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juillet 11, 2015

La liberté selon les socialistes, enfin plutôt les libertés

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Ce sont les vacances et pourquoi pas s'interroger  sur des idées autres des nôtres; Ici Jean Jaurès en son temps nous expose de manière concise ce qu'il entend par "socialisme" pourvoyeur de libertés. Comment nos socialopithèques de tous les bords auraient dérogé à tous ses préceptes. 
Absolument à lire, des éléments très intéressants paraissent utiles à la réflexion,  aux débats entre libéraux, merci .


Socialisme et liberté (1898)

Sous le titre Socialisme et liberté, Jaurès propose dans ce long et lumineux article paru dans La Revue de Paris le 1er décembre 1898 une synthèse de ses idées sur ce qu’est le socialisme et sur la manière dont il conduit (à l’opposé de la tyrannie étatique qu’on lui reproche de vouloir établir) à une humanité d’individus libres et autonomes.

Le socialisme, communiste, collectiviste, est un individualisme ! Voilà qui pourrait étonner sans les explications que donne ici Jaurès sur ce qu’est vraiment la liberté individuelle : car cet individualisme-là est évidemment un humanisme

Le socialisme, un danger pour la liberté ?

Il y a une partie notable de la bourgeoisie, qui n’est pas séparée du socialisme par des intérêts de classe : et elle a d’ailleurs, par l’effet d’une haute culture, assez de générosité pour ne pas faire de son intérêt étroit la mesure du vrai. Mais elle tient par-dessus tout à la liberté. Son bien le plus précieux, sa dignité la plus haute, c’est la liberté de l’esprit, de la vie intérieure : et toutes les libertés affirmées par la Révolution de 1789, la “ liberté du travail ”, la liberté politique lui paraissent comme un reflet de la liberté sacrée de l’esprit. Or, elle semble craindre souvent que le socialisme soit une diminution de la liberté, qu’il contraigne ou resserre la personne humaine et qu’il soumette les individus ou à la discipline étouffante de l’État ou au despotisme brutal d’une classe nouvelle longtemps sevrée des joies de la vie et s’enivrant soudain d’un mélange grossier de civilisation et de barbarie. J’ose dire qu’il y a là une erreur fondamentale. Le socialisme, au contraire, et j’entends le socialisme collectiviste ou communiste, donnera le plus large essor à la liberté, à toutes les libertés : il en est, de plus en plus, la condition nécessaire.

Trop souvent nos adversaires, mal informés, confondent le socialisme collectiviste ou communiste avec le socialisme d’État, et, comme celui-ci ne se manifeste que par des lois de réglementation et de contrainte, il leur paraît que la contrainte est l’essence même du socialisme. Or, entre le collectivisme et le socialisme d’État il y a un abîme.

Qu’est-ce que le socialisme d’Etat ?

Le socialisme d’État accepte le principe même du régime capitaliste : il accepte la propriété privée des moyens de production, et, par suite, la division de la société en deux classes, celle des possédants et celle des non possédants. Il se borne à protéger la classe non possédante contre certains excès de pouvoir de la classe capitaliste, contre les conséquences outrées du système. Par exemple il intervient par la loi pour réglementer le travail des femmes, des enfants, ou même des adultes. Il les protège contre l’exagération de la durée des travaux, contre une exploitation trop visiblement épuisante. Il organise, par la loi, des institutions d’assistance et de prévoyance auxquelles les patrons sont tenus de contribuer dans l’intérêt des ouvriers. Mais il laisse subsister le patronat et le salariat. Parfois, il est vrai, et c’est une tendance croissante, il transforme en services publics, nationaux ou communaux, certains services capitalistes. Par exemple, il rachète et nationalise les chemins de fer, il municipalise l’eau, le gaz, les tramways. Mais, même dans cette création des services publics, il reste fidèle au système capitaliste. Il sert un intérêt au capital qui a servi à l’établissement des voies ferrées ; et que les salariés soient tenus de fournir le dividende du capital privé ou l’intérêt des emprunts d’État, c’est tout un. Ce qu’on appelle socialisme d’État est en fait, dans les services publics, du capitalisme d’État.

Ainsi, le socialisme d’État respecte les principes essentiels du système capitaliste, mais il intervient dans la lutte des classes antagonistes pour empêcher l’écrasement complet des sans-propriété, qui sont les plus faibles. [...] Voilà le principe même et le fond du socialisme d’État. Il suppose et accepte la division des classes : il ne croit pas qu’elles puissent disparaître par un système nouveau de propriété. Il prévoit donc une lutte sociale éternelle, où un arbitre devra éternellement intervenir pour modérer les coups. En ce sens, et s’il ne se considère pas lui-même comme une simple transition vers le collectivisme, le socialisme d’État est une sorte de pessimisme social. Il ne croit pas, comme les économistes, à l’harmonie naturelle des intérêts, et il ne croit pas, comme le socialisme ouvrier, que cette harmonie puisse être révolutionnairement instituée par une transformation de la propriété. Il croit que l’ordre, l’équité, la paix, doivent être imposés du dehors par l’arbitrage impérieux de l’État, à des forces irréductiblement hostiles.

Collectivisme et communisme

Au contraire, les collectivistes, les communistes, pensent qu’un tel système de propriété et de production peut être établi, que l’ordre et la justice en dérivent par une nécessité interne. Ils croient à la possibilité de la paix fondamentale dans la société humaine, et leur optimisme essentiel s’oppose au pessimisme social des socialistes d’État. Ce n’est pas que les socialistes repoussent les mesures de protection légale que le socialisme d’État propose pour la classe ouvrière. Au contraire, ils les proposent eux-mêmes avec une extrême énergie et ils ne croient pas porter atteinte à la liberté en défendant les salariés contre les exigences les plus violentes du capital ; mais ils ne considèrent ces mesures que comme une transition. Ils les réclament surtout pour que la classe ouvrière, plus forte et plus confiante, puisse accomplir plus aisément sa fonction historique, qui est de susciter une forme nouvelle de propriété où toutes les classes disparaîtront, où tous les hommes seront réconciliés. Mais il reste vrai que le socialisme d’État, impuissant à faire de la justice le ressort interne de la société, est obligé d’intervenir du dehors sur l’appareil capitaliste pour en corriger les pires effets. Au contraire, ce n’est pas par l’action mécanique des lois de contrainte, c’est par l’action organique d’un système nouveau de propriété que les collectivistes et communistes prétendent réaliser la justice. Il serait donc tout à fait injuste de se figurer le socialisme en sa forme définitive comme un appareil de réglementation, de restriction et de contrainte.

Vers une tyrannie de la masse ?

Mais cette forme définitive elle-même n’est-elle pas exclusive de toute liberté ? Quand le capital aura disparu, quand la propriété privée des moyens de production aura fait place à la propriété sociale, la liberté des individus n’aura-t-elle pas perdu tout fondement et leur activité tout ressort ? N’y aura-t-il pas une distribution autoritaire des travaux et des produits ? La communauté, en outre, ne sera-t-elle pas tentée de tout abaisser au niveau des besoins les plus grossiers, des âmes les plus communes ? Et pour réprimer la révolte des délicats, pour supprimer les oppositions intellectuelles, ne sera-t-elle pas conduite à organiser un pouvoir dictatorial ? Ainsi, avec la propriété individuelle, avec la liberté économique, disparaîtront la liberté politique et la liberté de la pensée. Le monde sera soumis non à la tyrannie d’une élite, intéressée, par ses fantaisies mêmes, au progrès universel, mais à la tyrannie routinière de la masse. Et une centralisation despotique assurera un régime de médiocrité.

Toujours une classe démunie

Voilà bien l’objection toujours renouvelée. Voilà bien la crainte qui hante les esprits, ou le prétexte dont se couvrent les résistances. Mais que ceux qui se complaisent à cette objection prennent garde ; c’est contre la civilisation, c’est contre. l’humanité elle-même qu’ils concluent : car ils proclament que, pour que la liberté subsiste, il faut que la classe ouvrière demeure à l’état de dépendance, sous la loi du salariat. En fait, il n’y a qu’un moyen pour tous les citoyens, pour tous les producteurs, d’échapper au salariat : c’est d’être admis, par une transformation sociale, à la copropriété des moyens de production. Il est tout à fait chimérique de penser que la diffusion de la propriété capitaliste permettra à tous les travailleurs de n’être plus des salariés. Malgré la dissémination plus apparente d’ailleurs que réelle des titres mobiliers, c’est une minorité infime des citoyens qui a vraiment la propriété de l’outillage industriel, et l’accroissement du nombre des porteurs de titres compense à peine la disparition d’un très grand nombre d’artisans, de petits producteurs autonomes dévorés chaque jour par la grande industrie. Donc, sous le régime capitaliste, la classe ouvrière est exclue à jamais de la propriété ; il peut y avoir passage de la classe prolétarienne à la classe capitaliste, comme il peut y avoir chute de la classe capitaliste à la classe prolétarienne ; mais ce mouvement, qui n’affecte que quelques individus, quelques atomes, laisse subsister la distinction des deux classes, la possédante et la non possédante ; toujours, comme en un vaste et sombre tourbillon, la multitude ouvrière tourne au-dessous de la propriété et tombe à la mort, poussière fatiguée, sans avoir pu monter aux régions de liberté et de lumière.

La liberté dans l’ordre économique

[...] Nous voulons qu’aucun homme dans l’usine ou aux champs ne soit l’outil d’un autre homme. Nous voulons qu’aucun travailleur ne soit instrument de profit, qu’aucun ne soit exclu du patriotisme humain accumulé par les générations. Et nous demandons que tout individu humain, ayant un droit de copropriété sur les moyens de travail qui sont les moyens de vivre, soit assuré de retenir pour lui-même tout le produit de son effort, assuré aussi d’exercer sa part de direction et d’action sur la conduite du travail commun. Et quand nous élevons ainsi tous les individus humains à l’état de personnes, quand nous les affranchissons de ce servage économique qui les ravale à la dépendance, à la passivité des choses, quand nous faisons de chaque citoyen un droit égal à tous les autres droits, une volonté vivante égale à toutes les autres volontés, quand nous bâtissons, sur les bases solides et profondes de l’ordre économique, cette cité des esprits dont Leibniz a si magnifiquement parlé, on nous dit : Chimère et aberration ! Tous les hommes, en apparence affranchis de toute classe exploiteuse et dominatrice, seront asservis à nouveau par le mécanisme même de la propriété sociale : ils seront égaux, mais tous liés les uns aux autres d’une chaîne infinie de servitude, tous écrasés par l’appareil central de direction et de production qu’ils seront obligés de constituer. Ainsi le service économique aura été non aboli mais étendu, et l’humanité n’a le choix qu’entre une liberté oligarchique, réservée à une minorité de possédants, et l’universelle servitude. [...] Ceux-là donc qui accusent l’ordre socialiste de supprimer la liberté bâtissent devant eux une infranchissable muraille : ils condamnent l’humanité à rester indéfiniment sous le régime du salariat et de l’antagonisme des classes. Pauvre race humaine, qui ne peut élargir la liberté sans la briser !

