avril 22, 2015

Dossier: Le système de santé en France et comment s'en retirer !

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Sommaire:

A) L’avenir du système de santé en France - la documentation française

B) Santé de Wikiberal

C) Assurance maladie de Wikiberal

D) Divers sites sur ce thème: Page maladie de  Contrepoints, Aurélien VéronAlain MadelinAlain Genestine, Rapport de l'Etat

E) Quitter la sécu avec Contrepoints

F) Une alternative libérale à la Sécu - Milliere Guy - Les 4 vérites

G)  Oyez, oyez, le monopole de la Sécu a bien sauté ! - Hseize

H) Comment quitter la sécurité sociale - Facebook page


I) Vidéos de LibertarienTV sa page SS

J) En France, la loi santé place le pays sur «la route de la servitude» - Patrick de Casanove - Le Temps




A) L’avenir du système de santé en France
 

Les Français bénéficient-ils de l’un des meilleurs systèmes de santé au monde ? 

Les organismes internationaux le citent en effet comme l’un des plus performants. Si selon les enquêtes d’opinion il est également apprécié de ses usagers, les Français considèrent toutefois que non seulement il y a des marges d’amélioration, mais surtout que les évolutions se font dans le mauvais sens.

Jeunes ou vieux, malades ou bien portants, la santé nous concerne tous. L’affirmation du droit à la santé est inscrite dans les textes fondamentaux français et internationaux. En France, elle est apparue pour la première fois dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : "Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille". Le Préambule de la Constitution française de 1946 et 1958 souligne que "La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement". La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000) "reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux". Le droit d’être soigné sans discrimination, quelle que soit sa condition économique et sociale, et de bénéficier d’une vie décente est ainsi un droit fondamental. Il doit permettre l’égalité dans l’accès aux soins, aux institutions, à la prévention, à un environnement sain. En France, l’État est le garant de ce droit, à travers la sécurité sociale, la couverture maladie universelle (CMU), les organismes de prévoyance, les établissements de santé, la prévention.

Structuré au fil des réformes et de l’évolution des connaissances médicales, pharmaceutiques et technologiques, le système de santé français se caractérise, à l’heure actuelle, par des atouts indéniables mais aussi des fragilités. Il cristallise ainsi de nombreuses craintes : crainte d’une remise en cause de son fonctionnement, crainte de moins bons remboursements et d’un moindre accès aux soins. Car si les Français sont en bonne santé, leur santé coûte cher. Les dépenses de santé, mesurées en pourcentage du PIB, figurent parmi les plus élevées de l’OCDE. En même temps, eu égard à ce qu’elles représentent pour les individus, les questions de santé se traduisent par des attentes toujours plus grandes.

Se pose alors la question de savoir comment faire face au défi de la soutenabilité financière dans un contexte de demande de soins croissants ? Le débat s’annonce délicat à engager et socialement conflictuel.

Quelles sont les forces et les faiblesses du système de santé français ?

Même si l’Organisation mondiale de la santé s’est essayée à cet exercice il y a une dizaine d’années, il est difficile de porter un jugement sur la performance globale de notre système de santé comparée à d’autres. C’est un système qui prodigue à la population des soins de haut niveau,  bénéficiant des progrès de la science, accessibles à tous grâce à la mutualisation des dépenses : ce sont là des caractéristiques communes à la plupart des pays de même niveau de développement. Cependant au-delà de ces traits communs,  il est vrai que les organisations diffèrent d’un système à l’autre, et la comparaison avec nos voisins peut donner matière à réflexion.

Une première particularité française tient au financement de la dépense : nous sommes le seul pays où l’assurance complémentaire privée vient doubler  l’assurance publique de base pour la quasi-totalité de la population, en co-finançant la dépense. Dans tous les autres pays, l’assurance privée couvre des populations particulières,  ou des services supplémentaires non pris en charge par la couverture publique, et son poids financier est en général beaucoup plus faible.

Est-ce une force ou une faiblesse ? La conséquence positive est que nous sommes le pays où le reste à charge direct des ménages est le plus faible après les Pays-Bas (7 % du PIB), ce que l’on a parfois tendance à oublier. Au titre des contreparties négatives, on peut évoquer la complexité de la régulation (les intérêts des assureurs publics et privés n’étant pas nécessairement alignés) et  des coûts de gestion élevés.

Mixte dans son financement, le système de santé français l’est aussi dans son organisation, avec une combinaison d’offreurs de soins publics et privés, une médecine spécialisée abondante, accessible aussi bien en ville avec des praticiens libéraux qu’en consultation externe hospitalière, des professionnels non médecins exerçant en tant que travailleurs indépendants (masseurs kinésithérapeutes, infirmières,…). Cette offre très pluraliste, qui nous différencie d’un certain nombre de pays qui ont fait des choix d’organisation plus structurés, a sans doute des avantages en termes de flexibilité et d’accessibilité : la problématique des listes d’attente, qui est devenue dans les dernières décennies  une question politique majeure au Royaume-Uni ou dans les pays scandinaves, n’existe pas en France, ou marginalement. Mais cette organisation peu structurée met sans doute la France dans une situation plus difficile pour relever le défi que pose le développement des pathologies chroniques : la nécessité de coordonner les intervenants multiples, d’organiser des parcours de soins fluides, de gérer les transitions pour éviter les ruptures, d’articuler les soins avec d’autres services concourant à la qualité de vie. Cette coordination et ce travail collaboratif sont plus complexes à organiser avec des professionnels fragmentés, exerçant de manière isolée, peu équipés encore aujourd’hui en outils informatiques.

Un troisième aspect, souvent mis en avant, est la complexité de la gouvernance du système de santé français et le cloisonnement de la régulation lié au partage des responsabilités entre l’État et l’assurance maladie. Mais l’analyse des autres pays montre qu’aucun équilibre des pouvoirs n’apparaît exempt de tensions et de conflits de responsabilités : entre le niveau central et les collectivités locales (régions, comtés, Länder), entre les caisses d’assurance maladie ou assureurs en concurrence et le régulateur public,… En témoignent d’ailleurs la succession des réformes visant à modifier ces équilibres, comme les mouvements de décentralisation / recentralisation observés dans certains pays nordiques, ou encore les multiples réorganisations du système de santé national au Royaume-Uni.

Enfin, tous les systèmes de santé doivent opérer des arbitrages entre des objectifs d’amélioration de l’état de santé, de liberté, d’équité, d’efficience et de maîtrise de la dépenses qui ne vont pas toujours ensemble. Ces arbitrages, le plus souvent implicites, sont le reflet des systèmes de valeurs dans lesquels s’enracine l’organisation des soins.

De ce point de vue, historiquement, on peut dire que le système de santé français privilégie la liberté (liberté de choix, liberté de circulation dans le système, liberté d’installation, liberté de prescription) par rapport à l’efficience et au contrôle des coûts. Axé sur la performance médicale, il obtient de très bons résultats dans certains domaines (maladies cardio-vasculaires, espérance de vie aux âges élevés), mais reste à la traîne de nombreux pays en termes de mortalité prématurée, notamment pour des causes relevant du manque de prévention ou de dépistage. La prédominance de l’approche individuelle de la relation soignant-soigné, de la médecine technique et de la diffusion du progrès médical ont pour corollaire une attention moins grande à la santé des populations et à sa distribution équitable ; les inégalités sociales de santé, qui sont élevées en France, font peu l’objet de politiques publiques explicites et sont vues essentiellement avec le prisme de l’accès financier aux soins.

Comment mieux maîtriser le coût de la santé ? Quel équilibre instaurer entre les dépenses publiques et privées ?

En comparaison à des pays qui ont mis en place très tôt des dispositifs rigoureux d’encadrement de la dépense, il est vrai que le système de santé français s’est caractérisé pendant longtemps par un faible degré de contrôle des coûts du système. En témoigne d’ailleurs le fait que l’objectif de dépenses voté par le Parlement à partir de 1997 a été régulièrement dépassé par la suite, et certaines années très largement… Mais la situation a changé : les contraintes ont été considérablement renforcées dans la deuxième moitié des années 2000, et sur la période récente les données de l’OCDE montrent que la France est un des pays qui a le mieux maîtrisé ses dépenses. L’objectif de dépenses annuel est d’ailleurs respecté depuis quelques années, alors même que cet objectif est beaucoup plus strict qu’il n’a été dans le passé.

Cette meilleure maîtrise résulte d’une rigueur accrue dans la gestion du système (baisses de prix et intensification des actions visant à améliorer l’efficience du système), mais aussi, pour une part minoritaire, (20 % sur la période 2007 – 2012 selon le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie), d’augmentations de la participation financière des assurés.
Il est tentant, dans un système où pratiquement toute la population a une couverture  maladie complémentaire, de maîtriser la dépense publique en délestant l’assurance maladie obligatoire par transfert sur l’assurance complémentaire. Un tel déport n’est cependant pas une solution :
  • en termes d’équité, il faut rappeler que l’assurance complémentaire est inégalement distribuée, avec des garanties très variables, et financée de manière beaucoup moins équitable que l’assurance maladie publique.
  • déplacer le curseur AMO / AMC n’est pas non plus la solution à la soutenabilité du régime obligatoire, car c’est sur les pathologies lourdes que se fait la dynamique de la croissance des dépenses ; le problème ne serait pas résolu si l’assurance publique se concentrait sur le risque lourd en basculant une part plus importante du petit risque vers les complémentaires.
Le défi est donc bien de maîtriser la dépense de santé globale, et pas seulement la dépense publique : contenir la seconde par un transfert sur les autres financeurs – ménages et assurances complémentaires – entraînerait des difficultés d’accès aux soins pour la population la moins fortunée, ferait courir le risque d’une médecine à deux vitesses et au final n’assurerait pas la soutenabilité à long terme d’un système solidaire.

Les réformes des systèmes de santé à l’étranger ont-elles dégagé des pistes de réflexion ou des solutions transposables en France ?

Certains pays ont mené dans les dernières décennies des réformes qui ont modifié assez profondément l’architecture de leur système de santé. Ainsi certains systèmes de type bismarkien (assurances sociales) ont progressivement délégué une partie de la gestion des soins à des assureurs en concurrence tout en restant dans un cadre de financement socialisé. Des formes de concurrence entre offreurs de soins ont été aussi mises en place dans les systèmes de type beveridgien, comme au Royaume-Uni, où vingt années de réorganisations successives ont profondément modifié la physionomie du service national de santé. Des mouvements importants de décentralisation de la gestion aux collectivités locales ou au contraire de recentralisation ont aussi eu lieu dans la période récente.

Certaines de ces réformes ont suscité beaucoup d’engouement, mais il faut se garder des argumentaires parfois simplistes se proposant de transposer tel ou tel modèle supposé supérieur. D’une part, chaque système de santé et de protection sociale est inscrit dans une histoire, un contexte politique et une organisation sociale globale qui le façonnent de façon singulière, et chacun a des problèmes spécifiques qu’il cherche à résoudre avec ces réformes. D’autre part, avec quelques décennies de recul, il n’y a pas de modèle qui offre des performances clairement supérieures aux autres. Aucun n’a de vertus magiques pour résoudre les tensions inhérentes aux systèmes de santé socialisés et concilier tous les objectifs poursuivis.

Peut-être plus que les grandes réformes de structure, ce sont les outils de gestion et les innovations dans les modalités de régulation  qui peuvent être source d’inspiration : évaluation des technologies, incitations financières, mobilisation des systèmes d’information, diffusion des recommandations médicales, organisation de la prise en charge des maladies chroniques, modes de rémunération des offreurs de soins, mesure de la performance du système et  transparence sur la qualité,… Ces outils se diffusent partout et la comparaison des bonnes pratiques peut aider chaque pays à les développer avec sa propre approche.

Dominique Polton est directrice de la Stratégie des Études et des Statistiques à la CNAMTS.
Entretien réalisé en février 2013.



Des dépenses de santé en constante augmentation

D’après les enquêtes d’opinion, les Français s’estiment plutôt bien pris en charge par la protection de la santé. Mais les déficits de plus en plus importants et récurrents de l’assurance-maladie sont sources d’inquiétude et suscitent des interrogations concernant le financement de l’une des composantes essentielles de l’État-providence.
 
Financements et dépenses

S’il s’agit en effet d’un bien précieux, comme le souligne l’adage "la santé n’a pas de prix", le coût de la santé est aujourd’hui au centre des préoccupations. Les recettes de l’assurance-maladie sont déterminées par la croissance économique et la masse salariale. Elles sont assurées, pour l’essentiel, par des cotisations sociales versées par les employeurs, par la contribution sociale généralisée (CSG) versée par les salariés, par les revenus non salariaux et les revenus de remplacement tels les allocations chômage et les pensions de retraite, par les revenus du patrimoine, les produits de placement et les jeux. Dans un article sur "La santé des Français : Quels résultats ? Quelles réformes", (publié dans "La santé, quel bilan ?", Cahiers français, n° 369, juillet-août 2012, La Documentation française), Pierre de Montalembert explique que « la France alloue une part importante de sa richesse intérieure aux dépenses de santé : selon l’OCDE, en 2009, les États parties y ont consacré en moyenne 9,7 % de leur produit intérieur brut (PIB). Avec un taux de 11,8 %, la France est au troisième rang, derrière les Etats-Unis (17,4 %) et les Pays-Bas (11,9 %). »

Dépenses en % du PIB et dépenses par personne au sein de l’OCDE en 2009

Pays
Dépenses de santé en % du PIB
Dépenses de santé
 par habitant en dollar PPA
 (à parité de pouvoir d’achat)
Espérance de vie
 des femmes
OCDE
9,5 %
   
France
11,8 %
3 980
84,5
Pays-Bas
12,0 %
4 915
82,7
Suisse
11,4 %
5 145
84,6
Allemagne
11,6 %
4 220
83,0
Royaume-Uni
9,8 %
3 490
82,5
États-Unis
17,4 %
7 960
80,6
Japon
8,5 %
2 870
86,4
Source : banque de données de l’OCDE, annuelle

Dans la même revue dans un article portant sur "L’augmentation des dépenses de santé : jusqu’où ?", Béatrice Majoni d’Intignano précise que « ces dépenses recouvrent des soins, des médicaments, des actes techniques à l’hôpital… qui doivent être financés soit par des fonds publics (impôts et cotisations sociales) soit par des fonds privés (assurances, mutuelles et malades). Elles constituent aussi les revenus de l’industrie pharmaceutique et de l’ensemble des professionnels de santé qui, en France, sont environ un million : on recense quelque 210 000 médecins, 480 000 infirmières, 42 000 dentistes, 75 000 pharmaciens et plus de 150 000 auxiliaires médicaux ».Selon Pierre de Montalembert, force est de constater que « les financements ne suivent pas les dépenses, si bien que de 2009 à 2011, le déficit annuel de l’assurance-maladie a oscillé aux alentours de 10 milliards d’euros (et atteint même un déficit de 11,4 milliards d’euros en 2010). En dix ans, le déficit cumulé dépasse les 65 milliards ».

