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Brexit, Trump...
« Vous avez dit bizarre... ? Comme c’est étrange... !
Les électeurs ne votent pas comme le souhaiteraient nos édiles. Quel drame ! Dans les faits, jamais le
décrochage des opinions vis-à-vis des élites n’a été aussi flagrant. Ce qui s’exprime de façon explicite
suite au Brexit, voire excentrique pour les Etats-Unis avec l’élection fulgurante de Donald Trump,
s’applique désormais pour les pays européens, et particulièrement pour la France, dans la
perspective des prochaines consultations. La crise de confiance est profonde, beaucoup plus
que nous ne pouvons l’admettre dans les cercles encore lucides. Elle n’est absolument pas
surprenante sur le fond. Cette crise génère pour le moment séisme politique sur séisme politique, en
déjouant « l’arrogance des avis éclairés des chroniqueurs et sondeurs, tout en révélant une colère
froide des peuples vis-à-vis du système...». C’est la version désormais reprise après chaque verdict,
avec le même aplomb, par ceux là même qui avaient affirmés l’inverse la veille.... Il faut bien
expliquer pourquoi les électeurs ne sont pas allés dans la direction que nos experts et communicants
avaient assénés sur les ondes.
Mais ne nous leurrons pas, ces quelques réveils forcément « populistes », pour ceux qui méprisent
les peuples, comme pour ceux qui cherchent à masquer leurs échecs, cachent en réalité un profond
désarroi au sein des populations. Les marges de manœuvre pour sortir des impasses sociétales dans
lesquelles nous sommes enfermés sont en réalité très étroites. Les électeurs le savent. Certes, ils
sanctionnent les errements politiques au travers de votes compulsifs, mais en réalité ils sont résignés
et peu enclins à faire la révolution. Ils ne sont pas forcément atones. Il suffit d’aller sur les réseaux
sociaux et de suivre la mobilisation des collectifs. Ils sont justes profondément désabusés face aux
dévoiements de nos démocraties par tous ces jeux d’oligarques qui sévissent sous toutes les
latitudes. Ils sont résignés car ils savent qu’ils sont piégés financièrement par le déclassement généré
par la pression fiscale, et démocratiquement par la tyrannie du jeu des partis. L’évolution des
courbes de l’abstentionnisme depuis 15 ans dans la plupart des pays occidentaux est une bonne
illustration de ces niveaux de décrochage des opinions partout en Occident.
Il faut avouer que la plupart des rendez-vous électoraux sont devenus des affrontements médiocres
de mercenaires sponsorisés par des circuits essentiellement financiers....C’est un peu partout l’argent
contre l’argent... Il n’est plus question de projets collectifs et d’avenir, juste de taux de croissance
tristounets et de courbes de chômage mortifères que l’on instrumentalise et réassure avec des
planches à billet devenues folles....Les rares politiques qui osent ouvrir le questionnement sur ces
sujets sont immédiatement ridiculisés et marginalisés par tous les lobbies et réseaux qui vivent
impunément de ces spéculations sous toutes les latitudes. Où est la démocratie lorsque ce ne sont
que des jeux minoritaires, avec en arrière plan des machineries électorales perverses, qui prennent
en otage, voire spolient nos pays ? Nous n’avons plus que le choix entre la peste et le choléra. De fait,
compte-tenu de l’état de nos dettes abyssales et du niveau de fractalisation de nos sociétés, les
peuples ont pris conscience du fait que ceux qui dirigent nos économies et notre devenir ont depuis
longtemps démissionné, en abandonnant sur le champ de bataille des pugilats médiatiques la
défense de nos valeurs et de l’intérêt général. Ils ont d’abord vendu à l’opinion la mondialisation heureuse et ils récidivent en mettant sur l’étal l’identité toujours heureuse... La question
fondamentale n’est ni dans l’avoir, ni dans l’identitaire mais dans l’âme incarnée par une signature
collective derrière des dirigeants honnêtes, désintéressés et surtout compétents. Rares sont ceux qui
ont le courage de s’engager sur ce niveau de posture. La plupart préfèrent nourrir la machine à faire
du bruit, ce qui permet de maintenir les opinions dans un niveau d’abêtissement, voire de
manipulation, guère égalé dans l’histoire moderne, excepté pendant les guerres où la propagande et
la désinformation constituent une règle de gouvernance. Nous pourrions presque penser que nos
dirigeants sont entrés en guerre contre leurs propres peuples...Une sorte de guerre civile où la
défense des valeurs serait devenue la vraie ligne de front.