Après le capitalisme ?

[...] À coup sûr, certaines formes d’action, injustes et surannées, auront disparu. Il ne sera plus permis, ou plutôt il ne sera plus possible à un homme de faire travailler à son profit d’autres hommes : l’humanité aura chassé à jamais, comme le cauchemar d’une nuit mauvaise, le rêve du capitaliste qui peut tendre et qui tend à l’universelle domination et à l’universelle exploitation. Mais l’homme n’est-il condamné à ne comprendre la liberté que comme la faculté d’exploiter d’autres hommes ? Est-il condamné à ne comprendre l’infini que comme l’accroissement illimité de la richesse oppressive ? Il n’est plus permis aujourd’hui, il n’est plus possible d’avoir des esclaves : la liberté humaine en est-elle diminuée ? Le triomphateur romain traînait derrière son char et ramenait dans sa maison des peuples captifs : l’humanité est-elle abaissée en ses joies parce qu’elle ne connaît plus l’orgueil des victoires romaines ? De nouveaux rêves ont surgi en elle, de nouveaux désirs et de nouvelles joies. Les institutions mortes n’éveillent même plus un regret. Nul, aujourd’hui, parmi les vivants, ne souffre de n’avoir pas des esclaves. Nul ne souffrira demain de n’avoir pas des salariés. Il en est qui se demandent : mais que ferons-nous et quel aiguillon aura la vie quand nous ne pourrons plus nous assujettir le monde du travail et goûter les joies de la conquête capitaliste ? Ils oublient que l’humanité n’épuise pas en une forme sociale, c’est-à-dire en une forme particulière et passagère d’action, ses ressources de désir et de bonheur. Demain, de la grande humanité communiste, monteront de nouvelles espérances et de nouveaux songes, comme des nuées aux formes inconnues montant de la vaste mer. De même que dans les révolutions du globe des espèces ont disparu sans que le mouvement de la vie s’arrêtât, de même, dans les révolutions de la société, de grandes espèces d’action, de désir et de joie sont abolies sans que la force humaine s’amollisse. Le plésiosaure et le mastodonte ne sont pas toute la vie. Le capitalisme n’est pas toute l’action.

Rien n’est au-dessus de l’individu

[...] Dans l’ordre prochain, dans l’ordre socialiste, c’est bien la liberté qui sera souveraine. Le socialisme est l’affirmation suprême du droit individuel. Rien n’est au-dessus de l’individu. Il n’y a pas d’autorité céleste qui puisse le plier à son caprice ou le terroriser de ses menaces. L’homme n’est pas un instrument aux yeux de Dieu. Le mouvement socialiste exclut l’idée chrétienne qui subordonne l’humanité aux fins de Dieu, à sa gloire, à ses mystérieux desseins.

[...] Si l’homme, tel que le socialisme le veut, ne relève pas d’un individu supra-humain, il ne relève pas davantage des autres individus humains. Aucun homme n’est l’instrument de Dieu, aucun homme n’est l’instrument d’un autre homme. Il n’y a pas de maître au-dessus de l’humanité ; il n’y a pas de maître dans l’humanité. Ni roi, ni capitaliste. Les hommes ne veulent plus travailler et souffrir pour une dynastie. Ils ne veulent plus travailler et souffrir pour une classe. Mais pour qu’aucun individu ne soit à la merci d’une force extérieure, pour que chaque homme soit autonome pleinement, il faut assurer à tous, les moyens de liberté et d’action. Il faut donner à tous le plus de science possible et le plus de pensée, afin qu’affranchis des superstitions héréditaires et des passivités traditionnelles, ils marchent fièrement sous le soleil. Il faut donner à tous une égale part de droit politique, de puissance politique, afin que dans la Cité aucun homme ne soit l’ombre d’un autre homme, afin que la volonté de chacun concoure à la direction de l’ensemble et que, dans les mouvements les plus vastes des sociétés, l’individu humain retrouve sa liberté. Enfin, il faut assurer à tous un droit de propriété sur les moyens de travail, afin qu’aucun homme ne dépende pour sa vie même d’un autre homme, afin que nul ne soit obligé d’aliéner, aux mains de ceux qui détiennent les forces productives, ou une parcelle de son effort ou une parcelle de sa liberté.
L’éducation universelle, le suffrage universel, la propriété universelle, voilà, si je puis dire, le vrai postulat de l’individu humain.

[...] Et je suis prêt à accorder qu’en effet dans le mouvement socialiste, ou tout au moins dans le premier moment de la dialectique socialiste, l’individu est la fin suprême. Le socialisme veut briser tous les liens. Il veut désagréger tous les systèmes d’idées et tous les systèmes sociaux qui entravent le développement individuel. Ou Dieu n’est pas, ou il est l’Unité idéale qui permet l’harmonie et l’expansion de toutes les forces. Ou il n’est pas, ou il n’est qu’un moyen de liberté. L’humanité elle-même n’a pas une sorte de valeur mystique et transcendante. Sa richesse est faite de toutes les énergies individuelles. Elle n’a pas le droit de se désintéresser du nombre et de manifester son excellence seulement en quelques élus. Elle n’est pas une beauté idéale, se contemplant au miroir de quelques âmes privilégiées. Elle ne vaut pour l’individu humain que dans la mesure où il participe lui-même à la liberté, à la science et à la joie.

Tyrannie socialiste ? Le règne des fonctionnaires ?

[...] Où donc est la tyrannie socialiste ? Et par quelle confusion étrange dit-on que, dans la société nouvelle, tous les citoyens seront des fonctionnaires ? En fait, c’est dans la société présente que tous les citoyens ou presque tous aspirent à être “ des fonctionnaires ”. Et, si c’est là la servitude, c’est le monde d’aujourd’hui qui y tend. Mais il n’y aura aucun rapport entre le fonctionnarisme et l’ordre socialiste. Les fonctionnaires sont des salariés : les producteurs socialistes seront des associés. Les fonctionnaires sont dans la dépendance du gouvernement, de l’État, qui est souvent le gardien des intérêts de classe et qui asservit ses agents. Il n’y aura plus d’intérêt de classe à servir dans l’ordre socialiste : qui donc pourrait tyranniser les citoyens ? Les fonctionnaires n’ont pas un intérêt personnel et immédiat à la bonne marche des services publics : les producteurs socialistes auront un intérêt personnel et immédiat à améliorer la production dirigée par eux, à accroître la richesse qu’ils doivent se répartir. Au lieu d’entrer dans la vie dépouillés, sans force et sans droit, tous les citoyens y entreront avec un droit préalable de copropriété sur les moyens de travail. Ce droit, des contrats librement débattus avec la communauté sociale elle-même, avec les groupes locaux et professionnels, en régleront l’exercice. La communauté interviendra nécessairement pour coordonner la production. Elle interviendra aussi pour prévenir tout retour de l’exploitation de l’homme par l’homme. Mais elle laissera le plus libre jeu à l’initiative des individus et des groupes, car elle aura tout entière le plus haut intérêt à stimuler les inventions, à respecter les énergies. Dès maintenant, le prolétariat répugne à toute centralisation bureaucratique. Il tente de multiplier les groupements locaux, les syndicats, les coopératives ; et, tout en les fédérant, il respecte leur autonomie : il sait que, par ces organes multiples, il pourra diversifier l’ordre socialiste, le soustraire à la monotonie d’une action trop concentrée. Quels seront, dans la communauté sociale, les rapports exacts des groupements locaux et de la puissance centrale ? Il est impossible de les préciser d’avance, et ils seront sans doute infiniment complexes et changeants. Mais, ce qui est sûr, c’est que l’organisation centrale ne pourra avoir ni tentation, ni moyen de contrainte. Ni la puissance d’un dieu et d’un dogme, ni la puissance d’un roi, ni la puissance du capital ne domineront la société. Où donc le pouvoir central trouverait-il des moyens d’oppression, et pour quel intérêt opprimerait-il ? Il n’aura d’autre force que celle des groupes, et ceux-ci n’auront d’autre force que celle des individus. Toutes les puissances de progrès, de variété et de vie s’épanouiront, et la société communiste sera la plus complète et la plus mouvante qu’ait vue l’histoire.

La patrie est nécessaire au socialisme

[...] Ni la famille, ni la patrie ne sont en soi des organismes supérieurs et sacrés. L’une et l’autre doivent des comptes et des garanties à l’individu humain.
[...] À coup sûr le socialisme et le prolétariat tiennent à la patrie française par toutes leurs racines. Dès la Révolution bourgeoise, le peuple acculé défendait héroïquement contre l’étranger la France nouvelle : il y pressentait dorénavant son patrimoine futur. De plus, l’unité nationale est la condition même de l’unité de production et de propriété, qui est l’essence même du socialisme. Enfin, toute l’humanité n’est pas mûre pour l’organisation socialiste, et les nations en qui la révolution sociale est préparée par l’intensité de la vie industrielle et par le développement de la démocratie, accompliront leur œuvre sans attendre la pesante et chaotique masse humaine. Les nations, systèmes clos, tourbillons fermés dans la vaste humanité incohérente et diffuse, sont donc la condition nécessaire du socialisme. Les briser, ce serait renverser les foyers de lumière distincte et ne plus laisser subsister que de vagues lueurs dispersées de nébuleuse. Ce serait supprimer aussi les centres d’action distincte et rapide pour ne plus laisser subsister que l’incohérente lenteur de l’effort universel. Ou plutôt ce serait supprimer toute liberté, car l’humanité, ne condensant plus son action en nations autonomes, demanderait l’unité à un vaste despotisme asiatique. La patrie est donc nécessaire au socialisme. Hors d’elle, il n’est et ne peut rien ; même le mouvement international du prolétariat, sous peine de se perdre dans le diffus et l’indéfini, a besoin de trouver, dans les nations mêmes qu’il dépasse, des points de repère et des points d’appui.

