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Nous vivons une période historique, celle de l’effondrement des
idéologies. Cela se joue à tous les niveaux. Voyez par exemple la
faillite de l’éducation nationale dont on mesure les désastres de
génération en génération. Le monde politique n’est pas épargné. Pour
s’être enfermé dans le déni, il a divorcé de la population. Les Français
voient les idéologies s’écrouler sur elles-mêmes, à commencer par le
socialisme. Hollande accélère le mouvement en créant chaque jour 1000
nouveaux chômeurs. L’école, en proie à l’égalitarisme, est devenue le
lieu de l’illettrisme et de l’acculturation. Elle assigne les enfants de
cités à leur statut. En les dispensant d’apprendre, elle ne leur donne
plus les clés de l’intégration. Les juifs quittent la France car être
juif à Paris, c’est devenu dangereux physiquement. Pour ne pas montrer
les banlieues du doigt, les antiracistes ne dénoncent plus
l’antisémitisme… La laïcité? Elle se laisse subvertir par l’islam
politique, recule devant ses intimidations et se laisse amadouer par sa
victimisation.
Nous glissons dangereusement dans une situation de guerre civile sur
base de fractures identitaires. Les violences sporadiques pourraient se
généraliser.
Nous subissons les conséquences d’un abandon de toute idéologie.
C’est une véritable crise de l’intelligence à laquelle nous faisons
face. Nous sommes passés sous le régime de la pensée unique. Le Roi est
nu et on n’a rien pour le vêtir à nouveau…
T. H. : Pourtant, on sent de la résistance au sein de la
population et même une volonté de se structurer comme l’ont montré
divers mouvements en France…
I. R. : Oui, la société civile est explicite sur sa volonté de ne pas
suivre certains changements que l’on veut lui imposer. Mais il subsiste
une énorme tâche à effectuer au delà de la protestation. Il faut
réinventer la société de demain. Il faut des idées nouvelles. Sur le
plan économique, l’idée libérale a pu se frayer un chemin. Mais il reste
d’autres pans à réinventer. Il faut remplir la vacuité idéologique dans
laquelle nous sommes tombés et mettre en place un cadre structuré.
L’insurrection populaire se charge d’abattre les baudruches. Les
éléments d’une révolution très pragmatique sont en place. Mais il faut
aller plus loin.
T. H. : Etes-vous confiant pour l’avenir de nos sociétés?
I. R. : Je suis à la fois effondré et optimiste. La résistance de la
société civile est un facteur d’espoir. Cette société civile se fédère
sur internet, elle rentre en insurrection civique, en rébellion. Et
comme Sartre l’avait parfaitement dit, ce sont les enfants sages qui
font les révolutionnaires les plus terribles. Néanmoins, ce qui
m’inquiète c’est de constater que cette société civile ne soit pas
portée par des penseurs. Le peuple a une réaction saine et pragmatique.
Mais il faut aller plus loin et avoir une vision de l’avenir qui est
encore manquante pour l’heure. Le peuple est mu par un sursaut vital.
C’est ce que je traduis en tant que journaliste de la rue. Je ne suis
pas un journaliste de salon. Je suis un journaliste de la France
oubliée, celle que l’on jette dans les bras de Marine Le Pen en
n’écoutant pas ses doléances. Tout est fait pour aggraver la situation.
L’école pousse toujours plus loin sa défaillance. Aujourd’hui, il s’agit
de supprimer les notes. Quant à l’assimilation, elle a été remplacée
par l’inclusion. Il y a un acharnement criminel à poursuivre ces
désastres organisés depuis 40 ans et là-dessus, le débat n’existe pas.
Les apôtres du politiquement correct n’osent pas se retourner sur le
résultat de leurs politiques car ils se désavoueraient. Nous sommes à la
veille d’un 1789, mais il nous manque Voltaire, Rousseau, Diderot, etc.
T. H. : Quelles sont les causes d’un tel aveuglement qui frappe l’Occident?
I. R. : Il faut aller chercher les racines dans le communisme, et
dans le christianisme. Le communisme, à travers le poids du Parti
Communiste au lendemain de la guerre a profondément modelé le paysage
éducatif et universitaire en instaurant le principe de cooptation. Les
professeurs sont nommés pour leur orthodoxie politique et l’université
exclut les esprits rebelles. C’est flagrant dans les sciences humaines
qui se développent au diapason de la pensée conforme.
