octobre 24, 2014

Authentiquement Libéral - Libertarien et Vous ? BASTIAT...(french and english)

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Pourquoi faut-il que l'homme classe des personnes afin qu'il se distingue des autres sinon que pour ses privilèges et son esprit d'exclusive, style caste. Question de sécurité, de différence ?
Pourquoi faut-il donc s'appeler peuple , bourgeois , noble; pourquoi faut-il être bobo, socialo...etc ? Pourquoi faudrait-il être encore de gauche, de droite, des extrêmes, voire maintenant plutôt centriste de toutes tendances ? Faire du social, n'est pas l'exclusivité des socialistes !

Manque t-on autant de discernement philosophique, de lecture économique, devrions nous rester ignorant sans aucun concept, sans aucun calcul ? 
Libéralisme = Humanisme
Pourquoi donc tous ces conservatismes, sommes nous pas capable à de nouveaux préceptes de morale?
Pourquoi toujours se cantonner à l'existant, n'avons-nous plus aucune lumière?
Faut-il revenir à des fondamentaux: Voltaire, Montesquieu...etc ?



Aujourd'hui, dans notre pays, tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains de quelques dizaines de personnes, qu'elles soient de gauche ou de droite.

Pouvoir exécutif : L'ensemble de l'appareil de l'État est entre les mains d'un petit nombre de personnes, toutes formées aux mêmes méthodes, faisant référence à la même pensée, réagissant de la même façon devant tous les problèmes. Ces personnes affirment avec un aplomb tout à fait extraordinaire que eux, et eux seuls, ont le sens de l'intérêt général. À les en croire, tous les autres sont là pour défendre une catégorie ou des intérêts particuliers. Hauts fonctionnaires nommés en principe pour défendre l'intérêt général, ils ont tendance à croire qu'eux seuls, par construction, détiennent la vérité en matière d'intérêt général. Élus sans difficultés dans des circonscriptions sur mesure, ils conservent cet état d'esprit. Les ministres désignés pour assumer le pouvoir exécutif qui n'appartiennent pas à cette caste sont éphémères et largement dépendants de ces hauts fonctionnaires.

Pouvoir législatif : au moins, pourrait-on dire, n'y a-t-il pas ou peu de hauts fonctionnaires à l'Assemblée. Mais l'Assemblée ne possède pas vraiment le pouvoir législatif, car la Constitution donne au seul gouvernement le pouvoir de fixer l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale ! Ce qui veut dire qu'aucun projet de loi ne peut être discuté à l'Assemblée Nationale s'il n'est pas approuvé par le gouvernement. On ne peut donc parler à l'Assemblée que de ce dont le gouvernement veut qu'on parle. Et naturellement dans le sens que veut le gouvernement, puisqu'il détient la majorité dans l'Assemblée, qu'il a la possibilité de préparer ses parlementaires, voire de châtier les rétifs.

Pouvoir administratif :
ils l'ont par définition s'ils sont dans leur administration. S'ils détiennent un pouvoir politique, et si pris d'une illumination, ils en venaient à envisager une décision contraire à l'intérêt de leurs petits copains dans leur administration d'origine, ils ne la prendraient pas, tant est puissant leur esprit de corps.

Pouvoir économique : on peut penser que les chefs d'entreprise, au moins, ne se recrutent pas dans le même milieu. Mais ce n'est pas forcément vrai pour les plus grandes : il y a les nationalisées, et celles qui sont issues des nationalisées. Il y a toutes celles qui dépendent tellement du bon vouloir de l'Administration qu'elles trouvent plus confortables de nommer à leur tête un homme issu de cette administration. S'il est ingénieur d'un grand corps, ou issu de l'ENA, après tout il aura des connaissances et des capacités de travail sortant de l'ordinaire, et en cherchant bien, on pourra même en trouver qui ont l'esprit d'entreprise. Quand aux apparatchiks du MEDEF, ils ne sont que trop flattés de pouvoir discuter tel ou tel détail de la loi des finances avec les inspecteurs des finances de Bercy. Ce comportement, il est vrai, est en train de changer sous l'impulsion de la nouvelle équipe.

Pouvoir financier :
là ils sont encore les maîtres pour deux raisons. D'abord ils sont directement à la tête des banques nationalisées. Ensuite, l'État est de très loin le plus gros emprunteur sur le marché financier (plus de 85% des capitaux à court terme). Il réduit donc ainsi les moyens disponibles pour les entreprises. Seule lueur d'espoir, ces dernières peuvent maintenant emprunter sur les marchés étrangers. Pouvoir médiatique : en France, c'est un pouvoir qui penche nettement d'un certain côté de l'échiquier politique, et qui se caractérise par une certaine paresse d'analyse. Il va volontiers chercher l'information auprès de l'oligarchie dont nous parlons, et il s'en fait assez facilement l'écho. En pratique les choses se passent de la manière suivante : un événement se produit. Il est d'abord l'objet d'une information et d'un commentaire bref de l'Agence France-Presse, qui incidemment est assez largement à gauche. L'information est ensuite commentée beaucoup plus longuement dans Le Monde. Les autres journalistes reprennent, avec leur style propre, mais sans grande valeur ajoutée, ce qui est dit dans ces deux sources. L'effort d'investigation et de remise en cause est à peu près nul. Quant à la télévision, elle a trop peu de temps pour faire un effort d'imagination, et ses journalistes politiques se comportent le plus souvent comme des perroquets.

Comment en sortir ? 
Si l'on ne fait rien, il ne faut pas exclure que la classe exploitée par cette oligarchie, qui est aujourd'hui la classe moyenne active, ne finisse par se révolter dans le désordre. On connaît le coût humain des révolutions. Il vaut mieux les éviter. La seule autre issue est que tous les citoyens qui comprennent l'analyse ci-dessus adhèrent à un parti politique en nombre suffisant pour en influencer les dirigeants, ou plus efficacement, les remplacer. On ne peut en effet espérer changer pacifiquement les choses que par l'intermédiaire des partis, et on ne pourra guère changer les mentalités des hommes actuellement à la tête des partis.

Cela peut paraître utopique. Mais tout est toujours possible. Les événements les plus extraordinaires peuvent se produire au moment où on ne les attend pas. Lorsqu'ils se produisent, il faut être prêt à les exploiter. 
 
F. Bastiat


L’application d’un programme authentiquement libéral devrait avoir pour effet de rendre impossible le développement du « grand capitalisme ».


Il apparaît que la stigmatisation des grandes sociétés capitalistes, souvent multinationales, est loin d’être contradictoire avec la défense d’idées authentiquement libérales. Tout au contraire, les véritables libéraux gagneraient certainement en influence, tout en désamorçant plus aisément les critiques réductrices de leurs adversaires, à prendre soin de se démarquer résolument du grand capitalisme, qui, comme démontré plus haut, fait quotidiennement le lit du réglementarisme et du monopolisme, deux des plus sérieux obstacles au développement du libéralisme économique ordinaire.
Par Christian Laurut.
 
 
 
 L'ÉTAT par Frédéric BASTIAT ( english )
 
