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mars 28, 2015

Eliodomestico: transforme l’eau salée en une eau potable grâce à l’énergie solaire

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Le manque d’accès à l’eau potable est l’une des causes principales de mortalité dans les pays pauvres.

Durant ces dernières années, plusieurs efforts ont été déployés pour rendre l’eau de mer potable. Cela nécessitait des centrales qui consommaient énormément d’énergie et était inaccessibles aux pays pauvres.

Le designer italien Gabriele Diamanti, a eu l’idée de rallier deux éléments naturels au service de l’environnement.

Il a crée le « Eliodomestico », un éco-distillateur qui transforme l’eau salée en une eau potable grâce à l’énergie solaire.
Ce projet est destiné aux pays en développement et il permettra à ces populations d’accéder à de l’eau potable à moindre coûts, avec en prime une technique « Open Source ».

Comment fonctionne le « Eliodomestico » ?

 

Chaque dispositif Eliodomestico peut produire cinq litres d’eau potable par jour. Ce qui suffit largement pour une famille de 4 personnes.

Le concept est simple, il suffit de mettre de l’eau de mer (eau salée) durant la matinée dans une chaudière spéciale.

Cette chaudière est étanche à l’eau et grâce au soleil (chaleur) l’eau s’évapore tout au long de la journée.

La vapeur passe dans un tuyau de raccordement puis se condense dans le couvercle du bac de récupération.

L’utilisateur peut récupérer l’eau fraîche et potable que contient le bac après le coucher du soleil.

Une idée encore plus satisfaisante pour transporter l’eau potable, il suffit de porter le petit bassin sur la tête (une pratique très répandue).


De quoi est fabriqué Eliodomestico ?

Pas besoin d’énergie nuisible ou d’électricité, Eliodomestico est fabriqué à partir de matériaux simples et largement disponibles. Quant à l’entretien, il est simple.
Le créateur de ce concept a aussi mis cette technologie a disposition de toute personne désirant en profiter. Une sorte d’Open Source de la création et de l’invention qui a participé à l’évolution du savoir humain.

Le designer italien Diamanti explique son projet sur cette vidéo :



Des technologies pareilles pourront changer la vie de millions de personnes qui n’ont pas eu la chance d’avoir de l’eau potable à portée de main.
By Izitech Team

De l’eau de mer qui devient potable avec cette invention Open Source qui va sauver des millions de vies

Distillateur solaire

Cette paille pourrait sauver des millions de vies

 

 

Fabriquer un dispositif pour dessaler l'eau de mer

février 05, 2015

Les "cinglés de libertariens feraient-ils peur ?

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.




Sommaire:

A) - Faut-il prendre les libertariens au sérieux ? - Le Point par

B) - Les villes flottantes: la dernière utopie des marxistes de droite - Slate par Emmanuel Haddad

C) - Micro-Etats, villes flottantes : le projet fou des nouveaux maîtres du monde - N-Obs par Dominique Nora


D) -

 


A) - Faut-il prendre les libertariens au sérieux ?

Preuve que le français reste une langue bien vivante, l'édition 2014 du Petit Larousse illustré s'est enrichie de plus de 150 mots. Qui vont de "botoxé" à "subclaquant", en passant par "lombricompostage" et "textoter" . Dans le domaine économique, plusieurs mots ont fait leur apparition. Deux d'entre eux feront plaisir à Arnaud Montebourg : "démondialisation" et "réindustrialisation". Autre entrant, le mot "libertarien", avec la définition suivante : "Libertarien, enne, n. et adj. (angl. libertarian ). Partisan d'une philosophie politique et économique (princip. répandue dans les pays anglo-saxons) qui repose sur la liberté individuelle conçue comme fin et moyen. Les libertariens se distinguent des anarchistes par leur attachement à la liberté du marché et des libéraux par leur conception très minimaliste de l'État. Adj. Relatif à cette philosophie."

Les auteurs du Larousse ont pris une heureuse initiative. D'abord parce que quand, en français, le libertarien n'est pas confondu avec le libertin, il l'est avec le libertaire. Ce qui n'a pas grand-chose à voir, puisque le libertaire, anticapitaliste radical, se situe tout à la gauche de la gauche. Ensuite parce que le mot libertarien apparaît de plus en plus fréquemment dans les journaux. On a ainsi pu lire dans Le Monde un portrait du conseiller économique de Marine Le Pen titré : "Bernard Monot, l'économiste "libertarien" de Marine Le Pen". Les deux auteurs de l'article y soulignaient qu'il y avait quelque chose d'un peu contradictoire à ce que M. Monot se proclame libertarien alors que les thèses de ce courant de pensée anglo-saxon sont aux antipodes de celles défendues par le Front national. Au nom de la libre circulation des marchandises et des hommes, les libertariens condamnent les obstacles à l'immigration et ils sont viscéralement antiprotectionnistes. Bref, quand le conseiller économique de Marine Le Pen se dit libertarien, on n'est pas loin du détournement d'héritage, une tradition, il est vrai, bien ancrée au FN.

Non, s'il faut surtout se familiariser avec les idées libertariennes, c'est parce qu'elles ont le vent en poupe aux États-Unis, portées haut et fort par un sénateur du Kentucky, Rand Paul, 51 ans. Début mars, au cours d'une consultation organisée pour départager les éventuels prétendants républicains à la Maison-Blanche en 2016, Rand Paul est arrivé en tête, avec 31 % des voix. Se montrant aussi critique vis-à-vis de la présidence Obama que vis-à-vis des huit années de mandat Bush - qualifiées d'"échec lamentable" -, il défend avec fougue des idées iconoclastes qui lui valent de compter à peu près autant d'adversaires chez les républicains que chez les démocrates.

En matière de politique étrangère, par exemple, Rand Paul se déclare non interventionniste. Plus question à ses yeux que les États-Unis se mêlent des affaires des autres pays et jouent le rôle, financièrement insupportable et moralement condamnable, de gendarme du monde. Son père, avant lui, s'était ainsi farouchement opposé aux guerres en Irak et en Afghanistan, avec cet argument : "Je ne vois aucune raison d'envoyer de jeunes hommes à 10 000 kilomètres d'ici pour attaquer un pays qui n'a commis aucune agression contre le nôtre."

Au nom de la défense des libertés individuelles, les libertariens dénoncent les procédures de surveillance informatiques des citoyens mises en place par Bush et Obama au nom de la lutte contre le terrorisme. En 2013, Rand Paul avait fait le buzz médiatique en menant au Sénat une opération de filibuster (obstruction parlementaire)- il avait parlé sans interruption durant treize heures - pour s'opposer à la nomination du nouveau patron de la CIA.

C'est aussi au nom de la défense des libertés individuelles que les libertariens souhaitent la dépénalisation des drogues, ce qui fait grincer quelques dents dans les rangs des ultraconservateurs républicains : Mitt Romney les a même traités un jour d'"oiseaux cinglés". Il est vrai que les libertariens n'hésitent pas à faire dans la provocation : dans la province de l'Alberta, au Canada, un de leurs candidats avait choisi d'écrire ce slogan osé sur ses affiches : "Je veux que les couples gays mariés puissent défendre leurs plants de marijuana avec leurs fusils."

En matière économique, les libertariens défendent un principe très simple : le moins d'État possible. Le moins de dépenses publiques possible, le moins d'État-providence possible, le moins d'impôts possible. Moins l'État se montre interventionniste, mieux cela vaut. Il faut laisser faire le marché. Il estime que les plans de sauvetage des banques décidés à la suite de la faillite de Lehman Brothers ont été à la fois inefficaces et extraordinairement coûteux.

Il considère surtout que la dette publique américaine est "out of control" et menace toute l'économie. Non seulement la Fed mène, selon lui, une politique insensée en faisant fonctionner la planche à billets, mais il juge scandaleux de transmettre en héritage les dettes actuelles aux jeunes Américains. Et quand on reproche à Rand Paul le fait que ses solutions sont extrêmes, il rétorque que c'est la situation des finances américaines et les 17 000 milliards de dollars de dette de l'État fédéral qui sont extrêmes. Hier considéré comme totalement farfelu, le message libertarien est aujourd'hui écouté avec de plus en plus d'attention aux États-Unis. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on pourrait imaginer qu'il le soit un jour en France. On peut s'y préparer en achetant la dernière édition du Petit Larousse.  

Par



B) - Les villes flottantes: la dernière utopie des marxistes de droite

Les libertariens américains engouffrent des millions de dollars pour construire d’utopiques cités en mer où une seule loi serait imposée: le libre-marché.

Les villes flottantes, c’est du sérieux. The Economist y dédie un dossier entier, leur principal financeur est Peter Thiel, le cofondateur multimillionnaire de Paypal, et le Seasteading Institute, un lobby de recherche et de promotion sur le «seasteading» («seasted communities» se réfère aux futures villes flottantes) se dédie complètement à leur réalisation technologique, légale et financière.

«Beaucoup de fous»

L’idée d’aller vivre au milieu de l’océan pour y développer «des communautés permanentes et autonomes dans l’océan pour permettre d’expérimenter divers systèmes sociaux, politiques et légaux innovants» n’a rien de burlesque ni d’utopique pour les fondateurs du Seasteading Institute

D’ailleurs, sur le papier, on se demande presque pourquoi les futures villes flottantes ne comptent pas déjà des milliers d’inscrits sur liste d’attente. D’une part parce que le cofondateur de ce lobby n’est autre que Patri Friedman, le petit-fils du père du néolibéralisme Milton Friedman. De l’autre, parce que son principal créancier est Peter Thiel et que «si Peter Thiel finance quelque chose, ça va forcément être grandiose et de pointe», comme s’en enthousiasme la journaliste de Reasons.com avant d’énumérer son flair d’entrepreneur: outre PayPal, il a entre autres été impliqué dans Linked In et a été le premier investisseur de Facebook. Enfin, parce que cette fois, promis les gars, c’est du sérieux: «Il y a dans l’histoire beaucoup de fous qui ont essayé ce genre de trucs et l’idée est de le faire d’une manière qui ne soit pas folle», juge bon de préciser Joe Lonsdale, ex-président de l’Institut et directeur de hedge fund.

Car des projets de communautés libertariennes perdues au milieu de l’océan pour échapper aux griffes (et aux impôts) de l’Etat, l’histoire du XXe siècle en regorge. Si les nouveaux concepteurs des villes flottantes s’en démarquent en qualifiant leurs prédecesseurs de fous, c’est qu’aucun n’a jamais réussi à dépasser le stade de l’utopie.

«L’Amérique, tu la détestes, et tu la quittes!»

Le point commun des premiers adeptes de la possibilité d’une île libertarienne, c’est d’être assez farfelus et impatients pour désirer voir leur utopie se réaliser de leur vivant. Dans sa thèse sur «Le mouvement libertarien aux Etats-Unis», Sébastien Caré, professeur de sciences politiques à l’université catholique de Lille, n’aborde le cas des cités-flottantes qu’après avoir évoqué la «désagrégation annoncée» du mouvement libertarien, en introduisant cette «tentative de repli communautaire» de la sorte:  

«Rattrapés par leur penchant individualiste, que leur engagement dans un mouvement collectif les incitait à réprimer, certains libertariens n’ont pas voulu attendre que leurs congénères se convertissent à leur doctrine pour la réaliser.»
Tom Marshall édite un magazine libertarien dans les années 1960, The Innovator. En 1969, il décide de mettre en pratique les conseils qu’il distille au fil des pages de son magazine et part vivre reclus dans les bois de l’Oregon, loin de la civilisation. Avant de disparaître, l’ermite avait pensé à fonder une île où tous les libertariens pourraient échapper à l’Etat américain, Preform. 

