet enfin de prendre la parole lors des meetings de soldats, ce qui leur était interdit de fait auparavant. Début septembre, les conciliateurs, plombés par leur indéfectible soutien au gouvernement Kérensky haï des masses, doivent abandonner la direction des soviets de Pétrograd et de Moscou aux bolchéviks.
S’ouvre une courte période où le parti, Lénine en tête, croit en la possibilité d’une transition pacifique vers un gouvernement des soviets. À la suite des journées de juillet, les bolchéviks avaient renoncé au mot d’ordre de « pouvoir aux soviets », ceuxci étant dirigés par les conciliateurs dont la seule perspective était clairement de confier ce pouvoir à un gouvernement de coalition avec les bourgeois. Maintenant, il est de nouveau adéquat de réclamer le pouvoir pour les soviets, même si les conciliateurs refusent toujours une union avec les bolchéviks à l’intérieur de ces soviets.
Après une période où Kérensky détient de fait le pouvoir, à la tête d’un directoire de cinq personnes, s’ouvre le 14 septembre une « conférence démocratique », à l’initiative des conciliateurs, qui refusent le pouvoir aux soviets, mais qui veulent en même temps réfréner l’ambition de Kérensky. La composition de cette conférence doit assurer la majorité aux conciliateurs, les bolchéviks ont une représentation minoritaire mais non négligeable, des groupements petitbourgeois sont également représentés. Mais cette conférence ne montre une fois de plus que son incapacité : ainsi se prononcet elle à la majorité pour une nouvelle coalition entre bourgeois et partis soviétistes, tout en ajoutant un amendement qui exclut de toute nouvelle coalition le parti cadet, parti bourgeois représentatif. La seule issue est la création d’une nouvelle instance, le Soviet de la République (ou Préparlement), constitué sur la base des forces présentes à cette conférence, auxquelles s’ajoutent des représentants des classes possédantes et des cosaques. Le Comité central du Parti bolchévique est divisé sur la participation à ce Préparlement, mais le congrès du parti se prononce finalement pour la participation, contre l’avis de Trotsky et Lénine qui y voient une manière de repousser la question de la prise de pouvoir révolutionnaire. Toutefois, cette décision du congrès est souvent contestée par les résolutions des organisations locales.
Il est également sorti de la « conférence démocratique » un nouveau gouvernement de coalition, caractérisé par les bolchéviks comme un gouvernement de guerre civile contre les masses. Mais cette lutte pour le pouvoir gouvernemental ne s’accompagne bien sûr d’aucune mesure pour mettre fin à une situation économique désastreuse. Dans les villes, beaucoup d’ouvriers se mettent en grève, mais les plus avancés considèrent déjà ce mode d’action comme dépassé et se rallient à l’objectif de l’insurrection.
Temporairement freinée par les calomnies dont ils ont été l’objet en juillet, l’influence des bolchéviks va de nouveau en s’accroissant à partir de fin août. Le putsch raté de Kornilov a entraîné une radicalisation des masses, due à une perspicacité accrue à l’égard des conciliateurs, qui continuent à affirmer que la coalition avec la bourgeoisie est indispensable, alors que celleci n’hésite pas à encourager un mouvement contrerévolutionnaire pour mettre fin aux soviets. L’attitude des bolchéviks pendant la crise d’août, comparée à celle des « patriotes » qui les avaient calomniés en juillet, met fin aux soupçons de beaucoup. Dans les soviets, les bolchéviks prennent de plus en plus d’importance, par le nombre croissant de leurs délégués, mais aussi, dans les régions où ils ne sont pas présents, par le caractère radical des décisions prises : malgré les moyens limités du parti (manque d’imprimerie, et d’orateurs hors des grandes villes), les idées bolchéviques circulent dans l’ensemble du pays. Ils reprennent également leur activité sur le front : le nouveau rapport de forces leur permet enfin de prendre la parole lors des meetings de soldats, ce qui leur était interdit de fait auparavant. Début septembre, les conciliateurs, plombés par leur indéfectible soutien au gouvernement Kérensky haï des masses, doivent abandonner la direction des soviets de Pétrograd et de Moscou aux bolchéviks.
S’ouvre une courte période où le parti, Lénine en tête, croit en la possibilité d’une transition pacifique vers un gouvernement des soviets. À la suite des journées de juillet, les bolchéviks avaient renoncé au mot d’ordre de « pouvoir aux soviets », ceuxci étant dirigés par les conciliateurs dont la seule perspective était clairement de confier ce pouvoir à un gouvernement de coalition avec les bourgeois. Maintenant, il est de nouveau adéquat de réclamer le pouvoir pour les soviets, même si les conciliateurs refusent toujours une union avec les bolchéviks à l’intérieur de ces soviets.
Après une période où Kérensky détient de fait le pouvoir, à la tête d’un directoire de cinq personnes, s’ouvre le 14 septembre une « conférence démocratique », à l’initiative des conciliateurs, qui refusent le pouvoir aux soviets, mais qui veulent en même temps réfréner l’ambition de Kérensky. La composition de cette conférence doit assurer la majorité aux conciliateurs, les bolchéviks ont une représentation minoritaire mais non négligeable, des groupements petitbourgeois sont également représentés. Mais cette conférence ne montre une fois de plus que son incapacité : ainsi se prononcet elle à la majorité pour une nouvelle coalition entre bourgeois et partis soviétistes, tout en ajoutant un amendement qui exclut de toute nouvelle coalition le parti cadet, parti bourgeois représentatif. La seule issue est la création d’une nouvelle instance, le Soviet de la République (ou Préparlement), constitué sur la base des forces présentes à cette conférence, auxquelles s’ajoutent des représentants des classes possédantes et des cosaques. Le Comité central du Parti bolchévique est divisé sur la participation à ce Préparlement, mais le congrès du parti se prononce finalement pour la participation, contre l’avis de Trotsky et Lénine qui y voient une manière de repousser la question de la prise de pouvoir révolutionnaire. Toutefois, cette décision du congrès est souvent contestée par les résolutions des organisations locales.
Il est également sorti de la « conférence démocratique » un nouveau gouvernement de coalition, caractérisé par les bolchéviks comme un gouvernement de guerre civile contre les masses. Mais cette lutte pour le pouvoir gouvernemental ne s’accompagne bien sûr d’aucune mesure pour mettre fin à une situation économique désastreuse. Dans les villes, beaucoup d’ouvriers se mettent en grève, mais les plus avancés considèrent déjà ce mode d’action comme dépassé et se rallient à l’objectif de l’insurrection.
Frustrations et combat des paysans et des peuples opprimés
Dans les campagnes, les mois de septembre et octobre marquent le summum de la révolte paysanne, qui touche l’ensemble du pays. Les paysans s’emparent des terres des grands propriétaires, il y a des violences et des destructions. Les masses les plus pauvres sont aussi les plus radicales, et les représentants locaux de l’État n’osent pas s’opposer à ce mouvement, malgré les plaintes des propriétaires qui voient dans l’anarchie la trace de l’influence des bolchéviks. En fait, ces derniers sont peu présents dans les campagnes, mais le mouvement échappe aussi largement aux socialistes révolutionnaires, leur programme agraire ayant été abandonné de manière opportuniste pour cause de coalition. En revanche, par l’adéquation de leurs mots d’ordre aux revendications des paysans les plus pauvres, les bolchéviks parviennent à s’implanter peu à peu dans les campagnes, moins directement que par l’influence des soldats revenant du front, où ils ont été éduqués politiquement.
Au même moment, les différentes peuples opprimés de l’empire tsariste déchu se soulèvent eux aussi. Le renversement de la monarchie n’a pas impliqué pour eux de révolution nationale. La domination du pouvoir grandrusse, sous la pression de la bourgeoisie impérialiste, est toujours à l’œuvre. Les peuples opprimés ont simplement acquis une égalité des droits civiques, non l’indépendance qu’ils réclament. Dans les territoires les plus arriérés, où la domination grandrusse a pris les formes de la colonisation, les conciliateurs locaux, proches de la population, vont souvent plus loin dans les revendications que ne le veut le pouvoir central. Le Parti bolchévique est peu implanté parmi les peuples opprimés de l’exempire tsariste, mais la faillite des gouvernements de coalition sur la question nationale comme sur les autres, provoque le plus souvent de la bienveillance à son égard, d’autant plus quand il y a coïncidence des antagonismes sociaux et nationaux.
Les préparatifs de l’insurrection
Sous la pression des événements et de la radicalisation des masses, les bolchéviks ont rapidement évolué à gauche. Malgré l’opposition de Kamenev, il est décidé une sortie démonstrative du Préparlement (7 octobre), Trotsky y dénonçant la représentation exagérée des possédants, la politique économique du gouvernement, et en appelant au peuple pour la défense de la révolution et l’instauration du pouvoir des soviets. Ce Préparlement se montre de toute façon incapable de trancher les questions les plus graves selon lui, comme celle des moyens de rendre à l’armée son ardeur combative. Les bolchéviks consacrent leur énergie à l’agitation en faveur du pouvoir aux soviets. Les orateurs manquent (Lénine est toujours réfugié en Finlande, Kamenev et Zinoviev s’opposent à la perspective de l’insurrection qui se dessine...), mais l’agitation est efficace dans les masses.