I wish that someone would offer a prize, not of five hundred francs, but of a million, with crosses, crowns, and ribbons, to whoever would give a good, simple, and intelligible definition of this term: the state.
5.2
What an immense service he would render to society!
5.3
The state! What is it? Where is it? What does it do? What should it do?
5.4
All that we know about it is that it is a mysterious personage, and certainly the most solicited, the most tormented, the busiest, the most advised, the most blamed, the most invoked, and the most provoked in the world.
5.5
For, sir, I do not have the honor of knowing you, but I wager ten to one that for six months you have been making utopias; and if you have been making them, I wager ten to one that you place upon the state the responsibility of realizing them.
5.6
And you, madame, I am sure that you desire from the bottom of your heart to cure all the ills of mankind, and that you would be in no wise embarrassed if the state would only lend a hand.
5.7
But alas! The unfortunate state, like Figaro, knows neither to whom to listen nor where to turn. The hundred thousand tongues of press and rostrum all cry out to it at once:
"Organize labor and the workers."
"Root out selfishness."
"Repress the insolence and tyranny of capital."
"Make experiments with manure and with eggs."
"Furrow the countryside with railroads."
"Irrigate the plains."
"Plant forests on the mountains."
"Establish model farms."
"Establish harmonious workshops."
"Colonize Algeria."
"Feed the babies."
"Instruct the young."
"Relieve the aged."
"Send the city folk into the country."
"Equalize the profits of all industries."
"Lend money, without interest, to those who desire it."
"Liberate Italy, Poland, and Hungary."
"Improve the breed of saddle horses."
"Encourage art; train musicians and dancers."
"Restrict trade, and at the same time create a merchant marine."
"Discover truth and knock a bit of sense into our heads."
"The function of the state is to enlighten, to develop, to increase, to fortify, to spiritualize, and to sanctify the soul of a nation."**31
5.8
"Oh, sirs, a little patience," replies the state with a piteous air. "I shall try to satisfy you, but for that I shall need some resources. I have prepared proposals for five or six taxes, brand new and the mildest in the world. You will see how glad people will be to pay them."
5.9
But then a great cry is raised: "Shame! Shame! Anybody can do a thing if he has the resources! Then you would not be worthy of being called the state. Far from hitting us with new taxes, we demand that you eliminate the old ones. Abolish:
"The tax on salt;
"The tax on beverages;
"The tax on letters;
"The octroi;*62
"Licenses;
"Prestations."
5.10
In the midst of this tumult, and after the country had changed its state two or three times for not having satisfied all these demands, I tried to point out that they were contradictory. Good Lord! What was I thinking of? Could I not keep this unfortunate remark to myself?
5.11
So here I am, discredited forever; and it is now an accepted fact that I am a heartless, pitiless man, a dry philosopher, an individualist, a bourgeois—in a word, an economist of the English or American school.
5.12
Oh, pardon me, sublime writers, whom nothing stops, not even contradictions. I am wrong, no doubt, and I retract my error with all my heart. I demand nothing better, you may be sure, than that you should really have discovered outside of us a benevolent and inexhaustible being, calling itself the state, which has bread for all mouths, work for all hands, capital for all enterprises, credit for all projects, ointment for all wounds, balm for all suffering, advice for all perplexities, solutions for all problems, truths for all minds, distractions for all varieties of boredom, milk for children and wine for old age, which provides for all our needs, foresees all our desires, satisfies all our curiosity, corrects all our errors, amends all our faults, and exempts us all henceforth from the need for foresight, prudence, judgment, sagacity, experience, order, economy, temperance, and industry.
5.13
And why should I not desire it? Heaven forgive me! The more I reflect on it, the more I find how easy the whole thing is; and I, too, long to have at hand that inexhaustible source of riches and enlightenment, that universal physician, that limitless treasure, that infallible counselor, that you call the state.
5.14
Hence, I insist that it be shown to me, that it be defined, and that is why I propose that a prize be offered to the first to discover this rare bird. For, after all, it will have to be admitted that this precious discovery has not yet been made, since the people have up to now overthrown immediately everything that has presented itself under the name of the state, precisely because it has failed to fulfill the somewhat contradictory conditions of the program.
5.15
Need it be said that we may have been, in this respect, duped by one of the most bizarre illusions that has ever taken possession of the human mind?
5.16
Man is averse to pain and suffering. And yet he is condemned by nature to the suffering of privation if he does not take the pains to work for a living. He has, then, only the choice between these two evils. How arrange matters so that both may be avoided? He has found up to now and will ever find only one means: that is, to enjoy the fruits of other men's labor; that is, to arrange matters in such a way that the pains and the satisfactions, instead of falling to each according to their natural proportion, are divided between the exploited and their exploiters, with all the pain going to the former, and all the satisfactions to the latter. This is the principle on which slavery is based, as well as plunder of any and every form: wars, acts of violence, restraints of trade, frauds, misrepresentations, etc.—monstrous abuses, but consistent with the idea that gave rise to them. One should hate and combat oppressors, but one cannot say that they are absurd.
5.17
Slavery is on its way out, thank Heaven, and our natural inclination to defend our property makes direct and outright plunder difficult. One thing, however, has remained. It is the unfortunate primitive tendency which all men have to divide their complex lot in life into two parts, shifting the pains to others and keeping the satisfactions for themselves. It remains to be seen under what new form this deplorable tendency is manifested.
5.18
The oppressor no longer acts directly by his own force on the oppressed. No, our conscience has become too fastidious for that. There are still, to be sure, the oppressor and his victim, but between them is placed an intermediary, the state, that is, the law itself. What is better fitted to silence our scruples and—what is perhaps considered even more important—to overcome all resistance? Hence, all of us, with whatever claim, under one pretext or another, address the state. We say to it: "I do not find that there is a satisfactory proportion between my enjoyments and my labor. I should like very much to take a little from the property of others to establish the desired equilibrium. But that is dangerous. Could you not make it a little easier? Could you not find me a good job in the civil service or hinder the industry of my competitors or, still better, give me an interest-free loan of the capital you have taken from its rightful owners or educate my children at the public expense or grant me incentive subsidies or assure my well-being when I shall be fifty years old? By this means I shall reach my goal in all good conscience, for the law itself will have acted for me, and I shall have all the advantages of plunder without enduring either the risks or the odium."
5.19
As, on the one hand, it is certain that we all address some such request to the state, and, on the other hand, it is a well-established fact that the state cannot procure satisfaction for some without adding to the labor of others, while awaiting another definition of the state, I believe myself entitled to give my own here. Who knows if it will not carry off the prize? Here it is:
5.20
The state is the great fictitious entity by which everyone seeks to live at the expense of everyone else.
5.21
For, today as in the past, each of us, more or less, would like to profit from the labor of others. One does not dare to proclaim this feeling publicly, one conceals it from oneself, and then what does one do? One imagines an intermediary; one addresses the state, and each class proceeds in turn to say to it: "You, who can take fairly and honorably, take from the public and share with us." Alas! The state is only too ready to follow such diabolical advice; for it is composed of cabinet ministers, of bureaucrats, of men, in short, who, like all men, carry in their hearts the desire, and always enthusiastically seize the opportunity, to see their wealth and influence grow. The state understands, then, very quickly the use it can make of the role the public entrusts to it. It will be the arbiter, the master, of all destinies. It will take a great deal; hence, a great deal will remain for itself. It will multiply the number of its agents; it will enlarge the scope of its prerogatives; it will end by acquiring overwhelming proportions.
5.22
But what is most noteworthy is the astonishing blindness of the public to all this. When victorious soldiers reduced the vanquished to slavery, they were barbarous, but they were not absurd. Their object was, as ours is, to live at the expense of others; but, unlike us, they attained it. What are we to think of a people who apparently do not suspect that reciprocal pillage is no less pillage because it is reciprocal; that it is no less criminal because it is carried out legally and in an orderly manner; that it adds nothing to the public welfare; that, on the contrary, it diminishes it by all that this spendthrift intermediary that we call the state costs?
5.23
And we have placed this great myth, for the edification of the people, in the Preamble of the Constitution. Here are the first words of the Preamble:
France has been constituted as a republic in order to .... raise all its citizens to an ever higher standard of morality, enlightenment, and well-being.
5.24
Thus, it is France, or the abstraction, which is to raise Frenchmen, or the realities, to a higher standard of morality, well-being, etc. Is this not to be possessed by the bizarre illusion that leads us to expect everything from another power than our own? Is this not to imply that there is, above and beyond the French people, a virtuous, enlightened, rich being who can and ought to bestow his benefits on them? Is this not to assume, and certainly most gratuitously, that there exists between France and the people of France, that is, between the synoptic, abstract term used to designate all these individuals and the individuals themselves, a father-son, guardian-ward, teacher-pupil relationship? I am well aware of the fact that we sometimes speak metaphorically of "the fatherland" or of France as a "tender mother." But in order to expose in its full flagrance the inanity of the proposition inserted into our Constitution, it suffices to show that it can be reversed, I will not say without disadvantage, but even to advantage. Would exactness suffer if the Preamble had said:
5.25
"The French have been constituted as a republic in order to raise France to an ever higher standard of morality, enlightenment, and well-being"?
5.26
Now, what is the value of an axiom of which the subject and the object can be interchanged without disadvantage? Everyone understands the statement: "The mother will nurse the baby." But it would be ridiculous to say: "The baby will nurse the mother."
5.27
The Americans formed another idea of the relations of citizens to the state when they placed at the head of their Constitution these simple words:
