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août 15, 2022

HISTOIRES & TENDANCES de Hans Herman HOPPE !

Hoppe nous raconte quelques histoires qui expliquent le monde actuel...

A lire impérativement..... La compréhension de monde en toute honnêteté est entre vos mains !

 

 


 

Schémas historiques et tendances selon la perspective Austro-libertarienne

C.-à-d., je souhaite vous raconter quelques histoires, disons, qui expliquent le monde actuel.

Et l’histoire consiste en trois sous-histoires. Elles sont toutes interconnectées, se déroulent d’une certaine façon, en parallèle, mais bien sûr, je les présenterai l’une après l’autre.

Une première, puis la deuxième, enfin la troisième, et elle se complèteront mutuellement pour former une image complète qui, j’espère, vous fera mieux comprendre le monde actuel.

La première histoire, qu’aujourd’hui les gens appellent le premier narratif, concerne l’origine des États, les changements d’États, ou les constitutions des États, au cours du temps. Elle est similaire à une reconstitution historique.

Et la deuxième histoire concerne la concentration des États, traite les problèmes de la guerre et de l’impérialisme.

Et la troisième histoire qui complète alors l’image d’ensemble, traite de la monnaie, des banques et de la centralisation monétaire.

 


Je commencerai donc par la première. Je vous lirai une page tirée d’un de mes travaux qui explique les fondations mêmes du libertarianisme, ses principes mêmes, puis j’élaborerai plus librement à partir de là.

Sans rareté dans ce monde, il n’y aurait pas de conflit entre les gens. Mais la rareté existe. Depuis notre départ du Jardin d’Eden, les choses sont rares, en pénurie. Et parce qu’elles sont rares, on peut en venir à se battre pour elles. Je veux faire quelque chose d’un certain objet, mais vous pourriez vouloir faire autre chose de ce même objet. Donc, si l’on veut vivre en paix mutuelle, il faut que toutes les choses rares soient dans les mains d’individus distincts. C’est-à-dire qu’on a besoin de la propriété privée pour éviter les conflits. De telle sorte que je possède certaines choses et j’en fais ce que je veux. Et vous possédez d’autres choses, et vous en faites ce qui vous passe par la tête. C’est la seule solution pour éviter les conflits, à moins d’une parfaite harmonie de tous les intérêts ; autrement dit, sauf si chacun veut que les autres fassent exactement ce qu’il attend d’eux. Mais évidemment, on ne vit pas dans un tel monde. Dans un monde où chacun a une idée différente de ce qu’on devrait faire, de ce qui rend heureux ou malheureux, il nous faut la propriété privée pour faire ce que qu’on veut sans entrer en conflit avec d’autres gens.

Hans-Hermann Hoppe

Alors, la question est : comment décider qui possède quoi, et qui ne possède pas ? Et la réponse libertarienne est la suivante : la prémisse est, bien sûr, que chacun possède son propre corps physique. Vous faites ce que vous voulez de votre corps, je peux faire ce que je veux du mien, je n’interfère pas envers votre corps et vous n’interférez pas envers le mien. Quant aux objets externes, afin de ne pas entrer en conflit, la règle d’acquisition de la propriété, la propriété privée, est : celui qui le premier vient à s’approprier ce qui était auparavant non possédé en devient le possesseur. Parce que seule le premier peut évidemment s’approprier ces choses sans déclencher un conflit. Le second ne peut faire cela. Si elle est déjà appropriée par l’un, le second alors, s’il veut s’approprier la même chose, ferait entrer en conflit. Et puis bien sûr, la propriété peut être transmise via des accords librement consentis. Je peux vous transmettre ce que je me suis préalablement approprié, et vous pouvez transmettre tout ce que vous vous êtes approprié à la personne suivante.

Ce sont là des règles très simples, intuitives et sensées, et qui en gros constituent le programme libertarien. Voilà comment on acquiert la propriété privée, et voilà comment on évite les conflits. Même si on suit généralement ces règles, bien sûr aussi des gens les enfreignent. Des gens qui volent la propriété [d’autrui]. Ou qui n’attendent pas que je leur transmette cette propriété, mais qui la prennent sans mon consentement. Alors que faire des contrevenants ? Tant que l’humanité sera ce qu’elle est, il y aura des contrevenants. Qui décide quand les règles sont enfreintes, qui a raison ou tort ? Qui devient le juge, l’arbitre ?

Maintenant, imaginez que quelqu’un propose : « Oh, j’ai la solution pour résoudre ce problème : à chaque cas de conflit, y compris ceux où je suis impliqué, c’est moi qui décide qui a raison ou tort. » Y a-t-il une chance quelconque que quiconque accepte cette règle ? Et je parie que personne n’accepterait jamais une telle règle, car tout le monde saurait ce qui se passerait alors. Si telle était la règle, cela signifierait au fond que je pourrais initier un conflit avec vous, je pourrais vous voler quelque chose, vous frapper à la tête si je le veux, puis vous vous en plaindriez, « pourquoi m’avez-vous volé ? », « pourquoi m’avez-vous frappé à la tête ? », et que je dirais alors : « je suis celui ayant le dernier recours dans cette affaire, et il était bien sûr entièrement justifié que je me conduisis ainsi ».

Une telle règle serait évidemment considérée comme ridicule. Maintenant, vous réalisez bien sûr que c’est précisément ainsi que les États se conduisent partout dans le monde. C’est-à-dire qu’ils peuvent initier un conflit : ils peuvent vous exproprier, ils peuvent enfreindre ces règles simples que j’expliquais au début. Et si vous vous plaignez, qui décide qui a raison ou tort ? Un juge, qui est employé de l’État. Alors la question est : comment une institution aussi folle que l’État a pu être rendue possible ? Une chose qui, à première vue, ne fait aucun sens quelconque ! Je veux simplement [ici] reconstruire ce qui l’a rendu possible.

 


Initialement, vers la période du Moyen Âge, les gens exposaient leurs conflits réciproques à ce qu’on appellerait des aristocrates ou des nobles. On ne choisit pas comme juges des gens sans influence, ou non respectés par le reste des gens, car en fin de compte il faudra faire appliquer le verdict prononcé par le juge. Et ce n’est qu’en ayant des gens éminents, ayant réussi, qui sont respectés par le public, qu’on rend possible l’application du verdict, que les gens pourront l’accepter : voilà le jugement juste, et voilà la manière de résoudre le problème. Et il n’y avait pas rien qu’une personne, une seule institution, à qui s’adresser pour résoudre les conflits, mais plusieurs. Plusieurs personnalités éminentes, des aristocrates ou autres, des gens grandement respectés, parmi lesquels choisir.