En 1968, Werner Stiefel lance l’Opération Atlantis pour donner vie au projet Preform. Pour cela, il réunit de jeunes militants libertariens dans un hôtel de luxe et les fait bûcher pour «créer une île artificielle aussi proche des côtes états-uniennes que les lois internationales l’eussent permis, et l’Oncle Sam toléré». En 1970, il jette son dévolu sur les îles Prickly Pear Cays, puis sur les Silver Shoals, également revendiquées par les Bahamas et par le dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier. Le début d’une suite d’échecs d’un projet dont la seule réalisation finale, après avoir fait échoué un bateau, sera sa constitution, Orbis.

C’est dans l’Etat autoproclamé indépendant de Somaliland (au nord-ouest de la Somalie) que la constitution Orbis a failli dépasser le stade de l’utopie. Mais là encore, la principauté de Freedonia ne sera rien de plus qu’un rêve dans l’imaginaire bien rempli d’un étudiant texan, John Kyle, qui se fait rebaptiser Prince John Ier pour l’occasion. 

Mettre en application le titre du dernier numéro de The Illustrator, «L’Amérique, tu la détestes, et tu la quittes» et les préceptes de l’icône de la pensée libertarienne Ayn Rand, ce fut aussi le projet de Michael Oliver: la République de Minerve. Décidé à créer un Etat libertarien, il va d’abord essayer de l’implanter sur les îles de Turks et Caicos. Puis, après le refus des autorités britanniques, il se retourne vers un atoll situé à la limite du territoire de l’île Tonga. La République indépendante de Minerve est proclamée en novembre 1972 sur cet îlot inhabitable, mais peu après le roi des Tonga reprend la chose en main et l’île finit par se dissoudre dans l’océan... Et avec elle le rêve d’Etat libertarien de Michael Oliver. 

D’autres tentatives plus ou moins farfelues connaîtront la même fin. Un projet se démarque: dans le Millennial Project, vivre au milieu de l’océan n’est pas une fin en soi mais la deuxième des huit étapes à suive pour coloniser la galaxie, théorisées par Marhall T. Sauvage dans le livre The Millennial Project: Colonizing the Galaxy in Eight Easy 
Steps, publié en 1992. Actuellement, Le Millenial Project 2.0 poursuit la vision de Marhsall T. Sauvage et les adeptes peuvent faire des donations… via PayPal

«Gated-communities» sur mer

Outre le fait que toutes les tentatives plutôt extravagantes et mégalomanes de villes flottantes ont jusqu’ici échoué, certains libertariens critiquent l’essence même de ce projet, vu comme une perversion de leur idéal de liberté. Sébastien Caré, dont le dernier livre s’intitule Les Libertariens aux États-Unis: Sociologie d'un mouvement asocial, en souligne un élément majeur:
«Les micronations libertariennes reprennent très souvent le modèle étatique auquel s’opposent les principes censés présider leur constitution.»
Ainsi John Kyle devient Prince John Ier et Michael Olivier se rêve Prince Lazarus et leurs communautés plagieraient les monarchies d’antan. Mais surtout, ces projets ne sont possibles que selon «la conviction que l’Etat libertarien n’est applicable qu’à une communauté de libertariens», une conception qui, rappelle le chercheur, s’éloigne de la défense du pluralisme de la majorité des penseurs libertariens. A l’exception notable d’Ayn Rand.

Or c’est cette libertarienne, auteure d’Atlas Shrugged, le deuxième livre le plus influent pour les Américains selon une étude de la bibliothèque du Congrès en 1991 (après la Bible), dont la philosophie objectiviste fait l’objet d’un culte chez les adeptes du seasteading. Publié en 1957, ce récit dévoré par Alan Greespan et adapté au cinéma relate comment la vie en communauté séparée du reste du monde des entrepreneurs, scientifiques et créateurs les plus innovants fait sombrer le monde dans le chaos. L’influence du livre est soulignée par un article du Daily Mail qui revient sur le soutien de Peter Thiel à l’aventure des villes flottantes: 
«Peter Thiel, fondateur de PayPal, a été si inspiré par Atlas Shrugged –le roman d’Ayn Rand sur le capitalisme et le marché libre– qu’il essaye de faire de son titre une réalité.»
Certains qualifient sa philosophie d’«égoïsme rationnel». China Miéville préfère y voir une «philosophie typiquement américaine de la dissidence petite-bourgeoise et vénale». Les libertariens «érigent une avarice toute banale –la réticence à payer des impôts– en combat de principe pour la liberté politique», écrit l’auteur britannique de romans de science-fiction dans le recueil Paradis infernaux dirigé par Mike Davis et Daniel B. Monk.

Selon l’écrivain, l’utopie qui pousse les libertariens à investir l’océan se résume au refus de payer des impôts et à la peur panique du conflit social qui pousse les classes moyennes américaines à s’isoler derrière les grilles de «gated-communities» pour vivre avec leur famille. Le dernier échec en date de ville-flottante en est un emblème peu flatteur.

Freedom Ship devait être plus gros que le Titanic, accueillir 50.000 locataires, tous exemptés d’impôts, pour la somme généreuse de 11 milliards de dollars. Le bateau de 25 étages aurait dû se balader sur les mers depuis 2003, mais aux dernières nouvelles, «la liberté est en retard», comme le résume China Miéville, qui s’est amusé à aller déceler les dessous peu reluisants de cet énième projet avorté d’utopie flottante. 

«Freedom Ship Inc. n’a rien caché de son arrangement avec les autorités du Honduras pour construire le vaisseau à Trujillo, invoquant les avantages géographiques et la main d’œuvre bon marché des dix à vingt mille ouvriers imaginaires qu’ils imaginent exploiter.»
Une manifestation a même été organisée par la minorité garifuna, des descendants d’esclaves africains et améridiens, dénonçant les confiscations de leurs terres à cause de la construction du bateau. «Le Freedom Ship est et restera un château dans les airs –ou sur la mer– mais il a déjà posé ses fondations, sur la terre de quelqu’un d’autre», claironne l’écrivain britannique. Mais dans l’affaire, les garifunas ne risquent pas d’être les seuls à se plaindre: 4.000 personnes avaient déjà réservé leur ticket pour la liberté des mers pour des sommes allant de 80.000  à 5 millions de dollars.

«L’imagination utopique gratuite n’a pas bonne presse»

Tout reste donc à faire pour les adeptes d’Ayn Rand, ces «marxistes de droite» déçus du conservatisme politique américain et désireux de redonner au libéralisme ses lettres de noblesse. Et cette fois, il semble que les nouveaux penseurs du seasteading aient davantage les pieds sur terre. Pire, pour China Miéville, qui ne cache pas s’être délecté à la découverte des farfelues Millenial Project et autres opération Atlantis, «de nos jours, l’imagination utopique gratuite n’a pas bonne presse, il faut donc lui adjoindre une justification matérielle, aussi peu convaincante soit-elle».

Le Seasteading Institute la joue donc raisonnable: ils vendent une utopie pragmatique. L’idée est de «permettre aux futures générations de pionniers de tester de nouvelles idées de gouvernement. La meilleure peut ensuite inspirer des changements de gouvernements partout dans le monde». Un objectif louable, déjà visé par des think tanks dans le monde
entier. Mais l’entreprise de Peter Thiel et Patri Friedman veut aller plus loin, car «la nature du gouvernement est sur le point de changer à un niveau fondamental», préviennent-ils.
 
Plus question donc de fuite petite-bourgeoise de la réalité ni de communauté réservée aux seuls libertariens, les futures villes flottantes promues par la recherche de l’institut accueilleront quiconque est intéressé par l’expérience, toute idéologie politique confondue. 

«Nous n’avons pas de recommandation politique et je ne crois pas qu’une idéologie unique soit une bonne chose. L’idée serait donc d’expérimenter différentes formes de gouvernement et de garder la meilleure. Par exemple, une communauté avec des taxes, l’autre sans, une communiste, l’autre non», résume Michael Keenan, l’actuel président de l’institut.
 
Toujours est-il que l’anti-étatisme transpire dans le discours du jeune président qui confie voir «la société comme un système et la politique comme un problème technique»:
«Le problème de fond est qu’il n’y a pas assez de place pour l’innovation dans un gouvernement qui n’est pas assez compétitif. Si tu considères l’Etat comme une entreprise, elle représente 50% du PIB. Or si on peut choisir ses chaussures et son parfum, pourquoi ne pas pouvoir choisir aussi son mode de gouvernement?»
Après la disparition de l’île de la République de Minerve ou l’échec de Laissez-Faire City, une île privatisée qui devait être habitée par des entrepreneurs fans d’Ayn Rand, les concepteurs du Seasteading Institute se veulent prudents et les 2 millions de dollars de Peter Thiel sont dépensés avec parcimonie dans la recherche et développement. L’utopie doit prendre forme en trois temps, prophétise Michael Keenan:
«Dans deux ans, des seasteds basés sur des bateaux accueilleront des communautés de mille personnes; dans dix ans, des plateformes maritimes pourront loger des petites villes. Dans quelques décennies, des millions de personnes vivront dans des villes de la taille de Honk-Kong au milieu de l’océan

«Rejoignez le monde réel et combattez pour la liberté chez vous»

Les limites légales et technologiques ne manquent pas avant le passage à la deuxième étape. The Economist souligne que les communautés auront intérêt à rester proches des limites des eaux territoriales d’un Etat (22km) pour faciliter les allers-retours, quand bien même la zone économique exclusive d’un Etat lui permet de réguler jusqu’à 200 miles (321,8km). Certains pays, dont les Etats-Unis, se réservent même le droit d’étendre leur juridiction sur toute la planète, rappelle l’hebdomadaire britannique. Quant aux limites technologiques, Michael Keenan les dit déjà dépassées, mais les risques d’ouragan et les vagues de fond seront des ennemis récurrents; le mal de mer un danger permanent.

Ce qui nous ramène à la première étape, plus pratique: faire vivre une petite communauté dans un bateau. Plus pragmatique encore, le site du Seasteading Institute précise que «les premiers seasteaders seront des entrepreneurs, des employés de station balnéaire, des marins, des ingénieurs et des membres d’autres professions liées à l’économie du seasteading». 

Blueseed sera la première graine du rêve marin des libertariens. Ses fondateurs entendent éviter les lois américaines sur les visas pour permettre aux meilleurs entrepreneurs du monde entier de réunir leurs talents de créateurs sur une plateforme située au large de la Silicone Valley. Là encore, l’utopie est au service de l’intérêt général: «Blueseed bénéficiera à tout le monde en apportant des nouvelles technologies au marché, augmentant le niveau général de prospérité, et c’est pourquoi des gens de tous les moyens économiques supportent notre projet», nous explique son cofondateur Max Marty.   