We, the people of the United States, in order to form a more perfect union, establish justice, insure domestic tranquillity, provide for the common defense, promote the general welfare, and secure the blessings of liberty to ourselves and our posterity, do ordain, etc.
5.28
There is no mythical creation here, no abstraction from which the citizens demand everything. They expect nothing save from themselves and their own efforts.
5.29
If I have permitted myself to criticize the first words of our Constitution, it is not, as one might think, in order to deal with a mere metaphysical subtlety. I contend that this personification of the state has been in the past, and will be in the future, a fertile source of calamities and of revolutions.
5.30
Here the public, on the one side, the state on the other, are considered as two distinct entities, the latter intent on pouring down upon the former, the former having the right to claim from the latter, a veritable shower of human felicities. What must be the inevitable result?
5.31
The fact is, the state does not and cannot have one hand only. It has two hands, one to take and the other to give—in other words, the rough hand and the gentle hand. The activity of the second is necessarily subordinated to the activity of the first. Strictly speaking, the state can take and not give. We have seen this happen, and it is to be explained by the porous and absorbent nature of its hands, which always retain a part, and sometimes the whole, of what they touch. But what has never been seen, what will never be seen and cannot even be conceived, is the state giving the public more than it has taken from it. It is therefore foolish for us to take the humble attitude of beggars when we ask anything of the state. It is fundamentally impossible for it to confer a particular advantage on some of the individuals who constitute the community without inflicting a greater damage on the entire community.
5.32
It finds itself, then, placed by our demands in an obviously vicious circle.
5.33
If it withholds the boon that is demanded of it, it is accused of impotence, of ill will, of incapacity. If it tries to meet the demand, it is reduced to levying increased taxes on the people, to doing more harm than good, and to incurring, on another account, general disaffection.
5.34
Thus, we find two expectations on the part of the public, two promises on the part of the government: many benefits and no taxes. Such expectations and promises, being contradictory, are never fulfilled.
5.35
Is this not the cause of all our revolutions? For between the state, which is lavish with impossible promises, and the public, which has conceived unrealizable expectations, two classes of men intervene: the ambitious and the utopian. Their role is completely prescribed for them by the situation. It suffices for these demagogues to cry into the ears of the people: "Those in power are deceiving you; if we were in their place, we would overwhelm you with benefits and free you from taxes."
5.36
And the people believe, and the people hope, and the people make a revolution.
5.37
Its friends are no sooner in charge of things than they are called on to make good their promises: "Give me a job, then, bread, relief, credit, education, and colonies," say the people, "and at the same time, in keeping with your promises, deliver me from the burden of taxation."
5.38
The new state is no less embarrassed than the old, for, when it comes to the impossible, one can, indeed, make promises, but one cannot keep them. It tries to gain time, which it needs to bring its vast projects to fruition. At first it makes a few timid attempts; on the one hand, it extends primary education a little; on the other, it reduces somewhat the tax on beverages (1830). But it is always confronted with the same contradiction: if it wishes to be philanthropic, it must continue to levy taxes; and if it renounces taxation, it must also renounce philanthropy.
5.39
These two promises always and necessarily conflict with each other. To have recourse to borrowing, that is, to eat into the future, is indeed a means of reconciling them in the present; one tries to do a little good in the present at the expense of a great deal of harm in the future. But this procedure raises the specter of bankruptcy, which destroys credit. What is to be done, then? The new state then takes a firm stand against its critics: it regroups its forces to maintain itself, it stifles opinion, it has recourse to arbitrary decrees, it ridicules its former maxims, it declares that one can govern only on condition of being unpopular; in short, it proclaims itself the government.
5.40
And this is precisely what other demagogues are waiting for. They exploit the same illusion, take the same road, obtain the same success, and soon come to be engulfed in the same abyss.
5.41
This is the way we came to the February Revolution. At that time the illusion that is the subject of this article had made its way further than ever into popular thought, along with socialist doctrines. More than ever before, people expected that the state, in a republican form, would open wide the floodgates of its bounty and close off the stream of taxes. "I have often been deceived," said the people, "but this time I myself will stand guard to see that I am not again deceived."
5.42
What could the provisional government do? Alas! What is always done in such a circumstance: promise and gain time. It did not fail to do this, and, to add solemnity to its promises, it gave them definitive form in its decrees. "Increased welfare, shorter working hours, relief, credit, gratuitous education, agricultural settlements, land clearance, and, at the same time, reductions in the taxes on salt, beverages, letters, meat, all will be granted .... when the National Assembly meets."
5.43
The National Assembly met, and, as two contradictory ideas cannot both be realized, its task, its sad task, was confined to retracting, as gently as possible, one after another, all the decrees of the provisional government.
5.44
Still, in order not to make the disappointment too cruel, it had to compromise a little. Certain commitments were kept; others were fulfilled in token form. Hence, the present administration is trying to devise new taxes.
5.45
Now, looking ahead a few months, I ask myself sadly what will happen when the newly created civil servants go out into the country to collect the new taxes on inheritances, incomes, and the profits of agriculture. May Heaven give the lie to my presentiments, but here again I see a role for the demagogues to play.
5.46
Read the last Manifesto of the Montagnards*63 which they issued in connection with the presidential election. It is rather long, but can be summed up in a few words: The state should give a great deal to the citizens and take little from them. It is always the same tactic, or, if you will, the same error.
The state owes instruction and education free of charge to all citizens.
5.47
It owes:
A general and professional education, appropriate as nearly as possible to the needs, vocations, and capacities of each citizen.
5.48
It should:
Teach each citizen his duties toward God, toward men, and toward himself; develop his feelings, his aptitudes, and his faculties; give him, in short, proficiency in his work, understanding of his best interests, and knowledge of his rights.
5.49
It should:
Put within everyone's reach literature and the arts, the heritage of human thought, the treasures of the mind, all the intellectual enjoyments which elevate and strengthen the soul.
5.50
It should:
Insure against every disaster, fire, flood, etc. [how great are the implications of this little et cetera!], suffered by a citizen.
5.51
It should:
Intervene in the relations between capital and labor and make itself the regulator of credit.
5.52
It owes:
Practical encouragement and efficacious protection to agriculture.
5.53
It should:
Buy up the railroads, the canals, the mines,
5.54
and undoubtedly also administer them with that industrial expertise which is so characteristic of it.
5.55
It should:
Stimulate laudable enterprises, and encourage and aid them with all the resources capable of making them succeed. As regulator of credit, it will largely control the industrial and agricultural associations, in order to assure their success.
5.56
The state is to do all this without prejudice to the services that it performs today; and, for example, it must always adopt a threatening attitude toward foreign nations; for, say the signers of the program,
linked by that holy solidarity and by the precedents of republican France, we extend our commitments and our hopes, beyond the barriers that despotism has raised between nations, on behalf of all those whom the yoke of tyranny oppresses; we desire that our glorious army be again, if it must, the army of liberty.
5.57
You see that the gentle hand of the state, that good hand which gives and which bestows, will be very busy under the government of the Montagnards. Perhaps you believe that the same will be true of the rough hand, of the hand that reaches into our pockets and empties them?
5.58
Undeceive yourselves. The demagogues would not know their business if they had not acquired the art of hiding the rough hand while showing the gentle hand.
5.59
Their reign will surely mean a jubilee for the taxpayer.
5.60
"It is on luxuries," they say, "not necessities, that taxes should be imposed."
5.61
Will it not be a happy day when, in order to load us with benefits, the public treasury is content to take from us just our superfluous funds?
5.62
Nor is this all. The Montagnards intend that "taxation should lose its oppressive character and should henceforth be no more than an act of fraternity."
5.63
Heavenly days! I am well aware of the fact that it is the vogue to get fraternity in everywhere, but I did not suspect that it could be put into the receipt of the tax collector.
5.64
Getting down to details, the signers of the manifesto say:
We demand the immediate abolition of taxes that fall on objects of primary necessity, such as salt, drinks, et cetera.
Reform of the real estate tax, the octroi, and license fees.
Justice free of charge, that is, the simplification of forms and the reduction of expenses. [This no doubt has to do with official stamps.]
5.65
Thus, real estate taxes, the octroi, license fees, taxes on stamps, salt, beverages, mail—all are to be done away with. These gentlemen have found the secret of keeping the gentle hand of the state energetic and active, while paralyzing its rough hand.
5.66
Indeed! I ask the impartial reader, is this not childish and, what is more, dangerously childish? Why would people not make one revolution after another, once they had made up their minds not to stop until this contradiction had been made a reality: "Give nothing to the state, and receive a great deal from it"?
5.67
Does anyone believe that if the Montagnards came to power, they would not themselves become the victims of the very means that they employed to seize it?
5.68
Citizens, throughout history two political systems have confronted each other, and both of them can be supported by good arguments. According to one, the state should do a great deal, but also it should take a great deal. According to the other, its double action should be barely perceptible. Between these two systems, one must choose. But as for the third system, which is a mixture of the two others, and which consists in requiring everything from the state without giving anything to it, it is chimerical, absurd, childish, contradictory, and dangerous. Those who advance it in order to give themselves the pleasure of accusing all governments of impotence and exposing them thus to your violent attacks, flatter and deceive you, or at least they deceive themselves.
5.69
As for us, we think that the state is not and should not be anything else than the common police force instituted, not to be an instrument of oppression and reciprocal plunder, but, on the contrary, to guarantee to each his own and to make justice and security prevail.**32