Un congrès des soviets est convoqué pour le 20 octobre. Pour les bolchéviks, ce congrès doit marquer l’instauration du pouvoir des soviets. Les conciliateurs, qui s’étaient tout d’abord ralliés à ce congrès, le désavouent ensuite ; cette attitude ne fait qu’accélérer le ralliement à la ligne bolchévik des soviets les plus retardataires.
Après s’être battu pendant plusieurs semaines contre le Comité central du parti bolchévik (tout comme en avril), Lénine parvient enfin, le 10 octobre, à rallier une majorité à une motion qui met à l’ordre du jour immédiat la préparation de l’insurrection. Les conditions politiques sont maintenant mûres pour cette insurrection (en particulier grâce à l’attitude des paysans), il est donc urgent de s’atteler à la tâche.
Les opposants à cette perspective parmi les bolchéviks, principalement Kamenev et Zinoviev, mais qui se retrouvent à tous les échelons du parti, ont encore des illusions sur une transition institutionnelle vers un pouvoir des soviets : ils veulent attendre le Congrès des soviets, voire l’Assemblée constituante — dont les élections sont en préparation, le gouvernement les ayant longtemps repoussées, mais ayant décidé de les convoquer pour essayer de sauver le régime. Zinoviev et Kamenev, allant jusqu’à rompre la discipline du parti, parlent d’ « aventurisme », craignant qu’une insurrection fasse perdre aux bolchéviks la confiance des masses.
Dans les campagnes, les mois de septembre et octobre marquent le summum de la révolte paysanne, qui touche l’ensemble du pays. Les paysans s’emparent des terres des grands propriétaires, il y a des violences et des destructions. Les masses les plus pauvres sont aussi les plus radicales, et les représentants locaux de l’État n’osent pas s’opposer à ce mouvement, malgré les plaintes des propriétaires qui voient dans l’anarchie la trace de l’influence des bolchéviks. En fait, ces derniers sont peu présents dans les campagnes, mais le mouvement échappe aussi largement aux socialistes révolutionnaires, leur programme agraire ayant été abandonné de manière opportuniste pour cause de coalition. En revanche, par l’adéquation de leurs mots d’ordre aux revendications des paysans les plus pauvres, les bolchéviks parviennent à s’implanter peu à peu dans les campagnes, moins directement que par l’influence des soldats revenant du front, où ils ont été éduqués politiquement.
Au même moment, les différentes peuples opprimés de l’empire tsariste déchu se soulèvent eux aussi. Le renversement de la monarchie n’a pas impliqué pour eux de révolution nationale. La domination du pouvoir grandrusse, sous la pression de la bourgeoisie impérialiste, est toujours à l’œuvre. Les peuples opprimés ont simplement acquis une égalité des droits civiques, non l’indépendance qu’ils réclament. Dans les territoires les plus arriérés, où la domination grandrusse a pris les formes de la colonisation, les conciliateurs locaux, proches de la population, vont souvent plus loin dans les revendications que ne le veut le pouvoir central. Le Parti bolchévique est peu implanté parmi les peuples opprimés de l’exempire tsariste, mais la faillite des gouvernements de coalition sur la question nationale comme sur les autres, provoque le plus souvent de la bienveillance à son égard, d’autant plus quand il y a coïncidence des antagonismes sociaux et nationaux.
Les préparatifs de l’insurrection
Sous la pression des événements et de la radicalisation des masses, les bolchéviks ont rapidement évolué à gauche. Malgré l’opposition de Kamenev, il est décidé une sortie démonstrative du Préparlement (7 octobre), Trotsky y dénonçant la représentation exagérée des possédants, la politique économique du gouvernement, et en appelant au peuple pour la défense de la révolution et l’instauration du pouvoir des soviets. Ce Préparlement se montre de toute façon incapable de trancher les questions les plus graves selon lui, comme celle des moyens de rendre à l’armée son ardeur combative. Les bolchéviks consacrent leur énergie à l’agitation en faveur du pouvoir aux soviets. Les orateurs manquent (Lénine est toujours réfugié en Finlande, Kamenev et Zinoviev s’opposent à la perspective de l’insurrection qui se dessine...), mais l’agitation est efficace dans les masses.
Un congrès des soviets est convoqué pour le 20 octobre. Pour les bolchéviks, ce congrès doit marquer l’instauration du pouvoir des soviets. Les conciliateurs, qui s’étaient tout d’abord ralliés à ce congrès, le désavouent ensuite ; cette attitude ne fait qu’accélérer le ralliement à la ligne bolchévik des soviets les plus retardataires.
Après s’être battu pendant plusieurs semaines contre le Comité central du parti bolchévik (tout comme en avril), Lénine parvient enfin, le 10 octobre, à rallier une majorité à une motion qui met à l’ordre du jour immédiat la préparation de l’insurrection. Les conditions politiques sont maintenant mûres pour cette insurrection (en particulier grâce à l’attitude des paysans), il est donc urgent de s’atteler à la tâche.
Les opposants à cette perspective parmi les bolchéviks, principalement Kamenev et Zinoviev, mais qui se retrouvent à tous les échelons du parti, ont encore des illusions sur une transition institutionnelle vers un pouvoir des soviets : ils veulent attendre le Congrès des soviets, voire l’Assemblée constituante — dont les élections sont en préparation, le gouvernement les ayant longtemps repoussées, mais ayant décidé de les convoquer pour essayer de sauver le régime. Zinoviev et Kamenev, allant jusqu’à rompre la discipline du parti, parlent d’ « aventurisme », craignant qu’une insurrection fasse perdre aux bolchéviks la confiance des masses.
L’insurrection est malgré tout programmée, prévue initialement pour le 15 octobre, et en tout cas
avant que ne se réunisse le congrès des soviets : forts de l’expérience historique de la Commune de
Paris, les bolchéviks savent parfaitement que la bourgeoisie, toute démocratique qu’elle se prétende,
ne se laissera pas prendre le pouvoir sans y être contrainte par la force. En outre, l’attitude des
conciliateurs depuis février, refusant de rompre avec la bourgeoisie même quand celleci affichait le
plus son caractère réactionnaire, montre qu’ils devront eux aussi être mis au pied du mur pour
éventuellement accepter que les soviets prennent enfin tout le pouvoir.
Les antagonismes dus à la dualité des pouvoirs s’accentuent. Le soviet de Pétrograd décide la création d’un Comité militaire révolutionnaire (avec à sa tête un jeune socialisterévolutionnaire de gauche, Lasimir), dans le but de contrôler la défense de la capitale (notamment pour empêcher la dispersion des troupes révolutionnaires par le gouvernement). Il est également créé une section de la garde rouge (ouvriers armés), placée avec la garnison sous la direction du Comité militaire. Le gouvernement s’inquiète de ces démonstrations de force, comprenant ce qui se prépare. Il réclame les troupes de Pétrograd pour le front, mais la délégation du soviet tient tête et refuse ce prélèvement.
Le Comité militaire poursuit ses préparatifs, avec en particulier des mesures préventives contre les forces contrerévolutionnaires (junkers, cosaques, centnoirs). Pendant les jours qui précèdent le congrès des soviets (finalement repoussé au 25 octobre pour des raisons techniques), la presse bourgeoise annonce des manifestations des bolchéviks. Mais ceuxci ne font que recenser leurs troupes en vue de l’insurrection, ils s’assurent que les masses de Pétrograd et des alentours leur sont acquises. Les meetings renforcent à la fois les masses et leurs dirigeants dans l’idée que tout est prêt pour l’insurrection. La dernière étape est la conquête politique, suite à un meeting de Trotsky, des soldats de la forteresse PierreetPaul, jusquelà réfractaire à l’autorité du Comité militaire.
Le déroulement de l’insurrection
Le 23 octobre, l’étatmajor de l’armée officielle est définitivement relevé de son commandement sur les troupes de Pétrograd. Le Parti bolchévik n’attend plus que le gouvernement fasse le premier geste d’offensive comme signal de départ pour l’insurrection, qui sera d’autant plus efficace et suivie qu’elle se parera des couleurs de la défensive...
Dans la nuit du 23, le gouvernement décide des poursuites judiciaires contre le Comité militaire, et la mise sous scellés des imprimeries bolchéviques. Mais les ouvriers et soldats se mobilisent et font paraître les journaux, et ils demandent des ordres pour la défense du palais de Smolny (siège du Comité militaire). Le croiseur « Aurore » se met aussi à disposition.
La journée du 24 est occupée à la répartition des tâches pour les bolchéviks. Pendant ce tempslà, les défections de troupes continuent parmi celles qui étaient jusquelà contrôlées par le gouvernement, comme par exemple le bataillon de motocyclistes. Au Préparlement, Kérensky décrète des mesures contre les bolchéviks, mais les troupes qu’il a encore à sa disposition (junkers, cosaques) sont trop faibles par rapport à l’adversaire pour les exécuter.