Les racines sont aussi à rechercher dans la chrétienté. Chesterton
est plus que jamais d’actualité, lui qui nous mettait en garde en ces
termes :
« Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes
devenues folles".
A la générosité, on a substitué l’oubli de soi. La
préférence étrangère a supplanté la préférence nationale. Les
clandestins sont préférés aux Français.
T. H. : La France est-elle réellement en train de se suicider?
I. R. : Nous sommes quelques uns à dénoncer ces faits. Nous
« monstrons » ce qui est devenu monstrueux. Mais cela devient de plus en
plus dangereux. Sur 37.000 cartes de presse, nous sommes une poignée à
être désignée du doigt avec, pour ne citer qu’eux, Elisabeth Levy ou
Eric Zemmour. Quand les Français se ruent sur son dernier ouvrage, « Le
suicide français », ils prouvent l’exact contraire : ils veulent
survivre et reprendre leur destin en main. Un bouleversement est en
cours sous l’impulsion de mouvements comme les Bonnets Rouges ou la
Manif Pour Tous. Une révolution, au sens propre de retour en arrière, de
recommencement… une révolution conservatrice serait possible. C’est
l’objet de mon livre « De l’urgence d’être réactionnaire ». Prenons un
exemple concret. Récemment lors d’un meeting, face à la pression du
collectif Sens Commun, Sarkozy a improvisé en faisant miroiter la
perspective d’une abolition du mariage pour tous, alors qu’en pratique
ce n’est guère réellement envisageable. C’est la bête politique qui a
parlé… Globalement cela reste très déconnecté des attentes des militants
de l’UMP qui veulent aller à droite. Cela ne correspond pas à ce que
vit la France périphérique, celle du petit blanc qui constitue 60% de
l’électorat pour reprendre les termes du géographe Christophe Guilluy.
Quelqu’un comme Juppé, avance constamment le paravent de l’islamophobie.
Il est de ceux qui agressent systématiquement le Front national mais
qui oublient tout aussi sélectivement de critiquer les Frères musulmans.
Pour lui, l’assimilation est un concept obsolète qui contribue à la
fracture. Et à entendre Eric Woerth, il suffirait que l’économie reparte
pour que tout rentre dans l’ordre. Mais la crise n’est pas économique.
Elle est sociale et identitaire. La culture musulmane est rétive à
l’intégration. Il faut que les œillères tombent, et que ceux qui les
font porter sortent couverts de goudron et de plumes!
T. H. : Que préconisez-vous reprendre pied?
I. R. : Les solutions ne sont pas très compliquées. Regardez, en
Israël qui doit faire face à l’islamisme, l’intransigeance est de mise.
Là-bas, on ne laisse rien passer. En France, la population juive a
réussi à s’intégrer parfaitement. Il faut revenir à un équilibre à la
fois profitable à l’individu et à la collectivité. En 1789,
Clermont-Tonnerre qui voulait doter les juifs de la citoyenneté
française avait déclaré
« Il faut tout refuser aux juifs comme nation et
tout accorder aux juifs comme individus ».
L’autre grand chantier
serait la révision de toute la politique éducative. Les solutions sont à
portée de main… Mais l’urgence, et elle est extrême, est à la
reconstitution de la nation. C’est encore possible. On ne reviendra pas
en arrière sur ce point. Mais il faut s’y mettre tout de suite.
Interview par le Parti Populaire T.H. Belgique Ivan Rioufol, la fracture est identitaire 23 décembre 2014 Source:
Ivan Rioufol, journaliste et essayiste, est né en 1952. Après des
études de droit, il a débuté dans la presse régionale (Presse-Océan,
Nantes), avant de rejoindre Le Figaro en 1985. Il a été notamment
rédacteur en chef des Informations Générales. Devenu éditorialiste, il
publie son Bloc-notes chaque vendredi, depuis 2002.
En
2013, les Français oubliés sont entrés dans l’histoire. La société
civile, exaspérée par les erreurs collectives de ses dirigeants, s’est
durablement imposée comme un nouvel acteur incontournable, dans une
sorte de coup d’Etat soft.
