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Sommaire:
A) L’incompétence économique des socialistes français. Alstom, Fitch, SFR, Alcatel, Dentressangle… la grande braderie socialiste - Bruno Bertez - les observateurs.ch
B) Faut-il licencier tous les économistes ? Par Eric Le Boucher - L'Opinion
C) Élie Cohen, l’unique économiste de France - par vogelsong
D) Que faire de la gloire des économistes français ? Par Jean-Michel Charpin - Les Echos
E) Economiste de marché une profession en plein renouveau - Philippe Wenger - La Bourse
F) Economistes/Universitaires de Wikiberal
A) L’incompétence économique des socialistes français. Alstom, Fitch, SFR, Alcatel, Dentressangle… la grande braderie socialiste
Les socialistes, c’est bien connu, n’apprécient guère le capitalisme.
Ils refusent l’exploitation des travailleurs par le capital accumulé,
ils n’aiment pas les patrons. Tout comme ils n’aiment pas l’argent.
C’est la raison pour laquelle, en France, ils empêchent l’accumulation
du capital par les taxes sur les revenus, les impôts sur le capital,
les droits de succession, etc. Ce qu’ils refusent, c’est la loi
d’airain du profit qui produit un certain ordre social, une société
hiérarchisée et inégalitaire. Pourquoi pas?
Encore faudrait-il être cohérent. Car les socialistes découragent la
formation de capital en France, ils le spolient lorsque, par miracle, il
se constitue, à un point tel que celui-ci ne voit généralement qu’une
issue, pour se préserver, se vendre. Et depuis des dizaines d’années,
c’est ce qui se fait à grande échelle. Le capital français se vend à
l’étranger. La propriété, refoulée à l’intérieur, revient de
l’extérieur. Le statut de cette propriété, bien sûr, ne change pas, elle
reste propriété, tyrannique, elle impose la dure loi du capital, mais…
cette fois, elle le fait de l’étranger! Est-elle plus douce?
Certainement pas! ! Au contraire, elle se fait encore plus d’airain car
sans visage et anonyme. Le capital étranger est plus dur, plus rigoureux
que le capital local, il est abstrait, il obéit à des règles qui sont
clairement plus strictes, on le voit à chaque fois, soit quand il y a
conflit social, soit quand il y a fermeture ou délocalisation. Le
capital international a des droits et des exigences que le capital local
n’ose pas imposer. Normal, car il n’est pas soumis au chantage
implicite dans lequel vit tout entrepreneur français. L’entrepreneur
domestique, c’est le bon mot, bien adapté, est ligoté, privé de toute
autorité rien que par la menace des tribunaux de prud’hommes ou du
percepteur!
La liste des firmes françaises bradées à l’étranger en raison des
limites au capital qui sont imposées en France est longue,
inquiétante. Tout se passe comme, si faute de pouvoir se mettre en
valeur et se trouver à l’aise en France, dans son pays d’origine, le
capital préférait prendre le masque de l’étranger. D’Alstom à SFR, en
passant par les 27.000 brevets d’Alcatel, hier Fitch et aujourd’hui
Dentressangle, la liste est longue. Humiliante. C’est le jeu de Monopoly
perdant.
La France perd l’une après l’autre les chances de se reconstruire à
son profit, dans sa logique et pour son avenir. Les atouts, les fonds de
commerce, les savoir-faire basculent et sont mis au service de la
logique de développement d’autres propriétaires, d’autres maîtres.
La liste des contrôles qui passent à étranger est affligeante.
Comment rebâtir un tissu économique si les plus beaux fleurons
disparaissent, sont pillés par l’étranger, passent sous contrôle
d’autres, qui n’ont pas forcément des objectifs compatibles avec ceux de
notre pays. Car une entreprise n’est jamais isolée, elle fait partie
d’un tout dans un pays et c’est la cohérence avec le tout qui fait sa
force.
Nous ne sommes pas pour une planification à la française, délire
d’incompétents qui ont ruiné nos industries comme l’informatique ; non,
nous sommes pour la cohérence de l’appareil économique d’un pays. Ce qui
disparaît ou devient soumis à une autre logique et d’autres finalités
est perdu pour le développement français. Une firme favorise l’essor
d’autres firmes, elle irrigue, elle fait naître d’autres entreprises
qui, un jour, si les socialistes lui prêtent vie, deviendront grandes.
Que ce soit par la sous-traitance, l’essaimage ou l’imitation.
