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décembre 17, 2014

La corruption par Rothbard - Lemennicier - Lafay

L'Université Liberté, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

 Sommaire:

A) - Citation de Jean-François Revel

B) -  La corruption, une vision de Bertrand Lemennicier

C) - Faut-il encourager la corruption des hommes politiques ?


D) - Corrompre les fonctionnaires du gouvernement par Rothbard 

E) - L'économie de la corruption par Jean- Dominique Lafay

F) -  Corruption de Wikiberal

G) -  Toute la corruption avec Contrepoints

H) - Histoire secrète de la corruption sous la Ve République : quand les ayatollahs finançaient le PS (en lien)

 A)
« Les socialistes ont une si haute idée de leur propre moralité qu’on croirait presque, à les entendre, qu’ils rendent la corruption honnête en s’y livrant... Ce n’est point simple complaisance à soi, mécanisme psychologique banal. Cet homme n’est point isolé, il est accompagné, soutenu par la puissance sacrée de l’idéologie, qui capitonne sa conscience et le pousse à penser qu’étant lui-même à la source de toute vertu, il ne saurait secréter que de bonnes actions. »


B) -  La corruption, une vision de Bertrand Lemennicier
 Les médias font beaucoup de bruit à propos de la mise en garde à vue et puis en examen de l'ex Président de la République Nicolas Sarkozy par deux juges d'instruction dont l'une d'entre elle est parait-il  membre du syndicat de la magistrature. Les partisans de Nicolas Sarkozy s'inquiètent et ses adversaires se réjouissent. 
Où est le problème ? 
Pourquoi s'inquiéter? 
Alain Juppé, qui pourrait devenir le prochain Président de la République, a été mis en examen puis condamné et réélu!
68% des Français estiment que la corruption est très répandue et 62% pensent qu'on ne peut réussir en affaires sans avoir de relations avec les politiciens. Quant aux chefs d'entreprises, ils sont 59% à être confrontés à cette corruption dans l'exercice de leur activité.
Cette corruption perturbe considérablement l'initiative économique et la concurrence et finit par coûter cher à tout le monde.
Emmanuel Lechypre.

http://www.franceinfo.fr/economie/la-...


Cambadélis, Premier secrétaire du parti socialiste a été mis en examen condamné et réélu, il se pavane à la télévision sans qu'on lui rappelle ses frasques. Jean Marc Ayrault, mis en examen puis condamné a été réélu et  est même devenu Premier Ministre. Harlem désir mis en examen, condamné est devenu Premier secrétaire du parti socialiste et en récompense de sa réussite dans ce poste est devenu Ministre des affaires européennes! Nicolas Sarkozy n'a rien à craindre. Il peut se représenter, sauf si la mise en examen se traduit par une condamnation à une inéligibilité qui va au delà de 2017. Mais il est assez jeune pour se représenter en 2023. Hollande a tort de croire que des mises en examen et des condamnations pour corruption suffisent à arrêter ses adversaires. Seules inéligibilité à vie est efficace. On peut même la rendre rétroactive cela fera le ménage dans tous les partis.

En fait la corruption politique est souvent jugée comme un acte immoral et contraire à la mission de nos élus politiques. Certains d’entre eux utiliseraient le pouvoir qui leur a été confié pour servir leurs intérêts privés et non l’intérêt public pour lequel leurs mandataires (les électeurs) les ont choisis. 

Mais s'il est corrompu parce qu'il renonce à commettre un forfait - c'est-à-dire à délivrer un permis, une faveur, un marché, une subvention sachant que cette action se fait au détriment d'un citoyen, d'un concurrent ou d'un groupe de citoyens ( les contribuables) - contre une somme d'argent n'est-ce pas un bien?

Dans l'affaire des écoutes téléphoniques, ne s'agit-il pas d'un trafic d'influence pour résister à une violation d'un droit de propriété sur soi? Qui est l'agresseur ? Qui est la victime? Il est vrai que tout ce petit monde, juges d'instruction du Syndicat de la Magistrature compris se comportent ainsi parce qu'ils convoitent tous le "pouvoir absolu"  sur le Droit de nous dicter ce que nous devons faire ou ne pas faire. Ils ne sont pas habilités à décider de nos vies et ils devraient se rappeler que 
"Le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument" 
Lord Acton.


Nous devons distinguer entre un pot-de-vin intrusif et un pot-de-vin défensif. le pot-de-vin défensif est ce dont nous avons parlé ; c'est-à-dire l'achat d'une permission d'opérer après qu'une activité a été déclarée illégale. D'un autre côté, un pot-de-vin payé pour obtenir l'exclusivité ou la quasi-exclusivité d'une permission, empêchant les autres d'entrer dans le domaine, est un exemple de pot-de-vin intrusif, un paiement pour l'octroi d'un privilège de monopole. Le premier cas est un mouvement significatif pour se rapprocher du marché libre, le second est un mouvement pour s'en éloigner. Ÿ

M.Rothbard 1976 “ Power and Market”; edited by Sheed Andrews et McMeel, 1976, chapter 3,pp.77-79




C) - Faut-il encourager la corruption des hommes politiques ? 


La réponse est positive si nous définissons correctement le concept de corruption

La corruption politique est souvent jugée comme un acte immoral et contraire à la mission de nos élus politiques. Certains d'entre eux utiliseraient le pouvoir qui leur a été confié pour servir leurs intérêts privés et non l'intérêt public pour lequel leurs mandataires (les électeurs) les ont choisis.

Payer un homme politique pour qu'il renonce à sa prédation au profit de ses électeurs est une avancée vers la liberté. C'est de la corruption défensive.  Payer un homme politique ou élire et réélire un homme politique pour qu'il commette des actes qui consiste à violer la liberté de certains citoyens pour le profit d'autres citoyens est un crime. C'est donc un mouvement pour s'éloigner de la liberté. On parle de corruption offensive. Malheureusement, les deux sont les facettes d'une même pièce: la démocratie.

Prenons l'exemple de la conscription militaire. Pour assurer la protection militaire du territoire d'une destruction et/ou d'une invasion massive, les propriétaires terriens demandent à l'homme politique d'entretenir une armée puissante. Ce dernier décide de la conscription au lieu d'une armée fondée sur le volontariat. Par cet acte politique, la conscription (qui n'est pas abolie en France mais suspendue et réduite à une journée qui consiste à recenser toute une classe d'âge avec pour sanction si vous cherchez à y échapper une interdiction de passer le baccalauréat!), viole  le droit élémentaire d'un individu de disposer de lui même comme il l'entend. Faute de pouvoir déclarer inconstitutionnelle une telle obligation  acheter l'homme politique pour échapper à cette contrainte légale est un "bien" ou une avancée vers la liberté individuelle.

Il s'agit bien d'acheter la permission d'exercer son métier quand celui-ci  a été interdit pour une période donnée par l'homme politique pour cause de STO (service de travail obligatoire)  à l'armée. Le salaire perdu par l'individu qui est obligé de renoncer à une année de travail lorsqu'on l'engage, sans son consentement, dans l'armée  mesure en gros le dommage qu'on lui inflige. A 2000 euros par mois de salaire potentiel sur le marché du travail, le conscrit, pour douze mois de service obligatoire, peut acheter sa liberté à l'homme de l'Etat pour au moins une 20 000 euros, il a  un profit positif de 4000 euros. Si celui-ci est incorruptible, il donne 20 000 euros à une personne plus pauvre que lui pour que celui-ci aille faire le service militaire à sa place. Si ce dernier a un salaire potentiel inférieur à 1000 euros par mois, faire le service militaire à la place d'un autre est un gain pour lui. L'échange est bénéfique. L'armée dispose de sa main d'œuvre dont la valeur de la vie peut-être sacrifiée à un coût plus faible.

Les élus sont très nombreux à voter l'implantation d'éoliennes pour encaisser l'argent pour leur propre compte.
Ces élus corrompus touchent ainsi plusieurs milliers d'euros chaque année en confondant leurs intérêts personnels avec ceux de leur commune.
Ils tombent donc sous le coup de la loi qui précise bien que cette prise illégale d'intérêts est passible de 5 ans de prison et de 500 000 euros d'amende.



Maintenant remplaçons service militaire par obligation d'avoir un permis de conduire, un passeport français, de porter une ceinture de sécurité en voiture,  de limiter sa vitesse sur les routes, de ne pas importer des produits ou  êtres humains sur le territoire, d'établir un super marché en centre ville ou en périphérie, ou  d'exploiter un réseau de services des eaux ou de vendre des armes  etc.. La liste est infinie.   Il existe, en fait, un grand nombre d'occasions de corruption  où la même analyse peut s'appliquer.  Le promoteur immobilier achète via une soulte au Maire le droit de construire un immeuble, le super marché Leclerc a fait de même pour localiser ses magasins en centre ville. On va retrouver un problème identique. Il faut donc diagnostiquer le caractère intrusif ou défensif de la corruption.
Un chef d'entreprise, seul ou en groupe, des citoyens en associations  qui promettent de soutenir en espèces ou en nature l'homme politique au moment de son élection ou réélection en contrepartie de l'obtention d'un privilège, d'une rente de situation  ou  de subventions qui vont satisfaire leurs intérêts ou idéaux personnels font de la corruption offensive. L'homme politique en donnant satisfaction à ces groupes de pression exécute un crime. Il sait qu'il va frapper directement un autre groupe de citoyens et de manière collatérale, via la fiscalité,  des tiers qui ne sont pas concernés par cette rente, privilège ou subvention. Comme avec la conscription, une fraction des citoyens (les propriétaires) commandite un crime qui consiste à faire payer par les autres la protection militaire des terres dont ils ont la propriété (cela vaut pour toute propriété, pensez à la propriété intellectuelle). A cette corruption offensive répond une corruption défensive de la part des victimes de cette agression exécutée par l'homme politique et commanditée par une autre fraction des citoyens..