Et personne n’était le juge ultime. Même si un juge prenait telle ou telle décision, sa décision n’était pas définitive, il n’avait pas le dernier mot, on pouvait toujours aller chez un autre. Et on considérait que tous, tous les juges, suivaient le même droit. Personne n’avait de position de monopole sur ce point. On pouvait même faire appel : aller voir le Roi, en appeler au Pape. Et même le Pape n’était pas le juge suprême car les Papes aussi perdent leur emploi. Il y avait donc concurrence entre les postes d’arbitre de la façon dont les conflits devaient être réglés.

De grandes étapes [furent] alors franchies, et la plus décisive fut celle où l’un de ces juges choisis librement, encore en concurrence face à d’autres juges pour le respect, s’éleva pour prendre le monopole de juge. « Ma parole a le dernier mot. Et ma décision est sans appel. Personne n’est au-dessus de moi, ma décision est définitive et c’est ainsi. » On pourrait appeler cela un roi absolu. Il élimine tous ses concurrents potentiels, tous les autres nobles et juges auprès de qui faire appel si l’on n’est pas satisfait de la première décision telle que rendue.

Comment parvinrent-ils à ce virage ? D’une part, en soudoyant quelques-uns de leurs juges concurrents en disant : « Ok, je vous donnerai quelque poste subalterne dans mon tribunal ». Et l’autre chose qu’ils disaient, en s’adressant aux gens, la population en général, était : « Écoutez, il pourrait bien y avoir des obligations et des contrats vous liant à d’autres gens que vous regrettez d’avoir conclus ; et bien je vous libérerai de ces obligations. » Et ainsi obtinrent-ils le soutien public pour passer de juges en concurrence à un seul juge en monopole.

Historiquement, ce processus prit plusieurs siècles. Il démarra à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe, quand les États se constituèrent là où il n’existait rien de tel. Il existait des centres d’autorité en concurrence, mais pas d’autorité suprême. Donc plusieurs siècles furent nécessaires pour que quelques-uns atteignent ce poste de juge suprême. Alors, dès que ce poste fut occupé, deux institutions émergèrent. La première fut que, soudain, des impôts furent pris de force aux gens. Auparavant, mêmes les riches, les nobles etc. devaient demander à leurs suzerains d’accepter leurs impôts. Et s’ils refusaient, il n’y avait pas d’impôt. Mais désormais, puisque monopoleur, on peut dire : « Ok, vous me devez ceci ou cela ». Et si les gens protestent, on dira : « Écoutez, je suis le juge suprême, et je vous dis : vous me devez ceci, c’est ainsi. Et si vous ne faites pas ce que je vous dis, vous en serez puni ».

La seconde [institution] à naître fut, pour la première fois, cette chose qu’on appela « législation ». Auparavant, les lois n’étaient pas faites. Les lois étaient considérées comme découvertes et appliquées à tous exactement de la même manière. Ces lois que j’ai mentionnées au tout début : comment la propriété est établie. Ce n’était pas là des lois créées par quelqu’un, c’était des lois naturelles. Naturelles au sens où, si on veut éviter le conflit, alors voilà les lois naturelles, et elles ne peuvent être différentes, sinon il y aura conflit. Mais désormais, avec l’établissement de rois absolus, on a une situation où on peut faire des lois, inventer des lois. Vous devez faire ceci ou cela. Vous avez telle ou telle obligation.

Ainsi, fiscalité et législation vinrent à exister. D’abord bien sûr en faible portions, pas de fiscalité massive, et pas de législation lourde, mais lentement, lentement, l’impôt sera prélevé et les taxes seront augmentées et lentement, lentement, les lois seront faites. Et bien entendu, les lois seront faites évidemment pour bénéficier au dirigeant. Et la cour qu’il rassemble autour de lui.

Le roi René d’Anjou.

Et puis la dernière étape de l’évolution, qui nous rapproche de l’époque actuelle, est que le poste de roi est remis en cause par des gens divers. Surtout par les intellectuels. Dans le style : « Oui, mais n’est-ce pas là une violation du principe d’égalité devant la loi, s’il y a un seul gars, le roi, qui peut faire les lois ? N’est-il pas un privilégié ? N’y a-t-il pas désormais deux types de lois ? Les lois s’appliquant aux gens normaux, et les lois s’appliquant au roi ? Il est au-dessus de la loi s’appliquant aux gens normaux. Cela doit cesser ! C’est une violation des principes de justice ! »

Et quelle fut la réponse à ceci ? La réponse fut de dire que ce qu’on doit faire, c’est rendre possible que n’importe qui devienne le roi ! C’est-à-dire qu’on crée la démocratie. Ce n’est pas le roi seul qui devrait avoir le droit de faire cela, tout le monde devrait en avoir le droit. Tout le monde devrait pouvoir être le roi, pour ainsi dire. La question toutefois est : ce pas franchi induit-il que tous devinrent égaux devant la loi ? La réponse est : non, bien sûr que non. Qu’on élise un président, un premier ministre ou quel qu’en soit le nom, il peut faire les mêmes choses qu’un roi pouvait faire avant.

Rappel, deux types de droit existent encore. Un type de droit est ce qu’on appelle le droit privé, s’appliquant à tous dans les affaires privées, et l’autre type de droit, qu’on ne nommerait même pas droit, est le droit [public]. Le droit [public] est le droit qui protège et s’applique aux gens démocratiquement élus à la tête de l’État. Donc, deux types de droit existent en démocratie, tout comme deux types de droits existaient sous un roi absolu.

Dès lors, qu’implique ce changement de la monarchie vers la démocratie ? À nouveau, pour indiquer à peu près quand cela se produisit historiquement, ce processus débuta avec la Révolution Française, où la monarchie subit pour la première fois une lourde attaque, disons, et la fin du processus est, du moins pour l’Europe Occidentale, la fin de la Première Guerre Mondiale, quand presque toutes les monarchies furent abolies et que la démocratie devint le principe d’organisation de toutes les sociétés occidentales.

Ainsi, la signification de cette transition est la suivante. Quelqu’un comme un roi, qui considère son pays comme sa propriété et les gens y vivant comme ses locataires, est remplacé par un administrateur temporaire. Le roi pouvait vendre une partie de son royaume ou le transmettre aux générations futures. Il avait ce qu’on pourrait appeler une basse préférence temporelle, soit un horizon lointain de planification précisément parce qu’il se considérait comme « une sorte de propriétaire de tout ce truc ». Un politicien démocratiquement élu en charge du pouvoir ne se considère pas comme propriétaire de l’endroit mais comme un administrateur temporaire. Il ne peut vendre quoi que ce soit ni en conserver les fruits, ni les transmettre à la prochaine génération.