Comment expliquer la hausse des coûts ?

Comme l’affirme Béatrice Majoni d’Intignano : « Aucun équilibre spontané ne se réalise … entre demande, offre et financement. La régulation publique ou le marché doivent toujours y pourvoir et les solutions pour y parvenir différent selon les pays ».
  •  La demande de soins
Du côté de la demande et des besoins, « les dépenses de santé en France sont passées de 4 % du PIB en 1960 à plus de 11 % en 2010. On peut imputer cette hausse, au début de la période, à la demande nouvelle d’une population de mieux en mieux couverte par une assurance maladie obligatoire (30 % des personnes en 1960, 85 % en 1990). Mais l’explication ne vaut plus ensuite, le pourcentage de la population couverte n’ayant fait depuis 1990 que passer de 85 % à 95 %.Le vieillissement, quant à lui, a joué un rôle mineur (…) ; toutes les estimations le confirment (OCDE, INSEE). Autre cause, la richesse par habitant progressant, la demande pour des biens de services de santé jugés supérieurs a suivi. Mais cet effet revenu ne peut pas non plus expliquer le constat … Il faut par conséquent chercher ailleurs d’autres facteurs de hausse».
  •  Les offres de soins

    Le progrès médical, source de l’évolution des dépenses, a profondément modifié l’offre de soins. « Le secteur de la santé constitue une industrie de croissance et il est fortement tiré par l’innovation technologique. Le progrès des techniques médicales se révèle un facteur décisif : création d’un réseau d’hôpitaux dans les années 1960-1970, (…), des IRM et de la chirurgie endoscopique dans les années 2000 qui permettent d’établir de meilleurs traitements. Les changements de pratique médicale qui en découlent jouent alors un rôle majeur dans la dynamique des dépenses de santé ». De plus, « nous consommons 40 % de médicaments de plus que nos voisins, surtout des médicaments récents et chers, et moins de génériques ».

    Les agrégats significatifs des comptes nationaux de la santé (en millions d’euros)

     
    2005
    2006
    2007
    2008
    2009
    2010
    Dépenses de soins et de biens medicaux
    148 116
    153 748
    160 352
    165 710
    170 956
    174 968
    Soins aux particuliers
    108 676
    112 925
    117 614
    121 651
    125 903
    128 941
    Soins hospitaliers
    68 487
    71 051
    73 644
    76 208
    79 116
    81 204
    Secteur public
    52 774
    54 618
    56 482
    58 187
    60 256
    61 750
    Secteur privé
    15 714
    16 432
    17 162
    18 021
    18 860
    19 454
    Soins de ville
    37 372
    38 822
    40 739
    42 066
    43 191
    43 953
    Transports de malades
    2 816
    3 053
    3 231
    3 377
    3 595
    3 784
    Médicaments
    30 688
    31 491
    32 696
    33 393
    34 075
    34 449
    Autres biens médicaux
    8 753
    9 332
    10 042
    10 667
    10 978
    11 578
    Soins de longue durée
    12 209
    13 004
    13 919
    15 218
    16 619
    17 259
    Services de soins à domicile (SSAD)
    911
    1 017
    1 106
    1 211
    1 311
    1 334
    Soins aux personnes âgées en établissements
    4 635
    5 082
    5 534
    6 310
    7 273
    7 665
    Soins aux personnes handicapées en établissements
    6 663
    6 904
    7 279
    7 697
    8 035
    8 261
    Indemnités journalières
    10 412
    10 487
    10 803
    11 455
    11 936
    12 457
    Dépenses pour les malades
    170 738
    177 238
    185 074
    192 384
    199 511
    204 684
    Source : Yves Daudigny, Rapport sénatorial fait au nom de la Commission des affaires sociales
    sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012, p. 11.
     
  • Les revenus
« La coalition des syndicats professionnels, des syndicats médicaux, de l’industrie pharmaceutique pour plus d’emplois et des revenus ou des profits plus élevés demeurera une constante. Ainsi, l’industrie pharmaceutique sait fort bien réagir à la baisse régulière des prix unitaires des médicaments et aux charges qui lui sont souvent imposées en augmentant le volume des médicaments vendus et en déformant sa composition de manière à maintenir la croissance de son chiffre d’affaires global. Les revenus de certaines professions de la santé figurent parmi les revenus les plus élevés (…). Quant aux coalitions d’intérêt, leur influence dépendra des régulations adoptées et des contraintes de financement qui leur seront opposées ».

Comment financer les dépenses de santé à l’avenir ?

Deux facteurs tireront la demande à l’avenir : le vieillissement de la population et l’évolution des habitudes de soins des nouvelles générations. En France, l’assurance-maladie "au caractère universel, obligatoire et solidaire" prend en charge une grande partie des prestations de santé. Les assurances, les mutuelles et les ménages assurent le complément. A ce propos, Béatrice Majoni d’Intignano explique que « la distinction entre fonds publics et fonds privés va devenir essentielle. En effet, alors qu’il ne semble guère exister de marge de manœuvre pour augmenter les premiers, les seconds pourraient croître significativement. »
  •  Augmenter la dépense privée ?« Ce qui doit aussi retenir l’attention, c’est la part des dépenses de santé financées par des fonds publics (cotisations ou impôts) et celle qui l’est par des fonds privés (assurances facultatives et/ou malades). En général les dépenses publiques se situent entre 6 et 8 % du PIB, 8 %, semblant une limite difficile à franchir (…). Dès lors, s’il faut chercher une marge de manœuvre, elle se situerait plus du côté des dépenses privées (2,5 % du PIB) que des dépenses publiques (8,5 %) ». Si l’on compte treize plans de stabilisation depuis la fin des années 1970, «la réforme de 1996 a introduit une approche totalement novatrice en fixant un objectif annuel à la croissance des dépenses remboursées : l’ONDAM (Objectif national de dépenses d’assurance-maladie)… Avec cette réforme, l’attention s’est déplacée du déficit vers le niveau de la dépense remboursée. » Mais, « l’ONDAM n’a pas été assorti des mécanismes de régulation et/ou de contraintes susceptibles d’obliger les acteurs à le respecter ».Toutefois, « l’assurance-maladie peut être encore allégée de nombreuses dépenses : par exemple, les soins dentaires ou les lunettes pour les adultes, déjà mal remboursés. Compléments alimentaires, (…), autant de dépenses qui pourraient rester à la charge des intéressés jusqu’à un certain plafond, ou dont les complémentaires pourraient se charger en partie si elles étaient mieux organisées ».« Mais plus de dépenses privées impliqueraient plus d’inégalités, soit dans l’accès aux soins, soit dans les revenus des médecins. Les Français sont-ils prêts à le tolérer, eux chez qui Tocqueville déjà décelait une passion pour l’égalité ? ». 


Les inégalités face à la santé

C’est un paradoxe : le système de santé français considéré comme l’un des plus performants par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est aussi celui où, parmi les pays d’Europe de l’Ouest, les inégalités sociales et territoriales de santé sont les plus marquées.

Définir les inégalités sociales de santé

Dans un article intitulé "Les inégalités face à la santé en France" (publié dans "La santé, quel bilan ?," Cahiers français, n° 369, juillet-août 2012, La Documentation française), Gwenn Menvielle définit les inégalités sociales de santé comme « des différences systématiques, évitables et importantes dans le domaine de la santé observées entre des groupes sociaux au sein d’un même pays ou entre différents pays ».

A ce propos, un rapport de l’OMS sur "Combler le fossé en une génération" souligne que « réduire les inégalités en matière de santé est un impératif éthique. L’injustice sociale tue les gens à grande échelle. Un enfant né dans une banlieue de Glasgow, en Ecosse, aura une espérance de vie inférieure de 28 ans à un autre né à 13 kilomètres de là. Il n’existe pas de bonne raison biologique qui expliquerait cela ». Les différences de niveau de santé entre les pays et à l’intérieur même des pays sont en effet dues à « l’environnement social dans lequel les gens naissent, vivent, grandissent, travaillent et vieillissent. Il existe donc un lien entre l’état de santé d’une personne et sa position dans la hiérarchie sociale ».

Distinguer les déterminants sociaux de la santé

Pour mieux cerner les inégalités, le rapport de l’OMS dresse un tableau de l’ensemble des déterminants sociaux distinguant entre les déterminants dits "structurels" des inégalités sociales de santé et les déterminants dits "intermédiaires" de l’état de santé. Selon Gwenn Menvielle, « les déterminants structurels peuvent se partager en deux groupes. Un premier groupe est lié au contexte socioéconomique et politique du pays et inclut la gouvernance, les politiques macro-économiques, les politiques sociales, les politiques publiques, la culture et les valeurs de la société. Un deuxième groupe comprend les caractéristiques de la position socioéconomique des individus, à savoir le genre, l’origine ethnique, le niveau d’études, la profession, le revenu, etc. (…) Ces déterminants structurels ont un impact (…) sur la distribution des déterminants intermédiaires. Les déterminants intermédiaires de l’état de santé renvoient aux conditions matérielles (conditions de travail, conditions de vie (…), aux comportements (tabac, alcool, nutrition (…), aux facteurs psychosociaux (…), biologiques et génétiques, ainsi qu’au rôle de l’accès au système de santé (…) [Ces déterminants intermédiaires] (…) ne sont que la conséquence des déterminants structurels que l’on appelle aussi "causes des causes". C’est à celles-ci, si l’on souhaite réduire les inégalités sociales de santé, qu’il faut s’attaquer ».

Quelles inégalités territoriales de santé ?

Les différences de santé sont observées non seulement en fonction de la position socioéconomique des individus, mais des disparités sont également constatées entre les différents territoires.
  • Disparités géographiques de mortalité
    La surmortalité est quantifiée à l’aide de ratio de mortalité standardisé (SMR). Gwenn Menvielle donne l’exemple « d’une zone majoritairement en surmortalité [qui] s’étend de la Bretagne au Nord-Pas-de-Calais et à l’Alsace, à l’exception de l’Ille-et-Vilaine et du sud de la Basse Normandie. La surmortalité est particulièrement marquée dans le centre de la Bretagne, le Nord-Pas-de-Calais et le nord de la Picardie (…) Si certains territoires ont une mortalité plus élevée, c’est en partie parce que les personnes résidant dans ce territoire ont une position socioéconomique plus défavorable (…). Cette association se retrouve chez les hommes comme chez les femmes, dans l’ensemble des tranches d’âge et pour de nombreuses causes de décès.

  • Une offre de soins inégalitaire
L’offre de soins est aussi répartie de façon inégalitaire sur l’ensemble du territoire français. Ces disparités s’observent pour différents indicateurs tels que la densité des médecins généralistes, de spécialistes, ou le temps d’accès aux urgences. Le temps d’accès à un généraliste diffère sur l’ensemble du territoire. Globalement, il s’allonge à mesure que l’on s’éloigne de la préfecture du département. En particulier, certaines zones comprenant la Champagne-Ardenne, la Bourgogne, la Franche-Comté ou le sud du Massif central ont des temps d’accès aux généralistes plus élevés. Cela correspond à des zones rurales, les professionnels se concentrant dans les zones urbaines. »
  • L’impact sur la santé
C’est par un indice de défavorisation sociale, ou deprivation index, que l’on mesure la situation sociale d’un territoire. Celui-ci « est calculé à partir des caractéristiques socioéconomiques de la population vivant dans un territoire, telles que le pourcentage de personnes ayant un niveau d’études universitaire ou le pourcentage de chômeurs ».

Mais « si les caractéristiques individuelles des personnes résidant dans un territoire sont le principal déterminant de la santé au sein d’un territoire, des effets propres à un territoire sont aussi à prendre en compte. Il s’agit par exemple du bâti au sein du territoire de résidence, tels qu’une moindre présence d’espaces verts ou d’équipements sportifs, ou de l’offre alimentaire (…), de la pollution atmosphérique ou du trafic routier. Des dimensions liées à l’offre de soins comme la densité de médecins généralistes, ou la distance aux centres de santé de référence (les centres anticancéreux ou les grands hôpitaux) » y contribuent aussi.

Illustrant les relations complexes entre santé et territoire, Gwen Menvielle explique que l’on «observe une moins bonne survie parmi les personnes atteintes d’un cancer du colon et vivant loin d’un centre anticancéreux (…). La distance au centre de traitement semble avoir un effet sur le traitement reçu, à égalité de stade au diagnostic, les personnes résidant loin des hôpitaux recevant en moyenne moins souvent une chimiothérapie lors d’un cancer diagnostiqué à un stade avancé alors que c’est le traitement recommandé dans ce cas ».



Les systèmes de santé étrangers : existe-t-il "un" bon modèle ?