Notes for this chapter


30.
[To understand the form of this composition, note that it was printed in the Journal des débats, issue of September 25, 1848.—Editor.]
31.
[This last phrase is from M. de Lamartine. The author cites it also in the pamphlet (chap. 2 of this volume) entitled "The Law."—Editor.]
62.
[A local tax on certain commodities (foodstuffs, fodder, liquids, fuels, building materials, etc.) imposed as a condition of their being brought into a town or district.—Translator]
63.
[In 1848, members of the Socialist Democrat Party. The name, of course, goes back to the militant "Mountain" Party of Danton and Robespierre during the French Revolution.—Translator.]
32.
[See chap. 17 of Economic Harmonies and, in the first volume (of the French edition), the pamphlet of 1830 entitled "To the Electors of the Department of Landes."—Editor.] NOTES TO CHAPTER 6
 
 
 
Joseph Schumpeter described Bastiat nearly a century after his death as “the most brilliant economic journalist who ever lived.” Orphaned at the age of nine, Bastiat tried his hand at commerce, farming, and insurance sales. In 1825, after he inherited his grandfather’s estate, he quit working, established a discussion group, and read widely in economics.
Bastiat made no original contribution to economics, if we use “contribution” the way most economists use it. That is, we cannot associate one law, theorem, or pathbreaking empirical study with his name. But in a broader sense Bastiat made a big contribution: his fresh and witty expressions of economic truths made them so understandable and compelling that the truths became hard to ignore.
Bastiat was supremely effective at popularizing free-market economics. When he learned of Richard Cobden’s campaign against the British Corn Laws (restrictions on the import of wheat, barley, rye, and oats), Bastiat vowed to become the “French Cobden.” He subsequently published a series of articles attacking protectionism that brought him instant acclaim. In 1846 he established the Association of Free Trade in Paris and his own weekly newspaper, in which he waged a witty assault against socialists and protectionists.
Bastiat’s “A Petition,” usually referred to now as “The Petition of the Candlemakers,” displays his rhetorical skill and rakish tone, as this excerpt illustrates:
We are suffering from the ruinous competition of a foreign rival who apparently works under conditions so far superior to our own for the production of light, that he is flooding the domestic market with it at an incredibly low price.... This rival ... is none other than the sun....
We ask you to be so good as to pass a law requiring the closing of all windows, dormers, skylights, inside and outside shutters, curtains, casements, bull’s-eyes, deadlights and blinds; in short, all openings, holes, chinks, and fissures.
This reductio ad absurdum of protectionism was so effective that one of the most successful postwar economics textbooks, Economics by Paul A. Samuelson, quotes the candlemakers’ petition at the head of the chapter on protectionism.
Bastiat also emphasized the unintended consequences of government policy (he called them the “unseen” consequences). Friedrich Hayek credits Bastiat with this important insight: if we judge economic policy solely by its immediate effects, we will miss all of its unintended and longer-run effects and will undermine economic freedom, which delivers benefits that are not part of anyone’s conscious design. Much of Hayek’s work, and some of Milton Friedman’s, was an exploration and elaboration of this insight.

Selected Works

1850. Economic Harmonies. Translated by W. H. Boyers, 1964. Available online at: http://www.econlib.org/library/Bastiat/basHar.html
1845. Economic Sophisms. Translated by A. Goddard, 1964. Available online at: http://www.econlib.org/library/Bastiat/basSoph.html Includes “A Petition.”
1848. Selected Essays on Political Economy. Translated by S. Cain, 1964. Available online at: http://www.econlib.org/library/Bastiat/basEss.html Includes “What Is Seen and What Is Not Seen.”
1850. The Law. Translated by Dean Russell, 1995. Available online at: http://www.econlib.org/library/Bastiat/basLaw.html
Articles by Bastiat in Lalor’s Cyclopaedia:
“Spoliation by Law”
“Plenty and Dearth”
Miscellaneous quotes, discussions, and references

 BASTIAT
Cover
Table of Contents
About the Author
Preface to the English-Language Edition, by George B. de Huszar
Introduction, by F. A. Hayek
1. What Is Seen and What Is Not Seen
2. The Law
3. Property and Law
4. Justice and Fraternity
6. Property and Plunder
7. Protectionism and Communism
8. Plunder and Law
9. Academic Degrees and Socialism
10. Declaration of War Against the Professors of Political Economy
11. Speech on the Suppression of industrial Combinations
12. To the Democrats: Reflections on the Amendment of M. Mortimer-Ternaux
13. The Balance of Trade
Footnotes

Frédéric Bastiat

De Wikiberal
 
Frédéric Bastiat (30 juin 1801 - 24 décembre 1850) est un économiste libéral français.
Économiste et pamphlétaire, élu député des Landes en 1848, il n'a de cesse de combattre le protectionnisme et le socialisme, et de promouvoir le libre-échange et les droits de l'individu. Il a été la figure centrale de l'école de Paris.
Écrivain au style direct, ses écrits (articles ou pamphlets) manient les comparaisons pédagogiques et les fables satiriques, et visent à débusquer les principaux mythes ou sophismes entretenus autour de l'État (la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde), du socialisme (la spoliation légale), de la richesse (le profit de l'un est le profit de l'autre), de la solidarité (il m'est tout à fait impossible de concevoir la Fraternité légalement forcée, sans que la Liberté soit légalement détruite, et la Justice légalement foulée aux pieds), de l'impôt, de l'interventionnisme, du machinisme, etc.
La satire de Bastiat la plus célèbre (qui vise le protectionnisme) est sa pétition au Parlement français de la part des fabricants de chandelles [1], qui demandent à être protégés « de la compétition ruineuse d'un rival étranger » (qui s'avère finalement être le soleil !). Cette pétition s'achève par la demande d'une « loi qui ordonne la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes, (...) par lesquelles la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons ».
En matière économique, il insiste souvent sur la distinction entre ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas (on parlerait aujourd'hui des coûts cachés). Ce thème, élargi pour critiquer l'activité interventionniste de l'État, est développé à l'origine dans sa parabole de la vitre cassée. L'argent dépensé pour réparer une fenêtre cassée apportera du travail au réparateur ; ce dernier pourra augmenter ses dépenses, ce qui produira plus d'affaires pour d'autres. Ce qu'on ne voit pas ici, c'est comment l'argent aurait été dépensé si la fenêtre n'avait pas été cassée. La fenêtre cassée a seulement détourné de l'argent vers d'autres dépenses. Selon Bastiat, l'État agit continuellement de la sorte en prenant aux plus actifs pour subventionner des groupes d'intérêt, des associations corporatistes ou assister les inactifs.
L'accent qu'il met sur le rôle économique de l'individu consommateur en fait un précurseur d'économistes du XXe siècle tels que Ludwig von Mises, Friedrich Hayek ou Pascal Salin. Ronald Reagan a dit de lui qu'il était son économiste préféré.
Il a été redécouvert en France par Gilbert Fournier.

Libéral

De Wikiberal
 
Libéral est un terme emprunté au latin liberalis, « relatif à une personne de condition libre » qui connaît plusieurs acceptions :
  • anciennement (sens de l'adjectif liberalis en latin, voir [1]), ce qui convenait à un homme libre - arts libéraux, éducation libérale - ; aujourd’hui, profession libérale ;
  • qui aime à donner, qui se plaît à donner (latin liberalitas : libéralité, générosité) ;
  • qui est favorable aux libertés civiles et politiques, qui les favorise ;
Le premier emploi enregistré du terme libéral pour désigner un parti politique remonte aux Cortes de Cadix - assemblée constituante réunie dans cette ville espagnole entre 1810 et 1814, durant la Guerre d’Indépendance espagnole, contre l’invasion napoléonienne. De l’espagnol, ce sens politique du terme libéral passa à d’autres langues.
Les libéraux usent du terme libéral pour se référer à ce qui est en accord avec des lois fondamentales, qui trouvent leur consensus dans la Déclaration d’indépendance des États-Unis de 1776 et la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789, et qui, dans le même temps, n’impose aucune restriction, obligation, ni imposition d’aucune sorte si ce n'est pour garantir les droits repris dans la loi. Dans ce sens, le libéralisme est à l’origine de la démocratie moderne.
Liberal est également le nom de deux villes des États-Unis : Liberal, Kansas et Liberal, Missouri.

Note importante : aux États-Unis, au Canada et dans une moindre mesure au Royaume-Uni, le terme liberal possède maintenant un sens différent du français et désigne notamment ceux qui correspondraient aux sociaux-démocrates ou à la gauche progressiste non marxiste. Il convient donc de savoir dans quel contexte ce terme est employé, pour éviter les confusions. De même, ultraliberal ne désigne pas les prétendus "ultralibéraux", mais les gauchistes.
Également, de nombreux partis dans différents pays du monde se prétendent libéraux, bien que souvent la politique qu'ils préconisent soit davantage interventionniste que proprement libérale au vrai sens du terme.

L'anarcho-capitalisme serait-il un idéal de socièté ? La France des "Lumières" serait-elle toujours aussi innovante ?

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Les idées philosophiques précèdent toujours leur application. Il n'y a pas d'acte sans idée, il n'y a pas d'organisation sociale sans idée. Une fois qu'on a compris qu'un maximum de liberté est à la fois souhaitable et logiquement possible, on est naturellement amené à appeler de ses voeux une société anarchique, ou anarcho-capitaliste. 


 
Il se trouve de surcroit que l'histoire de l'humanité a été jusqu'à présent celle d'un perpétuel changement, qui grosso modo a conduit à une amélioration progressive. Pourquoi ne pas penser et souhaiter que l'on puisse arriver un jour à un stade avancé de liberté? Il n'y a là aucune contradiction. Être « concret » et « pragmatique » ne signifie pas qu'on souhaite bloquer la société au stade où elle est actuellement, qu'on refuse tout progrès ou toute avancée. Les anarcho-capitalistes ne sont pas, au contraire, des ultra-conservateurs qui refusent tout changement dans les coutumes de la société.

          Une fois assimilé le fait que l'avancée de la liberté politique coïncide nécessairement avec l'avancée du niveau matériel, scientifique, intellectuel et moral des masses, on peut également faire la réflexion suivante: qu'il serait inquiétant que l'humanité ait connu par le passé une anarchie généralisée et stable, car cela signifierait qu'il y a eu depuis une régression massive de la liberté et donc un retour à un stade antérieur de barbarie. Cela s'est déjà produit, quand par exemple suite à une guerre ou autre catastrophe, des démocraties sont revenues au stade de dictatures. Cela pourrait se produire également dans le futur au sein d'une hypothétique société libre – anarchique. C'est le fameux argument de « l'instabilité » de la société anarcho-capitaliste.