Il n'y a plus qu’à attendre 2014 pour savoir si le vaisseau Blueseed sera une utopie plus flottante que le Freedom Ship. Et continuer à se boucher les oreilles devant le négativisme du libertarien Murray Rothbard, qui clamait dès 1972, en plein fiasco de l’opération Atlantis:
«Cela fait maintenant plus de dix ans que j’entends parler d’un nouvel Eden, d’une île, naturelle ou artificielle, qui vivrait de manière anarchique ou randienne. […] L’échec total et abject de toutes ces tentatives farfelues devrait envoyer un message à ses participants: rejoignez le monde réel et combattez pour la liberté chez vous.»
Emmanuel Haddad



C) - Micro-Etats, villes flottantes : le projet fou des nouveaux maîtres du monde

Les géants de la Silicon Valley imaginent des territoires off-shore pour y instaurer une société à leur image : riche, technologique et libertarienne. Au péril de la démocratie ?

Ils ont déstabilisé des industries entières, amassé des milliards, maîtrisé vos données et s’immiscent de manière de plus en plus intime dans votre vie quotidienne… Mais les seigneurs de la Silicon Valley voient encore plus loin : ils imaginent à présent de créer des "pays" à eux, des communautés offshore, où la technologie règne en maître. Leur projet fétiche ? Une myriade de cités marines, ne dépendant d’aucun gouvernement souverain. Dans ces villes flottantes modulaires, on ne paierait pas d’impôts, on réglerait ses factures en bitcoins, on ne consommerait que de l’énergie verte, on apprendrait en ligne, on serait livré par drone et soigné à coups de thérapie génomique…

Délirant ? Non : face à la faillite des économies occidentales, les fondateurs et dirigeants de Google, Facebook, Amazon ou Apple et leurs financiers californiens pensent qu’ils feraient mieux que les politiques. Persuadés d’être les nouveaux maîtres du monde, les oligarques de la technologie jugent les gouvernements de la planète incapables de suivre le rythme de leurs innovations "de rupture". Ils rêvent de s’émanciper des lois qui s’appliquent au commun des mortels. Et expriment, parfois, des velléités ­sécessionnistes. Au péril de la démocratie ?

Les Etats-Unis, "Microsoft des nations"

Le 19 octobre dernier, à Cupertino, dans la Silicon Valley, le fondateur de l’entreprise de génomique Counsyl, Balaji Srinivasan, s’est fait applaudir par une salle comble d’apprentis entrepreneurs en qualifiant les Etats-Unis de "Microsoft des nations". Comprenez : un géant désuet et obsolescent, destiné à être balayé par l’histoire. Quand une entreprise de technologie est dépassée, a-t-il insisté au cours de sa conférence intitulée "Silicon Valley’s Ultimate Exit", vous n’essayez pas de la réformer de l’intérieur, vous la quittez pour créer votre propre start-up ! Pourquoi ne pas faire la même chose avec le pays ?


Srinivasan exprime juste avec brutalité ce que les champions de l’économie numérique pensent souvent sans le crier sur les toits.
Il y a beaucoup, beaucoup de choses importantes et excitantes que nous pourrions faire, mais nous en sommes empêchés parce qu’elles sont illégales, disait Larry Page, le cofondateur de Google, en mai dernier lors de sa conférence de développeurs. […] En tant que spécialistes de la technologie, on devrait disposer d’endroits sûrs où l’on pourrait essayer des choses nouvelles et juger de leurs effets sur la société et les gens, sans avoir à les déployer dans le monde normal."
Les seigneurs du numérique n’ont certes pas formé un parti. Mais ils sont nombreux à se réclamer, comme le créateur de l’encyclopédie internet Wikipédia, Jimmy Wales, d’une culture "libertarienne". Une école de pensée qui abhorre l’Etat et les impôts et sacralise la liberté individuelle, "droit naturel" qu’elle tient pour LA valeur fondamentale des relations sociales, des échanges économiques et du système politique. Historiquement marginale, cette mouvance gagne en influence aux Etats-Unis, avec des adeptes aussi bien dans le Tea Party qu’au sein des partis républicain et démocrate. Selon un sondage Gallup du 14 janvier 2014, 23% des Américains (contre 18% en 2000) sont en phase avec les valeurs des libertariens. A Washington, leur héros, Ron Paul, député républicain du Texas et ex-candidat à l’élection présidentielle, veut abolir la banque centrale américaine – la Federal Reserve – et prône le retour à l’étalon-or.

La Californie divisée en six nouveaux Etats

Les plus modérés restent dans le cadre du jeu politique conventionnel, comme Tim Draper, avec sa campagne "Six Californias". Partenaire de la prestigieuse société de capital-risque Draper Fisher Jurvetson (qui a financé des succès comme Hotmail, Skype ou Tesla Motors), Draper juge le Golden State "de plus en plus ingouvernable et sous-représenté à Washington". Il veut donc soumettre au suffrage populaire, en novembre prochain, une initiative pour éclater ce colosse en six nouveaux Etats à part entière, dont la Silicon Valley. Sa motivation ?
La Californie taxe beaucoup ses citoyens pour une performance médiocre, nous explique-t-il. Parmi les 50 Etats américains, la Californie est celui qui dépense le plus pour l’éducation, alors qu’elle ne se classe que 46e pour ses résultats. Elle compte parmi les Etats qui consacrent le plus d’argent aux prisons, alors qu’elle affiche parmi les pires statistiques en matière de récidive."
Tim Draper veut donc remplacer l’administration bureaucratique de Sacramento, la capitale de l’Etat, par six nouveaux gouvernements plus en phase avec les intérêts économiques des grandes régions. Pour faire de la Silicon Valley le paradis des cyber-yuppies ? "Non, rétorque-t-il. Cette idée est aussi très populaire dans les zones les plus pauvres de Californie, qui estiment ne pas bénéficier des fruits de la redistribution." Selon lui, "six nouveaux Etats pourraient innover, échanger les meilleures pratiques, et se faire concurrence pour séduire les comtés limitrophes".

Des "micro-nations" offshore

Performance, concurrence : ce sont les mots-clés d’initiatives plus audacieuses encore, qui préconisent de sortir carrément du cadre politique. Patri Friedman, petit-fils du célèbre économiste libéral Milton Friedman, a ainsi créé en 2008 le Seasteading Institute, qui milite pour couvrir la planète de "villes-nations flottantes" échappant à la souveraineté des Etats.
Ces micro-nations permettront à une génération de pionniers de tester de nouvelles idées de gouvernement, nous explique le directeur exécutif de l’Institut, Randolph Hencken. Celles qui réussissent le mieux pourraient alors inspirer des changements aux gouvernements autour de la planète."
Techno-utopie ? Pas si sûr… Deux anciens cadres de l’Institut, Dario Mutabdzija et Max Marty, ont créé la société BlueSeed pour contourner la loi américaine sur l’immigration. Ils projettent de fonder un village incubateur de start-up, avec une communauté de geeks vivant et travaillant sur un navire géant ancré à la limite des eaux territoriales américaines, à 22 kilomètres au large de Half Moon Bay, au sud de San Francisco. "Cet emplacement permettrait aux entrepreneurs du monde entier de créer et de développer leur société près de la Silicon Valley, sans avoir besoin de visas de travail américains", lit-on sur leur site web
Les résidents de ce bâtiment battant pavillon des îles Marshall ou des Bahamas pourraient rallier le continent par ferry, munis d’un simple visa business, plus facile à décrocher. La PME, qui a déjà levé plus de 9 millions de dollars, négocie le leasing d’un navire et pourrait se lancer dès l’été 2014, si elle parvient à récolter 18 millions supplémentaires.

Paradis des geeks

De son côté, le Seasteading Institute, qui a déjà levé 1,5 million de dollars auprès du multimilliardaire libertarien Peter Thiel, pousse son projet de "Ville flottante". L’Institut a mandaté le bureau d’études néerlandais DeltaSync pour imaginer un concept sûr, financièrement abordable, confortable et modulaire. Son étude de faisabilité de 85 pages, publiée en décembre 2013, préconise des unités architecturales en béton renforcé, pouvant s’agglomérer ou se détacher à la guise de leurs occupants. Ces micro-communautés, paradis des geeks, où le prix du foncier avoisinerait 4.000 euros/m2, développeraient leur économie autour des technologies de l’information, mais aussi du tourisme médical, de l’aquaculture et des énergies alternatives.

Avant d’envisager d’établir leurs communautés en haute mer – ce qui est compliqué et coûteux –, Patri Friedman et ses partenaires songent à établir la première ville flottante dans les eaux plus calmes du golfe de Fonseca, en Amérique centrale. Selon la presse américaine, ils négocient avec le Honduras, dont le gouvernement compte des sympathisants du mouvement libertarien. "On a encore beaucoup de travail, mais je suis optimiste : si tout va bien, la première communauté flottante pourrait être inaugurée à la fin de la décennie", annonce Randolph Hencken.

La liberté… contre la démocratie

En attendant, le Seasteading Institute a recruté des dizaines d’ambassadeurs bénévoles pour prêcher sa cause sur la planète. Et il s’est lancé dans une évaluation des candidats potentiels : "1.200 citoyens de 57 pays – à 45% non américains – nous ont déjà dit qu’ils étaient volontaires", affirme son directeur exécutif. Il faut dire que les vidéos promotionnelles de son site web sont alléchantes : de vrais bijoux marketing, qui racontent une fable à laquelle tout le monde a envie de croire.

A écouter Friedman et ses amis, en effet, seul le système politique sclérosé et ses vieilles lois terrestres empêchent de résoudre les grands problèmes de notre civilisation. Selon eux, repartir d’une "feuille blanche", comme les pères fondateurs, permettrait de "libérer le génie inhérent à la race humaine". Des "esprits éclairés formeraient des centaines de cités-laboratoires, pour expérimenter", ils inventeraient de nouvelles formes de gouvernance et développeraient les technologies permettant de "nourrir les gens qui ont faim, enrichir les pauvres, guérir les malades, restaurer les océans, nettoyer l’atmosphère, se débarrasser des énergies fossiles."

Problème : il y a un gouffre béant entre les objectifs humanitaires et environnementaux affichés par le Seasteading Institute… et l’idéologie hypercapitaliste que ses promoteurs et financiers libertariens appellent de leurs vœux ! Patri Friedman ne cesse de critiquer la démocratie comme "inadaptée" à la création d’un Etat libertarien. Quant à son principal mécène, Peter Thiel, il assène en avril 2009, sur le site du think tank Cato Institute : "La liberté n’est pas compatible avec la démocratie." Et se dit convaincu que nous sommes dans une "course à mort entre la technologie et la politique".

Thiel, dont la famille a émigré d’Allemagne quand il avait un an, déplore le ralentissement technologique américain, dont il fait une analyse très personnelle. "Les hommes ont atterri sur la Lune en juillet 1969, et Woodstock a commencé trois semaines plus tard. Rétrospectivement, on peut voir que c’est le moment où les hippies ont pris le contrôle du pays et où la vraie guerre culturelle sur le progrès a été perdue", écrivait-il en 2011 dans le "National Review". Pour lui, le sort de la planète pourrait donc "dépendre des efforts d’une seule personne [lui-même ?], qui construise et propage la machinerie de liberté susceptible de rendre le monde sûr pour le capitalisme". Diable…

Sentiment de toute-puissance

Ses pairs ne sont pas tous aussi radicaux. Mais, enivrés par leurs performances boursières (avec respectivement 476 et 371 milliards de dollars, Apple et Google sont deux des trois premières capitalisations américaines) et leur spectaculaire réussite personnelle (10 des 29 milliardaires de moins de 40 ans sur la planète viennent du monde de la technologie), les nouveaux tycoons du numérique souffrent indubitablement d’un complexe de supériorité. Ils en viennent à regarder de haut ces chefs d’Etat qui les reçoivent en égaux et quémandent leurs investissements. 