Nous ne sommes pas pour le repli, la fermeture sur l’étranger et le
cocorico, la France n’a pas de quoi chanter et se glorifier de ses
insuffisances et de ses prétentions, mais nous élevons contre le bradage
du capital français provoqué par:
-un taux de profit insuffisant pour se développer et se rémunérer
-une impossibilité à accumuler le capital par l’excès de confiscation sur les revenus
-une impossibilité à s’enrichir par l’épargne à cause de sa spoliation/confiscation
-une impossibilité d’assurer la transmission du capital par les taxes sur succession
-une mentalité d’envie et de prédation sociale
-une incapacité du secteur bancaire à financer les risques d’entreprise
-un droit du travail qui empêche l’entrepreneur d’exercer ses responsabilités
-une politique monétaire qui dévalorise et dévalue la devise au profit de l’étranger
-une politique qui se prostitue à l’Atlantisme destructeur sans bénéfice aucun
-le système des commissions occultes de 5 à 8% qui incite à réaliser ces opérations
-la lâcheté et la veulerie des grands capitalistes du capitalisme
monopoliste d’Etat qui, au lieu de payer pour que l’on lutte de
l’intérieur contre le socialisme, préfèrent délocaliser leur
patrimoine et celui de leur famille, sans souci de leurs
responsabilités ou de leur dette à l’égard de leur pays. Aucune
Fondation pour lutter contre les dérives politiques, sociales ou
culturelles, aucun fonds pour animer les débats sociaux comme ceux,
fondamentaux, vitaux, sur le bradage de notre capital.
Le comble est que ceux qui, comme Valls, osent se gargariser de ces
investissements étrangers en France, ne comprennent pas que ceci est un
bradage des bijoux de famille. Ils ne comprennent pas qu’au capital est
attaché une autorité, une compétence, et que la détention de ces atouts
est un enjeu de pouvoir. Pas seulement de pouvoirs d’hommes et de
femmes ou de familles, mais aussi pouvoir d’un pays. La France brade son
pouvoir économique réel. Et après elle va s’humilier aux pieds des
clients producteurs de pétrole, tyrans pour la plupart, pour leur vendre
à bas prix le travail des Français. Ces pseudos dirigeants ne
comprennent pas que la reconstruction d’un tissu économique passe par
des filières cohérentes dont les firmes sont les nœuds et points
d’ancrage. Normal, ils ne connaissent rien à l’économie et à
l’entreprise. Rien à la production de richesses; tout ce qu’ils
connaissent, c’est sa distribution et son gaspillage. Au lieu de tirer
gloire des investissements étrangers, ils devraient se poser la
question: qu’est-ce qui fait que cette entreprise française peut
attirer le capital étranger au point, généralement, que ce dernier la
surpaye de 20 à 30% par rapport à sa valeur en France? Où est le trésor
de richesse cachée que les Français ne savent pas mettre en valeur et
que l’étranger va réussir à mobiliser?
La réponse est simple, tout est dans le statut, il est plus
avantageux d’être capitaliste étranger, américain, qatari ou autre
chinois que d’être capitaliste national.
C’est aussi une question géopolitique. Quel est le poids d’un pays
dont les centres de décision économiques sont ailleurs que chez lui? On
le voit en cette période de r-domestication, de dé-globalisation, il y
a, au niveau mondial, retour à la coopération étroite entre
l’économique et le politique et même le militaire. L’économique sert et
masque le politique et le militaire et pas seulement dans la haute
technologie. La symbiose est de plus en plus étroite.
Ajout qui ne choquera personne.
Lausanne a offert des montres à 3000 CHF
série limitée, à Hollande
Article publié le 28.04.2015 chez nos amis lesobservateurs.ch
« Le véritable visage du socialisme: des « petits cadeaux entre amis »
que le simple péquin aurait bien du mal à s’offrir, payés par les
deniers du peuple qui n’a pas eu son mot à dire.
Le cadeau offert par la Municipalité de Lausanne au président français
et à la présidente suisse vient de l’atelier d’Olivier Randin. »
«Elles ne coûtaient pas plus de 3000 francs pièce, se souvient-il. En
revanche, la Ville de Lausanne possède l’exclusivité de cette série
limitée. Je n’ai donc plus le droit de fabriquer ce modèle.»
Ne vous moquez pas. Les économistes sont perdus. Complètement
perdus. La reine d’Angleterre avait invité les meilleurs d’entre eux, en
2009, à s’expliquer sur leur cécité à ne pas avoir vu la crise venir.