Les élites, qui n’ont rien vu venir de
cette insurrection populaire disparate, sont désormais forcées
d’écouter ce nouveau pouvoir et, bien souvent, de lui emboîter le pas.
Ce ne sont plus les leaders des partis mais des personnalités atypiques
qui font descendre des milliers de mécontents dans les rues. C’est un
fait : la gauche ne porte plus la contestation citoyenne. Elle a
pareillement perdu la bataille des idées, que la droite convalescente
tarde à récupérer. Une continuité se dévoile aisément, au fil des
blocs-notes hebdomadaires de l’année 2013 : celle d’un monde politique
hébété et perdant pied tandis que montent en puissance la France des
Invisibles et le poids des réalités.
« Touche pas à ma France ! », rugit en septembre le député communiste André Gerin.
L’injonction
est d’autant plus justifiée depuis la publication sur le site du
premier ministre, en novembre, des cinq rapports commandés par lui afin
de tirer un trait sur l’intégration, au profit de l’« l’inclusion »
permettant de « faire France »; en réalité de défaire la France.
Sous
prétexte d’appliquer à la lettre la non-discrimination des minorités,
les textes, cosignés par dix ministres, proposent le mode d’emploi de la
dénationalisation du pays.
Une même « préférence immigrée »
habite la gauche. Mais elle n’est pas du goût des « petits Blancs »
nécessiteux. Que le gouvernement prenne garde : les Français vigilants
ont désormais les nerfs à vif.
« Touche pas à ma France ! » est le cri de ralliement que je leur propose pour 2014.
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Jacques de Guénin avant-propos par les éditions Coquelin le livre de Florence Guernalec
Nous avons tous vécu l’expérience suivante : le public applaudit
longuement la fin d’un spectacle. Au début, chacun applaudit à son
rythme, dans un certain brouhaha. Au bout d’un moment, le
rythme s’uniformise, et tous applaudissent à l’unisson. Il en
résulte un bruit cadencé, comme la marche au pas des militaires, mais à
la différence des soldats, personne dans le public n’a
conscience d’avoir été contraint.
Avec une échelle de temps très différente, notre société,
prétendument si individualiste, s’est peu à peu uniformisée dans sa
façon de penser et de se comporter, sans qu’aucune autorité ne l’y
ait forcé, contrairement à ce qui s’est passé dans les régimes
totalitaires. On appelle souvent « pensée unique », ou « politiquement
correct », le résultat de cette évolution. Florence Guernalec
l’appelle « la Norme », vocable plus précis et plus adapté au
travail d’entomologiste auquel elle s’est livré.
La diversité était-elle plus grande autrefois, c’est à dire avant la
guerre ? Sans aucun doute, puisque la famille cultivait alors l’effort,
et l’école la compétition, que nous n’approuvons plus
aujourd’hui que dans le sport. L’enseignement secondaire cultivait
aussi l’esprit critique, et donnait pour modèle des héros positifs,
sources de différenciations.
L’évolution s’est faite insensiblement, sous l’effet progressif de
réformes que nous avons tous perçu sans être vraiment capables de les
dater : pas de grandes révolutions; de simples points
d’inflexion dont la cohérence et l’enchaînement ont fini par former
une société complètement différente. Il y eut d’abord la suppression des
compositions, des classements, des examens de passage,
l’abandon de l’orthographe – en dehors des dictées de Pivot,
assimilables au sport -, celui de l’arithmétique appliquée, des repères
en Histoire et Géographie. Il y eut ensuite, l’invention du «
collège unique », effort louable pour uniformiser l’enseignement par
le haut, mais qui a rapidement abouti à l’uniformiser par le bas, sans
qu’aucun gouvernement n’ait eu le courage d’inverser la
tendance, ayant depuis longtemps abandonné le pouvoir aux idéologues
et à la syndicratie.
On a assisté à une dérive lente vers le harcèlement des gens qui
entreprennent, accompagnée d’une grande sollicitude pour les gens peu
enclins à travailler. Cette dérive a été couronnée par un
passage brutal aux 35 heures, mesure de pure démagogie qu’aucune
analyse économique ne justifiait. La philosophie politique dominante est
devenue une philosophie d’égalité forcée des niveaux de
vie, opérée par la redistribution, bien loin de l’égalité devant la
loi et de la récompense de l’effort et de la raison qui firent longtemps
la gloire de notre République. Les écoles normales
d’instituteurs, qui avaient tant contribué à faire jaillir les
élites des classes populaires, ont dû céder la place aux médiocres
Instituts universitaires de formation des maîtres, aggravant
ainsi le clivage entre ceux qui sont nés dans les familles
instruites et les autres.