Dans la nuit du 24, le Comité militaire fait occuper les centres névralgiques de Pétrograd. Des troupes de junkers et des officiers sont arrêtés et désarmés. Parfois, les bolchéviks font preuve d’une trop grande indulgence envers les ennemis : sûrs de leur force, ils espèrent le moins de violence possible ; ils auront plus d’une fois à le regretter par la suite, pendant la guerre civile. Quant aux conciliateurs du Comité exécutif des soviets, ils ne peuvent que constater l’insurrection ; ils n’ont désormais plus de place propre dans le conflit direct entre la bourgeoisie et le prolétariat.
Les antagonismes dus à la dualité des pouvoirs s’accentuent. Le soviet de Pétrograd décide la création d’un Comité militaire révolutionnaire (avec à sa tête un jeune socialisterévolutionnaire de gauche, Lasimir), dans le but de contrôler la défense de la capitale (notamment pour empêcher la dispersion des troupes révolutionnaires par le gouvernement). Il est également créé une section de la garde rouge (ouvriers armés), placée avec la garnison sous la direction du Comité militaire. Le gouvernement s’inquiète de ces démonstrations de force, comprenant ce qui se prépare. Il réclame les troupes de Pétrograd pour le front, mais la délégation du soviet tient tête et refuse ce prélèvement.
Le Comité militaire poursuit ses préparatifs, avec en particulier des mesures préventives contre les forces contrerévolutionnaires (junkers, cosaques, centnoirs). Pendant les jours qui précèdent le congrès des soviets (finalement repoussé au 25 octobre pour des raisons techniques), la presse bourgeoise annonce des manifestations des bolchéviks. Mais ceuxci ne font que recenser leurs troupes en vue de l’insurrection, ils s’assurent que les masses de Pétrograd et des alentours leur sont acquises. Les meetings renforcent à la fois les masses et leurs dirigeants dans l’idée que tout est prêt pour l’insurrection. La dernière étape est la conquête politique, suite à un meeting de Trotsky, des soldats de la forteresse PierreetPaul, jusquelà réfractaire à l’autorité du Comité militaire.
Le déroulement de l’insurrection
Le 23 octobre, l’étatmajor de l’armée officielle est définitivement relevé de son commandement sur les troupes de Pétrograd. Le Parti bolchévik n’attend plus que le gouvernement fasse le premier geste d’offensive comme signal de départ pour l’insurrection, qui sera d’autant plus efficace et suivie qu’elle se parera des couleurs de la défensive...
Dans la nuit du 23, le gouvernement décide des poursuites judiciaires contre le Comité militaire, et la mise sous scellés des imprimeries bolchéviques. Mais les ouvriers et soldats se mobilisent et font paraître les journaux, et ils demandent des ordres pour la défense du palais de Smolny (siège du Comité militaire). Le croiseur « Aurore » se met aussi à disposition.
La journée du 24 est occupée à la répartition des tâches pour les bolchéviks. Pendant ce tempslà, les défections de troupes continuent parmi celles qui étaient jusquelà contrôlées par le gouvernement, comme par exemple le bataillon de motocyclistes. Au Préparlement, Kérensky décrète des mesures contre les bolchéviks, mais les troupes qu’il a encore à sa disposition (junkers, cosaques) sont trop faibles par rapport à l’adversaire pour les exécuter.
Dans la nuit du 24, le Comité militaire fait occuper les centres névralgiques de Pétrograd. Des troupes de junkers et des officiers sont arrêtés et désarmés. Parfois, les bolchéviks font preuve d’une trop grande indulgence envers les ennemis : sûrs de leur force, ils espèrent le moins de violence possible ; ils auront plus d’une fois à le regretter par la suite, pendant la guerre civile. Quant aux conciliateurs du Comité exécutif des soviets, ils ne peuvent que constater l’insurrection ; ils n’ont désormais plus de place propre dans le conflit direct entre la bourgeoisie et le prolétariat.
Le matin du 25, le Comité militaire annonce qu’il a pris le pouvoir et que le gouvernement est démis.
En fait, celuici siège toujours au Palais d’hiver, dont la prise a été retardée (le comité a bien des
lacunes dans la science militaire). Dans la journée, le Préparlement est évacué sans arrestation. La
prise de la capitale s’est globalement déroulée dans le calme, comme un relèvement de la garde...
La seule tâche qui reste est donc la prise du Palais d’hiver. Parmi les bolchéviks, on commence à s’agacer du retard : il faut que l’action soit menée avant l’ouverture du Congrès des soviets, afin de mettre les conciliateurs devant le fait accompli. Le dispositif de défense du Palais d’hiver est en déliquescence, les junkers et les cosaques ne savent pas quelle attitude adopter. Dans la nuit, suite à une canonnade purement démonstrative de l’ « Aurore », le Palais d’hiver tombe sans combat, et le gouvernement est arrêté sans effusion de sang, à l’exception de Kérensky qui a réussi à s’enfuir vers le front.
Ouverture du Congrès des soviets
Le Congrès des soviets est déjà réuni depuis le matin du 25, et les conciliateurs ne représentent qu’un quart des délégués. La première journée est consacrée aux réunions de fractions. Tous attendent le dénouement du siège du Palais d’hiver avant de commencer les discussions. Un bureau du Congrès est formé, avec 14 bolchéviks et 7 socialistesrévolutionnaires de gauche. Lénine, présent, n’apparaît pas encore publiquement.
Les conciliateurs refusent la proposition d’un front unique de la démocratie soviétique. Après l’annonce de la prise du Palais d’hiver, il ne reste au Congrès que les bolchéviks, les socialistes révolutionnaires de gauche et les mencheviks internationalistes.
Le Congrès apprend que les troupes du front qui avaient été désignées par Kérensky pour réprimer l’insurrection se rangent du côté de celleci. Le matin du 26 octobre, on peut annoncer que le pouvoir est désormais aux mains des soviets.
Les premières mesures politiques du nouveau pouvoir sont prises par le Congrès luimême, dans la nuit du 26 au 27. Il s’agit « d’édifier l’ordre socialiste », déclare Lénine, qui peut enfin apparaître publiquement, à la tribune. Les premières mesures prises par le Congrès sont donc un appel à tous les pays belligérants pour mettre fin à la guerre et discuter d’une paix juste et démocratique, un décret qui reconnaît que la terre appartient aux paysans, et la création du nouveau gouvernement : le « soviet des commissaires du peuple »...
La seule tâche qui reste est donc la prise du Palais d’hiver. Parmi les bolchéviks, on commence à s’agacer du retard : il faut que l’action soit menée avant l’ouverture du Congrès des soviets, afin de mettre les conciliateurs devant le fait accompli. Le dispositif de défense du Palais d’hiver est en déliquescence, les junkers et les cosaques ne savent pas quelle attitude adopter. Dans la nuit, suite à une canonnade purement démonstrative de l’ « Aurore », le Palais d’hiver tombe sans combat, et le gouvernement est arrêté sans effusion de sang, à l’exception de Kérensky qui a réussi à s’enfuir vers le front.
Ouverture du Congrès des soviets
Le Congrès des soviets est déjà réuni depuis le matin du 25, et les conciliateurs ne représentent qu’un quart des délégués. La première journée est consacrée aux réunions de fractions. Tous attendent le dénouement du siège du Palais d’hiver avant de commencer les discussions. Un bureau du Congrès est formé, avec 14 bolchéviks et 7 socialistesrévolutionnaires de gauche. Lénine, présent, n’apparaît pas encore publiquement.
Les conciliateurs refusent la proposition d’un front unique de la démocratie soviétique. Après l’annonce de la prise du Palais d’hiver, il ne reste au Congrès que les bolchéviks, les socialistes révolutionnaires de gauche et les mencheviks internationalistes.
Le Congrès apprend que les troupes du front qui avaient été désignées par Kérensky pour réprimer l’insurrection se rangent du côté de celleci. Le matin du 26 octobre, on peut annoncer que le pouvoir est désormais aux mains des soviets.
Les premières mesures politiques du nouveau pouvoir sont prises par le Congrès luimême, dans la nuit du 26 au 27. Il s’agit « d’édifier l’ordre socialiste », déclare Lénine, qui peut enfin apparaître publiquement, à la tribune. Les premières mesures prises par le Congrès sont donc un appel à tous les pays belligérants pour mettre fin à la guerre et discuter d’une paix juste et démocratique, un décret qui reconnaît que la terre appartient aux paysans, et la création du nouveau gouvernement : le « soviet des commissaires du peuple »...