Mais la patrie n’est pas un absolu…

Mais si le socialisme et la patrie sont aujourd’hui, en fait, inséparables, il est clair que dans le système des idées socialistes, la patrie n’est pas un absolu. Elle n’est pas le but ; elle n’est pas la fin suprême. Elle est un moyen de liberté et de justice. Le but, c’est l’affranchissement de tous les individus humains. Le but, c’est l’individu. Lorsque des échauffés ou des charlatans crient : “ La patrie au-dessus de tout ”, nous sommes d’accord avec eux s’ils veulent dire qu’elle doit être au-dessus de toutes nos convenances particulières, de toutes nos paresses, de tous nos égoïsmes. Mais s’ils veulent dire qu’elle est au-dessus du droit humain, de la personne humaine, nous disons : Non. Non, elle n’est pas au-dessus de la discussion. Elle n’est pas au-dessus de la conscience. Elle n’est pas au-dessus de l’homme. Le jour où elle se tournerait contre les droits de l’homme, contre la liberté et la dignité de l’être humain, elle perdrait ses titres. Ceux qui veulent faire d’elle je ne sais quelle monstrueuse idole qui a droit au sacrifice même de l’innocent, travaillent à la perdre. S’ils triomphaient, la conscience humaine se séparerait de la patrie pour se séparer d’eux, et la patrie tomberait au passé comme une meurtrière superstition. Elle n’est et ne reste légitime que dans la mesure où elle garantit le droit individuel. Le jour où un seul individu humain trouverait, hors de l’idée de patrie, des garanties supérieures pour son droit, pour sa liberté, pour son développement, ce jour-là l’idée de patrie serait morte. Elle ne serait plus qu’une forme de réaction. Et c’est sauver la patrie que de la tenir dans la dépendance de la justice.

Une humanité d’individus…

Ainsi il est bien vrai que, pour les socialistes, la valeur de toute institution est relative à l’individu humain. C’est l’individu humain, affirmant sa volonté de se libérer, de vivre, de grandir, qui donne désormais vertu et vie aux institutions et aux idées. C’est l’individu humain qui est la mesure de toute chose, de la patrie, de la famille, de la propriété, de l’humanité, de Dieu. Voilà la logique de l’idée révolutionnaire. Voilà le socialisme.

Mais cette exaltation de l’individu, fin suprême du mouvement historique, n’est contraire ni à l’idéal, ni à la solidarité, ni même au sacrifice. Quel plus haut idéal que de faire entrer tous les hommes dans la propriété, dans la science, dans la liberté, c’est-à-dire dans la vie ? Jusqu’ici l’idéal, timide ou débile, renonçait à façonner toute la substance humaine. Le christianisme exaltait les élus et jetait au gouffre de damnation les multitudes. La Révolution bourgeoise proclamait l’égalité théorique des hommes, mais elle permettait au privilège de propriété d’asservir une classe à une autre classe. Pour la première fois, depuis l’origine de l’histoire, c’est l’humanité tout entière, en tous ses individus, en tous ses atomes, qui est appelée à la propriété et à la liberté, à la lumière et à la joie. La personne humaine n’affirme plus seulement sa dignité, sa grandeur, en quelques exemplaires de choix ou en quelques classes de privilège : elle l’affirme en tous ses individus. Quel que soit l’être de chair et de sang qui vient à la vie, s’il a figure d’homme il porte en lui le droit humain, la puissance humaine : il pourra penser sans relever d’aucun dogme ; il pourra travailler, sur une loi d’égalité fraternelle, sans relever d’aucun maître. Il possédera pour sa part, dans la communauté sociale, les moyens d’action par lesquels l’homme soumet la nature.

L’individualisme n’est pas un égoïsme !

En vain dit-on que l’individu humain, arrivé au plus haut, sera abattu et triste, ne voyant plus rien au-dessus de lui. D’abord, au-dessus de lui, il verra toujours lui-même. Toujours, il pourra tendre à plus de force, à plus de pensée, à plus d’amour aussi. Précisément parce qu’il sera débarrassé de toute contrainte et de toute exploitation, il songera sans cesse à se développer, à se hausser, à mettre en valeur toutes ses énergies. Quand les hommes ne pourront plus dépenser leur force, amuser leur orgueil et nourrir leur convoitise à dominer et pressurer les autres hommes, il faudra bien qu’ils s’emploient à grandir leurs propres facultés ; et comme les chrétiens se passionnaient à surveiller et à épurer leur vie intérieure, l’homme de l’humanité socialiste se passionnera à accroître sa valeur humaine. Mais il ne s’enfermera point en soi. Proclamer la valeur suprême de l’individu humain, c’est réfréner l’égoïsme envahissant des forts : ce n’est pas décréter l’égoïsme universel. Au contraire, quand l’individu humain saura que sa valeur ne lui vient ni de la fortune, ni de la naissance, ni d’une investiture religieuse, mais de son titre d’homme, c’est l’humanité qu’en lui-même il respectera. Or, comme il n’en est qu’un infime et fragile exemplaire, c’est l’humanité tout entière, dans ses manifestations multiples, dans son développement illimité, qu’il voudra aimer et servir. Nulle force extérieure ne le contraindra en sa conscience ; mais c’est lui-même qui franchira ses propres limites pour vivre d’une vie plus vaste et goûter même à la joie supérieure du sacrifice.

Dans notre société déchirée d’antagonismes mortels, le sacrifice n’est plus possible. Les prétendus dévouements des classes privilégiées ne sont plus que mensonges : car elles ont peur, et leur charité est un calcul d’assurance. Les classes opprimées ne connaissent plus le sacrifice depuis qu’elles ne croient plus au droit supérieur, à la beauté supérieure des puissances dirigeantes. On ne s’immole qu’à meilleur que soi, et le sacrifice cesse où la duperie commence. Aujourd’hui, les classes opprimées ne donnent pas : elles laissent prendre, en attendant qu’elles se soulèvent. La guerre sociale arrivée à la conscience aiguë a supprimé le sacrifice. Au contraire, dans la grande paix socialiste, c’est en se donnant à ceux qui cherchent et souffrent, à ceux dont l’esprit s’inquiète et dont le cœur s’afflige, que l’homme prendra vraiment conscience de soi.
Vivre en autrui est la vie la plus haute, car lorsque, par un acte de liberté, nous avons franchi nos propres limites, nous n’en rencontrons plus, et une sorte d’infinité s’ouvre à nous. Aristote a dit que le plus grand bienfait de la propriété, c’est qu’elle permet de donner. Ainsi quand tous les hommes auront la propriété d’eux-mêmes, il sera doux à plusieurs de faire don de soi. À quoi ? À l’humanité souffrante et grande, sublime et lasse, qui portera en elle, bien longtemps après la promulgation du droit, un lourd héritage de bestialité, des instincts grossiers, des esprits obscurs, des âmes haineuses, des volontés lâches, et qu’il faudra sans cesse animer, éclairer, apaiser, pour qu’elle soit digne d’elle-même et que la terre soit dans l’espace un joyau de lumière, de force et de douceur.

Interroger le mystère du monde…

Mais, au-delà même de l’humanité, l’homme affranchi s’associera à l’univers. L’avènement du socialisme sera comme une grande révélation religieuse. Que l’humanité, sortie de la planète obscure et brutale, ait pu se hausser enfin à la justice et à la clarté ; que, par l’évolution de la nature, l’homme se soit élevé au-dessus de la nature même, c’est-à-dire au-dessus de la violence et du conflit ; que du choc des forces et des instincts ait jailli l’harmonie des volontés, quel prodige ! Et comment l’homme ne se demanderait-il pas s’il n’y a point au fond des choses un mystère d’unité et de douceur et si le monde n’a pas un sens ? La religion est une conception générale et vivante de l’univers qui, au lieu de guider quelques esprits et de se prêter à quelques jeux de spéculation, émeut, pendant toute une période de l’histoire, toute une portion de la race humaine. C’est comme une prise de possession familière du monde par l’humanité.
[...] Demain, au contraire, l’humanité, affranchie par le socialisme et réconciliée avec elle-même prendra conscience en sa vivante unité de l’unité du monde, et interprétant à la lumière de sa victoire l’obscure évolution des forces, des formes, des êtres, elle pourra entrevoir, comme en un grand rêve commun de toutes ses énergies pensantes, l’organisation progressive de l’univers, l’élargissement indéfini de la conscience et le triomphe de l’esprit. La révolution de justice et de bonté accomplie par cette portion de nature qui était hier l’humanité, sera comme un appel et un signal à la nature elle-même. Pourquoi ne tendrait-elle pas tout entière à sortir de l’inconscience et du désordre, puisqu’elle a pu, en l’humanité, arriver à la conscience, à la lumière et à la paix ? Ainsi, du haut de sa victoire de justice, l’humanité laissera tomber au plus profond de l’abîme des choses une parole d’espérance, et elle écoutera monter vers elle l’écho de l’universel désir tout plein de pressentiments.

Le droit absolu à la pensée libre

Mais quelle que soit la tendance de l’homme nouveau à s’agrandir de toute la vie humaine et de toute la vie du monde, c’est l’individu qui restera toujours à lui-même sa règle. C’est par un acte libre qu’il se donnera aux autres hommes ; il ne se laissera ravir par aucune violence le droit de se donner. Et il demandera toujours à l’univers comme aux hommes le respect de sa liberté intérieure. Il n’acceptera d’autre idéal suprême que celui qui, tout en assurant l’unité du monde, établira l’énergie, et consacrera l’autonomie des individus. En recevant du socialisme le droit absolu à la pensée libre et un droit indestructible de propriété, l’homme peut entrer dans la communauté sociale, il peut entrer aussi dans la communauté de l’univers ; il ne risque ni d’être absorbé ni de se dissoudre. Il est prêt à s’harmoniser à un système de forces toujours plus vaste, il est prêt à collaborer à une œuvre toujours plus lointaine et plus haute ; mais il reste un centre autonome de pensée et d’action ; il peut affronter la puissance de la communauté humaine et le mystère du monde. Il est à jamais impénétrable à toute force d’oppression ou de dissolution.

jean Jaurès



 

juin 01, 2015

La politique pro-croissance d'Alain MADELIN, est-ce bien libérale ?

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: 
à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Sommaire:

A) Une politique pro-croissance et pro-capital est nécessaire et possible - Détroyat Associés, Alain Madelin

B) Alain Madelin : "La fiscalité la plus juste est une fiscalité pro-croissance"- Par - Le Point

C) UNE FISCALITÉ PRO-CROISSANCE - Alain Madelin

D) Croissance économique de Wikiberal

E) Mitch McConnell, paradoxal nouvel homme fort à Washington - Par



 A) Une politique pro-croissance et pro-capital est nécessaire et possible

Dans la newsletter Détroyat Associés, Alain Madelin montre comment seule une politique de reflation capitaliste peut éviter les souffrances et les désordres de la déflation salariale et de l’austérité.