Au sein des pays dont l’assurance-maladie est financée publiquement sont distingués les systèmes beveridgiens et bismarckiens, les premiers se référant à un service national de santé, universel, les seconds à un modèle d’assurances sociales fondé sur des solidarités professionnelles. Cette typologie permet, certes, de définir une architecture globale, mais ne suffit pas pour caractériser le fonctionnement des systèmes de santé somme toute mixtes. Ceci étant d’autant plus vrai qu’avec des réformes menées depuis deux décennies, les systèmes deviennent de plus en plus hybrides

La spécificité de chaque système

Selon l’analyse de Dominique Polton "Les systèmes de santé occidentaux et leurs évolutions" (publié dans "La santé : quel bilan ?", Cahiers français, n° 369, juillet-août 2012, La Documentation française) « aucune conclusion générale ne se dégage quant à la supériorité de l’un ou de l’autre modèle en termes de performance sanitaire et de qualité globale des soins (…) Un système de santé est en effet un assemblage complexe combinant des mécanismes d’assurance contre le risque maladie (publics ou privés, obligatoires ou non), une organisation de la délivrance des soins (…), des modalités de financement de l’assurance et des soins (…) et un système de gouvernance (…). La combinaison de ces différents éléments forme un système qui a sa cohérence d’ensemble, et qu’on ne peut analyser indépendamment du contexte plus large des institutions, des politiques et de la culture de chaque pays.

Aux Pays-Bas et en Allemagne : la compétition régulée

Parmi les pays où la couverture contre le risque maladie était historiquement organisée sur le modèle des assurances sociales, certains ont évolué vers des modèles plus concurrentiels tout en restant dans le cadre d’un financement socialisé. C’est le cas (…) aux Pays-Bas, où une réforme majeure a été mise en œuvre en 2006. Antérieurement coexistaient une assurance-maladie obligatoire pour les deux tiers de la population, gérée par des caisses publiques, et des assurances privées, facultatives, pour le tiers le plus riche. Depuis 2006, toute la population est couverte par une assurance-maladie de base devenue obligatoire, uniforme dans ses garanties, et dont la gestion est déléguée à des assureurs privés en concurrence (…) Les assureurs (…) sont incités à faire (…) pression sur le système de soins pour obtenir des gains d’efficience (…).

La concurrence entre caisses d’assurance-maladie a été également une voie de réforme choisie en Allemagne (…) les caisses allemandes ont toujours eu une autonomie financière, chaque caisse fixant le taux de cotisation de ses adhérents de manière à équilibrer ses comptes ». Les taux de cotisation étaient donc très variables. Ce modèle a été revu. « A partir de 1996, l’ensemble de la population allemande a été libre de choisir sa caisse d’assurance-maladie, avec la même philosophie sous-jacente qu’aux Pays-Bas sur les avantages de la concurrence... Cette réforme s’est accompagnée d’un système de péréquation pour niveler les différences de risques entre caisses, puis, en 2009, de la création d’un fonds national qui (…) collecte l’ensemble des cotisations sociales et les redistribue entre les caisses en fonction des risques qu’elles couvrent.

Aujourd’hui quatre assureurs se partagent 88 % du marché aux Pays-Bas, et le nombre de caisses allemandes est passé de 1 150 en 1994 à environ 150.

L'exemple du National health Service britannique

Au début des années 1990, le "marché interne" des conservateurs avait constitué une rupture avec un élément constitutif des systèmes beveridgiens, qui est la gestion publique intégrée du financement, de la régulation et de la fourniture de soins. Les offreurs de soins étaient devenus plus autonomes (…), et un rôle "d’acheteur de soins" avait été dévolu aux autorités locales et même à des groupes de généralistes (…).

Le New Labour a à son tour lancé à partir de 1997 un vaste programme réformateur (…) des aspects importants de la réforme précédente ont été conservés, notamment (…) la responsabilité donnée aux médecins de soins primaires d’agir en tant que "commanditaires" des soins secondaires (…). L’ensemble du territoire était désormais maillé par des réseaux locaux de cabinets de médecine générale, les "primary care groups", qui devaient (…) jouer ce rôle "d’acheteur" collectif de soins secondaires sur leur territoire.

Les années 2000 ont vu (…) la décision d’investir financièrement dans le NHS de manière massive, pour rattraper le retard de moyens et de résultats par rapport à d’autres pays développés (…) et surtout (…) une politique volontariste d’ouverture à des prestataires privés (…), doublé d’un ambitieux programme de partenariat public/privé pour financer la construction de nouveaux établissements ».

Gestion décentralisée ou recentralisée

Selon les pays, les réformes engagées ont créé des niveaux différents de gouvernance. A ce titre, Dominique Polton explique qu’« en Espagne, (…) les dix-sept parlements et ministres de la santé régionaux assurent sur leurs territoires respectifs la gestion du système national de santé…. Le même processus a eu lieu en Italie, où (…) les régions sont devenues le niveau essentiel de gestion des services sanitaires. (…)

Cependant les réformes récentes de la gouvernance ont eu plutôt tendance, à l’inverse, à recentraliser le pouvoir de décision. C’est le cas en Norvège, où la propriété des hôpitaux a été transférée des dix-neuf comtés à l’État central, avec une gestion déconcentrée au niveau des cinq régions administratives, (…). »

"Un" bon modèle ?

En conclusion Dominique Polton rappelle que « la tendance spontanée à la croissance des dépenses dans le cadre de financements publics contraints est une équation universelle. Et l’ajustement entre les deux relève peut-être moins d’une grande réforme apte à tout résoudre (…) que de la poursuite résolue, sur le long terme, d’actions visant à inciter tous les acteurs du système (…) à optimiser l’utilisation du système de soins.(…)

Au-delà de ces outils de gestion, il y a bien sûr, des choix à opérer entre les objectifs de liberté, d’efficience, d’équité, entre les intérêts divergents des acteurs. (…) D’où l’importance d’éclairer ces enjeux sans simplification abusive, pour permettre le débat démocratique nécessaire sur ces choix sociaux fondamentaux. (…)

En dépit des contraintes financières et d’une prise en charge privée plus importante, la tendance n’est pas à la "désocialisation"du risque maladie. »



25 avril 1991
L’affaire du sang contaminé atteint la France avec la publication dans l’hebdomadaire L’Evènement du Jeudi d’un article prouvant que, de 1984 à 1985, des produits sanguins contaminés par le virus du SIDA ont été distribués en connaissance de cause à des hémophiles par le Centre national de transfusion sanguine (CNTS).
22 février 1996
Début des réformes du gouvernement Juppé. La loi constitutionnelle n° 96-138, instituant les lois de financement de la sécurité sociale, donne au Parlement le droit de regard sur l’équilibre financier de cette dernière.
27 mars 1996
Crise de la vache folle : l’embargo total sur les exportations de viandes bovines britanniques est voté unanimement par la Commission européenne.  
24 avril 1996
Les ordonnances n° 96-344, 96-345 et 96-346, respectivement relatives à l’organisation de la sécurité sociale, la maîtrise médicalisée des dépenses de soins et la réforme de l’hospitalisation publique et privée, créent notamment les agences régionales d’hospitalisation (ARH), ainsi que les filières et réseaux de soins.
22 juillet 1996
La loi organique n° 96-646, relative aux lois de financement de la sécurité sociale, instaure le vote annuel d’un Objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM), fixé par des négociations qui se font pour les régions entre les établissements et les agences régionales d’hospitalisation, et pour les soins de ville entre les caisses de sécurité sociale et les professionnels de santé.
9 juin 1999
Adoption de la loi n° 99-477 reconnaissant le droit des malades d’accéder à des soins palliatifs.
27 juillet 1999
La loi n° 99-641, portant création d’une couverture maladie universelle (CMU), garantit la gratuité des soins aux plus défavorisés.
17 novembre 2000
Un arrêt rendu par la Cour de Cassation suite à ‘’l’affaire Perruche’’ reconnaît à un enfant né handicapé le droit d’être indemnisé pour ce qui est jugé comme un préjudice. Scandale dans l’opinion public : on reproche à la Cour de créer ‘’le préjudice d’être né’’.
4 mars 2002
La loi n° 2002-303, (loi ‘’Kouchner’’), relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, reprend la proposition faite le 3 décembre 2001 par le député Jean-François Mattei d’une loi ‘’anti-Perruche’’ : l’article 1er déclare que ‘’Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance’’.
12 août 2003
Pic des décès dus à la canicule qui sévit depuis le début du mois : 2 200 morts en 24 heures. Au final, un rapport de l’INSERM évaluera à 14 802 morts le bilan de la vague de chaleur.
9 août 2004
L’État est déclaré pour la première fois responsable de la santé publique avec la loi n° 2004-806.
22 avril 2005
La loi n° 2005-370 (loi ‘’Léonetti’’), relative aux droits des malades et à la fin de vie, marque un tournant dans le débat sur l’euthanasie en affirmant qu’une ‘’obstination déraisonnable’’ ne doit pas faire se poursuivre un traitement.
2 août 2005
La loi organique n° 2005-881, relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), vise notamment à renforcer la portée du vote sur l’ONDAM, à donner une dimension pluriannuelle aux LFSS, et à introduire une démarche ‘’Objectifs – résultats’’ s’inspirant de celle de la loi organique relative aux lois de finances pour le budget de l’État.
5 mars 2007
Promulgation de la loi n° 2007-294 visant à mieux gérer les crises sanitaires de grande ampleur, en créant un établissement public de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) et un corps de réserve sanitaire.
16 juillet 2009
Annonce de la commande de 94 millions de doses de vaccins contre la grippe A (de quoi vacciner deux tiers des Français) par la ministre de la santé Roselyne Bachelot, pour un montant annoncé de 880 millions d’euros.
21 juillet 2009
Adoption de la loi n° 2009-879, ‘’Hôpital, patients, santé, territoires’’ (HPST). Ses principaux effets : le renforcement des pouvoirs des chefs d’établissements et des médecins dans la gestion des hôpitaux, la création de ‘’communautés hospitalières de territoire’’, l’homogénéisation de l’accès aux soins en tous lieux, l’interdiction de la vente d’alcool et de cigarettes aromatisées aux mineurs, le développement de l’éducation thérapeutique des patients, la création d’agences régionales de santé (ARS) remplaçant les ARH et coordonnant l’ensemble des politiques de santé.
30 novembre 2009
Le médiator est retiré du marché, accusé d’être responsable de nombreux cas de valvulopathies. Cinq millions de personnes ont utilisé ce médicament, prescrit comme coupe-faim, depuis sa commercialisation en 1976. L’AFSSAPS estimera au minimum à 500 le nombre de ses victimes.
22 décembre 2009
7% de la population est vaccinée contre la grippe A, deux mois après l’ouverture des centres. Deux semaines plus tard, le gouvernement annonce l’annulation de la moitié des commandes de vaccins, et la revente à l’étranger d’une partie du surplus.
29 décembre 2011
Suite à l’affaire du Médiator, la loi n° 2011-2012 sur le renforcement de la sécurité sanitaire des produits de santé prend différentes mesures contre les conflits d’intérêts et transforme l’AFSSAPS en Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), lui octroyant plus de pouvoir et de prérogatives.

 

2012

Mission Hôpital public


Auteur(s) :
FELLINGER Francis, BOIRON Frédéric
FRANCE. Ministère du travail, de l'emploi et de la santé
Consulter

2013

La situation du cancer en France en 2012

Auteur(s) :
INSTITUT NATIONAL DU CANCER (France)
Consulter


2012

Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie - Rapport annuel 2012


Auteur(s) :
FRANCE. Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie
Consulter



B) Santé de Wikiberal
Voir les articles suivants :

Publications

  • 2006, Arnold Kling, "Crisis of Abundance: Rethinking How We Pay for Health Care", Washington, DC: Cato Institute
  • 2007, Michael F. Cannon et Michael D. Tanner, "Healthy Competition: What’s Holding Back Health Care and How to Free It", Washington, DC: Cato Institute


C) Assurance maladie de Wikiberal
L'assurance maladie est un dispositif chargé d'assurer un individu face à des risques financiers de soins en cas de maladie, associé parfois au versement d'un revenu minimal lorsque l'affection prive la personne de travail. C'est un dispositif de sécurité sociale (au sens large) et de protection sociale.  
Un système d'assurance maladie étatique peut être géré par un organisme d’État, délégué à des organismes privés, ou bien être mixte.
Le fonctionnement, comme toutes les assurances, est basé sur la mutualisation du risque : chaque personne cotise, en échange de quoi elle est remboursée selon un barème fixé.
Concernant un système d'assurance maladie étatique, le premium payé par l'assuré ne suit pas forcément les règles de l'assurance pure, c’est-à-dire basé uniquement sur le risque. En effet, le système étatique remplit à la fois une fonction d'assurance pure et une fonction de répartition dans lequel les plus aisés payent l'assurance des plus défavorisés.
Les libéraux sont opposés à un tel système de "redistribution sociale" collectiviste ou social-démocrate. En effet, il n'y a plus de rapport entre la prime et le risque couvert, il n'y a plus de contrat avec la responsabilité qui l'accompagne, on rend arbitrairement certaines personnes irresponsables, et d'autres responsables.
L'assurance obligatoire avec cotisations proportionnelles au revenu (comme c'est le cas en France) entraîne l'absence complète de responsabilité des assurés : on ne peut pas demander à quelqu'un d'être responsable quand on l'empêche d'être libre, c'est ce qu'on appelle une double contrainte. Les gouvernements ont beau jeu d'en appeler à la responsabilité des "assurés" (assujettis) alors qu'ils les déresponsabilisent en leur enlevant toute liberté de choix. D'où surconsommation médicale, files d'attente, déremboursements permanents, etc.
Certains (comme Hans-Hermann Hoppe) mettent en doute l'assurabilité même de la santé : en effet, notre santé n'est pas totalement aléatoire, puisque par nos comportements nous pouvons grandement l'influencer (alimentation, tabac, hygiène de vie). Est-il juste qu'un non-fumeur participe aux frais de santé d'un fumeur atteint d'une maladie des poumons ? La sélection du risque fait partie intégrante du métier de l'assureur. Cela signifie-t-il qu'un handicapé ou quelqu'un de gravement malade doive être laissé aux seuls soins de la solidarité privée, faute de pouvoir être couvert par une assurance ? L'assurance par définition couvre le risque aléatoire, et non les événements certains : il suffirait donc d'être assuré avant l'événement, par exemple dès la naissance. Une telle prise en charge de soi-même semble impensable dans les pays où l'étatisme oblitère la responsabilité individuelle en prétendant s'occuper de la santé de chacun. Pourtant que fait l'État (ou la gestion "collective" au travers d'institutions telles que la Sécurité sociale en France) si ce n'est jouer le rôle d'un assureur - ce qu'il fait très mal et à un coût démesuré ?

