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septembre 06, 2025

La déclaration de Tianjin : l’OCS trace la voie d’un monde multipolaire

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Le 1er septembre 2025 marque un tournant dans les relations internationales avec l’adoption de la Déclaration de Tianjin https://www.fmprc.gov.cn/.../202509/t20250901_11699655.html (non encore publiée dans son intégralité) par l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). https://eng.sectsco.org/ Réunie lors de son 25e sommet à Tianjin, en Chine, cette alliance eurasiatique, regroupant dix États membres permanents – la Biélorussie, la Chine, l’Inde, l’Iran, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Pakistan, la Russie et le Tadjikistan –, a réaffirmé son engagement pour un ordre mondial plus équilibré et inclusif. Avec la participation de quinze pays partenaires, dont l’Égypte, la Malaisie et la Turquie, ainsi que du Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, ce rassemblement a mis en lumière les ambitions croissantes de l’OCS face aux tensions géopolitiques actuelles, notamment les politiques unilatérales des États-Unis et les guerres commerciales impulsées par des figures comme Donald Trump.
 

 
 Un contexte historique et symbolique
Tianjin, ville portuaire chargée d’histoire, n’a pas été choisie au hasard pour accueillir cet événement. Symbole passé de l’influence occidentale en Chine, elle incarne aujourd’hui la renaissance du pays sous la direction de son Parti communiste.
Ce sommet, tenu quatre-vingts ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale et la création de l’ONU, souligne un désir collectif de réformer les institutions internationales pour mieux refléter les réalités contemporaines.
Les dirigeants présents, parmi lesquels Vladimir Poutine, Xi Jinping et Narendra Modi, ont échangé sur des enjeux cruciaux, marquant une étape dans la construction d’un monde post-américain centré sur l’Asie.
L’OCS, fondée en 2001, évolue ainsi vers une plateforme plus ambitieuse, promouvant une multipolarité qui rejette les confrontations de blocs et favorise le dialogue. Cette approche s’aligne avec la doctrine indienne de multi-alignement, tout en renforçant les liens sino-russes pour contrer l’hégémonie occidentale.
 

 
 La sécurité au cœur des priorités
La déclaration met un accent particulier sur la lutte contre les menaces sécuritaires, tant traditionnelles que émergentes. Les États membres s’engagent à combattre conjointement le terrorisme, le séparatisme, l’extrémisme, le trafic de drogue et la criminalité transnationale. Des attaques récentes, comme celles survenues en 2025 au Pahalgam, https://www.lemonde.fr/.../au-cachemire-indien-une... sur le train Jaffer Express ou à Khuzdar, https://press.un.org/fr/2025/sc16069.doc.htm sont fermement condamnées, illustrant l’urgence d’une coopération renforcée.
L’OCS soutient des initiatives concrètes, telles que la Structure antiterroriste régionale (RATS) https://ecrats.org/en/ et des centres anti-drogue. Elle appelle à l’adoption d’une convention mondiale sur le terrorisme sous l’égide de l’ONU et dénonce la militarisation des technologies de l’information. Une gouvernance équitable d’Internet est prônée, avec une opposition claire aux doubles standards en matière de droits humains et de lutte antiterroriste. Des programmes spécifiques, comme le plan antiterroriste 2025-2027 et l’opération anti-drogue « Paudina », témoignent de cet engagement opérationnel.
 
Une coopération économique pour l’Eurasie
Sur le plan économique, la déclaration promeut un système mondial ouvert et équitable, opposé aux mesures coercitives unilatérales. Elle met en avant l’Initiative « la Ceinture et la Route » (BRI) https://fra.yidaiyilu.gov.cn/ chinoise, visant à améliorer la connectivité eurasiatique via des projets d’infrastructure, comme le chemin de fer Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan. Les membres s’engagent à approfondir cette intégration, avec la création potentielle d’une Banque de développement de l’OCS et une augmentation de l’utilisation des monnaies nationales dans les échanges commerciaux.
Des stratégies de développement jusqu’en 2035 sont adoptées, couvrant le commerce numérique, les industries vertes et la coopération énergétique. L’innovation est au cœur des priorités, avec des parcs technologiques et une collaboration en intelligence artificielle (IA), insistant sur un accès équitable aux technologies numériques. Cette vision économique s’adresse particulièrement au Sud global, favorisant une croissance inclusive et durable.
 

 
 Des relations internationales basées sur le dialogue
L’OCS plaide pour un ordre mondial juste et multipolaire, appelant à des réformes de l’ONU pour une meilleure représentation des pays en développement.
Elle rejette les politiques de confrontation et soutient des résolutions pacifiques pour les conflits mondiaux, comme le conflit israélo-palestinien, la situation nucléaire iranienne ou la stabilité en Afghanistan. Des actions spécifiques, telles que les frappes américaines et israéliennes sur l’Iran en juin 2025, sont condamnées, tout en promouvant le dialogue avec des organismes internationaux.
La coopération culturelle et humanitaire est également renforcée, avec des initiatives en éducation, tourisme et sports. L’OCS vise à préserver la diversité culturelle et à promouvoir des échanges entre peuples, contribuant à une harmonie globale.
 

 
 Une signification globale
La Déclaration de Tianjin représente un jalon dans l’évolution de l’OCS, la positionnant comme un pilier de l’intégration eurasiatique et un contrepoids à la domination occidentale.
Sous l’impulsion chinoise, elle incarne une stratégie pour un monde plus équilibré, tout en naviguant entre tensions internes – comme les différends frontaliers sino-indiens ou les actions russes en Ukraine. Malgré ces défis, l’OCS émerge comme une force attractive pour le Sud global, promouvant une multipolarité sans retomber dans les divisions de la Guerre froide. Ce document n’est pas seulement une déclaration d’intentions ; il trace les contours d’un avenir où l’Asie joue un rôle central dans la gouvernance mondiale.