Page et Brin (Google), Bezos (Amazon) ou encore Zuckerberg (Facebook) n’ont-ils pas, en moins de deux décennies, créé des sociétés plus riches – et mieux gérées – que nos trésors publics ? Leur software n’est-il pas en train de "dévorer le monde", selon l’expression de Marc Andreessen, inventeur du premier navigateur internet Mosaïc ? Leurs technologies de rupture n’ont-elles pas déjà déstabilisé des industries aussi puissantes que la téléphonie, la musique, le cinéma, la télé, la publicité, les médias ? Et même des institutions comme l’éducation supérieure, la médecine, la monnaie ? Ils pensent donc que c’est au système politique qu’il faut désormais s’attaquer !

Ce sentiment de toute-puissance s’est déjà clairement manifesté, à l’automne dernier, quand un conflit sur le budget a forcé le gouvernement fédéral américain à fermer provisoirement une partie de ses services.
Les entreprises transcendent le pouvoir, lançait alors Chamath Palihapitiya, un ancien employé de Facebook qui a créé son fond de capital-risque, lui aussi soutenu par Peter Thiel. Si elles ferment, le marché boursier s’effondre. Si le gouvernement ferme, rien n’arrive, et nous continuons à avancer, parce que cela n’a pas d’importance. La paralysie du gouvernement est en réalité bonne pour nous tous."
De même, Balaji Srinivasan a-t-il rappelé, lors de sa conférence, que l’Amérique de l’après-guerre était dominée par Boston pour l’éducation supérieure, New York pour la finance, la publicité et l’édition, Los Angeles pour le divertissement et Washington DC pour les lois. "Nous avons mis une tête de cheval dans chacun de leurs lits, a-t-il plaisanté, en référence à la scène mythique du film 'le Parrain'. Nous sommes devenus plus forts que l’ensemble de toutes ces villes".

Il n’est pas sûr que ces idées, répandues dans la blogosphère, se traduisent dans la vie réelle. Mais même si tous les fantasmes de ces techno-oligarques ne se concrétisent pas, ils attirent l’attention sur de vrais glissements qu’il serait dangereux d’ignorer. Une réelle perte de légitimité des Etats et de la classe politique, l’émergence d’une génération nomade de travailleurs numériques souvent plus loyaux à des communautés virtuelles qu’à leur propre nation. Et l’arrogance d’une hyperclasse entrepreneuriale tentée de s’affranchir des contraintes de la démocratie. Et qui en aura les moyens.

Menace d'un techno-fascisme

Les pessimistes lisent dans ces tendances la menace d’un techno-fascisme 2.0. Mais pour les optimistes, ces tentations isolationnistes pourraient au contraire annoncer un retour de balancier. Jusqu’ici, en effet, les Steve Jobs, Larry Page et autres Elon Musk (Tesla, Space X) sont des héros populaires : les incarnations modernes du rêve américain. A ceci près que, contrairement aux Rockefeller ou aux Rothschild (et à l’exception d’un Gates ou d’un Zuckerberg, récemment devenus philanthropes), ces seigneurs du numérique se préoccupent comme d’une guigne de rendre une partie de leur bonne fortune à la société. 

Ils mènent un train de vie de plus en plus ostentatoire, à l’image du cofondateur de Facebook Sean Parker s’organisant un mariage princier inspiré du "Seigneur des anneaux" ou du financier Vinod Khosla, privatisant une plage publique californienne pour une fête. Ils mettent le feu au marché immobilier de San Francisco. Font fortune en exploitant à leur insu les données personnelles des usagers de leurs services. Ouvrent en catimini leurs serveurs aux agences de sécurité. Tous, bien sûr, sont obsédés par la réduction de leur facture fiscale, partout sur la planète. 

Et si ces techno-milliardaires devenaient aussi détestés que les banquiers de Wall Street ou les barons du pétrole ? Pour Bill Wasif, du magazine "Wired", ce serait le début de leur perte. Car contrairement aux magnats de l’industrie ou des matières premières, le succès des géants du numérique dépend de l’adhésion de leurs millions d’usagers à leur marque, aux applications, réseaux sociaux et communautés virtuelles qu’ils créent. "Si le service est gratuit, c’est que le produit, c’est toi", dit l’adage de l’économie numérique. Alors, ne l’oublions pas, ce qui fait leur valeur… c’est nous ! 

Le mouvement libertarien 
Ni de droite ni de gauche, ce courant politique est "hyperlibéral" sur le plan économique, et "hyperlibertaire" sur le plan des mœurs. Les libertariens militent pour la pure loi capitaliste, la liberté complète des échanges et la coopération entre individus. Contrairement à leurs cousins conservateurs, ils respectent les choix de vie privée, pour autant qu’ils ne nuisent pas à la liberté d’autrui. Mais, comme eux, ils dénoncent la coercition exercée par le gouvernement et les institutions : ils exècrent impôts et taxes et rejettent toute forme de redistribution de richesses. Le rôle du gouvernement fédéral, à leurs yeux, devrait se limiter à la défense nationale, aux affaires extérieures et à la justice. 

Les libertariens puisent leur inspiration chez des penseurs comme le Français Frédéric ­Bastiat (1801-1850) ou les économistes de l’école autrichienne Friedrich Hayek (1899-1992) et Ludwig von Mises (1881-1973). Leur roman culte, c’est "Atlas Shrugged" (en français "la Grève", Ed. Les Belles Lettres) de la philosophe d’origine russe Ayn Rand (1905-1982), qui met en scène une grève des "hommes de l’esprit", sans lesquels le monde ne peut plus tourner. D. N.

 

D) -  



janvier 05, 2015

RP#3 - Stratégie - Guerres et Paix ( sommaire: 6 thèmes actuels)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Sommaire: 

A) - Le libéralisme revient en force en Amérique latine - Slate - 5 janvier 2015 par Anne Denis

B) - En Afghanistan, les Occidentaux ont été confrontés aux limites de leur puissance - l’Opinion du 5 janvier 2015



C) - Synthèse de l’actualité internationale de décembre 2014 - diploweb Date : 1er janvier 2015 par Axelle Degans*

D) - Moscou renforce sa coopération militaire avec New Dehli : le Rafale menacé par le chasseur russe en Inde - El Watan du 4 janvier 2015 RIA Novosti/RI

E) - Le bonus écologique recentré sur les seuls véhicules électriques et hybrides - actu-environnement du 5 janvier 2015 par Laurent Radison

F) - Jihadisme : quand la radicalisation religieuse devient l’exutoire des frustrations arabes et occidentales - L’Orient le Jour le 5 janvier 2015

 

A) - Le libéralisme revient en force en Amérique latine
 
L’Alliance du Pacifique symbolise-t-elle la montée en puissance de la droite libérale et libre- échangiste dans la région, ou une simple réponse aux déçus des gauches, chaviste ou luliste? En Amérique latine, les partisans du libre-échange ont désormais leur cénacle: l’Alliance du Pacifique (AP). Dernière-née des multiples instances d’intégration régionale que le sous- continent n’a cessé de générer depuis les années 1960, cette alliance, qui regroupe quatre pays dotés d’une façade maritime sur le Pacifique –Mexique, Colombie, Pérou et Chili– est née à l’initiative de Lima en 2011, et a été officiellement créée en 2012. Contrairement à la plupart des blocs existants, plus ou moins politiques et plus ou moins efficaces (le Mercosur, l’Alba, la CAN, l’Unasur et récemment la Celac...), les objectifs de départ de ces pays, surnommés «Pacific pumas», reposent avant tout sur la promotion du libre-échange avec, à la clé, la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes entre les quatre membres (déjà liés entre eux par des accords de libre-échange) et le rapprochement économique avec la zone Asie Pacifique. Agrégeant 210 millions de consommateurs et 35% du PIB de l’Amérique latine, affichant une croissance moyenne de 5% en 2012, cette Alliance suscite depuis sa création un très grand intérêt dans la région et ailleurs. Le Costa Rica et le Panama pourraient bientôt y adhérer et elle compte déjà par ailleurs une trentaine de pays observateurs: quelques voisins latino-américains (dont le très peu libéral Equateur), mais aussi le Japon, le Canada, la Chine, la France ou le Maroc. «L'Alliance est un espace ouvert, dans lequel nous cherchons l'intégration, mais ce n'est pas un espace idéologique et c'est peut-être pour cela que nous avancerons: nous sommes pragmatiques, nous résoudrons les problèmes», a rappelé en juin 2014 le président péruvien Ollanta Humala. Flexible et centrée sur le commerce, l’Alliance du Pacifique se défend de toute approche politique. Mais on ne peut s’empêcher d’y voir un regain des thèses libérales en Amérique latine après le virage à gauche du sous-continent au début des années 2000, initié par l’arrivée au pouvoir de Hugo Chávez en 1998 au Venezuela, suivie de l’élection d’Evo Morales en Bolivie, de Rafael Correa en Equateur, mais aussi de celle en 2003, du président brésilien Lula, porté certes par une gauche plus «pragmatique». Aujourd’hui, Chávez est mort et sa révolution bolivarienne bat de l’aile dans un Venezuela écrasé par la crise, les pénuries, la surinflation et, désormais, l’effondrement des cours du baril. Son Alliance bolivarienne (Alba) ultra politique regroupant la gauche radicale[1] semble moribonde. Chacun à leur façon, la Bolivie et l’Equateur ont pris leurs distances avec ce «socialisme du XXIe siècle». 35% du PIB de l'Amérique latine, 210 millions de consommateurs D’autre part, le Brésil triomphant de Lula a cédé la place à celui de Dilma Rousseff, à l’économie stagnante et qui a failli basculer à droite (ou, disons, au centre droit) lors de l’élection présidentielle d’octobre, lorsque Dilma n’a battu Aecio Neves que de justesse. Quant au Mercosur, union douanière regroupant Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay et Venezuela, il est quasi paralysé par les politiques protectionnistes de ses deux principaux membres. Enfin, la reprise historique des relations entre Cuba et Washington, annoncée le 17 décembre par Barack Obama, tourne une page majeure de l’histoire de la gauche latino-américaine.

Orphelins des Etats-Unis

La montée en puissance de l’Alliance du Pacifique marque-t-elle donc une volonté des droites latino-américaines de reprendre la main dans la région? Après tout, la Colombie est ancrée à droite depuis longtemps; le président mexicain Enrique Peña Nieto a fait voter depuis un an les réformes les plus libérales (pétrolière et fiscale) que le Mexique ait connues depuis longtemps; la société chilienne reste marquée par des décennies d’ultralibéralisme malgré le récent retour au pouvoir de la socialiste Michelle Bachelet. Et le président péruvien Ollanta Humala, soupçonné de chavisme lors de son élection en 2011, s’est très vite révélé un zélateur de l’économie de marché. Pour Mathieu Arès, professeur d’économie politique à l’Université de Sherbrooke (Québec) et co-directeur de l’Observatoire des Amériques, l’Alliance du Pacifique représente «la droite nostalgique du projet ZLEA, qui a avorté en 2005 au Sommet des Amériques de Mar del Plata». Ce projet de «zone de libre-échange des Amériques», en germe depuis 1994 et censé regrouper 34 pays, dont les Etats-Unis, le Canada et la quasi totalité de l’Amérique latine (hors Cuba), a fini par capoter face aux divergences. «Le Mexique, le Chili, la Colombie et le Pérou étaient ceux qui voulaient le plus ce rapprochement, ajoute Mathieu Arès. Ils se sont sentis orphelins des Etats-Unis.» Un sentiment alors très peu partagé dans le reste de la zone, où la volonté de s’affranchir de l'«impérialisme américain» dominait au contraire. Quant à l’Amérique d’Obama, elle s’est vite tournée vers l’Asie, via notamment l’Apec (Coopération économique pour l’Asie- Pacifique) ou l’accord de partenariat transpacifique (TPP)[2]. «Ces pays latinos se sont sentis délaissés, dégradés, ils ont eu conscience que la partie se jouait ailleurs, poursuit Mathieu Arès. C’est pourquoi l’Alliance du Pacifique s’est créée au départ comme un forum entre pays libre-échangistes à forte croissance, autour d’une question: que fait-on avec la Chine?» Une question centrale alors que, souligne-t-il, la Chine a pris en quelques années des positions clés dans toute la région (les échanges Chine-Brésil ou Chine-Argentine sont d’ores et déjà pus importants que ceux entre l’Argentine et le Brésil).