Cela fera-t-il la différence dans sa manière de conduire son affaire ? La réponse est : oui, cela fera une énorme différence. J’essaie toujours d’expliquer ceci à mes étudiants de la manière suivante. Imaginez que vous possédez une maison. Vous pouvez la transmettre via héritage, vous pouvez la vendre, ainsi de suite. Ou alors, vous avez la même maison et pendant quatre ans vous en faites ce que vous voulez, mais vous ne pouvez pas la léguer, vous ne pouvez pas la vendre et garder les produits de la vente. Prendrez-vous soin de la maison de la même manière ?

La réponse est : non, bien sûr que vous ne prendrez pas soin de la maison de la même manière. Si vous n’en êtes qu’un gardien temporaire, vous tenterez de tirer le maximum de la maison dans le temps le plus court possible, parce qu’après quatre ou cinq ans, vous pourriez bien ne plus en être le gardien, et la maison pourrait bien être alors en ruine. Feriez-vous de même en tant que propriétaire de la maison ? La réponse est : il est très peu probable que vous le fassiez. Je ne l’exclus pas, il y a parfois des fous dans le monde, en réalité il y a vraiment beaucoup de fous dans le monde, mais il est bien moins probable que les gens fassent cela s’ils possèdent l’endroit.

 


La démocratie est donc un système qui mène à la consommation systématique du capital. C’est-à-dire où les gens consomment dans le présent parce qu’ils ne connaissent pas leur situation future, au lieu d’accumuler du capital et de planifier à long terme. Je dois mentionner autre chose. En démocratie, parce les gens sont élus, on pourrait dire : « N’est-il pas mieux d’avoir une course pour savoir qui sera le dirigeant plutôt que l’absence de concurrence quand un roi gouverne le pays ? » Et la réponse ici est : non, la concurrence est bonne quand elle concerne la production de biens, c.-à-d. la production de choses dont les gens veulent.

Mais la concurrence n’est pas bonne pour les choses mauvaises, malfaisantes, celles dont les gens ne veulent pas. Les gens ne demandent pas à être taxés. Ils ne diront pas : « hé, taxez-moi, taxez-moi, taxez-moi, j’aime être taxé ! » Ils ne demandent pas : « Faites une autre loi, faites une autre loi, cela vous bénéficie et me fait du mal ! » Ils en ont peur. Mais puisque l’activité des États est de taxer et légiférer, donc faire de mauvaises choses, des choses malfaisantes, la concurrence en la matière est une mauvaise chose ! On ne veut pas de concurrence dans « qui est le meilleur meurtrier ? », « qui est le meilleur dirigeant de camp de concentration ? » Pour cela, on est heureux d’avoir des gens incompétents, stupides, des gens inefficaces. Mais la démocratie, précisément, produit les plus grands démagogues, et les plus grands escrocs s’élèveront jusqu’au sommet.

Imaginez-vous diriger une campagne et dire, « Hé, je veux que la propriété privée soit protégée en toutes circonstances. Je ne veux subir aucun impôt, je ne veux aucune redistribution de revenus et de richesses, et ainsi de suite. On doit cesser de faire des lois, sauf les principes que j’ai évoqués au tout début. » Quel succès auriez-vous lors d’une telle campagne ? C’est ça, vous n’auriez pas beaucoup de succès. Parce que bien sûr, la démocratie permet aux gens d’utiliser leur vote pour [l’appropriation] de la propriété d’autres gens. Dans l’histoire de la pensée politique, on ne trouve presque personne ayant jamais fait promotion de la démocratie.

Jusqu’à très récemment, mais dans le passé, les gens s’en rendaient compte : la démocratie est un moyen pour les gens qui ont moins, qui n’ont rien, de s’arroger par le vote la propriété de ceux qui ont plus et qui s’en tirent mieux qu’eux. Elle promeut l’immoralité. La démocratie pourrait fonctionner dans de très petits villages. Parce que tout le monde y connaît tout le monde. Vous savez, Mr X est un gentil gars, et Mr Y est un sale type. Et on aurait honte d’essayer de voler la propriété d’autrui, car les gens se connaissent l’un l’autre. Mais avec des États faits de millions et de millions de gens, on ne connaît pas qui on vole. Donc l’inhibition subie sinon envers le vol de son prochain disparaît tout simplement.

Un mot à propos des rois, peuvent-ils aussi être de parfaits malfaisants ? Oui, c’est possible. Mais parce qu’ils héritent de leur fonction, qu’ils ne sont pas élus, ils peuvent aussi être parfois de bonnes personnes. Les dirigeants démocratiques ne peuvent être de bonnes personnes, parce qu’ils sont le fruits d’élections, de la concurrence entre eux, [entre menteurs].

Voici donc la première histoire, comment les États évoluent. Et comment la structure, la constitution des États, a changé au cours de combien de milliers d’années. Maintenant, j’en viens à la deuxième histoire qui en un sens complète la première, forme une image plus complète que celle que j’ai développée jusqu’ici.

Dans une situation où il n’y a aucun État, on a bien sûr des combats et des activités guerrières entre différents groupes et autres, différents gangs, différentes familles se combattant. Ce n’était pas une situation où tout était absolument paisible, et merveilleux, paradisiaque. Mais avant le développement de l’État, à chaque fois qu’on s’engageait dans l’agression d’autres gens, une fois des gens en conflit avec un autre groupe, il fallait payer le coût soi-même d’être un agresseur. Agresser des gens n’est pas sans coût. Il faut en avoir les moyens, il faut l’argent pour cela, il faut les armes pour cela, il faut des alliés, etc., qu’il faut payer pour se battre.

Alors il fallait toujours y réfléchir, pour entrer en conflit avec d’autres, se battre contre d’autres gens, il fallait toujours considérer ce que ça pourrait coûter pour soi. Vais-je gagner ? Vais-je perdre, etc. ?