 

Les BRICS et la dédollarisation : L’essor de l’or comme alternative au dollar américain

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Les BRICS, initialement composés du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, ont connu une expansion significative avec l’ajout de nouveaux membres sous le label BRICS+. https://multipol360.com/lavenement-des-brics-un.../ En 2024, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran et les Émirats arabes unis ont rejoint le groupe, suivis en janvier 2025 par l’Arabie saoudite et l’Indonésie, portant le total à onze pays.
Cette extension renforce l’influence du bloc sur la scène internationale, avec plus de 40 nations manifestant leur intérêt pour une adhésion future.
Dans un monde marqué par des tensions géopolitiques croissantes et une instabilité économique persistante, les pays des BRICS émergent comme des acteurs clés dans la remise en question de la suprématie du dollar américain.
 

 
 Au cœur de cette stratégie se trouve l’or, perçu comme un actif refuge face à la volatilité des devises fiat (En finance et en économie, le terme « fiat » est utilisé pour désigner une monnaie qui n’est pas adossée à une réserve d’une autre marchandise comme l’or, l’argent ou le pétrole) et aux sanctions occidentales. Les banques centrales des pays eurasiatiques, en particulier ceux des BRICS, mènent la charge dans les achats massifs d’or, tandis que les États-Unis font face à des interrogations sur leurs propres réserves. Cet article explore ces dynamiques, en s’appuyant sur des données récentes et des analyses approfondies.
 
Les achats d’or par les banques centrales eurasiatiques : Une stratégie de dédollarisation
Les pays d’Eurasie, notamment la Turquie, la Russie, la Chine et l’Inde, dominent les achats d’or par les banques centrales depuis plusieurs années. Selon le World Gold Council, https://www.gold.org/ la demande mondiale des banques centrales a atteint 650,3 tonnes en 2019, le deuxième niveau le plus élevé en 50 ans, suivie d’une augmentation en 2020 malgré les prévisions de ralentissement dues à la pandémie de Covid-19. Ces acquisitions sont motivées par des risques économiques et politiques, des taux d’intérêt bas ou négatifs, et l’opportunité d’acheter lors de baisses de prix.
 

 
– Turquie : En 2020, la banque centrale a ajouté 139 tonnes à ses réserves, atteignant un record de 667 tonnes en mai, avant de vendre 22,3 tonnes au troisième trimestre pour soutenir ses finances. Ce mouvement reflète les craintes d’exclusion des règlements internationaux en dollars en raison des tensions avec les États-Unis, ainsi que la dépréciation de la livre turque.
– Russie : Avec environ 2 335 tonnes d’or, représentant 20 % des réserves combinées des BRICS, la Russie a acheté 10,9 tonnes début 2020. En avril-mai 2020, ses exportations d’or (65,4 tonnes pour 3,55 milliards de dollars) ont surpassé pour la première fois les revenus du gaz (2,4 milliards de dollars), soulignant l’or comme un actif durable face aux marchés financiers volatiles. La Russie propose même d’investir une partie de son fonds souverain en métaux précieux.
– Inde : La Reserve Bank of India a acquis 40,45 tonnes entre 2019 et 2020, portant ses réserves à 653,01 tonnes, dont 360,71 tonnes détenues à l’étranger. Au 1er septembre 2025, l’Inde a continué d’augmenter ses réserves d’or tout en réduisant son exposition aux obligations américaines.
– Chine : Officiellement à 1 948 tonnes, les réserves chinoises pourraient être sous-estimées, avec des estimations suggérant un objectif de 5 800 à 6 800 tonnes d’ici 2020. En mai 2025, la Chine a réduit ses avoirs en bons du Trésor américain à 756 milliards de dollars, un plus bas en 16 ans, optant pour une diversification vers l’or.
 
En 2023, les banques centrales des BRICS ont acheté la majorité de l’or mondial, renforçant leur stratégie contre le dollar.
Cette tendance s’inscrit dans une dédollarisation plus large : les détenteurs étrangers ont vendu plus de 100 milliards de dollars de Bons du Trésor en mars 2020, marquant le plus grand déclin mensuel, forçant la Fed américaine à intervenir via l’assouplissement quantitatif (Le quantitative easing (QE) consiste, pour la banque centrale, à acheter massivement des titres financiers -en particulier des obligations- Ces achats sont un moyen d’injecter des liquidités dans l’économie, afin de relancer l’activité et l’inflation.). Les BRICS développent des systèmes de paiement alternatifs https://multipol360.com/brics-pay-une-reponse.../ pour contourner les sanctions occidentales, accélérant la fin de la domination du dollar, comme l’a affirmé l’analyste Douglas Macgregor dans des entretiens récents.
 

 
 Les États-Unis et leurs réserves d’or : entre opacité et controverses
De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis font face à des doutes croissants sur leurs réserves d’or stockées à Fort Knox, Kentucky. Officiellement, ces réserves s’élèvent à 147 millions d’onces troy (4.581 tonnes), valorisées à 425 milliards de dollars, incluant de l’or appartenant à des nations étrangères. Cependant, le dernier audit complet remonte à plus de 70 ans, et le dernier partiel à plus de 50 ans. En 2017, une visite du secrétaire au Trésor Steven Mnuchin a été qualifiée de simple « promenade » plutôt que d’inspection réelle.
Fort Knox abrite également de l’or étranger : l’Allemagne y conserve plus de la moitié de ses réserves (deuxièmes mondiales), l’Italie près de la moitié des siennes, et le FMI plus de la moitié de ses troisièmes réserves globales. Ces arrangements datent de l’après-Seconde Guerre mondiale, mais des tentatives de rapatriement ont échoué. L’Allemagne n’a pas réussi à récupérer une partie de son or au cours de la dernière décennie, tandis que le Venezuela s’est vu refuser son or par la Banque d’Angleterre en 2018, une décision confirmée par la Haute Cour britannique en 2020 en raison de questions de légitimité.
 
