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octobre 10, 2025

Qui est Monsieur Jean-Luc Mélenchon ?

Jean-Luc Mélenchon naît dans une famille pied-noir, à Tanger (actuel Maroc). Il revient en France, dans le Jura, en 1962, obtient une licence de lettres modernes et une licence de philosophie en 1972. Pendant ses études, il est très actif à l'UNEF et dans l'Organisation Communiste Internationaliste, une organisation trotskiste à l'extrême gauche de l'échiquier politique. Dès 1968 il est en première ligne des mouvements étudiants dans la région, et dirige l'Organisation communiste internationaliste à Besançon. Il est évincé du mouvement et rejoint rapidement le Parti socialiste en 1976. 

 

 

Professionnellement, il travaille un an comme ouvrier avant de rejoindre l'éducation nationale. Il devient enseignant en 1976. En 1978, suite à une rencontre avec le socialiste Claude Germon, il quitte le Jura et rejoint Massy, en région parisienne, où il est directeur de cabinet de Claude Germon, maire de Massy. Il monte rapidement les échelons de la fédération de l'Essonne, dont il devient premier secrétaire en 1981 (jusqu'en 1986). Il se positionne alors comme un défenseur farouche de la laïcité.

En 1986, il est élu sénateur et se fait connaître comme un tenant de l'aile (très à) gauche du Parti socialiste. Il dénonce régulièrement la « gauche molle ». En 1990, sa motion recueille 1,35 % des suffrages au congrès du Parti. En 1992, il vote en faveur du traité de Maastricht. En 1997, il se présente comme seul candidat face à François Hollande pour le poste de premier secrétaire du Parti socialiste et recueille 9 % des voix. Son courant au Parti, « gauche socialiste », recueille entre 7 % et 13 % des suffrages exprimés lors des congrès du Parti jusqu'à sa disparation en 2002. Il s'y marginalise de plus en plus, seul sénateur à voter contre le passage à l'euro en 1998. En 2000, il participe néanmoins au gouvernement Jospin, à l'enseignement professionnel. Il s'affirme à nouveau contre la majorité du parti en 2005, en faisant compagne contre le projet de Constitution européenne. De plus en plus radical, il acte bientôt le fait de quitter la gauche de gouvernement pour l'extrême gauche. 

 


 

En 2009, il lance le Parti de gauche. Aux Européennes de 2009, il obtient 8 % des suffrages. La campagne présidentielle de 2012 qui suit lui offre un tremplin, avec une percée médiatique sur fond de positions outrancières, qui caractériseront son positionnement ultérieur, de même que celui de La France Insoumise. S'inscrivant dans une veine populiste, il publie un livre Qu'ils s'en aillent tous !. En 2012, il réussit à obtenir le soutien du Parti communiste français (PCF) pour la présidentielle. Il termine 4e avec 11 % des suffrages. Candidat dans la circonscription de Marine Le Pen pour les législatives qui suivent, il ne se qualifie pas pour le second tour. Débute alors une période d'opposition très à gauche contre la présidence Hollande, qui divise le camp de la gauche. En 2017, il arrive à nouveau en 4e place, avec un score qui a grimpé à 20 % des voix.

Depuis 2017, il incarne l'opposition d'extrême gauche à Emmanuel Macron, avec son parti La France Insoumise (LFI). Il se démarque à nouveau par son choix régulier de l'outrance et de l'opposition systématique, avec un programme fortement teinté d'étatisme et de communisme repackagé. En 2022, il réussit à s'imposer devant les autres candidats potentiels à gauche, et termine en troisième place de la présidentielle, avec 22 % des suffrages. Grâce à une « OPA » sur la gauche (union au sein de la NUPES), il réussit à obtenir plusieurs dizaines de députés LFI.

Son choix de l'opposition systématique et d'un positionnement toujours plus extrême à gauche l'isole. En octobre 2023, selon un sondage Odoxa, 62 % des Français ont une opinion négative de lui. Il est la personnalité politique la plus rejetée en France[1]

 


 

Positions politiques

Le programme économique de Jean-Luc Mélenchon n'est largement qu'une resucée des programmes de la gauche de la gauche et de l'extrême gauche, avec retour de la retraite par répartition à 60 ans, planification, fiscalité confiscatoire, etc. Il veut la construction de 200 000 logements sociaux par an, etc.

Alors qu'il s'est longtemps positionné comme un défenseur ardent de la laïcité, il a largement évolué, adoptant dans les années 2010 et 2020 un positionnement largement critiqué pour son « islamogauchisme », terme politique qui désigne les compromissions d'une certaine gauche régressive avec l'islamisme. Les analystes parlent de « virage à 180 degrés »[2], largement motivé par le « clientélisme »[3],[4]. Premier à dénoncer l'« islamophobie », terme hautement polémique, Jean-Luc Mélenchon est jugé par beaucoup comme sorti du « champ républicain » pour défendre des intérêts religieux[5]

D'un point de vue institutionnel, il réclame une Sixième République. Son respect de l’État de droit interroge : il appelle les membres de son parti à venir « défendre » le siège alors qu'une perquisition légale y est en cours[6]. Il tente physiquement et verbalement d'empêcher la perquisition en criant « La République, c'est moi ! », expression qui restera célèbre. Mis en examen pour « actes d'intimidation contre l'autorité judiciaire, rébellion et provocation », il est condamné à trois mois de prison avec sursis et 8000 euros d'amende[7]

Vidéo INA

 

Notes et références

1 - Sondage : Jean-Luc Mélenchon devient la personnalité politique la plus rejetée avec 62 % d’opinions défavorables 

2 - Laïcité: "Jean-Luc Mélenchon a fait un virage à 180° ces dernières années", pour Gilles Kepel (politologue spécialiste de l'islam contemporain), BFM TV

3 - LFI: La France islamo-gauchiste ?, Causeur, 20 mai 2022

4 - Accusés de complaisance avec l'islamisme politique, les Insoumis sur le gril

5 - Jean-Luc Mélenchon et la laïcité, l’histoire secrète d’un revirement, Le Parisien, 28 octobre 2023

6 - Récit "La République, c'est moi !" : retour sur la perquisition du siège de La France insoumise qui vaut un procès à Jean-Luc Mélenchon, France Info, 19 septembre 2019

7 - Jean-Luc Mélenchon condamné à trois mois de prison avec sursis pour rébellion et provocation, Le Parisien, 9 décembre 2019    

 Source

Son blog 

Wikipédia

 

septembre 17, 2025

Blé français : l’Algérie & Maroc choisissent la Russie, la France perd ses plus gros clients, plus d'un milliard d’euros envolé

La France perd le marché algérien du blé, près d’un milliard d’euros, au profit de la Russie. Une crise issue d’un échec diplomatique, qui frappe durement les paysans français.