Toutes les têtes qui dépassent doivent désormais être coupées – sauf
celles des hommes de pouvoir – et il faut constamment se battre pour
conserver les rares choses qui marchent encore dans notre
pays : les grandes écoles, les concours anonymes, les entreprises
multinationales, les scientifiques de talent.
Florence Guernalec nous a décrit avec lucidité le résultat de cette
convergence vers la pensée unique : l’homme de la Norme. Elle nous livre
chapitre après chapitre ce qu’il pense sur le
libéralisme, le pouvoir, la société de consommation, le sexe, la
morale, les inégalités, les injustices sociales, la pauvreté. L’échec
patent de ses années de pouvoir aurait dû discréditer la
Norme. En trois chapitres, le livre explique comment elle a réussi à
survivre : par le mensonge organisé, la promotion des acquis, et
l’Europe.
Florence Guernalec a fait un travail méticuleux et complet, écrit
dans un style alerte avec un humour grinçant. On le lit en souriant,
mais avec une légère inquiétude lorsqu’on se demande si
cette description est applicable à soi-même.
D’aucuns trouveront cette description pessimiste. Ce n’est pas mon
avis. C’est seulement grâce à la prise de conscience que permet ce livre
qu’un sursaut pourra naître. Le dernier chapitre tente
d’ailleurs de répondre à l’interrogation « Comment sortir de la
Norme ? » Il rejoint ainsi le message qu’Ayn Rand, la grande philosophe
et romancière américaine, délivre à la fin du paragraphe
dont nous avons donné le début plus haut :
Cependant quelques
uns tiennent bon et vont de l’avant, sachant qu’ils ne doivent pas
trahir leur feu sacré, apprenant à lui donner une forme, un
but et une réalité. (1)
C’est pour encourager ceux-là que Florence Guernalec a écrit son livre.
Jacques de Guenin
Dans la continuité Jacques de Guenin nous livre le: Portrait de « l’Homme de la Norme »
Il est contre la peine de mort et pour l’avortement.
Il soutient les sans-papiers et les mal-logés.
Il milite pour la protection de l’environnement.
Il défend les droits des femmes et des minorités.
Il s’oppose à la répression policière et encourage la prévention de la délinquance.
Il se bat pour la retraite à 60 ans et rejette les fonds de pension.
Il est très attaché à l’État providence, aux services publics et à l’école laïque.
Il réclame l’annulation de la dette des pays les plus pauvres.
Il s’élève contre les licenciements et les délocalisations. Il approuve toutes les grèves par principe.
Il refuse la mondialisation néolibérale, craint le pouvoir des multinationales et des « gros actionnaires ».
Il déteste l’argent et la spéculation financière.
Il est très critique à l’égard de l’Amérique. Il rejette sa
puissance économique et militaire, et son industrie du divertissement.
L’ « Homme de la Norme » a des valeurs et aime le faire savoir : il
répète partout qu’il défend l’égalité des chances et les libertés
individuelles ; il prône la solidarité entre les citoyens et
combat les « injustices sociales ». Normal, il est dans la Norme et
vote pour la Norme, le parti des progressistes.
Dans la vie courante,
Tous ses vêtements et tout son électroménager ont été fabriqués dans
le Tiers-monde par des ouvriers payés une poignée de dollars et non
syndiqués.
Il manifeste contre les démocraties à chaque sommet du G8 et de
l’OMC, il ne s’oppose jamais aux violations des droits de l’Homme dans
les dictatures.
Il ne fréquente que les cliniques et hôpitaux privés, ses enfants
ont une nounou à demeure, sont inscrits dans une école privée et feront
leurs humanités dans une université américaine.
En ville, il ne se déplace qu’en voiture. Il déteste le vélo et
encore plus les transports en commun à cause de la foule et des odeurs.