Récemment, Elon Musk, à la tête du Département de l’Efficacité Gouvernementale (DOGE) sous l’administration Trump, a proposé un inventaire en direct diffusé pour plus de transparence, le 17 février 2025. Le sénateur Rand Paul soutient depuis longtemps un audit, soulignant les doutes https://reseauinternational.net/les-etats-unis-cherchent.../ sur l’intégrité des réserves américaines. Par ailleurs, des banques américaines ont retiré de l’or de la Banque d’Angleterre en raison de craintes de tarifs douaniers accrus sous Trump, causant des retards. Ces controverses contrastent avec des pays comme la Chine, la Russie, la Grande-Bretagne, l’Arabie saoudite et la France (qui a rapatrié son or sous de Gaulle, avec des conséquences politiques ; bien qu’en 2004, Nicolas Sarkozy https://www.loretlargent.info/banques/l-or-au-rabai/5088/ alors Ministre de l’économie, a vendu 590 tonnes d’or pour une bouchée de pain afin de limiter le déficit public), qui préfèrent stocker leur or domestiquement pour affirmer leur souveraineté.
Ces interrogations sur les réserves américaines pourraient ébranler la confiance mondiale dans le dollar, alors que les BRICS poussent pour une dédollarisation de leur économie.
 

 
 Vers une nouvelle monnaie BRICS : L’ « Unit » et les perspectives numériques
Pour consolider leur indépendance, les BRICS discutent d’une monnaie commune https://www.lepoint.fr/.../monnaie-commune-des-brics-la... appelée « Unit », potentiellement adossée à 40 % à l’or et 60 % à un panier de devises des membres. Une telle monnaie numérique adossée à l’or pourrait réduire les coûts de transaction et la volatilité des changes au sein du bloc.
Cette initiative s’inscrit dans un effort plus large pour contourner les systèmes financiers dominés par l’Occident, renforçant la résilience face aux sanctions.
 
Un basculement géoéconomique en cours
La montée en puissance des BRICS, alimentée par des achats massifs d’or et des initiatives monétaires innovantes, signale un basculement potentiel dans l’ordre économique mondial. Tandis que les pays eurasiatiques accumulent de l’or pour se prémunir contre les risques du dollar, les États-Unis luttent avec l’opacité de leurs propres réserves, risquant d’éroder leur crédibilité. À la date du 4 septembre 2025, ces tendances suggèrent que la dédollarisation n’est plus une hypothèse lointaine, mais une réalité en construction, avec des implications profondes pour la stabilité globale.
 

 

 

février 13, 2015

Informations Marine et Aviation Janvier 2015 (Enfin le Rafale !)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

 (© DASSAULT AVIATION)



Sommaire: 


A) - La vente de Rafale et d’une FREMM à l’Egypte confirmée par DCNS Dassault Aviation

B) -  Un nouveau navire logistique pour les Australes et l’Antarctique - Mers australes





La FREMM Normandie © MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU


A) - La vente de Rafale et d’une FREMM à l’Egypte confirmée

C’est un contrat aussi inattendu qu’important pour l’industrie française. Hier soir, François Hollande a confirmé la vente à l’Egypte d’une frégate multi-missions et d’avions de combat Rafale. Le président de la République a annoncé que le contrat serait signé lundi 16 février, au Caire, par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Estimé à 5.2 milliards d’euros, il a été négocié en quelques mois seulement, les premières discussions remontant à septembre dernier. Initialement, l’Egypte aurait souhaité une seconde FREMM et un lot plus important de missiles mais la facture, dépassant 7 milliards d’euros, était trop élevée.
 
Une commande de quatre à six corvettes déjà signée en 2014
D’autant que 2014 avait déjà été marquée par un important contrat entre les deux pays, la marine égyptienne passant commande à DCNS de quatre corvettes du type Gowind 2500 pour plus d’un milliard d’euros. La tête de série est livrable à l’été 2017 par le site DCNS de Lorient, les trois autres devant être réalisées en Egypte via un transfert de technologie. Le contrat est, par ailleurs, assorti d’une option pour deux unités supplémentaires, prévues pour être construites en France.

Ces bâtiments de 102 mètres et 2700 tonnes en charge seront notamment équipés de missiles surface-air VL Mica et de missiles antinavire Exocet MM40, de torpilles MU90, d’un canon de 76mm, d’un système de combat SETIS, d’un radar tridimensionnel (probablement un SMART-S), de lance-leurres Sylena ainsi que de sonars Kingklip et Captas 2.

Gowind 2500 (© DCNS)


La frégate Normandie va changer de nationalité
S’y ajoutera donc une FREMM, bâtiment nettement plus imposant avec ses 142 mètres et 6000 tonnes. Dotée d’un radar multifonctions Herakles, d’un sonar de coque et d’un sonar remorqué (Captas 4), ainsi que d’un système SETIS, cette frégate mettra en œuvre des missiles surface-air Aster 15, des missiles antinavire Exocet MM40, un canon de 76mm, des torpilles MU90 et un hélicoptère. Elle devra être livrée dès cet été afin de répondre à la volonté du président égyptien d’en disposer pour conduire la revue navale allant marquer début août la fin des travaux d’élargissement du canal de Suez. Les délais étant trop courts pour une construction neuve, il a été décidé de prélever la Normandie, seconde FREMM française, qui devait être livrée fin 2014 à la Marine nationale. Le bâtiment, actuellement à quai à Lorient, va être modifié par DCNS pour répondre aux besoins et standards égyptiens. Les lanceurs Sylver A70 conçus pour accueillir 16 missiles de croisière MdCN seront en outre débarqués, cet armement n’étant pas vendu. L’un des grands enjeux enjeu de la FREMM égyptienne sera la formation de son futur équipage, qui sera probablement menée sous la houlette de DCI Navfco. La société s’appuiera sans nul doute sur les marins français, qui ont mené à bien, pendant plus d’un an, l’armement et la montée en puissance de la frégate, aux côtés des équipes de DCNS.