Dès qu’on a l’institution de l’État, faire la guerre devient une tout autre affaire. Parce que désormais, on peut faire payer à d’autres le coût de son agression et de sa pulsion agressive envers d’autres gens. Rappelons-le encore, on peut recourir aux impôts. Des gens, qui pourraient vouloir ne rien avoir affaire avec votre guerre, doivent la payer. Imaginons que disons M. Bush, quand il débuta sa guerre au Moyen-Orient, ait eu à financer lui-même sa guerre, et à recruter ses copains et amis pour leur dire : « Voulez-vous contribuer à financer cette guerre ? »

Eh bien, il aurait pu trouver quelques personnes prêtes à contribuer, mais tous les Américains auraient-ils dit : « Hé, merveilleux, bonne idée, voici mon argent, allez-y » ? Et la réponse est : non ! Des millions de gens auraient dit : « Qu’est-ce que j’en ai à affaire, des Iraniens ? Qu’est-ce que j’en ai à faire, des Afghans ? C’est votre guerre ! Payez-la vous-même, et laissez-nous en dehors de ça ! »

 


Donc la probabilité de la guerre augmente gravement dès qu’on peut en externaliser le coût sur des gens qui en réalité ne s’y intéressent pas du tout. Alors, si des États déclenchent des guerres contre d’autres États, et ils ne s’en privent pas, et ils le font plus volontiers que des personnes privées lancent des conflits armés, la question est alors bien sûr : « qui tend à gagner ces guerres ? » aussi, réalisez aussitôt que les guerres sont des compétitions éliminatoires entre États.

C’est-à-dire que sur chaque territoire, il ne peut y avoir qu’un seul monopole de fiscalité et de législation. On ne peut avoir différentes organisations qui légifèrent et qui taxent sur le même territoire. Chaque État est le seul à pouvoir le faire sur son territoire. Et bien sûr, chaque État a un intérêt à étendre son territoire : plus il contrôle de gens, autrement dit plus il taxe de gens, plus il peut imposer sa loi sur ces gens. Alors vient la question : « qui gagnera ce genre de guerres ? »

Alors évidemment, de très petits États n’entreront probablement pas en guerre contre de très grands États, parce qu’ils savent qu’ils perdront. Mais si les États sont de tailles et de populations similaires, alors on découvre une sorte de paradoxe. Évidemment, toute guerre a besoin de ressources. Armes, soldats, munitions, matériel logistique, etc. Plus la guerre dure, plus la richesse de la société dont tel ou tel État tire ses ressources devient cruciale.

Et la chose qu’il est intéressant de découvrir, c’est que ce sont les États les plus « libéraux », libéraux au sens européen, c’est-à-dire pas tout à fait aussi mauvais que d’autres, qui disposent de plus grandes ressources. Parce que les sociétés plus libérales sont plus riches. Elles permettent plus d’accumulation de capital, elles permettent à plus de gens de s’enrichir, etc. Il y a donc une tendance qui pourrait nous frapper comme paradoxale : que les plus libéraux, les meilleurs États pour ainsi dire, sont ceux qui tendent à être les États les plus agressifs, les plus tournés vers l’impérialisme au cours de l’Histoire.

Prenons un premier pays tels les Pays-Bas, par exemple, la première société capitaliste ayant réussi, qui devient une puissance coloniale majeure. Puis cette place revient à l’Angleterre. À nouveau, un pays très libéral, très riche, devenant un lieu de domination mondiale. Avec des endroits contrôlés par les Britanniques partout dans le monde. Puis les États-Unis héritent finalement de cette place, à partir de la Première Guerre Mondiale, avec un point culminant à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Pourquoi les États-Unis ? Parce qu’il s’agit de loin du plus riche pays. C’est aussi celui ayant le plus grand empire jamais construit.

Encore un mot sur guerre et démocratie. Sur les guerres royales, entre rois. Leur motivation était le plus souvent quelque désaccord d’héritage, avec une implication comparativement faible de la population civile. Les guerres démocratiques, à partir de la Révolution française, et bien sûr de la Première et la Seconde Guerres Mondiales, les guerres démocratiques sont de véritables guerres entre nations. Pour la première fois, elles introduisent la conscription. À savoir, puisque les gens sont supposés se gouverner eux-mêmes en démocratie, alors que c’est leur État [qui le fait], tous ont désormais l’obligation de participer à la guerre.

Même la population civile est entraînée dans la guerre. Les guerres deviennent plus totalitaires, plus totales que les guerres royales le furent jamais. Les guerres royales étaient en gros… parce que les armées se rencontraient en plein champ puis se percutaient, et la population générale en était plutôt peu affectée. Bien entendu, ceci prit fin d’abord avec la guerre de Sécession américaine, puis déjà avec Napoléon, avec les deux guerres mondiales bien sûr, tous les États recoururent à la conscription. Tous les gens devaient y participer. Personne ne peut échapper à la participation à l’entreprise de guerre.

On prend alors conscience que cette tendance étatique à aller en guerre et d’essayer d’agrandir son territoire finirait en présence d’une puissance unique dominant le monde. Ce n’est pas nécessaire ; que c’est… et ceci est pour ainsi dire le but des États-Unis, oui ; les États-Unis ont quelque chose comme plus de cent cinquante bases militaires dans le monde, dans toutes sortes de pays.

Mais ils sont loin d’atteindre cette position finale, ils pourraient bien ne jamais l’atteindre, mais il faut savoir reconnaitre qu’il y a une tendance dans cette direction. Voici donc la deuxième histoire à propos de la centralisation du pouvoir étatique. Avec, comme on peut facilement l’imaginer, la finalité logique d’un État mondial, un gouvernement mondial.

 


Laissez-moi souligner un argument (j’y reviendrai plus tard) ; tandis que certains pensent que ce serait [idéal] (même certains philosophes pensent que la situation parfaite serait celle d’un État mondial) c’est une grossière erreur de penser cela. Parce qu’avec un seul État mondial, on aurait la même structure de lois, la même législation, la même structure réglementaire, partout dans le monde, avec presque aucune possibilité pour que les gens votent avec leurs pieds, fuient un endroit pour rechercher autre chose de mieux. Et puisque les gens ne peuvent s’enfuir, un État mondial n’aurait pratiquement plus aucun problème à opprimer encore et encore sa propre population, parce qu’après tout elle n’a aucune alternative, elle ne peut que rester là où elle est. Et tout endroit est légiféré et réglementé de la même manière.

J’en viens maintenant à la troisième partie de l’histoire, qui une fois encore se déroule en parallèle des deux décrites jusqu’ici et qui complète l’image. Elle concerne le développement de la monnaie. La monnaie émerge sur le marché comme effet de la division du travail dans laquelle les gens se lancent. La monnaie est définie comme un moyen d’échange commun. C’est le bien le plus vendable et le plus largement accepté de tous les biens. Pour faciliter l’échange. Aucun autre bien n’est accepté aussi facilement et par autant de gens que la monnaie, et aucun autre bien n’est aussi facilement vendu. À l’origine, la monnaie est une marchandise, quelque bien ayant pris cette fonction d’être le bien le plus facile à échanger de tous les biens.