 

L’Algérie a récemment décidé de cesser d’importer du blé français, une décision qui a des répercussions économiques significatives pour le secteur agricole français. Selon un reportage de BFMTV diffusé le 16 septembre 2025, cette mesure s’inscrit dans un contexte de détérioration des relations diplomatiques entre les deux pays, aggravées par des choix politiques français. Ces choix, notamment l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal et le soutien à un plan concernant le Sahara occidental, ont conduit à une escalade des tensions, rendant inévitable une cassure diplomatique et économique.

L’arrestation de Boualem Sansal, un écrivain franco-algérien proche du CRIF, qui compare Israël à « un village gaulois » résistant aux invasions. Des sources algériennes l’accusent d’être un « agent caché d’Israël » ou du Mossad, avec une vidéo de 2012 (diffusée en janvier 2025) le montrant évoquer sa rencontre avec Netanyahou. Sansal a été condamné à cinq ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’État, comme rapporté par France 24 le 27 mars 2025. Cette action a été perçue comme une ingérence directe dans les affaires internes de l’Algérie. Par ailleurs, le soutien de la France à un plan pour le Sahara occidental, exprimé par Emmanuel Macron dans une lettre au roi Mohammed VI en juillet 2024, a été vu comme une trahison par l’Algérie, qui soutient le mouvement d’indépendance sahraoui. Ces décisions, prises sans privilégier la diplomatie, ont directement contribué à la détérioration des relations.

Les paysans français face à une crise sans précédent

Les chiffres sont éloquents. En 2019, les exportations de blé français vers l’Algérie représentaient environ 1 milliard d’euros, selon des données compilées et citées dans le reportage de BFMTV. Aujourd’hui, ces exportations sont pratiquement nulles. Jean-François Lépy, directeur général de Soufflet Negoce déclaré :

« Je suis installé depuis 2006 et je n’ai jamais connu une crise aussi importante. »

En 2021, l’Algérie avait déjà exclu la France d’un tender de blé suite à un différend diplomatique, comme le rappelle Reuters. Comme l’explique Frédéric Montchablon, directeur de la Soufflet Negoce :

« L’Algérie a décidé de ne plus acheter de blé français, et cela a des conséquences immédiates sur nos exportations. »

Ces choix politiques français, loin de privilégier la diplomatie, ont rendu inévitable une cassure avec l’Algérie. Le gouvernement préférant s’aligner sur le CRIF plutôt que de privilégier la diplomatie afin de protéger ses agriculteurs.

La Russie, le bénéficiaire inattendu

Alors que la France perd pied sur le marché algérien, la Russie émerge comme le principal bénéficiaire. Selon les données présentées, l’Algérie a importé 1,6 million de tonnes de blé russe au cours des sept premiers mois de la saison actuelle, surpassant les volumes importés de l’Union européenne. Un graphique montre une chute drastique des importations de blé français en Algérie, passant de plusieurs milliers de tonnes en 2019 à presque rien en 2024, tandis que les importations de blé russe ont augmenté de manière significative. Cette situation profite directement à la Russie, qui a su capitaliser sur les erreurs diplomatiques françaises.

L’Algérie tourne le dos au blé français et se tourne vers la Russie, désormais principal fournisseur

L’Algérie a cessé toute importation de blé en provenance de France ce qui ouvre la voie à une percée décisive des exportateurs russes sur ce marché stratégique. Selon le quotidien français L’Opinion, la Russie fournit désormais 90 % des besoins en blé de l’Algérie, reléguant les producteurs français au second plan après des décennies de domination sans partage.

Il y a encore dix ans, Paris constituait le principal pourvoyeur de denrées céréalières de l’Algérie. Cependant, la détérioration progressive des relations bilatérales a culminé en octobre 2024, lorsque les autorités algériennes ont formellement exclu les entreprises françaises des appels d’offres relatifs aux importations de blé. Une exigence explicite a été même formulée : aucune céréale d’origine hexagonale ne saurait plus être prise en considération.

Un bouleversement du marché céréalier algérien

Ce revirement a permis à la Russie de s’ancrer solidement dans l’un des marchés céréaliers les plus considérables du bassin méditerranéen, mais qui reste miné par la bureaucratie et la mauvaise gestion des autorités algériennes. Les experts prévoient qu’à l’horizon 2025, les exportations françaises vers l’Algérie atteindront un niveau nul, consacrant ainsi la suprématie de la Fédération de Russie dans ce secteur.

Au-delà des volumes échangés, l’essor des exportations russes repose sur plusieurs facteurs techniques et logistiques. La compétitivité tarifaire accrue des céréales russes, renforcée par des coûts de production plus faibles et une politique agressive de pénétration des marchés, a joué un rôle déterminant. De surcroît, la diversification des infrastructures portuaires russes sur la mer Noire et la mer Caspienne a considérablement amélioré la capacité d’acheminement vers l’Afrique du Nord, réduisant les délais de livraison et optimisant la chaîne logistique.

Les analystes observent également que les récentes réformes du secteur agricole russe, conjuguées à une mise à niveau des silos portuaires et à une optimisation des quotas d’exportation, ont permis de répondre avec flexibilité aux exigences spécifiques du marché algérien, notamment en matière de qualité du blé tendre, privilégiée pour la production locale de semoule et de pain.

Un divorce commercial aux répercussions durables

Ce basculement des flux commerciaux traduit une rupture profonde dans l’architecture traditionnelle des échanges agricoles euro-méditerranéens. Il témoigne d’un réalignement des alliances économiques où la Russie, qui se targue, selon ses responsables, de sa capacité à offrir des conditions commerciales avantageuses et une régularité d’approvisionnement, occupe désormais une position dominante.

 

 


Blé : après l'Algérie, la Russie détrône la France au Maroc

La Russie consolide son influence sur le marché céréalier du Maghreb, en particulier au Maroc. Cette avancée marque une nouvelle étape dans la stratégie du géant agricole russe, qui gagne du terrain face à la France, acteur historique dans la région.