Ses revenus mensuels lui assurent le strict minimum : un bel
appartement dans un immeuble bourgeois sans immigrés et situé dans un
quartier tranquille, une femme de ménage non déclarée, des
vacances hors de prix dans un pays pauvre…
Il a de l’argent en bourse, très peu en réalité : son entreprise l’a obligé à investir.
A son travail, le tutoiement est de rigueur. Il fait en sorte d’être
copains-copains avec ceux qui sont moins bien payés que lui mais ne
déjeune jamais avec eux.
Ces petites contradictions n’ébranlent pas sa bonne conscience, l’ «
Homme de la Norme » est une heureuse nature : il est sincèrement
persuadé d’être un « mec bien ». Et à vrai dire, rien, ni
personne ne peuvent entamer l’odeur de sainteté qui plane sur l’«
Homme de la Norme ». Ses idées généreuses et altruistes le préservent de
toute critique. Il fait partie de la caste des
intouchables. D’ailleurs, l’ « Homme de la Norme » jouit d’une
bonne image dans les médias : ce qu’il fait bénéficie toujours d’un a
priori positif. Et il passe même pour une autorité
intellectuelle : ses propos sont parole d’évangile.
Le soir, l’ « Homme de la Norme » s’endort sans états d’âme… Et il
se lève le matin, le cœur léger car il appartient à la Norme et pour
lui, c’est l’essentiel.
Florence GUERNALEC est journaliste et essayiste. Son récent ouvrage
“Panorama de la pensée unique” humain, caustique et lucide, décrit avec
perspicacité la pensée unique qui encombre les esprits
en France. L’essai en analyse les porteurs, les valeurs, les
fondements, les ornières, les suffisances, les auto-satisfactions.
Nous étudierons le compromis médian porté par la pensée unique entre
libéralisme et socialisme. Nous nous interrogerons aussi sur le fait
que la pensée unique se soit généralisée en France à la
Chute du Mur au son de ” toutes les idéologies sont mortes ” alors
qu’en réalité, une seule idéologie venait de mourir : le communisme.
Cet ouvrage est publié par les éditions Charles COQUELIN :
Il aime tout et tout le monde sans nuance – excepté la guerre,
l’argent, le pape, le Sida, Hitler, l’Amérique, les licenciements et le
verglas sur les routes. Il se donne des airs « cool », ne
dit jamais « je » mais « nous » : il croit sincèrement parler au nom
de tous et a l’assurance de ceux qui s’imaginent avoir forcément
raison. Touchez à un de ses cheveux et vous en ferez un
martyr… Le militant altermondialiste est une espèce protégée. Tout
le monde l’aime, personne n’ose le critiquer. C’est un saint ! Restait à
lui trouver un ennemi crédible : le rôle du méchant a
été attribué à l’unanimité au Libéralisme. Il lui aura suffit d’un
slogan publicitaire – « Le monde n’est pas une marchandise » – pour
rendre son cri audible. Aujourd’hui, nul besoin d’échafauder
de grandes idées pour être pris au sérieux et faire l’ouverture du
journal de 20 heures… Le Libéralisme sera donc « sauvage » ou ne sera
pas. Et la société capitaliste sera soumise à la « Loi de
la jungle » et à la « Loi du plus fort ». Dans Le « petit
Libéralisme illustré » de la Norme, l’image du « renard libre dans le poulailler libre » charrie tous les fantasmes et les peurs des
contes pour enfants : les proies faciles symbolisent ici les «
honnêtes travailleurs » ; et les prédateurs, les capitalistes. Le
prêt-à-penser de la Norme compile un ensemble de formules
chocs, faciles à retenir et à emporter partout. A répéter sans
réfléchir… Dans cette parodie de procès, ne manquent que les preuves et
les éléments à charge. Mais pour l’« Homme de la Norme »,
l’affaire est entendue, inutile de se justifier : le Libéralisme
traîne avec lui une odeur de soufre qui a pour noms, « plans sociaux », «
chômage », « précarité », « sans-abri », « injustices
sociales »… Conspué et décrié de toute part, le Libéralisme est donc
condamné à la peine capitale : dans les réquisitoires, les mots «
nazisme » et « fascisme » sont employés comme des injures
pour qualifier l’ « horreur » attribuée au Libéralisme et à ses
complices. Idéologie et démagogie sont les deux mamelles qui nourrissent
les pages Débats des quotidiens et toute une littérature
de gare toujours prompte à dénoncer les méfaits de la « bête immonde
».