Évidemment, les États découvrirent immédiatement qu’il serait de la plus haute importance pour eux (à savoir pour augmenter le pouvoir et la puissance des États) de mettre la main sur la monnaie d’une manière ou d’une autre. Comment y sont-ils parvenus ?

D’abord, en monopolisant la frappe des pièces d’or et d’argent ou qu’importe la matière en usage. Et en la monopolisant, c’est-à-dire en étant le seul sur ce territoire à pouvoir produire des pièces d’or ou d’argent, en les monopolisant, ils firent ce qui s’appelle du rognage de la monnaie. Ils dirent simplement, « Envoyez-moi vos pièces, j’y frapperai une nouvelle effigie, un nouveau roi, une nouvelle effigie », et ils retirèrent un peu de l’or et de l’argent de chaque pièce, rendirent le même nombre de pièces aux gens, mais ce qu’ils avaient retiré, l’or rogné ou l’argent rogné de chacune de ces pièces, fut autant de monnaie supplémentaire qu’ils gardèrent pour eux. Ainsi fut réduit le pouvoir d’achat de la monnaie et les dirigeants, les États, produisirent de la monnaie en volant depuis les pièces existantes.

Eh bien, les gens finirent par découvrir l’astuce. L’étape suivante fut que, parce que les gens ne portent pas toujours leurs pièces d’or et d’argent, il existait aussi ce qu’on appelle des substituts de la monnaie. Ce sont des bons qui confèrent un droit à une certaine quantité de monnaie. C’était plus facile à transporter, simplement des bons, pas besoin de se remplir les poches de lourdes pièces d’or, mais les bons étaient des titres donnant droit à des pièces d’or ou d’argent. Alors, ils monopolisèrent l’émission des bons.

Au début, de nombreuses banques et autres émirent leurs propres bons [des billets de banque]. Et chacune de ces banques s’assurait qu’à chaque fois qu’on lui présentait un bon, elle avait [en coffre] l’or ou l’argent dont le billet conférait le titre de propriété. Alors désormais, les billets sont monopolisés. Seuls les billets émis par l’État peuvent être utilisés pour recouvrer leur valeur en or ou argent. Et l’étape suivante du processus fut de se débarrasser entièrement des pièces d’or et de n’utiliser que les billets.

Ce processus fut quelque peu complexe, et je n’entrerai pas dans les tous détails de la façon dont cela se produisit, mais tous les États sortirent typiquement à un certain point, souvent en temps de guerre, de l’étalon-or, de l’étalon-argent et dirent « écoutez, nous gardons tout l’or, donnez-nous tout l’or, donnez-nous tout l’argent, si vous ne le faites pas vous serez punis, et vous recevrez des billets en échange. Mais nous ne convertirons plus vos billets en or ou argent. »

Ce fut une fois de plus un long processus qui s’acheva en 1971. En 1971, le dernier lien avec l’or fut coupé. Jusqu’en 1971, il était possible, au moins pour les banques centrales, d’aller aux États-Unis et de dire : « Voici, j’ai 35 dollars-papier, 35, ils me donnent droit à une once d’or. » Mais les États-Unis avaient tellement imprimé de billets-papier, de dollars-papier, qu’ils étaient incapables de payer en or pour respecter les termes de leur accord. Et ce fut le président Nixon qui dit en 1971 : « Nous sortons complètement de l’étalon-or. Dès maintenant, gardez vos billets-papier, et nous gardons l’or. »

 


On réalise qu’une fois dans cette situation, où il n’y a plus aucune attache à une marchandise quelconque, on peut augmenter la quantité de monnaie à volonté. De nos jours, on peut simplement presser un bouton et doubler, tripler, quadrupler la quantité de monnaie en existence. D’évidence, on ne peut pas faire de même au sein d’un étalon-or ou argent. Bien, il est important de réaliser ici qu’une hausse de la quantité de monnaie existante ne rend pas la société plus riche. Elle réduit simplement le pouvoir d’achat de chaque unité de monnaie.

Si, en imprimant de la monnaie-papier, on pouvait améliorer le sort de la société, alors demandez-vous : « pourquoi y a-t-il encore des pays pauvres dans le monde ? » Même les pays les plus cinglés du monde peuvent imprimer à volonté, n’importe quelle quantité de monnaie. Pourquoi y a-t-il encore un seul pauvre sur terre, si par simple augmentation de la quantité de monnaie existante on pouvait créer de la richesse ? Et la réponse est : c’est impossible.

Mais si on pose la question à n’importe quel banquier central dans le mode, ils croient tous en cette idée insensée qu’on lit dans les journaux tous les jours. « Quantitative Easing! » [assouplissement quantitatif !] Ceci ne signifie rien d’autre que : « On imprimera plus de monnaie et le pouvoir d’achat de chaque unité monétaire diminuera. » Mais en imprimant de la monnaie, si l’on ne peut rendre la société plus riche, on peut faire ceci : rendre plus riche ceux qui perçoivent cette monnaie en premier. Parce que ceux qui la perçoivent en premier peuvent encore acheter aux bas prix de la période précédente, et alors à mesure que la monnaie se diffuse dans l’économie et que les prix montent, ceux qui touchent la monnaie tardivement paient déjà des prix plus élevés pour tout.

Il y a donc une redistribution de revenus opérant, vers ceux percevant la monnaie en premier, qui en bénéficient, au détriment de ceux percevant la monnaie en dernier. Ceux-là sont les personnes à revenus fixes, par exemple. Si vous avez un revenu fixe, et que le pouvoir d’achat de la monnaie décline, alors vous êtes floué. Donc, qui perçoit la monnaie en premier ? La réponse est : ceux qui perçoivent la monnaie en premier sont les banques centrales qui l’impriment ! Puis les institutions étatiques. Et les premiers clients des banques centrales. Qui sont les grandes banques privées. Puis les clients des grandes banques privées. Mais ni vous ni moi ne sommes un de ceux-là.

Alors quand les gens se plaignent : « Oh, les inégalités de revenus ne font que croître ! » L’une des principales raisons en est précisément cette hausse constante de la quantité de monnaie existante. Puis, pour conclure l’histoire ici (et la monnaie nous renvoie encore à ce que j’ai dit avant sur la guerre et l’impérialisme), le pays le plus puissant est celui qui produit ce qu’on appelle la monnaie de réserve. Le dollar américain est la monnaie de réserve utilisée par presque tous les pays.