Leur réponse avait été toute d’humilité. Toutes les sciences, y compris
les plus dures, connaissent ces dernières décennies des interrogations
majeures. Non pas des remises en cause mais des remises en perspective
de leur ignorance : finalement, elles admettent ne pas savoir encore
grande chose du comment fonctionne l’univers, encore moins du pourquoi.
Cet
aveu laisse d’ailleurs grande ouverte la place aux charlatans, l’époque
en regorge, en tous genres. Ils sont édités, leurs livres se vendent,
Internet les glorifie, le e-charlatanisme est prospère. Chacun a des
noms en tête…
Le vide des économistes est pire encore. Ils
mesurent tout et disposent de données sur tout, la question n’est pas
là. Elle est dans la synthèse ! La synthèse, il n’y en a pas.
Impossible. Sitôt émise que démise.
Soyons juste. Sur beaucoup de
questions élémentaires – par exemple, tel impôt est-il bon ?
– les
réponses sont au contraire assez précises, sans grande contestation
possible. On va y revenir. Mais sur les grandes interrogations, les
paradigmes, l’ignorance est complète. Par exemple :
Quelle est la bonne
finance ?
Quelle est la bonne taille des banques ?
Ou bien encore, quel
serait le niveau optimum de la dette d’un pays ?
Sur ces sujets là, pas
de réponse. Rien que des hésitations, des silences, ou bien la célèbre
phrase normande des économistes comme :
« D’un côté les taux sont bas,
d’un autre côté les taux sont haut », « D’un côté il faut réduire le
déficit, d’un autre côté il ne faut pas le réduire ».
Olivier
Blanchard, le chef économiste du Fonds monétaire international, organise
depuis 2011 des séminaires tous les deux ans à Washington, non pas
vraiment pour répondre à l’injonction de Sa Majesté, mais parce que la
crise, en effet, a démoli les idées bien établies et qu’il est
nécessaire de reconstruire toute la politique économique. La troisième
édition s’est tenue les 15 et 16 avril. Six ans après le début de la
crise, que savent les économistes de la bonne politique économique
post-crise ? Réponse : rien. Olivier Blanchard qui occupe le meilleur
poste possible pour l’observation intellectuelle du monde et qui est
doté d’un esprit lumineux de « synthèse », avoue benoîtement : « Nous ne
sommes d’aucune façon proches de savoir où nous allons ». La cécité
dénoncée par la reine n’est ni guérie ni en voie de guérison… Après un
échange avec Larry Summers, ancien secrétaire au trésor de Bill Clinton,
et l’un des autres meilleurs esprits de la profession, Olivier
Blanchard a finalement intitulé la session : « Repenser la politique
économique : progrès ou confusion ? ».
Confusion d’abord sur la
finance. Quelle régulation les banques centrales et les gouvernements
doivent-ils mettre en place pour éviter une nouvelle explosion à la
Lehman Brothers ? On mesure beaucoup mieux « les risques systémiques »,
dit Blanchard. On a mis en place des avertisseurs contre les excès de
crédits, en particulier dans l’immobilier. Mais à trop corseter la
finance, on étouffe l’économie. Comment concilier les deux, au mieux ?
Les économistes ont cherché à adapter les régulations pour qu’elles
pénalisent moins la croissance. Mais le résultat est incertain. Au bout
du compte, rien n’est clair de ce qu’il faut faire.
Même chose
pour les contrôles de capitaux aux frontières. Le dogme libéral du «
laisser passer » est remis en cause : les flux excessifs de capitaux
conduisent à des surévaluations des bourses ou de la monnaie du pays.
Mieux vaut savoir limiter les entrées, parfois provisoirement. Mais à
quelle hauteur mettre les barrières ? « On ne sait pas », conclut
Blanchard.
La liste des mystères continue avec la politique
monétaire. Les banques centrales ont l’air de savoir quoi faire depuis
les mandats d'Alan Greenspan à la tête de la Réserve fédérale américaine
(1987-2006): arroser, arroser, arroser les économies d’argent abondant
et pas cher. Les autres banques centrales, nolens volens, ont toutes
suivi cette politique. Aujourd’hui, le bilan de la Fed s’élève à 4500
milliards de dollars, cinq fois plus qu’avant crise. Et maintenant que
faire ? Qu’il faille le réduire, le consensus se fait là dessus. Mais
comment, à quelle vitesse ? Doit-on revenir à l’avant-crise ou même plus
bas ? « On ne sait pas », poursuit Blanchard.