L'usage de la coercition étatique, pour satisfaire les intérêts de groupes de pression particuliers, viole les droits individuels d'autres personnes. Elle est contraire à l'article II de la déclaration des droits de l'homme de 1789 qui est au préambule de la  constitution de la Vème République. Il est donc non seulement légitime de résister à cette violation des droits individuels mais aussi légal de le faire. La corruption défensive est l'un des moyens parmi d'autres, la résistance armée, la désobéissance civile ou l'exil.
Une grande partie de la corruption dans les démocraties est celle opérée par les hommes politiques pour leurs propres intérêts ; financer le parti politique. Il faut trouver les moyens financiers pour faire des campagnes électorales et rémunérer les militants. Le militantisme politique (de droite ou de gauche) ne nourrit pas son homme. Les donations des militants sont ponctuelles et exceptionnellement importantes. Donc le financement des partis politiques a toujours été un souci. Les militants ont souvent une activité autre et sacrifient leur temps de loisirs pour s'occuper du parti. Les plus passionnés en font leur activité principale. Mais celle-ci ne fait pas vivre son homme tant qu'il ne bénéficie d'une rémunération équivalente à celle accordée à des élus. Ils apprennent donc très vite à vivre  illégalement de l'argent volé au contribuable au travers des subventions multiples distribuées aux diverses associations qui vont  créer des emplois fictifs via des montages financiers dignes d'escrocs de haut vol. Certaines affaires comme celles de la MNEF,  ARGOS ou celle de la Mairie de Paris en témoignent.
Cette technique de financement est faite pour rémunérer les militants mais ne permet pas de financer les sommes faramineuses qu'exige les campagnes électorales. Avec elles on change de dimension. La technique va elle aussi changer. On passe de la corruption à l'extorsion de fonds. Une technique qui est plutôt du style : la bourse ou la vie. C'est l'affaire URBA avec le racket organisé par le parti socialiste auprès des entreprises travaillant pour les mairies tenues par ce parti. L'ironie de l'histoire est que pour supprimer cette pratique d'extorsion de fonds on a sauté une dimension dans l'usage de la violence; le financement est assuré par le contribuable! L'extorsion de fonds est généralisée à l'ensemble des citoyens. Du coup les électeurs du parti socialistes qui haïssent les électeurs du "front national" et réciproquement sont obligés de financer les activités politiques de leurs propres ennemis! Ce qui est vrai de ces deux factions politiques est vrai des électeurs de tous les partis politiques, ce qui est une façon toute à fait étonnante de pacifier une société. Les riches, non socialistes, financent et ont financé un parti qui promettait de les taxer à 75%. Comme ils sont minoritaires dans la collectivité on s'étonne qu'ils restent encore dans ce pays.

Si l'extorsion de fonds est inévitable pour financer les partis politiques, alors il vaut mieux que l'argent de la corruption aille dans la poche de l'homme politique comme avec Carignon et ne soit pas recyclé dans les comptes en banques des partis politiques, comme avec Emmanuelli. En effet, dans un tel cas, cet argent recyclé va être utilisé à nouveau, par la faction politique qui reçoit cet argent, pour nuire à certains citoyens en violant leurs droits individuels au profit d'autres citoyens qui votent pour cette faction politique. 
Il est tout à fait paradoxal que le juge sanctionne plus l'homme politique qui reçoit de l'argent de la corruption pour son profit personnel que celui qui le reçoit pour le recycler dans les caisses noires des partis politiques. Comme d'habitude, les juges n'ont pas une claire conscience de qui est la victime et qui est l'agresseur. Ce défaut leur vient de l'enseignement qu'il reçoive et est inhérent au positivisme juridique contemporain.

Il va de soi que l'homme politique condamné pour corruption ne devrait plus pouvoir exercer un mandat, or force est de constater que  l'homme politique corrompu est souvent réélu par ses électeurs.  Il est alors naturel de se poser la question : qui est réellement corrompu:l'électeur ou l'homme politique?

Pour combattre réellement la corruption des hommes politiques, on dispose de quatre mesures:


1) la première concerne la probabilité d'être pris et la sévérité des jugements pour dissuader l'homme politique de pratiquer cette activité (mais ceci dépend des lois en cours, les hommes politiques sont juges et parties dans ce domaine, ils savent par exemple s'auto amnistier régulièrement ou bien de changer la loi lorsque celle-ci les gène);

2)la seconde concerne le comportement des électeurs, faute de pouvoir les rendre responsables et moraux face aux hommes politiques condamnés pour corruption, il faut priver à vie de droits civiques les élus dont la culpabilité a été démontrée. Comme cela l'électeur n'aura pas la tentation de réélire un élu condamné pour corruption.

3) la troisième consiste à limiter le pouvoir politique des élus  de distribuer des privilèges (permis de construire,  permis de taxi,  ), des rentes de position (monopoles légaux, logements sociaux) ou des subventions à diverses associations pour de multiples raisons.

4) La quatrième consiste à légaliser la corruption
Celle-ci est déjà légalisée dans certains secteurs de l'économie: les droits à polluer qui sont des droits à commettre des dommages à des tiers mis aux enchères entre des offreurs et des demandeurs.  On pourrait aussi instaurer un marché légal  des votes, chaque Maire, comme Dassault, achèterait  sur ses propres deniers le consentement des citoyens qui seraient affectés négativement par les décisions prises. S'il n'a pas les moyens de payer, il fait appel aux bénéficiaires de l'action publique entreprise pour compenser les victimes. Ce marché des votes est parfaitement réalisable sur des projets où les bénéficiaires et les perdants sont identifiables: les riverains d'une rue par exemple. Bien qu'il soit plus facile de la privatiser en restituant aux riverains la rue et laisser les copropriétaires de la rue sa gestion et son entretien.
Toutes ces mesures sont contraires à la conception même de l'Etat que partagent beaucoup d'électeurs: l'Etat, et son monopole sur l'usage "légitime" de la violence, est utilisé par les factions politiques et les électeurs qui les soutiennent comme un instrument permettant aux uns et aux autres de faire supporter le coût de leurs actions privées sur les autres et de s'approprier indûment les bénéfices privés produits par les autres au nom du mythe des biens collectifs, des externalités ou d'une solidarité  forcée quelconque. La démocratie majoritaire contemporaine repose, elle-même, sur une vaste entreprise de corruption et d'extorsion de fonds, les citoyens le comprennent bien et sans doute le désirent puisqu'ils continuent à voter . 
En 1848, Bastiat écrivait :

"Nous pensons que l'État, ce n'est ou ce ne devrait être autre chose que la force commune instituée, non pour être entre tous les citoyens un instrument d'oppression et de spoliation réciproque, mais, au contraire, pour garantir à chacun le sien, et faire régner la justice et la sécurité "


Les hommes politiques n'aiment être traités de corrompus. Pour défendre leur corporation, ils utilisent souvent la technique suivante:


Bien sûr il y a quelques ministres et députés corrompus, mais il y a des policiers corrompus, des plombiers corrompus et même des prêtres qui le sont aussi

Il y a aussi un grand nombre d'hommes politiques et de députés qui sont honnêtes




En France et malgré le bruit qu'ils font, les syndicats ne représentent que 4% des salariés.
Et tous ces riches parrains du syndicalisme ne sont pratiquement pas payés par des cotisations volontaires, mais essentiellement pas l'argent des contribuables.
Quelques chiffres :



Mettons en perspective la corruption des hommes politiques

L'implication de cette argumentation est de suggérer que la corruption politique est un phénomène naturel qui frappe une minorité d'individus. Vous avez tous entendus les hommes politiques, de droite ou de gauche, avancer cette ligne de défense de leur profession.

Vous avez été piégé de la façon suivante. 
 Dans la première prémisse on suggère qu'il n' y pas de raison de se focaliser sur les hommes politiques puisque la corruption existe partout.
La seconde prémisse vous invite à compatir avec les hommes politiques honnêtes qui souffrent de la mauvaise réputation de leurs collègues corrompus.
C'est la diversion. Bien que cela ne soit pas dit, on est enclin à penser que la corruption est naturelle et à ne pas voir que cette prémisse est totalement hors de propos avec le problème soulevé par la corruption des hommes politiques. 
Vous avez rarement entendu à la radio ou à la télévision la raison fondamentale du: pourquoi les hommes politiques sont corrompus. Ils le sont parce qu'ils détiennent le pouvoir d'accorder des privilèges étatiques, des rentes  et des subventions. Supprimez les privilèges ou le pouvoir de les accorder et la corruption observée dans le monde politique disparaîtra. Mais n'est-ce pas la nature de l'Etat que de distribuer de tels privilèges, rentes et subventions qui ressemblent fort à des achats de votes avec l'argent du contribuable alors qu'on interdit  cet achat de vote s'il se fait avec le propre argent du candidat à une élection comme dans l'affaire de Dassault? 
N'est-ce pas dans la nature de l'homme d'Etat d'étendre son pouvoir en taxant et réglementant la vie des personnes sous sa juridiction, de se pavaner avec ses collègues d'autres pays dans des châteaux volés à une ancienne noblesse, de faire des voyages de représentation aux frais du contribuable et de concentrer ce pouvoir et les faveurs qui vont avec dans les mains de quelques uns: famille, maitresses et  fidèles de son clan politique? Si de tels pouvoirs disparaissaient qui voudrait devenir homme politique?


Une petite leçon d'histoire pour les étudiants qui votent pour élire leurs représentants à la mutuelle nationale des étudiants de france (MNEF)

1968 Les étudiants gauchistes de l'époque critique la sécurité sociale

Trente ans après, l'un d'entre eux, Dominique Strauss Khan, Ministre des finances, démissionne  en octobre 1998, après avoir été accusé de "faux et usage de faux",  dans un des volets de l'affaire de la MNEF . Il a été relaxé. Mais une étude payée 600 000 frs (91 000 euros environ) en 1998 par la MNEF a du faire des jaloux chez ses collèges économistes de l'époque.
Jean-Christophe Cambadélis ( Kostas à l'Organisation Communiste Internationaliste -l'OCI-) est un spécialiste de la corruption, en 1996 il est mis en examen  dans l'affaire ARGOS et condamné, en l'an 2000, à 5 mois de prison avec sursis et 100 000 Frs d'amendes. en juin 2000 il est mis en examen pour abus de confiance dans l'affaire de la MNEF ayant bénéficié d'un emploi fictif, de 1991 à 1995 il est rétribué pour un emploi de "sociologue" à la hauteur de 420 499 Frs par la MIF une filiale de la MNEF. Il est condamné en 2006 à six mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amendes, pour une supposée mission de conseil sur les étudiants étrangers, entre 1991 et 1993. Il est devenu Premier Secrétaire du parti socialiste en 2014!  
Son prédécesseur, Harlem désir, a, lui aussi, été condamné pour recel d'abus de biens sociaux, à 18 mois de prison avec sursis et 30 000 Francs d'amendes. Il aurait  bénéficié de l'amnistie de F. Mitterrand concernant une dette de 80 000 Frs due au Trésor Public, relative à des amendes de stationnement alors qu'il était président de SOS Racisme. Ceci nous rappelle l'affaire récente d'un élu du parti Vert. Harlem Désir est devenu, en 2014, secrétaire d'Etat aux affaires européennes dans le gouvernement de Walls. Harlem Désir rappelons-le est un fervent partisan de la Taxe Tobin au niveau mondial.
Par Bertrand Lemennicier



D) - Corrompre les fonctionnaires du gouvernement

extrait de Power and Market (1977, Sheed Andrews and McMeel, Inc. Chapitre 3, 77-79)


par Murray Rothbard
traduit par Hervé de Quengo

Parce qu'elle est illégale, la corruption des fonctionnaires du gouvernement n'est pratiquement pas mentionnée dans les ouvrages économiques. La science économique, cependant, devrait analyser tous les aspects de l'échange mutuel, que ces échanges soit légaux ou non. Nous avons vu ci-dessus [dans le livre, NdT] que la "corruption" d'une entreprise privée n'est en fait pas une corruption du tout, mais simplement le paiement du prix du marché pour le produit. La corruption des fonctionnaires du gouvernement est aussi un prix pour le paiement d'un service. Quel est ce service ? C'est celui de ne pas faire respecter le décret du gouvernement qui devrait s'appliquer à la personne qui paie le pot-de-vin. En bref, l'acceptation du pot-de-vin équivaut à la vente d'une permission de s'engager dans un certain type d'affaires. L'acceptation du pot-de-vin est par conséquent identique, du point de vue praxéologique, à la vente d'une licence gouvernementale pour débuter un commerce ou un métier. Et les effets économiques sont similaires à ceux d'une licence. Il n'y a pas de différence économique entre l'achat d'une permission gouvernementale obtenue en payant une licence et celle obtenue en payant directement les fonctionnaires du gouvernement. Ce que le corrupteur reçoit, par conséquent, est une licence informelle, orale, d'opérer. Le fait que différents fonctionnaires reçoivent l'argent dans les deux cas n'entre pas en ligne de compte dans notre discussion.