Russie, 19171918 : les Bolchéviks au pouvoir, premières mesures d'un gouvernement authentiquement révolutionnaire
L’écriture et la réécriture de l’histoire n’occupent pas la dernière place parmi les instruments utilisés
pour perpétuer l’exploitation et l’oppression de l’immense majorité qui va nécessairement de pair
avec le capitalisme. Depuis longtemps, mais avec une vigueur redoublée depuis une quinzaine
d’années, la bourgeoisie s’efforce de discréditer la révolution d’Octobre et par là le communisme en
général. À l’école comme dans les médias, la première révolution prolétarienne victorieuse est sans
cesse présentée comme un coup d’État aussi sanguinaire qu’inutile. Cette déformation de l’histoire est
la poursuite sous une forme adaptée à l’époque présente de la lutte que tous les États bourgeois ont
menée pour anéantir le premier État ouvrier en appuyant la guerre civile engagée par les classes
dominantes déchues et leurs flancsgardes de gauche, et en envoyant autant que possible leurs propres
troupes pour s’efforcer de renverser la République soviétique naissante. Quelle était donc cette
politique que la bourgeoisie voulait à tout prix abattre ? Quelles furent les premières mesures prises
par le gouvernement révolutionnaire élu par le congrès panrusse des soviets en octobre 1917 ? En
quoi la politique du Conseil des commissaires du peuple dirigé par les bolchéviks à partir d’Octobre
se distinguaitelle de celle menée par les menchéviks et socialistesrévolutionnaires (SR) entre février
et octobre ?
Pour bien comprendre cette différence, il faut rappeler d’abord que, au lendemain de la révolution de Février 1917, les menchéviks et les socialistesrévolutionnaires étaient majoritaires dans les soviets (conseils) qui surgirent dans tout le pays, à la ville et à la campagne. Le soulèvement des ouvriers et des soldats les avait portés au pouvoir : aucun ordre n’était exécuté par les ouvriers ou les soldats, s’il n’était contresigné par le soviet. Pourtant, les menchéviks et les SR remirent le pouvoir à la bourgeoisie, en soutenant la formation d’un gouvernement provisoire dominé par les partis bourgeois. Après les journées d’avril, ils devinrent également majoritaires dans le gouvernement provisoire. Ils ne pouvaient dès lors plus se cacher derrière ce dernier pour justifier leur capitulation devant la bourgeoisie : la politique menée était, même formellement, de leur entière responsabilité. Il faut ajouter que, jusqu’aux journées de juillet, les bolchéviks, encore minoritaires, promettaient leur soutien aux menchéviks et aux SR contre la bourgeoisie, si ceuxci rompaient avec elle, c’estàdire s’engageaient sur la voie d’une politique conforme aux intérêts du prolétariat, fûtelle insuffisante.
Ces faits ont été présentés et expliqués dans les quatre précédents numéros du CRI des travailleurs, retraçant le cours des événements de l’année 1917 jusqu’à la prise du pouvoir par les soviets sous la direction des bolcheviks en Octobre. Nous présentons ici les premières mesures prises par le nouveau gouvernement, un gouvernement des travailleurs, par les travailleurs et pour les travailleurs (ouvriers et paysans) : le gouvernement soviétique dirigé par les bolcheviks.
Le combat pour la paix
La toute première mesure fut de lancer un appel « aux peuples et aux gouvernements de toutes les nations belligérantes » en vue d’une « paix démocratique juste », c’estàdire « immédiate, sans annexions (...) et sans réparations ». Le texte précise que « par annexion (...), le gouvernement entend (...) toute incorporation à un État, grand ou puissant, d’une nationalité petite ou faible, sans le consentement et le désir formel, clairement exprimé, de cette dernière ». Il rejette tous les prétextes habituellement utilisés pour justifier de telles pratiques : ancienneté de l’annexion, retard économique, archaïsme politique, etc. En effet, « le gouvernement estime que continuer cette guerre pour savoir comment partager entre les nations fortes et riches les peuples faibles conquis par elles serait commettre le plus grand crime contre l’humanité». L’appel précise encore la décision du gouvernement soviétique d’abolir la diplomatie secrète et de « mener les pourparlers au grand jour, devant le peuple entier ».
Pour bien comprendre cette différence, il faut rappeler d’abord que, au lendemain de la révolution de Février 1917, les menchéviks et les socialistesrévolutionnaires étaient majoritaires dans les soviets (conseils) qui surgirent dans tout le pays, à la ville et à la campagne. Le soulèvement des ouvriers et des soldats les avait portés au pouvoir : aucun ordre n’était exécuté par les ouvriers ou les soldats, s’il n’était contresigné par le soviet. Pourtant, les menchéviks et les SR remirent le pouvoir à la bourgeoisie, en soutenant la formation d’un gouvernement provisoire dominé par les partis bourgeois. Après les journées d’avril, ils devinrent également majoritaires dans le gouvernement provisoire. Ils ne pouvaient dès lors plus se cacher derrière ce dernier pour justifier leur capitulation devant la bourgeoisie : la politique menée était, même formellement, de leur entière responsabilité. Il faut ajouter que, jusqu’aux journées de juillet, les bolchéviks, encore minoritaires, promettaient leur soutien aux menchéviks et aux SR contre la bourgeoisie, si ceuxci rompaient avec elle, c’estàdire s’engageaient sur la voie d’une politique conforme aux intérêts du prolétariat, fûtelle insuffisante.
Ces faits ont été présentés et expliqués dans les quatre précédents numéros du CRI des travailleurs, retraçant le cours des événements de l’année 1917 jusqu’à la prise du pouvoir par les soviets sous la direction des bolcheviks en Octobre. Nous présentons ici les premières mesures prises par le nouveau gouvernement, un gouvernement des travailleurs, par les travailleurs et pour les travailleurs (ouvriers et paysans) : le gouvernement soviétique dirigé par les bolcheviks.
Le combat pour la paix
La toute première mesure fut de lancer un appel « aux peuples et aux gouvernements de toutes les nations belligérantes » en vue d’une « paix démocratique juste », c’estàdire « immédiate, sans annexions (...) et sans réparations ». Le texte précise que « par annexion (...), le gouvernement entend (...) toute incorporation à un État, grand ou puissant, d’une nationalité petite ou faible, sans le consentement et le désir formel, clairement exprimé, de cette dernière ». Il rejette tous les prétextes habituellement utilisés pour justifier de telles pratiques : ancienneté de l’annexion, retard économique, archaïsme politique, etc. En effet, « le gouvernement estime que continuer cette guerre pour savoir comment partager entre les nations fortes et riches les peuples faibles conquis par elles serait commettre le plus grand crime contre l’humanité». L’appel précise encore la décision du gouvernement soviétique d’abolir la diplomatie secrète et de « mener les pourparlers au grand jour, devant le peuple entier ».
Le texte inclut aussi une proposition d’armistice immédiat, afin de rendre possibles des négociations
immédiates. Rédigé par Lénine, il est délibérément souple, précisant que le gouvernement accepterait
d’«examiner toutes autres conditions de paix»: en cas de poursuite de la guerre, l’entière
responsabilité devait en incomber aux rapaces impérialistes. Le gouvernement révolutionnaire
comptait ouvertement avant tout sur l’initiative révolutionnaire du prolétariat des principaux pays
impérialistes d’Europe (Angleterre, France, Allemagne) pour atteindre ces objectifs. L’expérience
russe confirmait en effet que seule la conquête du pouvoir par le prolétariat, c’estàdire la
transformation de la guerre impérialiste en guerre civile entre le prolétariat et la bourgeoisie, pouvait
permettre de mettre un terme à cette guerre. Pour leur part, les mencheviks et les SR au pouvoir
avaient continué d’envoyer ouvriers et paysans se faire tuer pour agrandir le territoire russe vers le Sud
et sauvegarder les intérêts des brigands impérialistes français et anglais. Par contre, les bolchéviks,
fidèles au socialisme, ont constamment refusé de soutenir la guerre impérialiste, expliquant
patiemment aux travailleurs qu’on ne pouvait mettre fin à la guerre sans prendre le pouvoir. Et, après
avoir conquis le pouvoir, ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour réaliser ce programme, en
s’appuyant sur les masses. En refusant les propositions du gouvernement ouvrier et paysan et en
poursuivant la grande boucherie, toutes les bourgeoisies ont montré que leurs discours sur les horreurs
de la guerre, les droits de l’homme et la paix ne sont faits que pour tromper le peuple ; la réalité, c’est
l’appétit sans limite des patrons et de leurs États.
Les libertés démocratiques
La libération des nationalités de l’oppression grandrusse
Appliquant à la Russie ellemême ce qu’il exigeait formellement de tous les pays (c’estàdire en réalité ce qu’il appelait tous les prolétariats et paysanneries d’Europe à réaliser par leur lutte révolutionnaire), le gouvernement soviétique décréta « l’égalité et la souveraineté de tous les peuples de Russie », c’estàdire le « droit des peuples de Russie à disposer librement d’euxmêmes, y compris le droit de sécession et de formation d’un État indépendant », « l’abolition de tout privilège et restriction de caractère national ou religieux » et « le libre développement des minorités nationales et groupes ethniques peuplant le territoire russe». En conséquence, la Finlande proclame son indépendance le 6 décembre 1917, l’Ukraine le 22 janvier 1918, la Pologne le 11 novembre 1918. On objecte souvent que le gouvernement soviétique a accordé l’indépendance à des peuples à peu de frais, car il n’occupait plus ces territoires du fait de l’avance allemande. Mais, si l’indépendance (même formelle) de la plupart de ces pays a été reconnue à la fin de la guerre par les puissances impérialistes, c’est avant tout par la crainte que la frustration du sentiment national de ces peuples ne donne un nouveau souffle à la vague révolutionnaire qui déferle sur l’Europe à partir d’octobre 1917. Par ailleurs, le gouvernement ouvrier et paysan supprima totalement à l’intérieur même de ses frontières toute discrimination en fonction de la nationalité ou de la religion — alors qu’à cette époque, dans bien des États bourgeois , de telles restrictions étaient encore légales, y compris les restrictions pour l’accès à certains métiers pour les Juifs par exemple.