Sur les cinq premiers mois de la campagne actuelle, la Russie a exporté 700 000 tonnes de blé vers le Maroc, contre seulement 300 000 tonnes pour la France. Ce rapport de force illustre l'offensive menée par Moscou sur un marché traditionnellement dominé par les céréaliers français. Avec un objectif d’exportation ambitieux d’un million de tonnes pour la campagne 2024/2025, la Russie semble bien décidée à s’imposer comme le premier fournisseur de blé au Maroc.

Cette percée s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, la Russie bénéficie de coûts de production compétitifs, lui permettant d’offrir des prix attractifs sur les marchés internationaux. De plus, la qualité du blé russe, notamment en termes de teneur en protéines, répond aux standards exigés par les consommateurs marocains.

Contexte agricole défavorable au Maroc

Le Maroc traverse une sécheresse persistante, réduisant considérablement sa production locale de blé. Pour la campagne actuelle, la récolte marocaine n’a atteint que 3,3 millions de tonnes, soit un tiers des besoins nationaux, estimés à 10 millions de tonnes. Cette situation contraint le pays à augmenter ses importations, qui devraient s’élever à 7,5 millions de tonnes pour 2024/2025.

La dépendance accrue du Maroc à l’égard des marchés extérieurs a ouvert la porte à la Russie. En proposant des volumes importants à des prix compétitifs, Moscou s'est positionné comme un partenaire clé pour répondre à cette demande croissante.

La position française s'effrite dans la région

La France, longtemps considérée comme un fournisseur privilégié du Maroc, voit ses parts de marché s’éroder. Avec une production nationale de blé historiquement basse (26,3 millions de tonnes), les céréaliers français peinent à rivaliser avec leurs homologues russes sur le plan des coûts et des volumes disponibles.

En conséquence, les exportations françaises vers le Maroc devraient chuter de 53,5 %, passant de 2,8 millions de tonnes à seulement 1,5 million de tonnes cette année. Cette situation rappelle les difficultés rencontrées par la France en Algérie, où la Russie a également pris l’avantage, mettant fin à des décennies de domination française sur ce marché stratégique.

Une stratégie russe bien rodée

Le succès de la Russie sur le marché marocain s’inscrit dans une stratégie plus large d’expansion économique dans les pays du Maghreb. En Algérie, où Paris a perdu son statut de principal fournisseur, la Russie s'est imposée en exploitant les failles des producteurs européens, notamment en matière de coût et de flexibilité logistique.

Outre ses avantages en termes de prix, la Russie bénéficie de routes maritimes optimisées et d’un réseau commercial de plus en plus efficace. Ces atouts permettent à Moscou de répondre rapidement aux besoins des marchés importateurs, même en période de forte demande.

Montée en puissance de la Russie sur le marché maghrébin

La montée en puissance de la Russie sur le marché céréalier du Maghreb dépasse la seule question économique. Elle reflète une volonté de Moscou de renforcer son influence géopolitique dans cette région clé, en utilisant les exportations agricoles comme un levier stratégique.

Pour la France, cette perte de terrain met en lumière des défis structurels importants. La compétitivité des producteurs français est mise à rude épreuve, non seulement par les prix agressifs de la Russie, mais aussi par les conditions climatiques et les contraintes réglementaires en Europe. Si Paris veut regagner du terrain, il sera crucial de repenser ses stratégies commerciales et de s’adapter à une concurrence mondiale accrue.


 

 

 

 

 

 

janvier 13, 2015

RP#7 - Stratégie - Guerres et Paix ( sommaire: 5 thèmes actuels)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



 Sommaire:

A) -  Les attentats à Paris : quel point de vue depuis les Etats-Unis ? - IRIS du 13 janvier 2015 par Nicolas Dungan

B) -  Salman, futur roi saoudien, un homme très lié au Maroc - médias 24 du 12 janvier 2015

C) - Le Kazakhstan et l’Union eurasiatique : quels sont les enjeux de l’adhésion ? - Diploweb du 13 janvier 2015 par Hélène Rousselot (*Documentaliste et traductrice de russe, Membre de l’association LRS (Littérature russe et d’expression russe). Responsable « Asie Centrale » au Comité de rédaction de la revue en ligne regard-est.com)

D) - La pauvreté au japon, un mal grandissant - L’Express du 13 janvier 2015 par Philippe Mesmer

E) - Facebook, Twitter : les leçons de « Charlie » - Le Point du 13 janvier 2015 par Guillaume Grallet




A) -  Les attentats à Paris : quel point de vue depuis les Etats-Unis ?



Les Etats-Unis, son président en tête, ont particulièrement montré leur soutien à la France lors des attaques de la semaine dernière, et loin semble le temps où l’on y rebaptisait les French fries en Freedom fries. Comment interpréter ce soutien et cette mobilisation étatsunienne à l’épreuve qu’a subie la France ? 

Tout d’abord, on ne peut pas manquer de remarquer l’absence de dirigeants américains lors de la marche républicaine ce dimanche. Cette absence a particulièrement été pointée du doigt aux Etats-Unis : les citoyens, la presse, les médias, la twittosphère, le « commentariat », l’ont ressenti comme un signe d’indifférence inacceptable. C’est peut-être un problème sécuritaire qui a empêché Eric Holder, le ministre de la Justice des Etats-Unis, de défiler alors qu’il était à Paris. Ou, quoique j’en doute, c’est peut-être aussi une maladresse de la part de Barack Obama qui aurait pu envoyer son vice-président, Joe Biden. George Bush père disait quand il était vice-président : « You die, I fly ». Biden ou John Kerry auraient pu être là, contrairement à Obama qui a un dispositif de sécurité tellement lourd qu’il valait mieux ne pas venir. En tout état de cause, cette absence américaine n’a, apparemment, en rien offusqué la France, peuple ou dirigeants. Concernant la mobilisation française, il faut se rappeler que les Américains se rendent compte qu’ils ont mal réagi aux évènements du 11 septembre 2001. Leur réponse de colère et de vengeance avait été quasiment l’inverse de celle des Français depuis la semaine dernière. Les Américains reconnaissent que le « either you are with us, or you are with the terrorists » (vous êtes soit de notre côté, soit avec les terroristes) de George W. Bush était fondamentalement erroné en tant que jugement et avait conduit à des comportements extrêmement destructeurs, telles l’invasion en Irak et la déstabilisation du Moyen-Orient qui en a résulté. Quant aux Français et Américains, il y a une solidarité qui existe dans les moments difficiles entre nos deux peuples et nos républiques fondées sur les principes des Lumières. Ce sont les deux seuls pays au monde qui se réclament — et qui essaient tant bien que mal d’incarner — des valeurs universelles. Cette fraternité est donc réelle. Du côté des États-Unis, on considère que la manière, digne et unie, dont la France a réagi aux attaques de la semaine dernière, c’est en quelque sorte ce que les Américains auraient voulu faire eux- mêmes après le 11 septembre. 