Thomas Thévenoud fait acte de présence à l'Assemblée nationale, sûrement pour nous pondre de nouvelles lois et de nouveaux impôts et va inaugurer des bâtiments publics dans sa circonscription. Mais la plupart de ses amis préfèrent ne pas trop s'afficher auprès de lui.


Une licence informelle agit à un certain degré comme l'octroi d'un privilège de monopole. Ce degré dépend des conditions dans lesquelles la licence est octroyée. Dans certains cas le fonctionnaire accepte le pot-de-vin d'une seule personne et lui donne donc en effet un monopole dans un certain domaine ou métier ; dans d'autres cas, le fonctionnaire peut donner la licence informelle à tous ceux qui sont prêts à payer le prix nécessaire. La première situation est un exemple clair de l'octroi d'un monopole suivi par un prix de monopole ; dans la deuxième situation, le pot-de-vin agit comme une taxe forfaitaire pénalisant les compétiteurs les plus pauvres, qui ne peuvent pas payer. Ils sont éliminés de la compétition par le système de pots-de-vin. Cependant, nous devons nous rappeler que la corruption est la conséquence de l'illégalité d'un certain type de production et, par conséquent, elle sert à limiter certaines pertes d'utilité imposées aux consommateurs et aux producteurs par la prohibition gouvernementale. Etant donné l'état de la loi, la corruption est le moyen principal du marché pour s'imposer à nouveau ; la corruption fait évoluer l'économie vers le marché libre [1].

En fait, nous devons distinguer entre un pot-de-vin intrusif et un pot-de-vin défensif. le pot-de-vin défensif est ce dont nous avons parlé ; c'est-à-dire l'achat d'une permission d'opérer après qu'une activité a été déclarée illégale. D'un autre côté, un pot-de-vin payé pour obtenir l'exclusivité ou la quasi-exclusivité d'une permission, empêchant les autres d'entrer dans le domaine, est un exemple de pot-de-vin intrusif, un paiement pour l'octroi d'un privilège de monopole. Le premier cas est un mouvement significatif pour se rapprocher du marché libre, le second est un mouvement pour s'en éloigner.
Note
[1]. C'est également vrai pour une licence officielle : le paiement par une entreprise d'une licence est le seul moyen pour elle d'exister. Une entreprise payant une licence ne peut pas être considérée comme une partie consentante au privilège de monopole à moins qu'elle ait aidé à soutenir l'établissement de la loi de licence, comme c'est très souvent le cas. 




E) - L'économie de la corruption

Analyses de la SEDEIS, n°74 (mars 1990)
Par Jean- Dominique Lafay Professeur à l’Université de Paris I

Dans toute société, un nombre important de personnes disposent du pouvoir de modifier la stucture des droits de propriété en dehors de l'échange de biens qu'elles possèdent personnellement. Techniquement, il y a corruption dès que le responsable direct d'une modification de cette structure obtient en contrepartie un avantage personnel, monétaire ou non, de la part des bénéficiaires. Véritable "marché noir des droits de propriété" (Benson(1981)), la corruption concerne donc a priori l'ensemble des formes d'organisation, privées comme publiques: toute personne qui possède une information privilégiée, tout agent qui a pour fonction de définir ou d'appliquer un système de pénalités/récompenses est potentiellement corruptible.
L'Etat est le lieu privilégié de la modification autoritaire de la structure des droits de propriété. La corruption est donc un problème qui intéresse en priorité le secteur public. Pour cette raison, nous, comme la plupart des auteurs, nous nous limiterons à cet aspect du problème.
Si le concept théorique de corruption est relativement simple à définir, il n'en va pas de même des critères précis permettant de dire si un acte donné est corrompu ou non. Selon Peters et Welch(1978), on rencontre dans la littérature trois grands types de critères:
- les critères fondés sur la légalité: pour pouvoir être classé comme corrompu un acte doit être interdit par la loi;
- les critères liés aux effets sur "l'"intérêt public". Même si un acte est légal, il peut être corrompu s'il est contraire à l'"intérêt public". Inversement, un acte illégal peut ne présenter que les apparences de la corruption. Ce type de critère est notamment très apprécié des idéologues de la raison d'Etat, de la "Real Politik" ou de la sanctification révolutionnaire.
- les critères fondés sur l'opinion publique. Est corrompu tout acte que l'opinion considère comme tel. Cette optique est intéressante dans les analyses de type sociologique (avec l'étude de la subjectivité ou du contenu culturel des jugements moraux de la population et de type politique (en permettant de mieux comprendre les réactions des dirigeants gouvernementaux face aux différents formes de corruption dans les régimes démocratiques).
La quasi-totalité des analyses économiques retient le critère de la légalité, fondamentalement pour des raisons de simplicité et parce qu'il facilite la transposition de plusieurs théories préexistantes en matière de criminalité et de dissuasion. Par la suite, on se placera donc uniquement dans ce cadre

Un problème général mais encore peu étudié théoriquement

Comme chacun sait, la corruption est un des grands problèmes des pays du Tiers-monde. Au point de devenir, à tort, le bouc émissaire privilégié de tous les maux du sous-développement. Il n'est pas de coup d'Etat ou de révolution qui ne se projette ou ne se fasse au nom de la nécessaire éviction de dirigeants corrompus et de la lutte contre la décadence morale. Un des grands slogans du parti communiste mexicain dans les années quatre-vingt était: "Contra la Corrupciòn, Somos la Oposiciòn". Nacht(1981) montre d'ailleurs que la corruption est un facteur statistiquement très significatif dans la prédiction des "changements de régime".
Les comportements de corruption ne se limitent bien sûr pas aux seuls PVD:
- contrairement à ce qu'estime la Grande Encyclopédie soviétique de 1975, le crime, financier ou autre, n'est pas, loin s'en faut, "la caractéristique des sociétés basées sur la propriété privée, l'exploitation et l'inégalité sociale" (citée in Meney(1982:11)). Dans les régimes communistes, loin "d'être éliminée, la corruption s'est accrue, en particulier dans le fonctionnement de nombreuses organisations économiques et commerciales, dans l'enseignement supérieur, dans divers organismes et entreprises d'Etat et même dans le parti". Cet aspect "kleptocratique" semble même une constante du système politico-économique des "pays du socialisme réel";
- les "affaires" et les "scandales" font plus souvent qu'il ne serait souhaitable la une de la presse des pays industrialisés et certains pensent qu'ils ont même une fâcheuse tendance à proliférer avec l'extension du domaine de l'Etat. Il en résulte un discrédit important de toute la classe politique, de droite comme de gauche (cf., dans le cas français, les sondages Sofres publiés dans le Nouvel Observateur (6/11/87) ou dans le Figaro Magazine(16/12/89)). En ce qui concerne la corruption "ordinaire", celle des responsables administratifs, les chiffres disponibles montrent que le phénomène est loin d'être négligeable. En 1985, plus de 1000 personnes ont été poursuivies aux Etats-Unis pour abus de fonction publique (Goel et Rich(1989:270)). Tout cela est très fâcheux pour notre système politico-administratif. Cependant, l'essentiel n'est peut-être pas là. Plusieurs auteurs pensent en effet que, au plan qualitatif, la corruption est encore plus coûteuse économiquement que politiquement. Dans les PVD et les pays socialistes, elle a au moins un avantage économique: celui d'aider au fonctionnement de systèmes fortement entravés, sinon complètement bloqués. Dans les économies hautement efficaces des pays industrialisés, ses seuls effets sont de provoquer des distorsions importantes dans les systèmes d'incitations et de conduire de la sorte à une affectation inadéquate des ressources (Osterfeld(1988)).
Problème majeur de politique publique, la corruption reste malheureusement abordée surtout sous son aspect moral, ponctuel et sommairement répressif. La plupart des analyses se limitent à de simples études de cas ou à la recherche de solutions à des problèmes précis. Elles ne sont pratiquement jamais fondées sur une véritable théorie des comportements de corruption. Cette situation contraste avec l'important développement des analyses sur les comportements illégaux dans le secteur privé (Pestiau(1989), Willard(1989)): contrairement à la théorie de l'"économie souterraine", la théorie du "gouvernement souterrain" est encore à l'état embryonnaire.
La corruption ne pose cependant pas de problèmes théoriques insolubles: c'est une forme particulière de "recherche de rente" (rent-seeking - Tollison(1982)) et elle peut s'analyser comme une relation entre un mandant (principal) et son mandataire (agent) avec information asymétrique (l'"agent" est corruptible dans la mesure où il peut dissimuler a priori sa corruption à son "principal"). Plusieurs études théoriques ont abordé les comportements de corruption sous cet angle et, même si elle n'est pas complètement stabilisée, il existe au moins maintenant une esquisse théorique générale du problème (cf. notamment Rose-Ackerman(1978)).
En fait, les véritables difficultés apparaissent lorsqu'il s'agit d'étudier le phénomène empiriquement:
- on a tout d'abord du mal à définir la frontière au-delà de laquelle une transaction licite se transforme en acte de corruption. Noonan(1984) montre par exemple que la distinction dépend beaucoup des sociétés et des cultures et qu'elle a sensiblement varié au cours du temps. Dans le même sens, Montias et Rose-Akerman(1981) remarquent que des activités que les régimes communistes considèrent comme "corrompues" sont au contraire exaltées dans les pays capitalistes (l'investissement privé, l'accumulation de richesse, etc.);
- pour des raisons évidentes, on manque d'informations précises sur la corruption dans la haute administration ou parmi les responsables politiques. On ne doit donc pas s'étonner de voir la littérature technique se limiter la plupart du temps à l'étude des comportements illicites dans les niveaux hiérarchiques subalternes.