La FREMM Normandie (© DCNS)


La Marine nationale se réorganise
Ce prélèvement d’un bâtiment qui allait intégrer la flotte française va imposer à la Marine nationale et à DCNS de se réorganiser. Concernant les marins, l’équipage de la Normandie sera basculé sur la Provence, actuellement en essais et dont la livraison est prévue en fin d’année. Quant à celui de la Provence, il sera transféré sur la Languedoc, qui est en achèvement à flot après sa mise à l’eau à Lorient en octobre dernier. Afin de disposer au plus vite d’un noyau de deux FREMM à Brest, où les frégates ont pour mission prioritaire de protéger les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, la Provence remplacera la Normandie à la pointe Bretagne, alors qu’elle devait rejoindre Toulon pour succéder au Montcalm. Puisque la base navale varoise devra attendre 2017 pour voir arriver sa première FREMM, en l’occurrence la Languedoc, il a été décidé de prolonger le Montcalm d’au moins un an, sachant que cette unité devait être retirée du service en 2016. Une mesure similaire pourrait être adoptée pour le Jean de Vienne, la seconde frégate varoise du type F70 ASM. Tout dépendra en fait du rythme de livraison des FREMM suivantes. Interrogé en début de semaine par Mer et Marine, le chef d’état-major de la marine, l’amiral Rogel, a indiqué que des assurances avaient été prises auprès de DCNS pour qu’en cas de vente de la Normandie, la cadence de production des FREMM soit accélérée. Avec, comme objectif, que quatre frégates de ce type soient livrées d’ici la fin 2016 et six d’ici la fin 2018.

La FREMM Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)


Modernisation et bond capacitaire
Grâce à la « future ex-Normandie » et aux Gowind, la marine égyptienne va profondément moderniser ses forces navales. Son corps de bataille est en effet très vieillissant avec six anciennes frégates américaines, quatre O.H. Perry mises en service en 1981 et 1982, ainsi que deux Knox datant de 1973 et 1974. S’y ajoutent deux unités chinoises du type Jianghu I, livrées en 1984 et 1985, ainsi que deux anciennes corvettes espagnoles du type Descubierta, opérationnelles depuis 1984. Les nouveaux bâtiments vont permettre à l’Egypte de renforcer significativement sa puissance navale dans la région, tant pour des questions géopolitiques que militaires, la sécurité des approches maritimes du pays, garantissant le libre accès au canal de Suez, étant une impérieuse nécessité (le canal constitue l’une des principales ressources de l’Egypte). On notera que la FREMM et les Gowind, très polyvalentes, vont permettre à la marine égyptienne de disposer de capacités anti-sous-marines de premier ordre. Un domaine de lutte considéré comme crucial par Le Caire, qui a aussi passé commande à l’Allemagne de deux sous-marins du type 209, dont la livraison est attendue à partir de 2016 (l’accord a été conclu entre Berlin et Le Caire en 2011).



Premier contrat export pour le Rafale
Le contrat qui va être signé entre la France et l’Egypte va également constituer la première commande export du Rafale. Un succès attendu depuis longtemps par Dassault Aviation et ses partenaires, à commencer par Thales, Safran et MBDA. Mais aussi 500 entreprises sous-traitantes pour un programme générant quelques 7000 emplois. En service depuis 2001 dans l’aéronautique navale et depuis 2006 dans l’armée de l’Air, l’avion de combat français a largement fait ses preuves sur les théâtres d’opérations, de l’Afghanistan à l’Irak, en passant par la Libye et le Mali. Unique en son genre, cet appareil totalement polyvalent, qui se substitue à 7 types d’avions dans les armées françaises, peut remplir tout type de missions : frappe au sol avec des bombes à guidage laser, des missiles AASM et des missiles de croisière, attaque antinavire avec l’Exocet AM39, défense aérienne avec les missiles Mica IM et ER, bientôt complétés par le Meteor, et même frappes nucléaires avec l’ASMPA. Doté d’une nacelle de désignation d’objectif et d’un canon de 30mm, le Rafale est également apte aux missions de reconnaissance grâce au pod Reco NG, ainsi qu’au ravitaillement en vol d’autres appareils. Continuant à évoluer au fil du temps, avec de nouveaux équipements, les derniers modèles intègrent le radar à antenne active RBE2 AESA. Salué par les forces aériennes et les marines étrangères (notamment l’US Air Force et l’US Navy) comme un appareil exceptionnel aux capacités remarquables, le Rafale n’avait jusqu’ici jamais été vendu à l’export. Après les échecs rencontrés en Asie dans les années 2000, qui s’expliquent logiquement par l’intérêt des pays concernés à se placer sous la protection américaine, l’occasion ratée au Maroc, dont la faute revient probablement à l’Etat, avait été mal vécue. Quant au Brésil, les annonces bien trop prématurées du président de l’époque, Nicolas Sarkozy, n’ont fait qu’accentuer le sentiment d’un grave revers commercial. Pourtant, les Brésiliens, en choisissant finalement le Gripen NG, moins onéreux mais loin d’offrir les mêmes capacités que son concurrent français, ont pris une décision assez « sage »,  le petit chasseur suédois étant à la vérité bien suffisant pour des forces aériennes qui ne sont pas amenées à se projeter sur de grands théâtres internationaux.

Rafale Marine sur le Charles de Gaulle (© MARINE NATIONALE)


Les négociations s’éternisent avec l’Inde
Pour le Rafale, la première bonne nouvelle est arrivée en janvier 2012 lorsqu’il a remporté l’appel d’offres lancé par l’Inde pour un programme de 126 avions. Le « contrat du siècle », évalué à quelques 20 milliards de dollars, pour lequel les négociations se poursuivent mais s’éternisent, ce qui suscite quelques inquiétudes. Les discussions, difficiles, portent sur les aspects liés au transfert de technologie, 108 des 126 appareils devant être réalisés localement, où il convient de réunir les compétences et savoir-faire nécessaires. Dassault espère que cette commande géante sera notifiée d’ici 2016. Au-delà de l’Inde, il y a également différents prospects, comme les Emirats Arabes Unis, avec là aussi des négociations complexes depuis 2009, ou encore le Qatar, avec lequel les échanges sont en cours.