Nos peuples savent qu’aujourd’hui l’avenir, comme l’enfer, n’est pavé que de bonnes intentions avec encore plus de dettes pour monnayer la sempiternelle paix sociale, plus de déficit public pour alimenter des Léviathans devenus incontrôlables, plus de multiculturalisme pour négocier une pseudo paix civile, plus de déchristianisation pour se garantir du radicalisme religieux, plus de monétarisation pour soutenir des faux taux de croissance, plus de migrations des sous continents qui convoitent notre bien être pour compenser nos effondrements démographiques et surtout plus de sécurité pour obtenir enfin ce « risque zéro » qui nous obsède tant. Dans les faits toutes ces gesticulations, pour ne pas dire ces impostures stratégiques, ne font que générer de la division, voire de la haine, et accélérer la destruction du modèle qui nous sert de socle et de référentiel.
Dans ce contexte qu’importe que la France soit heureuse ou malheureuse, elle n’est plus ce qu’elle fut et elle ne sait plus où elle va ! Le spectacle absolument consternant offert par l’égo de nos dirigeants, qui se complaisent dans des joutes fratricides par médias interposés, ne contribue pas à résoudre les niveaux de défiance atteints au sein de notre semblant de démocratie, sur fond de monarchie républicaine. Vu le temps qu’ils passent sur les plateaux de télévision et sur Twitter pour «se raconter» nous pouvons honnêtement nous interroger sur le temps qu’ils consacrent réellement à leurs missions....Bien entendu la formulation de tels constats est forcément inacceptable au regard des conventions politico-médiatiques. Jamais l’encéphalogramme n’a été aussi plat sur les plans philosophiques, littéraires, artistiques et encore plus politiques alors que la situation exige plus que jamais d’être réaliste, imaginatif, audacieux et responsable. Mais il semble qu’il ne peut y avoir de place que pour des optimistes béats ou des pessimistes accrédités... Or la réalité est impitoyable !
Cette réalité, c’est celle d’une longue déconstruction de l’hégémonie oligarchique occidentale qui est entamée depuis plusieurs décennies, bien avant la chute du mur de Berlin ou le 11 septembre qui ne sont que des étapes. Nous feignons chaque fois d’être pris de court. Certes l’effet de surprise est constitutif des crises et il n’est pas interdit de se tromper. Il est plus difficile d’admettre la récidive et il est préférable de ne pas s’obstiner dans l’erreur. Le Brexit, l’élection de Trump, n’ont rien de surprenants sauf pour ceux qui ne voyagent pas, qui n’écoutent pas et qui « savent » mieux que ceux qui vivent dans les pays concernés. Demain, la sortie de l’Allemagne de l’Euro, après demain, l’implosion des pays du bassin méditerranéen et le retour d’un califat ottoman sont autant de scénarios inconcevables mais fortement probables. Allons-nous continuer à pleurnicher chaque fois qu’il y a selon la terminologie des clercs « une surprise stratégique » ou bien faire preuve de lucidité et « d’anticipation stratégique » ? Souvent le discours sur les effets de surprise dans les crises ne fait que révéler les niveaux d’enfermement de la pensée, les blocages idéologiques, l’obsolescence des filtres de raisonnement et la pauvreté des grammaires utilisées dans les évaluations des situations.
Les deux fausses surprises que nous connaissons avec le Brexit et l’élection de Trump sont la
caricature de ces dérives. Pourtant ces deux évènements, comme ceux qui vont suivre, s’inscrivent
dans un temps long : celui des conséquences de la résignation face au nihilisme contemporain, de la
démission en termes d’exercice de la puissance et de l’auto destruction de notre mode de
civilisation.