Même ignorance
concernant le contenu du bilan que sur sa hauteur. Le bilan était, hier,
essentiellement constitué d’obligations à 10 ans. Aujourd’hui, la Fed a
acheté de tout.
Que revendre ?
Tout ce qui n’est pas « à dix ans » ?
Autrement dit faut-il revenir à « tenir » les taux longs ou est-ce
intelligent d’agir sur toute la courbes des taux ?
La politique
budgétaire n’est pas mieux éclairée. Beaucoup de travail a été fait. On a
compris qu’une relance donne les effets escomptés par la théorie
keynésienne. La relance mondiale de 2009 a permis d’éviter que la crise
dérape en grande dépression comme en 1930, elle est restée au stade de
la grande récession. Mais on a compris aussi, dans l’autre sens comme
disent les économistes, que l’effet relance peut être sapé par un effet
confiance comme l’enseigne la théorie ricardienne. Confiance qui
s’évanouit si la population s’inquiète d’une dette trop élevée qui
conduira inévitablement à une hausse des impôts. La direction fait
l’objet là aussi d’un consensus : il faut réduire l’endettement des
Etats. Mais de combien et comment ? Là dessus les économistes ne sont
pas d’accord. Brad DeLong va jusqu’à dire que l’endettement actuel est
très bien et qu’il n’y a pas de raison de s’en soucier. Bref, il n’y a
pas de ratio magique dette/PIB.
En outre, la réponse doit être
adaptée à chaque pays selon sa « soutenabilité », laquelle dépend de la
croissance future, des capacités à lever les impôts, etc. Mais cette
politique pragmatique de navigation à vue manque de repère et d’un cap.
Repères et cap que les économistes sont incapables de donner.
Ignorance
et humilité, la science économique n’a pas de quoi se vanter. Pour
autant, les gouvernants ne doivent pas en conclure qu’ils peuvent
licencier tous leurs économistes pour n’en faire qu’à leur tête. Le cap
n’est pas donné mais, en gros, la direction est connue, le demi-tour « à
la grecque » conduit au désastre. Surtout, j’y reviens, les économistes
armés par des comparaisons et par des évaluations, comme l’a montré
Esther Duflo, savent beaucoup mieux répondre aux questions pratiques
d’éducation, de santé, de sécurité, de politique sociale. Ne licenciez
pas vos économistes, mettez les sur le terrain, n’écoutez surtout pas
les charlatans.
C) Élie Cohen, l’unique économiste de France - par vogelsong
“C’est une crise particulière, c’est une crise financière” E. Cohen le 12 août 2011 sur France Inter
Incarnant parfaitement la crise, E. Cohen, économiste, membre du
conseil d’analyses économiques, est en rotation permanente dans les
grands médias depuis que les marchés frôlent l’apoplexie. La France
manifestement ne dispose d’aucun autre économiste, expert, penseur, pour
analyser l’emballement qui touche la sphère financière. Il n’y a pas de
hasard dans l’omniprésence d’E. Cohen sur les plateaux. Il fait figure
de didacticiel en économie financière. Mais en pratique, il n’explique
rien, survole les causes tout en traçant la voie de la rédemption du
système d’accumulation en écho aux gouvernements. Il tente, tout en les
critiquant pour leurs impérities, car lui est un scientifique, de
préparer le terrain aux réformes. Il est le héraut de l’austérité dictée
par le messie marché. Avant de raser le péquin, E. Cohen l’onctueux, explique le monde, à la fois péremptoire et jovial.
Invité dans l’émission du service public “C dans l’air”
le 11 août 2011, E. Cohen affirme que les marchés n’ont rien à voir
avec l’explosion de la dette publique qui frappe les pays occidentaux.
Thématique orthodoxe, présentant les bourses, les spéculateurs, les
marchés comme des agents informatifs qui alertent sur les incuries dans
l’économie réelle, et mettant en lumière la bonne gestion. Sans
nocivité, d’une neutralité absolue, ils n’auraient donc aucun impact sur
l’économie, la vie, le chômage, les plans sociaux, la course au profit,
le réflexe spéculatif. Les marchés sont là, depuis la nuit des temps et
la spéculation serait “un phénomène naturel” expliquera-t-il
sur France Inter le 12 août 2011. La mission de cet expert, bien aidé en
cela par le faire-valoir, grand adepte du “monde qui s’accélère”(une expression qu’il peut repeter quatre fois au sein du même monologue) P. Dessertine qui osera un “les marchés attendent un signal politique”,
consiste à banaliser les crises financières et dédramatiser le chaos.