Point sur la théorie et les résultats empiriques

Sociologues et politologues s'intéressent depuis longtemps au problème de la corruption et l'on dispose de nombreuses études, souvent assez descriptives, sur ses causes et conséquences (selon les systèmes économiques, les cultures, les degrés de développement - Bailey(1966)), sur ses coûts et avantages (Nye(1967)) et sur les politiques susceptibles d'y mettre un terme. En revanche, l'idée d'étudier les comportements individuels des corrupteurs et des corrompus selon les méthodes économiques est très récente. Les deux premiers articles inspirés par cette démarche "économique" datent seulement de 1975 (qu'ils aient été écrits au moment du Watergate n'est vraisemblablement pas fortuit):
- Banfield(1975) utilise le modèle "principal/agent" pour expliquer la logique de la corruption dans les organisations publiques. Comme pour le "crime" en général, on obtient un niveau optimum de corruption (tel que les coûts marginaux d'élimination soient égaux aux avantages marginaux anticipés). A partir de là, il apparaît clairement que la structure des incitations est très différente dans les entreprises privées et dans le secteur public. Plusieurs facteurs font que les gouvernements sont beaucoup plus sujets à la corruption et toute extension "de l'autorité gouvernementale crée de nouvelles occasions et incitations à la corruption" (Banfield(1975:604));
- Rose-Akerman(1975) correspond à une application explicite des analyses de la théorie du crime (Becker(1968)). La théorie proposée sera développée ultérieurement dans un ouvrage (Rose-Akerman(1978)), . L'auteur essaie de montrer l'influence de la structure des marchés privés et du caractère plus ou moins flou des préférences gouvernementales sur la corruption publique. Il apparaît en effet que le montant de la corruption ne dépend pas seulement des ressources utilisées pour en dissuader les individus concernés. Certaines formes de marché sont plus incitatives que d'autres (le nombre des entreprises qui soumissionnent à un marché public intervient par exemple de façon déterminante) et les gouvernements ont d'autant plus de problèmes qu'ils ont du mal à formuler précisément leurs préférences. Dans certains cas, les risques de corruption sont tels qu'ils peuvent justifier une production publique du bien demandé par l'Etat (en d'autres termes, l'intégration verticale est préférable).

La littérature théorique ultérieure s'est développée dans deux principales directions:
- la recherche d'une meilleure représentation des comportements. Cadot(1987) analyse le problème comme un jeu intégrant le risque pris par les fonctionnaires acceptant la corruption. Lui(1985) utilise un modèle de file d'attente pour montrer que, contrairement à une idée avancée par G.Myrdal, la corruption peut inciter les fonctionnaires corrompus à être plus -et non moins- efficaces. Benson et Baden(1985) détaillent les incitations auxquelles sont confrontées les personnes qui ont pour tâche de taxer et de réglementer pour conclure que "si la tendance historique à la croissance de l'Etat continue, on peut prévoir que les transactions associées à la corruption augmenteront à un rythme croissant"(Benson et Baden(1985:410));
- l'analyse des effets de la corruption sur le bien-être social. Le problème est de déterminer le coût social exact de cette forme particulière de "recherche de rente". Selon Hillman et Katz(1987), la corruption correspond à un simple transfert de ressources allant des titulaires de positions monopolistiques vers les fonctionnaires corrompus, c'est-à-dire à une redistribution de rentes antérieures. Le coût social a alors deux composantes: les dépenses engagées pour bénéficier de la corruption (notamment pour obtenir les postes qui permettent de demander et de recevoir des paiements illégaux) et les dépenses engagées pour dissuader les individus d'y recourir (Appelbaum et Katz(1986)).
Pour les raisons qui ont été expliquées, la littérature empirique est très réduite. Ceci renforce l'intérêt des quelques études disponibles.
Dudley et Montmarquette(1987) cherchent à montrer que la corruption est le facteur explicatif des différences considérables du poids relatif de la fiscalité dans les différents pays (entre 5% au Bangladesh et 50 au Danemark). Leur analyse n'apporte cependant que des confirmations indirectes dans la mesure où la corruption n'est pas appréhendée en tant que telle mais seulement par l'intermédiaire de ses effets théoriques sur la structure fiscale (répartition entre impôts directs et indirects, montant des transferts, etc.).
A la différence de la précédente, l'étude récente de Goel et Rich(1989) fait intervenir un indicateur précis de l'étendue de la corruption: le pourcentage des fonctionnaires inculpés dans les différents Etats américains entre 1970 et 1983. Les estimations montrent que le degré de corruption est d'autant plus fort que:
- la probabilité d'être inculpé est faible;
- la punition est légère;
- les salaires publics sont peu élevés par rapport aux salaires privés;
- le chômage est bas (puisqu'il est facile de trouver un emploi ailleurs);
- les individus en général sont incités à consommer (incitations mesurées par le volume global des dépenses de publicité).
Au plan de l'action politique, les estimations empiriques sont très favorable à un contrôle de la corruption par des mesures de dissuasion.
L'étude de Goel et Rich, en dépit de ses imperfections et simplifications, ouvre indiscutablement une voie de recherche très intéressante.

Développement et lutte contre la corruption

Nas, Price et Weber(1986) ont récemment étudié le problème de la corruption dans le cadre de la théorie du Welfare pour en déduire des conclusions générales de politique optimale. Avantages et coûts de la corruption sont pris en compte pour minimiser une fonction de perte sociale. La prise en compte explicite d'avantages potentiels représente "une différence significative par rapport à l'approche traditionnelle de la corruption administrative qui traite toutes les transactions illégales comme si elles étaient semblables aux autres activités criminelles et s'appuie donc sur des politiques de dissuasion individuelle" (Nas, Price et Weber(1986:117)).
Pour les raisons exposés plus haut, la corruption est la plupart du temps uniquement source de coûts dans les pays industrialisés. Le problème de ses avantages potentiels ne s'y pose pratiquement pas.
Dans les PVD, le problème est sensiblement différent. Certaines formes de corruption peuvent être un moyen de contourner des règles inutilement contraignantes, d'éviter des pénuries, d'atténuer les conséquences de décisions politiques inadéquates, ou même d'attirer des fonctionnaires efficaces (en leur permettant d'obtenir un complément de fait à leur salaire officiel). Les effets positifs sur l'allocation des ressources peuvent donc être importants (Bailey(1966), Leff(1970)). Cependant, les cas de corruption socialement désirable sont vraisemblablement très limités car l'avantage précédent s'accompagne souvent de coûts encore plus importants:
- toutes les formes de corruption ne sont pas efficaces. Il en existe même de très inefficaces (notamment lorsqu'elles sont source d'effets externes négatifs ou s'accompagnent d'extorsion à l'aide d'un détournement du monopole public de la force (Klitgaard(1988:191));
- les effets d'allocation sont toujours accompagnés d'effets de distribution socialement néfastes;
- la corruption crée des incitations à adopter des comportements non productifs (comme toute forme de "recherche de rente" - rent seeking). De plus, si le revenu de corruption que peut procurer le contrôle de l'Etat est élevé, des coalitions politiques surinvestiront pour la conquête du pouvoir et, une fois celui-ci obtenu, accroîtront les interventions publiques, économiques ou autres, sans autre but que de maximiser la part du "revenu de corruption" (Johnson(1975) et Mbaku et Paul(1989));
- la corruption a tendance à s'étendre de façon cumulative. Lui(1986) montre en effet que plus elle est répandue sur un marché et plus il est difficile d'identifier efficacement les fonctionnaires corrompus. Même des politiques très sévères peuvent alors ne plus donner de résultats.
En définitive, même si les gouvernements ont intérêt à définir des priorités dans leurs différentes politiques et même s'il existe un niveau optimal non nul de corruption, les conditions techniques justifiant une lutte intensive et précoce contre le phénomène semblent remplies. Cet aspect "politique" du problème est au centre de l'étude récente de Klitgaarg(1988). Cet auteur, après avoir étudié en détail plusieurs cas précis (Philippines, Hong Kong, Singapour, Corée du Sud, etc.), propose le plan de lutte suivant:
- sélection des agents, par un organe relativement indépendant et sur des critères d'efficacité et d'honnêteté;
- modification de la structure sanctions/récompenses en couplant un système de récompenses limitées mais largement diffusées et des pénalités sévères, rapides et publiques;
- changement de la structure de la relation entre le "principal", l'"agent" et le "client"(c'est-à-dire l'électeur-consommateur de biens publics). L'objectif est de réduire les marges de manœuvre discrétionnaires des agents vis-à-vis de leur principal et leur pouvoir de monopole face aux clients;
- changement des attitudes envers la corruption. Klitgaard semble beaucoup (beaucoup trop?) attendre de "séminaires de réorientation", destinés à "essayer de convaincre les agents que la corruption est mauvaise" (Klitgaard(1988:199);
- rassemblement et analyse de l'information. Le but est d'accroître la probabilité que la corruption soit détectée et punie.
Que peut-on espérer de ce type de programme? L'histoire du "Bureau du revenu intérieur" des Philippines entre 1975 et 1980 montre, selon Klitgaard(1988), que des résultats peuvent être atteints dans des domaines précis, et ceci même dans un pays où la corruption est généralisée.
La corruption des agents du fisc philippin avait pris des proportions considérables. Pour s'en convaincre, une visite rapide du parking du "Bureau du revenu intérieur" suffisait (Klitgaard(1988:14)). Il en résultait des pertes très importantes de rentrées fiscales (représentant près de 50% pour la corruption externe et près de 20% pour la corruption interne). Ceci explique pourquoi, en dépit de sa propre corruption (ou peut-être à cause d'elle), le gouvernement philippin n'ait pas hésité pas à nommer un "Monsieur Propre", Justice Plana (le bien prénommé), comme chef du Bureau.
La politique appliquée par Plana, très proche de celle décrite par Klitgaard, a effectivement permis de diminuer fortement la corruption de l'administration fiscale. Le seul problème est que cette victoire édifiante ne fut pas durable. En 1980, après le départ de Plana... et la "reprise en main" du système fiscal par l'entourage du Président Marcos, la part des impôts dans le PNB a sensiblement baissé (Klitgaard(1988:60-62)). Comme toujours en matière de politique économique, il ne suffit pas de savoir que les moyens existent. Il faut également que leur mise en oeuvre dépende de la structure des incitations et pas seulement de la bonne volonté de quelques personnalités.
Références

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Willard J.C. (1989),"L'économie souterraine dans les comptes nationaux ", Economie et Statistiques, 226 (novembre): 35-51.