 


D) Divers sites sur ce thème:

Ouvrons l'assurance maladie à la concurrence par Aurélien VÉRON du PLD (Fra)

ASSURANCE MALADIE: le rapport sur les coûts de gestion (gouvernemental) et les critiques

Globalisation - Mondialisation 6/8 (Santé pour tous)

Alain Madelin son programme entier pour 2017, s'il se présentait ! + réponses diverses de mars

http://www.contrepoints.org/?s=assurance+maladie

Quitter la Sécu avec Laure et plus...

 

E) Quitter la sécu

Quitter la sécurité sociale, la page de Contrepoints et de ses auteurs, cliquez ici

F) Une alternative libérale à la Sécu

La France est un pays où les idées libérales se sont trouvé exclues du débat politique au cours des dernières années. Si l’on parcourt le monde et si on constate qu’il s’agit là d’une « exception » préoccupante qui conduit la France à un déclin et à un délabrement généralisé, on ne peut que s’en alarmer.

Mon problème, je n’ai cessé de le dire, n’est pas que je n’aime pas mon pays, mais que je trouve souvent ses dirigeants lamentables et les décisions qu’ils prennent consternantes. Pour peu que des hommes de courage et de conviction se révèlent enfin, ils pourront trouver des arguments intellectuels de qualité chez tous ceux qui, en dépit des difficultés, auront continué opiniâtrement le combat des idées. Parmi ceux-là, je me dois de citer mon ami Jacques Garello, fondateur de l’Université de la nouvelle économie dont les travaux, année après année, se révèlent d’une constante et régulière fécondité ( www.libres.org ).

Je pense utile aussi de parler d’un autre de mes amis, Jacques Raiman, fondateur et principal responsable, avec Henri Lepage, de l’Institut Turgot, dont les travaux sont d’une excellente qualité ( www.turgot.org ).

L’Institut Turgot vient de publier un ouvrage profond et innovant consacré à un secteur de la société française très régulièrement en crise et dont il est très souvent question, sans que pour autant les diagnostics le concernant soient précis et sans que les remèdes proposés soient précisément détaillés. Dans « Santé publique, santé en danger », coexistent précision du diagnostic et détail des remèdes. ( Résumé Universitaire de l’ouvrage PDF 167 ko)

L’auteur, Jean-Luc Migué, professeur d’économie au Canada, disciple de James Buchanan, commence par dissoudre le mythe d’une Sécurité sociale performante, située à mi-chemin entre l’étatisme et le « péril libéral ». Si tant est que la « Sécu » ait été un jour à ce mi-chemin, il est clair qu’elle ne l’est plus. Il est clair aussi que les scléroses qui la touchent rendent la « Sécu » non performante et la placent sur un chemin où elle va coûter de plus en plus cher, tout en n’ayant plus à offrir que diverses formes de pénurie. « Le remplacement des prix de marché par des prix administrés prive les décideurs de l’information nécessaire ». Les « réformes » mises en place ces dernières années n’en sont pas vraiment et sont rapprochées, par Migué, de ce que fut la « glasnost » sous Gorbatchev : des rafistolages et des subterfuges qui n’ont pas empêché l’avancée fatale vers le pire, dont les attentes interminables dans les services d’urgence, le sous-équipement en technologies de pointe et « l’impatience croissante des malades face à leur prise en charge » ne sont que les signes avant-coureurs.

Rafistolages et subterfuges, sous-produits, montre Migué, des perversions découlant logiquement d’une démocratie non tempérée par le Droit – et où la « dictature de l’électeur médian » impose une préférence pathologique pour les « solutions redistributives, planistes et uniformisatrices ». À cela Migué oppose des solutions plus optimales économiquement.

Ces solutions reposeraient sur l’abolition du monopole, sur la liberté d’offre d’assurances médicales par des compagnies privées (avec une clause de franchise laissant aux assurés la charge des petits bobos du quotidien de façon à sortir de la fiction de gratuité des soins) et sur la création de comptes d’épargne santé épaulés par un dispositif de crédit d’impôts. La mise en œuvre simultanée de ces solutions permettrait, note Migué, d’arrêter l’engrenage qui conduira inexorablement au cataclysme.

S’ils lisent le livre publié par l’Institut Turgot, les décideurs français ne pourront plus dire qu’ils ne savaient pas ou qu’ils disposaient d’informations incomplètes. Il serait difficile d’être plus exhaustif que l’est Migué. S’ils lisent le livre, les décideurs français ne pourront plus dire non plus qu’ils ne voient pas comment une alternative viable pourrait être élaborée. Il serait très difficile d’être plus précis que Migué dans sa définition et sa conceptualisation d’une alternative viable. Ceux qui voudraient dire que Migué n’est qu’un théoricien de l’économie pourront noter que ce qu’il propose est d’ores et déjà mis en œuvre dans des sociétés occidentales qui ont préféré la liberté et l’optimum économique à l’enlisement dans des dogmes d’un autre âge.

G)  Oyez, oyez, le monopole de la Sécu a bien sauté !
Depuis février, Contrepoints nous livre les aventures de Laurent C. qui a décidé de se sortir du magma gluant de la Sécurité sociale pour souscrire à une assurance privée. Or, s’il semble que pour des indépendants l’exfiltration de ce système mafieux soit possible (au prix de démarches kafkaïennes), il en allait jusqu’à présent de façon différente pour les salariés. Ou tout du moins, c’est l’idée qu’on pouvait s’en faire…

Mais dernièrement, la situation a évolué.
Ce billet ne prétend pas à l’exhaustivité, mais même un rapide état des lieux permet de se rendre compte que la position des voltigeurs juridiques de la Sécurité Sociale, qui fondent sur l’impétrant pour lui démonter la tête par le truchement des Tribunaux Administratifs de Sécurité Sociale, n’est plus aussi solide qu’avant, au point qu’il est maintenant raisonnable d’imaginer pouvoir se sortir des griffes des organismes collectivistes de santé avant l’effondrement complet de la soviétie française.

Ainsi était-il encore récemment particulièrement risqué d’inciter les cotisants à briser leur mariage avec cette Sécurité Sociale française qu’on avait forcé sur eux ; des textes de lois, comme on peut en lire sur le portail de l’organisme lui-même, semblait violemment punir toute tentative de rébellion ou toute publicité à quitter le giron de la Sécu. Or, depuis l’article L114-18 de 2006, qui a abrogé les dispositions du deuxième alinéa de l’article L 652-7 du code de la Sécurité Sociale, il est maintenant seulement interdit d’inciter à ne plus s’affilier à un régime d’assurance obligatoire (français ou non). 

Et comme je suis un petit gars qui respecte la loi, je vais mettre tout de suite les choses au clair : je vous incite très clairement à continuer à cotiser à un organisme d’assurance qui, comme son nom l’indique, est obligatoire. En revanche, je vous incite à laisser complètement tomber les organismes d’assurances collectifs français de Sécurité Sociale, tant d’autres systèmes ont un bien meilleur rapport qualité/prix que le système collectiviste français.

Ceci posé, pourquoi parler de cet épineux sujet maintenant ? Eh bien il apparaît que grossissent actuellement plusieurs mouvements d’individus désirant quitter ces organismes : médecins libéraux, indépendants ou nouveaux arrivants sur le marché du travail français qui découvrent, stupéfaits, à quelle sauce ignoble on tente de les rôtir, cotisations monstrueuses et redressements intempestifs aidants. Certes, on entendait les années passées parler de l’un ou l’autre indépendant qui tentait de s’extraire des systèmes, avec plus ou moins de succès. Héroïquement, des petites cellules de résistance à l’oppression collectiviste se sont organisées, portées par les conseils indispensables (et essentiellement juridiques) d’associations comme le MLPS d’un certain Claude Reichman ; à chaque fois, l’idée est la même : le monopole détenu par les organismes quasi-publics d’assurance maladie de la Sécurité Sociale est tombé depuis la libre circulation des citoyens européens et l’ouverture à la concurrence imposée par les traités européens, et il est dès lors possible, pour tout assuré en France, de choisir n’importe quel organisme, français ou étranger, pour les prestations d’assurance de la branche maladie.

Et c’est logique, du reste : si un étranger, ayant contracté avec une assurance maladie qui le suit depuis des années, arrive en France, on ne peut lui imposer de briser son contrat et perdre l’avantage de la fidélité à son assureur. Et la double cotisation n’est pas envisageable puisque inversement, un Français s’installant dans un pays étranger redécouvre la liberté de choix. Or, par réciprocité, si on n’impose pas la double cotisation à un Français, on comprend qu’on ne peut l’imposer à un étranger venant travailler en France.

Bien évidemment, si le raisonnement était aussi simple, la directive datant de 1992, les Français auraient déjà redécouvert la possibilité de s’assurer là où bon leur semble depuis plusieurs décennies. En pratique, les organismes sociaux collectivistes, parfaitement conscient de la perte abominable de pouvoir qu’une ouverture effective à la concurrence leur ferait subir, se sont donc battus, pied à pied, pour que le peuple ne soit pas au courant et que chaque démarche pour s’extirper de leurs griffes soit la plus pénible possible. Et lorsqu’on lit l’historique consternant de mauvaise foi et de coup bas des batailles lamentables de ces organismes sociaux (d’ailleurs largement aidés par des politiciens aussi cyniques que complices) contre la liberté des Français, on comprend que tous les moyens furent, sont et seront utilisés pour que le robinet à pognon continue à déverser les milliards d’euros de cotisation dans les caisses percées de la Sécu, pour que le gaspillage et le jmenfoutisme continuent sans faiblir.

Il faut comprendre que la Sécurité Sociale, c’est l’équivalent d’un État dans l’État : son budget annuel est comparable à celui de l’État français, et ces masses considérables d’argent de cotisants captifs peuvent être utilisées pour orienter durablement la société française. Ce constructivisme discret mais permanent n’est pas fortuit : la Sécu est dirigée, depuis sa création, par les syndicats (et seulement ceux décrétés représentatifs, bien sûr) dont on se rappellera qu’ils ont toujours été d’une probité exemplaire, dont les agendas sont ouvertement collectivistes pour la plupart, et les dirigeants, clairement communistes (avec une belle représentation des différentes nuances de rouge, du stalinien au trotskyste). Avec un tel budget, un tel agenda et de tels dirigeants, le tout posé sur les principes habituels de « gratuité » et de déresponsabilisation voire décérébration complète de l’assuré, il n’était pas étonnant qu’en quelques décennies, l’ensemble se transforme en déroute cataclysmique à l’échelle d’une nation et qu’elle entraîne avec elle tout le pays par le fond.

Pour les Français, alors qu’une crise sans précédent pousse l’ensemble des systèmes sociaux au bord de la rupture, il est urgent de se mettre à l’abri. C’est d’ailleurs ce que fait un nombre grandissant d’entre eux, aidés par les informations disponibles sur internet, pour le moment encore difficile à museler. Et comme l’indiquent les dernières parution du MLPS (un avis motivé de la Commission Européenne, lisible ici), tous les régimes sociaux d’assurance français (maladie, retraite, accidents du travail, chômage) sont, selon la classification édictée par la Cour européenne de justice, des régimes professionnels de sécurité sociale et non des régimes légaux, ce qui bousille implacablement l’un des nombreux mythes des monopolistes spoliateurs, arguant (faussement) du caractère de régime légal de la Sécurité Sociale pour l’imposer aux salariés (les autres étant déjà perdus à la cause). Mieux : comme le démontre Claude Reichman dans un récent article, cet avis motivé, ainsi que son avis de classement par la Commission, sont désormais opposables au gouvernement français qui ne peut plus poursuivre les personnes qui désireront s’assurer là où elles le veulent et comme elles le veulent.

Très concrètement, cela veut dire qu’un salarié pourra réclamer le versement de son salaire complet pour rediriger une partie de celui-ci vers les assurances de son choix ; et si l’on se contente de récupérer l’assurance maladie, cela représente 302€ pour un salarié smicard (1425,67€ au 18.02.2013). Sur l’année, cela représente donc 3624€. Or, pour 2000€ à l’année en moyenne, des sociétés comme Amariz.fr proposent des contrats d’assurance identiques, mais avec donc plus de 1500€ d’économie (soit un gros treizième mois gagné pour notre smicard). 

Mais l’économie ira bien plus loin : parce que l’assuré qui paye directement son assureur se responsabilise bien mieux que ce que peuvent faire des caisses tentaculaires gérées avec le doigté syndical qu’on leur connaît, parce qu’un individu entièrement responsable de sa propre assurance, de sa prévoyance et de l’assurance de ses proches fait un calcul économique bien plus fin et judicieux qu’un empilement obèse d’administrations à sa place, parce qu’une entreprise qui n’a plus à batailler avec une douzaine d’organismes sociaux divers, qui n’a plus à faire des calculs d’apothicaires et des feuilles de salaires à rallonge peut alors bien mieux se consacrer à son cœur de métier, l’ensemble de la société française se retrouvera positivement changée par la prise de conscience nécessaire qui vient avec la fin complète et officielle de ce monopole.