Conjonction de facteurs conduisant au succès
En devenant le premier client international du fleuron de l’aéronautique militaire française, l’Egypte (qui utilise des avions de Dassault depuis les années 70 avec le Mirage 5, l’Alpha Jet et le Mirage 2000) incitera peut être d’autres pays à lui emboiter le pas. C’est en tous cas ce qu’a espéré hier François Hollande. Le chef de l’Etat a redit le besoin urgent de l’Egypte à se doter de moyens lui permettant d’assurer sa défense face aux menaces auxquelles elle est confrontée. Une exigence à laquelle la France a répondu avec des matériels qui ont séduit le maréchal Abdel Fattah al-Sissi. Au-delà des excellentes relations entre Paris et Le Caire, la dimension politique étant essentielle dans ce type de marché, il faut dire qu’en ce qui concerne le Rafale, l’avion français a marqué des points ces derniers temps. Il y évidemment ses performances en opérations, mais aussi les difficultés que des pays du Moyen-Orient ont eu avec les Etats-Unis pour utiliser du matériel américain dans des opérations n’ayant pas l’assentiment de Washington. D’après certains observateurs, il en a résulté la conviction, dans plusieurs capitales arabes, que faire affaire avec les Français était un atout en matière de souveraineté. A ces éléments positifs s’ajoute l’engagement de Jean-Yves Le Drian, unanimement salué par les industriels, pourtant rarement du même bord politique, comme un ministre extrêmement actif dans le soutien à l’export. La France récolte aussi les fruits de plusieurs décennies de coopération avec de nombreux pays, y compris en matière de formation. Ainsi, plusieurs générations d’officiers ont appris leur métier avec les armées françaises et arrivent aujourd’hui à des postes de haute responsabilité. C’est donc un ensemble de facteurs qui contribue aux succès commerciaux.

Chaine de production Rafale (© DASSAULT AVIATION)


Compenser la baisse des livraisons aux forces françaises
Pour la France, les ventes de Rafale à l’export sont en tous cas une priorité et, avec le retard de la conclusion du programme indien, la signature d’un contrat avec l’Egypte est une incroyable aubaine pour l’industrie et l’Etat. Afin de respecter financièrement la loi de programmation militaire (2014-2019), le ministère de la Défense avait en effet anticipé les succès à l’export. Ainsi, à compter de 2016, il est prévu de réduire les livraisons de Rafale aux forces françaises, soit 6 appareils par an au lieu de 11, seuil limite sous lequel Dassault Aviation assure ne pouvoir descendre. Pour assurer le différentiel, il était prévu qu’environ 5 avions soient chaque année, jusqu’à la fin de la LPM au moins, destinés à des clients étrangers. On pensait alors aux 18 Rafale indiens. Sauf que ceux-ci tardent et vont donc être opportunément remplacés dans la chaîne de production par des avions égyptiens.  On ne sait pas, pour l’heure, comment va exactement se réorganiser Dassault. Seule certitude : l’Egypte commande 24 Rafale et elle les veut très rapidement. Un étalement des livraisons sur 5 ans est-il jouable ? Faudra-t-il aller plus vite ? Quid également du plan de charge si une autre commande export vient se juxtaposer ? Faudra-t-il encore réduire les livraisons aux forces françaises ? La cadence de production peut-elle être augmentée ?  On devrait, assez rapidement, y voir plus clair.

Le malaimé enfin salué sur ses terres…
En attendant, le Rafale, qui fait depuis ses débuts l’objet en France de quantités de critiques, souvent aussi stupides qu’injustifiées, devrait normalement sortir du purgatoire. Malaimé dans un seul pays, celui qui l’a vu naître, ce superbe avion, fierté des industriels et des militaires, va peut-être, enfin, trouver grâce aux yeux du grand public et de la presse généraliste. Toujours un brin vachard, de nombreux media ne manquaient pas hier soir de lancer des piques sur le prix de l’avion et le temps qu’il aura fallu pour le vendre à l’export. Mais, dans le même temps, la bonne nouvelle et les performances du Rafale ont été unanimement saluées. C’est déjà un beau progrès… 

DCNS Dassault Aviation
© IPEV

B) -  Un nouveau navire logistique pour les Australes et l’Antarctique 


La Marine nationale et les Terres Australes et Antarctiques Françaises s'allient pour construire un bateau dédié à la logistique et les missions de souveraineté en océan Indien, dans les Australes et en Antarctique. « Le patrouilleur Albatros de la Marine nationale, dédié à la surveillance des eaux australes, sera désarmé en juillet prochain. Le ravitailleur Astrolabe qui effectue la desserte de la base de Dumont d’Urville en Terre Adélie  va perdre son certificat de franc-bord en 2017. Deux bateaux sortent de flotte dans notre zone d’intervention et il n’y a pas de remplaçant prévu. D’où notre idée de construire un bateau neuf qui puisse mutualiser les moyens et effectuer ces deux missions », constate Christophe Jean, secrétaire général des TAAF.


L'Albatros est retiré du service actif cet été (MARINE NATIONALE)

La zone de juridiction des TAAF est immense. Sur un gradient allant de 15°à 75° sud, elle englobe les îles subantarctiques (Crozet, Kerguelen, Saint-Paul-et-Amsterdam), les Iles Eparses (Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Bassas de India, Europa) et les bases françaises de l’Antarctique (Dumont d’Urville et Concordia), ainsi que les immenses zones économiques exclusives et les aires marines protégées s’y trouvant. Outre les missions scientifiques et les programmes de conservation menés dans les aires marines protégées, la zone est hautement stratégique, tant d’un point de vue économique (pêche à forte valeur ajoutée de la légine et du thon tropical, gisement gazier dans le canal du Mozambique) que géopolitique (présence dans l’océan Indien et dans les zones polaires).