F - Corruption

De Wikiberal
La corruption est une pratique illicite, visant à obtenir d'un personnage possédant un pouvoir un avantage moyennant un autre avantage, ou une somme d'argent.
La corruption n'est pas associée uniquement aux états en voie de développement, tels ces pays d'Afrique où l'État n'est peut-être pas structuré mais où le moindre fonctionnaire veut son bakchich. Pour les États effondrés ou en voie de l'être, la corruption est décuplée. Un fonctionnaire qui n'est pas sûr de recevoir son traitement va profiter de sa position et des moyens de coercition qui en découle. 

Corruption privée

La corruption strictement privée existe et existera toujours, elle fait partie du jeu de la concurrence. Les exemples vont depuis la fuite d'informations secrètes (sur les projets en cours, les clients, les contrats) au bénéfice d'un concurrent jusqu'au sabotage interne ou à la diffusion d'informations malveillantes visant à dénigrer l'entreprise et ses produits.
Les entreprises privées s'en protègent par des mesures de sécurité dont le coût est à la mesure du risque encouru, supposé plus grave que les désagréments ou les pertes qu'engendrent les mesures de sécurité elles-mêmes. Du point de vue du droit naturel, c'est le corrompu, et non le corrupteur, qui est dans l’illégitimité, car il trahit la confiance de son employeur auquel il est lié par contrat (alors que le corrupteur se contente de proposer un contrat, sans doute immoral, mais valide du strict point de vue du droit naturel tant qu'il n'y a pas de vol ni de complicité de vol - cas par exemple du trafic d'influence).

Corruption publique

La corruption publique est bien plus répandue, qu'il s'agisse de corruption directe ou de capitalisme de connivence, car il est beaucoup plus facile d'accorder des privilèges avec l'argent du contribuable qu'avec son propre argent. Ainsi l'étatisme multiplie de façon considérable le pouvoir des riches. On constate dans tous les classements internationaux de la corruption qu'il existe une corrélation quasiment parfaite entre le poids de l’État dans l’économie et l’indice de corruption.
Dans son ouvrage 39 leçons d'économie contemporaine Philippe Simonnot consacre un chapitre entier (la 39e et dernière leçon) à la corruption. Il explique qu'en certaines situations la corruption permet à l'économie de fonctionner moins mal. La lutte contre la corruption a un coût qui doit être comparé à celui de la corruption elle-même. Les agents de l'État sont davantage corruptibles que ceux d'une entreprise privée, pour de nombreuses raisons, dont quelques unes sont les suivantes :
  • il est impossible pour l'État d'optimiser la lutte contre la corruption ni d'arbitrer entre les différentes actions anti-corruption, car les actions des administrations d'État sont contradictoires entre elles (comparées à celles d'une entreprise privée, orientées vers le profit) ;
  • la « loyauté » des agents de l'État n'est pas encouragée faute de stimulation monétaire (grille des salaires rigide) ;
  • le citoyen ne peut se défaire facilement d'une administration corrompue, et n'a d'ailleurs aucun intérêt à s'investir personnellement dans une telle lutte ;
  • la rigidité d'une administration publique l'expose davantage à la corruption, moyen de contourner les règles légales qui président à son fonctionnement.
Le philosophe Murray Rothbard distingue la corruption « offensive » et la corruption « défensive », la première devant être assimilée à une agression, la seconde étant au contraire légitime (par exemple pour contourner une prohibition légale illégitime sur le jeu, la drogue, etc).




G) - SUR CONTREPOINTS

http://www.contrepoints.org/tag/Corruption
http://www.contrepoints.org/tag/corruption/page/5

http://www.contrepoints.org/tag/Corruption/page/7 



H) - Histoire secrète de la corruption sous la Ve République : quand les ayatollahs finançaient le PS

Read more at http://www.atlantico.fr/decryptage/histoire-secrete-corruption-ve-republique-quand-ayatollahs-financaient-ps-1888638.html#msQsk0Y6XQZO9xax.99

octobre 29, 2014

Sur la page pour une démocratie libérale (4/21) (éducation)

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


L'éducation et la démocratie


L'éducation est un droit universel. Elle est également un moyen d'accéder à d'autres droits de la personne et un outil d'émancipation sociale et économique. Par le biais de la Déclaration universelle des droits de l'homme, les nations du monde se sont accordées à dire que tous les êtres humains avaient droit à l'éducation.

Chaque société transmet sa philosophie, ses normes sociales, sa culture et ses idéaux d'une génération à l'autre. Il y a un lien direct entre l'éducation et les valeurs de la démocratie : dans les sociétés démocratiques, les programmes et la pratique en vigueur dans l'éducation appuient la gouvernance démocratique.

Ce processus de transmission par l'éducation est vital dans une démocratie, parce que les vraies démocraties sont des régimes dynamiques qui exigent l'indépendance d'esprit des citoyens. Les chances d'obtenir des changements positifs dans les domaines social et politique sont entre les mains des citoyens. Les gouvernements ne doivent pas considérer le système éducatif comme un moyen de contrôler l'information et d'endoctriner les étudiants.

Les gouvernements doivent faire grand cas de l'éducation et lui consacrer des ressources au même titre que la défense des citoyens

Le fait de savoir lire permet aux gens d'être informés par le biais, notamment, des journaux et des livres. Des citoyens informés sont mieux placés pour améliorer leur démocratie.

En démocratie, le système éducatif n'empêche pas l'étude d'autres doctrines ou régimes politiques. Les démocraties encouragent les étudiants à concevoir des arguments rationnels fondés sur une recherche minutieuse et une compréhension claire de l'histoire.

Les groupes privés et religieux doivent être libres de créer des écoles, et les parents doivent être libres de choisir d'instruire leurs enfants à la maison.

Les écoles publiques doivent être ouvertes à tous les citoyens sans distinction d'origine ethnique, de religion, de sexe ou de handicap.

Les normes et pratiques démocratiques doivent être enseignées afin que les gens mesurent et apprécient à la fois leurs chances et leurs devoirs en tant que citoyens libres.

L'éducation civique repose sur la maîtrise de l'histoire nationale et mondiale, ainsi que sur celle des principes essentiels de la démocratie.

En démocratie, les programmes scolaires incluent l'histoire, la géographie, l'économie, la littérature, la philosophie, le droit, l'art, la sociologie, les mathématiques et les sciences, et ce pour tous les étudiants, filles et garçons.

Les étudiants doivent également être libres d'organiser des clubs et des activités où ils peuvent mettre en pratique les normes démocratiques, par exemple :
Les associations étudiantes donnent aux élèves une expérience des mécanismes démocratiques. La presse étudiante permet aux élèves de saisir le rôle d'une presse libre et du journalisme responsable. Les clubs civiques facilitent l'établissement de liens avec la communauté. 
 


Il est urgent de comprendre que les crises successives de l'Éducation nationale ne sont pas des phénomènes ponctuels, mais sont le résultat d'une même erreur initiale dans la politique scolaire du pays commise il y a plus de quarante ans et jamais corrigée depuis. Après y avoir longtemps réfléchi[1], je pense pouvoir retracer ce qui s'est réellement passé pendant ce presque demi-siècle. La tragédie s'est nouée en trois actes. 

Acte 1. Au lendemain de la guerre, en 1947, les communistes Langevin et Wallon proposèrent de réaliser en France l'école unique, creuset de l'homme nouveau socialiste. Repoussé par deux fois à la Chambre sous la IVe République, ce projet fut mis en œuvre, paradoxalement, par De Gaulle au début de la Ve.
On unifia le système scolaire, jusque-là divisé en trois grands secteurs plus ou moins indépendants, le primaire, le secondaire et le technique. On supprima les classes primaires des lycées, les classes secondaires du primaire (les «cours complémentaires») et, peu à peu, on homogénéisa les programmes de façon à supprimer les filières. 

Le « collège unique », faussement attribué à l'initiative de M. Haby, ne fut que l'étape finale de ce processus, qui était programmé dès 1958. L'Éducation nationale devint alors un monstrueux système bureaucratique, et ses syndicats montèrent en puissance à mesure qu'augmenta, dans un système administratif unifié, leur pouvoir de nuire. Dès cette date, l'Éducation ne fut plus nationale. Elle fut, de jure, cogérée par le ministère et les syndicats. De facto, elle fut gérée par les syndicats seuls, car les ministres passaient (et souvent sautaient), alors que les syndicats restaient. Je dis bien que l'Éducation « nationale » usurpe désormais ce qualificatif, car la nation, qui n'a d'autre organe d'expression que le suffrage universel, et d'autres représentants légitimes que le Parlement et le Gouvernement, n'eut plus jamais, de ce jour, son mot à dire dans la politique éducative du pays. 

Acte II. Pourtant, aussitôt mise en place, l'école unique se révéla produire l'inverse de l'effet recherché. Au lieu de résorber les inégalités scolaires, on s'aperçut qu'elle les exacerbait. On découvrit en effet, dès le début des années 1960 que, quand on place dans une même école et devant un même professeur les 20% d'élèves qui allaient auparavant au lycée et les 80% qui allaient à l'école communale et dans les cours complémentaires, c'étaient toujours les premiers nommés, c'est-à-dire les enfants des milieux « privilégiés », qui réussissaient. Le résultat réellement produit par un cours ne dépend pas en effet seulement du cours lui-même, mais aussi des structures mentales des élèves qui le reçoivent. 

Pour suivre l'enseignement secondaire classique, qui, même élémentaire, est déjà par nature scientifique, il faut, dès l'entrée en 6e à l'âge de 10 ans, avoir atteint ce que les psychologues de l'intelligence comme Jean Piaget appelle le stade de la pensée « abstraite » et « désintéressée ». Or ce stade n'est atteint à l'âge de l'entrée en 6e que par les enfants vivant dans un milieu familial où leur intelligence abstraite est activement stimulée, c'est-à-dire dans les milieux « bourgeois ».
Dans ces conditions, l'école unique conduisait à une double catastrophe. Non seulement c'étaient encore les fils de polytechniciens qui devenaient polytechniciens, donc l'école unique ne changeait rien en pratique. Mais, ce qui était pire, ce privilège devenait légitime, puisque tous les enfants, désormais scolarisés dans une même école, étaient censés avoir eu les mêmes chances. 

Constatant cet échec, le gouvernement gaulliste aurait pu renoncer à l'école unique et revenir à l'école méritocratique de Jules Ferry, qui avançait plus lentement, mais plus sûrement, vers la « démocratisation » souhaitée par tous. Mais cette correction de trajectoire ne pouvait pas être acceptée par les syndicats qui, grâce à la tourmente de 1968, imposèrent leurs propres solutions. Celles-ci consistaient en une fuite en avant. Puisque l'« alignement vers le haut » du plan Langevin-Wallon ne fonctionnait pas, on procéderait à un « alignement par le bas ». En un mot, on primariserait le secondaire. Cela tombait bien: la majorité des professeurs du secondaire de l'époque étaient d'anciens instituteurs. 