Le facteur chinois

Pour le Chili, le Pérou et la Colombie, la Chine est avant tout le principal débouché de leurs matières premières. Le cas du Mexique est différent, puisque cette puissance industrielle émergente de 120 millions d’habitants voit plutôt la Chine comme un concurrent direct. Mais Mexico, dépendant des Etats-Unis depuis 20 ans via l’accord de libre échange de l’Alena, cherche un rééquilibrage vers l’Amérique latine, dont il fait culturellement partie. «Son adhésion à l’Alliance du Pacifique peut aussi être comprise comme sa volonté de prendre le leadership d’une droite latino pour contrebalancer un hégémonisme brésilien, écrasant pour tout le reste de la zone», estime le professeur canadien. Pour Olivier Dabène, professeur à Sciences Po, l’AP apparaît comme «une sorte d’anti-Mercosur», alors que «le Brésil et surtout l’Argentine rivalisent de mesures protectionnistes et se montrent réticents à négocier de nouveaux accords de libre-échange»[3]. Mathieu Arès qualifie cette nouvelle droite latino-américaine de «post-ultralibérale», très volontariste en matière d’ouverture commerciale, mais plutôt centriste politiquement: «Les droites nationalistes et autoritaires issues des dictatures n’ont plus guère d’influence dans la région, la droite actuelle n’est, essentiellement, que commerçante.» Pour lui, l’AP est «une initiative porteuse et de long terme». Certes, sa volonté de réduire à zéro les droits de douane de 90% des produits échangés ne va pas bouleverser la donne puisqu'en vertu des accords mutuels de libre échange, ils étaient déjà résiduels. Mais le projet de l’Alliance, qui a installé de nombreux groupes de travail, va au-delà d’un marché commun. La capacité de parler de bloc à bloc avec l’Asean (Indonésie, Thaïlande, Vietnam et Singapour) ou l’Union européenne, est précieuse. Outre la suppression des visas à l’intérieur de l’Alliance, la création de consulats communs ou des projets communs d’infrastructures et d’énergie, «l’intégration en cours des Bourses nationales au sein du MILA est un acte très important», explique-t-il. Le regroupement des places de Santiago, Bogota et Lima est acté, et celle de Mexico doit les rejoindre bientôt, pour faire du MILA le principal marché boursier d’Amérique latine. «L’épargne des retraites des classes moyennes émergentes y sera plus sécurisé que sur les Bourses nationales, trop petites et trop spécialisées», ajoute Mathieu Arès. Bien que très attentif, lui aussi, à cette initiative, Charles-Henry Chenut, avocat et président de la Commission Amérique latine des conseillers du commerce extérieur, est aujourd’hui plus circonspect. «Au-delà du PIB cumulé, quelle est vraiment la réalité économique et politique de cette alliance?» Il constate une «promotion un peu hystérique de l’individualité de chaque membre à travers cette alliance», et se demande si le mariage du petit Pérou et du géant mexicain n’a pas quelque chose de celui de la carpe et du lapin. S’il salue «l’absence de vision dogmatique» et reconnaît les méfaits d’une politisation excessive sur des blocs comme le Mercosur ou l’Alba, il se demande si le manque total «de vision et d’incarnation politique» ne risque pas de peser sur la pérennité de l’AP.

Ouverture vers le Mercosur?
 
Cela dit, certains membres de l’AP ne sont nullement dénués de vision politique à long terme, à commencer par le Chili de Michelle Bachelet, dont le retour au pouvoir marque aussi celui du centre gauche. Depuis juin, elle a exhorté ses partenaires à s’ouvrir au Mercosur, dans un rapprochement paradoxal d’un bloc libéral vers un autre nettement protectionniste. Contre toute attente et malgré les réticences de départ, les discussions entre ces deux entités a priori rivales se sont ouvertes à l’automne, via des réunions ministérielles où les possibilités d’une «convergence graduelle et pragmatique», selon les termes du ministre des Affaires étrangères chilien, ont été évoquées, qu’il s’agisse de la circulation des personnes ou de projets communs en infrastructures. Mais le sujet des barrières douanières reste, pour le moment, totalement tabou. Bien des experts doutent de la faisabilité d’un tel rapprochement, mais d’autres y voient une occasion historique de faire enfin progresser l’intégration régionale. Il faut dire que la force de frappe du potentiel nouvel ensemble (comptant les sept premières économies latino-américaines) serait, sur le papier, impressionnante: 90% du PIB de la région, 80% de sa population, 80% de son commerce extérieur... La volonté commune de tous ces pays de se tourner vers l’Asie, et l’inquiétude que génère chez certains la baisse des cours des matières premières, constituent de puissants incitatifs. Pourtant, n’en déplaise aux plus libéraux de l’AP, cette convergence, si elle se concrétise, sera forcément politique. Autrement dit, ce n’est pas gagné.

1 — Membres de l’ALBA : Venezuela , Cuba, Bolivie, Equateur, Nicaragua, Dominique, St Vincent et Grenadines, Antigua et Barbuda

2 — Plusieurs membres de l’AP sont associés à ces deux blocs 3 — «Les enjeux du développement en Amérique latine». AFD 2014

3 — «Les enjeux du développement en Amérique latine». AFD 2014 
 
 


B) - En Afghanistan, les Occidentaux ont été confrontés aux limites de leur puissance

Alors que l'Otan achève sa «mission de combat», aucun camp n'a gagné ni perdu la guerre. Le régime pro-occidental a les moyens de tenir face aux talibans, mais pas de les battre La guerre d'Afghanistan n'est pas terminée, mais la fin de la «mission de combat» de l'Otan dans ce pays marque une étape importante dans l'histoire des interventions militaires occidentales. L'occasion de dresser un premier bilan, en demi-teinte. 

Première leçon : personne n'a gagné la guerre
En octobre 2001, les Américains et leurs alliés européens sont arrivés en Afghanistan, avec l'accord des Nations unies, afin d'y combattre le terrorisme au lendemain des attentats du 11- Septembre. En quelques semaines, ils sont parvenus à détruire le régime taliban qui hébergeait Al-Qaïda, poussant ses dirigeants à la fuite. Mais ce faisant, les Occidentaux plongeaient au cœur d'un autre conflit, purement afghan celui-là. Car, depuis le coup d'Etat communiste de 1978, une guerre civile ravage le pays, opposant des Afghans à d'autres Afghans.  

Cette longue guerre présente deux caractéristiques qui la rendent difficilement compréhensible à l'étranger. D'abord, les camps se recomposent régulièrement, les alliés d'hier pouvant devenir les ennemis de demain, et inversement. Ensuite, chaque partie en présence fait appel à des forces étrangères (tour à tour soviétiques, américaines, djihadistes, pakistanaises, etc) pour combattre d'autres Afghans. L'intervention étrangère nourrit alors la guerre qu'elle est censée contribuer à éteindre. Cette mécanique infernale est à l'œuvre depuis 37 ans et 13 ans d'intervention occidentale n'ont pas changé la donne. La situation n'est pas stabilisée, ni militairement, ni politiquement. Les talibans et leurs alliés, comme le groupe Haqqani ou le Hezb-e-Islami, n'ont pas déposés les armes. Les affrontements se poursuivent et la capitale Kaboul connaît des attaques terroristes comme celle qui a touché le centre culturel français le 11 décembre. Le mollah Omar, dirigeant des talibans, n'est toujours pas réapparu, on le dit installé à Karachi. Alors qu'en Syrie et en Irak l'Etat Islamique (Daesh) tente de rallier des groupes djihadistes à sa cause, le mouvement taliban
s'inscrit essentiellement dans une logique nationale, et non dans une internationale islamiste. En face, le camp antitaliban reste profondément divisé, comme l'ont montré les élections présidentielles du printemps 2014. Il a fallu que Washington exerce une pression considérable pour que les deux finalistes acceptent de se partager le pouvoir, Ashraf Ghani comme président et Abdullah Abdullah comme Premier ministre. La cohabitation difficile entre les deux hommes et leurs réseaux entrave le bon fonctionnement des autorités gouvernementales. 

Deuxième leçon : le régime pro-occidental peut tenir
S'il ne peut pas prétendre contrôler l'ensemble du territoire et assurer une parfaite tranquillité, le régime mis en place par les Occidentaux après 2001, ne devrait pas s'effondrer rapidement. Le précédent soviétique incite à l'optimisme. Lorsque l'Armée rouge a quitté l'Afghanistan en février 1989, progressivement et dans le cadre d'un accord international, elle a laissé derrière elle un régime et une armée pro-russe, dirigés par le docteur Najibullah. Avec le soutien logistique et financier du Kremlin, il a poursuivi la guerre contre les «Moudjahidines» (combattants anticommunistes) jusqu'à son effondrement en avril 1992 soit pendant plus de trois ans. Son échec est essentiellement dû à la disparition de son principal soutien, l'Union soviétique... A leur tour, les Occidentaux laissent derrière eux à la fois un régime et des forces de sécurité. L'armée et la police comptent environ 350.000 hommes. Leur formation et leur entraînement ont été assurés depuis des années par les troupes alliées, y compris françaises, du niveau des unités élémentaires jusqu'aux états-majors. Si ces forces ne peuvent se comparer, techniquement, à celles de l'Otan, leur combativité est jugée bonne par les observateurs militaires. Depuis des mois, ce sont elles qui assurent l'essentiel des opérations. 

Le départ des Occidentaux ne bouleversera pas la donne... d'autant qu'ils ne partent pas vraiment. Quelque 12.500 hommes restent dans le cadre de l'opération Resolute Support, qui succède à l'Isaf International Security Assistance Force. Ils ont pour tâche de «former, assister et conseiller les forces et institutions afghanes». Parallèlement, l'armée américaine maintiendra un contingent de forces spéciales et de moyens aériens, qui pourront agir de manière autonome. Enfin, les Occidentaux vont devoir financer l'Etat afghan dans les prochaines années : dans l'immédiat, un spécialiste de l'aide au développement estime qu'il faut «huit milliards de dollars de cash pour l'Afghanistan, sinon le pays saute». 

Troisième leçon : les Occidentaux ont touché aux limites de leur puissance militaire 
En Afghanistan, les Américains et l'ensemble de leurs alliés de l'Otan et hors Otan (Australie, Géorgie, Suède, etc) n'ont jamais pu déployer plus de 150.000 hommes en même temps. C'est quasiment le même chiffre que pour l'Irak. 150.000 hommes représentent le maximum que les Occidentaux sont capables d'engager, pour une durée de quelques années, sur un théâtre d'opérations extérieures. 