Détroyat Associés : Le capital n’a pas bonne presse en France. Quelle en est la raison ? N’en n’avons-nous pas besoin pour assurer la reprise économique ?
Alain Madelin : Si le  capital n’a pas bonne presse en France, n’oublions pas que l’épargne  – qui n’est qu’un autre nom donné au capital est, elle, populaire.

Cela étant, nous traversons une époque de fort ralentissement économique, voire de croissance zéro. Or, génétiquement, culturellement, nous vivons encore partiellement sur l’héritage de la civilisation agricole, marquée par des siècles sans croissance où la richesse – le capital – provenait de la violence, du pillage ou de l’exploitation d’autrui. D’où la condamnation morale du profit par les Eglises encore très prégnante dans nos mentalités. En fait, l’acceptation des inégalités et du capital est très liée à la croissance car au fond, dans une situation de forte croissance, chacun peut se dire : « les inégalités et la possession par certains d’un fort capital m’importent peu si j’ai le sentiment que ces derniers conduisent un TGV dans lequel je peux monter ». Après tout, si Bill Gates ou Steeve Jobs sont loin devant en matière de revenus, mais si leur activité favorise une forte croissance qui bénéficie à tous et que personne ne reste à quai, dans ce cas-là, le capital a bonne presse, il apparaît utile et les inégalités elles-mêmes, semblent « fécondes ».

Tout le monde connait la bonne vieille règle des 72. Si j’ai 10% de croissance, mon revenu double tous les sept ans. Si j’ai 7% de croissance, mon revenu double tous les dix ans. Si j’ai 1% de croissance, mon revenu double tous les 72 ans et avec 0,5% de croissance tous les cent cinquante ans. Nous sommes dans ce dernier cas. D’où le retour de la condamnation du capital et du profit.

La difficulté est alors la suivante : pour sortir de notre faible croissance, on a besoin d’investissements massifs et donc de capital. D’un capital rentable. Or, à méconnaître le rôle du capital, à le surtaxer, on s’enferme dans la stagnation. Cette méconnaissance a conduit à l’idée de taxer le capital à hauteur du travail, une idée stupide portée et engagée par l’ancienne majorité  – qu’il s’agisse de l’ex-Président de la République comme de la plupart des dirigeants de l’époque –et parachevée sous l’actuel gouvernement. Comme si le capital n’était pas déjà davantage taxé que le travail puisque le capital est par nature du travail épargné qui a déjà payé l’impôt, qui en repaie quand il est mis au service de la production et in fine quand on constate une plus-value ou lorsqu’il est revendu !

Tout ceci nous a amené au record mondial de taxation du capital.
Qui s’ajoute à notre taxation record du travail. Je parle ici de la taxation marginale du travail et des talents, ce que les économistes appellent le « coin fiscal et social marginal ». Or, la croissance se fait à la marge. Si vous me taxez à 75% sur les 100 000 euros de richesses supplémentaires que je peux produire, j’ai tendance à mettre le pied sur le frein. Si vous me taxez à hauteur de 33%, je mets en revanche le pied sur l’accélérateur.

Il faut toujours tenir compte du fait qu’en France les cotisations sont déplafonnées. Ce n’est pas le cas ailleurs, par exemple en Allemagne où elles sont plafonnées à hauteur de 50 000 euros par an. Additionnez le déplafonnement des cotisations et la taxation du capital et vous aboutissez à ce que les hauts potentiels, autrement dit les fabricants de croissance, soient déjà taxés à 75% en taxation marginale du revenu.

Nous commettons ainsi une double erreur en surtaxant et le carburant du futur, c’est-à-dire la matière grise – la créativité – et le capital.

Certes, le débat sur la taxation du capital existe depuis toujours. Je dirais, à ma droite, Maurice Allais, conservateur libéral partisan de la taxation du capital afin de le rendre plus mobile, et en échange d’une suppression des autres impôts. Une proposition qui paraît difficile aujourd’hui dans une société sans frontière où le capital circule librement et dans laquelle une haute pression sur le capital entraine mécaniquement un déplacement de ce dernier vers les zones de plus basse pression.

A ma gauche, je citerais Nicholas Kaldor, économiste britannique d’origine hongroise, néo-keynésien, conseiller de tous les gouvernements travaillistes, qui a bien montré à mes yeux comment, du point de vue du salarié, la meilleure taxation du capital était zéro. Car le salaire dépend étroitement de la dose de capital. C’est vrai à l’intérieur d’une entreprise très capitalistique, qui peut délivrer un bon salaire. C’est vrai également d’un pays. Un coiffeur à Dakar a la même productivité qu’un coiffeur à Paris. Néanmoins, il est payé beaucoup moins cher. Donc ce n’est pas la productivité qui fait le salaire, c’est la productivité et le capital à un moment donné dans un pays. Sous capitaliser la France, c’est donc la condamner à la paupérisation salariale. Défendre le capital, c’est donc défendre les salaires.

En vérité, nos dirigeants – toutes tendances confondues – commettent une grave erreur économique en choisissant la voie de la surtaxation du capital et de la déflation salariale. Il n’est pas étonnant que les Français considèrent dès lors aujourd’hui le mot « réforme » comme étant synonyme de « purge ». Avec en plus le sentiment que la purge n’est pas pour tout le monde puisqu’il existe un décalage évident entre le spectacle de l’argent facile et la réalité des fins de mois difficiles.

DA : Mais puisque nous parlions de culture économique, ce que vous nous expliquez sur le capital et le travail est surprenant, car l’interaction entre le capital et le travail est analysée de façon extrêmement classique par Marx qui dit que le salaire ne se porte jamais aussi bien que lorsque le capital prospère.
AM : Ce qui est vrai. Sauf que Marx, à la différence de Piketty, envisageait la baisse tendancielle du taux de profit et la ruine du capital. Cela étant, le capitalisme évolue.  Nous ne subissons pas une crise, nous vivons une mutation. Or, très souvent dans de telles périodes de transformation, on a tendance à raisonner avec les idées du passé.

Lorsque nous avons quitté la civilisation agricole pour entrer dans la civilisation industrielle dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les premiers économistes, les physiocrates, qui s’étaient constitués en opposition au colbertisme et au mercantilisme, sont restés prisonniers de la conception selon laquelle la richesse venait de la terre. Ils n’ont pas vu la transformation de la notion de richesse qui, avec l’industrie, allait venir du capital et du génie humain.

Depuis la dernière décennie du siècle passé, nous quittons la civilisation industrielle pour entrer dans la civilisation de la connaissance, qui implique à nouveau une transformation de la notion de richesse. Ce qui compte le plus aujourd’hui, c’est la créativité. Au fond, le capital se déplace en quelques fractions de seconde d’un bout à l’autre de la planète, vers les endroits où la créativité humaine l’utilisera au mieux. Et j’ai le sentiment qu’il y a encore une déficience de l’analyse de ces nouvelles richesses fondées plus que jamais sur la connaissance et la créativité.

DA : Puisque vous parlez d’erreurs d’analyse… Dans les années 1980-1990, tout le monde croyait en une transformation de la société industrielle vers une société de services, ce que vous appelez le génie humain, mais moins envisagé peut-être autour des concepts de l’innovation et la connaissance comme vous le faites. A ce moment-là, certains ont pensé que le capital devenait superflu et qu’une communauté d’individus talentueux suffirait à se redistribuer en salaires ce qu’elle avait produit en chiffre d’affaires…
AM : Hum… c’est amusant. Ce qui se passe dans le domaine des NBIC (les technologies nano, bio, info, cognito) annonce, pour les deux ou trois prochaines décennies, un progrès comme jamais l’espèce humaine n’en a connu. Avec une croissance que l’on prévoit exponentielle.

Nous ne sommes qu’aux balbutiements des formidables puissances de calculs qui vont façonner le nouveau monde de l’intelligence artificielle.

Si l’on souhaite tirer parti des prodiges du numérique, des nanotechnologies, de la biogénétique et des sciences de la vie, de la robotisation ou des nouvelles énergies, il va falloir investir des milliards. Donc le capital financier tient encore un rôle considérable.

Mais le capital financier n’est rien sans le capital humain. La croissance repose toujours sur le mélange des deux ingrédients que sont le capital et le travail. Mais le travail n’est plus ce qu’il était. Il ne doit plus être compté à l’heure à la façon dont on l’envisageait Ricardo ou Marx, mais mesuré essentiellement sous l’angle de la créativité. Lorsque les 50 personnes de What’s App se vendent 19 milliards de dollars, ce n’est pas le temps de travail que l’on paye, mais la créativité.

J’entends dire ici ou là qu’il faudrait « restaurer la valeur travail ». Il faut surtout développer la créativité. Je crois qu’on a beaucoup de mal à comprendre le changement d’époque, l’importance de la connaissance et la transformation de la nature même de la richesse. Il existe aujourd’hui des débats académiques passionnants sur le retour de la stagnation séculaire, développé par Larry Summers, ou sur la panne du progrès théorisée par l’économiste américain Gordon. Je pense que ces débats montrent que l’on ne sait pas encore mesurer ces nouvelles richesses.

Prenons un exemple. Imaginez que grâce aux progrès de la génétique, nous réussissions à cloner Diderot et d’Alembert. Ils sont à la recherche d’un métier. Ils se disent qu’avec l’extraordinaire développement du savoir humain, une nouvelle encyclopédie fera un malheur. Ils imaginent une édition en 1 000 volumes, vendus chacun 50 euros, qui va rapporter des milliards d’euros et venir grossir le PIB mondial. C’est alors qu’ils s’aperçoivent que cette encyclopédie existait déjà, qu’elle était gratuite et qu’elle pesait zéro dans le PIB mondial ! Ceci pour montrer que si la connaissance est le moteur de la richesse. Elle est, au sens juridique, un bien public. Je dirais même par provocation que c’est une richesse de type communiste ! On peut la partager sans s’appauvrir et sa reproduction se fait à coût marginal nul. Cela change la donne.

Aujourd’hui, sans doute que le progrès redevient déflationniste comme il l’était au XIXème siècle. Cela ne veut pas dire qu’il y a panne de croissance. Il peut y avoir une croissance déflationniste. Mais cela brouille les repères.