C'est à partir de cette date que l'Éducation dite nationale commença à détruire purement et simplement l'enseignement secondaire français traditionnel. Rejetant une tradition éprouvée, on donna carte blanche aux «pédagogues». On décréta le caractère oppressif des savoirs. On refondit tous les programmes dans le sens du flou, de l'incohérence et de l'appauvrissement. On rendit impossible la structuration de l'esprit en cassant net, au nom de la spontanéité des « apprenants », le processus d'acquisition méthodique des savoirs. 

L'affaire se compliqua par le fait que les réformateurs, menés par la FEN et le SGEN, ne purent, malgré tous leurs efforts, imposer l'intégralité de leurs réformes. La logique de celles-ci aurait été de supprimer jusqu'à la notion même de programme, donc la structuration des collèges et lycées en classes annuelles successives, donc aussi toute hiérarchie entre catégories d'enseignants. Or le SNES communiste veillait aux intérêts corporatifs des professeurs agrégés et certifiés. Il combattit les « pédagos » autant qu'il le put. Il en résulta une situation bloquée, provoquant un lent pourrissement. Il n'y eut plus, bientôt, de véritable programme national. 

Acte III:  Dans les décennies 1960 et 1970, l'école avait subrepticement changé de fonction sociale: elle était devenue peu à peu une simple garderie de la jeunesse. Et c'est parce qu'elle jouait passablement bien ce nouveau rôle qu'on l'a dédouana de ne plus jouer correctement son rôle d'éducation et d'instruction. 

Il y eut des raisons sociologiques profondes, tant structurelles et conjoncturelles, à cette transformation insensible de l'école. D'abord, le travail des femmes s'était généralisé; or les femmes ne peuvent quitter la maison si les enfants ne sont pas gardés à l'extérieur. Ensuite, à partir du début des années 1970, le chômage de masse s'était développé en Europe, et l'on avait réagi à cette pression exercée contre l'emploi en diminuant la durée du travail, soit celle du travail hebdomadaire, soit celle de la vie de travail, ce dernier facteur se décomposant à son tour en abaissement de l'âge de la retraite et en retardement de l'entrée sur le marché de l'emploi. C'est ainsi que la durée moyenne de scolarisation doubla, passant de neuf ans aux lendemains de la guerre à plus de dix-huit ans aujourd'hui. Pendant la même période, les dépenses scolaires décuplaient en francs constants. Ainsi les jeunes étaient-ils gardés entre quatre murs au lieu d'entrer sur le marché du travail et d'y faire baisser les salaires, ou, pire, d'envahir la rue. 

Inutile de dire que le niveau scolaire de la nation, dans le même temps, ne décupla ni ne doubla, à supposer qu'il ait augmenté un peu ou même n'ait pas régressé. Par conséquent, si l'on évalue l'output de l'institution scolaire en termes de niveau, on peut dire que la productivité marginale de chaque franc supplémentaire dépensé pour l'école, ou de chaque heure supplémentaire passée à l'école, a tendu vers zéro ou même est devenue négative. Pourquoi la société ne s'est-elle pas révoltée contre ce scandaleux gâchis? La réponse est claire: c'est que l'investissement public fut réellement productif si l'on prend pour critère non le niveau scolaire, mais la capacité à garder efficacement la jeunesse. L'argent dépensé a réellement servi à construire des écoles et à payer des gardiens. 

La preuve que la fonction sociale réelle de l'école est désormais celle d'une garderie est que c'est aux manquements de cette seule fonction que des « signaux sociaux » s'allument. On ne voit jamais les parents défiler dans la rue si le professeur de français fait une faute d'orthographe par ligne, ou si le professeur de mathématiques se perd dans ses équations (ce qui est courant aujourd'hui). En revanche si, un seul matin, un gardien, absent, pour quelque raison que ce soit, manque devant une classe, ou si les professeurs sont en grève, ou si l'on menace de fermer une classe dans une agglomération qui se dépeuple, tous événements qui empêchent les parents d'aller travailler en paix, c'est alors que la société réagit brutalement et que l'institution scolaire est sommée de se justifier. A midi, les parents occupent l'école. Le recteur doit s'expliquer l'après-midi devant la télévision régionale, et le ministre au journal de 20h. 

On a là l'explication, navrante mais objectivement vraie, du fait stupéfiant que les grands acteurs sociaux n'aient rien fait pour corriger la dérive mortelle de notre système éducatif depuis que son échec est devenu patent. Les associations de parents d'élèves n'ont eu en vue, par définition, que la fonction de garderie. Les syndicats d'enseignants n'ont eu en vue que l'augmentation continue des postes rendue possible par l'aubaine d'une inflation scolaire indéfinie (et de toute façon, ils ne peuvent critiquer leur œuvre). Quant aux politiques, ils se sont platement alignés sur les préoccupations immédiates de la masse de leurs électeurs, en sacrifiant, comme c'est devenu habituel dans nos démocraties médiatiques, les intérêts à long terme du pays. 

Le problème est que la France, si elle en reste à la situation actuelle de son système éducatif, va subir la plus effroyable décadence de son histoire: la perte de son statut de grand pays scientifique et technologique. Et je ne vois pas très bien comment on peut espérer faire fonctionner une démocratie digne de ce nom, et en général toutes les institutions, organisations et entreprises d'un pays moderne, dans une société où progressent illettrisme, ignorance et obscurantisme. 

Je suis persuadé qu'il n'y a de solution au problème scolaire de notre pays que par la remise en cause radicale de l'option communisante du plan Langevin-Wallon prise et absurdement conservée depuis quarante ans. Il faut un pluralisme scolaire, tant à l'intérieur du système public que par le développement d'un nouveau secteur privé. Il faut qu'on puisse créer librement des écoles et des réseaux d'écoles, et qu'il y ait une émulation entre ceux-ci, seul processus qui sera de nature à créer une spirale vertueuse et à engendrer un vigoureux renouvellement. Quel homme politique aura le courage de faire un pas dans le sens de cette libération?
 
Une trop longue erreur




Texte paru initialement dans Le Figaro du 16 septembre 2003
 
 
 

Éducation

De Wikiberal
 
L'éducation est l'ensemble des moyens permettant le développement des facultés physiques, morales et intellectuelles d'un être humain. Par extension, l'éducation désigne également les moyens mis en place pour permettre cet apprentissage.
L’État, bien loin de ses obligations régaliennes, prétend se charger de l'éducation des enfants : l'Éducation Nationale a ainsi succédé, en France et dans d'autres pays, à la plus modeste Instruction Publique, ce que les libéraux considèrent comme une immixtion dans la sphère privée et familiale. 
Pour certains libéraux, l'État a un rôle à jouer dans l'éducation, en permettant aux personnes issues des milieux les moins favorisés d'accéder à un niveau d'instruction qui dépend plus d'eux-mêmes que des ressources de leur famille. Cependant, et contrairement à la pratique répandue, cette participation de l'État ne se ferait pas par l'existence et le maintien d'établissements scolaires publics mais par une distribution de moyens directement auprès des personnes concernées - par exemple sous forme de chèque éducation, acceptés par certains établissements privés. C'est par exemple la position que défend Friedrich Hayek dans La Constitution de la liberté (Chap. 24) et dans Droit, législation et liberté (Chap. 14). Il écrit ainsi dans ce dernier ouvrage :
«Concernant l'éducation, l'argument primordial en faveur de son assistance par le gouvernement est que les enfants ne sont pas encore des citoyens responsables et ne peuvent être supposés capables de savoir ce dont ils ont besoin, ni ne possèdent de ressources qu'ils pourraient consacrer à l'acquisition du savoir. […] Ce raisonnement s'applique seulement aux enfants et mineurs. Mais il est complété par une autre considération qui s'applique aussi aux adultes, c'est que l'éducation peut éveiller en ceux qui la reçoivent des capacités dont ils n'avaient pas encore conscience. […] Qu'il y ait de solides arguments pour que le gouvernement finance au moins une instruction générale n'implique pas que cette éducation doive aussi être administrée par l'État, et encore moins qu'il doive en avoir le monopole »
    — Friedrich Hayek, Droit, législation et liberté[1]'
Les libéraux sont en général opposés aux règlementations étatiques contraignantes qui aboutissent à l'absence de sélection au mérite (et, partant, à la dévalorisation des diplômes), au « collège unique », à la « carte scolaire » (interdiction de choisir son établissement), au monopole universitaire, à l'enseignement indifférencié, etc.

Position libertarienne

Pour les libertariens, il est injuste de forcer une personne, via l'impôt, à financer l'éducation d'autrui. L'enseignement est donc un service comme les autres, que des individus ou des entreprises vendent à des clients. S'il était appliqué, ce modèle aurait de nombreux avantages sur le plan de la qualité de l'enseignement. Outre les bénéfices tirés de la concurrence entre établissements scolaires et écoles de pédagogie, la délivrance des principaux diplômes ne serait plus un monopole, ce qui permettrait de valoriser de manière optimale les acquis des étudiants.
Le financement des études qui pourrait résulter de ce système est aussi supérieur à la formule de l'instruction publique gratuite. Ce marché, en plus d'intéresser les banques, pourrait voir fleurir les associations délivrant des bourses aux étudiants. Dans les deux cas, l'obtention de prêts serait soumise à la capacité des candidats à convaincre les prêteurs, et donc à fournir des résultats. Ce principe de responsabilisation favoriserait la réussite scolaire et permettrait aux plus méritants de poursuivre des études.
La conséquence directe montrerait l'inutilité voire le caractère nocif d'un ministère de l’Éducation Nationale, dont la mainmise idéologique et politique sur les jeunes esprits n'est pas le moindre défaut.
Pour certains libertariens, comme Murray Rothbard, l'école publique représente un réel danger pour la liberté, car elle repose sur des croyances d'un faux libéralisme issu du dix-neuvième siècle et par des auteurs utilitaristes comme Jeremy Bentham et des auteurs positivistes.
«Le libertarien, alors, se fondant sur la tradition libérale classique ancienne, ne doit pas seulement abandonner l'utilitarisme et le positivisme; il doit aussi abandonner cette tendance du culte de la démocratie et d'une haine irraisonnée envers le catholicisme qui le mène, entre autres défauts, vers la croissance d'un vaste fardeau d'étatisme et de tyrannie, l'école publique. »
    — Murray Rothbard, Conservatism and Freedom: A Libertarian Comment[2]