Les cinq districts des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF)

Pour surveiller cette gigantesque étendue et y assurer les missions de souveraineté aussi bien que la logistique des bases, les TAAF disposent actuellement de moyens nautiques en propre : le Marion Dufresne, qui effectue, quatre fois par an, la desserte des îles subantarctiques et, très ponctuellement (et à la demande des forces armées de la zone de l’océan Indien), celui des îles Eparses. L’Astrolabe, ancien navire offshore armé par P&O et géré par l’Institut Polaire Paul-Emile Victor, opère le ravitaillement de Dumont d’Urville au départ de Hobart durant l’été austral. S’ajoute également la Curieuse, qui passe l’été austral à Kerguelen pour y transporter les scientifiques entre les îles de l’archipel, ainsi que des petits moyens nautiques à poste à Port-aux-Français. Enfin, l’Osiris, un ancien bateau de pêche saisi en 2003 et affrété à l'année auprès du GIE Protection Légine et Ressources Halieutiques qui regroupe les armements de pêche à la légine, effectue des patrouilles de surveillance des pêches dans les Australes. Il devrait sortir de flotte en 2016.

 Le Marion Dufresne (MICHEL FLOCH)
 Le patrouilleur Osiris (STEPHANE BOMMERT)

Il y a ensuite les moyens de la Marine nationale qui a deux frégates de surveillance basées à la Réunion : le Nivôse (actuellement en cale sèche après l’incendie dont il a été victime fin septembre) et le Floréal. Ces deux bâtiments patrouillent dans l’ensemble de la zone des océans Indien et Austral. Ils ne sont pas spécifiquement dédiés à la zone des TAAF puisqu’ils participent régulièrement à d’autres missions militaires, comme par exemple l’opération Atalante de lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden. La marine dispose également du patrouilleur Le Malin, ancien palangrier saisi en 2004, qui effectue des missions de surveillance des pêches dans la zone Réunion/Mayotte/Eparses. Enfin, le bâtiment de transport léger La Grandière, qui devrait être désarmé en 2017, intervient ponctuellement dans cette même zone. Pour le remplacer, la Marine nationale souhaite qu'un quatrième bâtiment multi-missions (B2M) soit construit et basé à la Réunion (les trois premiers seront positionnés en Nouvelle-Calédonie, aux Antilles et en Polynésie).

 La FS Floréal (MARINE NATIONALE)
 Le patrouilleur Le Malin (MICHEL FLOCH)
Le batral La Grandière (PATRICK SORBY)

« Face à ces différentes sorties de flotte, nous avons réfléchi, avec la Marine nationale, à la meilleure solution. Nous avons constaté que le ravitaillement logistique de Dumont d’Urville occupe le bateau cinq mois par an. Il reste donc 7 mois qui peuvent  être consacrés à des missions de souveraineté et de logistique au départ de la Réunion. Nous avons, par conséquent, décidé de lancer le projet d’un navire neuf qui serait armé par des équipages de la Marine et qui effectuerait l’ensemble de ces missions ». 

Le futur navire sera acheté par les TAAF et l’IPEV, la marine fournira l'équipage et effectuera son maintien en condition opérationnelle. « Nous portons ce projet qui s’élève à 60 millions d’euros et sommes en discussions avec les banques. L’emprunt sera contracté solidairement avec l’IPEV ». Le cahier des charges de ce bateau qui devra être très polyvalent est actuellement en cours de définition, « avec l’aide précieuse de l’équipage de l’Astrolabe. Nous sommes en train de définir les exigences en termes de motorisation, de coque et de logistique pour les missions diverses qu'il aura à mener ». L’appel d’offres et le choix du chantier devrait être effectués dans l’année. Le nouveau bateau devra être à Hobart en octobre 2017.

février 12, 2015

Étude géopolitique sur la condition féminine dans le monde

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Voici la première étude géopolitique sur la condition féminine, sous la forme d’un manuel qui expose clairement une vue d’ensemble de la question. 

Présentation du livre d’Élizabeth Crémieu, Bouchra Benhida "Géopolitique de lacondition féminine", Paris, Collection Major, PUF, 2014, 204 p. ISBN-972-2-13-062130-0 

VIOLS en Inde en 2012 ou enlèvement de 200 étudiantes par Boko Haram au Nigéria en 2014, la médiatisation croissante de violences contre des femmes témoigne d’un état de la condition féminine encore difficile dans le monde, et ce, malgré le troisième objectif du millénaire du développement souhaitant « promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ». Cette question ne se pose bien sûr pas qu’au « Sud » et se retrouve aussi dans les pays dits « développés », avec par exemple les débats récurrents sur la parité en France ou la restriction du droit à l’avortement par de nombreux états des Etats-Unis. Enfin, alors que le mouvement Femen donne une image souvent critiquée du féminisme, il semble justifié de s’interroger sur la situation des femmes aujourd’hui. Elizabeth Crémieu, agrégée de géographie et ancien professeur de classe préparatoire HEC et maitre de conférence à Sciences Po, se propose justement de dresser la géopolitique de la condition féminine dans son ouvrage, réalisé en collaboration avec Bouchra Benhida, docteur en économie et directrice de l’Institut de recherche et d’analyse en géopolitique et géoéconomie de l’ESCA (Casablanca). Lorsqu’on traite de la condition des femmes, on est au cœur d’un affrontement entre la tradition et la modernité. Elizabeth Crémieu retient deux aspects pour définir la condition féminine : les droits des femmes d’une part, c’est-à-dire droits civils, politiques, droit à l’éducation, aux soins, au travail ; et leurs conditions de vie d’autre part, plus précisément leur statut, leur relation avec les hommes, leurs libertés, etc. Malgré des progrès certains mais inachevés, le danger de recul est grand, surtout dans le contexte actuel de recrudescence des violences envers les femmes. Comme l’avait bien compris Jules Ferry en 1880, « celui qui tient la femme, celui-là tient tout » (cité p. 12). La femme est en effet à la fois marqueur identitaire et clé de la maitrise démographique. Il est important aussi de noter que « lorsqu’on traite de la condition des femmes, on est au cœur d’un affrontement entre la tradition et la modernité » (p. 14). 