Les Américains, qui impriment des dollars, des dollars, des dollars et les autres pays, qui vendent des biens aux États-Unis, gagnant ainsi des dollars, ne dépensent pas toujours ces dollars pour acheter ou investir aux États-Unis. Ils les gardent en réserve, pour y adosser leurs propres monnaies. Les étrangers qui vendent des biens aux États-Unis sont payés avec du papier pour ainsi dire, et les Américains reçoivent des biens réels. La consommation américaine est donc largement financée par les gens des autres pays. Ce qu’on pourrait appeler de l’impérialisme monétaire.

Il reste encore aujourd’hui un problème, même pour les Américains. C’est que le dollar n’est pas la seule monnaie papier dans le monde. Il existe encore d’autres monnaies : l’Euro, le Yen japonais, le rouble russe… Et si les Américains devaient dépasser les bornes à l’imprimer la monnaie, le danger serait que les gens aillent vers d’autres monnaies. Il y a donc aussi une tendance à éliminer cette concurrence avec d’autres monnaies, et une de ces tentatives par exemple, un grand pas dans cette direction, fut l’établissement de l’Euro.

Avant que l’Euro fût établi, vers 2000, il y avait encore d’autres monnaies fortement concurrentes, comme le Mark allemand par exemple. Le Mark allemand n’était pas spécialement fort grâce à quelque vertu allemande, mais l’Allemagne avait deux fois souffert d’hyperinflation parce qu’elle avait perdu deux guerres. Et grâce à cette expérience, les Allemands étaient plus conscients de l’inflation, que l’inflation est le danger. À cause de cela, la banque centrale allemande était relativement modeste dans son impression de Marks. Les Américains n’aimaient pas cela. Et promurent l’établissement de la banque centrale européenne. Et au conseil d’administration de la banque centrale européenne siègent des Espagnols, des Italiens, des Grecs ; et tous ces pays ont la main lourde sur l’émission de monnaie. L’Euro est donc une monnaie bien plus faible que l’était le Mark auparavant. Et le mieux du point de vue des intérêts américains serait bien sûr que le monde entier accepte un étalon-dollar.

Encore une fois, on tend vers un pouvoir mondial, et on tend vers l’établissement d’une monnaie papier mondiale. Une monnaie papier mondiale serait bien sûr une monnaie plus inflationniste que tout ce que vous avez connu auparavant. Parce que s’il ne reste qu’une monnaie, on n’a plus la peur qu’elle se dévalue par rapport à d’autres, peur qui réduit la tentation d’en imprimer toujours plus. Je ne suis pas certain qu’au final on en viendra à cette monnaie mondiale, comme je ne suis pas certain qu’à la fin on en viendra à un État mondial. Mais pour comprendre le monde actuel, il faut être conscient que ces deux tendances sont en progression. Que des forces, des forces influentes, travaillent constamment dans cette direction.

 


Ce que je vous ai dit jusqu’ici est quelque peu similaire à la théorie marxiste du développement social et de l’histoire. Je me rends compte que vous êtes surtout des gens relativement jeunes, donc vous pourriez ne pas être bien versés dans la théorie marxiste. Je suis bien plus vieux que vous, je viens d’avoir 70 ans cette année, et j’ai eu une expérience de première main du communisme ; ma mère fut expropriée par les Russes en Allemagne de l’Est, je suis né en Allemagne de l’Ouest, mais la plupart de ma famille vivait à l’Est.

J’ai donc vu moi-même le chaos causé par le socialisme, l’appauvrissement sans espoir des gens. Et j’ai bien sûr étudié (j’étais de gauche dans ma jeunesse), j’ai étudié la théorie marxiste : j’en sais probablement plus que la plupart d’entre vous sur la théorie marxiste. Je veux vous faire percevoir une certaine similitude entre ce que je dis et ce que les marxistes disaient, et pointer du doigt ce qui fut leur erreur majeure.

La théorie marxiste est quelque chose… il y a une exploitation à l’œuvre, c’est l’exploitation par les capitalistes qui exploitent les travailleurs ! Cependant, il existait une théorie de l’exploitation et des classes bien avant Marx. C’était une théorie libérale, ou autrichienne, de l’exploitation. C’est-à-dire que les organisations qui exploitent sont les États. L’impôt est de l’exploitation. Les intérêts des travailleurs et des capitalistes sont en harmonie. Plus l’entreprise tourne bien, plus les salaires des travailleurs augmentent, c’est une association volontaire. Si un travailleur ne veut pas travailler pour elle, il n’a pas à travailler pour elle.

Mais l’exploitation existe dans ce monde. L’exploitation, c’est l’impôt. Et puis les marxistes [disent]… les entreprises se concentrent ! Les entreprises deviennent de plus en plus grosses jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une entreprise mondiale, pour ainsi dire. Oui, mais ce ne sont pas les entreprises qui grossissent. Ce sont les États qui grossissent. Une concentration se déroule en effet. Mais pas celle des entreprises, celle des États, dont la taille grandit toujours.

Que peut-on espérer ? On peut espérer un processus de décentralisation. En unités de plus en plus petites, dans la direction d’une société sans État. Complètement. Autrement dit, l’Union Européenne est un désastre. Le Brexit fut une bonne idée. L’Allemagne devrait se retirer. Les provinces d’Allemagne devraient se retirer. Dans de nombreux discours en Europe j’ai toujours, j’ai pour ainsi dire inventé l’expression : « Ce qu’il nous faut en Europe, c’est un millier de Liechtensteins. »

Le Liechtenstein a 36.000 habitants. Au Liechtenstein, le Prince permet aux six ou sept villages qui le composent de faire sécession, de devenir indépendants du Liechtenstein, ou de rejoindre l’Autriche, ou de rejoindre la Suisse. Ce qu’ils veulent. Pourquoi cela serait-il bon ? Pourquoi promouvoir des mouvements de sécession ou la décentralisation ? Parce que s’il faut avoir des États, et tant qu’il devra y avoir un État, il vaut mieux pour nous qu’il y en ait le plus possible, car alors ils devront se concurrencer pour garder leur population et éviter qu’elle déménage. Ils doivent correctement traiter leur peuple, sinon il disparaîtra purement et simplement.