Abolition des ordres et des grades, égalité entre hommes et femmes
Le gouvernement soviétique prit toutes les mesures démocratiques radicales dans le domaine politique, assurant l’égalité formelle parfaite de tous les citoyens : les ordres (noblesse, clergé, etc.) et les privilèges qui y étaient liés sont abolis, ainsi que tous les titres nobiliaires et qualifications ; les biens de ces cidevant privilégiés sont immédiatement confisqués. La loi accorde exactement les mêmes droits aux femmes qu’aux hommes, y compris le droit de vote (alors que, dans la plupart des pays capitalistes, cela ne viendra qu’après la révolution russe, voire après la Seconde Guerre mondiale, comme en France...) et égalité totale des droits dans le mariage (alors que, en France, par exemple, les inégalités de droits entre la femme et l’homme ne seront intégralement supprimées que dans les
Les libertés démocratiques
La libération des nationalités de l’oppression grandrusse
Appliquant à la Russie ellemême ce qu’il exigeait formellement de tous les pays (c’estàdire en réalité ce qu’il appelait tous les prolétariats et paysanneries d’Europe à réaliser par leur lutte révolutionnaire), le gouvernement soviétique décréta « l’égalité et la souveraineté de tous les peuples de Russie », c’estàdire le « droit des peuples de Russie à disposer librement d’euxmêmes, y compris le droit de sécession et de formation d’un État indépendant », « l’abolition de tout privilège et restriction de caractère national ou religieux » et « le libre développement des minorités nationales et groupes ethniques peuplant le territoire russe». En conséquence, la Finlande proclame son indépendance le 6 décembre 1917, l’Ukraine le 22 janvier 1918, la Pologne le 11 novembre 1918. On objecte souvent que le gouvernement soviétique a accordé l’indépendance à des peuples à peu de frais, car il n’occupait plus ces territoires du fait de l’avance allemande. Mais, si l’indépendance (même formelle) de la plupart de ces pays a été reconnue à la fin de la guerre par les puissances impérialistes, c’est avant tout par la crainte que la frustration du sentiment national de ces peuples ne donne un nouveau souffle à la vague révolutionnaire qui déferle sur l’Europe à partir d’octobre 1917. Par ailleurs, le gouvernement ouvrier et paysan supprima totalement à l’intérieur même de ses frontières toute discrimination en fonction de la nationalité ou de la religion — alors qu’à cette époque, dans bien des États bourgeois , de telles restrictions étaient encore légales, y compris les restrictions pour l’accès à certains métiers pour les Juifs par exemple.
Abolition des ordres et des grades, égalité entre hommes et femmes
Le gouvernement soviétique prit toutes les mesures démocratiques radicales dans le domaine politique, assurant l’égalité formelle parfaite de tous les citoyens : les ordres (noblesse, clergé, etc.) et les privilèges qui y étaient liés sont abolis, ainsi que tous les titres nobiliaires et qualifications ; les biens de ces cidevant privilégiés sont immédiatement confisqués. La loi accorde exactement les mêmes droits aux femmes qu’aux hommes, y compris le droit de vote (alors que, dans la plupart des pays capitalistes, cela ne viendra qu’après la révolution russe, voire après la Seconde Guerre mondiale, comme en France...) et égalité totale des droits dans le mariage (alors que, en France, par exemple, les inégalités de droits entre la femme et l’homme ne seront intégralement supprimées que dans les
années soixante !).
Enseignement général obligatoire, laïque et gratuit
La Russie est un pays dans lequel, en 1917, l’écrasante majorité de la population ne sait ni lire, ni écrire. C’est évidemment un obstacle considérable à la mise en place d’une démocratie authentique et à tout développement économique moderne. C’est pourquoi le gouvernement décide la mise en place d’un enseignement général, obligatoire et gratuit. Il supprime toutes les barrières légales à l’accès des enfants d’ouvriers et de paysans à l’enseignement supérieur général et technique.
Les bolchéviks sont bien sûr parfaitement conscients que ces mesures en ellesmêmes ne sauraient assurer l’égalité réelle entre tous les citoyens. Lénine explique inlassablement cette vérité essentielle, par exemple à propos de la question de l’égalité entre hommes et femmes : « Naturellement, les lois ne sont pas suffisantes, et nous ne nous contentons pas de décrets. Mais, dans le domaine législatif, nous avons fait tout le nécessaire pour élever la femme au niveau de l'homme et nous pouvons en être fiers. La situation de la femme dans la Russie des Soviets peut servir d'idéal aux États les plus avancés. Pourtant, ce n'est encore là qu'un commencement. La femme dans le ménage reste encore opprimée. Pour qu'elle soit réellement émancipée, pour qu'elle soit vraiment l'égale de l'homme, il faut qu'elle participe au travail productif commun et que le ménage privé n'existe plus. Alors seulement, elle sera au même niveau que l'homme (...). La femme a beau jouir de tous les droits, elle n'en reste pas moins opprimée en fait, parce que sur elle pèsent tous les soins du ménage (...). Nous créons des institutions modèles, des restaurants, des crèches, pour affranchir la femme du ménage. Il faut reconnaître qu'à l'heure présente en Russie ces institutions, qui permettent à la femme de sortir de sa condition d'esclave domestique, sont très rares. Leur nombre est infime et les conditions militaires et alimentaires actuelles sont un obstacle à leur accroissement. Il convient cependant de dire qu'il en surgit partout où s'offre la plus petite possibilité. Nous disons que l'émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs euxmêmes. De même, l'émancipation des travailleuses sera l’œuvre des travailleuses ellesmêmes. Les travailleuses doivent veiller ellesmêmes au développement de ces institutions ; elles arriveront ainsi à changer du tout au tout le sort qui leur était fait dans la société capitaliste. » (1)
Les mesures économiques La terre aux paysans
Le décret sur la terre fut la deuxième mesure prise par les bolchéviks. La propriété privée du sol est abolie (la terre ne peut être ni vendue, ni achetée, ni hypothéquée), le sol et le soussol (minerai, pétrole, charbon, etc.) deviennent propriétés de l’État soviétique, les domaines des grands propriétaires fonciers et de l’Église, avec tous leurs bâtiments et dépendances, ainsi que le cheptel mort ou vif sont confisqués sans indemnités, mais non les terres ni le cheptel des simples paysans ou cosaques. Le décret prévoit déjà que les grands domaines ne seront pas partagés en petites parcelles mais devront être cultivés de façon collective.
La loi du 6 février 1918 sur la socialisation de la terre précise les conditions de la jouissance égalitaire du sol : « Dans les limites de la République Fédérative Soviétique de Russie, peuvent jouir de lots de terre en vue d'assurer les besoins publics et personnels : A) pour les œuvres éducatives culturelles : 1. l’État représenté par les organes du pouvoir soviétique (...). 2. Les organisations publiques (sous le contrôle et avec l'autorisation du pouvoir soviétique local). B) Pour l'exploitation agricole : 3. Les communes agricoles. 4. Les associations agricoles. 5. Les communautés rurales. 6. Les familles ou individus... » (Art. 20). Elle dispose que la gestion des terres sous la direction du pouvoir soviétique a pour objet de « développer les exploitations agricoles collectives plus avantageuses au point de vue de l'économie du travail et des produits, par absorption des exploitations individuelles, en vue d'assurer la transition à l'économie socialiste » (Art. XI, paragraphe e).
La Russie est un pays dans lequel, en 1917, l’écrasante majorité de la population ne sait ni lire, ni écrire. C’est évidemment un obstacle considérable à la mise en place d’une démocratie authentique et à tout développement économique moderne. C’est pourquoi le gouvernement décide la mise en place d’un enseignement général, obligatoire et gratuit. Il supprime toutes les barrières légales à l’accès des enfants d’ouvriers et de paysans à l’enseignement supérieur général et technique.