C'est peu : quatre fois moins que la seule armée française durant la guerre d'Algérie, et à peine 5% de leurs effectifs militaires totaux. C'est surtout insuffisant pour contrôler des territoires aussi vastes et des populations aussi nombreuses. A cette incapacité structurelle à déployer des armées nombreuses s'est ajoutée la concurrence dommageable de la guerre d'Irak. A peine engagés en Afghanistan (octobre 2001), les Etats- Unis ont préparé leur invasion de l'Irak (mars 2003), négligeant le premier théâtre, au moins jusqu'en 2005-06. Non seulement, les Etats-Unis n'ont pas pu mener de front ces deux conflits, mais ils n'ont jamais su vraiment quelle guerre conduire en Afghanistan, hésitant entre deux stratégies : le contre-terrorisme et la contre-insurrection. Le premier nécessite peu de moyens humains, mais très sophistiqués : beaucoup de renseignements, des forces spéciales, des armes de précision. Il s'agit de considérer le pays comme un terrain de chasse sur lequel on traque et tue les «terroristes» quel que soit l'effet psychologique sur la population. 

La contre-insurrection vise l'exact contraire : conquérir «les cœurs et les esprits» de la population, en espérant qu'elle rejettera les insurgés. Elle nécessite des effectifs militaires importants, présents sur le terrain et allant au contact des civils. Ces deux manières de faire la guerre s'emboîtent mal l'une dans l'autre : le jour, des militaires étrangers viennent faire copain-copain avec force matériel scolaire, engrais et vaccins et la nuit, d'autres débarquent en faisant sauter les maisons pour «kill or capture» (tuer ou capturer) un responsable ennemi... Si un nombre considérable (et inconnu) de cadres djihadistes et talibans ont été éliminés en treize ans de guerre, le vivier de recrutement n'a manifestement pas été tari. C'est, en cela, un échec. La plus grande réussite des Occidentaux est sans doute d'avoir mis sur pied des forces de sécurité afghanes, dont il faut espérer qu'elles se comporteront mieux que l'armée irakienne, elle aussi issue d'un programme de formation comparable mais qui s'est débandée lors de l'offensive de Daesh durant l'été 2014. Les pays occidentaux, en particulier leurs opinions publiques, ont globalement fait preuve de résilience face aux pertes militaires : 3485 soldats occidentaux tués (dont 2356 Américains et 89 Français) et des milliers blessés, parfois handicapés à vie, n'ont pas fait ciller la détermination à combattre, même lorsque les populations s'interrogeaient sur le sens de cette guerre lointaine. 

Quatrième leçon : l'échec du «nation building»
Le succès des opérations militaires est un préalable nécessaire mais pas suffisant. L'engagement armé doit être accompagné et suivi d'actions civiles de même ampleur, dans le domaine politique et économique. On est loin du compte, en dépit du déploiement considérable mais guère efficace de l'aide internationale. Serge Michaïloff, ancien directeur à la Banque Mondiale et bon connaisseur de l'Afghanistan fait, à cet égard, un bilan désabusé : 

«Les donateurs financent ce qui plaît à leur opinion publique, la santé, l'éducation, demain l'environnement, mais pas ce qui correspond aux besoins prioritaires, comme la reconstruction d'institutions régaliennes ou le développement rural. On constate aussi que l'aide va là où sont les combats, comme s'il y avait une prime aux insurgés alors qu'il faudrait privilégier les zones calmes». 

La question de l'après-guerre est essentielle. On l'a vu en Irak, où l'échec de la reconstruction politique après 2003, a contraint les Américains et leurs alliés à se réengager militairement. On le voit en Libye, où aucune solution politique ne se dessine depuis l'intervention militaire alliée contre Kadhafi. Ces échecs, ou semi-échecs dans le cas afghan, ne sont sans doute que le produit d'une ambition démesurée, celle de croire que l'Occident est capable de reconstruire des nations («Nation Building»). Entre l'hubris et l'abstention, entre l'hyperpuissance et l'impuissance, «notre» guerre d'Afghanistan, comme les autres conflits dans lesquels les pays occidentaux sont engagés, pourrait être une école de réalisme et de modestie.

 


C) - Synthèse de l’actualité internationale de décembre 2014

Tunisie
Béji Caïd Essebi, ancien premier ministre de Ben Ali et candidat de l’alliance laïque Nidaa Tounès, a été élu à la présidence de la République avec plus de 55% des voix exprimées. Cette élection est très symbolique dans ce pays précurseur des révoltes arabes, elle témoigne d’une transition démocratique inexistante en Libye, en Egypte ou en Syrie. 

La Grèce en pleine crise politique
Les élections présidentielles sont une nouvelle occasion de montrer que la Grèce ne sort pas de la crise, alors que sa dette dépasse les 321 milliards d’euros. Aucun candidat n’obtient les 3/5ème des voix des parlementaires nécessaires au troisième tour (4/5ème de voix au deuxième tour) pour être élu président. Grèce, dissolution du parlement, élections législatives courant 2015, quel résultat pour le parti de la gauche radicale ? Antonis Samaras, premier ministre grec, a pourtant proposé un marchandage politique (l’avancée de la date des élections législatives et des postes au gouvernement) pour faire élire Stavros Dimas, le candidat conservateur. Ce résultat entraîne la dissolution du parlement qui amènera des élections législatives courant 2015 qui pourraient être remportées par Siryzas, le parti de la gauche radicale emmené par Alexis Tsipras. L’année 2015 sera celle de nouvelles élections en Grèce. 

Taïwan et la Chine
A Taïwan, le parti Kuomintang (KMT) qui a œuvré un rapprochement historique avec Pékin vient de subir une sévère défaite électorale, perdant 5 des 6 principales villes de l’ile. Elle peut s’expliquer par un mécontentement populaire face à une situation économique décevante, mais aussi par une vraie inquiétude face au rapprochement avec la République populaire de Chine. Un tel rapprochement ne met-il pas en péril l’indépendance de l’ile ?

Une élection sans saveur au Japon.
Shinzo Abe est reconduit sans surprise au poste de premier ministre. Cette élection a suscité peu de passion dans l’archipel nippon confronté à l’inefficacité de toutes les politiques économiques. Il demeure désespérément englué dans la déflation. Une élection pour rien se demandent les Japonais ? 

En Uruguay, du neuf avec de l’ancien
Les élections présidentielles ont consacré Tabaré Vazquez, ancien président de l’Uruguay entre 2005 et 2010. Il a battu, lors de cette élection, Luis Lacalle Pou lui-même fils d’un précédent président. 

A l’Est, du nouveau...
Herman von Rompuy a laissé son poste de président du Conseil européen au polonais Donald Tusk. Après une présidence très feutrée, la nouvelle présidence s’annonce différente. Donald Tusk est très sensible au dossier ukrainien. Il doit aussi continuer les délicates négociations avec Londres tentée par le « Brexit ». En Moldavie, les élections législatives ont donné une courte avance aux pro-européens face aux pro-russes. 

Une Russie perçue comme plus agressive, voilà bien une marque de 2014.
L’Otan crée une « force intérimaire » capable de se déployer rapidement, en particulier en protection de la Pologne et des pays baltes face à une Russie perçue comme plus agressive. L’Ukraine manifeste, par ailleurs, son désir d’intégrer l’Otan, ce qui serait ressenti comme une agression par Moscou, raison pour laquelle l’Otan n’est pas prête à cet élargissement. La Russie subit de plein fouet les sanctions économiques occidentales. Elle connait une forte inflation, et dans son discours sur l’état de la nation, Vladimir Poutine proclame une amnistie pour faire revenir les capitaux. La monnaie russe, le rouble, connait une forte dépréciation - plus de 50% sur l’année 2014 - du fait de l’affaiblissement de l’économie aggravée par la chute du cours des hydrocarbures (60 $ le baril de pétrole). L’intervention forte de la banque centrale montre qu’à Moscou on prend très au sérieux une crise qui a une parenté avec celle de 1998...qui a débouché sur une faillite étatique. L’économie russe est attendue en récession pour 2015. Grozny, capitale de la Tchétchénie, a été le théâtre d’une nouvelle flambée de violence au moment du discours de V. Poutine qui a fait une vingtaine de morts. Si les Européens demeurent divisés à propos des sanctions à l’encontre de la Russie, ils s’inquiètent de la crise économique qui affecte leur partenaire et dont rien de bon ne peut sortir. L’Ukraine était déjà au bord de la faillite avant la crise de 2013, elle est soutenue aujourd’hui à bout de bras par Bruxelles... pour combien de temps? La crise russe provoque en retour la fragilisation des économies des BRIC’s déjà en plein ralentissement... une mauvaise nouvelle pour l’économie mondiale. Tout devrait faciliter une dynamique de sortie de crise par la voie politique. 

A l’Ouest un renouveau historique
Barack Obama et Raul Castro annonce un rapprochement historique de leur deux pays, depuis la rupture de relations diplomatiques lors de l’affaire de la « baie des cochons » de 1961 et de la crise des fusées de 1962. 

Diplomatie vaticane.
Ce sont des négociations menées depuis plus d’un an sous l’égide du Canada et du pape François - que B. Obama a publiquement remercié - qui ont permis une détente des relations traduites par la libération d’un prisonnier américain et d’environ cinquante prisonniers politiques par La Havane, d’une conversation téléphonique entre les deux chefs de l’exécutif, par la reconnaissance par Washington de l’échec de l’embargo sur Cuba et la reprise de timides relations commerciales. Il reste au Congrès américain de décider ou non la levée de l’embargo sur l’ile. La fin d’un vestige hérité de la guerre froide, alors que Cuba handicapé par la sévère crise qui affecte son allié vénézuélien se tourne vers la Chine de Xi Jinping qui y investit. En fait, Washington doit faire évoluer ses positions pour que l’Amérique reste « aux Américains », alors que certains pays d’Amérique latine ont mis en balance leur présence au sommet des Amériques d’avril 2015 en cas d’absence de Cuba. « Todos somos americanos » a déclaré B. Obama : ce sont tous des Américains... 

L’Union européenne toujours au milieu du guet...
Avec un produit intérieur brut de 13 000 milliards d’euros, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, décide, pour relancer l’économie de l’Union, d’un plan d’investissement de ...21 milliards d’euros confié à un Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS). Un manque d’ambition assez inquiétant pour notre avenir. La Commission européenne table sur un investissement global (public et privé) de 315 milliards d’euros, et a reçu 2 000 projets pour une somme d’une valeur supérieure à 1 300
milliards. Parmi ces projets, des programmes de réhabilitation énergétique de bâtiments, des aides à des clusters, des lignes ferroviaires à grande vitesse... des projets dans les domaines de l’innovation, de l’éducation, du numérique, et de l’énergie. La France propose l’extension du port de Calais, un gazoduc val de Saône, des prêts aux entreprises dans la robotique... 