L'enseignement en France

Au XIXe siècle le monopole public a été graduellement réduit, le plus souvent par l'action des libéraux :
  • la loi Guizot libéralise l'enseignement primaire en 1832 ;
  • la loi Falloux, nommée d'après le catholique libéral Alfred de Falloux (1811-1886), libéralise l'enseignement secondaire en 1850 ;
  • la loi Dupanloup (1802-1878) libéralise l'enseignement supérieur en 1875.
En revanche, la fin du XXe siècle voit une régression sous l'influence des thèses égalitaristes : plan Langevin-Wallon (refus de la sélection, « justice à l'école »), collège unique, carte scolaire, etc. Le rapport du mathématicien Laurent Schwartz (1984), qui préconisait le retour à une certaine sélection, fut rejeté par les tout-puissants syndicats parce qu'il relevait du "principe fascisant de l’exclusion"...
Cet égalitarisme forcené conduit à la baisse continue du niveau des élèves, à la dévalorisation des diplômes et au découragement des enseignants. L'absence de toute sélection en est à la fois le symptôme et la cause :
« Nul ne soutiendrait que l'on peut devenir un bon skieur en se contentant de s'inscrire à une école de ski, sans effort musculaire dans l'application des instructions du moniteur. Mais l'effort intellectuel n'est plus considéré comme indispensable pour devenir un bon étudiant. Déplorer cette omission est devenu "réactionnaire". La "société" porterait seule la responsabilité du résultat des études. D'ailleurs on ne dit plus qu'un élève est paresseux, on dit qu'il est "en échec scolaire", fléau anonyme qui s'abat sur le malheureux comme la pluie ou la rougeole. »
    — Jean-François Revel, Le voleur dans la maison vide, Plon, 1997
On peut dire qu'au XXe siècle le monopole public a été renforcé. L'offre "privée" apparemment existante est presque toujours "sous contrat" avec l’État : les enseignants du soi-disant privé sont en fait payés par l’État et enseignent les programmes exigés par l’État. La "contractualisation" est parvenue à stériliser et neutraliser l’enseignement privé :
« Il n’existe pas de véritable choix éducatif en France, le privé n’étant que le délégataire du service public. »
    — Anne Coffinier
  • 4 Citations
  • 5 Notes et références
  • 6 Pour aller plus loin

    Baccalauréat et Socialisme

    Extrait du discours[1] que Frédéric Bastiat, député des Landes, aurait aimé prononcer à la chambre, s'il n'en avait été empêché par la tuberculose, lors des débats sur la liberté de l'enseignement, qui devaient aboutir au vote de la loi Falloux du 15 mars 1850. 
     
    J'ai soumis à l'assemblée un amendement qui a pour objet la suppression des grades universitaires. Ma santé ne me permet pas de le développer à la tribune. Permettez-moi d'avoir recours à la plume. [...] Les grades universitaires ont le triple inconvénient d'uniformiser l'enseignement (l'uniformité n'est pas l'unité) et de l'immobiliser après lui avoir imprimé la direction la plus funeste. [...] La liberté peut être considérée au point de vue des personnes et relativement aux matières - ratione personae et ratione materiae, comme disent les légistes ; car supprimer la concurrence des méthodes, ce n'est pas un moindre attentat à la liberté que de supprimer la concurrence des hommes. 

    Il y en a qui disent : "La carrière de l'enseignement va être libre, car chacun y pourra entrer." C'est une grande illusion. L'État, ou pour mieux dire le parti, la faction, la secte, l'homme qui s'empare momentanément, et même très légalement, de l'influence gouvernementale, peut donner à l'enseignement la direction qui lui plaît, et façonner à son gré toutes les intelligences par le seul mécanisme des grades...
    Moi, père de famille, et le professeur avec lequel je me concerte pour l'éducation de mon fils, nous pouvons croire que la véritable instruction consiste à savoir ce que les choses sont et ce qu'elles produisent, tant dans l'ordre physique que dans l'ordre moral. Nous pouvons penser que celui-là est le mieux instruit qui se fait l'idée la plus exacte des phénomènes et sait le mieux l'enchaînement des effets aux causes. Nous voudrions baser l'enseignement sur cette donnée. - Mais l'État a une autre idée. Il pense qu'être savant c'est être en mesure de scander les vers de Plaute, et de citer, sur le feu et sur l'air, les opinions de Thalès et de Pythagore.
    Or que fait l'État ? Il nous dit : Enseignez ce que vous voudrez à votre élève ; mais quand il aura vingt ans, je le ferai interroger sur les opinions de Pythagore et de Thalès, je lui ferai scander les vers de Plaute, et, s'il n'est assez fort en ces matières pour me prouver qu'il y a consacré toute sa jeunesse, il ne pourra être ni médecin, ni avocat, ni magistrat, ni consul, ni diplomate, ni professeur. 

    Dès lors je suis bien forcé de me soumettre, car je ne prendrai pas sur moi la responsabilité de fermer à mon fils tant de si belles carrières. Vous aurez beau me dire que je suis libre ; j'affirme que je ne le suis pas, puisque vous me réduisez à faire de mon fils, du moins à mon point de vue, un pédant, - peut être un affreux petit rhéteur, - et à coup sûr un turbulent factieux.
    Car si encore les connaissances exigées par le Baccalauréat avaient quelques rapports avec les besoins et les intérêts de notre époque ! si du moins elles n'étaient qu'inutiles ! mais elles sont déplorablement funestes. Fausser l'esprit humain, c'est le problème que semblent s'être posé et qu'ont résolu les corps auxquels a été livré le monopole de l'enseignement. [...]
    Les doctrines subversives auxquelles on a donné le nom de socialisme ou communisme sont le fruit de l'enseignement classique, qu'il soit distribué par le clergé ou par l'Université. [...] Relativement à la société, le monde ancien a légué au nouveau deux fausses notions qui l'ébranlent et l'ébranleront longtemps encore.
    L'une : que la société est un état hors de nature, né d'un contrat. Cette idée n'était pas aussi erronée autrefois qu'elle l'est de nos jours. Rome, Sparte, c'était bien des associations d'hommes ayant un but commun et déterminer : le pillage ; ce n'était pas précisément des sociétés mais des armées.
    L'autre, corollaire de la précédente : Que la loi créé les droits, et que, par suite, le législateur et l'humanité sont entre eux dans les mêmes rapports que le potier et l'argile. Minos, Lycurgue, Solon, Numa avaient fabriqué les sociétés crétoise, macédoniennes, athénienne, romaine. Platon était fabriquant de républiques imaginaires devant servir de modèles aux futurs instituteurs des peuples et pères des nations.
    Or, remarquez-le bien, ces deux idées forment le caractère spécial, le cachet distinctif du socialisme, en prenant ce mot dans le sens défavorable et comme la commune étiquette de toutes les utopies sociales.
    Quiconque, ignorant que le corps social est un ensemble de lois naturelles, comme le corps humain, rêve de créer une société artificielle, et se prend à manipuler à son gré la famille, la propriété, le droit, l'humanité, est socialiste. Il ne fait pas de la physiologie, il fait de la statuaire ; il n'observe pas, il invente ; il ne croit pas en Dieu, il croit en lui-même ; il n'est pas savant, il est tyran ; il ne sert pas les hommes, il en dispose ; il n'étudie pas leur nature, il la change, suivant le conseil de Rousseau[2]. Il s'inspire de l'antiquité ; il procède de Lycurgue et de Platon. - Et pour tout dire, à coup sûr, il est bachelier.
    Voyons donc à quoi se réduit [...] cette Liberté que vous dites si entière.
    En vertu de votre loi, je fonde un collège. Avec le prix de la pension, il me faut acheter ou louer le local, pourvoir à l'alimentation des élèves et payer les professeurs. Mais à coté de mon collège, il y a un Lycée. Il n'a pas à s'occuper du local et des professeurs. Les contribuables, moi compris, en font les frais. Il peut donc baisser le prix de la pension de manière à rendre mon entreprise impossible. Est-ce là de la liberté ?
    Maintenant je me suppose père de famille ; je mets mes fils dans une institution libre : quelle est la position qui m'est faite ? Comme père, je paye l'éducation de mes enfants, sans que nul me vienne en aide ; comme contribuable et comme catholique, je paye l'éducation des enfants des autres, car je ne puis refuser l'impôt qui soudoie les Lycées, ni guère me dispenser, en temps de carême, de jeter dans le bonnet du frère quêteur l'obole qui doit soutenir les séminaires. En ceci, du moins, je suis libre. Mais le suis-je quant à l'impôt ? Non, non, dites que vous faites de la Solidarité, au sens socialiste, mais n'ayez pas la prétention de faire de la Liberté. 