De petits États sont aussi moins enclins à se lancer dans des conflits armés. De petits États sont presque obligés de consentir à de l’échange libre avec le reste du monde. Car imaginez qu’un État comme le Liechtenstein avec ses 36.000 habitants dise : « Nous prenons des mesures protectionnistes. Nous ne voulons plus que des biens étrangers entrent ici. » La population mourrait en une ou deux semaines. Ils sont obligés de se lancer dans le libre commerce.

Au contraire, si un énorme État comme les États-Unis disait : « Ok, nous construisons une sorte de mur commercial autour des États-Unis », cela abaisserait bien sûr le niveau de vie, mais pas aussi dramatiquement et pas aussi vite que pour de petits États, parce qu’il existe encore un marché intérieur conséquent. Les milliers et millions d’entreprises sur le territoire des États-Unis peuvent produire presque tout, peut-être pas aussi efficacement ni aussi rapidement ni aussi bien que s’ils commerçaient aussi avec le reste du monde. Mais ils pourraient s’en tirer pendant un moment.

Et comme dit plus haut, plus les États sont petits, plus il devient difficile pour les gens de jouer à « je vole mon voisin en votant pour ceci ou cela. » Parce que les gens se connaissent et qu’il y aurait plus de contrôle social. Donc, le but des libertariens sur la route d’une société complètement dépourvue d’État est : d’abord, de travailler le plus dur possible, avec les meilleurs arguments qu’il nous soit possible de trouver, à un processus de décentralisation, voire de sécession.

Merci beaucoup.>>

Hans-Hermann Hoppe

 


Notre équipe a traduit il y a quelques temps une conférence donnée en octobre 2019 par Hans-Hermann Hoppe, figure contemporaine de l’école autrichienne, que nous considérons comme majeure pour mieux comprendre le monde actuel et comment l’analyse praxéologique permet de lire l’histoire et les grandes tendances dans lesquelles nous devons être acteurs pour la Liberté.

Nous reproduisons ici le texte intégral de cette traduction, pour référence et pour commentaires éventuels.

L’Institut Mises France

 


 

 

 

 

 

 

 

 

octobre 20, 2018

Au-delà de l’être et du devoir être ! (Murray Rothbard sur Hans-Hermann Hoppe)

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Le Professeur Hans-Hermann Hoppe,  immigrant assez récent d’Allemagne de l'Ouest,  vient de faire un immense cadeau au mouvement libéral américain.  
Dans ce qui constitue une percée fulgurante pour la philosophie politique en général  et pour le libéralisme en particulier, il a réussi à transcender la célèbre dichotomie de l’être et du devoir être, de l’opposition entre les faits et les normes  qui infecte la philosophie depuis la scolastique, et qui avait conduit le libéralisme contemporain dans les impasses épuisantes.
Et pas seulement cela :  
ce que Hans-Hermann Hoppe réussi à faire, c’est mener à bien la démonstration des Droits naturels anarcho-capitalistes à la Locke d'une manière à la fois sans précédent et inattaquable, et qui fait paraître ma propre défense du Droit naturel presque mollassonne en comparaison.
Dans le mouvement libéral moderne,  seuls les tenants du Droit naturel sont parvenus de façon satisfaisante à des conclusions libérales absolues.  
Les divers avatars du « conséquentialisme » - qu’elles soient émotivistes,  utilitaristes, stirnériennes, ou quoi que ce soit d’autre - ont la manie de se déformer au niveau des coutures.  A la fin des fins s’il faut, pour arrêter une décision définitive, attendre que ses conséquences se soient produites,  c’est à peine si l’on peut opter pour une position cohérente, inflexible pour la liberté et la propriété privée dans tous les cas imaginables.



Hans-Hermann Hoppe a été formé dans la tradition philosophique moderne  (dans son cas, kantienne) plutôt que celle de la loi naturelle, obtenant un doctorat en philosophie de l'Université de Francfort.  Puis, pour son « habilitation », il s’est attaqué à une deuxième thèse, en philosophie de la science économique.
C’est à cette occasion  qu’il est devenu un fervent et dévoué adepte de Ludwig von Mises et de son approche « praxéologique »,  ainsi que du système de théorie économique que Mises avait construit dessus, et qui parvient à des conclusions absolues logiquement déduites d’axiomes évidents en soi.
Hans s'est avéré être un praxéologiste remarquablement original et productif, en partie parce qu'il est le seul praxéologiste (pour autant que je sache) qui soit arrivé à la doctrine en partant de la philosophie et non de l'économie.  Il a donc, en l’espèce, quelques titres philosophiques à faire valoir.
La percée la plus importante de Hoppe a été, en partant des axiomes praxéologiques standard  (par exemple, que tout être humain agit, c'est-à-dire utilise des moyens pour parvenir à des fins) pour,  tenez-vous bien, en tirer une normative politique anarcho-Lockéenne sans concession aucune.
Or, cela fait  plus de 30 ans que je prêche à la profession des économistes  que c’est ce qui ne peut pas se faire : que les économistes ne peuvent pas arriver à des conclusions politiques normatives  -- par exemple, que les hommes de l’état devraient faire ceci ou ne pas faire cela -- à partir d’une théorie économique purement descriptive.
Fait remarquable, extraordinaire,
Hans-Hermann Hoppe a réussi à prouver que j’avais tort
Pour parvenir à une telle conclusion politique,  ai-je longtemps soutenu, les économistes doivent s’équiper d’une forme ou d’une autre de système normatif.  
Notez que c’est ce que tentent de faire toutes les branches de la  prétendue « économie du bien-être » contemporaine : demeurer « scientifiques » c’est-à-dire purement descriptives,  et n’en pas moins faire toutes sortes de recommandations politiques à la mode (étant donné que la plupart des économistes souhaitent à un moment ou à un autre s’extraire de leurs modèles mathématiques pour formuler des conclusions politiques applicables).  
Même morts,  la plupart des économistes ne laisseraient  pas surprendre en possession d’un système ou d’un principe normatif, s’étant mis dans la tête que cela porterait atteinte à leur statut de « savants ».
Et pourtant,  fait remarquable et extraordinaire,  Hans-Hermann Hoppe a réussi à prouver que j’avais tort :  ce que j’affirmais impossible, il l'a fait ; il a déduit une éthique anarcho-lockéenne des Droits  à partir d’axiomes qu’on ne peut pas réfuter sans contradiction.
Et pas seulement cela : il a démontré que,  tout comme l'axiome de l'action lui-même, il est impossible de nier ou de contredire l'éthique des Droits anarcho-Lockéenne sans tomber immédiatement dans une contradiction pratique  et se réfuter soi-même.

si on ne peut pas tenter de nier une proposition sans s’en servir soi-même, on n’est pas seulement coincé dans une inextricable contradiction,  en même temps on élève cette proposition au statut d'un axiome.