Et puis, aux aigrefins et aux profiteurs qui tétaient goulûment à ce système et qui s’écrient « Mais le mâââgnifique système social français que le monde nous envie va s’effondrer si tout le monde s’en va ! », je répondrai simplement : si ce système est si bon, les gens y resteront. Et s’ils s’en vont en masse, c’est qu’il est bel et bien pourri. Si vous voulez les faire rester et puisque la coercition n’est plus possible, essayez donc une vraie qualité de prestations. Ok, le changement va être rude pour tout une cohorte d’inutiles. Mais ça fera des vacances à tous ces cotisants que vous escroquez depuis si longtemps. Il est plus que temps.
 

 Addendum : pour ceux qui le désirent, la marche à suivre pour quitter la Sécu française est ici
Par Hashtable









H) Comment quitter la sécurité sociale

M. L. P. S.
Mouvement pour la Liberté de la Protection Sociale
165, rue de Rennes 75006 PARIS

Communiqué du 20 avril 2015 


Le MLPS s’indigne du comportement des magistrats des tribunaux des affaires de sécurité sociale
Ces tribunaux, qui sont financés par la Sécurité sociale et dont les assesseurs sont désignés par les syndicats qui gèrent la Sécurité sociale, sont présidés par des magistrats professionnels dont le comportement devrait être conforme aux règles d’un procès équitable, tel que le définit la Convention européenne des droits de l’homme.
Bien au contraire, ces magistrats professionnels se montrent très souvent agressifs à l’égard des requérants revendiquant l’application des lois qui suppriment le monopole de la sécurité sociale, et tentent de les intimider.

Le MLPS publie ci-après un témoignage illustrant ce comportement inacceptable des magistrats.
e suis passé au tribunal de la sécurité sociale.
Le juge a été très menaçant et il a essayé de m’intimider en me menaçant d’une pénalité pour procédure abusive.
Je lui ai répondu que s’il estimait que la question prioritaire de constitutionnalité est un abus de procédure, il n’avait qu’à me mettre une amende.
Il m’a dit : « Vous voulez une amende ? » Je lui ai répondu : « Si vous l’estimez. » Il m’a alors dit : « La procédure est orale, alors lisez-la. »
J’ai lu toutes les feuilles de mes conclusions, en accentuant le mot « mutualité » et « ordonnance de 2005 anticonstitutionnelle. »
Il m’a alors dit : « Vous allez encombrer les tribunaux. Votre question on y a répondu plusieurs fois et on a des jurisprudences qui vous donnent tort. »
Je lui ai répondu que je me battrais corps et âme pour avoir le choix de ma protection sociale et que personne ne m’imposerait de force à cotiser au RSI.
Il m’a finalement dit qu’il ne pouvait que retenir ma QPC, qu’il y était tenu et avait les pieds et les poings liés. « Je ne peux faire autrement que de renvoyer l’audience au 20 octobre 2015 », a-t-il indiqué.
Le MLPS exige la suppression de ces tribunaux qui sont une négation scandaleuse de l’état de droit

Exclusif
Le document qui confond et accable les pouvoirs publics français
La Direction de la sécurité sociale reconnaissait dès 2004 le droit de chacun de s’assurer librement en France et en Europe
Le communiqué du MLPS :
http://www.claudereichman.com/…/communique_mlps_19_avril_20…
Le document de la Direction de la sécurité sociale :
http://www.claudereichman.com/…/direction_securite_sociale_…



I) Vidéos de LibertarienTV sa page SS



 

J) En France, la loi santé place le pays sur «la route de la servitude»
 
La perte de la liberté d’installation ne mettra pas fin aux déserts médicaux, la perte de la liberté de prescription mettra fin à l’adaptation des soins à chacun, la fermeture arbitraire d’établissements privés mettra fin à la liberté de choix. La véritable solution est la fin de la Sécu, la fin de l’Etat qui se mêle de tout

En France, la loi santé dresse contre elle l’ensemble des médecins libéraux. Mais les patients ne comprennent pas qu’elle aura des conséquences graves pour eux. Tous s’arrêtent à «ce qu’on voit» et qui les intéresse: le tiers payant généralisé. Ils pensent que cela facilitera la vie de tous et l’accès aux soins des plus démunis.

Les Français ont intérêt à se pencher sur «ce qu’on ne voit pas». Les patients ont tout à perdre de la disparition de la médecine libérale. La perte de la liberté d’installation ne mettra pas fin aux déserts médicaux, la perte de la liberté de prescription mettra fin à l’adaptation des soins à chacun, la fermeture arbitraire d’établissements privés mettra fin à la liberté de choix, la création d’un système national des données médico-administratives pour avoir accès aux soins et à l’aide médico-sociale mettra fin au secret médical. Cette base de données permettra à l’Etat de contrôler l’intégralité de l’intimité des personnes. Le secret médical sera partagé avec l’ensemble des intervenants du système de soins, y compris le fonctionnaire de l’agence régionale de santé (ARS). Des laboratoires de recherche, bureaux d’études publics ou privés pourront accéder à ces données. Il leur suffira de demander l’autorisation à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Tout le monde sait que l’accès aux soins ne se réduit pas à un aspect financier (déserts médicaux, files d’attente, etc.). Tout le monde sait que l’immense majorité des Français a accès aux soins sans avoir besoin du tiers payant. Tout le monde sait que ceux qui ont peu de moyens bénéficient déjà du tiers payant. Si l’Etat met en avant le tiers payant généralisé en faisant croire que c’est une mesure sociale qui a pour but de permettre l’accès aux soins pour tous, c’est qu’il a d’autres raisons. Le tiers payant généralisé lui est absolument indispensable pour verrouiller le système totalitaire qu’il construit patiemment depuis des dizaines d’années.

Comment et par qui les Français seront-ils soignés demain? Quand les patients «bénéficieront» du tiers payant, l’Etat contrôlera leurs médecins. Ceux-ci ne seront plus que des officiers de santé sans contrat, sans recours, sans choix. Les politiciens leur feront faire ce qu’ils veulent même au détriment de patients qui ne seront plus «les leurs», avec le lien personnel que cela implique. Chaque patient sera un cas et un numéro dans une base de données dans un système de soins inhumain et rationné.

Tout sera asservi au politique. C’est la touche finale, l’accomplissement de ce qui est implicitement contenu dans les ordonnances de 1945 qui ont étatisé le système de santé et signé l’arrêt de mort de la médecine libérale. La Sécu n’a pas solvabilisé la demande. Elle a brisé la médecine libérale, volé la vie des médecins, détruit la responsabilité individuelle.

Beaucoup de médecins se berçaient d’illusions sur leur liberté avec la négociation de la convention et la Sécu. Il est incohérent de réclamer la fin de l’étatisation de la santé et de demander de négocier avec la Sécu, qui n’est qu’un bras armé de l’Etat, moins voyant et moins brutal que l’action directe des ARS, mais tout aussi nocif. C’est bien par l’intermédiaire de la Sécu que depuis des dizaines d’années l’Etat étouffe lentement les libéraux. Cela fait des dizaines d’années que les médecins se plaignent et souffrent sous la Sécu.

On ne peut à la fois réclamer moins d’Etat, dénoncer et avoir peur de la privatisation de la Sécu, puis se réfugier encore dans les bras de l’Etat. Le privé n’a jamais porté tort aux médecins. Il est exclu depuis 60 ans du système de soins. Les mutuelles ne sont que du capitalisme d’Etat, ou de connivence, qui est au capitalisme ce que la démocratie populaire est à la démocratie.

La solution est politique parce que les politiciens ne savent rien faire d’autre que de confisquer la vie des gens. Ils prennent des décisions à leur place après avoir pris leur argent et réglementé leur quotidien.

La véritable solution est le retour au colloque singulier sans intervention d’un tiers, Etat ou autre. Cela ne peut se faire que par la fin du monopole, le libre choix et des liens contractuels entre les différents intervenants, chacun dans son rôle.

La véritable solution est de rendre aux gens la responsabilité de leur vie et les moyens de la conduire: intégralité des revenus, soit pour les salariés le salaire complet, impôt faible, sans niche et proportionnel, libre choix de la couverture maladie, filet de sécurité pour les plus démunis, libre choix de la prévoyance retraite, etc.


La véritable solution est la fin de la Sécu, la fin de l’Etat qui se mêle de tout.
Ce qui se joue aujourd’hui est une des dernières batailles pour que survive en France un peu de liberté. Liberté qui chaque jour est mise à mal par une multitude de réglementations nouvelles. Inexorablement, la France s’éloigne de l’Etat de droit pour aller vers l’Etat totalitaire.

Patrick de Casanove*
* Auteur de «Sécu: comment faire mieux», Editions Tatamis

avril 21, 2015

John Dewey et le libéralisme (remettre les hommes au coeur de la politique et de l'économie, pour préserver et renouveler la démocratie)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Sommaire:

A) Reconstruire le libéralisme par Claude Gautier via  John Dewey - laviedesidees.fr


B) Après le libéralisme. Ses impasses, son avenir - Via Metamag, le magazine de l’esprit critique

C) Présentation de John Dewey - Après le libéralisme, ses impasses, son avenir, Climats - 1935 par Bernard Drevon



A) Reconstruire le libéralisme
 
Pour John Dewey, le libéralisme a perdu dans le monde contemporain la force de contestation politique qu’il avait à sa naissance. Le reconstruire suppose de changer les conditions sociales de notre action.

Il faut relever l’importance de cette édition des trois conférences prononcées par J. Dewey en 1935 à l’université de Virginie. Réécrites et amplifiées, elles ont été publiées sous le titre anglais : Liberalism and Social Action. On regrettera que pour des raisons éditoriales, le titre Après le libéralisme ? ait été imposé. Il y a là une ambiguïté qui n’est pas dans l’original et qui enveloppe presque un contre-sens ! La question posée n’est sans doute pas celle d’un dépassement du libéralisme mais plutôt, et conformément aux réquisits de l’analyse pragmatiste de l’« action sociale » chez J. Dewey, celle de son accomplissement. Il faudrait parler plus justement encore de sa « reconstruction ». L’élaboration théorique d’un tel procès ne peut pas être séparée des conditions de l’action sociale de celles et ceux qui, dans les situations pratiques où ils se trouvent, subissent les conséquences de la crise du capitalisme.

Il manque donc au titre français ce qui soutient, tout au long de l’ouvrage, le point de vue d’une lecture radicale et pragmatiste du libéralisme, à savoir sa mise en rapport avec la transformation des conditions sociales de l’action. Faire l’histoire du libéralisme en se tenant au cœur des doctrines n’a donc pas beaucoup de sens — ruse parmi d’autres du point de vue intellectualiste. Il importe plutôt de rapporter l’anthropologie et les valeurs du libéralisme aux conditions dans lesquelles celui-ci est susceptible de se traduire en actes, c’est-à-dire de produire des effets. Or ce qui apparaît clairement à la lecture de ces pages édifiantes, c’est que cette confrontation de la doctrine aux pratiques sociales qu’elle est supposée rendre pensables et possibles avère ses limites ainsi que le caractère révolu des conditions historiques de son premier développement [J. Dewey parle du « premier libéralisme » [1], ALL : 63]. C’est cet écart qui fonde la nécessité d’une reconstruction.

Le point de vue de lecture des doctrines libérales ne sera donc ni interne ni externe — autre dualisme discutable ; il sera contextuel si l’on entend par là que le lieu de mise à l’épreuve des « théories » est celui des formes sociales de l’expérience humaine. L’esquisse d’une histoire du libéralisme ainsi proposée par J. Dewey est radicale, non pas parce qu’il dépasse le libéralisme dans les termes d’un « idéalisme » — imposé par le haut et par une raison surplombante — ou d’un « matérialisme » — idéalisme qui ne dit pas son nom —, mais parce qu’il identifie les transformations historiques des conditions économiques, sociales et politiques qui font obstacles à la continuité des flux d’expériences sans lesquelles les individus ne peuvent pas se « constituer » [ALL : 93] comme des individualités.

Le libéralisme revendiqué est, une fois encore, « radical » parce qu’il reconnaît la valeur suprême de l’individu non pas comme entité métaphysique déjà donnée mais comme ce qui se construit dans l’action sociale. L’action sociale est alors l’instrumentum qui opère et depuis lequel les individus cessent d’être des figures abstraites ontologiquement figées pour devenir, en tant qu’« individualités » [ALL : 109-110], des réalités effectives dont les mouvements de constitution sont rendus possibles par la reconstruction de conditions sociales permettant une activité proprement humaine. Les individus ne sont alors plus pensés comme des idéalités ou des fictions auxquelles on attribue des droits et des libertés ; ils s’incarnent dans des mouvements d’individuation au cours desquels ils se forment comme autant de caractères différenciés.

Mettre en rapport, comme le suggère le titre original, le libéralisme et l’action sociale, c’est donc exprimer une thèse forte selon laquelle, dans un libéralisme authentiquement reconstruit, l’individu n’est pas tant individu que procès d’individuationlequel, pour advenir, suppose de repenser autrement la médiation active du « social ». Ce dernier ne peut plus être pensé dans les termes de l’antinomie constitutive du libéralisme classique qui oppose irréductiblement l’individu et la société. Il doit être reconnu, dans toute son opérativité, comme ensemble de relations.