Certains évoquent aujourd’hui la nécessité d’un Patriot Act à la française, inspiré du modèle américain. Quel bilan y porte-t-on outre-Atlantique plus de 10 ans après son instauration ?
Il y a deux volets au Patriot Act et au Homeland Security Act, son analogue. Chacun de ces deux volets montre justement pourquoi il n’y en a pas besoin en tant que tel en France. Le premier volet a été la refonte complète, plutôt par le Homeland Security Act, de tout ce qui était renseignement, intelligence et maintien de l’ordre au niveau du gouvernement fédéral, dont les services dans ces domaines étaient très fortement dispersés. Aux Etats-Unis, à l’époque, le département de l’Immigration dépendait d’un ministère et la douane d’un autre, de même pour le renseignement et le FBI. Souvent, ils ne communiquaient pas entre eux. Il fallait réorganiser tout cela. La France est un pays beaucoup plus organisé que les Etats-Unis et d’ailleurs que de nombreux autres au niveau du fonctionnement de l’État. Si la France a besoin d’améliorer la coordination de ses services de renseignement, comme l’a évoqué le premier ministre, Manuel Valls, ce n’est pas à mon sens en passant par un Patriot Act ou un Homeland Security Act. Le Patriot Act américain en particulier a conduit — et c’est le deuxième volet — a beaucoup de pratiques considérées comme abusives et tendant à diminuer les libertés individuelles aux Etats-Unis. La France n’a pas besoin de quelque chose d’aussi défensif. Il ne faut pas une restriction des droits telle que ce que le Patriot Act a amené ; la France ne doit pas reproduire ces errements. Par ailleurs, l’élaboration de la politique interne aux États-Unis relève du Congrès, qui rédige les projets de loi en son sein, et il est plus normal qu’aux États-Unis de telles réformes passent par la législature au premier chef. En France, la Constitution confie au gouvernement l’élaboration de la politique interne, et celui- ci dispose de maints outils pour le faire, y compris de nouvelles lois, mais pas uniquement. 

Pensez-vous que ces événements tragiques sont à même de rapprocher encore davantage Français et Américains, notamment en matière de renseignement et de sécurité, alors que les informations sur les frères Kouachi notamment n’avaient semble-t-il pas été partagées entre les deux nations ? 

Je doute qu’il soit possible de rapprocher plus encore les directions de renseignements américains et français, tellement elles travaillent déjà comme s’il s’agissait d’un service unique. Cela étant, la France ne fait pas parti du groupe des Five Eyes — Etats-Unis, Grande- Bretagne, Australie, Nouvelle Zélande et Canada — et elle n’en a sans doute pas envie parce qu’elle veut garder sa propre marge de manœuvre. Le but de la politique internationale française, qu’elle soit diplomatique ou militaire, c’est « l’indépendance nationale ». Il est donc difficile pour la France et les Etats-Unis de se rapprocher davantage à ce niveau. Par ailleurs, il y a plusieurs analyses depuis les événements de la semaine dernière, faites par des professionnels du renseignement, qui soulignent que, contrairement à ce qu’on voit au cinéma et à ce que nous ferait croire Edward Snowden, les professionnels du renseignement sont en réalité sérieusement débordés. C’est le cas dans tous les grand pays, France, Etats-Unis, Grande-Bretagne et ailleurs. Les services peuvent donc peut-être travailler plus efficacement ensemble, et ils chercheront sans aucun doute à le faire, mais travailler plus étroitement sera difficile car c’est ce qui se pratique déjà aujourd’hui. 



B) -  Salman, futur roi saoudien, un homme très lié au Maroc
 
Fortes rumeurs au sujet d'une probable abdication du Roi Abdallah. Le futur successeur, le Prince Salman, a des liens forts avec le Maroc. Agé de 90 ans, le roi Abdallah d’Arabie saoudite a été hospitalisé le 31 décembre dernier pour une pneumonie. Mais depuis plusieurs mois, c’était le prince héritier Salman qui assurait l’essentiel des activités officielles et des tâches de représentation. Le prince Salman a ainsi reçu ce dimanche 11 janvier à Riyad le président vénézuélien Nicolas Maduro. Il y a quelques jours, il présidait l’ouverture du majlis al choura (conseil consultatif, une sorte de parlement mais dont les membres sont désignés, tout en étant assez représentatifs de différents courants). En décembre, il a représenté son pays au sommet du G20 en Australie ainsi qu’au sommet du CCG à Doha. Tous les jours, le compte Twitter du prince héritier saoudien, 77 ans, rend compte de ses activités officielles. Désigné prince héritier en 2012 par le roi Abdallah, Salman exerce les fonctions de ministre de la Défense. Pendant plus de 40 ans, il a été gouverneur de la capitale Riyad où sa gestion a été très appréciée. 

Salman et le Maroc
Salman est bien connu au Maroc et surtout à Tanger où il passe le plus clair de son temps lorsqu’il n’est pas en Arabie saoudite. Salman dispose de résidences à Madrid et à Londres mais c’est à Tanger qu’il dispose d’une résidence voisine du palais royal et d’une seconde résidence en bord de mer sur la côte atlantique. Depuis deux ans, le prince Salman a entrepris de vastes travaux dans sa résidence de plage, un mini-palais entouré d’une dizaine de villas. L’ensemble est solidement fortifié. Lorsqu’il est à Tanger, la plage qui borde sa résidence est fermée au public et une unité des FAR est présente pour contribuer à assurer la sécurité de l’un des hommes les plus puissants du monde. L’armée saoudienne compte notamment parmi les 10 budgets militaires les plus importants de la planète, quelque 55 milliards de dollars en 2014. L’été dernier d’ailleurs, Salman est arrivé à Tanger à la veille de l’Aïd al Fitr accompagné d’un nombre important de collaborateurs politiques et de membres de sa famille. Il est resté plus de cinq semaines dans la région avant de s’envoler directement pour Paris le 1er septembre. Il devait y être reçu par le président français François Hollande et rencontrer son homologue Jean -Yves Le Drian. Le prince Salman aime séjourner à Tanger avec sa famille. Avec sa suite, à l’été 2014, il lui est arrivé de privatiser des restaurants en plein cœur de la saison d’été. A Tanger également, il a reçu et rencontré plusieurs politiques marocains et européens.