... mais elle prend son envol
L’Agence spatiale européenne (ESA) est confrontée à la concurrence de Space X, société américaine spécialisée dans le lancement « low cost ». L’année 2014 n’a pas été mauvaise pour Ariane 5, elle a remporté 8 des 13 marchés de l’année. Il lui faut pourtant baisser ses coûts de 5% - du fait de la concurrence – en attendant 2020. A cette date, l’Europe sera dotée d’une Ariane 6. Il s’agit d’une décision aussi porteuse d’avenir que celle de 1985 qui a lancé Ariane 5. Airbus industrie livre son premier A350, dernier modèle de la firme européenne, à Qatar Airways. Il devrait concurrencer le Boeing 787 et 777 sur les longs courriers, grâce à une consommation de kérosène d’un quart inférieure rendue possible par l’utilisation majoritaire de fibres de carbone dans la construction. 800 appareils ont déjà été commandés, c’est donc d’ores et déjà un succès européen qui génère déjà plus de 16 000 emplois et peut- être à terme 34 000. 

Les Palestiniens demandent la fin de l’occupation israélienne
Revenir aux frontières de 1967 avant la guerre des Six jours avec pour capitale des deux pays Jérusalem ? Les Palestiniens, soutenus par la Jordanie, proposent au Conseil de sécurité de l’ONU de réfléchir à une résolution pour mettre fin à l’occupation de la Cisjordanie à l’horizon 2017 pour « une paix globale, juste et durable » avec Tel-Aviv. Ils proposent de revenir aux frontières de 1967 avant la guerre des Six jours avec pour capitale des deux pays Jérusalem. Ils souhaitent une médiation américaine, alors que Washington ne souhaitent ni mettre Tel-Aviv sous pression ni réduire Israël à un Etat juif. Long est le chemin qui reste à parcourir... alors que plusieurs parlements européens ont reconnu l’Etat palestinien. 

A Lima, un nouvel accord sur le climat
Les émissions de GES risquent de provoquer une hausse des températures de 3.6 à 4.8°C d’ici la fin du XXIème siècle, ce qui provoquera de nombreux incidents climatiques et l’extinction de nombreuses espèces. 

La conférence de Paris de 2015 s’annonce favorablement... au moins dans les intentions.
Si l’Union européenne s’engage à diminuer ses émission de GES de 40% d’ici 2030, les deux premières économies mondiales s’engagent de réduire d’un quart leurs émission de GES en 2025 (point de départ les émissions de 2005), ce qui est une vraie avancée. Le Fonds vert pour le climat alimenté par les pays développés pour aider les pays les plus pauvres à faire face au changement climatique atteint 10 milliards de $. La conférence de Paris de 2015 s’annonce favorablement... au moins dans les intentions. 

Les Etats-Unis reconnaissent l’usage de la torture
Un rapport au Congrès sur la CIA reconnait l’usage de la torture par l’agence de renseignement sous la présidence de GW. Bush après les attentats du 11 septembre. Le Royaume Uni demande, auprès de Washington, à connaitre l’implication de ses services que
le rapport laisse dans l’ombre. Il est étonnant que Washington reconnaissent publiquement ces actes au risque de ternir son image aux yeux du monde. 

La Turquie d’Erdogan s’éloigne de la démocratie
Le président truc a ordonné une vague d’arrestation, 31 personnes sont accusées de participer à un complot terroriste. Des milliers de policiers, militaires, juges et procureurs ont déjà été arrêtés. La Turquie s’éloigne des critères de Copenhague à respecter pour entrer dans l’Union européenne. Est-elle encore vraiment candidate ? Un jeune Turc de 16 ans a été arrêté pour insulte au président et risque jusque 4 ans de prison. L’armée – gardienne de la laïcité depuis Kemal Atatürk - a perdu une partie de son pouvoir, au profit de l’exécutif. Les manifestations du parc Gézi ont été sévèrement réprimées, l’attentisme d’Ankara – pour ne pas dire plus face à Daech, éloigne la Turquie des critères de Copenhague à respecter pour entrer dans l’Union européenne. 

Le terrorisme islamique ne désarme pas
Une étude du BBC World Service et du Centre de recherche sur la radicalisation du King’s collège montre que les islamistes ont tué plus de 5 000 personnes pour le seul mois de novembre. En Syrie, les jihadistes d’Al-Nostra se sont emparés de deux bases militaires, entrainant la mort de plus de 200 personnes. En Libye les islamistes ont essayé de s’emparer d’infrastructures pétrolières, notamment de Ras Lanouf. Le Pakistan est victime d’une terrible attaque des talibans qui s’en sont pris à une école de Peshawar où sont scolarisés les enfants de militaires qui leur font la guerre dans les zones tribales du Nord : plus de 140 morts dont 131 enfants. Comme Boko Haram, ils font des enfants une cible désignée de leurs attentats. Le Pakistan, et surtout ses services secrets (ISI) seront-ils capables après avoir a minima été bienveillants envers les talibans de changer leurs positions envers ses islamistes ? Rien n’est moins sûr... 

La Corée du Nord à l’heure du cyber-terrorisme
Le studio Sony Pictures devait sortir pour Noël la comédie « The Interview » qui met en scène une opération de la CIA pour éliminer le leader nord-coréen. La Corée du Nord dernier vestige de la guerre froide - a lancé un cyberattaque sur Sony piratant son système informatique, récupérant des données confidentielles très gênantes, diffusant des emails de la coprésidente de Sony Amy Pascal poussant ainsi la firme à annuler la sortie de son film. Un Waterloo en rase campagne pour Hollywood, et le berceau de l’Internet que Newt Grinch qualifie ainsi « l’Amérique a perdu sa première cyber-guerre avec la reculade de Sony ». La décision de Sony de diffuser son film dans quelques salles et sur Internet ne change pas vraiment cette analyse. 

Plus aucun secret n’est à l’abri.
Cette affaire est révélatrice à plusieurs titres. Tout d’abord l’indéniable existence d’une « guerre économique » dont les ravages sont loin d’être à négliger (Sony pourrait perdre 500 millions de $ ... et sa notoriété), mais aussi l’importance de la cyber-sphère pour les économies des pays développés : plus aucun secret n’est à l’abri. Enfin, cette affaire soulève de nouveau l’épineux problème de la cyber-sécurité déjà mis en lumière lors des révélations d’Edward Snowden. Etre en mesure de protéger notre cyber-sphère y compris nos smartphones - fait désormais partie intégrante de la protection de nos intérêts vitaux. Les
cyber-escroqueries visant les entreprises françaises ont rapportées plus de 300 millions d’euros à leurs auteurs en 2014. 

L’Otan se retire de l’Afghanistan
L’armée afghane sera dès janvier 2015 seule en charge de la protection de son territoire. Ainsi se tourne la page ouverte à l’automne 2001 avec l’intervention contre Al-Qaida et Ben Laden. Ce dernier a certes été tué, mais les talibans sont aujourd’hui puissants dans un pays qui s’est mué en narco-Etat. En fait, la sécurité de l’Afghanistan – comme celle de l’Irak – tient beaucoup à la bonne volonté de ses voisins. Ici du Pakistan... 

Une année 2014 très mouvementée
L’année 2014 s’est révélée très mouvementée et surprenante. Un retour à la conquête de territoire en Crimée comme au Proche-Orient. Les frontières sont moins bien affirmées dans le Sahel, en Afrique du Nord, au Proche-Orient, dans la partie orientale de l’Europe. Les tensions y sont très vives comme en Asie, au large de la Chine. La guerre de cet été « bordure protectrice » entre Tel-Aviv et le Hamas de la bande de Gaza - la continuation de la guerre en Syrie, les affrontements en Libye, l’opération Serval au Mali et Sangaris en Centrafrique nous rappellent le poids de la conflictualité aux portes de l’Union européenne et nous interroge sur la faiblesse de l’Europe de la Défense et la politique de démilitarisation des principaux Etats européens. Les révélations sur le cyber-espionnage ou les cyber-attaques sont des invitations à prendre conscience des risques propres à l’économie du XXIème siècle et de la mise en œuvre d’une réponse adaptée. Le recrutement de jeunes jihadistes jusque dans les pays européens doit nous interroger sur nos failles internes. La montée de l’islamisme radical et du jihadisme est une donnée qui appelle une réponse qui peut être ponctuellement militaire mais qui doit être principalement politique et économique pour enraciner la paix et la sécurité. Le recrutement de jeunes jihadistes jusque dans les pays européens doit nous interroger sur nos failles internes. Enfin, la résilience de l’économie américaine dont la croissance du troisième atteint 5% en rythme annualisé, montre que l’on peut se relever d’une sévère récession. Elle doit inciter l’Europe à croire à son avenir, dont elle possède encore les clés.
 
*Professeur de chaire supérieure. Agrégée d’histoire, notamment co-auteure de Un monde multipolaire. Géopolitique et géoéconomie, Coll. CQFD, Paris, Ellipses, 2014 ; et Les grandes questions internationales, Paris, Studyrama 2013. Professeure d’histoire, de géographie et de géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales au Lycée Dessaignes (Blois).

D) - Moscou renforce sa coopération militaire avec New Dehli : le Rafale menacé par le chasseur russe en Inde

La Russie et l’Inde passent des relations «fournisseur-client» à la coproduction d’armes modernes. C’est ce qu’a déclaré le président russe, Vladimir Poutine, en décembre dernier. La France est visiblement sur le point de perdre le marché indien de l’armement, où elle comptait placer son Rafale. RiaNovosti, qui a cité le 2 janvier 2015 des sources au sein du ministère indien de la Défense, révèle que l’Inde pourrait finalement se rabattre sur les chasseurs russes dernier cri Su-30 MKI, si la transaction concernant les chasseurs français Rafale n’est pas réussie. L’Inde est entrée en janvier 2012 en négociations exclusives avec Dassault Aviation pour doter son armée de 126 avions Rafale pour un contrat estimé à plus de 18 milliards d’euros, armements et soutien compris. Cette opération doit donner du travail à toute la filière aéronautique militaire, environ 500 PME travaillant pour le Rafale. Seulement, les choses n’ont, semble-t-il, pas avancé depuis. Le ministre indien de la Défense a déclaré à ce propos que les négociations qui durent déjà plus de trois ans éprouvent des «difficultés», les constructeurs français refusant de respecter les conditions posées par l’Armée de l’air indienne lors de l’appel d’offres. Selon le ministre, les SU-30MKI, construits par Hindustan Aeronautics LTD (HAL), pourraient ainsi constituer un remplacement adéquat des Rafale. Auparavant, les médias ont annoncé que la France n’autorisait pas de construire les Rafale en Inde par la HAL. La construction d’un Su-30 MKI en Inde revient à près de 56 millions de dollars, soit plus de deux fois moins cher que le prix d’un Rafale. Les chasseurs russes Su-30 constituent près d’un tiers de l’Armée de l’air indienne. En 2012, la Russie a conclu un contrat sur la livraison de 40 appareils Su-30 MKI. En février 2014, 28 chasseurs avaient déjà été livrés à l’Inde. 