Que savent ces maîtres à penser sur le Libéralisme ? Strictement
rien. Ceux qui croient appartenir à l’élite de la France et qui se
pressent sur tous les plateaux de télévision pour participer au
lynchage, jouent aux économistes comme les enfants jouent au
docteur… Parmi ceux qui font le plus de tapage médiatique et vendent le
plus de livres, aucun n’a étudié les Sciences Economiques, ni
même l’Histoire économique car au fond, aucun ne s’y intéresse
vraiment, même entre la poire et le fromage. Aucune de ces « consciences
» n’est capable de définir le mot « Libéralisme » encore
moins d’en dessiner les contours. Au pays de l’ignorance, ils sont
les rois. Et en tant que tel, ils règnent sans partage sur leurs sujets,
l’Homme de la rue : ces personnalités médiatiques
entretiennent le fantasme que ceux qui dirigent le monde, « veulent
la peau » du peuple. Il aura donc suffit que ces maîtres à penser se
présentent comme des esprits cultivés, dotés d’une grande
intelligence, pour que personne n’ose émettre de doutes sur la
probité et la pertinence de leur discours.
Si la Norme s’intéressait réellement à l’Histoire, elle saurait que
le Libéralisme n’est pas une idéologie : personne n’a inventé le «
laisser-faire » – ni la Bourgeoisie, ni des
pseudo-économistes à la solde des capitalistes. Lorsqu’il y a 3000
ans avant J-C, les Phéniciens quittaient les rives de Byblos pour vendre
leurs marchandises en Méditerranée – déjà les prémices
de la mondialisation – ils étaient sans le savoir des libéraux comme
Monsieur Jourdain déclamait de la prose. Le Libéralisme s’est
naturellement imposé comme LE mode de développement du commerce
et des échanges. Autrement dit, le Libéralisme est aussi vieux que l’Economie car le Libéralisme, c’est l’Economie – et inversement.
Au début de l’industrialisation au XVIIIe siècle, les
penseurs commencent à s’intéresser aux pratiques et usages en cours
dans le commerce : ils découvrent alors les « lois naturelles » de
l’économie à savoir la libre circulation des Hommes et des
biens, le libre-échange des marchandises et la liberté des prix.
Pour qu’il y ait transaction sur un marché, vendeurs et acheteurs
doivent s’entendre sur le prix. Les premiers économistes mettent
ainsi en évidence que le prix de vente d’une marchandise est
déterminé par sa valeur d’échange (et non par sa valeur d’usage). Et ce
prix évolue en fonction de la loi de l’offre et de la demande.
Le revenu d’un individu et par extension la richesse des nations,
proviennent donc de la vente de biens et de services. Par leur commerce,
les entrepreneurs contribuent au développement
économique de la société et au progrès car non seulement, ceux-ci
retirent un salaire de leur activité mais ils enrichissent indirectement
les différents agents économiques – ménages,
entreprises, Etat – par leur consommation et les impôts prélevés sur
leurs revenus.
La Norme se moque pas mal des « lois naturelles » de l’économie.
Elle préfère s’enflammer pour des idéologies échafaudées par des esprits
révoltés et utopiques. Les différents courants
antilibéraux qui fleurissent en France à partir de la fin du XVIIIe,
remettent en cause la Révolution industrielle comme source de progrès.
Les premiers Socialistes proposent de remplacer la
société capitaliste par une « société harmonieuse » au service de
tous qui supprimera la concurrence entre les producteurs et les rapports
de force entre les classes sociales. Ainsi naît l’idée
d’une économie planifiée, débarrassée de la propriété privée et de
capitalistes accusés d’être à l’origine des inégalités sociales. Pour la
Norme, l’économie doit être contrôlée et orientée par
l’idéologie, et les libertés du commerce, restreintes.
En Russie, les Communistes mettent en œuvre ce programme
révolutionnaire en collectivisant les moyens de production. Le patronat
est remplacé par une superstructure politique qui fixe les
orientations et objectifs des entreprises sans consulter le peuple.