Inconnues
Selon le site israélien Debka, l’abdication du Roi Abdallah est une option ouverte. Son ami l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos a fait de même il y a quelques mois. Mais une succession n’est jamais un processus facile surtout lorsque ses règles ne sont pas immuables. Ces jours-ci du côté de Washington, -Américains et israéliens suivent les choses de près-, on s’inquiète ouvertement d’une succession qui serait conflictuelle. Selon Simon Henderson du Washinton Institute, «il est peu probable que la transition saoudienne se passe de manière fluide, quoiqu’il ne fasse aucun doute que c’est ainsi que la maison des Saoud souhaite qu’elle soit perçue». Si Abdallah a formellement désigné Salman comme son successeur, ce dernier a été bien malade en 2012 avec le diagnostic de troubles neurologiques. Et au-delà du prince héritier Salman, il y a également le prince Muqrin, prince héritier-adjoint également désigné en 2012. C’est Abdallah qui a inventé le titre. Avant de mourir en 1953, le roi Abdelaziz (ou Ibn Saoud) avait établi un système de succession entre ses fils, du plus âgé au plus jeune. A 65 ans, Muqrin fait partie, avec Abdallah et Salman, des trois derniers fils vivants du défunt roi Abdelaziz. Néanmoins, si Salman devient roi d’Arabie saoudite, il peut désigner son prince héritier. Muqrin ou pas ? Salman a des enfants qui sont dans la haute administration et dans l’armée. Et si Muqrin est désigné prince héritier, quel serait le nouveau mode de succession instauré pour la suite ? A l’heure où le royaume saoudien est confronté à d’importants défis sécuritaires au nord à la frontière irakienne, au sud aux frontières du Yémen et à l’est avec l’Iran, ainsi qu’à d’importantes transformations économiques et sociales, le futur de la maison Saoud ne laisse pas indifférent. 




C) - Le Kazakhstan et l’Union eurasiatique : quels sont les enjeux de l’adhésion ?
 
L’incessante promotion de l’idée eurasiatique, par leur président N. Nazarbaev ne convainc manifestement pas tous les Kazakhstanais. Certains se montrent défiants à l’égard de cette adhésion à une institution incluant la Russie, de peur de voir celle-ci exercer une forte une ingérence dans leur pays. L’UNION eurasiatique rassemblant la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie, se substituera à l’Union douanière et à l’Espace économique commun à partir de janvier 2015. L’accord scellant la constitution de cette Union sur la base de l’Union douanière (elle-même formée au sein de la Communauté économique eurasiatique) [1], a été signé par les présidents kazakh, russe et biélorusse, à Astana, le 29 mai 2014. La prochaine adhésion du Kazakhstan à cette nouvelle organisation régionale soulève des protestations au sein de ce pays centrasiatique dont le président Noursoultan Nazarbaev est pourtant à l’initiative de l’idée d’intégration depuis une vingtaine d’années. À en croire les discours du président kazakh, l’Union douanière a déjà apporté des bénéfices économiques substantiels à son pays. Or, si le Kazakhstan a bénéficié d’investissements étrangers et ce grâce à un plus grand marché que celui du seul Kazakhstan : l’Union douanière compte 169,8 millions de consommateurs, tandis que les Kazakhstanais ne sont que 17 millions, les principaux investisseurs ne sont ni biélorusses, ni russes. Mais des données officielles d’une part et les protestations d’activistes et de responsables kazakhstanais d’autre part incitent à examiner plus précisément la rationalité économique de ce processus. Le volet politique de l’Union eurasiatique est également source d’inquiétude pour certains Kazakhstanais, notamment depuis le début de la crise ukrainienne à l’automne 2013. 


Bilan de l’adhésion du Kazakhstan à l’Union douanière
Astana a déjà vu le déficit de sa balance commerciale vis-à-vis de Moscou s’aggraver. Le supposé renforcement de l’intégration entre les pays membres de l’Union douanière aurait entrainé un développement des échanges commerciaux entre Minsk, Astana et Moscou. Mais il semblerait que le Kazakhstan n’en ait pas pleinement profité. Astana a vu, en effet, le déficit de sa balance commerciale vis-à-vis de Moscou s’aggraver, en passant de 8,5 en 2011 à 11 milliards de dollars en 2012. Le Kazakhstan qui a dû revoir plus de 50% de ses tarifs douaniers, globalement plutôt à la hausse [2] , se trouve bel et bien exposé à une concurrence accrue de marchandises en provenance de Russie. Celles-ci, croissantes jusqu’en 2012, consistent en carburant (malgré ses richesses en hydrocarbures, le Kazakhstan ne produit pas suffisamment d’essence notamment pour sa propre consommation), en machines-outils et en métaux (respectivement 23,6%, 15,2% et 11,7%, en 2012) [3]. Puis, au cours des huit premiers mois de l’année 2014 par rapport à la même période de 2013, elles ont baissé de 21% (les importations de Biélorussie ne varient pas pendant cette période, après avoir augmenté en 2012). Pour les périodes janvier-août 2013 et 2014, le tableau ci-dessous montre que les exportations du Kazakhstan vers les deux autres pays de l’Union douanière diminuent fortement, voire très fortement avec la Biélorussie. Et si les échanges du Kazakhstan avec des pays hors CEI diminuent aussi, ils régressent moins fortement que ceux du Kazakhstan avec la Russie. 