DA : Une remarque est souvent faites par ceux qui veulent penser la société d’abord à travers une approche sociale. Si les élites savent jongler avec la connaissance et tirer leur épingle du jeu économique actuel, il va y avoir en parallèle beaucoup de laissés pour compte. Quel sera leur rôle dans une société qui va se développer sur des innovations de plus en plus complexes ?
AM : Il y a quand même quelques lois de l’économie qui restent valables. Le fait qu’il y ait des créatifs bien payés ne signifie pas le chômage pour les autres.

C’est le principe même de la loi de l’avantage comparatif, chacun se spécialisant sur ce qu’il sait relativement faire le mieux. Tout le monde a une part de créativité, une activité dans laquelle il peut être plus performant, non en valeur absolue mais en valeur relative. Je crois aussi à la théorie du déversement chère à Alfred Sauvy, c’est-à-dire au fait que les emplois à forte valeur ajoutée déversent leur richesse sur d’autres emplois. Plus la société est riche, plus je pourrai payer cher mon plombier, mon coiffeur ou le professeur de piano de mes enfants.

Il est vrai cependant que nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation de déchirure sociale assez rude, à une paupérisation de trop nombreux français aux fins de mois difficiles, à une situation de précarité qui me fait craindre des réactions sociales et politiques fortes face à une politique économique très largement erronée, menée tant par la gauche que par la droite, et fondée sur la déflation salariale et les coupes budgétaires.

Prôner avec le patronat la TVA sociale comme le faisait l’ancien Président de la République ou encore le CICE et le Pacte de Responsabilité comme le fait l’actuel gouvernement, c’est vouloir faire payer par le salarié contribuable une partie de son salaire. Faute de pouvoir mener une politique de dévaluation monétaire extérieure, on mène une politique de déflation salariale intérieure.

C’est là une politique à la fois désespérante et inefficace.
Parce qu’on a distribué plus de salaires ces dernières années qu’il n’y a eu de gains de productivité, on cherche une sortie de crise par la diminution des coûts salariaux. A cette sortie par le bas, il faut préférer la recherche de la compétitivité par le haut. S’il est vrai que la distribution des salaires a surpassé les gains de productivité, il faut d’urgence rehausser notre productivité et donc injecter massivement du capital dans l’économie, revaloriser le capital humain de façon à retrouver un niveau qui permette de payer des salaires corrects, maintenir et même augmenter le pouvoir d’achat.

C’est à mes yeux la seule politique gagnante. Elle passe bien évidemment par une réhabilitation du rôle du capital. En disant cela, vous voyez que marque un trait d’union très fort entre le capital et le social. Je ne les oppose pas, au contraire. Renforcer le rôle du capital, c’est social.

DA : Mais d’où viendrait ce capital, ces injections massives ? Comment l’attirer ?
AM : Le capital n’est pas ce qui manque dans le monde. La preuve, c’est qu’on peut même offrir des placements à taux négatifs. L’avenir appartient donc aux pays qui sauront attirer le capital et non à ceux qui le feront fuir. J’ai hélas l’impression qu’aujourd’hui en France, nous nous trouvons dans le deuxième cas.

Au surplus d’ailleurs, la politique de la Banque Centrale Européenne, à l’heure actuelle, génère des distorsions économiques monstrueuses puisqu’elle consiste à dire aux Etats : vous avez dépensé beaucoup plus que vous ne le pouviez ; la situation est devenue intenable puisque vous ne pouvez pas rembourser vos dettes ; il faut d’urgence couper dans vos dépenses publiques et  engager des réformes structurelles. Pour vous donner du temps, pour vous permettre de supporter votre dette – et vos déficits – je vous injecte de l’argent à taux 0 et je suis prêt à tout pour maintenir cette politique aussi longtemps qu’il le faudra. Malheureusement, le temps est compté.

D’autant que cet argent gratuit déversé sur les banques ne retourne pas dans l’économie et que les peuples s’impatientent eu peu de résultat des politiques de déflation salariale et d’austérité. Leurs efforts apparaissent comme des sacrifices inutiles.

D’autant que paradoxalement, cet argent gratuit va enrichir ceux qui peuvent s’endetter, c’est-à-dire ceux qui sont déjà riches car, on le sait, les banques ne prêtent qu’aux riches.

DA : Y a-t-il alors une sortie politique possible ?
AM : Nous glissons dans une situation économique à la japonaise dont la sortie n’est pas simple.  Pour éviter la déflation récession et plus encore la spirale de la déflation dépression, le meilleur scénario connu est le scénario américain, c’est-à-dire qui est peu ou prou celui que j’évoquais, le scénario de la croissance, celui d’une politique libérale, favorable à la créativité, au capital, au travail et à la concurrence. C’est la seule voie de sortie et elle n’est ni de droite ni de gauche. Elle peut même être consensuelle entre les meilleurs des deux camps. Si en revanche on poursuit la politique actuelle au niveau national comme à celui de la Banque Centrale Européenne, je ne vois –hélas – pas d’autre issue que le tumulte politique.
Cette politique pro croissance, pro capital, est nécessaire. Elle est aussi possible.

La compétitivité de la France, c’est à la fois celle de ses entreprises et celle de son Etat.
Donner des libertés à l’entreprise, renforcer la concurrence, recréer un vrai marché du travail, ne demande pas d’argent, juste du courage politique.

Quant à la baisse des impôts qui pèsent sur la croissance, les marges de manœuvre existent. Nous avons en France un capitalisme assisté par l’Etat. Le total des subventions versées aux entreprises et à l’économie s’élève à 150 milliards d’euros chaque année ! Ce qui représente le total de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés et des charges sociales patronales.
On pourrait imaginer un troc, moins de subventions contre moins d’impôts et plus de liberté, en concentrant les mesures là où il y a un effet Laffer évident, c’est-à-dire sur les impôts qui ont le plus fort effet sur la croissance et dont la baisse des taux n’entraine pas une diminution des recettes, voire les augmente.

Avec un objectif : revenir à une fiscalité moyenne européenne, ou même seulement à la fiscalité moyenne des pays nordiques qui nous sont comparables par le fort taux de dépenses publiques et sociales.

Quant à la compétitivité de l’Etat, le moins que l’on puisse dire, c’est que nous avons des gisements d’improductivité à exploiter. Aux coupes budgétaires aveugles, il faut préférer la recherche patiente de l’efficacité de la dépense publique, ce qui souvent passe par la délégation de gestion et l’ouverture à la concurrence des services publics.

En France, nous avons une grande chance. Si l’Etat vit au-dessus des moyens des français, ceux-ci produisent très en dessous de leur capacité.

Alain Madelin

Entretien paru dans la newsletter Détroyat Associés le 13 novembre 2014




B) Alain Madelin : "La fiscalité la plus juste est une fiscalité pro-croissance"

INTERVIEW. Pour l'ancien ministre, la "remise à plat" fiscale ne doit aboutir ni à une imposition plus progressive ni à une baisse du coût du travail. 

Ancien ministre de l'Économie, libéral dans l'âme, Alain Madelin livre son sentiment sur la "remise à plat fiscale" promise par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Loin de réclamer une plus grande progressivité de l'impôt, il propose au contraire de baisser l'imposition sur le capital et le travail. Et rejette toute baisse de charges pour les entreprises financées par la TVA ou la CSG. Des idées qui détonnent, à droite comme à gauche. 

Le Point.fr : Que pensez-vous d'une fusion de l'impôt sur le revenu avec la CSG ?
Alain Madelin : La situation est baroque. On dit souvent que seulement 50 % des Français paient l'impôt sur le revenu. Ce n'est pas tout à fait exact puisque tout le monde paie la CSG, considérée comme un impôt par le Conseil constitutionnel. L'idée de fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu est donc intéressante. Mais elle se heurte à des obstacles techniques majeurs, car elle suppose que l'on aligne son prélèvement sur celui de la CSG, à savoir la retenue à la source. C'est possible, mais à condition de lever deux obstacles. D'abord celui de l'année blanche fiscale sans recette pour l'État, l'impôt sur le revenu étant perçu sur les revenus de l'année antérieure contrairement à la CSG. Pour cela, il faudrait avoir la capacité d'emprunter une année de recettes d'impôts sur le revenu. Ce qui était possible il y a quelques années est interdit aujourd'hui vu le niveau d'endettement de la France. Ensuite, cela pose le problème de la confidentialité pour le salarié, car cela transforme son employeur en percepteur d'impôts et suppose qu'il soit informé des différents paramètres qui rentrent en compte pour le calcul de l'impôt. À défaut d'une telle réforme, il faudrait au moins clarifier les choses. D'un côté la protection sociale qui relève des cotisations gérées par les partenaires sociaux, de l'autre la solidarité nationale. Or, le rendement de la CSG correspond à peu près à la part de solidarité aujourd'hui financée par les cotisations sociales. 

Si l'objectif de la fusion est d'augmenter la progressivité de l'impôt en France, c'est la meilleure façon d'assassiner l'emploi et la croissance. D'ores et déjà, 39 % de l'impôt sur le revenu est payé par 2 % des ménages les plus aisés. Selon moi, la fusion n'a donc de sens que si c'est pour augmenter la part de l'impôt proportionnel (à taux unique, NDLR) et diminuer la progressivité. Les socialistes et le gouvernement semblent proposer de faire exactement l'inverse, alors que nous avons le record du monde de l'impôt progressif sur les revenus du travail. On ne peut d'ailleurs pas passer d'une CSG proportionnelle à une CSG progressive sur les revenus de plus de 150 000 euros par an sans faire des étapes intermédiaires qui vont frapper les classes moyennes !
 
Des économistes comme Thomas Picketty ont montré qu'en prenant en compte l'ensemble des impôts, les 5 % des Français les plus aisés étaient proportionnellement moins imposés que les classes moyennes. Réduire la progressivité de l'impôt sur le revenu ne pose-t-il pas un problème de justice sociale ?
Il faut se demander ce qu'est la justice. Est-ce punir les plus riches en paralysant les plus talentueux ou augmenter le plus rapidement possible la croissance, l'emploi et le niveau de vie dramatiquement bas des Français ? La justice sociale consiste à donner le maximum de chances à ceux qui sont en bas de l'échelle. Pour cela, la priorité doit donc être donnée à la croissance. C'est la raison pour laquelle la fiscalité la plus juste est une fiscalité pro-croissance. Or la croissance dépend de l'incitation plus ou moins grande des meilleurs talents à entreprendre, à innover ou à épargner et investir. Plus que le taux moyen d'imposition du travail et du capital, ce qui compte, c'est leur fiscalité marginale. Pour le dire autrement, la question est de savoir combien il me reste en plus à la fin de l'année, par exemple, si je gagne 10 000 euros supplémentaires grâce à un surcroît de travail. En France, ces 10 000 euros sont ponctionnés par la tranche marginale de l'impôt sur le revenu à 45 %, il n'en reste que 6 500 euros auxquels il faut retrancher la CSG et toutes les cotisations sociales déplafonnées. On arrive à un taux global de prélèvement d'environ 75 % : c'est de la folie furieuse ! Au-delà d'un certain plafond, les cotisations sociales n'ont plus rien à voir avec une contrepartie de prestation (de chômage, par exemple), mais deviennent un impôt de solidarité supplémentaire. Par le passé, elles étaient plafonnées. Elles le sont d'ailleurs toujours en Allemagne autour de 50 000 euros. Cela change tout en termes de fiscalité marginale. Nous battons déjà le record du monde en matière d'imposition du capital productif et en matière d'imposition du travail. 