Comme “insiders”, ils jargonnent juste en deçà de la limite du
compréhensible pour faire entendre qu’il est irrationnel de prétendre à
l’irrationalité des marchés financiers. Bonnes gens dormez tranquille.
E. Cohen a manifestement un problème avec la notion de causalité.
Affirmer que la sphère financière n’influe pas sur les comptes publics
revient à nier toutes les interactions du monde économique, des effets
en cascades, induits, indirects, et psychologiques. Notions primaires
abordées durant l’année de terminale ES (série économique et sociale),
et bien explicitées lors des deux premières années de Sciences
économiques. Assommer le citoyen de phrases lénifiantes, en oubliant les
rudiments de la matière tient lieu de pédagogie dans les médias
dominants. E. Cohen feint d’oublier les restructurations d’entreprises
pour motifs boursiers (souvent mises en place par des établissements
bénéficiant d’avantages fiscaux).
Mais aussi les plans “sociaux” épongés
par les deniers publics. Peccadilles que le grand économiste passe par
pertes et profits. Il omet les effets psychologiques dévastateurs sur le
corps social dans l’impérative compétitivité qui n’a d’autre ressort
bien souvent que le rendement des actions. Des effets dévastateurs qui
ont un cout social, supporté par l’État. Car toute son énergie se
focalise sur la réhabilitation de la finance. Et il en dépense.
Au milieu de la récitation des ouvrages d’ingénierie financière du maitre de conférence, on décèle quelques approximations. Tout en déclarant que la “spéculation est un phénomène naturel”,
il expliquera narquois à l’adresse des contempteurs du système, trois
phrases plus tard, que « la financiarisation c’est nous qui l’avons
voulue ». Pour l’expert, il s’avère urgent de trancher entre l’immanent
et le sollicité, l’imparable et le choisi. Il en va de la survie de la
notion même de Politique et de choix de société. Il en va aussi de sa
cohérence intellectuelle. E. Cohen, chercheur au CNRS, dégaine des
réponses à géométrie variable, dans la lignée des fast-thinkers dont
s’amusait P. Bourdieu. Il ne s’attache pas à éclairer le citoyen en
toute neutralité, mais à lui inculquer sommairement l’idéologie de
marché tel un vulgaire chargé de communication.
Critiquer les actions du gouvernement en matière de finances publiques
tout en concluant sur d’identiques préceptes d’austérité permet de
squatter les plateaux, de parfaire sa surface médiatique. Dans cet
univers paresseux sans remise en cause, sans droit de suite. E. Cohen y
élucubre depuis vingt ans la financiarisation heureuse. Cesser de
l’inviter serait reconnaître le fourvoiement. Alors, on convie ad
libitum le jovial pédagogue bardé de diplômes et bouffi d’assertions.
Dont l’une d’elles est la certitude d’être de centre-gauche…
D) Que faire de la gloire des économistes français ?
L'année 2014 a
apporté aux économistes français un ensemble exceptionnel de
récompenses. D'abord, bien sûr, le prix Nobel attribué à Jean Tirole de
l'Ecole d'économie de Toulouse. Ensuite, le succès intellectuel
considérable du dernier ouvrage de Thomas Piketty « Le Capital au XXIe siècle ».
Enfin, la présence de sept Français dans la liste des vingt-cinq
économistes de moins de quarante-cinq ans les plus prometteurs publiée
par la revue du FMI « Finance et Développement » et établie sur la base
d'une large consultation. Sept Français, Esther Duflo, Emmanuel Farhi,
Xavier Gabaix, Thomas Philippon, Thomas Piketty, Hélène Rey et Emmanuel
Saez, alors qu'il n'y a par exemple aucun Allemand, aucun Italien, aucun
Scandinave et un seul Britannique. Cinq d'entre eux travaillent
actuellement aux Etats-Unis et une au Royaume-Uni, mais tous ont gardé
des liens étroits avec la France, ses universités, ses centres de
recherche, ses institutions, notamment le Conseil d'analyse économique.
Une
telle moisson groupée ne peut pas relever du hasard. Où peut-on
chercher les raisons de l'émergence de cette « génération dorée »
d'économistes ?
D'abord la bonne formation
aux mathématiques reçue dans les grandes écoles, notamment l'Ecole
normale supérieure et l'Ecole polytechnique, dans une période où la
dextérité mathématique facilitait la reconnaissance internationale des
économistes.