    Et ce n'est là que le très-petit coté de la question. Voici qui est plus grave. Je donne la préférence à l'enseignement libre, parce que votre enseignement officiel (auquel vous me forcer à concourir, sans en profiter) me semble communiste et païen ; ma conscience répugne à ce que mes fils s'imprègnent des idées spartiates et romaines qui, à mes yeux du moins, ne sont que la violence et le brigandage glorifié. En conséquence, je me soumets à payer la pension pour mes fils, et l'impôt pour les fils des autres. Mais qu'est ce que je trouve ? Je trouve que votre enseignement mythologique et guerrier a été indirectement imposé au collège libre, par l'ingénieux mécanisme de vos grades, et que je dois courber ma conscience à vos vues sous peine de faire de mes enfants des parias de la société. - Vous m'avez dit quatre fois que j'étais libre. Vous me le diriez cent fois, que cent fois je vous répondrais : je ne le suis pas. [...]
    Enfin, examinons la question au point de vue de la Société, et remarquons d'abord qu'il serait étrange que la société fut libre en matière d'enseignement si les instituteurs et les pères de famille ne le sont pas. La première phrase du rapport de M. Thiers sur l'instruction secondaire, en 1844, proclamait cette vérité terrible : "L'éducation publique est l'intérêt le plus grand d'une nation civilisée, et, par ce motif, le plus grand objet de l'ambition des partis."
    Il semble que la conclusion à tirer de là, c'est qu'une nation qui ne veut pas être la proie des partis doit se hâter de supprimer l'éducation publique, c'est à dire par l'État, et de proclamer la liberté de l'enseignement. S'il y a une éducation confiée au pouvoir, les partis auront un motif de plus pour chercher à s'emparer du pouvoir, puisque, du même coup, ce sera s'emparer de l'enseignement, le plus grand objet de leur ambition. La soif de gouverner n'inspire-t'elle pas assez de convoitise ? ne provoque-t'elle pas assez de luttes, de révolutions et de désordres ? et est-il sage de l'irriter encore par l'appât d'une si haute influence ?
    Et pourquoi les partis ambitionnent-ils la direction des études ? Parce qu'ils connaissent ce mot de Leibniz : "Faites-moi maître de l'enseignement, et je me charge de changer la face du monde." L'enseignement par le pouvoir, c'est donc l'enseignement par un parti, par une secte momentanément triomphante ; c'est l'enseignement au profit d'une idée, d'un système exclusif. "Nous avons fait la République, disait Robespierre, il nous reste à faire des républicains" ; tentative qui a été renouvelée en 1848. Bonaparte ne voulait faire que des soldats, Frayssinous que des dévots, Villemin que des rhéteurs. M. Guizot ne ferait que des doctrinaires, Enfantin que des saint-simoniens, et tel qui s'indigne de voir l'humanité ainsi dégradée, s'il était jamais en position de dire l'État c'est moi, serait peut être tenté de ne faire que des économistes. Eh quoi ! ne verra-t-on jamais le danger de fournir aux partis, à mesure qu'ils s'arrachent le pouvoir, l'occasion d'imposer uniformément et universellement leurs opinions, que dis-je ? leurs erreurs par la force ? Car c'est bien employer la force que d'interdire législativement toute autre idée que celle dont on est soit même infatué...
    Maintenant, je répète ma question : Au point de vue social, la loi que nous discutons réalise-t-elle la liberté ?
    Autrefois il y avait une Université. Pour enseigner il fallait sa permission. Elle imposait ses idées et ses méthodes, et force était d'en passer par là. Elle était donc, selon la pensée de Leibniz, maîtresse des générations, et c'est pour cela sans doute que son chef prenait le titre significatif de grand maître.
    Maintenant tout cela est renversé. Il ne restera à l'Université que deux attributions :
    1° le droit de dire ce qu'il faudra savoir pour obtenir les grades ;
    2° le droit de fermer d'innombrables carrières à ceux qui ne se seront pas soumis.
    Ce n'est presque rien, dit-on. Et moi je dis : ce rien est tout.
    Ceci m'entraîne à dire quelque chose d'un mot qui a été souvent prononcé dans ce débat : c'est le mot unité ; car beaucoup de personnes voient dans le Baccalauréat le moyen d'imprimer à toutes les intelligences une direction, sinon raisonnable et utile, du moins uniforme, et bonne en cela...
    Il y a deux sortes d'unités. L'une est un point de départ. Elle est imposée par la force, par ceux qui détiennent momentanément la force. L'autre est un résultat, la grande consommation de la perfectibilité humaine. Elle résulte de la naturelle gravitation des intelligences vers la vérité.
    La première unité a pour principe le mépris de l'espèce humaine, et pour instrument le despotisme. Robespierre était unitaire quand il disait : "J'ai fait la République, je vais me mettre à faire des républicains." [...] Procuste était Unitaire quand il disait : "Voilà un lit : je raccourcirai ou j'allongerai quiconque en dépassera ou n'en atteindra pas les dimensions." Le Baccalauréat est Unitaire quand il dit : La vie sociale sera interdite à quiconque ne subit pas mon programme." [...] 

    La liberté c'est le terrain où germe la véritable unité et l'atmosphère qui la féconde. La concurrence a pour effet de provoquer révéler et universaliser les bonnes méthodes, et de faire sombrer les mauvaises. Il faut bien admettre que l'esprit humain a plus naturelle proportion avec la vérité qu'avec l'erreur, avec ce qui est bien qu'avec ce qui est mal, avec ce qui est utile qu'avec ce qui est funeste. S'il n'en était pas ainsi, si la chute était naturellement réservée au Vrai, et le triomphe au Faux, tous nos efforts seraient vains ; l'humanité serait fatalement poussée, comme le croyait Rousseau, vers une dégradation inévitable et progressive. Il faudrait dire avec M. Thiers : L'antiquité est ce qu'il y a de plus beau au monde, ce qui n'est pas seulement une erreur mais un blasphème. - Les intérêts des hommes, bien compris, sont harmoniques, et la lumière qui les leur fait comprendre brille d'un éclat toujours plus vif. Donc les efforts individuels et collectifs, l'expérience, les tâtonnements, les déceptions même, la concurrence, en un mot, la Liberté - font graviter les hommes vers cette unité, qui est l'expression des lois de leur nature, et la réalisation du bien général... 

    Peut-on douter que l'enseignement, dégagé des entraves universitaires, soustrait, par la suppression des grades, au conventionnalisme classique, ne s'élançât, sous l'aiguillon de la rivalité, dans des voies nouvelles et fécondes ? Les institutions libres, qui surgiront laborieusement entre les lycées et les séminaires, sentiront la nécessité de donner à l'intelligence humaine sa véritable nourriture, à savoir : la science de ce que les choses sont et non la science de ce qu'on en disait il y a deux mille ans. "L'antiquité des temps est l'enfance du monde, dit Bacon, et, à proprement parler, c'est notre temps qui est l'antiquité, le monde ayant acquis du savoir et de l'expérience en vieillissant." L'étude des œuvres de Dieu et de la nature dans l'ordre moral et dans l'ordre matériel, voilà la véritable instruction, voilà celle qui dominera dans les institutions libres. Les jeunes gens qui l'auront revue se montreront supérieur par la force de l'intelligence, la sûreté du jugement, l'aptitude à la pratique de la vie, aux affreux petits rhéteurs que l'université et le clergé auront saturés de doctrines aussi fausses que surannées. Pendant que les uns seront préparés aux fonctions sociales de notre époque, les autres seront d'abord à oublier, s'ils peuvent, ce qu'ils auront appris, ensuite à apprendre ce qu'ils devraient savoir. En présence de ces résultats la tendance des pères de famille sera de préférer les écoles libres, pleines de sève et de vie, à ces autres écoles succombant sous l'esclavage de la routine... 

    L'effroyable désordre moral [de notre époque] ne naît pas d'une perversion des volontés individuelles abandonnées à leur libre arbitre. Non, il est législativement imposé par le mécanisme des grades universitaires. M. de Montalembert lui même, tout en regrettant que l'étude des lettres antiques ne fut pas assez forte, a cité les rapports des inspecteurs et doyen des facultés. Ils sont unanimes pour constater la résistance, je dirai presque la révolte du sentiment public contre une tyrannie si absurde et si funeste. Tous constatent que la jeunesse française calcule avec une précision mathématique ce qu'on l'oblige d'apprendre et ce qu'on lui permet d'ignorer, en fait d'études classiques, et qu'elle s'arrête juste à la limite où les grades s'obtiennent. En est-il de même dans les autres branches des connaissances humaines, et n'est-il pas de notoriété publique que, pour dix admissions, il se présenté cent candidats tous supérieurs à ce qu'exigent les programmes ? Que le législateur compte donc la raison publique et l'esprit des temps pour quelque chose...
    Frédéric Bastiat (1801-1850), 1850 (?)
     
    Notes:
    [1] Frédéric Bastiat, "Baccalauréat et Socialisme", Œuvres complètes, tome IV : Sophismes économiques, petits pamphlets I, Paris : Guillaumin, 2ème éd. 1863, pp. 442 à 503.
    [<- kbd="">
    [2] "Celui qui ose entreprendre d'instituer un peuple doit se sentir en état de changer, pour ainsi dire, la nature humaine..., d'altérer la constitution morale et physique de l'humanité..." (Contrat social, chap. VII)
    [<- kbd="">
    Extrait de l'édition originale en 7 volumes (1862) des œuvres complètes de Frédéric Bastiat, volume IV, pp. 442-503.
    Originellement mis sur le ouèbe par le site libertarien et non conformiste, en remerciant M. Pellissier-Tanon. Édité par Faré Rideau pour Bastiat.org.
    L'integralité de ce texte est maintenant disponible.

Créer son école

De Wikiberal
 
Créer son école est une association française, qui aide les parents souhaitant créer des écoles libres, en dehors du monopole de l'éducation nationale. Elle défend le pluralisme scolaire, rappelant qu'il s'agit de la meilleure façon de répondre aux besoins des enfants. Elle a été créée par Anne Coffinier.  
Elle a été fondée en 2004 par Anne Coffinier, normalienne et énarque. Elle regroupe des établissements « hors contrat ». Ces derniers étaient en 2006 au nombre de 450 et scolarisent 45.000 enfants[1]. Les établissements sont généralement catholiques, protestants, promouvant des pédagogies originales (Steiner, Montessori) ou avec des spécificités fortes (écoles pour dyslexiques, écoles bilingues). Une dizaine d'écoles s'y ajoutent chaque année selon Claude Fouquet[2].

Idées

L'association observe que l'éducation nationale en France n'est pas en mesure de répondre d'une manière unique aux besoins divers de tous les enfants et promeut donc les établissements libres. A cette fin elle propose donc un soutien juridique, matériel ou pratique à ceux qui souhaitent créer leur école.
L'association défend le respect de la liberté scolaire par l'Education Nationale: liberté de choisir son école, liberté de leurs méthodes pour les directeurs d'établissements et enseignants. Elle a ainsi pris parti pour le Chèque éducation[3] qui permet à chaque parent de choisir l'école de ses enfants et de donner à cette école le montant du chèque éducation.
Créer son école a rejoint en 2008 la Fondation pour l'école, dont elle est désormais l'une des constituantes.

Moyens d'action

L'association publie chaque année un guide sous forme de questions-réponses sur la création d'écoles libres pour aider les parents ou enseignants intéressés.
Elle agit également par la diffusion de son message dans les médias ou dans des conférences. Anne Coffinier est ainsi intervenue aux universités d'été de Liberté Chérie[4].

Un combat pour la liberté

Sans être exclusivement libéral, ce combat rejoint très largement les idées libérales, qui ont toujours condamné la tentative par le pouvoir d'avoir un monopole sur l'éducation. Ce sont ainsi historiquement les libéraux qui ont réduit le monopole public de l'éducation, par les lois Guizot de 1832, la loi Falloux de 1850 ou la loi Dupanloup de 1875. Les libéraux soulignent qu'une éducation libre pourra mieux répondre aux besoins de chaque enfant, tout en donnant une incitation à l'amélioration dans l'éducation nationale.
Le philosophe libéral britannique John Stuart Mill notait pour sa part[5] :
«Une éducation générale et étatisée n'est qu'un appareil à façonner les gens pour qu'ils soient exactement semblables entre eux ; et le moule utilisé est celui qui plaît aux pouvoirs prépondérants dans le gouvernement, que ce soit un monarque, un clergé, une aristocratie, ou la majorité de la génération en cours, et dans la mesure où l'appareil est efficace et où il est réussi, il établit un despotisme sur les esprits qui, par une pente naturelle, conduit à un despotisme sur les corps. »
    — John Stuart Mill, De la liberté
A l'inverse, ce sont les théoriciens de l'absolutisme royal qui cherchèrent à imposer le monopole public de l'éducation, suivis plus tard par les communistes; Cardin Le Bret au XVIIe siècle, Henri Wallon ou Claude Langevin au XXe siècle.
 
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