Les bolchéviks sont bien sûr parfaitement conscients que ces mesures en ellesmêmes ne sauraient assurer l’égalité réelle entre tous les citoyens. Lénine explique inlassablement cette vérité essentielle, par exemple à propos de la question de l’égalité entre hommes et femmes : « Naturellement, les lois ne sont pas suffisantes, et nous ne nous contentons pas de décrets. Mais, dans le domaine législatif, nous avons fait tout le nécessaire pour élever la femme au niveau de l'homme et nous pouvons en être fiers. La situation de la femme dans la Russie des Soviets peut servir d'idéal aux États les plus avancés. Pourtant, ce n'est encore là qu'un commencement. La femme dans le ménage reste encore opprimée. Pour qu'elle soit réellement émancipée, pour qu'elle soit vraiment l'égale de l'homme, il faut qu'elle participe au travail productif commun et que le ménage privé n'existe plus. Alors seulement, elle sera au même niveau que l'homme (...). La femme a beau jouir de tous les droits, elle n'en reste pas moins opprimée en fait, parce que sur elle pèsent tous les soins du ménage (...). Nous créons des institutions modèles, des restaurants, des crèches, pour affranchir la femme du ménage. Il faut reconnaître qu'à l'heure présente en Russie ces institutions, qui permettent à la femme de sortir de sa condition d'esclave domestique, sont très rares. Leur nombre est infime et les conditions militaires et alimentaires actuelles sont un obstacle à leur accroissement. Il convient cependant de dire qu'il en surgit partout où s'offre la plus petite possibilité. Nous disons que l'émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs euxmêmes. De même, l'émancipation des travailleuses sera l’œuvre des travailleuses ellesmêmes. Les travailleuses doivent veiller ellesmêmes au développement de ces institutions ; elles arriveront ainsi à changer du tout au tout le sort qui leur était fait dans la société capitaliste. » (1)
Les mesures économiques La terre aux paysans
Le décret sur la terre fut la deuxième mesure prise par les bolchéviks. La propriété privée du sol est abolie (la terre ne peut être ni vendue, ni achetée, ni hypothéquée), le sol et le soussol (minerai, pétrole, charbon, etc.) deviennent propriétés de l’État soviétique, les domaines des grands propriétaires fonciers et de l’Église, avec tous leurs bâtiments et dépendances, ainsi que le cheptel mort ou vif sont confisqués sans indemnités, mais non les terres ni le cheptel des simples paysans ou cosaques. Le décret prévoit déjà que les grands domaines ne seront pas partagés en petites parcelles mais devront être cultivés de façon collective.
La loi du 6 février 1918 sur la socialisation de la terre précise les conditions de la jouissance égalitaire du sol : « Dans les limites de la République Fédérative Soviétique de Russie, peuvent jouir de lots de terre en vue d'assurer les besoins publics et personnels : A) pour les œuvres éducatives culturelles : 1. l’État représenté par les organes du pouvoir soviétique (...). 2. Les organisations publiques (sous le contrôle et avec l'autorisation du pouvoir soviétique local). B) Pour l'exploitation agricole : 3. Les communes agricoles. 4. Les associations agricoles. 5. Les communautés rurales. 6. Les familles ou individus... » (Art. 20). Elle dispose que la gestion des terres sous la direction du pouvoir soviétique a pour objet de « développer les exploitations agricoles collectives plus avantageuses au point de vue de l'économie du travail et des produits, par absorption des exploitations individuelles, en vue d'assurer la transition à l'économie socialiste » (Art. XI, paragraphe e).
On entend souvent dire que les bolchéviks auraient « volé » leur programme agraire aux SR. Cela est
absolument faux, pour au moins trois raisons. Premièrement, lorsque les SR ont été au pouvoir de
février à octobre, ils n’ont pas procédé au partage égalitaire des terres ; car, pour cela, il leur aurait
fallu exproprier (et donc affronter) les 30 000 propriétaires fonciers qui possédaient à eux seuls autant
de terres que les 10 millions de familles paysannes ; en fait, les SR se sont même opposés aux paysans
autant qu’ils le pouvaient : ils étaient révolutionnaires en paroles, mais des valets de la noblesse
féodale et de la bourgeoisie en fait. Deuxièmement, ce sont dans la plupart des cas (70 % des
provinces) les paysans euxmêmes qui ont conquis les terres par leur lutte de classes en expropriant les
propriétaires fonciers : les bolchéviks ont légalisé un état de fait. Troisièmement, les mesures prises
par les bolchéviks dans le domaine agraire sont certes, en leur essence, simplement démocratiques
bourgeoises radicales (en effet, si la propriété privée du sol est abolie, la production en revanche reste
pour l’essentiel privée, car les petits paysans auxquels les terres sont louées par l’État soviétique
produisent pour vendre sur le marché) ; cependant, la bourgeoisie russe s’était révélée incapable de
réaliser même partiellement une telle réforme, en raison de sa faiblesse et de ses liens avec
l’aristocratie foncière. En fait, il était inévitable d’en passer par là, car « l'idée et les revendications de
la majorité des travailleurs, ce sont les travailleurs eux mêmes qui doivent les abandonner : on ne
peut ni les "annuler", ni "sauter" par dessus » (2). Pourtant, ces mesures démocratiquesbourgeoises
radicales prises par le nouveau gouvernement soviétique étaient déjà, autant que le permettaient les
rapports de force entre les classes, orientées vers le socialisme, c’estàdire l’exploitation collective du
sol dans de grandes fermes modernes selon un plan fixé par les travailleurs euxmêmes réunis dans
leurs conseils : le gouvernement refuse la division des grands domaines, prévoit de privilégier la
culture du sol par des communautés au lieu d’individus et décide de développer des exploitations
modèles pour convaincre pratiquement les paysans de la supériorité de cette forme d’agriculture.
L’industrie : nationalisation des grandes entreprises et contrôle ouvrier
La principale mesure prise par les bolchéviks pour assurer un bon fonctionnement de l’industrie fut la légalisation et la généralisation du contrôle ouvrier dès le 27 octobre 1917. Il portait sur la production, la conservation, l’achat et la vente de tous les produits et de toutes les matières premières dans toutes les entreprises employant au moins 5 salariés et réalisant un bénéfice d’au moins 10 000 roubles. Il devait être exercé, selon la taille de l’entreprise, soit directement par les ouvriers, soit par l’intermédiaire de leurs représentants. Le décret précisait que « tous les livres de comptabilité et les documents, sans exception, ainsi que tous les stocks et dépôts de matériaux, outils et produits, sans aucune exception, doivent être ouverts aux représentants élus par les ouvriers et les employés » et que « les décisions des représentants élus par les ouvriers et les employés sont obligatoires pour les propriétaires des entreprises et ne peuvent être annulées, sauf par les syndicats et par les congrès syndicaux ». L’objectif de ces mesures est double : d’une part, il s’agit pour le gouvernement soviétique d’assurer le plus vite possible le fonctionnement le plus efficace possible de l’économie, ce qui implique avant tout de se doter de tous les moyens nécessaires pour combattre le sabotage probable de la part des capitalistes et de nombreux spécialistes liés à la bourgeoisie ; d’autre part, le but est de permettre aux ouvriers de se former ainsi peu à peu à la gestion d’une entreprise. En ce sens, la contrôle ouvrier est une mesure transitoire dirigée vers la gestion ouvrière directe.
Ensuite, peu à peu, au cours de l’année 1918, le gouvernement nationalise les principaux trusts et les grandes entreprises : elles deviennent la propriété de l’État soviétique ; leur gestion est assurée par les représentants élus des ouvriers de l’usine en question, sous la direction du pouvoir soviétique. À cet effet est créé un organisme spécial, le Conseil supérieur de l’économie nationale, composé essentiellement de délégués des syndicats ouvriers. Cette institution a pour but d’organiser rationnellement la production à l’échelle de l’ensemble de la République selon les décisions politiques prises par le pouvoir soviétique. Un institut national de statistiques est mis en place pour contribuer à la réalisation de cette tâche.
L’industrie : nationalisation des grandes entreprises et contrôle ouvrier
La principale mesure prise par les bolchéviks pour assurer un bon fonctionnement de l’industrie fut la légalisation et la généralisation du contrôle ouvrier dès le 27 octobre 1917. Il portait sur la production, la conservation, l’achat et la vente de tous les produits et de toutes les matières premières dans toutes les entreprises employant au moins 5 salariés et réalisant un bénéfice d’au moins 10 000 roubles. Il devait être exercé, selon la taille de l’entreprise, soit directement par les ouvriers, soit par l’intermédiaire de leurs représentants. Le décret précisait que « tous les livres de comptabilité et les documents, sans exception, ainsi que tous les stocks et dépôts de matériaux, outils et produits, sans aucune exception, doivent être ouverts aux représentants élus par les ouvriers et les employés » et que « les décisions des représentants élus par les ouvriers et les employés sont obligatoires pour les propriétaires des entreprises et ne peuvent être annulées, sauf par les syndicats et par les congrès syndicaux ». L’objectif de ces mesures est double : d’une part, il s’agit pour le gouvernement soviétique d’assurer le plus vite possible le fonctionnement le plus efficace possible de l’économie, ce qui implique avant tout de se doter de tous les moyens nécessaires pour combattre le sabotage probable de la part des capitalistes et de nombreux spécialistes liés à la bourgeoisie ; d’autre part, le but est de permettre aux ouvriers de se former ainsi peu à peu à la gestion d’une entreprise. En ce sens, la contrôle ouvrier est une mesure transitoire dirigée vers la gestion ouvrière directe.