Coproduction d’armes
Sur un autre plan, il y a lieu de préciser que la Russie et l’Inde passent des relations «fournisseur-client» à la coproduction d’armes modernes. C’est ce qu’a déclaré le président russe, Vladimir Poutine, en décembre dernier à la veille de sa visite à New Delhi. «L’Inde est notre partenaire fiable de longue date. Le niveau élevé de la coopération bilatérale et de confiance réciproque nous permet de passer progressivement du schéma traditionnel fournisseur-client à la conception conjointe et à la coproduction d’armes modernes», a indiqué M. Poutine dans une interview à l’agence indienne PTI. La Russie et l’Inde coopèrent, rappelle-t-on, sur la production de missiles embarqués BrahMos et la création d’un chasseur multirôles de 5e génération. Selon l’ambassadeur russe en Inde, Alexandre Kadakine, 70% d’armes et matériels de l’armée indienne sont de conception soviétique et russe. La Russie a livré des armes et matériels à l’Inde pour 4,78 milliards de dollars en 2013, d’après le Service fédéral russe pour la coopération militaire et technique (FSVTS). La visite de M. Poutine en Inde devait notamment déboucher sur la signature d’un accord entre les ministères de la Défense des deux pays sur la sécurité des vols. L’assistant du président russe, Iouri Ouchakov, avait antérieurement annoncé que les entretiens russo-indiens de New Delhi allaient être consacrés à la création du chasseur de 5e génération, de missiles BrahMos, ainsi qu’à la production d’avions de ligne Sukhoi Superjet 100 et le développement de la navigation par satellite. 



E) - Le bonus écologique recentré sur les seuls véhicules électriques et hybrides

Le nouveau dispositif du bonus écologique ne profite plus qu'aux véhicules électriques et hybrides. Une orientation des aides qui devrait être confirmée par la loi de transition énergétique prochainement examinée par le Sénat. 

Un décret, publié le 31 décembre 2014, refond le dispositif du bonus écologique applicable aux véhicules désormais appelés "peu polluants". Il est accompagné d'un arrêté interministériel qui précise la liste des pièces à fournir pour pouvoir bénéficier de l'aide, ainsi que les modalités de gestion de cette aide. Le dispositif est moins avantageux et se recentre sur les seuls véhicules électriques et hybrides, confirmant l'orientation affichée par le Gouvernement dans le cadre de la discussion du projet de loi sur la transition énergétique.
Les véhicules thermiques ne sont plus éligibles 

Les achats de véhicules thermiques dont les émissions sont supérieures à 60 g CO2/km ne sont plus éligibles au bonus alors qu'ils bénéficiaient en 2014 d'une aide de 150 euros. Seuls les véhicules électriques et hybrides peuvent encore bénéficier d'un bonus. 

Montant du bonus en fonction des émissions de CO2
 
Taux de CO2/km                  Montant du bonus 2015                     Montant du bonus 2014
Entre 61 g et 110 g                                   0 €*                                                     150 €*

Entre 21 et 60 g        4.000 € (20% du coût d'acquisition 4.000 € (20% du coût d'acquisition
                                       TTC du véhicule + coût batterie         TTC du véhicule + coût batterie
                                                    prise en location)                                   prise en location)

Inférieur ou égal       6.300 € (27% du coût d'acquisition  6.300 € (27% du coût d'acquisition
à 20 g                            TTC du véhicule + coût batterie         TTC du véhicule + coût batterie
                                                    prise en location)                                    prise en location) 


  * hors véhicules hybrides qui bénéficient d'une aide spécifique 

L'aide spécifique destinée aux véhicules hybrides émettant de 61 à 110 g CO2/km est toutefois réduite à 2.000€, dans la limite de 5% du coût d'acquisition, sans être inférieure à 1.000 euros. 

En 2014, elle était de 3.300€, dans la limite de 8,25% du coût d'acquisition, avec un montant minimal fixé à 1.650 euros. "Le décret inclut les véhicules gaz-électriques au bonus spécifique destiné aux véhicules hybrides, au même titre que les véhicules essence-électriques et diesel-électriques actuellement aidés", précise le ministère de l'Ecologie. Le texte exclut en revanche du bonus applicable aux hybrides les véhicules homologués comme tels mais qui n'ont aucune autonomie en mode tout électrique. Pour cela, il introduit un critère d'éligibilité technique basé sur la puissance maximale sur 30 minutes du moteur électrique, avec un seuil à 10 kW. Le dispositif reste applicable à la location de véhicules, dès lors que le contrat est d'une durée supérieure ou égale à deux ans. Une majoration du bonus d'un montant de 200 euros s'applique toujours lorsque l'achat ou la location du véhicule éligible s'accompagne de la destruction d'un véhicule de plus de quinze ans. Ce dispositif du bonus écologique complète celui du malus, fixé par l'article 1011 bis du code général des impôts, et qui reste inchangé. Ce dernier frappe les véhicules dont le taux d'émission de dioxyde de carbone est supérieur à 130 g/km, avec un tarif variant de 150 à 8.000 euros. 

Seules les émissions de CO2 prises en compte
Le dispositif du bonus-malus auto reste pour l'instant fondé sur les seules émissions de dioxyde de carbones des véhicules. Le Sénat avait rejeté en novembre dernier une proposition de loi écologiste qui visait à prendre également en compte les émissions de particules fines et les oxydes d'azote (NOx). Reprenant cette proposition, les membres du groupe écologiste avait également présenté un amendement au projet de loi de finances pour 2015 allant dans ce sens, mais il n'avait pas été soutenu, Ségolène Royal ayant annoncé la révision du système de bonus-malus et le recentrage du dispositif sur les véhicules électriques et hybrides. Effectivement, voilà le dispositif du bonus de facto recentré sur les véhicules électriques et hybrides. L'introduction de critères liés aux émissions de particules et d'oxydes d'azote a du même coup perdu beaucoup d'intérêt, sauf à ce que le Gouvernement réduise encore les véhicules éligibles. En revanche, on pourrait envisager que les critères liés aux émissions polluantes soient intégrés dans le dispositif du malus. Les parlementaires vont avoir l'occasion de se repencher sur la question de l'aide aux véhicules propres lors de l'examen du projet de loi de transition énergétique par les sénateurs début février. Le texte donne là aussi la priorité aux véhicules électriques et hybrides. Il prévoit l'instauration d'un super bonus pour l'acquisition d'un véhicule propre, notion qui devrait être définie à cette occasion. Cette prime, de 3.700 euros pour l'achat d'un véhicule électrique, de 2.500 euros pour un véhicule hybride rechargeable, et de 500 euros pour un véhicule répondant à la norme Euro 6, sera conditionnée à la mise au rebut d'une voiture diesel de plus de 13 ans. Elle devrait pouvoir se cumuler avec le bonus écologique, portant ainsi à 10.000 euros l'aide à l'acquisition d'un véhicule électrique. L'acquisition de véhicules thermiques faiblement émetteurs de polluants atmosphériques ne devrait donc pas être aidée davantage. En revanche, ces véhicules présenteront l'avantage de pouvoir continuer à circuler dans les futures zones de restriction de circulation que projette de créer cette même loi. 


 
F) - Jihadisme : quand la radicalisation religieuse devient l’exutoire des frustrations arabes et occidentales

Conséquences désastreuses sur la présence des chrétiens en Orient
Les États-Unis puis une coalition internationale menée par Washington ont entrepris en août- septembre de bombarder l’EI qui poursuit des exactions sanglantes contre les populations et a décapité cinq otages occidentaux. La ville syrienne de Kobané, frontalière de la Turquie, est le théâtre d’intenses combats entre combattants kurdes et jihadistes. L'irruption spectaculaire du groupe État islamique (EI) et l'incroyable attrait que représente la cause jihadiste dans un Occident désabusé illustrent la place centrale qu'occupent les religions dans la géopolitique mondiale. Après des décennies de dictatures paralysantes, le Moyen-Orient, berceau des trois religions monothéistes, a vécu de nouveaux bouleversements stupéfiants en 2014, mais les résultats du printemps arabe restent maigres. S'ajoutant aux énormes frustrations nées de l'impasse sur la question palestinienne, du développement économique anémique et de la corruption endémique, les espoirs déçus du nationalisme arabe ont favorisé dans la région l'incroyable montée d'un projet islamiste qui affirme être capable d'offrir une autre voie. Le vrai tournant a été l'invasion américaine de l'Irak en 2003. « Elle a exacerbé la ligne de fracture confessionnelle (entre chiites et sunnites), placé l'Iran comme acteur majeur dans le monde arabe et suscité un fort sentiment de vulnérabilité chez les sunnites au Levant », estime Raphaël Lefèvre, chercheur au Carnegie Middle East Center. « La montée de l'EI, du Front al- Nosra et d'autres groupes extrémistes sunnites ne peut être perçue qu'à la lumière de cette vulnérabilité », dit-il, en citant le poids militaire du Hezbollah chiite au Liban et en Syrie, la répression d'une révolte largement sunnite en Syrie par un régime dominé par les alaouites et le comportement discriminatoire en Irak du pouvoir chiite. L'ascension fulgurante de l'islamisme a été favorisée par l'échec du nationalisme arabe, qui voulait transcender les religions mais qui s'est incarné dans des régimes laïcs autoritaires. L'échec des guerres contre Israël ainsi qu'une situation économique désastreuse ont finalement eu raison de cette idéologie. « Ensuite, les accords (de paix) d'Oslo en 1993 (signés entre l'OLP et Israël) ont causé un choc car on ne pouvait plus combattre pour la cause palestinienne. Il n'y avait plus de cause, ce qui explique cet attrait pour l'islamisme », explique Nayla Tabbara, professeure de sciences des religions à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth. 

Fuite des chrétiens d'Orient
La radicalisation islamique a eu des conséquences désastreuses sur la présence deux fois millénaire des chrétiens en Orient, notamment après la prise par l'EI de la ville irakienne de Mossoul, où ils vivaient depuis l'Antiquité. « Il y a une grande peur et une grande incompréhension des chrétiens au Liban et dans les pays alentour. Ceci les pousse à la fuite », assure Mme Tabbara. Selon l'expert français Fabrice Balanche, au moins 700 000 à 800 000 chrétiens ont quitté l'Égypte, la Syrie et l'Irak depuis 2011. La religion, qui a toujours été une importante force socioculturelle au Moyen-Orient, a également gagné du terrain en Israël et chez les Palestiniens. « Il y a incontestablement une radicalisation et un durcissement, mais qui sont moins religieux à proprement parler que nationalistes », assure à l'AFP l'historien israélien Zeev Sternhell. « La religion est au service d'un nationalisme dur et colonisateur à outrance ; elle a aujourd'hui un caractère fanatique inconnu dans le passé. Religion et nationalisme vont de pair », précise-t-il. Quant à la cause palestinienne, assure Mme Tabbara, qui préside également Adyan, une plate-forme de dialogue interreligieux basée au Liban,  

« l'islam politique l'a récupérée en insistant sur le sentiment d'injustice généralisé non seulement de la part d'Israël, mais aussi de la communauté internationale ». 

Besoin du sacré
Mais la nouveauté radicale est la force d'attraction que représente l'organisation État islamique en Occident. Selon une étude récente, près de 15 000 combattants étrangers ont rejoint ce groupe en Syrie, dont 20 % d'Occidentaux. « Parce que ces jeunes y trouvent ce que nos sociétés n'offrent plus, le frisson lié au combat pour une cause qui leur fait croire qu'ils ont un pouvoir sans limite, un pouvoir divin, explique à l'AFP l'anthropologue et psychologue Scott Atran, directeur de recherche au CNRS français et professeur adjoint à l'Université du Michigan (États-Unis). C'est glorieux et aventureux. Le sentiment de pouvoir changer le monde est très attirant. » « Il faut donner un sens à sa vie, on a besoin du sacré. Comme cela n'existe plus en Occident, on va le chercher là où il est très apparent. Il y a aussi une quête de communauté et de fraternité. C'est ce sentiment qui pousse les jeunes à entrer dans ces mouvements », précise Nayla Tabbara.





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