Les tensions internes au premier libéralisme et le diagnostic de crise

Faire l’histoire du libéralisme c’est, entre autres choses, comprendre ce qui a donné à l’anthropologie individualiste et aux valeurs qu’elle enveloppe, à une époque spécifiée, cette capacité pratique à produire des effets si radicalement nouveaux sur les plans économique, politique et culturel. En ce sens, le « premier libéralisme » a sans aucun doute correspondu aux forces — auxquelles il a pu donner forme — qui remettaient en cause les facteurs de conservation de l’ordre social — les institutions et les autorités au sens le plus large qui soit. C’est parce que ce libéralisme originel était adossé et donnait prise à ces mouvements de contestation des « autorités » — les coutumes, l’arbitraire de l’hérédité, etc. — qu’il s’est construit comme une véritable doctrine, c’est-à-dire comme un ensemble de valeurs fondant les besoins de transformation accompagnant l’émergence des nouvelles sociétés sur le vieux continent européen et, avec un décalage, sur le nouveau continent [ALL : 62-63].

Ce qui frappe avec ce premier libéralisme, c’est donc l’existence d’une coïncidence presque parfaite entre un type de justification théorique et un état des conditions de l’action sociale. On admettra sans difficulté que cette souche doctrinale originaire du libéralisme fut principalement portée par Locke. Ce dernier faisait de la raison une qualité inhérente à l’individu ; il envisageait les droits naturels et les libertés comme les instruments d’une rationalisation adéquate aux actions intéressées et individualisées [ALL : 64-65]. Par là même, il inscrivait son anthropologie individualiste et les valeurs morales qui la sous-tendaient dans un horizon pratique susceptible de produire de nouveaux effets.

La question, ici, n’est donc pas de savoir s’il s’agit d’une lecture anachronique ou rétrospective du premier libéralisme. Elle est de souligner l’efficacité politique d’une concomitance qui advient entre l’action individualisée et intéressée d’un côté et, de l’autre, la nécessité de disqualifier les autorités traditionnelles. La légitimité de ce premier libéralisme était cet accord réalisé entre une « doctrine » et son « environnement ». Un accord dont le caractère opératoire se déployait dans la généralisation d’un type inédit d’expérience : l’individuation par le jeu des actions intéressées dont les individus devenaient les véritables auteurs.

Cette étape cruciale eut une première conséquence d’importance : elle destitua la raison de son piédestal [ALL : 84] pour en faire un « instrument permettant d’analyser des situations concrètes » [Ibid.]. Le nouveau schème de l’action individuelle se soutenait d’un usage possible de la raison dès lors qu’elle permettait de penser une adéquation pratique entre des moyens et des fins. Ce caractère instrumental de la raison n’était pas seulement le propre de l’expérience individuelle. La raison pouvait se trouver mise au service de la transformation des institutions, de leur réforme, pour maintenir ou renforcer les termes de la continuité nécessaire entre l’action sociale et son environnement.

On remarquera tout l’intérêt que porte J. Dewey au moment utilitariste dans cette histoire du premier libéralisme [ALL : 75-s.]. Bentham, notamment dans les Principes de morale et de législation [1789], est sans doute celui qui, à ses yeux, illustre de façon exemplaire de quelle manière « le libéralisme peut constituer une force capable d’apporter des changements sociaux radicaux » [ALL : 77].

Ce « premier libéralisme » contient deux tendances qui vont entrer en tension. Une tendance résolument individualiste — inspirée de Locke — et qui aura une influence plus tardive et plus durable aux États-Unis [ALL : 80]. Elle se réduit pour ainsi dire au schéma d’une représentation figée de l’individu doté de « libertés ». Cette première orientation justifie que toute action ne puisse relever que d’un effort personnel, c’est-à-dire individuel [ALL : 92-93] ; elle nourrit par principe une méfiance sinon une hostilité à l’égard de tout ce qui implique une initiative d’État. Sa première justification historique peut être trouvée dans l’assimilation physiocratique des « lois naturelles » aux « lois économiques » : le « laisser-faire » [ALL : 72-s.].

Une seconde tendance, différente, dont la trace est aisément repérable dans l’Angleterre du XIXe siècle [ALL : 86-s.] — et pour laquelle le parti tory, les religieux dissidents ont joué un rôle certain — admet le credo du « laisser-faire » [première tendance] pour « l’associer [cependant] à l’idée que l’action gouvernementale devait servir à aider ceux qui sont économiquement défavorisés afin d’adoucir leur situation » [ALL : 86 ; 98-s.].

Ce qui importe, en l’occurrence, est bien sûr l’écart entre ces deux tendances dont J. Dewey repère les manifestations et le travail dans le parcours non moins exemplaire de J. Stuart Mill. Ce qui fait l’importance de ce dernier est une vision moins idéaliste de l’individu qui n’est pas considéré comme un donné mais comme ce qui est à construire. Ainsi disait-il à propos de la liberté qu’« elle se conquérait, et que la possibilité de cette conquête dépendait du contexte institutionnel dans lequel vi[vai]t l’individu » [ALL : 93]. C’est dans ce mouvement d’élaboration que l’individu s’édifie et qu’il donne prise à ce qui le définit. Si la pleine reconnaissance de l’individu suppose qu’il advienne et se construise par ce qu’il fait, il faut alors que les conditions de ce « faire » soient ouvertes, qu’elles concernent réellement le plus grand nombre.

Ce n’est qu’à partir de là que l’individuation comme mouvement d’acquisition d’un propre devient possible. Ce qui suppose — J. S. Mill encore — que l’on reconnaisse tout autant l’importance de l’éducation [ALL : 92] et la positivité d’une intervention de l’État comme garant de l’ouverture des conditions sociales de l’action.

Ainsi se déployait une seconde tendance, sociale, enveloppée dans la souche de ce libéralisme classique, et opposée à ou en tension avec la première tendance réduite au « laisser-faire ». Ce qui opère relève, d’un côté, d’une vision idéaliste et passéiste et, de l’autre, d’une vision pragmatiste, concrète et ouverte de l’individu. C’est cette tension qui va nourrir ce que J. Dewey désignera par la « crise du libéralisme » dans le second chapitre de cet ouvrage.

Partant de cette première grande caractérisation, J. Dewey est alors en mesure de porter un diagnostic sur les raisons de cette crise qui lui est contemporaine. Ce diagnostic est fondé sur le constat d’un décalage entre les formes idéalisées de la vision libérale de l’individu et les transformations réelles du contexte en lequel se déploient les actions individuelles et sociales. Ces doctrines « notamment sous la forme du libéralisme du laisser-faire servaient désormais à apporter une justification intellectuelle au statut quo » [ALL : 101].

Ce qui, dans la première période, avait permis l’éclosion et la généralisation de conduites novatrices dont les conséquences accompagnaient les changements institutionnels, devient dans les années 20-30 un facteur de blocage. Les idées naguère en phase avec un type d’environnement deviennent des syntagmes figés qui se désolidarisent des contextes de toute activité individuelle pour se muer en étendards que l’on brandit pour revendiquer des privilèges. D’instruments de rationalisation pouvant servir à résoudre des problèmes, du moins à les formuler en des termes susceptibles d’aider leur résolution, les idées libérales deviennent des dogmes déconnectés qui s’interposent entre des conditions historiques et effectives de l’action et leurs conséquences.

Ce qui fait crise, en l’occurrence, n’est pas autre chose que la rupture des formes sociales de transaction entre un environnement qui se transforme et des idées, des croyances qui interdisent de plus en plus de percevoir ces transformations et donc d’agir sur elles ou avec elles.

J. Dewey justifie alors le caractère « rétrograde » [ALL : 102] et la conduite « absolutiste » [ALL : 103 ; 108] des défenseurs d’un « individualisme farouche » de son époque : « Les bénéficiaires du régime économique en place se regroupent dans ce qu’ils appellent des Ligues pour la Liberté afin de perpétuer la domination implacable qu’il exercent sur des millions de leurs contemporains » [ALL : 102].

L’opposition violente à tout forme de contrôle social des conditions de l’action [ALL : 103] est alors la manifestation symptomatique d’une mécompréhension de ce qu’est l’individu et des conditions qui lui sont nécessaires pour advenir comme tel par et dans ses actions. Ce mépris de l’histoire interdit à ces idéologues de tenir compte « des conditions sociales [qui prévalent] à telle ou telle période » [ALL : 104] et c’est la raison pour laquelle la liberté de pensée et d’action qu’ils défendent est devenue « formelle » ou « juridique » et non plus « réelle » [ibid.].

Ce formalisme juridique de la défense des « droits » ne fait que doubler le dogmatisme d’un discours dont les idées et les justifications sont entées sur une vision détachée des contextes réels de la vie sociale et économique, des actions et de leurs conséquences. Formalisme et dogmatisme qui rejoignent l’anthropologie imaginaire d’un individu toujours posé, là même où il importerait de reconnaître le caractère processuel et dynamique des individuations qui ne peuvent se déployer sans restaurer à nouveau les conditions sociales de l’action « dans l’intérêt du plus grand nombre » [ALL : 104 ; 109-110]. C’est précisément une telle reconstruction de l’individualisme libéral qui requiert des formes d’implication sociale de l’État ou, dans le vocabulaire de J. Dewey, « le libéralisme [à reconstruire] doit se préoccuper au plus haut point de la structure de l’association humaine car elle influe de manière positive autant que négative sur le développement des individus » [ALL : 112].

Crise de la raison individuelle : l’intelligence sociale comme « méthode »

Mais il faut bien reconnaître que ce décalage, ainsi constaté et identifié, ne produit pas seulement ses effets dans les domaines économique et social. Il se traduit également par un autre obstacle lié, cette fois-ci, à la « méthode » qu’il faudrait mettre en œuvre pour tenter de sortir de cet état de crise d’une organisation sociale qui ne permet plus à l’action individuelle d’être authentiquement le vecteur d’une émancipation. Là encore, le diagnostic est clair et sans ambiguïté : « La tragédie du premier libéralisme, c’est qu’au moment précis où le problème de l’organisation sociale était le plus urgent, les libéraux n’eurent d’autre solution à lui apporter que l’idée que l’intelligence était un attribut individuel » [ALL : 117].

Il y aurait beaucoup à dire sur cette manière de poser le problème : raisonner sur l’« intelligence » et non la « raison » ; montrer que l’erreur de méthode réside dans l’assomption ontologique dévastatrice selon laquelle l’intelligence est un attribut naturel de l’individu isolé, séparé et non de l’individu en connexion, en « association » pour reprendre les formules de Le public et ses problèmes [Paris, 2010 : 102-106] [2].

C’est sans doute ici que se mesure avec le plus de netteté, chez J. Dewey, la spécificité de l’individualisme revendiqué pour un libéralisme « radical ». Il parle de « l’intelligence comme méthode » [ALL : 122] dont il propose la définition suivante : « elle consiste [...] en cette réélaboration de l’ancien par une union avec le nouveau : c’est la conversion de l’expérience passée en une connaissance, et la projection de cette connaissance dans des idées et des projets qui anticipent sur ce que l’avenir pourra apporter ... » [ibid. ; je souligne].

En quoi la méthode de l’intelligence est-elle liée à l’action sociale ? Elle est portée par l’expérience et elle réside dans la manière de traduire l’expérience révolue dans un contexte actuel qui change. Une telle traduction est connaissance en tant qu’elle autorise de nouvelles expériences qui deviennent pensables au moyen des « idées » et des « projets » à venir qu’elle dessine.

L’intelligence comme « méthode » est alors ce qui garantit la connexion continuée avec l’environnement ; elle est ce qui permet de ne pas sombrer dans l’écueil de l’abstraction qui doit se comprendre comme séparation ruineuse entre l’ordre de la réflexion — qui est l’affaire de la raison isolée et livrée à elle-même — et l’ordre des conditions empiriques de l’expérimentation ou de l’action.

Parler d’une intelligence, ici, c’est donc affirmer la nécessité et la continuité de la connexion entre l’activité de réflexion et les contextes empiriques et pratiques qui la suscitent. La sphère de l’activité humaine où cette articulation produit de tels effets de la manière la plus évidente est celle de l’enquête scientifique dans le domaine des sciences expérimentales à la fin du XIXe siècle et au XXe siècle.

Or ce qui est remarquable dans ce « modèle », c’est précisément que les possibilités de l’usage individualisé de l’intelligence sont tributaires de l’association qu’implique toute activité scientifique. Autrement dit, la division et la coordination du travail dans le domaine de la connaissance scientifique et expérimentale illustrent, pour J. Dewey, la force de ce qu’il appelle encore l’intelligence sociale comme méthode. Il est alors possible de comprendre, depuis ce « modèle », que le déploiement des capacités individuelles d’une intelligence qui est « sociale » est toujours tributaire de ces relations nécessaires.

Plus encore, cette association dans les usages de l’intelligence sociale est contrôlée par l‘exigence de lier découverte et applications pratiques. Le modèle de l’enquête dans le domaine des sciences expérimentales trouve donc sa justification de principe dans l’application. J. Dewey dit encore à son propos que cette « science » est « la méthode de l’intelligence elle-même en action » [ALL : 118].

Or ce qui fait obstacle à la reconstruction du libéralisme réside aussi dans l’appropriation abusive et illégitime, par un petit nombre, « des ressources culturelles et spirituelles qui sont, non pas le produit des individus qui les ont accaparées, mais le fruit d’un travail de coopération de l’humanité dans son ensemble » [ALL : 126]. C’est donc le même mouvement qui opère dans la sphère des ressources matérielles et dans celle des biens culturels.

Résoudre la crise du libéralisme, favoriser « la renaissance du libéralisme » — titre du troisième chapitre [ALL : 129] — supposera donc que l’on transpose le modèle de l’enquête, de l’univers des sciences expérimentales appliquées dans celui de l’action sociale organisée ; que l’on donne une réalité aux formes de la coopération — les relations, les associations. Il s’agit donc, d’employer « des moyens opposés à ceux qu[e le libéralisme] préconisait sous sa première forme » [ALL : 128].