Ensuite, peu à peu, au cours de l’année 1918, le gouvernement nationalise les principaux trusts et les grandes entreprises : elles deviennent la propriété de l’État soviétique ; leur gestion est assurée par les représentants élus des ouvriers de l’usine en question, sous la direction du pouvoir soviétique. À cet effet est créé un organisme spécial, le Conseil supérieur de l’économie nationale, composé essentiellement de délégués des syndicats ouvriers. Cette institution a pour but d’organiser rationnellement la production à l’échelle de l’ensemble de la République selon les décisions politiques prises par le pouvoir soviétique. Un institut national de statistiques est mis en place pour contribuer à la réalisation de cette tâche.
Dans la mesure où elles restent partielles et se font sur la base d’une économie qui reste capitaliste, ces
mesures reviennent à mettre en place ce que Lénine appelle un « capitalisme d’État ». Il est vrai que, à
la même époque — mais bien plus encore après la Deuxième Guerre mondiale —, les principaux pays
capitalistes européens nationalisent certaines entreprises et s’efforcent de planifier la production (au
moins celle des industries de guerre). Mais les nationalisations réalisées par l’État soviétique, ont un
caractère différent : elles préparent la nationalisation intégrale et l’organisation de toute la production
en fonction des besoins, c’estàdire la planification socialiste ; elles sont donc orientées vers le
socialisme.
La nationalisation des banques
Le gouvernement soviétique décide que le système bancaire devient un monopole d’État : « Toutes les banques privées et tous les comptoirs bancaires existants sont fusionnés dans la Banque d’État », qui « prend à son compte l’actif et le passif des établissements liquidés ». Le décret précise que « les intérêts des petits déposants seront entièrement sauvegardés ». Cette mesure a pour objet d’une part de briser un des instruments décisifs de la domination du grand capital et constitue le préalable à toute réorganisation de l’économie de façon rationnelle dans l’intérêt de l’immense majorité.
Le système d’assurance sociale
Il n’est pas rare d’entendre dire que l’idée d’un système d’assurance sociale est née dans la tête de quelque grand réformateur bourgeois, dans celle de Beveridge par exemple, ou dans le programme du Conseil National de la Résistance. En vérité, ces projets ne sont que la réplique bourgeoise du premier système complet d’assurance sociale, qui a été mis en place par le premier État ouvrier. S’il existe aujourd’hui dans la plupart des pays impérialistes un tel système d’assurance sociale, les travailleurs de ces pays le doivent avant tout à la lutte de classe révolutionnaire du prolétariat russe, ainsi qu’à celle des autres prolétariats d’Europe entre les deux guerres et surtout au sortir de la Deuxième Guerre mondiale (lutte qui n’a pas débouché sur la prise du pouvoir par le prolétariat dans ces pays parce qu’elle a été trahie par les dirigeants réformistes, staliniens et sociauxdémocrates).
Là encore, les menchéviks et les SR au pouvoir n’avaient pas satisfait cette revendication essentielle des travailleurs. Les grandes lignes de la politique bolchévique en la matière sont exposées dans la proclamation de Chliapnikov (Commissaire du peuple au travail) : « 1) Extension des assurances à tous les salariés sans exception, ainsi qu’aux indigents des villes et des campagnes ; 2) Extension des assurances à toutes les catégories d’incapacité au travail, notamment la maladie, les mutilations, l’invalidité, la vieillesse, la maternité, la perte du conjoint ou des parents, ainsi que le chômage ; 3) Obligation pour les employeurs d’assumer la totalité des charges sociales ; 4) Versement d’une somme au moins égale au salaire intégral en cas d’incapacité de travail ou de chômage ; 5) Gestion entièrement autonome de toutes les caisses d’assurances par les assurés euxmêmes. » Voilà encore un exemple de ce que l’école et la presse de la bourgeoisie cachent aux masses d’aujourd’hui.
Là encore, les mesures économiques et sociales prises par le gouvernement dirigé par les bolchéviks n’impliquent pas encore le socialisme : le prolétariat ayant pris le pouvoir dans un pays attardé, où la bourgeoisie, pour des raisons sociales et politiques, ne pouvait accomplir sa mission historique (3), devait inévitablement commencer par accomplir jusqu’au bout les tâches démocratiquesbourgeoises de la révolution. Mais, à chaque fois, les mesures sont réalisées de façon à préparer l’avenir, c’està dire précisément le passage du « capitalisme d’État » soviétique au socialisme : en ce sens, elles sont transitoires. Ce qui distingue donc fondamentalement la Russie soviétique des États capitalistes de l’époque qui en raison des nécessités de la guerre ont aussi procédé à une série de mesures de nationalisations, c’est la structure de l’État.
La nationalisation des banques
Le gouvernement soviétique décide que le système bancaire devient un monopole d’État : « Toutes les banques privées et tous les comptoirs bancaires existants sont fusionnés dans la Banque d’État », qui « prend à son compte l’actif et le passif des établissements liquidés ». Le décret précise que « les intérêts des petits déposants seront entièrement sauvegardés ». Cette mesure a pour objet d’une part de briser un des instruments décisifs de la domination du grand capital et constitue le préalable à toute réorganisation de l’économie de façon rationnelle dans l’intérêt de l’immense majorité.
Le système d’assurance sociale
Il n’est pas rare d’entendre dire que l’idée d’un système d’assurance sociale est née dans la tête de quelque grand réformateur bourgeois, dans celle de Beveridge par exemple, ou dans le programme du Conseil National de la Résistance. En vérité, ces projets ne sont que la réplique bourgeoise du premier système complet d’assurance sociale, qui a été mis en place par le premier État ouvrier. S’il existe aujourd’hui dans la plupart des pays impérialistes un tel système d’assurance sociale, les travailleurs de ces pays le doivent avant tout à la lutte de classe révolutionnaire du prolétariat russe, ainsi qu’à celle des autres prolétariats d’Europe entre les deux guerres et surtout au sortir de la Deuxième Guerre mondiale (lutte qui n’a pas débouché sur la prise du pouvoir par le prolétariat dans ces pays parce qu’elle a été trahie par les dirigeants réformistes, staliniens et sociauxdémocrates).
Là encore, les menchéviks et les SR au pouvoir n’avaient pas satisfait cette revendication essentielle des travailleurs. Les grandes lignes de la politique bolchévique en la matière sont exposées dans la proclamation de Chliapnikov (Commissaire du peuple au travail) : « 1) Extension des assurances à tous les salariés sans exception, ainsi qu’aux indigents des villes et des campagnes ; 2) Extension des assurances à toutes les catégories d’incapacité au travail, notamment la maladie, les mutilations, l’invalidité, la vieillesse, la maternité, la perte du conjoint ou des parents, ainsi que le chômage ; 3) Obligation pour les employeurs d’assumer la totalité des charges sociales ; 4) Versement d’une somme au moins égale au salaire intégral en cas d’incapacité de travail ou de chômage ; 5) Gestion entièrement autonome de toutes les caisses d’assurances par les assurés euxmêmes. » Voilà encore un exemple de ce que l’école et la presse de la bourgeoisie cachent aux masses d’aujourd’hui.
Là encore, les mesures économiques et sociales prises par le gouvernement dirigé par les bolchéviks n’impliquent pas encore le socialisme : le prolétariat ayant pris le pouvoir dans un pays attardé, où la bourgeoisie, pour des raisons sociales et politiques, ne pouvait accomplir sa mission historique (3), devait inévitablement commencer par accomplir jusqu’au bout les tâches démocratiquesbourgeoises de la révolution. Mais, à chaque fois, les mesures sont réalisées de façon à préparer l’avenir, c’està dire précisément le passage du « capitalisme d’État » soviétique au socialisme : en ce sens, elles sont transitoires. Ce qui distingue donc fondamentalement la Russie soviétique des États capitalistes de l’époque qui en raison des nécessités de la guerre ont aussi procédé à une série de mesures de nationalisations, c’est la structure de l’État.
Soviets, comités d’usine, milices ouvrières : l’État Commune
En effet, l’ensemble du pays est gouverné par les soviets d’ouvriers, de paysans et de soldats : ce sont des conseils regroupant des délégués élus à intervalles réguliers. Les soviets locaux élisent en leur sein un comité exécutif, ainsi que les délégués formant, avec des délégués d’autres soviets, le soviet de l’échelon immédiatement supérieur (district, province et région). Les délégués de l’ensemble des soviets régionaux forment le Congrès panrusse des soviets, qui élit un Comité Exécutif de 200 membres et le Conseil des commissaires du peuple (chaque commissaire est flanqué de cinq adjoints, qui peuvent faire appel de ses décisions devant le Comité Exécutif). Le système de représentation donne proportionnellement cinq fois plus de délégués aux ouvriers et aux soldats qu’aux paysans (4). Les soviets agissent à chaque échelon de façon autonome, dans le cadre fixé par le soviet de niveau supérieur, sous la direction générale du Conseil des commissaires du peuple.