Ces réductions des échanges du Kazakhstan se traduisent par un excédent de la balance commerciale en baisse. Il est de 46 810,4 en 2011, puis de 43 148,0 en 2012 et enfin de 33,84 milliards de dollars en 2013. Ses exportations totales ont diminué de 4,04% en 2013 par

rapport à 2012 (elles s’établissaient à 83,41 milliards de dollars en 2013), tandis que ses importations totales étaient de 49,58 milliards, soit 1,02% de plus qu’en 2012 [4]. La part des pays hors CEI (donc hors Union douanière) dans les importations du Kazakhstan s’accroit pendant cette période puisqu’elle est de 58,1% en janvier-août 2014 (contre 53,3% pour la même période de 2013) et celle de ses exportations est de 88,6% (contre 87% pour la même période de 2013). De plus, les principaux partenaires économiques du Kazakhstan sont la Chine et l’UE et leurs parts dans les échanges du Kazakhstan augmentent. Elles sont respectivement 14,6% et 45,7% de ses échanges commerciaux sur la période janvier-août 2014, contre 17,2% et 40,5% pour la même période de 2013. Ces chiffres peuvent par conséquent soulever la question du bien-fondé de la promotion d’une intégration douanière et économique du Kazakhstan avec la Biélorussie et la Russie, puisqu’il commerce davantage avec des pays tiers. Le Kazakhstan avec la Biélorussie ne comptent que pour 0,5% des IDE réalisés en Russie. Du reste, les données relatives aux investissements directs étrangers (IDE) renforcent la pertinence de cette question. Moscou et Minsk ne représentent que 5% des IDE réalisés au Kazakhstan. Les principaux investisseurs dans ce pays étaient en 2012 les Pays- Bas, la Chine, le Canada et le France. Réciproquement, le Kazakhstan avec la Biélorussie ne comptent que pour 0,5% des IDE réalisés en Russie. Ce qui abonde dans le sens du politicien et journaliste kazakh Amirjan Kosanov qui souhaite voir son pays coopérer plutôt avec des pays pouvant opérer des transferts de technologie vers son pays, par crainte de voir son pays touché par une économie russe en piteux état. 

Les bénéfices attendus de l’adhésion du Kazakhstan à l’Union eurasiatique
Comme le soulignent B. Slaski et E. Dreyfus dans leur article « Quelle Union eurasiatique ? », l’Union douanière devait accorder au Kazakhstan un « accès facilité et sans taxes aux oléoducs et aux gazoducs russes et biélorusses menant vers l’Europe occidentale » ainsi qu’une meilleure protection face aux produits chinois depuis 2010. Mais, sur ce dernier point, les données de l’Agence pour les statistiques du Kazakhstan n’indiquent pas une telle évolution, puisque les importations chinoises au Kazakhstan croissaient en valeurs absolues et en pourcentage des importations totales du Kazakhstan. Ces importations chinoises atteignaient 7,444 milliards de dollars en 2012 (soit 16,1% des importations totales du Kazakhstan), puis 8,364 milliards de dollars en 2013 (soit 17,1% des importations totales du Kazakhstan) et 5,441 milliards de dollars pour les neuf premiers mois de l’année 2014 (avec une part de 18% dans les importations totales du Kazakhstan). L’Union eurasiatique, quant à elle, devrait permettre aux produits kazakhstanais d’accéder plus facilement aux infrastructures russes et européennes et ce, peut-être, grâce à la facilitation des transports Asie-Europe par voies terrestres, alors qu’ils se font, pour l’heure, plutôt par voie maritime. Mais, la signature par les chemins de fer russes et chinois à la mi-octobre 2014 d’un mémorandum pour le projet de construction de lignes à grande vitesse entre Moscou et Pékin, pourrait modifier un peu la donne. Par ailleurs, ce rapprochement économique avec la Russie qui est le 156ème membre de l’Organisation Mondiale du Commerce depuis le 22 août 2012, pourrait simplifier l’entrée du Kazakhstan à l’OMC, de l’avis cette dernière et de celui de la Russie. De plus, les banques centrales des trois pays se sont mises d’accord pour échanger des informations et un travail d’harmonisation fiscale serait en cours entre les trois pays, où la TVA est de 18% en Russie et de 12% au Kazakhstan (de 20% en Biélorussie). Ce qui marque un premier point de dissymétrie entre les trois partenaires. Des acteurs économiques ainsi que la population kazakhstanaise avaient anticipé un renforcement des taxes douanières et donc une augmentation générale des prix, suite à l’entrée de leur pays dans l’Union douanière. En théorie, les consommateurs kazakhstanais pouvaient aussi compter sur une augmentation de la concurrence entre produits de consommation. Dans les faits, force est de constater que l’inflation est à la baisse depuis 2011. De l’ordre de 7% en 2011, elle atteint 6% en 2012, 4,8% en 2013, année où elle était la plus faible depuis 15 ans. En revanche, elle pourrait remonter pour atteindre les 6,9% fin 2014 [5]. D’autres bénéficiaires d’une intégration eurasiatique plus poussée pourraient être des Kazakhs de régions frontalières entre la Russie et le Kazakhstan. Des initiatives, apparemment locales, se font jour notamment dans la région de Saratov (en Russie) qui compte environ 3% de Kazakhs. Elle a vu naître le centre d’information « Evrazia-Povolje » (« Eurasie-région de la Volga »), dirigée par une historienne russe, en septembre pour promouvoir la coopération transfrontalière entre la Russie et le Kazakhstan. Au niveau national, cette intégration se manifeste par le forum annuel de coopération régionale, auquel participent les deux chefs d’État. Le dernier en date s’est tenu en septembre 2014, dans la ville pétrolière d’Atyrau, sur le bord de la mer Caspienne, au Kazakhstan. Ce forum annuel, qui est le onzième du nom (Moscou et Astana n’ont donc pas attendu la mise en place de l’Union douanière en 2007 pour l’instaurer) et consacré au domaine pétrolier, a présenté un projet de création d’un pôle d’innovation gazo-chimique sur la base du complexe d’Orenbourg (en Russie) ainsi qu’un projet de centre de formation d’ingénieurs pour le secteur des hydrocarbures. Ces exemples de développement de l’intégration et de la coopération eurasiatique ne doivent pas masquer de remarquables dissymétries structurelles et de diverses natures entre les deux voisins. Les plus immédiatement repérables sont celles qui ont trait à leurs superficies, démographies et produits intérieurs bruts, difficilement comparables. La superficie du Kazakhstan (2,7 millions km2) représente 13,5% de celle de l’Union douanière (soit environ 20 millions de km2), sa population compte pour 10,4% de celle de l’Union et son PIB - pour 9,3% de celui de l’Union en 2013. En raison de ces dissymétries relevées entre le Kazakhstan et la Russie, des consensus entre la Russie et le Kazakhstan paraissent difficilement réalisables, ce qui alimente encore la méfiance de Kazakhstanais vis-à-vis de la participation de leur pays à une telle organisation. Et les cercles économiques kazakhs n’ont, du reste, pas caché leur réticence envers le projet d’Union eurasiatique. Quant à l’ensemble de la population kazakhstanaise, au vu de son soutien à l’Union douanière (48% en faveur de l’Union douanière, contre 55% en Russie, en 2011 [5]), on peut supposer qu’elle n’est pas plus enthousiaste vis-à-vis de l’Union eurasiatique. Les besoins en matière d’intégration sont par conséquent divergents entre les deux pays, ce qui explique un décalage d’agendas des priorités entre les partenaires de la future Union eurasiatique. Pour la Russie, l’intérêt des processus d’intégration se mesure sur le long terme, tandis qu’au Kazakhstan, un plus court terme domine. 