Les conditions de l’action sociale pour une reconstruction du libéralisme

Si donc l’intelligence sociale est bien la méthode qu’il conviendra de retenir pour sortir de la crise du libéralisme, c’est qu’elle récuse toute séparation entre connaissance et action, qu’elle inclut l’application dans l’horizon toujours pratique de ses élaborations. Faire de l’intelligence sociale la méthode, c’est reconnaître la liaison nécessaire, comme dans l’enquête expérimentale, entre l’hypothèse portée par le travail de la raison téléologique et la mise à l’épreuve, c’est-à-dire le « contrôle » [ALL : 146-147]. C’est admettre le caractère indispensable de l’expérimentation [2003 : Reconstruction en philosophie]. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la lecture de la crise politique du modèle délibératif qui accompagne celle du capitalisme et du libéralisme des années 30. Le contrôle des hypothèses ne peut pas se limiter à la simple confrontation des opinions et à l’élaboration abstraite d’un consensus.

Le modèle délibératif porte encore l’empreinte du premier libéralisme et repose sur la conception de l’individu comme isolat faisant un usage strictement autonome de sa raison. Il admet la séparation préjudiciable de l’ordre abstrait de la confrontation des opinions et du domaine concret de leurs applications. La délibération, ainsi entendue, rend impossible toute véritable expérimentation et admet que le seul critère de validité des idées relève de la force rationnelle des arguments. On comprend, dès lors, pourquoi, selon J. Dewey, la solution à la crise du modèle délibératif n’est certainement pas la recherche d’une impartialité et d’une honnêteté plus grandes [ALL : 149]. Ce qui tient lieu d’expérimentation dans le modèle scientifique de l’enquête ne se résume pas, loin s’en faut, au terrain des « idées » ; ou alors, l’idée est hypothèse, c’est-à-dire anticipation de conséquences possibles et cette anticipation ne devient « connaissance », à proprement parler, que lorsqu’elle a subi l’épreuve de l’expérience.

Tout de même, dira J. Dewey, « Il faut absolument qu’on se rapproche de la méthode de l’enquête scientifique et de l’esprit d’invention pour imaginer et concevoir [en politique] des projets de grande envergure pour la société » [ALL : 149]. Sortir de la crise supposera d’accomplir un tel rapprochement, donc de se donner les moyens d’éprouver autrement que dans la sphère abstraite des idées la valeur pratique des projets. Alors, seulement, la place et le statut de l’intelligence en politique pourraient devenir comparables à ce qu’ils sont déjà dans les sciences expérimentales, c’est-à-dire « dans l’exercice du contrôle physique de la nature » [ALL : 150]. Et de rajouter : « Ce [contrôle] a été l’occasion d’une démonstration magistrale de ce que signifie une intelligence organisée » [ibid.].

Une telle transposition — de la science au politique — est ainsi ce qui va donner à l’idée, au projet, etc., sa véritable force de faire : « Si nous parvenons à nous emparer de cette force productive qui s’exerce à travers cette incarnation de l’intelligence, nous serons à même de faire prendre la bonne direction aux changements à venir » [ALL : 151].

Car il ne s’agirait plus de confronter abstraitement la raison avec elle même mais de mettre en œuvre, pratiquement, l’intelligence sociale avec son environnement : l’expérience. Ainsi les idées pourraient-elles s’actualiser et s’ajuster dans les transactions qu’elles suscitent avec leur environnement social. Et s’il y a un sens à parler de « contrôle », ce n’est certainement pas celui d’une maîtrise technicienne de la nature ou de l’environnement mais bien plutôt celui de la restauration d’une liaison, d’une « union » productive, entre expériences passées et conditions actuelles de l’action humaine.

Les perspectives esquissées dans la 3e conférence reposent donc sur l’idée d’une homologie possible entre deux types de l’action organisée. Le premier relève de l’enquête scientifique et il trouve une illustration exemplaire dans l’expérimentalisme propre au développement des sciences et des techniques dans les sociétés occidentales des XIXe et XXe siècles. Le second implique, cette fois-ci dans le domaine politique, tout ce qui relève d’un usage socialisé des ressources propres à une société pour les mettre au service de ses transformations, notamment pour tenter de dépasser la crise du capitalisme.

Cette homologie, pourtant, n’a rien d’évident et pour que « l’intelligence sociale » puisse se nourrir de cette « force productive » [ALL : 151] que sont ses ressources en connaissances, en expériences capitalisées, en savoir-faire, pour les orienter dans la « bonne direction » [ibid.] et soutenir les changements à venir, encore faut-il penser pratiquement une autre organisation de la coopération et de la collaboration. En un mot, il faut une nouvelle division sociale du travail. Cette homologie, pour être effective, repose néanmoins sur deux présupposés qu’on peut discuter.

Le premier concerne l’organisation et la division du travail dans le monde des sciences et des techniques pour lequel il n’est pas sûr que le principe d’égalité soit si pertinent. Les enquêtes sociologiques et historiques sur le fonctionnement des laboratoires et des institutions de recherches, par exemple, montrent à l’envie qu’il existe dans ces mondes des formes particulièrement aiguës de hiérarchie, de domination et d’exploitation ; autrement dit, que la possibilité même d’une accumulation des connaissances, si elle implique effectivement des collaborations, n’est pas incompatible avec des organisations hiérarchisées que l’on retrouve, coeteris paribus, dans d’autres univers sociaux de travail comme l’entreprise ou le monde des bureaux.

La question mérite alors d’être posée de savoir si le modèle de l’enquête qui sert de référent théorique et pratique n’est pas, plutôt, une stylisation utopique et rationnelle qui permet de penser, en termes pragmatiques, une « logique » de l’organisation des expériences de connaissance et de leurs traductions dans des effets pratiques et transformateurs de l’environnement.

Mais, et cette fois pour l’autre terme de l’homologie, à supposer que tel ne soit pas le cas, il reste encore à surmonter un autre écueil. De quelle manière est-il possible de réaliser cette transposition ? Comment le paradigme de l’enquête expérimentale peut-il servir de modèle à l’organisation de l’action sociale et politique pour donner à cette dernière une efficacité pragmatique comparable ? Comment, alors, restaurer ou instaurer le principe libéral authentique d’une égalité qui soit effective entre tous ceux qui sont impliqués dans la coopération ? Égalité sans laquelle, bien sûr, ce sont les conditions mêmes de l’émancipation par l’individuation de chacun qui s’en trouveraient menacées.

par Claude Gautier

Claude Gautier est professeur de philosophie politique et de philosophie des sciences sociales à l’école normale supérieure de Lyon. Ses recherches sont articulées autour de deux axes principaux. Dans le champ de l’histoire de la philosophie, il s’agit d’explorer, dans le moment des Lumières Anglaises et Ecossaises, les rapports entre philosophie et histoire [David Hume et les savoirs de l’histoire, Paris, 2005, Vrin-EHESS, Col. « Contextes » ; Adam Ferguson, An Essay on the History of Civil Society : nature, histoire et civilisation, Paris, 2011, PUF]. Dans le champ de la philosophie des sciences sociales, il s’agit de développer des travaux autour de l’usage des concepts d’« action » et de « pratique » dans certains paradigme de la sociologie contemporaine ; il s’agit, également, de revenir sur le statut et les fonctions normatives du travail de la critique dans les sciences sociales et, tout particulièrement, dans l’histoire de la sociologie française [La force du social. Enquête philosophique sur la sociologie des pratiques de Pierre Bourdieu, Paris, Février 2012, Cerf, Col. « Passages »].

John Dewey, Après le libéralisme ? Ses impasses, son avenir, introduction par Guillaume Garreta ; traduction par Nathalie Féron. Paris, Climats, Flammarion, 2014, 173 p., 16 €.  

Notes
[1Il se constitue comme doctrine au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles et son premier théoricien est J. Locke.
[2La distinction « raison »/« intelligence » peut se comprendre à partir de la place donnée à l’individu dans la manière de constituer et de mobiliser les instruments de résolution des problèmes qui se posent au cours de toute action. La « raison », telle que la suppose le libéralisme, est posée comme un attribut exclusif de l’individu isolé là où la possibilité d’en faire un usage émancipateur demeure tributaire, selon J. Dewey, des rapports d’implication de l’individu dans des collectifs, des organisations, des « publics ». Par exemple, l’innovation ou l’invention scientifique peut sans doute être attribuée à un « individu » particulier ; cependant, la possibilité d’une telle attribution reste liée à une organisation — une division — du travail, à des formes d’associations et de collaborations sans lesquelles cette « invention » ne peut avoir lieu. Parler, ici, d’intelligence, c’est donc mettre au rang des conditions déterminantes de toute action le fait que les individus ne sont jamais isolés et que c’est depuis les formes de leurs insertions sociales qu’il est possible de faire de la « raison » un véritable instrument de transformation et d’amélioration des conditions de vie.



B) Après le libéralisme. Ses impasses, son avenir

Le philosophe pragmatiste américain John Dewey avait fait en 1935 trois conférences sur la crise du libéralisme. Ces textes viennent d’être redécouverts. Ils avaient été écrits au cœur d’une crise durable du libéralisme, dont il n’est sorti que par la guerre.

Ils sont d’actualité alors qu’une nouvelle crise caractérise notre temps. Le pragmatisme de John Dewey c’est l’idée que la connaissance n’est pas dissociable de jugements de valeur. 



John Dewey était hostile au bipartisme américain comme faux pluralisme mais aussi hostile au New deal comme capitalisme d’Etat. Ce en quoi Dewey est « libéral » c’est au sens où il pense qu’il y a une place pour l’individualité mais que celle-ci consiste selon lui à entrer en lien avec les autres. Ce n’est pas une individualité de rétraction mais une individualité de projet.

Le « libéralisme » pour John Dewey c’est procurer à chacun « une liberté et des droits effectifs ». L’individu est selon Dewey un tissu de relations sociales. Il y a pour lui socialisation de l’intelligence, en d’autres termes, il y a une intelligence collective.De ce fait, Dewey critique à la fois la démocratie procédurale, sa réduction au fait majoritaire, et l’expertocratie. Dewey plaide pour un réarmement des individus par l’action collective. Dewey est un Républicain, « avec Jefferson contre Hamilton », du côté du petit peuple, des ruraux, des artisans et des autonomies locales contre les grands industriels et armateurs partisans d’un fédéralisme le plus centralisateur possible. Il est pour le Bien commun, pas pour le tout Commerce. Il est pour les communautés locales, pas pour l’individu isolé. Il est pour les vertus civiques, du côté d’Aristote, pas pour la régulation par l’intérêt ou par le plaisir (Bentham).Ainsi John Dewey anticipe sur Michael Sandel, pas sur David Friedman.

Loin de vouloir éliminer le conflit, Dewey en fait le moteur de la démocratie. Le libéralisme n’a pas consisté selon lui à s’opposer à l’arbitraire des gouvernants mais bien plutôt à démanteler le droit coutumier et communautaire pour « libérer » les énergies d’investir, de s’enrichir et de commercer. C’est contre ce qu’a été le libéralisme historiquement que Dewey se dresse. C’est ainsi qu’en Grande Bretagne c’est le parti Tory (conservateur) et non les Whig (libéraux) qui ont introduit, avec Robert Peel, les premières réformes sociales.
 
Le grand apport de Dewey est de mettre en évidence l’existence d’une nouvelle école libérale selon laquelle la liberté est non pas une possession constituée mais quelque chose qui se conquiert. Dans cette perspective l’Etat est le garant de l’accès de chacun à la liberté. « Pour eux [ces nouveaux libéraux] une conception de l’Etat dans lequel les activités de ce dernier se limitent à maintenir l’ordre entre les individus et à obtenir réparation au profit d’une personne lorsqu’une autre a empiété sur la liberté dont elle jouissait de par la loi, revient de fait à une justification des violences et des inégalités de l’ordre établi. » C’est dire que John Dewey défend un « libéralisme » au sens américain qui ne serait pas un libéralisme au sens européen. Ce serait au contraire la voie d’un réformisme radical. 
 
A redécouvrir.

 
 
John Dewey est un philosophe américain spécialisé en psychologie appliquée et en pédagogie.

Il étudia à l'Université du Vermont, où il fut diplômé (Phi Beta Kappa) en 1879. Après avoir étudié un an sous la supervision de G. Stanley Hall, travaillant dans le premier Laboratoire Américain de Psychologie, Dewey obtient son Ph.D de l'École des Arts et Sciences de l'Université Johns Hopkins en 1884. Il prit dans la foulée un poste universitaire à l'Université du Michigan (1884-1888 et 1889-1894).

En 1894, Dewey rejoint la nouvelle Université de Chicago (1894-1904) où il allait former sa théorie du savoir fondé empiriquement, alignant ses idées sur la nouvelle École de Pensée Pragmatique.

Il dirigeait le département de philosophie, de psychologie et d'éducation et fonda aussi l'University of Chicago Laboratory Schools (École Laboratoire de Chicago) où il put actualiser ses connaissances en pédagogie qui furent la matière pour son œuvre principale en matière d'éducation, "The School and Society" (1899).

En 1899, il fut élu président de l'Association américaine de psychologie. Des désaccords avec l'administration de l'université de Chicago le conduisirent à démissionner de son poste. À partir de 1904, et jusqu'à son décès, il fut professeur de philosophie à la fois à l'Université Columbia à New York et à l'École Normale.

En 1905, il devient président de l'Association Américaine de Philosophie. Il fut également membre de longue date de la Fédération Américaine des Enseignants. 



 
C) Présentation de John Dewey - Après le libéralisme, ses impasses, son avenir, Climats

Réflexion sur le terme même de libéralisme

Un concept « essentiellement contesté »

Tout était simple lorsqu’il n’y avait pas lieu de distinguer entre libéralisme politique et économique (jusqu’au milieu du XIX ° siècle). Les revendications des libertés de pensée, de conscience, d’expression et des libertés d’être propriétaire, de commercer, de contracter, d’entreprendre étaient solidaires dans le combat contre l’ordre ancien et hiérarchisé des oligarchies et des coutumes. La situation se complexifie lorsque le libéralisme est retourné en idéologie de la classe dominante justifiant le laisser-faire le plus débridé de l’économie capitaliste à partir de la seconde moitié du XIX ° siècle, en s’opposant à toute intervention et régulation de l’État, toujours au nom des « mêmes » droits et libertés individuels. 