Monsieur Picketty, et quelques autres, ne manqueront pas de rappeler que l'imposition marginale du travail vers 1950 aux États-Unis était de 91 % sans pour autant entraver la croissance. Mais cette affirmation péremptoire ne prouve rigoureusement rien puisque l'imposition des gains du capital était alors de 25 %. Résultat, les talents ne se faisaient pas payer en salaire mais en capital. L'idée selon laquelle on pourrait imposer indéfiniment les talents sans les décourager ou les faire fuir est l'idée la plus sotte qui soit. Il faut aussi garder à l'esprit que les bons salaires ne sont possibles que grâce à la productivité, elle-même dépendante de l'investissement et donc du capital. 

Pensez-vous que la remise à plat fiscale doit être l'occasion de baisser de nouveau les charges qui pèsent sur les employeurs en finançant l'opération par une hausse de la CSG ou la TVA comme le demande le Medef ?
J'y suis totalement hostile. J'ai combattu la TVA sociale, j'espérais que les socialistes ne feraient pas la bêtise du crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE). C'est une dépense complètement inutile pour la compétitivité. Cela restaure un tout petit peu les marges, mais l'effet est marginal sur les prix de ventes. Le crédit d'impôt compétitivité représente en effet 6 % de la masse salariale en dessous de 2,5 smic, c'est-à-dire les moyens et bas salaires. Un produit industriel à 20 % de main-d'oeuvre verra donc son prix baisser de seulement 1,2 %. L'effet est dérisoire par rapport à une variation de l'euro sur une semaine, ou les gains de productivité de plusieurs pour cent par an que les entreprises s'imposent. Et puis le problème de compétitivité se pose sur la matière grise, à un niveau de salaire élevé et non à ce niveau de salaire. Au final, les socialistes ont prélevé 20 milliards sur les entreprises via des hausses d'impôts pour leur rendre 20 milliards via la CICE. C'est comme s'ils n'avaient rien fait et tout le monde gueule. 

Les entreprises qui ont subi des hausses d'impôts ne sont pas les mêmes que celles qui bénéficient le plus du CICE !
Effectivement, mais fallait-il aider la Poste, la grande distribution ou le secteur financier ? Au final, le CICE aide les entreprises à fort taux de main-d'oeuvre bon marché et pas celles qui font la compétitivité. C'est un prélèvement de plus sur les entreprises les plus compétitives au détriment des autres. Et monsieur Gattaz réclame maintenant 50 milliards de baisse de charges supplémentaires, c'est-à-dire l'équivalent de sept points de TVA !

Depuis plus de 10 ans, les patrons ont en fait distribué plus de salaire que les gains de productivité des entreprises. Mais personne ne les y a obligés. Comme ils ne savent pas comment baisser les salaires, ils s'adressent au gouvernement pour reprendre les hausses imprudemment accordées et faire payer le coût de leur travail aux salariés eux-mêmes, en tant que consommateurs. Cela s'appelle une politique de déflation salariale. La France mérite mieux : plutôt que de baisser artificiellement le coût du travail par des manipulations fiscales douloureuses, il faut doper la productivité. C'est le choix d'une sortie par le haut par l'innovation et la croissance. On retombe sur l'idée qu'il faut avoir une fiscalité du travail et du capital compétitive. Il existe une très grande marge de manoeuvre pour y parvenir. Il faut concéder au patronat qu'on prélève beaucoup trop, mais aussi lui expliquer qu'on subventionne beaucoup trop. Le total des subventions atteint 120 milliards d'euros, soit l'addition de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur le revenu et des charges sociales sur la famille. L'État n'a aucune raison d'aller subventionner ainsi les emplois privés ! Évidemment on ne pourra revenir du jour au lendemain sur toutes ces subventions, mais le gouvernement pourrait programmer leur suppression contre une baisse des impôts et une plus grande liberté d'action en donnant la priorité au contrat sur la loi. Le patronat qui tend la sébile en disant "l'État dépense trop" mais qui demande davantage de subventions est une idée qui m'irrite profondément.

Par - Le Point




C) UNE FISCALITÉ PRO-CROISSANCE

Vouloir une fiscalité pro croissance, c’est se concentrer sur les baisses des impôts et des charges qui brident notre croissance, c’est-à-dire essentiellement notre fiscalité de l'épargne et du patrimoine, la taxation marginale des créateurs de richesses (impôt sur le revenu + charges sociales) et l’impôt sur les sociétés. Il ne s’agit pas de s’aligner sur le moins-disant fiscal, ni même sur la moyenne européenne, mais de se mettre en phase avec les pays nordiques européens ayant, comme la France, un fort taux de dépenses publiques et sociales.

Dans une société de créativité, la surtaxation des talents constitue un handicap majeur. Une réforme de la fiscalité personnelle est nécessaire à la croissance. Dans cet esprit, la CSG serait intégrée dans l’impôt sur le revenu qui s’afficherait alors payé par tous les Français. Cet impôt sur le revenu serait alors prélevé à la source, composé d’une tranche proportionnelle, payée par tous (la CSG) et de 2 ou 3 tranches progressives.

En bas de l’échelle des revenus, il s’agirait d’offrir un filet de sécurité sous forme d’impôt négatif – ou de revenu familial minimum garanti – comme nous le détaillerons plus loin, ce qui renforcerait aussi les incitations au retour sur le marché du travail.

Agir sur la fiscalité du capital : aucune croissance durable n’est possible sans une fiscalité compétitive sur le capital productif. La mise en œuvre du slogan « taxer le capital comme le travail » a été une profonde erreur économique. Il nous faut massivement recapitaliser nos entreprises. Si l’on veut taxer le capital, faisons-le quand il s’immobilise ou quand il se transmet et non quand il est investi dans le fonctionnement de l’économie. Quant à l’ISF, il est devenu un tel marqueur idéologique qu’il peut être de meilleure politique de l’inclure dans une réforme d’ensemble de la fiscalité du patrimoine pour la ramener à la « normalité » européenne.

Voici le rappel détaillé d'Alain Madelin sur une politique fiscale assurément "pro-croissance" ci-dessous, ou source article complet, cliquez ici