L’opposition kazakhstanaise et l’adhésion à l’union eurasiatique
À l’approche de la signature de l’accord sur l’Union eurasiatique, en mai 2014, s’était tenu un forum anti eurasiatique, à Almaty. Des opposants à l’Union douanière dénonçaient l’influence de la Russie sur les autorités du Kazakhstan, ainsi que les ambitions politiques personnelles du président Nazarbaev, décidé à faire adhérer son pays à l’Union, aux dépens des intérêts de son pays. Il réunissait écrivains et opposants politiques tels que Tolegen Joukeev (né en 1949, ingénieur du pétrole, l’un des pères du projet d’exploitation du champ pétrolifère de Tengiz). S’y étaient exprimées des revendications, comme la demande d’un référendum sur l’entrée du Kazakhstan dans l’Union eurasiatique. Soulignons que ce projet n’avait pas fait l’objet de débat dans les médias et que l’entrée dans l’Union douanière n’avait pas été non plus sanctionnée par un référendum. Quelques jours plus tard, des opposants à l’Union dénonçaient l’influence de la Russie sur les autorités du Kazakhstan, ainsi que les ambitions politiques personnelles du président Nazarbaev, décidé à faire adhérer son pays à l’Union douanière, aux dépens des intérêts de son pays, selon l’économiste kazakh Toktar Esirkepov. L’incessante promotion de l’idée eurasiatique, par leur président N. 


Nazarbaev ne convainc manifestement pas tous les Kazakhstanais. Certains se montrent défiants à l’égard de cette adhésion à une institution incluant la Russie, de peur de voir celle- ci exercer une forte une ingérence dans leur pays. (Rappelons ici que plus de 29 Kazakhs ont été victimes d’actes racistes et 7 en sont morts en Russie, en 2014). Certains opposants kazakhs inquiets de voir la Russie mettre en œuvre des ambitions impérialistes, n’hésitent pas à aller jusqu’à évoquer la volonté russe de reconstituer une seconde URSS. Ce qui leur fait dire que la perte de souveraineté du Kazakhstan le ravalerait alors au rang de « province de la Russie ». Comme pour leur répondre, des experts russes dénoncent, eux, une rumeur orchestrée par des nationalistes kazakhs accusant la Russie de vouloir déstabiliser le Kazakhstan. Une telle perte de souveraineté signifierait plus certainement une encore moins grande latitude pour organiser des mouvements de protestation à l’égard du pouvoir, les autorités kazakhstanaises pouvant alors compter sur un soutien du Kremlin pour les contrer. Et la nouvelle crise ukrainienne advenue à l’automne 2013, alimente encore les réticences des nationaux-patriotes et anti-eurasiatiques kazakhstanais. Parmi ces derniers, outre Amirjan Kosanov déjà cité, les plus visibles dans les médias russophones sont Kazbek Beïsebaev (ancien membre du ministère des Affaires étrangères du Kazakhstan), Boulat Abilov (ingénieur des mines, ancien conseiller présidentiel et président du parti Azat), et Moukhtar Taïjan, économiste, qui se situe plutôt dans la mouvance des nationaux-patriotes. Selon le jeune opposant Janbolat Mamaï, les nationalistes kazakhstanais auraient réussi à faire pression sur N. Nazarbaev pour exclure la composante politique du projet d’Union eurasiatique, à savoir un parlement eurasiatique, une monnaie commune, la double nationalité, et une surveillance conjointe des frontières. Mais, les perspectives d’une intégration monétaire et politique, sont rejetées par la majorité de la classe politique, N. Nazarbaev en tête. De fait, à l’issue d’une rencontre avec ses homologues russe et biélorusse à Astana en mai 2013, le président kazakh avait réitéré qu’il n’était pas question de donner à la Commission Économique Eurasiatique [6] des compétences de nature politique. Il déclarait alors : « Je souhaite une fois de plus mettre l’accent sur le fait qu’il n’y a aucun plan qui, envisageant le transfert de compétences politiques à des instances supranationales, remettraient en cause l’indépendance des États. Il ne s’agit que d’intégration économique » [7]. Pour N. Nazarbaev, ce sont les domaines économiques qui doivent être les moteurs de cette intégration. Pourtant des Kazakhstanais à l’instar d’A.Kosanov craignent que le Kazakhstan ne soit entrainé par la Russie dans un plus isolement, en raison des tensions entre la Russie et l’Occident. Du reste, cette accentuation d’un relatif isolement pourrait compromettre le programme « La voie vers l’Europe » lancé par N. Nazarbaev en 2008 et dont l’objectif est de développer la coopération bilatérale du Kazakhstan avec des pays européens et l’Union européenne. En supposant que l’Union eurasiatique ne soit qu’économique, A. Kosanov pose aussi la question de savoir comment séparer l’économique du politique et du géopolitique dans un monde globalisé. 

[1] Pour de plus amples détails sur la formation de cette organisation, Cf. Bertrand SLASKI, Emmanuel DREYFUS, Quelle Union eurasiatique ? 30 janvier 2014 (http://www.diploweb.com/Quelle-Union-eurasiatique.html).
[2] « Regional Trade Integration and Eurasian Economic Union”, Banque européenne de Développement et de reconstruction, www.ebrd.com/downloads/research/transition/tr12d.pdf., p. 66.
[3] Proved провэд.рф/economics/customs-union.html, 22 juin 2013. [4] Kursiv, 5 mars 2014.


[5] Tengrinews.kz, 4 novembre 2014.



[6] La Commission économique eurasienne est l’organisme de réglementation supranationale permanente de l’Union douanière et de l’Espace économique unique ; elle fonctionne depuis le 2 février 2012.

[7] Kursiv, 29 mai 2013.



D) - La pauvreté au japon, un mal grandissant



Le gouvernement japonais ne parvient pas à juguler la pauvreté qui touche plus particulièrement les jeunes, les familles monoparentales et les personnes âgées. 