Entre octobre 1917 et juillet 1918, c’estàdire jusqu’au déclenchement de la guerre entre la Russie et les principales puissances impérialistes, ainsi que la guerre civile, les ouvriers, les paysans et les soldats réussirent à organiser quatre congrès panrusses des soviets (octobre 1917, janvier, mars et juillet 1918) (5). C’est donc à bon droit que les bolchéviks ont affirmé que la démocratie soviétique était une forme de démocratie supérieure à celle de la république bourgeoise. De fait, ce système de gouvernement permet aux ouvriers, aux paysans et aux soldats de contrôler de façon permanente l’activité de ceux qu’ils ont élus pour les représenter : ils ont plusieurs fois par an la possibilité de les remplacer si leurs positions ne leur semblent plus conformes à leurs intérêts. C’est ainsi que les bolchéviks, qui n’avaient que 13 % des délégués en juin 1917, obtinrent 51 % des délégués cinq mois plus tard au IIe congrès panrusse des soviets : entretemps, les masses avaient pu faire l’expérience du gouvernement des menchéviks et des SR. Les bolchéviks progressent continuellement par la suite : ils ont 61 % des délégués en janvier 1918, 64 % en mars 1918 et 66 % en juillet 1918. C’est la preuve que les masses approuvent fondamentalement leur politique. De même, les SR de gauche, c’estàdire ceux parmi les SR qui ont soutenu la révolution d’Octobre et participent au gouvernement soviétique, sont majoritaires de façon écrasante sur les SR de droite, qui ont condamné la révolution d’Octobre : ils obtiennent 125 délégués au Comité exécutif élu par le Congrès des soviets en janvier 1918. Quant aux SR de droite, qui condamnent la démocratie soviétique, ils n’en bénéficient pas moins de cette démocratie : ils peuvent librement défendre leurs positions et obtiennent 7 délégués au Comité exécutif élu par le Congrès.
Parmi les toutes premières mesures du nouveau gouvernement, il y eut également l’appel à la constitution par chaque soviet d’une milice propre. À l’opposé de l’État bourgeois où l’armée et la police sont des détachements spéciaux d’hommes armés, servant les besoins de répression du mécontentement ou du soulèvement populaire, l’État soviétique dirigé par les bolcheviks est caractérisé par le fait que le pouvoir est détenu par le peuple en armes : c’est la seule garantie sérieuse que la violence soit toujours utilisée dans l’intérêt des ouvriers et des paysans et non contre eux.
Enfin, un système de Comités d’usine complète le système politique de l’État ouvrier. Ce sont eux qui assurent le contrôle ouvrier en relation avec les soviets.
Ainsi, les bolchéviks, marxistes fidèles au combat du prolétariat pour son autoémancipation, ontils agi dès la prise du pouvoir pour briser la machine de l’État bourgeois et la remplacer par un État du type de la Commune de Paris de 1871, c’estàdire un État dans lequel tout travailleur peut participer directement et activement à la vie politique.
Voilà quelle fut la réalité de la politique marxiste révolutionnaire des bolchéviks après la prise du pouvoir. Toutes ces mesures élémentaires, les menchéviks et les SR avaient refusé de les prendre : ils n’étaient pas des socialistes d’une autre nuance, mais des valets de la bourgeoisie. Comme trotskystes, c’estàdire bolchéviksléninistes, nous revendiquons la continuité du combat pour l’ÉtatCommune, la dictature du prolétariat.
Comme le gouvernement soviétique dirigé par les bolchéviks a été l’objet de calomnies sans nombre et de faux procès, nous reviendrons dans nos prochains numéros sur quelquesuns des « arguments » favoris des ennemis de la révolution d’Octobre, à commencer par la question de la dissolution de l’Assemblée constituante par le pouvoir soviétique, la signature de la paix séparée avec l’Allemagne impérialiste à BrestLitovsk, l’attitude des bolchéviks à l’égard des SR de gauche et des anarchistes, etc.
En effet, l’ensemble du pays est gouverné par les soviets d’ouvriers, de paysans et de soldats : ce sont des conseils regroupant des délégués élus à intervalles réguliers. Les soviets locaux élisent en leur sein un comité exécutif, ainsi que les délégués formant, avec des délégués d’autres soviets, le soviet de l’échelon immédiatement supérieur (district, province et région). Les délégués de l’ensemble des soviets régionaux forment le Congrès panrusse des soviets, qui élit un Comité Exécutif de 200 membres et le Conseil des commissaires du peuple (chaque commissaire est flanqué de cinq adjoints, qui peuvent faire appel de ses décisions devant le Comité Exécutif). Le système de représentation donne proportionnellement cinq fois plus de délégués aux ouvriers et aux soldats qu’aux paysans (4). Les soviets agissent à chaque échelon de façon autonome, dans le cadre fixé par le soviet de niveau supérieur, sous la direction générale du Conseil des commissaires du peuple.
Entre octobre 1917 et juillet 1918, c’estàdire jusqu’au déclenchement de la guerre entre la Russie et les principales puissances impérialistes, ainsi que la guerre civile, les ouvriers, les paysans et les soldats réussirent à organiser quatre congrès panrusses des soviets (octobre 1917, janvier, mars et juillet 1918) (5). C’est donc à bon droit que les bolchéviks ont affirmé que la démocratie soviétique était une forme de démocratie supérieure à celle de la république bourgeoise. De fait, ce système de gouvernement permet aux ouvriers, aux paysans et aux soldats de contrôler de façon permanente l’activité de ceux qu’ils ont élus pour les représenter : ils ont plusieurs fois par an la possibilité de les remplacer si leurs positions ne leur semblent plus conformes à leurs intérêts. C’est ainsi que les bolchéviks, qui n’avaient que 13 % des délégués en juin 1917, obtinrent 51 % des délégués cinq mois plus tard au IIe congrès panrusse des soviets : entretemps, les masses avaient pu faire l’expérience du gouvernement des menchéviks et des SR. Les bolchéviks progressent continuellement par la suite : ils ont 61 % des délégués en janvier 1918, 64 % en mars 1918 et 66 % en juillet 1918. C’est la preuve que les masses approuvent fondamentalement leur politique. De même, les SR de gauche, c’estàdire ceux parmi les SR qui ont soutenu la révolution d’Octobre et participent au gouvernement soviétique, sont majoritaires de façon écrasante sur les SR de droite, qui ont condamné la révolution d’Octobre : ils obtiennent 125 délégués au Comité exécutif élu par le Congrès des soviets en janvier 1918. Quant aux SR de droite, qui condamnent la démocratie soviétique, ils n’en bénéficient pas moins de cette démocratie : ils peuvent librement défendre leurs positions et obtiennent 7 délégués au Comité exécutif élu par le Congrès.
Parmi les toutes premières mesures du nouveau gouvernement, il y eut également l’appel à la constitution par chaque soviet d’une milice propre. À l’opposé de l’État bourgeois où l’armée et la police sont des détachements spéciaux d’hommes armés, servant les besoins de répression du mécontentement ou du soulèvement populaire, l’État soviétique dirigé par les bolcheviks est caractérisé par le fait que le pouvoir est détenu par le peuple en armes : c’est la seule garantie sérieuse que la violence soit toujours utilisée dans l’intérêt des ouvriers et des paysans et non contre eux.
Enfin, un système de Comités d’usine complète le système politique de l’État ouvrier. Ce sont eux qui assurent le contrôle ouvrier en relation avec les soviets.
Ainsi, les bolchéviks, marxistes fidèles au combat du prolétariat pour son autoémancipation, ontils agi dès la prise du pouvoir pour briser la machine de l’État bourgeois et la remplacer par un État du type de la Commune de Paris de 1871, c’estàdire un État dans lequel tout travailleur peut participer directement et activement à la vie politique.
Voilà quelle fut la réalité de la politique marxiste révolutionnaire des bolchéviks après la prise du pouvoir. Toutes ces mesures élémentaires, les menchéviks et les SR avaient refusé de les prendre : ils n’étaient pas des socialistes d’une autre nuance, mais des valets de la bourgeoisie. Comme trotskystes, c’estàdire bolchéviksléninistes, nous revendiquons la continuité du combat pour l’ÉtatCommune, la dictature du prolétariat.
Comme le gouvernement soviétique dirigé par les bolchéviks a été l’objet de calomnies sans nombre et de faux procès, nous reviendrons dans nos prochains numéros sur quelquesuns des « arguments » favoris des ennemis de la révolution d’Octobre, à commencer par la question de la dissolution de l’Assemblée constituante par le pouvoir soviétique, la signature de la paix séparée avec l’Allemagne impérialiste à BrestLitovsk, l’attitude des bolchéviks à l’égard des SR de gauche et des anarchistes, etc.
1) Lénine, Les Objectifs généraux du mouvement féminin, Discours prononcé à la Conférence des
ouvrières sansparti de Moscou (23 septembre 1919).
2) Lénine, La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky, « Servilité à l’égard de la bourgeoisie
sous couvert d’ "analyse économique" ».
3) Sur ce point, cf. les deux articles consacrés à la révolution russe de 1905 dans Le CRI des
travailleurs n° 1011 (janvierfévrier 2004) et n° 12 (avril 2004).
4) Nous reviendrons sur la justification politique de cette disposition, que certains jugent critiquable
(attentatoire à la démocratie), dans notre prochain article.
5) Il y avait déjà eu un congrès panrusse des soviets en juin 1917, à une époque où les soviets n’étaient
pas encore la nouvelle forme de l’État.
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