Ne nous méprenons pas le Brexit n’est qu’un pis aller pour sauver la perfide Albion du suicide
européen. Trump ne sera ni Superman ni Batman pour sauver l’oncle Sam des maléfices du
« système ». S’il arrive à éviter aux Etats-Unis un effondrement financier ce sera déjà de l’ordre de
l’exploit. La sortie à venir de l’Allemagne de l’Euro, voire un rapprochement stratégique avec la
Russie, sont inhérents à la fin imminente des accords de Yalta et à cette nostalgie de la Sainte alliance
que nous ne pouvons plus sous-estimer. Les scénarios inconcevables ne manquent pas. La situation
n’exige ni la force du gladiateur ni l'âme du poète. Elle demande juste de la force d'âme pour
réinsuffler cette espérance perdue et cette intuition stratégique qui nous font défaut face à un
monde en profonde transformation. Les solutions ne sont pas uniquement dans les mirages des
ruptures technologiques et dans les miroirs aux alouettes des économistes. Elles sont dans la
robustesse de nos socles de valeurs, la résilience de nos modes de pensée et dans les fondements
chrétiens de notre civilisation. Il faut choisir entre le suicide collectif et la renaissance de notre
civilisation. Entre les deux il faut juste réapprendre à survivre avec les réalités d'un monde en
déconstruction dans lequel la position de chaque acteur est de nouveau négociable. C'est pour cela
que nous ne sommes qu'au tout début d'une certaine intensité sismique sur le plan géostratégique
que nos experts qualifient mollement d’incertitudes.
Ce constat n’est pas évident à entendre et à admettre pour des sociétés opulentes, déconnectées
des réalités du monde, dépressives et désenchantées, qui ont privilégié le principe de précaution à la
prise de risque, l'angoisse au courage. Notre défi est maintenant de trouver les hommes et les
femmes qui auront le courage de mettre les vraies questions à l'agenda et qui sauront incarner cette
force d'âme indispensable avec droiture, abnégation et détermination. Les échéances électorales qui
arrivent en Europe vont constituer à ce titre un formidable rendez-vous stratégique. Soit ce sera
celui courageux de la responsabilité et de la lucidité. Soit ce sera celui infantile de la poursuite des
dénis, de la fuite en avant et de l'imposture. N'oublions pas, quels que soient les discours sur le réveil
des peuples, que nous sommes toujours à un moment jugés par l'Histoire, et que les générations
futures ne nous pardonneraient pas nos défauts de lucidité et notre lâcheté sous le prétexte que
nous aurions été surpris.
Xavier Guilhou
Depuis
trente ans, au travers de mes diverses expériences privées, publiques
et académiques, j'ai été confronté à de multiples crises au niveau
international et en ai tiré quelques convictions.
Beaucoup considèrent que la modernité de nos sociétés permet d'améliorer sans cesse la maîtrise des risques. C'est indéniable, mais ces progrès ne sauraient constituer en soi la certitude que nous allons vers un avenir plus sûr et plus fiable. La réalité que je côtoie n'est pas celle-là. Je pense que nous sommes confrontés depuis plus d'une décennie à des ruptures majeures qui se traduisent par des franchissements de seuils cruciaux pour la survivance de nos modèles de vie. Certains risques sont devenus explicites, comme la menace terroriste, la guerre des ressources, les confrontations d'ambitions au niveau mondial. D'autres nous déstabilisent dans nos certitudes, comme les récents désastres naturels du Tsunami en Asie du Sud, Katrina, la menace de la grippe aviaire ou Fukushima. Mais beaucoup émergent de façon implicite, en contournant nos croyances et nos défenses. Ces transformations majeures de nos environnements appellent un exercice de lucidité, une prise de recul plus stratégique et un apprentissage des nouvelles grammaires de la gestion des risques et du pilotage des crises. Elles exigent surtout de se recentrer sur des pratiques de management moins technocratiques et sur des comportements plus authentiques. |
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