Les chiffres dévoilés le 1er août par le ministère japonais des Affaires sociales révèlent que, en 2012, 16,1% de la population vivaient sous le seuil de pauvreté. Celui-ci était alors estimé à 1,22 million de yens (8629 euros), soit la moitié du revenu annuel médian. Pour la première fois, la part des enfants touchés par la pauvreté (16,3%) dépassait celle des adultes. Ce niveau confirme la place occupée par l'archipel depuis plusieurs années parmi les mauvais élèves de l'OCDE. Le Japon se situe en quatrième position des nations affichant le taux de pauvreté le plus élevé, derrière le Mexique, la Turquie et les Etats-Unis. Parmi les foyers à parent unique, il est en tête, à 58,7%, devant les Etats-Unis (50%). En France, à titre de comparaison, 19% de ces ménages vivent sous le seuil de pauvreté. L'Institut pour la population et la sécurité sociale (IPSS), organisme public, souligne trois spécificités japonaises. L'importance des travailleurs pauvres, l'existence de catégories de population particulièrement touchées -jeunes, foyers à parent unique, personnes âgées- et, enfin, l'inefficacité des politiques publiques à lutter contre la pauvreté. 

Recrudescence des contrats précaires
De fait, le nombre de travailleurs pauvres croît depuis les années 80, époque où les entreprises ont commencé à recourir en masse aux contrats à durée déterminée et à l'intérim, profitant de politiques qui favorisaient le recours aux contrats précaires. Malgré une pause quand le Parti démocrate du Japon était au pouvoir, entre 2009 et 2012, les gouvernements successifs ont peu à peu allongé la liste des métiers ouverts à l'intérim et aux CDD. Aujourd'hui, près de quatre actifs sur dix sont en contrat précaire. Or les écarts de salaires entre contractuels ou intérimaires et salariés à temps plein peuvent aller du simple au double: "Cela crée une pression sur les rémunérations des salariés en CDI", regrette l'IPSS. Les experts de l'organisme s'inquiètent aussi du non-paiement des cotisations sociales, santé et retraite par 40% des travailleurs précaires: dans le système japonais, c'est à eux de cotiser et non à l'employeur. Pour aider les plus démunis, il existe un système équivalent au RMI: 1,6% seulement de la population en bénéficie, en raison des difficultés rencontrées pour y accéder. Dans le même temps, il n'y a pas de minimum vieillesse. Compte tenu de la modicité des retraites nippones, qui ont baissé de 1% en avril et baisseront de 0,5% en avril 2015, et de l'allongement de la durée de vie, la pauvreté des personnes âgées devient problématique. Le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures pour lutter contre la pauvreté des enfants. Mais, déplore-t-on à l'IPSS, "les contraintes budgétaires sont telles que les fonds disponibles pour l'assistance aux plus démunis restent limités".





Quelle est la responsabilité des réseaux sociaux après les attentats ? Le créateur de Facebook prend position, Twitter est sur la sellette. 

Artisan de la liberté d'expression, Facebook ? Si le réseau social peut agacer par son interventionnisme, notamment lorsqu'il censure une paire de seins nus - Postez une reproduction de "L'Origine du monde" de Gustave Courbet sur votre profil, et elle sera immédiatement retirée - Mark Zuckerberg a été prompt à réagir après l'affaire Charlie Hebdo. "Il y a quelques années, un extrémiste au Pakistan voulait me condamner à mort parce que Facebook refusait d'interdire du contenu sur Mahomet qui l'offensait. On s'est battu pour que puissent s'exprimer des voix différentes, même si elles sont parfois "offensives", car cela peut rendre le monde meilleur et plus intéressant", explique le créateur du réseau social dans un post vendredi. Mark Zuckerberg précise à propos du réseau social créé il y a 11 ans, qu'il s'agit d'"un endroit dans le monde où les internautes du monde entier peuvent échanger des vues ou bien des idées. Nous respectons les lois dans chaque pays, mais nous ne laissons jamais un pays ou un groupe d'individus dicter ce que les gens peuvent partager à travers le monde. (...) Je me suis engagé à créer un service où vous pouvez parler librement sans avoir peur de la violence." Avant d'ajouter "Mes pensées vont vers les victimes, les familles, le peuple de France et le peuple du monde entier qui choisit de partage des opinions et des idées, même si cela demande beaucoup de courage." Avant de ponctuer son texte par un #JeSuisCharlie. Le 12 janvier, Zuckerberg ajoutait : "Vous ne pouvez pas tuer une idée. (...) Aussi longtemps que nous serons connectés, alors aucune attaque par des extrémistes - que ce soit au Nigeria, au Pakistan, au Moyen Orient, ou en France - ne pourront s'interposer envers la liberté et la tolérance dans le monde." 

Des médias à part entière ?
Le débat est brûlant, parce qu'il pose la question de savoir si les réseaux sociaux, au poids grandissant dans la formation des opinions en quasi-direct, sont de simples plateformes de partage ou bien des médias à part entière, et à ce titre responsables des contenus publiés. Récemment, le groupe d'hacktivistes Anonymous, très attaché à la liberté d'expression, a expliqué vouloir conduire en ligne la guerre au terrorisme, à la suite des attentats de Charlie Hebdo. Et a pour cela "outé", c'est-à-dire rendu publique, une liste de comptes Twitter attribués à des djihadistes. Est-ce possible pour le réseau social de les faire disparaître ? 

Interrogé par Le Point.fr, Twitter explique qu'il se conformera aux décisions de justice des pays en vigueur. Même question pour les tweets assortis de hashtag : #JeSuisCoulibaly
#JeSuisKouachi. Si comme l'explique l'entreprise spécialisée dans l'analyse du web social Linkfluence, les tweets offensants sont extrêmement minoritaires, ils peuvent apparaître en "trending topics", car entraînant une condamnation massive. Est-il alors normal de s'en prendre au messager, c'est-à-dire Twitter, comme est tenté de le faire l'Union européenne en ce moment, plutôt qu'à l'émetteur du message ? Cette question est un véritable casse-tête pour le site qui pourrait de plus en plus recourir à des robots pour détecter des tweets jugés offensants. Il y a deux ans, la même question s'était posée avec la multiplication du hashtag #unbonjuif. À l'époque, le site ne disposait pas de bureau en France, et avait été condamné par la justice française. En attendant, au siège de Twitter, à San Francisco, a été déployée une gigantesque banderole noire assortie du hashtag "#Je Suis Charlie".



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