Dès lors les libéraux « modernes », revendiquant les droits-créances et l’intervention de l’État pour garantir une égale ou du moins possible réalisation des droits des plus faibles, et les libéraux « classiques » la refusant au nom des libertés naturelles individuelles et du marché libre, se réclament tous du libéralisme, au moins jusqu’à la fin des années 1930. 

Cela pousse J. Dewey à une réflexion sur l’historicité et l’usage politique des termes à rebours de leur valence première (comme « démocratie populaire » ou « État des travailleurs » nazi). Pour lui, le libéralisme qui fait des individus des « atomes » newtoniens dotés d’une liberté inhérente et n’entretenant entre eux que des relations externes, dont l’harmonie ne saurait être perturbée par un troisième terme englobant, n’est plus qu’un « pseudo-libéralisme », du fait du changement radical des fronts et des luttes à mener.
 
« Même lorsque les termes demeurent identiques, ils prennent une signification très différente quand ils sont énoncés par une minorité en lutte contre des mesures répressives, et quand ils sont exprimés par un groupe qui a pris le pouvoir et utilise dès lors des conceptions qui étaient auparavant des armes d’émancipation comme instruments pour conserver le pouvoir et la richesse qu’ils ont acquis.  Des idées qui à une certaine époque sont des moyens de produire des transformations sociales n’ont pas la même signification quand elles sont utilisées comme moyens d’empêcher ces transformations. » John Dewey - ALL.

On considère que c’est à l’époque de ALL (1935), au cœur des débats ravivés par la crise économique autour de la définition du libéralisme, de la crise des valeurs et du rôle de l’État, que la valence du terme « libéral » s’est, aux Etats-Unis, nettement infléchie à « gauche » pour désigner les tenants de la protection des plus démunis et du progrès social par le recours à l’intervention du gouvernement. Liberal devient assez rapidement synonyme de partisan du wellfarism (de l’État social). Les opposants des liberals perdent temporairement la bataille terminologique en se faisant taxer de conservateurs (donc opposés au « progrès »).  Certains considèrent même que Dewey fut l’artisan de ce détournement et qu’il obligea les partisans de l’individualisme « ancien » et du laisser-faire à inventer le terme barbare de « libertariens » pour s’auto-désigner. Pas d’identité d’essence du libéralisme pour Dewey. Projet de Dewey : prendre à la lettre l’objectif du premier libéralisme en prenant au sérieux, radicalement, ses déclarations explicites – à savoir de procurer de manière égale à chacun les conditions d’exercer, réellement et concrètement, une liberté et des droits effectifs.

Par la suite, de nos jours notamment liberal en est venu à désigner les tenants du relativisme culturel, du multiculturalisme et de la transgression sociétale, en faisant passer au second plan, dans les fameuses « culture wars » menées contre les « néo-conservateurs », l’intention d’égaliser les conditions. Il suffit de dire ici que Dewey aurait sans doute vu se rejouer là un affrontement épiphénoménal entre deux positions globalement en accord sur le fond, qui l’auraient poussé à chercher une autre voie et « qu’il n’aurait pas chercher à s’épuiser à être de gauche  pour que le monde continue à être de droite » - Citation de J.C. Michéa, « Lasch, mode d’emploi » - préface à Christopher Lasch, La révolte des élites et la trahison de la démocratie, Champs, Flammarion, 2007.


Dewey n’aurait sans doute pas défendue cette forme de libéralisme culturel qui abandonne aux conservateurs le souci du bien commun, et qui a dépouillé la démocratie de tout contenu « substantiel » pour la réduire à une méthode procédurale.

Au cœur du libéralisme, il plaçait l’individu, ses droits et la réalisation de ses capacités. Or, le libéralisme sous sa forme première (inspiré de John Locke) ou libéralisme classique ne peut plus promouvoir le libre développement de l’individualité ; il peut encore moins garantir l’égal traitement des individus, et n’est pas en mesure de conjuguer libération des individus et bien commun. Il ne le peut plus car son anthropologie n’est absolument plus adaptée au contexte actuel. L’individu abstrait du libéralisme classique va à rebours de ce qui était visé par les premiers libéraux : une société d’individus libres. Non par excès d’individualisme, mais plutôt par défaut, par mauvaise compréhension de la manière dont il advient, et se réalise effectivement l’individualité.

«  Sa philosophie (du premier libéralisme -nda) était telle qu’elle apporta son soutien à l’émancipation d’individus dotés préalablement d’un statut privilégié, mais ne promut pas la libération générale de tous les individus. » -J. Dewey - Philosophies of Freedom - 1928


L’objection la plus forte contre le libéralisme classique ne consiste donc pas à lui opposer un « collectivisme », mais à mettre en avant son anthropologie fantasmée, qui fait de l’individu un support inné et a priori de droits, de capacités et de désirs, sans rapport avec un contexte social donné : le corrélat de cette conception demande aux institutions de tout faire pour ne pas entraver le libre jeu de ces droits, capacités et préférences… Conception qui profita à la nouvelle classe bourgeoise et entrepreneuriale dans sa lutte pour s’émanciper d’une société de privilèges et de hiérarchies freinant le déploiement du marché.

Les concepts revisités


D’où une redéfinition des notions classiques de liberté et de droit, et leur genèse.

La liberté doit être conçue « comme une puissance d’agir en accord avec le choix » ; et les droits et les devoirs sont des « produits des interactions, et ne se trouvent pas dans la constitution originelle et isolée de la nature humaine, qu’elle soit morale ou psychologique. » Leur mise en œuvre requiert donc une action positive (de l’État par exemple) qui intervienne sur les dispositifs sociaux (juridiques, institutionnels) pour garantir l’exercice de cette puissance d’agir des individus. Ceci incite donc à concevoir l’individu comme à produire historiquement, culturellement et institutionnellement, in the making, non pas comme une donnée anthropologique et métaphysique a priori du monde social (et juridique).

Ceci est isomorphe à l’éthique située de Dewey. Il explique que les problèmes principaux de la vie éthique proviennent des conditions de la vie associée. Un individu est un tissu de relations d’intensité et de réticulations variables, selon qu’on les décrive comme coutumes, institutions, engagements, appartenances, participations ; elles forment un caractère, marqué par une typicité et une plasticité.

Les conséquences sont importantes : il peut y avoir des degrés différents de réalisation de l’individualité. Il peut aussi, historiquement, se produire un effacement ou une éclipse de l’individualité. L’individu perdu qui est le contemporain de Dewey est confronté à la précarité de relations anonymes et asymétriques avec des organisations et de systèmes qui le dépassent et sur lesquels il n’a aucun contrôle – et peu de moyens à jour pour les penser. Un retard, voire un fossé temporel, existe entre les schèmes mentaux et les nouvelles conditions et formes sociales. Cette thématique de l’écart est essentielle chez J. Dewey. Nous sommes loin d’une théorie marxiste simpliste du reflet.

« Le retard des schèmes mentaux et moraux est comme un rempart protégeant ces vieilles institutions : ils ont beau être l’expression du passé, ils sont encore l’expression de croyances, de perspectives et de projets actuels. Tel est le problème central du libéralisme aujourd’hui. » J. Dewey- ALL


Ce modèle de l’individu abstrait et décontextualisé a joué un rôle pragmatique décisif dans la lutte que menèrent les premiers libéraux en leur permettant de contester les arguments des réactionnaires qui justifiaient les inégalités par les origines, l’histoire et des différences de nature.

Mais ce modèle par son mépris de l’histoire devint inadapté quand les conditions changèrent et qu’il devint nécessaire de penser les conditions sociales de production de l’individualité.

Une des grandes thèses du livre est que l’époque est caractérisée par la socialisation de l’intelligence. La science, la connaissance, l’information, leur production, leur circulation, leurs usages ne sont pas des affaires individuelles. La crise du libéralisme est celle d’une répartition inégale des productions et créations de l’intelligence, des connaissances et méthodes accaparées et « privatisées » par les groupes au pouvoir. Cette crise a pour origine l’anthropologie métaphysique du libéralisme classique, qui, du fait de concevoir l’individu comme un atome isolé doté d’une sphère interne tout aussi séparée des autres et du monde, conçoit l’intelligence comme une possession privée et individuelle.

L’expérimentalisme : fil rouge de la pensée de J. Dewey


Ceci a des conséquences importantes en matière de démocratie : l’intelligence socialisée est peu sollicitée dans le domaine politique (alors qu’elle l’est dans le domaine de la production et de la validation des connaissances scientifiques) et il est d’après lui urgent de sortir du cadre « newtonien atomiste » du paradigme libéral classique. Ainsi, la tendance à concevoir, consciemment ou non, la démocratie comme suffisamment définie par le vote majoritaire (et donc le comptage de voix isolées), ou la réduire à cela, revient à rester dans le cadre libéral atomiste.


La méthode démocratique ou mise en œuvre de l’organized intelligence consiste selon lui à contribuer à l’émergence de publics et d’utiliser à plein les ressources des sciences sociales pour donner aux individus concernés par les problèmes étudiés la possibilité de former des groupes conscients se saisissant collectivement des enjeux les concernant. L’ouvrage met l’accent sur le modèle collectif et non subjectiviste d’ « intelligence organisée » qu’il serait urgent de transférer au monde social et politique. 


J. Dewey n’a toutefois rien d’un scientiste et d’un positiviste. La science est pour lui une affaire collective de production, de validation, de diffusion de connaissances, faillible, progressant de manière non linéaire par corrections mutuelles, expérimentation et reconfigurations. 


Dans son article « Que veulent les libéraux ? » - 1929 -  J. Dewey constate l’ampleur grandissante du rejet par la population des deux principaux partis qui deviennent indiscernables sur les choix économiques stratégiques et les choix de société. Il tenta de tracer une perspective politique entre des libéraux qui insistaient sur le respect des procédures démocratiques parlementaires et les versions déterministes et scientistes des marxistes qui revendiquaient l’insurrection et l’action violente.



J. Dewey communautarien ?


J. Dewey ne fait pas reposer son libéralisme sur une théorie du contrat, sur des droits naturels ou sur une théorie de la justice. Au centre de sa conception se trouve l’idée que la liberté consiste à participer à une vie commune qui permet aux individus de réaliser les capacités qui leur sont propres. Son originalité repose sur l’appel à des idéaux républicains (Vertu civique et bien commun) contre le commerce et l’autonomie de l’individu, idéaux caractéristiques du libéralisme. Pour J. Dewey, l’industrialisation a produit la dissolution des communautés locales. Il convenait de réaliser une synthèse entre des dimensions républicaines et d’autres d’inspiration plus libérales : self-governement et participation civique à la vie de la communauté d’un côté ; et de l’autre liberté individuelle de réalisation de soi, autonomie et responsabilité. L’idée d’individu, reconstruite, fait l’unité de cet alliage. Une individualité qui grâce au soutien de la communauté (y compris l’État) peut déployer ses capacités d’action et s’épanouir dans une vie riche d’expériences et d’accomplissements. 


Contrairement aux communautariens contemporains, la communauté n’est pas envisagé comme reposant sur le sang, les traditions, l’enracinement, ni même la morale ou la religion. Elle repose avant tout sur l’interdépendance et la participation.


« La valence positive du bien commun est suggéré par l’idée de partager, de participer – une idée impliquée dans l’idée même de communauté. (…) Participer, c’est prendre part, jouer un rôle. Il s’agit là de quelque chose d’actif, qui engage les désirs et les buts de chaque membre ». John Dewey – Ethics – 1932


Pour J. Dewey, la démocratie est avant tout un problème institutionnel. Comment faire venir au jour les publics alors que les forces politiques et économiques dominantes s’y opposent activement ?

Pour un libéralisme radical

Opposé aux marxistes, pour qui le recours à la violence est inévitable, il n’en est pas moins conscient du caractère inéluctable des conflits. Mais selon lui ils ne mettent pas en mouvement des entités figées comme les classes. Le fonctionnement de la démocratie libérale est avant tout constitué d’interactions dynamiques entre des « publics » et des institutions. Ce processus de renouvellement de la démocratie se fait avant tout par le conflit.


C’est dans le conflit, dans la lutte politique qu’un public peut affronter la tâche la plus importante qui l’attend : se découvrir, s’identifier, se constituer lui-même.


« Pour se former, le public doit briser les formes politiques existantes » - J. Dewey – Le public et ses problèmes.

J. Dewey fait de la démocratie une institutionnalisation de la méthode expérimentale, ouverte à la rupture, à la reconstruction. Pour J. Dewey, les publics sont des entités relationnelles construites dans le conflit. Comme le dit J. Dewey, la procédure du vote pour des représentants et la règle de la majorité, en tant que telles sont absurdes et irrationnelles tant qu’on ne travaille pas à améliorer les conditions et les méthodes du débat, à éclairer les alternatives politiques, à renforcer le contrôle populaire des décisions.

Le pragmatiste est un militant déterminé de la création d’un troisième parti progressiste, sur la gauche du Parti démocrate, qui bousculerait l’apathie et le conformisme gagnant la démocratie américaine. 

John Dewey, sur la base d’une reconstruction des idéaux du libéralisme, en arrivait à une critique radicale du capitalisme, sur la base de l’individualisme reconstruit, car ce système avait plongé des millions d’hommes dans la dépendance tout en leur contestant le droit à des allocations chômage. Il fait aussi la critique de la pauvreté culturelle du capitalisme, préconisant de centrer la réflexion sur l’éducation pour le futur.

Cette note est très largement inspirée de l’excellente préface de Guillaume Garreta, mais n’engage que moi pour les erreurs, déformations et approximations.

Bernard Drevon
 
 
 
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