Contrôler... croient-ils
Dans son ouvrage, l’auteure revient d’abord sur l’héritage universel et persistant de l’infériorité de la femme. Cet héritage, qu’on retrouve dans tous les textes fondateurs des religions mais aussi chez des penseurs comme S. Freud ou C. Levi-Strauss, se justifie par l’infériorité physique des femmes et instaure une division sexuée des tâches : aux hommes la gestion des questions productives et politiques, aux femmes celle des fonctions reproductives et domestiques. Se retrouve aussi ici la volonté des hommes de contrôler la fécondité. Préférence pour les fils, importance de la virginité, réclusion des femmes, dot, mariage précoce, prostitution, privation du droit à l’héritage, exclusion des veuves, chasse aux sorcières, violences, sont autant d’exemples cités pour illustrer la place traditionnelle de la femme soumise. La responsabilité des femmes dans la reproduction de ce modèle de génération en génération n’est enfin pas à sous-estimer. 

Les droits de vote, à l’éducation, à la protection
Elizabeth Crémieu dresse ensuite un tableau du féminisme, depuis les Lumières à aujourd’hui, en passant par les conséquences de la Révolution industrielle et celles de l’exode rural et de l’urbanisation. Les premiers mouvements féministes apparaissent en Europe et en Amérique du Nord au XIXe siècle, menés par des femmes instruites de la classe moyenne favorisée, en lien avec d’autres grandes mobilisations de l’époque comme la lutte contre l’alcoolisme, la prostitution ou l’esclavage. Une des premières revendications est le droit de vote, qui remet directement en cause « une des prérogatives essentielles des hommes : le monopole de la gestion de la cité » (S. Samouiller et K. Jabre dans Le Livre noir de la condition des femmes, cités p. 56). Le droit à l’éducation et la protection des mères font aussi partie des revendications. 

Le féminisme est multiforme : féminisme de l’égalité ou de la différence, féminisme socialiste ou libéral, « black feminism », féminisme laïque et universaliste, féminisme d’inspiration religieuse. 

Suit la deuxième vague féministe des années 1960 et 1970 avec la liberté sexuelle, la contraception et l’avortement. Les « gender studies » apparaissent également à ce moment-là. Certains parlent d’une troisième vague dans les années 1990, le féminisme « pro-porn », revendiquant la légalisation de la prostitution. L’auteure souligne que le féminisme est multiforme : féminisme de l’égalité ou de la différence, féminisme socialiste ou libéral, « black feminism », féminisme laïque et universaliste, féminisme d’inspiration religieuse. Le féminisme est également parcouru de tensions : entre femmes éduquées et populaires, entre féminisme indépendant et féminisme des ONG. Et enfin, entre féminisme du Nord et féminisme du Sud. Car le Sud aussi connaît des mouvements féministes. D’abord minoritaires et faibles dans les contextes de décolonisation, les revendications se font entendre après les indépendances qui n’ont pas amélioré la situation des femmes. Il faut aussi noter l’héritage égalitaire des sociétés communistes ou encore les avancées des dictatures modernistes. Au Nord comme au Sud, les mêmes méthodes sont utilisées : relais de la presse, manifestations, utilisation d’Internet, lobbying. Cela n’est cependant pas sans danger dans bon nombre de pays où les femmes risquent l’emprisonnement, l’exil ou parfois même la mort. Enfin, le féminisme est souvent méconnu et caricaturé. 

Dynamiques
La condition féminine a connu de grands progrès depuis 1945. D’abord, les femmes ont maintenant le droit pour elles avec des textes comme la Charte de l’ONU garantissant l’égalité des droits des femmes et des hommes. La communauté internationale s’est emparé de cette question avec, entre autres, la création d’ONU Femmes et la Convention pour l’élimination des discriminations envers les femmes (CEDAW). Le livre insiste sur le rôle important de l’intérêt politique à l’échelle nationale dans le traitement de ces questions. Cela peut même devenir un enjeu de politique étrangère comme le montre l’exemple de l’octroi par l’Arabie Saoudite du droit de vote aux femmes prévu en 2015. Cependant, le droit civil reste encore discriminatoire dans de nombreux pays. 

La santé des femmes - notamment leur espérance de vie - peut être considérée comme un révélateur de l’état d’une société et des rapports entre les sexes. 

Les progrès scientifiques ont, eux, permis la contraception, largement utilisée dans le monde (par 61% des couples aujourd’hui). Pour Françoise Héritier citée p. 96, le droit à la contraception « constitue le levier essentiel de la sortie de la domination parce qu’il porte et agit au lieu même où la domination s’est produite ». Et face à la religion, le plus souvent contre, l’impératif démographique a permis la diffusion de la contraception. L’avortement,
lui, reste un sujet brûlant et est limité dans les trois quarts des pays. La santé des femmes a également connu des progrès, même si les écarts demeurent très grands entre les pays à revenu élevé et les pays à revenu moyen ou faible. A ce titre, la santé des femmes peut être considérée comme un révélateur de l’état d’une société et des rapports entre les sexes. 