Dans cette société planifiée, l’offre est donc totalement déconnectée de
la demande : en clair, les producteurs ne tiennent pas
compte des désirs des consommateurs et les prix ne sont pas fixés
par le marché. Résultat la majeure partie des marchandises produites ne
trouve pas acheteur. Sans ventes, l’argent nécessaire
pour faire fonctionner les chaînes de production et payer les
travailleurs, fait défaut. Et comme les entreprises sont en situation de
monopole, elles ne sont pas incitées à fabriquer de nouveaux
produits susceptibles d’intéresser les consommateurs, ni même à
améliorer la qualité des biens qu’elles produisent. Enfin, les individus
ne retirent aucun bénéfice personnel de leurs efforts :
dans ce système, les ouvriers ne peuvent, en effet, espérer de
meilleurs salaires et une amélioration de leur niveau de vie puisque les
résultats financiers de leur usine comme ceux de l’ensemble
de l’économie nationale, sont médiocres. Bref, l’idéologie socialiste « marche sur la tête » car elle défie toutes les « lois naturelles » de l’économie.
La Norme française ne retient pas les leçons de l’Histoire. Elle
s’obstine à faire une lecture idéologique des événements au lieu
d’examiner les faits : ainsi, les hommes politiques attribuent la
crise économique des années 70 au Libéralisme qui fait une fois
encore figure de coupable idéal. Or le ralentissement de la croissance
ne provient pas de la dérégulation des marchés et de la
mondialisation comme elle l’affirme mais du déclin du secteur
industriel qui détruit désormais plus d’emplois qu’il n’en crée. La
Norme oublie que pendant les trente glorieuses (1945-1975), le
Libéralisme est synonyme de plein-emploi, de progrès social et
d’augmentation constante et significative du niveau de vie des ménages.
Et pourtant, tous les hommes politiques français
militent pour moins de Libéralisme et plus de sociale-démocratie. La
version imaginée par Valery Giscard d’Estaing s’apparente à un cocktail
exotique composé d’un tiers de Libéralisme, un tiers
de Communisme et un tiers d’improvisation : en clair, le secteur
privé est étroitement encadré par un Etat omnipotent qui pèse sur tous
les rouages de la vie économique et sociale, et le barman
Giscard jongle maladroitement avec les deux liqueurs. Cette
politique marque l’apogée de l’Etat providence cher aux partis de la
Norme qui vont se succéder aux affaires. Au final, le cocktail
magique concocté par la Droite a un goût amère puisque la pression
fiscale augmente lourdement, le chômage aussi. Et rien n’est fait pour
favoriser l’émergence de nouveaux secteurs économiques
créateurs d’emplois.
Mai 81 sonne l’heure de la « rupture avec le Capitalisme ». Après 23
ans d’opposition, la Gauche a les mains libres pour mettre en œuvre la «
troisième voie » (ni Libéralisme, ni Communisme) - il
ne s’agit en réalité que d’une radicalisation de la politique
social-démocrate de Giscard d’Estaing. Le nouveau pouvoir politique
rejette l’économie de marché au profit d’un Etat entrepreneur :
avec les nationalisations des banques et des principaux groupes
industriels du pays, François Mitterrand entend ainsi contrôler
l’économie libérale. Le gouvernement espère relancer la
consommation et faire baisser le chômage en augmentant les dépenses
publiques. La France allait ainsi passer des « ténèbres à la lumière »
dixit Jack Lang. L’aventure tourne vite court car le
bilan économique et social de cette politique socialo-communiste est
désastreux : avec une inflation à deux chiffres, plusieurs dévaluations
du Franc, un déficit public et commercial creusés, le
pouvoir d’achat des français régresse, le chômage continue de
grimper et la France voit apparaître les premiers SDF. Un an après son
arrivée triomphale au pouvoir, François Mitterrand est
contraint de stopper net l’expérience de la « troisième voie » et de
mettre en place une politique de rigueur pour combler les déficits. Les
alternatives au Libéralisme meurent jeune…
En désaccord avec les nouvelles orientations de la Gauche, le Parti
Communiste (PC) claque la porte du gouvernement au début des années 80.
Le PC met ainsi fin à la collaboration entamée avec les
Socialistes en 1972, avec la signature du « Programme commun ». Au
sein de la Norme française, le Communisme jouit toujours du bénéfice du
doute, en particulier chez les « mal comprenants ».