En d'autres termes,  Hans Hoppe apporte à la réflexion politique normative ce avec quoi les misésiens sont familiers en praxéologie et les aristotéliciens-Randiens en métaphysique :  
ce que nous pourrions appeler un « noyau dur  d’axiomes » .
Nier l'axiome misésien de l'action  (à savoir que tout le monde agit) est contradictoire et donc se réfute soi-même pour quiconque, étant donné que la tentative même pour le nier constitue en elle-même une action.
Nier l'axiome randien de la conscience  est contradictoire et donc se réfute soi-même puisqu’il faut bien que ce soit une espèce de conscience qui entreprend cette tentative pour le nier.  
En effet,  si on ne peut pas tenter de nier une proposition sans s’en servir soi-même,  on n’est pas seulement coincé dans une inextricable contradiction, en même temps on élève cette proposition au statut d'un axiome.
Hoppe avait été l’étudiant du  célèbre philosophe néo-marxiste allemand Jürgen Habermas,  et son approche de la normative politique se fonde sur le concept d’« éthique de l'argumentation. » que l’on doit au tandem Habermas-Apel.
Selon cette théorie,  le fait même d’énoncer un argument,  d'essayer de convaincre un lecteur ou un auditeur,  implique de reconnaître et de mettre en oeuvre certains principes normatifs : par exemple, de  reconnaître dans une argumentation les éléments valides qui s’y trouveraient. Et c’est de cette manière que l’on peut surmonter la dichotomie des faits et des normes : la recherche des faits implique logiquement qu'on y adopte certaines valeurs ou principes normatifs.
De nombreux théoriciens du libéralisme se sont récemment intéressé à ce genre de réflexion en philosophie morale : par exemple,  Frank van Dun, anarchiste belge théoricien du droit et le poppérien britannique Jeremy Shearmur.
Cependant, leur éthique de l’argumentation à eux en est une variante « molle »,  étant donné qu’on peut toujours poser la question de savoir pourquoi il faudrait continuer à argumenter, ou à dialoguer.

Cette problématique-là, Hoppe la dépasse totalement, en apportant un noyau dur axiomatique,  praxéologique à la discussion. Ce à quoi Hoppe s’intéresse, ce n’est pas la raison d’être de l'argumentation,  mais le fait que tout argumentation quelle qu’elle soit  (y compris bien sûr celles qui s’en prennent à l’anarchisme lockéen)  implique nécessairement l'appropriation de leur propre corps à la fois par celui qui parle  et par ceux qui l’écoutent, ainsi qu’un Droit de première appropriation qui permette à ceux qui argumentant ainsi qu’à ceux qui les écoutent de rester en vie pour poursuivre cette argumentation et pour l’écouter.
Dans un sens,  la théorie de Hoppe  ressemble au raisonnement fascinant  de Gewirth et Pilon, où Gewirth et Pilon (le premier un socialiste,  le second un libéral minarchiste) avaient tenté de dire la chose suivante :

le fait que Tartempion agit suffit à prouver qu’il affirme avoir le Droit d’agir de la sorte

-- jusqu'ici tout va bien --

de sorte que Tartempion reconnaît  en même temps aux autres ce même Droit.  

Cette conclusion-là,  bien qu’elle mette du baume à l’âme du libéral,  et ressemble à la praxéologie par l'accent qu’elle a mis sur l'action,  n'avait malheureusement pas suffi
-- car,  comme Henry Veatch, théoricien des Droits naturels l’avait souligné dans sa critique de Gewirth,  au nom de quoi Tartempion devrait-il reconnaître en même temps les droits de quelqu'un d'autre ?  
Pour sa part Hoppe,  c’est en insistant sur la contradiction pratique inhérente  à l’argumentation des non-anarcho-Lockéens qu’il a résolu le problème séculaire de la généralisation d'une norme pour l'humanité.
Cependant,  en paraissant avec une théorie véritablement nouvelle  (ce qui est en soi étonnant, étant donnée la longue histoire de la philosophie politique)  Hoppe risque bien de porter ombrage à tous les intérêts intellectuels installés du camp libéral.
 
Les utilitaristes,  qui devraient se réjouir de ce que la valeur de la liberté s’en trouve renforcée, seront scandalisés de devoir constater que les Droits à la Hoppe sont encore plus absolus et « dogmatiquement démontrés » que le Droit naturel.

Quant aux partisans du Droit naturel,  tout en se réjouissant de ce « dogmatisme »,  ils ne seront pas forcément disposés à accepter une réflexion normative  qui ne se fonde pas sur la nature générale des choses.

Les randiens seront particulièrement outrés parce que le système hoppien se fonde (comme c’était le cas de celui de Mises) sur le satanique Immanuel Kant et son « a priori synthétique. »
Les randiens seront peut-être rassérénés,  cependant, d'apprendre que Hoppe est influencé par un groupe de kantiens allemands (dirigé par le mathématicien Paul Lorenzen) qui interprètent Kant comme un aristotélicien profondément réaliste,  contrairement à l'interprétation idéaliste courante aux États-Unis.

En tant que partisan du Droit naturel,  je n’y vois pour ma part aucune véritable contradiction, ni pourquoi on ne pourrait pas en tenir en même temps pour les droits naturels et la norme hoppienne du Droit.  Ce qui fonde l’une et l’autre philosophie du Droit, après tout, comme la version réaliste du kantisme, c’est la nature de la réalité.
Le droit naturel offre aussi une éthique personnelle et sociale au-delà de la philosophie politique libérale,  et c’est là un domaine dont Hoppe ne s'est pas préoccupé.
Un programme de recherche à venir pour Hoppe  et autres philosophes libéraux serait
(a) de voir jusqu’où on peut étendre l’axiomatique à d'autres domaines de la philosophie morale,  et

(b) de voir si,  et comment, cette axiomatique pourrait s’intégrer à l’approche standard du droit naturel.
Ces questions offrent un fascinant potentiel  pour le philosophe.
Hoppe  vient de libérer le mouvement aux Etats-Unis  de décennies de débat stérile et de blocage, et de nous fournir une voie pour le développement ultérieur de la discipline libérale.

Murray Rothbard , Liberty, Novembre 1988 ; Mises Daily,  24 août 2010

Murray N. Rothbard (1926-1995) était le chef de file de l'École autrichienne d’économie. Il était économiste,  historien de l'économie,  et philosophe politique libertarien.
Voir  l’archive des articles de Murray Rothbard.






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