1.        UNE FISCALITÉ PRO-CROISSANCE
Vouloir une fiscalité pro croissance, c’est se concentrer sur les baisses des impôts et des charges qui brident notre croissance, c’est-à-dire essentiellement notre fiscalité de l’épargne et du patrimoine, la taxation marginale des créateurs de richesses (impôt sur le revenu + charges sociales) et l’impôt sur les sociétés.
La croissance se fait par nature à la marge. Elle est le fruit d’une augmentation de la population active, des initiatives d’entrepreneurs qui créent de nouveaux produits ou de nouveaux services qui inventent de nouvelles façons de produire ou de vendre et qui mobilisent du capital pour cela.
La croissance, c’est le mélange du capital et des talents. Pour doper la croissance, le capital doit être encouragé et le talent récompensé.
Retour à la normale européenne
Si une hausse de la fiscalité pouvait être une nécessité et un choix d’urgence, elle ne saurait être un choix pérenne.
S’il n’est pas anormal dans une période de redressement de demander un effort à ceux qui peuvent le plus le supporter (et sans doute les détenteurs de capital et les personnes aux revenus les plus élevés étaient prêts à cet effort fiscal si cet effort avait été présenté d’une part, avec des objectifs précis, à l’instar des contributions de solidarité liée à la réunification allemande et d’autre part, avec une durée limitée), c’est une erreur profonde que de présenter cette fiscalité anormale comme juste et durable, avec in fine tout au plus un objectif de stabilisation.
Au point où nous en sommes, on ne doit pas demander aux gouvernements – qu’ils soient de gauche ou de droite – d’imaginer des remèdes originaux, d’inventer un nouveau modèle français mais plus prosaïquement, dans un monde où les États tout comme les entreprises sont en concurrence, de faire le choix d’une fiscalité compétitive.
Il ne s’agit pas de s’aligner sur le moins-disant fiscal, ni même sur la moyenne européenne, mais de se mettre en phase avec les pays nordiques européens ayant, comme la France, un fort taux de dépenses publiques et sociales.
Nous devons avoir une fiscalité compétitive et non punitive, une « fiscalité normale » résolument pro-croissance. Une fiscalité plus légère, plus simple et plus compréhensible.
Agir sur la fiscalité personnelle
Dans une société de créativité, la surtaxation des talents constitue un handicap majeur. Or, avec le cumul de la fiscalité marginale sur le revenu de la CSG – CRDS, des effets de seuil de diverses allocations, nous avons sans aucun doute le record du monde de la taxation marginale des talents.
Notre coin fiscal et social marginal sur le seul travail – comme disent les économistes – approche les 75%.
Or, le comportement marginal des acteurs économiques les plus créatifs et les plus entreprenants est un déterminant fort de la croissance. Une réflrme de la fiscalité personnelle est nécessaire à la croissance.
En préalable à toute réforme, une clarification s’impose pour distinguer ce qui d’une part, relève de la solidarité nationale et donc de l’impôt et ce qui d’autre part, relève de l’assurance et des cotisations.
Pour faire simple, on peut dire que la politique familiale  relève de la solidarité, tout comme une part de la vieillesse, – le minimum retraite -, les allocations dues aux handicapés, une part des dépenses d’assurance maladie (la CMU et l’AME) ou encore la part de l’assurance chômage liée au chômage de longue durée, ou le RSA.
En revanche, les accidents du travail, la retraite ou l’assurance maladie doivent être considérée comme des assurances (certes à contraintes particulières). Elles doivent être responsabilisées par un principe d’équilibre entre cotisations et prestations.
Dans cet esprit, la CSG serait intégrée dans l’impôt sur le revenu qui s’afficherait alors payé par tous les français. Cet impôt sur le revenu serait alors prélevé à la source, composé d’une tranche proportionnelle, payée par tous les français (la CSG) et de 2 ou 3 tranches progressives.
Pour réduire la progressivité excessive qui pèse aux deux extrêmes de l’échelle des revenus, nous devrions – pour les hauts revenus – mettre cette progressivité en ligne avec la fiscalité européenne en agissant sur le taux marginal (et/ou en plafonnant les cotisations sociales).
En bas de l’échelle des revenus, il s’agirait d’offrir un filet de sécurité sous forme d’impôt négatif – ou de revenu familial minimum garanti – comme nous le détaillerons plus loin, ce qui renforcerait aussi les incitations au retour sur le marché du travail.
Agir sur la fiscalité du capital
Aucune croissance durable n’est possible sans une fiscalité compétitive sur le capital productif.
La mise en œuvre du slogan « taxer le capital comme le travail » et parachevé par la gauche a été une profonde erreur économique.
D’abord parce qu’il est absurde d’opposer  le capital et le travail. C’est le niveau du capital qui détermine le niveau des salaires. Non seulement au sein d’une entreprise mais aussi à celui d’un pays. C’est le niveau du capital en France qui fait que le coût d’une coupe de cheveux à Paris est supérieur à celui de Dakar même si la productivité des coiffeurs est la même.
Ensuite, parce que le capital n’est  qu’un revenu du travail épargné qui a déjà supporté l’impôt et qui va en payer encore bien d’autres lorsqu’il est investi dans une activité économique.
Si l’on entend préférer la recherche de la compétitivité par le haut, c’est-à-dire par l’investissement, l’innovation et la productivité, si l’on refuse d’aller toujours plus loin dans la diminution du coût du travail, il nous faut massivement recapitaliser nos entreprises et donc pour le moins offrir une fiscalité très compétitive sur le capital productif investi.
Si l’on veut taxer le capital, faisons le quand il s’immobilise ou quand il se transmet et non quand il est investi dans le fonctionnement de l’économie.
Le cas particulier de l’ISF
Assurément, au regard de l’objectif de « normalité » de notre fiscalité en Europe, l’ISF fait exception.
Mais l’ISF est devenu un tel marqueur idéologique qu’il peut être de meilleure politique de l’inclure dans une réforme d’ensemble de la fiscalité du patrimoine. Celui-ci supporte toute une série d’impôts (droits de donation et de succession, imposition des plus-values, droits de mutation à titre onéreux, prélèvements sociaux sur les revenus du capital…).
C’est ce bloc qu’il s’agit de ramener à la « normalité » européenne.
Il faut se donner aussi pour objectif d’éliminer les doubles ou triples taxations qui pèsent sur l’épargne et d’assurer autant que possible les neutralités fiscales entre les divers placements.
Dans une telle perspective, nous pouvons réformer l’ISF en soustrayant les investissements productifs (à l’instar des œuvres d’art !!) ou encore la résidence principale.
Nous pouvons également, après restructuration, en faire un à valoir sur les droits de succession au choix du contribuable.
Si l’on veut taxer la richesse, mieux vaut la frapper lorsqu’elle s’immobilise ou lorsqu’elle se transmet plutôt que lorsqu’elle se créé.
Des marges de manœuvre existent
D’un côté, l’État prélève beaucoup et même trop. De l’autre, l’État subventionne massivement, sûrement trop.
En effet, si nous sommes un pays aux prélèvements records, nous sommes aussi celui des aides records à l’économie et aux entreprises : bientôt plus de 150 milliards ! C’est-à-dire davantage que l’addition de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu, et des charges sociales patronales !
Bien sûr, toutes ces aides ne peuvent pas être redéployées, mais un grand troc favorable à la croissance et à l’initiative est possible. « Echange réduction de subvention contre réduction d’impôts et davantage de libertés ».
Sur un quinquennat, plusieurs dizaines de milliards peuvent sûrement être ainsi troqués contre des baisses d’impôts et contre des libertés entrepreneuriales.
Les entreprises, dont on comprend qu’elles soient attachées à des mécanismes de subventions devenus vitaux pour beaucoup  et qui ne viennent qu’adoucir les contraintes qu’on leur impose par ailleurs, devraient cependant réfléchir à une sortie prudente, progressive et négociée d’un tel système absurde, coûteux et aux multiples effets pervers.
Au surplus, lorsque certains impôts ont pour effet d’étouffer la croissance notre fiscalité ne maximise sûrement par les recettes fiscales potentielles (c’est l’effet Laffer). Et l’on peut obtenir des recettes fiscales équivalentes et même supérieures en baissant les impôts, en concentrant cette baisse sur les impôts qui pèsent le plus sur la croissance.

Alain Madelin





D) Croissance économique de Wikiberal

En macroéconomie la notion de croissance économique désigne une augmentation continue de la quantité et de la qualité des biens et des services produits chaque année dans un pays ou zone géographique, liée à l'augmentation de la productivité du travail et du capital. L'indicateur le plus utilisé pour mesurer le taux de croissance et la somme des valeurs ajoutées est le PIB (Produit intérieur brut).
Jacques Garello et Jean-Yves Naudet, en 1991, en précisent la définition :
«La croissance économique se caractérise par une augmentation durable de la production et des principales grandeurs économiques – comme le Produit Intérieur Brut (PIB). »

En général la croissance économique est définie en termes de grandeur synthétique mesurant le résultat de l'activité économique, un état final mettant en rapport des périodes données, mesurées statistiquement par des taux de variation en termes de volume.
L'approche néo-classique utilise les notions de facteurs de production et de progrès technique pour expliquer la croissance. Il existe donc une croissance extensive lorsque l'économie voit surtout se développer les facteurs de production (capital et travail). Il y a, par contre, croissance intensive, quand celle-ci est due aux gains de productivité.
Les économistes de l'école autrichienne n'insistent pas sur la valeur et l'évolution de l'agrégat PIB, c'est-à-dire sur une mesure de la variation quantitative d'une valeur globale. Mais ils analysent les explications logiques et individuelles de cette croissance. En effet, on remarque que les pays qui disposent de droits de propriété variés et perdurants, où les individus peuvent entreprendre en laissant épanouir leur libre initiative avec des politiques de libre-échange, sont des régions qui connaissent une forte croissance. Par contre, les pays où l'État intervient de façon permanente ou fréquente par des politiques industrielles, économiques, fiscales, protectionnistes et règlementaires sont des régions, en règle général, de faible croissance.
Aussi, Henri Lepage en 1982, enrichit la définition de la croissance :
«Le mot croissance n'est donc pas seulement synonyme d'accumulation croissante. Il est ainsi, d'abord et avant tout, l'expression d'un mouvement dynamique dont la caractéristique est de contraindre les producteurs à offrir aux consommateurs les moyens d'accéder à des "technologies" d'usage de leur temps de plus en plus efficientes. »
Il est ainsi évident que la notion de croissance ne repose pas uniquement sur la fonction de production. Il faut introduire, comme le présente Gary Becker, dans sa théorie du capital humain, les capacités individuelles dans l'acquisition et accumulation des connaissances, ce qui constitue le capital immatériel des individus. Certains économistes de l'école autrichienne insistent pour 'retrouver' l'entrepreneur, en ne confondant pas producteur et entrepreneur. Le marché est une procédure de découverte et l'entrepreneur est un réducteur d'ignorance. La valeur individuelle du temps pousse les intervenants sur le marché à rechercher des moyens d'économiser cette ressource rare. La croissance est corollaire aux gains de pouvoir d'achat, non seulement en valeur, mais aussi en nombres croissants de consommateurs disposés à acheter des produits de plus en plus finement adaptés à leurs exigences. D'où une diversification des produits sur le marché et une segmentation de ce dernier.
Il existe différentes approches et théories de la croissance, mais il est communément admis que la demande des consommateurs met en mouvement la croissance économique, d'où aussi l'idée qu'en cas de chute des dépenses de consommation, en cas de crise par exemple, une bonne partie des économistes et en spécial les dirigeants politiques pensent que pour « relancer l'économie » il suffit aussi de relancer les dépenses de consommation. Ainsi les dirigeants politiques croient que la clé de la croissance économique dépend de « l'injection de liquidités » pour créer la demande de biens et services. La « croissance économique » ne se réalise pas parce que les gens consomment et dépensent plus, au contraire, les consommateurs dépensent et achetent plus parce que c'est un des effets notables de la croissance économique.

La « croissance du PIB » mesure du progrès économique ?

Il est admis, pour une large partie des économistes, qu'il existe une corrélation entre la « croissance du PIB » et le progrès économique. Il est tout aussi admis que le PIB ne « mesure » pas le bien-être, la santé et le bonheur. Dans l'évolution des récentes « révolutions statistiques » sont nés des multiples d'indicateurs statistiques : empreinte écologique, indicateur de développement durable, indice de développement humain, entre autres.
Il est presque certain que toute cette fièvre statistique découle du besoin de toujours découvrir le meilleur critère statistique possible pour nous apporter l'image la plus fidèle de la réalité, telle que nous la vivons quotidiennement. Les statisticiens veulent toujours faire mieux pour essayer de rendre "objectives" les réalités et valeurs "subjectives". Compiler des données pour qui ? dans quel objectif ? en quoi cela contribue aux formules magiques des gouvernements pour vraiment nous apporter le progrès économique ?
L'idée de supercalculateur est sans doute un vieux rêve des totalitaristes, l'idée que les affaires d'une nation doivent être le plus ordonnées possible, il n'est pas étonnant alors de voir tous les planificateurs mondiaux saluer, avec bonheur, chaque nouveau pas dans l'application de nouveaux indices statistiques. Ce n'est toujours pas gagné que cela contribue vraiment au progrès économique.