« L'instabilité » de la société anarcho-capitaliste

          Cette accusation d'instabilité est souvent évoquée par les adversaires de la liberté politique radicale – l'anarchie. Elle est symptomatique d'une difficulté à comprendre ce qui fait la stabilité d'une société.

          Imaginez que vous vous trouviez il y a quatre mille ans en Egypte et que vous tentiez de défendre l'idée de démocratie. Nul doute que personne ne vous accorderait plus de cinq minutes avant de vous traiter au minimum de doux rêveur. On vous rétorquerait que sans le Pharaon, la société sombrerait dans le désordre, la violence et le néant; que le Pharaon est le seul à pouvoir infléchir les dieux, et qu'il ne saurait être question de s'en passer. Vous seriez amené à entrer dans un débat métaphysique et épistémologique complexe face à des gens qui n'en connaissent pas les rudiments, en vain. La tâche des anarcho-capitalistes dans le monde actuel est du même ordre.

          Aucun gouvernement au monde n'est capable d'assurer la stabilité d'un système social. Cette stabilité est le produit de l'idée que les gens se font de leur système social. S'ils pensent massivement que la démocratie est le meilleur système, alors il y aura une démocratie, d'autant plus stable que l'idée est partagée. S'ils régressent et se prennent à croire qu'un dictateur est « nécessaire », au moins momentanément, alors il y aura une dictature. S'ils pensent qu'un Pharaon est indispensable, il y aura un pharaon, et cela peut durer des milliers d'années. Si un jour, une proportion suffisante de gens sont intimement persuadés que l'État – tout État – est par nature nuisible et qu'il faudrait l'abolir, alors il disparaîtra dans l'oubli général. La société anarcho-capitaliste verra alors le jour, et beaucoup de gens ne comprendront pas comment leurs ancêtres pouvaient croire à l'utilité de l'État. Et aucun groupe n'aura la moindre de chance de le rétablir en s'appuyant sur des arguments que tous considèreront désormais comme du boniment.

          La guerre contre l'État est une guerre d'idées. C'est une guerre de diffusion de l'information, d'explication, de pédagogie, de construction conceptuelle: il s'agit de comprendre que la liberté est bonne dans tous les domaines de l'existence, et d'autant plus qu'ils sont fondamentaux. Il s'agit de comprendre que toute restriction de la liberté introduit de la destruction et du désordre au détriment de la masse et au profit d'une petite élite. Tant que les gens n'auront pas compris cela, l'État prospérera. Le jour où ils l'auront compris, aucune force au monde, aucun groupe armé ne pourront empêcher la disparition inéluctable de l'État. Mais pour en arriver là, il faut accepter de prendre connaissance des écrits des auteurs libéraux, ce que la plupart des gens refusent farouchement de faire.

          Qu'est-ce qui empêche qu'un Pharaon prenne le pouvoir aujourd'hui en se réclamant d'Osiris ? Ce n'est ni la Police, ni l'Armée. C'est l'information qui est dans vos têtes, à vous qui me lisez. Cette information vous fera dire: « En voilà une idée loufoque! On n'a pas besoin de 'Pharaon'. » Vos descendants diront peut-être un jour: « En voilà une idée loufoque! On n'a pas besoin de 'Président de la République'. »

La société anarcho-capitaliste, une « utopie »?

          On entend souvent dire que l'anarcho-capitalisme est « utopique ». Tout dépend du sens qu'on veut donner à ce mot, bien sûr. « Utopie » n'est pas entendu ici au sens originel de l'île proto-communiste Utopia qui est manifestement inadapté à l'anarcho-capitalisme; je suppose qu'« utopie » désigne ici plutôt une société qui ne peut exister dans le monde réel parce que certaines de ses caractéristiques ne correspondent pas à la réalité métaphysique du monde.

          L'utopie communiste, par exemple, se fonde sur l'hypothèse de l'homme « nouveau », elle ne tient pas compte du fait que l'homme est ce qu'il est et pas autre chose. Par conséquent, elle doit nécessairement échouer, c'est-à-dire détruire, parce que l'homme n'est pas un homme « nouveau ». C'est une donnée métaphysique et quand on ne tient pas compte des données métaphysiques, on se heurte à un mur.

          L'utopie « anarcho-communiste » relève de la même erreur. Elle y ajoute de surcroît (au moins dans certaines de ses versions) l'idée que le monde sera « libéré de la rareté »: tous les biens seront disponibles pour tous en abondance. Cette théorie nie une donnée métaphysique, qui est justement la rareté des biens. Elle est donc « utopique » et ne peut que mener à des désastres. Elle veut également supprimer l'argent. Or l'argent est une condition métaphysique nécessaire à l'existence d'une société avancée, compte tenu de ce qu'est l'homme et de ce qu'est l'univers. Par conséquent, cette utopie ne peut pas prendre corps sans occasionner une régression épouvantable du niveau de vie des hommes. Il n'est besoin d'aucune expérience pour en avoir la certitude absolue.

          Rien de tel avec l'anarcho-capitalisme qui se fonde au contraire sur des arguments logiques et se garde de contredire toute donnée métaphysique. C'est au contraire par l'analyse fine de la nature de l'univers et de l'homme qu'on parvient à la conclusion de l'anarcho-capitalisme comme idéal de société. La tradition libérale qui y mène est d'abord une tradition du rationalisme, scrupuleusement respectueuse de la réalité et de la logique.

          C'est la raison pour laquelle je ne me dis pas particulièrement « anarcho-capitaliste », mais surtout rationaliste ou tout simplement réaliste. 


  par M. Mithra
Source: QL


Préface à l'édition électronique 2006

Pierre Lemieux (1988), L’anarcho-capitalisme. Paris: Les Presses Universitaires de France, 1988, 126 pp. Collection: Que sais-je?, no 2406. [Autorisation accordée par l'auteur le 18 novembre 2005.
 
Presque vingt ans ont passé depuis que j’ai écrit ce livre. Je le réécrirais aujourd’hui de manière différente. L’anarcho-capitalisme et les théories sous-jacentes ont fait l’objet de nombreuses recherches et d’une importante littérature autant philosophique qu’économique [1]. Du côté de l’économie, je n’avais pas mesuré l’importance des idées d’Anthony de Jasay, dont les premiers écrits sur l’anarcho-capitalisme [2] sont contemporains de mes propres écrits. Les travaux de Robert Axelrod et de Robert Sugden, auxquels j’ai introduit nombre de lecteurs français, ont été suivis d’une vaste littérature utilisant la théorie des jeux pour expliquer la coopération spontanée parmi des acteurs égoïstes.

Sous l’influence de de Jasay, mais également d’économistes néoclassiques [3] et de l’école du Public Choice [4], je suis devenu plus agnostique devant la construction théorique, à la Rothbard, de la société idéale de l’avenir. Même si je continue à croire que les fondements philosophiques de l’anarcho-capitalisme sont solides, j’insisterais maintenant davantage sur sa dimension économique. Plus économiste, j’utiliserais le présent ou le futur plutôt que le conditionnel. Au lieu de me laisser tenter par une éthique englobante comme celle de Rothbard ou de Rand, j’essaierais de ne faire intervenir qu’une éthique minimale, d’économiser sur l’éthique [5].

Bien que mon « Que sais-je ? » se voulait évidemment un exposé universitaire plutôt qu’un pamphlet politique, on peut se demander si l’anarcho-capitalisme est un idéal à poursuivre. Comme je l’ai expliqué dans un article récent [6], nous ne savons pas dans quelle mesure ni dans quelles conditions l’anarchie est possible dans une société moderne, ne serait-ce que parce que les États, qui infestent la planète entière, en rendent l’expérimentation extrêmement coûteuse. D’un point de vue théorique, Holcombe a bien défendu la thèse que l’État est inévitable et que, n’en déplaise à Rothbard, il n’est pas impensable que l’anarchie mène à un État pire que ceux sous lesquels nous vivons actuellement en Occident [7]. À l’encontre de ces doutes, notons que les États sont entre eux, sur la scène internationale, comme dans un état de nature [8]. Mais quelles conclusions peut-on en tirer quant à la possibilité d’anarchie parmi les individus ? De plus, il arrive souvent qu’un État gouverne ou essaie de gouverner la communauté des États : l’État britannique au 19e siècle, l’État américain aujourd’hui. Je demeure un anarchiste théorique, mais je crois que l’anarcho-capitalisme est plus un idéal à viser et une idée à expérimenter qu’un programme à la Rothbard.

Dans le court laps de temps qui sépare l’édition papier de l’édition électronique de L’anarcho-capitalisme, la progression de la tyrannie a été foudroyante. L’effondrement du bloc soviétique s’est accompagné de la soviétisation douce des États qui l’avaient combattu et qui ont inventé la tyrannie à visage humain. Amélioration, certes, pour les anciens esclaves du communisme, mais détérioration pour nous. Même en Amérique, les gens se sont habitués à être fichés et à porter le passeport intérieur que constituent les papiers d’identité officiels. Les techniques d’identité biométriques et les bracelets de surveillance (le cas emblématique étant celui de Martha Stewart à sa sortie de prison) ont fait leur apparition. Partout dans le monde, et peut-être davantage en Amérique, les gens se sont habitués à être fouillés. Les prisons sont remplies de gens qui ont commis des crimes qui s’appelaient des libertés il y a à peine quelques décennies.