Eduquer les filles
L’éducation des filles est importante car elle a des effets multiplicateurs sur la démographie, la santé et l’économie. On note de grands progrès dans les taux de scolarisation ainsi qu’une progression de la parité dans le monde. Cependant, des écarts persistent entre Nord et Sud, où la pauvreté, la distance jusqu’à l’école, les possibles harcèlements sexuels et le faible nombre d’enseignantes sont autant de freins à la scolarisation des filles. Au Nord, on continue de noter des différences d’orientation selon les sexes. Et, malgré ces progrès, en 2008, deux tiers des analphabètes restent des femmes. Enfin, l’éducation est la première à souffrir des guerres et des crises économiques. 




Deux tiers des pauvres sont des femmes.
Le travail des femmes a également augmenté et s’est déplacé de l’agriculture vers l’industrie et les services. Les femmes souffrent encore d’une ségrégation verticale et horizontale, au Nord comme au Sud. Au Sud, le problème des emplois informels et vulnérables touche d’abord les femmes, avec une « féminisation de la survie » [1]. L’auteure rappelle d’ailleurs que deux tiers des pauvres sont des femmes. Il existe cependant un lien entre richesse, puissance et emploi des femmes, et on lie maintenant souvent la question de la croissance et du développement à celle de l’amélioration de la condition féminine. Pour les femmes aussi, travailler peut avoir des effets positifs, à l’image du cas de l’émigration de travail qui, malgré les difficultés rencontrées, constitue une libération et un gain en statut pour les femmes qui renvoient l’argent gagné au pays et font ainsi vivre leur famille. 

Pour certains, « le corps de la femme est, non pas métaphoriquement mais réellement, un territoire ennemi, jugulé, terrassé, mis à sac et à profit ». 

Pour finir, Elizabeth Crémieu décrit les menaces pesant sur les femmes. Elle note que la montée des fondamentalismes religieux, toutes religions confondues, représente aujourd’hui le plus grand danger, car ces derniers cherchent à contrôler la femme et la sexualité pour gagner le pouvoir en imposant des valeurs. La femme est en effet un marqueur de l’identité d’une société : « Dans toutes les sociétés qui se sentent menacées, ce sont les femmes qui sont chargées de conserver, de porter l’identité. Si elles veulent se libérer, c’est qu’elles sont passées à l’ennemi » (Sophie Bessis, citée p. 157). De plus, les violences contre les femmes sont en augmentation. Le fémicide est aujourd’hui la première cause de mortalité des femmes. Ces violences contre les femmes peuvent avoir des conséquences géopolitiques comme le montre l’exemple des fœticides féminins en Chine, où le manque de femmes pourrait avoir deux effets: un «nouvel enlèvement des Sabines»[2] et un enrôlement plus important des hommes dans l’armée. F. Héritier, citée p. 167, affirme que « le corps de la femme est, non pas métaphoriquement mais réellement, un territoire ennemi, jugulé, terrassé, mis à sac et à profit ». Ainsi les viols par exemple peuvent être de véritables armes politiques, notamment en temps de guerre ou de nettoyage ethnique. Ainsi, les acquis pour la condition féminine restent fragiles et menacés. Et face à cette menace que constituent les « trafiquants de Dieu » [3], Elizabeth Crémieu conclue ainsi : « La guerre est donc déclarée entre partisan(e)s de l’égalité et de la liberté des femmes et des hommes, et partisan(e)s des traditions. Cette guerre se déroule non pas entre des civilisations ou des sociétés, des Etats, ou des religions, mais au sein de chaque société, de chaque Etat, de chaque religion, et peut-être de chaque individu.» (p. 186) Cette «première étude géopolitique sur la condition féminine»[4] se présente comme un manuel et expose clairement une vue d’ensemble de la question. La construction thématique par chapitres donne parfois une impression de catalogue compilant les travaux existants sur la condition féminine. Cela a toutefois l’avantage de présenter de nombreux exemples et de renvoyer à de nombreux auteurs. La bibliographie, organisée elle aussi selon les chapitres, permet en effet de se référer facilement aux ouvrages cités. Elizabeth Crémieu semble prendre fait et cause pour les femmes, mais sait aussi reconnaître que les hommes n’ont pas tous les torts et que le patriarcat a pu avoir des effets bénéfiques, comme la protection. Elle reste cependant en retrait pour faire un exposé neutre tentant de traiter tous les aspects de la question, ne montrant son envie d’être digne de l’héritage féministe qu’à la dernière ligne. 



Géopolitique de la condition féminine
4e de couverture 

Où en est la condition des femmes ? Malgré l’influence tenace des traditions patriarcales dans une grande partie du monde, de nombreux progrès ont été accomplis depuis soixante-dix ans, que ce soit en matière de droits politiques et civils, d’accès à la contraception et à l’avortement, ou encore de droit à l’éducation et au travail. Ces avancées constituent un facteur majeur de croissance et de développement. Elles sont toutefois très inégales selon les régions du monde et constamment menacées : le fémicide reste en effet la première cause de mortalité des femmes, et ce type de violences tend aujourd’hui à se répandre. Cet ouvrage s’adresse à ceux qui veulent connaître les origines des inégalités entre les hommes et les femmes et étudier les enjeux de pouvoir qui en découlent à l’ère de la mondialisation, et en particulier aux étudiants en géopolitique et dans les IEP. 

[1] Formule de Saskia Sassen citée p.142.
[2] Formule de Gérard-Francois Dumont dans son article « Vers un nouvel enlèvement des Sabines ? » paru dans Géostratégiques, n°17, en septembre 2007, formule citée p. 171.
[3] Formule utilisée par Elizabeth Crémieu p. 186.
[4
] Présentation faite par l’éditeur en quatrième de couverture.


GEOPOLITIQUE DE LA CULTURE :
Géopolitique de la condition féminine  
Source, journal ou site Internet : diploweb
Date : 10 février 2015
Auteur : Ornella Chassagne:

Etudiante en Master I de Relations Internationales et Action à l’Etranger à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Créé en 2005, le Master de Relations Internationales et Action à l’Etranger a pour vocation de préparer les étudiants à la grande variété des métiers ouverts sur la vie internationale.
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