Malgré la multiplication des témoignages sur la réalité du système,
ses plus fervents supporters affirment même que l’URSS est un modèle de
société. Officiellement, la vie des soviétiques est un
long fleuve tranquille : le pays ne connaît pas le chômage, ni la
pauvreté. Les conflits sociaux n’existent pas… Et pourtant, la Norme va
se prendre une bonne claque dans la figure : l’histoire
commence comme un mauvais jeu de rôles - un pays est partagé en
deux, la partie située à l’Ouest est libérale ; celle située à l’Est,
communiste. Après quarante ans de ce jeu de massacre, les «
joueurs » constatent que l’économie de l’Ouest s’est développée
tandis que celle de l’Est restait bloquée au moment où le « jeu » a
débuté : le tissu industriel de l’Ouest s’est modernisé et le
pouvoir d’achat de ses habitants a augmenté tandis que les
conditions de vie de la population de l’Est ont stagné voire régressé au
fil des ans… S’agit-il d’une mauvaise science-fiction ou d’un
délire imaginé par les libéraux ? Ni l’un, ni l’autre. C’est en fait
l’expérience qu’a vécue l’Allemagne de 1949 à 1989. Le mur du Berlin ne
permet plus de cacher ce que les esprits libres et
clairvoyants savaient déjà depuis longtemps : le Libéralisme, c’est la gestion de l’abondance ; le Communisme, la gestion de la pénurie.
Mais pour la Norme française, l’expérience
allemande comme toutes les autres vécues dans les pays de l’Est et
le tiers-monde, ne prouve rien : selon elle, l’idéal socialiste a
partout été dévoyé par une poignée de réactionnaires, rien ne
permet de remettre en cause cette idéologie. En France, le
Communisme demeure étrangement inattaquable…
Les années 80 auront provisoirement mis fin aux illusions des
nouilles qui croyaient encore aux « lendemains qui chantent ». Partout
où le Communisme a régné, il a échoué lamentablement. Partout
où un gouvernement a mis en place une « troisième voie », il s’est
pris les pieds dans le tapis : le PIB par habitant des pays libéraux
comme les Etats-Unis est plus élevé et augmente plus vite
que celui des pays sociaux-démocrates comme la France. Ce résultat
n’est pas surprenant puisque les économies libérales enregistrent de
meilleurs taux de croissance que les économies
administrées, et un taux de chômage inférieur. Rattrapée de plein
fouet par la réalité, la Norme française est contrainte d’adapter son
discours à défaut de changer radicalement de politique,
elle se livre alors à quelques contorsions intellectuelles censées
lui éviter de « perdre la face » et de faire son mea culpa : la Norme
persiste à condamner fermement le « Libéralisme sauvage »
(ou ultra-libéralisme), et invente l’expression de « Libéralisme
tempéré » (ou régulé) qui a ses faveurs mais qui ne s’affirme que du
bout des lèvres et sur la pointe des pieds pour ne pas
effrayer une partie de son électorat. Ainsi, après avoir dénoncé les
terribles ravages causés par le Capitalisme, la Norme nous apprend sans
crainte du ridicule, qu’il y a désormais un « bon » et
un « mauvais » Libéralisme. La bonne blague peut se résumer par la
formule du social-libéral Lionel Jospin : « oui à l’économie de marché,
non à la société de marché ». Ces acrobaties de langage
ne parviennent pas à cacher l’essentiel : par ce demi-aveu, la Norme
donne entièrement raison aux adeptes du Libéralisme, même un idiot
l’aurait compris. Et les travailleurs réalisent un peu tard
qu’on les a trompés, que les manifestations et grèves qu’ils ont
organisées contre le système capitaliste, n’ont servi à rien ! Le
Libéralisme a gagné la partie sans même avoir eu besoin de se
défendre : ses adversaires se sont disqualifiés tout seul.
Florence Guernalec
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Sur le pouvoir
. Sur la société de consommation
. Sur le sexe
. Sur la morale
. Sur les inégalités et les injustices sociales
. Sur la pauvreté
Seconde partie : Comment survit la Norme
. Le mensonge organisé
. La promotion des acquis
. L’utopie européenne
. Sortir de la Norme
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