L’État monstrueux que l’on connaît maintenant n’est pas un produit du 9 septembre 2001 : c’est parce qu’ils avaient déjà des pouvoirs inouïs que « nos » États ont pu se servir de la « guerre à la terreur » pour écraser davantage nos libertés. Contrôle des marchés financiers au nom de la répression des transactions d’initiés, contrôle des entreprises pour motifs d’« éthique » ou de « gouvernance », lutte à la drogue puis au tabac, contrôle des transactions monétaires pour contrer le « blanchiment d’argent », généré lui-même en bonne partie par des crimes fabriqués par l’État, renforcement des contrôles des armes à feu aux mains de quiconque n’est pas un agent de l’autorité, limitations de la liberté d’expression au nom du prétexte du jour, pouvoirs accrus de la police – toutes ces mesures avaient commencé bien avant 9/11, et l’État n’a fait qu’ajouter « terrorisme » aux raisons antérieures pour contrôler ses sujets.

Les grands prêtres de la religion environnementale continuent de s’improviser porte-parole des générations futures, dont ils présument qu’elles seront satisfaites d’un monde vert d’esclaves heureux. De plus en plus ouvertement, l’État favorise ses clientèles électorales les plus fidèles et déclare la guerre aux styles de vie qui le menacent, qu’il s’agisse des fumeurs, des chasseurs, des propriétaires d’armes, des entrepreneurs et financiers innovateurs – bref, de ceux qui n’aiment pas se soumettre.

Sans doute le totalitarisme islamiste est-il menaçant, car il nous ferait passer de Charybde en Scylla, d’une tyrannie douce à une tyrannie dure. L’État, « notre » État, répond à la menace totalitaire en devenant lui-même plus totalitaire. Pour paraphraser Auberon Herbert, dans son article « The Ethics of Dynamite » [9], les tyrans islamistes ne sont que le nec plus ultra de l’État.

À l’aube du 21e siècle, l’important n’est-il pas de comprendre comment le Léviathan avance et comment l’enchaîner, plutôt que de théoriser sur l’idéal d’une liberté totale ?

Et pourtant, il est difficile d’imaginer l’avenir de l’humanité sous le joug de cette institution fruste et dangereuse qu’est l’État. Des troupeaux d’hommes sont forcés, officiellement pour leur propre bien, de payer des impôts qui servent essentiellement à favoriser certains d’entre eux et à enrégimenter et contrôler tout le monde. À la manière dont les choses progressent, l’argument de Rothbard selon lequel nous n’avons rien à perdre à essayer l’anarchie risque fort de devenir incontournable.

Et pourtant, si nous ignorons les idées philosophiques et économiques qui soutiennent l’anarcho-capitalisme, nous serons incapables de transmettre aux nouvelles générations les idées nécessaires pour critiquer et combattre l’État. J’espère que ce petit livre, écrit dans la grande noirceur du 20e siècle, servira de témoignage et, pour certains, de point de départ pour une périlleuse mais fascinante réflexion.

[PL / Préface Anarcho-capitalisme v4.doc — 13 février 2006 à 05:56— Ce texte compte 5664 signes, ou 1031 mots.]


[1]      Voir, par exemple, John T. Sanders et Jan Narveson, For and Against the State, Rowan and Littlefield, 1996; et la recension que j’y ai consacrée sous le titre « Sommes-nous moralement tenus d’obéir aux lois ? », Figaro-Économie, 12 septembre 1996. (Les articles que j’ai publiés après 1995 sont généralement disponibles à www.pierrelemieux.org.) Le petit livre de Jasmin Guénette, La Production privée de la sécurité (Montréal, Varia, 2005) fait état de plusieurs recherches récentes. Il faut lire le débat entre Randall Holcombe et, d’autre part, Peter Leeson et Edeard Stringham dans les numéros de l’hiver 2004 et du printemps 2005 de The Independent Review, disponible à www.independent.org/publications/tir/.
[2]      Anthony de Jasay, The State (première edition: 1985), Indianapolis, Liberty Fund, 1998.
[3]      Voir notamment les ouvrages de David Friedman ; le dernier est Law’s Order. What Economics Has to Do with Law and Why It Matters, Princeton, Princeton University Press, 2000.
[4]      Voir Pierre Lemieux, « The Public Choice Revolution », Regulation, vol. 27, no 3 (automne 2004), p. 24-29, disponible à http://www.cato.org/pubs/regulation/regv27n3/v27n3-2.pdf.
[5]      Anthony de Jasay, « Before Resorting to Politics », in Against Politics : On Government, Anarchy, and Order, London et New York, Rougledge, 1997, p. 143-191.
[6]      Pierre Lemieux, « Explaining the State », Laissez Faire Electronic Times, 10 juin 2002, reproduit à www.pierrelemieux.org/artstate.html.
[7]      Randall G. Holcombe, « Government : Unnecessary but Inevitable », The Independent Review, vol. 8, no 3 (hiver 2004), p. 325-342.
[8]      Voir Peter T. Leeson et Edward P. Stringham, « Is Government Inevitable ? Comment on Holcombe’s Analysis », The Independent Review, vol. 9, no 4 (printemps 2005), p. 543-549.
[9]      Parlant des anarchistes de son époque qui protestaient à la dynamite, Herbert écrivait: « Dynamite is [...] a purer essence of government, more concentrated and intensified, than has ever been employed. It is government in a nutshell, government stripped, as some of us aver, of all its dearly beloved fictions, ballot boxes, political parties, House of Commons oratory, and all the rest of it. How, indeed, is it possible to govern more effectively, or in more abbreviated form, than to say: “Do this – or don’t do this – unless you desire that a pound of dynamite should be placed tomorrow in your groundfloor study.” It is the perfection, the ne plus ultra, of government. » Cet article de 1894 est reproduit dans Auberon Herbert, The Right and Wrong of the State, and Other Essays, Indianapolis, Liberty Fund, 1978, p. 191-226.


Pierre Lemieux
Professeur associé
Université du Québec en Outaouais
le 18 novembre 2005






Au sens propre du terme, l’anarcho-capitalisme est la doctrine selon laquelle une société capitaliste sans État est économiquement efficace et moralement désirable. 

L’anarcho-capitalisme se distingue des doctrines pro-capitalistes orthodoxes en ce qu’il étend l’anarchie constitutive de l’économie capitaliste à tous les domaines: même quand il s’agit d’offrir les services de sécurité publique (police, tribunaux, défense nationale), l’État devrait céder sa place à des entreprises ou des associations libres, pri- vées et concurrentielles. L’anarcho-capitalisme se distingue de l’anarchisme traditionnel de deux manières: d’abord, loin de nier la propriété privée, il se fonde sur elle pour réconcilier les multiples actions individuelles; ensuite, après avoir posé l’égalité formelle de tous les individus en droit, l’anarcho-capitalisme admet les inégalités matérielles que produit ou cautionne la liberté totale. L’anarcho-capitalisme se présente ainsi comme la limite et le mariage des deux doctrines: la liberté de l’anarchisme s’étend à l’économie, et la liberté capitaliste envahit le social et les conditions de base de la vie en société.


 Les précurseurs
 
Conjonction de l’anarchisme et du capitalisme, l’anarcho-capitalisme a trouvé ses premiers précurseurs chez les économistes libéraux classiques d’une part et chez les anarchistes individualistes d’autre part. 

Les économistes libéraux classiques découvrirent et expliquèrent le fait essentiel que la liberté engendre l’ordre. Déjà, dans sa Fable des abeilles publiée en 1714, le médecin londonien Bernard de Mande- ville (1670-1733) avait soutenu que les vices privés sont des bienfaits publics. Adam Smith (1723-1790) reprendra cette idée dans sa célèbre Richesse des nations (1776): en cherchant son intérêt individuel, l’individu est amené pas une main invisible à travailler pour l’intérêt de la société. Au moment où Adam Smith exposait ses théories empiristes en Angleterre, florissait en France l’école rationaliste des physiocrates, à laquelle se rattachent notamment François Quesnay (1694- 1774), Pierre Dupont de Nemours (1739-1817), Pierre Mercier de la Rivière (1720-1793), Robert Jacques Turgot (1727-1781). Les phy- siocrates veulent substituer l’empire de la nature, de la raison et du droit naturel à l’autorité arbitraire du souverain. 
La liberté s’identifie à la maxime « laissez faire, laissez passer » qu’ils reprennent (Selon Albert Schatz, cette maxime remonte au « laissez-nous faire » servi par l'industriel Legendre à Colbert qui lui demandait ce que le roi pourrait faire pour le commerce, ou peut-être au « laissez faire, morbleu! » de d'Argenson, apôtre du libre-échange.) pour réclamer la liberté de l’industrie et du commerce. L’intérêt personnel gouvernant, « Le monde va alors de lui-même », écrit Mercier de la Rivière. Les économistes libéraux français du XIXe siècle comme Jean-Baptiste Say (1767-1832), Charles Dunoyer (1786-1863) ou Frédéric Bastiat (1801-1850) occupent une place de choix dans la tradition libérale, ne serait-ce que pour avoir amené le courant économique si près de l’anarcho-capitalisme. 
Parmi les précurseurs, un deuxième grand courant de pensée converge (avec les économistes libéraux) vers l’anarcho-capitalisme: il s’agit de l’anarchisme individualiste, représenté par les Anglais William Godwin (1756-1836) et Herbert Read (1893-1968), l’Allemand Max Stirner (1806-1856), le Français Pierre-Joseph Proudhon (1809- 1864), les Américains Ralph Waldo Emerson (1803-1882), Henry David Thoreau (1817-1862), Josiah Warren (1798-1874), Lysander Spooner (1808-1887), et Benjamin Tucker (1854-1939). Celui-ci écrivait:

 « Les anarchistes sont simplement des démocrates jeffersoniens impavides. Ils croient que “le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins” et que le gouvernement qui gouverne le moins n’existe pas. »
 
Le premier anarcho-capitaliste: Gustave de Molinari 

Le mariage des deux courants fut consommé par Gustave de Molinari (1819-1912), économiste français d’origine belge, qui fut le premier anarcho-capitaliste au sens contemporain. Gustave de Molinari croyait à une loi naturelle qui définit un droit individuel équivalent à la « souveraineté individuelle ». Dans une approche tout à fait lockéenne, il écrivait: 

« La souveraineté réside dans la propriété de l’individu sur sa personne et sur ses biens et dans la liberté d’en disposer, impliquant le droit de garantir lui-même sa propriété et sa liberté ou de les faire garantir par autrui... Si un individu ou une collection d’individus use de sa souveraineté pour fonder un établissement destiné à pourvoir à la satisfaction d’un besoin quelconque, il a le droit de l’exploiter et de le diriger suivant les impulsions de son intérêt, comme aussi de fixer à son gré le prix de ses produits et de ses services. C’est le droit souverain du producteur. Mais ce droit est limité naturellement par celui des autres individus non moins souverains, considérés en leur double qualité de producteurs et de consommateurs. » 

À cette théorie du droit, Molinari ajoute les conclusions des économistes libéraux classiques, qu’il pousse à la limite de leur logique.
 
Tout ce qui est demandé peut être produit sur le marché. Dans Les soirées de la rue Saint-Lazarre, qui se présente comme un dialogue socratique entre un socialiste, un conservateur et un économiste c’est-à-dire un libéral, Molinari explique que, la propriété étant le fondement des « lois naturelles, immuables et absolues » qui gouvernent la société, la liberté du travail et la liberté contractuelle favorisent l’intérêt de tous, le libre-échange est efficace, « l’intervention du gouvernement dans la production est toujours nécessairement nuisible », même dans la production de la monnaie. Le domaine public et les routes pourraient être avantageusement privatisés: des entrepreneurs formeraient des compagnies immobilières pour construire des villes, des routes et les autres biens publics que les individus recherchent, et demanderaient un loyer aux clients qui s’y établiraient. 

La justice et l’efficacité du marché valent aussi pour la protection ou sécurité publique. Se présentant comme un « économiste radical », Molinari exposa d’abord cette thèse anarcho-capitaliste dans deux oeuvres parues en 1849, son ouvrage Les soirées de la rue Saint- Lazarre et son célèbre article « De la production de la sécurité » publié dans le Journal des Économistes

« Ou le communisme vaut mieux que la liberté, et, dans ce cas, il faut organiser toutes les industries en commun, dans l’État ou dans la commune.
Ou la liberté est préférable au communisme, et, dans ce cas, il faut rendre libres toutes les industries encore organisées en commun, aussi bien la justice et la police que l’enseignement, les cultes, les transports, la fabrication des tabacs, etc... » 

Reconnaître au gouvernement un monopole de la production de la sécurité est incompatible avec le principe général des avantages de la libre concurrence. Le monopole étatique de la sécurité débouche sou- vent sur le communisme et toujours sur la terreur et la guerre. Il faut lutter pour « la liberté de gouvernement » en laissant le marché organiser et fournir la sécurité. 

Contrairement à la société, un « fait purement naturel » répondant aux besoins des hommes et à leur instinct de sociabilité, le gouverne- ment est une institution « artificielle », dont l’objet est de « garantir à chacun la possession paisible de sa personne et de ses biens », de pourvoir au besoin de sécurité qu’engendrent la violence et la ruse de certains individus. Le gouvernement est donc nécessaire mais le principe économique des avantages de la libre concurrence s’y applique: le gouvernement même doit être concurrentiel, « la production de la sécurité doit, comme toute autre, être soumise à la loi de libre concurrence ». 
 
« Un seul gouvernement, explique-t-il, n’est pas plus nécessaire pour constituer l’unité d’un peuple, qu’une seule banque, un seul établissement d’éducation, un seul culte, un seul magasin d’épiceries, etc. » 

Les seuls autres principes qui puissent gouverner « l’industrie de la sécurité », et qui la gouvernent de nos jours, sont « ceux du monopole et du communisme ». Aucune raison ne justifie de faire du gouvernement, de l’industrie de la sécurité, une exception au principe que la libre concurrence est préférable au monopole et au communisme. 

Les gouvernements, dit Molinari, ne savent pas mieux gouverner que les gens eux-mêmes. Il conçoit une société où, comme tous les autres biens et services, la sécurité serait librement échangée sur le marché. Pour prévenir ou réprimer les agressions contre lui, un individu achèterait des services de sécurité auprès du producteur ou assureur de son choix. « Chacun s’abonnerait à la compagnie qui lui inspirerait le plus de confiance et dont les conditions lui sembleraient les plus favorables », écrivait-il aussi dans Les soirées de la rue Saint-Lazarre. Un individu pourrait évidemment choisir de se protéger lui-même, mais les avantages de la division du travail joueraient là comme ailleurs. Les consommateurs jetteraient leur dévolu sur des fournisseurs offrant des conditions économiques intéressantes et aussi des « garan- ties morales » de justice. Chacun accepterait de se soumettre à sa compagnie de sécurité au cas où il se rendrait lui-même coupable de « sévices contre les personnes ou les propriétés », et tous accepteraient « certaines gênes » pour faciliter le travail de la justice. 

Molinari croyait que des monopoles territoriaux apparaîtraient naturellement dans le marché de la sécurité. Mais ils ne mettraient en péril ni la justice ni l’efficacité puisque chaque producteur voudrait conserver la loyauté de sa clientèle devant les concurrents en puissance, qui n’attendraient qu’un signal d’insatisfaction des clients pour pénétrer dans le marché: « En cas d’une augmentation abusive du prix de la sécurité, [les consommateurs] auront, en effet, toujours la faculté de donner leur clientèle à un nouvel entrepreneur, ou à l’entrepreneur voisin. » 
 
Si, comme l’écrit Molinari, « la production de la sécurité doit, dans l’intérêt des consommateurs de cette denrée immatérielle, demeurer soumise à la loi de la libre concurrence », il résulte qu’« aucun gouvernement ne devrait avoir la droit d’empêcher un autre gouverne- ment de s’établir concurremment avec lui, ou d’obliger les consom- mateurs de sécurité de s’adresser exclusivement à lui pour cette denrée ». La concurrence entre les monopoles régionaux de facto détenus par diverses compagnies de sécurité dont aucune ne détiendrait de monopole de jure produirait la liberté de gouvernement. 

La guerre et l’oppression disparaîtront avec l’organisation mono-polistique qui les maintient: « De même que la guerre est la conséquence naturelle du monopole, la paix est la conséquence naturelle de la liberté. » L’autorité que les consommateurs délèguent à leurs producteurs de sécurité sera une « autorité acceptée et respectée au nom de l’utilité et non l’autorité imposée par la terreur ». « Nous sommes bien convaincus [...], écrivait Molinari en conclusion de son article de 1849, que des associations s’établiront un jour pour réclamer la liberté de gouvernement, comme il s’en est établi pour réclamer la liberté de commerce ». 

Les libertariens d’aujourd’hui perpétuent cette union entre l’anarchisme et le capitalisme, quoique l’éventail des idées libertariennes embrasse un vaste courant dont l’anarcho-capitalisme n’est que la fine pointe. 




L’anarcho-capitalisme
Conclusion 
L’anarcho-capitalisme affirme que l’anarchie qui a partie liée avec le capitalisme est possible et désirable. C’est un courant de pensée riche qui fait appel à des théories politiques et économiques parmi les plus avancées de notre temps. Réhabilitant à la fois la valeur du capitalisme et la faisabilité de l’anarchie, l’anarcho-capitalisme rénove et le vieux rêve libertaire et l’idéal libéral. 

Il y a une belle continuité entre Mercier de la Rivière, qui voyait que, sous le régime de l'intérêt individuel, « Le monde va alors de lui- même », et Murray Rothbard, pour qui « L’impôt est du vol pur et simple », en passant par les fortes tirades de Lysander Spooner sur les lois de « nos soi-disant ambassadeurs, ministres, présidents et séna- teurs » qui « n’imposent pas plus d’obligations que n’en créent les ententes que les brigands, les bandits et les pirates jugent utile de conclure entre eux ». 