Erreur fréquente : le culte de la croissance éternelle de la part des libéraux

Il existe une façon abusive et simplifiée d'accuser les libéraux d'adorateurs du culte de la croissance.
Si la croissance économique est largement acceptée comme un attribut souhaitable pour le niveau de vie dans l'économie, les libéraux n'ignorent pas pourtant les lacunes qui entourent le concept de croissance et celui de « Comptabilité nationale ». La « guerre des chiffres » autour des pourcentages annoncés comme « données officielles » n'est pas une prérogative à titre de culte, les libéraux n'attachent aucune adoration particulière au calcul d'agrégats.
La preuve de l'absence de culte aveugle de la croissance peut être attestée par les différentes critiques tenues à l'encontre des illusoires élixirs et panacées proposées par des planificateurs nationaux et internationaux. En effet la critique libérale s'efforce de distinguer les bonnes des mauvaises incitations à l'investissement, les bonnes et les mauvaises politiques de développement, les conséquences des stimulus à la croissance encouragés par la puissance publique. L'idée que l'État est le pilote de l'avion de l'économie est une idée intrinsèquement étatiste, la rhétorique de la croissance, indépendamment des intentions de ceux qui l'utilisent, a souvent plutôt servi les intérêts des étatistes.
Nous pouvons constater que ni l'augmentation de la consommation, ni l'augmentation quantitative de monnaie sont garants d'une croissance saine. Une croissance matérielle infinie (si on pouvait exclure aussi le fait que les biens économiques ont une durée de vie limitée) sur une planète aux ressources limitées est impossible, et c'est précisément par le processus de marché que ces mêmes ressources peuvent être mieux gérées, par le mécanisme des prix, la loi de l'offre et de la demande et par la revalorisation des droits de Propriété.

Où est la preuve que les libéraux vouent un culte à l'éternel ?

Si les expressions « croissance perpétuelle » ou « croissance éternelle » avaient un sens économique cela se saurait. Par ailleurs, comme l'a déjà affirmé François Guillaumat, c’est commode de désigner ses adversaires par des termes qu’on ne comprend pas soi-même, et pour proposer leurs « remèdes miracles » les falsificateurs n'hésitent pas à attribuer à leurs adversaires des notions et concepts qui n'ont jamais été soutenues, dans le moindre des cas cette mise en accusation est considérée comme un malentendu grotesque et absurde.
Ainsi des différentes théories telles la "croissance zéro" voulant nous prouver les "limites de la croissance" postulent que le "mythe de la croissance" vit ses derniers jours car ses théoriciens croient avoir trouvé la faille : une croissance illimitée est impossible car on vit dans un monde limité. On nous dira que si l'économie n'existait pas fallait bien un jour l'inventer. Pas besoin d'un cours magistral pour comprendre que dans notre monde fini l'idée de l'infini n'est même pas concevable, mais de là à prétendre que les libéraux ont toujours soutenu cette idée d'éternité au sens quasi-religieux, fallait bien un jour aussi l'inventer.

Critique Autrichienne de la « croissance »

Pour Rothbard le concept populaire de croissance est une construction imaginaire collectiviste analogue à la notion biologique d'organisme vivant :
« La mode des “théories de la croissance” suppose que chaque économie serait mystérieusement destinée, comme un organisme vivant, à “croître” d’une façon déterminée à un taux défini (en négligeant, dans ce bel enthousiasme, que certaines “économies” “croissent”... à reculons). »
Pour Rothbard : « L’emploi de telles analogies sémantiques tend à faire oublier, voire à nier, la volonté et la conscience individuelles dans les domaines économique et social. »
Par ailleurs, dans un marché libre, chaque individu décide de combien il veut économiser afin d'augmenter son niveau de vie futur, tout comme combien il veut consommer dans le présent. S'il découle que le total de l'investissement en capital soit un reflet de décisions individuelles volontaires, l'économiste, par conséquent, n'a aucune justification éthique en approuvant la « croissance » comme une fin en soi. Chacun obtient autant de « croissance » qu'il le souhaite et dans l'ensemble tout le monde profite des placements et de l'épargne réalisées par ceux qui économisent volontairement.
Qu'arrive-t-il si le gouvernement décide de stimuler le taux de croissance ? Ce n'est plus à chaque individu de décider combien il veut « croître » volontairement : l'investissement dans ce cas ne peut venir que de l'épargne forcée de certains individus. Bref, si A, B ou C « grandissent » par l'investissement obligatoire, c'est toujours au détriment de D, E ou F qui sont contraints d'épargner. Nous ne pouvons plus dire que le niveau de vie de chaque personne active augmente, sous un régime de croissance obligatoire ce sont surtout les épargnants les grands perdants.
L'économiste Wertfrei ne peut donc affirmer que le niveau de vie de la société s'agrandit. La « croissance » ne peut pas être une valeur absolue, surtout lorsque l'économiste place la « société » en dehors des décisions individuelles volontaires ; le niveau de vie de « la société » ne peut être meilleur en imposant des pertes à certains pour faire croître une autre partie des individus, ce qui est plutôt une régression pour la plupart des gens.

Citations

  • Chiffrer un revenu national ou la richesse d'une nation n'a point de sens ; dès que l'on s'engage dans des considérations étrangères au raisonnement d'un homme opérant dans le cadre d'une société de marché, nous ne pouvons plus nous appuyer sur les méthodes de calcul monétaire. Les tentatives pour définir en monnaie la richesse d'une nation ou du genre humain entier sont un enfantillage du même genre que les efforts mystiques pour résoudre les énigmes de l'univers en méditant sur les dimensions de la pyramide de Chéops. (Ludwig von Mises à propos de la sphère du calcul économique)
  • La vraie question pour la croissance future n'est pas celle de l'épuisement des ressources utilisées aujourd'hui ; c'est la faillite de l'imagination de sociétés tellement nombrilistes qu'elles n'imaginent pas que l'avenir puisse être autrement que le présent. C'est cette faillite de l'imagination sous la pression du managérialisme. Il est tout à fait possible que cela conduise à la fin de la croissance ; mais si cela arrive, nous ne pourrons que nous le reprocher, plutôt que de croire que c'est la conséquence inéluctable d'un mode de vie insoutenable. (Alexandre Delaigue)

Voir aussi

Bibliographie

  • 1999, J. de Haan et J. E. Sturm, "On the Relationship Between Economic Freedom and Economic Growth", European Journal of Political Economy, Vol 16, pp215–241
  • 2006,
    • David D. B. Audretsch, M. C. Keilbach et E. E. Lehman, "Entrepreneurship and Economic Growth", Max Planck Institute of Economics, Oxford University Press
    • Pál Czeglédi, Economic Growth and Institutional Coherence, New Perspectives on Political Economy, Vol 2, n°2, pp1–25

Liens externes

En français

En anglais







E) Mitch McConnell, paradoxal nouvel homme fort à Washington

Les républicains ont pris, mardi 4 novembre, le contrôle du Sénat lors des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, s'assurant la maîtrise des deux chambres du Congrès.  

« Il est temps de changer de direction ! Il est temps de remettre le pays sur la bonne voie ! » 

, a déclaré après sa propre réélection le sénateur républicain Mitch McConnell, appelé à incarner en tant que chef de la majorité du Sénat l'opposition à Barack Obama.
Mitch qui ? Agé de 72 ans, Mitch McConnell est sénateur du Kentucky depuis 1984, à la fin du premier mandat de Ronald Reagan, et peut se vanter de son score électoral de 8 à 0. Paradoxal au moment où l'Amérique se méfie des professionnels de la politique basés à Washington.

ATTAQUÉ POUR SON PHYSIQUE
Avec son sourire forcé, figé, limite édenté, il est en passe de devenir l'un des hommes les plus puissants du monde, puisqu'il va donner la réplique à Barack Obama jusqu'en 2016.
Il compte limiter la marge de manœuvre du président démocrate au cours des deux dernières années de son mandat. A son menu des dizaines de lois « pro-croissance » destinées à autoriser la construction de l'oléoduc Keystone XL entre le Canada et le golfe du Mexique, à doper la production de gaz naturel, à aider les petites entreprises et à réduire les réglementations.
Ses opposants, les libéraux, raillent son air de Franklin (la tortue, quand ils ne le comparent pas à une tortue des Gallapagos), pourtant il est entré en politique en 1964, auprès des sénateurs républicains John Sherman Cooper puis Marlow Cook. Pendant la présidence de Gerald Ford (38e président, de 1974 à 1977), il est adjoint de l'attorney général (ministre de la justice) avant d'être élu, en 1977, juge du comté de Jefferson, dans le Kentucky.

UN ÉLU AUX CONVICTIONS MOLLES
Il a « le charisme d'une huître », écrit The Economist, qui ajoute qu'il est machiavelique, sans réelles convictions. « Il n'aime pas le sang », relève The Atlantic, qui dresse son portrait : un peu comme tous les élus dont le travail consiste à trouver des compromis pour gouverner.
Dans The Cynic : The Political Education of Mitch McConnell, Alec MacGillis, journaliste à The New Republic, le décrit comme quelqu'un qui est passé du soutien au fédéralisme, partisan modéré de l'avortement, supporter du mouvement des droits civiques de Martin Luther King, avant de devenir un élu républicain classique. Il n'a pas peur de déplaire et n'hésite pas à se comparer à Darth Vader, rappelle The Economist dans un portrait, malgré son air de bibliothécaire en retraite.
Pourtant, en tant que leader de la minortié républicaine au Sénat depuis 2007, il a joué l'obstruction face à Barack Obama, ce qui a permis la poussée des républicains lors des midterms de 2010, les républicains emportant la Chambre des représentants.
John Yarmuth, le seul élu démocrate du Kentucky, le décrit ainsi, dans The Atlantic  :
« Il est comme un moulin à vent. Il va dans le sens du vent. Il n'a aucune valeur. Il cherche la reconnaissance, pas à faire quelque chose de particulier. »
Dans le New York Times, John Yarmuth l'appelle le « Tiger Woods de la politique » : concentré sur son sujet, « ce qui le rend formidable ». Pour sa campagne, il a joué la carte du rejet d'Obama comme en témoignent les autocollants de sa campagne avec leurs slogans simples à comprendre : « Coal. Guns. Freedom » (« Charbon. Armes. Liberté »).


PRÊT À NÉGOCIER ?
Dans un portrait que Time dressait de lui en mars, Mitch McConnell indiquait qu'il entendait diriger le Sénat à la façon de George Mitchell, sénateur démocrate du Maine qui a dirigé la chambre entre 1989 et 1995. « Le Sénat doit être dirigé de manière plus collégiale et ouverte que sous la majorité » menée par Harry Reid.
« Nous mènerons une politique de centre droit et espérons que le président, dans les deux dernières années, fera ce qu'ont fait les présidents Reagan et Clinton ont fait : s'orienter vers le centre, faire la politique du centre et faire en sorte que le pays avance. »
Après l'annonce de la victoire républicaine, Harry Reid, le sénateur du Nevada et chef des démocrates au Sénat a appelé Mitch McConnell pour le féliciter. « Le message des électeurs est clair : ils veulent que nous travaillions ensemble », a-t-il tweeté.



 
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