Bien qu’inachevée et souffrant d’incohérences parmi ses différentes école, l’anarcho-capitalisme demeure une doctrine séduisante qui impose une remise en question des idées collectivistes, étatistes et égalitaristes qui ont tant marqué le XXe siècle. L’anarcho-capitalisme met en lumière les grandeurs et les limitations du libéralisme et de l’anarchisme dont il procède. Il fournit un modèle et une Utopie libérale. Il apporte une contribution heuristique majeure à l’économie, à l’éthique, au droit et à la politique. La contribution de l’anarcho- capitalisme se limitera-t-elle à cela, ou peut-on espérer que l’avancement de l’humanité et le progrès de la civilisation consommeront un jour le mariage des deux grands idéaux modernes que sont l’anarchisme et le libéralisme?

 Anarcho-capitalisme

De Wikiberal
L'anarcho-capitalisme est la combinaison du libéralisme ainsi que d'une philosophie individualiste : une philosophie individualiste du droit basée sur la non-agression.
Sont légitimes toutes les interactions entre adultes consentants ; sont illégitimes toutes les atteintes à la propriété d'un tiers non consentant.
Les anarcho-capitalistes considèrent que nul ne peut déléguer à autrui que des droits qu'il possède individuellement, et que nul n'ayant le droit d'agresser autrui et de lui imposer ses valeurs, nul n'a a fortiori le droit d'investir un État de ce droit.
Un État ne saurait avoir de légitimité qu'auprès de ceux qui l'auraient individuellement accepté - c'est pourquoi les contributions obligatoires (impôts directs et indirects, etc.), les règlementations étatiques (législation, décrets, mesures administratives, etc.) sont illégitimes, à moins de ne s'appliquer qu'à ceux qui les acceptent volontairement, auquel cas elles perdent leur caractère obligatoire et étatique. Une autre façon de présenter leurs idées est donc la panarchie

Origine du terme "anarcho-capitalisme"

Bien que la notion d'anarcho-capitalisme existe depuis le XIXe siècle (publication en 1849 de De la production de la sécurité par Gustave de Molinari dans le Journal des économistes, premier exposé de l'anarcho-capitalisme), le terme a été inventé par Murray Rothbard autour de 1950. A cette époque, Rothbard se rend compte, au cours de discussions avec des étudiants de gauche, de la contradiction qu'il y a à être partisan à la fois d'une économie de marché libre à tous points de vue et d'une police d'État :
« Ma position dans son ensemble était incohérente. Il n'y avait plus que deux possibilités logiques : le socialisme, ou l'anarchisme. Comme il était hors de question pour moi de devenir socialiste, une logique irrésistible m'a conduit à être un anarchiste de la propriété privée, ou comme je devais l'appeler plus tard, un anarcho-capitaliste. »
    — Murray Rothbard
On devrait sans doute préférer le terme d'anarchisme de marché, car le terme de capitalisme garde un sens historique de capitalisme en complicité avec l'État.

Libéralisme

Searchtool-80%.png Article connexe : libéralisme.
Les anarcho-capitalistes rejettent la vision selon laquelle il y aurait une sphère d'activité économique et une sphère d'activité politique.
C'est l'État qui, pour des raisons fiscales, appelle « économiques » les activités qu'il peut exploiter (taxer, réglementer à son profit), « politiques » les activités qu'il promeut aux dépens des exploités, et « personnelles » les activités qui lui échappent. Pour eux, il faut abolir l'agression des citoyens par l'État, et alors la sphère « politique » est réduite à néant, cependant que la distinction entre « personnel » et « économique » devient non pertinente, puisque tout échappe au parasitisme fiscal.
Pour eux, l'économie est une science, un point de vue sur l'ensemble de l'activité humaine.
Ils se réclament comme successeurs de l'école libérale classique (dont le meilleur représentant selon eux est Frédéric Bastiat), et de l'école autrichienne (dont le meilleur représentant est Ludwig von Mises).
Ils se réclament d'ailleurs de Gustave de Molinari, successeur de Bastiat, et de Murray Rothbard, successeur de Mises, qui sont allés jusqu'au bout du libéralisme, en refusant complètement toute légitimité à l'État.
Pour eux, l'économie qui a un sens est la praxéologie, l'étude logique de l'action humaine. Ils rejettent les points de vue étatistes sur l'économie, tels que développés par les néo-classiques, économétristes, statisticiens, keynésiens et marxistes.

Capitalisme

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Les anarcho-capitalistes sont capitalistes dans le sens qu'ils revendiquent un système où chaque être humain est pleinement propriétaire de lui-même, des fruits de son travail, et de ce qu'il a obtenu de la coopération volontaire d'autrui, par échange ou par don.
Tout être humain est aussi comptable de ses actes, tenu par les engagements qu'il prend, responsable des pertes de son travail, et débiteur pour les torts qu'il a causé à des tiers non consentants.
Est un capital tout ce qui reste du travail et qui n'a pas été consommé immédiatement - le capital appartient donc à celui qui l'a créé. Toute propriété est un capital. Chacun est propriétaire du capital qu'il a créé. La mise en commun du capital, la répartition des tâches et des responsabilités, la spécialisation des compétences et l'échange des services sont des moyens complémentaires d'être plus productif, i.e. de produire davantage de satisfactions. Et la garantie que ces moyens bénéficient à tous est que chacun peut décider librement de participer ou de ne pas participer aux termes de l'accord — c'est le caractère volontaire d'un accord qui est garant tout à la fois et de sa légitimité et de son caractère bénéfique.
Une autre façon de comprendre l'anarcho-capitalisme est donc le volontarisme.

Individualisme

Searchtool-80%.png Article connexe : Individualisme.
Leur ontologie est individualiste, et en cela ils sont proches des libéraux, y compris des minarchistes, et aux antipodes des socialistes, collectivistes, etc.
Si les anarcho-capitalistes rejoignent les anarchistes socialistes quant à la critique de l'État, cependant ils rejettent le collectivisme libertaire qui est une des tendances de l'anarchisme, qui n'aboutit selon eux qu'à recréer l'État sous des noms nouveaux (syndicats, communautés...).
Individualisme et collectivisme sont donc plus essentiels qu'anarchisme et étatisme pour définir la façon de penser des gens.
On peut donc aussi comprendre l'anarcho-capitalisme comme un individualisme radical.
La partie « capitalisme » de l'anarcho-« capitalisme » n'est évidemment pas un capitalisme d'État, mais un système d'échanges entre individus consentants ou entre organisations volontaires (une entreprise n'étant vue que comme un « ensemble de contrats »). Cela n'empêche aucunement l'existence de communautés pratiquant un socialisme volontaire avec propriété commune, tant que celui-ci n'est pas coercitif.

Anarchisme

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L'État n'ayant aucune justification doit être aboli, l'ensemble de ses fonctions étant confié au secteur privé (éducation, santé, défense, justice, police, monnaie, etc). La justice est alors rendue par des tribunaux arbitraux. La monnaie est créée par des monnayeurs. Ces monnayeurs peuvent être des banques libres.
L'anarchisme des anarcho-capitalistes diffère de celui des anarcho-communistes (ou -syndicalistes) qui prônent l'abolition de toute propriété privée, ce qui pour les anarcho-capitalistes est une absurdité. En effet, une société sans propriété privée serait caractérisée par l'interdiction systématique d'employer quelque ressource que ce soit sans l'accord de tout le monde, de sorte que, comme le dit Hans-Hermann Hoppe, « littéralement personne ne serait jamais autorisé à faire quoi que ce soit avec quoi que ce soit ».
Pour les anarcho-capitalistes, la propriété privée n'est pas quelque chose qui serait institué par l’État (et donc qui disparaîtrait en même temps que l’État dans un contexte anarchiste), c'est un état de choses qui apparaît naturellement (au même titre que l'échange) dans le contexte de rareté des biens qui est celui de la condition humaine. La propriété peut également devenir collective dès lors qu'il y a consentement des acteurs concernés.

Les tendances

On peut distinguer au moins deux tendances anarcho-capitalistes :
La différence principale entre les deux est que les jusnaturalistes invoquent des principes a priori, comme la non-agression, pour indiquer ce qui est "bon socialement", alors que les utilitaristes s'en remettent entièrement au marché pour le découvrir a posteriori. Les uns sont ainsi plutôt kantiens, les autres davantage hayekiens.
Par exemple, pour un jusnaturaliste le droit appliqué dans la société devrait être le même partout, comme reflet d'un droit naturel unique, les seules différences d'une juridiction à l'autre relevant de la convention ou de la procédure. Pour un utilitariste à la Friedman, chaque tribunal privé applique son propre droit et donc plusieurs législations peuvent coexister dans une même société (ces législations pourraient, ou non, converger vers une espèce de droit naturel).

Questions et objections fréquentes

Parce que l'anarcho-capitalisme constitue une rupture de paradigme par rapport au modèle d'organisation étatique, il suscite d'innombrables questions. Trouvez quelques réponses dans la FAQ anarcho-capitaliste.

Auteurs

Voir aussi anarcho-capitalistes.




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