Ensuite, probablement, les
initiatives prises depuis dix ans pour promouvoir l'excellence de la
recherche académique française. Même si le statut de réseau thématique
de recherche avancée (RTRA) a été supprimé en 2013, il a aidé au
décollage de l'Ecole d'économie de Paris et de l'Ecole d'économie de
Toulouse, qui faisaient partie des treize RTRA initiaux couvrant
l'ensemble des disciplines.
Enfin, à mon
avis, le rôle personnel de deux hommes, Jean-Jacques Laffont pour
l'Ecole d'économie de Toulouse, Daniel Cohen pour l'Ecole d'économie de
Paris, qui ont su convaincre de très brillants jeunes gens de se tourner
vers la recherche économique.
La gloire
des économistes français forme un contraste saisissant avec la médiocre
réputation de la politique économique française.
Certes,
comme l'a argumenté de façon convaincante Jacob Funk Kirkegaard du
Peterson Institute for International Economics de Washington, les
performances économiques de la France sont meilleures que ce que la
vulgate du « french bashing » pourrait laisser penser. Cependant aucun
pays ne regarde avec envie les performances économiques françaises et ne
cherche à s'inspirer de son modèle de politique économique.
Pour
une part, cette déconnection n'est pas surprenante. La recherche
économique ne se brevette pas, sa diffusion internationale est
instantanée et très large, ses résultats et enseignements sont
utilisables sans relation avec la nationalité des chercheurs. Beaucoup
de pays se sont inspirés des résultats de Jean Tirole dans leurs
politiques industrielles. La France pourrait s'inspirer plus qu'elle ne
le fait des enseignements de la recherche économique, qu'elle soit
produite par des chercheurs étrangers ou français.
A
cet égard, la création du Conseil d'analyse économique par Lionel
Jospin en 1997 a été une initiative intéressante. Son utilité a beaucoup
dépendu de la capacité des Premiers ministres successifs à entretenir
un dialogue intellectuellement fructueux avec ce groupe d'économistes
académiques de haut niveau. Certains ont su le faire, d'autres moins.
Mais, au total, ce contact direct entre membres du gouvernement et
chercheurs a produit des interactions que les circuits de conseillers ou
même des lectures n'auraient pas pu engendrer de façon équivalente.
Dans
certaines institutions chargées de la politique économique, il arrive
que des économistes occupent des positions élevées, les mettant
directement en situation de responsabilité. C'est le cas par exemple
aujourd'hui de Mario Draghi à la BCE, ce fut le cas il y a peu de
Dominique Strauss-Kahn au FMI ou de Lawrence Summers à la tête du Trésor
américain.
Les autorités françaises
pourraient profiter de la qualité exceptionnelle de cette génération
d'économistes pour en mettre certains à la tête d'institutions
importantes pour la conduite des politiques économiques. Ce pourrait par
exemple être le cas dès cette année lors de la nomination du gouverneur
de la Banque de France.
Jean-Michel Charpinest membre du Cercle des économistes
E) Economiste de marché une profession en plein renouveau
Ce volet de notre série consacrée aux acteurs des marchés financiers
concerne les économistes. Longtemps jugés comme générateurs de coûts,
ils ont montré leur importance avec la crise.
Dans l’univers des métiers de la finance, la fonction d’économiste revêt
un caractère particulier du fait des compétences que ce métier exige et
de la diversité de sa pratique.
Plusieurs types d’économistes coexistent. Les universitaires sont les
plus répandus. Leur travail consiste pour l’essentiel à enseigner
l’économie aux étudiants d’université. Ces enseignants sont également en
charge de travaux de recherche qui peuvent donner lieu à la remise de
récompenses scientifiques, la plus renommée étant, bien sûr, le prix
Nobel. Evidemment, les travaux qui s’appuient sur la modélisation
mathématique sont les plus prisés et la prédominance des universités
américaines n’est plus à démontrer, même si certaines écoles de commerce
cherchent également à occuper ce créneau.
Consensus. Une
des tâches principales des économistes consiste à établir des
prévisions sur l’évolution des grandes données économiques. Des agences
d’information comme Bloomberg, Reuters ou FactSet rassemblent ensuite
les prévisions des différents économistes pour établir un consensus
résumant les anticipations du marché dans son ensemble.
Plusieurs types d’experts
A côté de ces postes d’enseignant, des économistes se consacrent
entièrement à des travaux de recherche. Dans la sphère publique, on
trouve deux profils : des théoriciens purs et durs – les chargés de
recherche du CNRS – et des macroéconomistes qu’on trouvera davantage au
sein de l’Institut national de la statistique et des études économiques
(Insee). Ces derniers traitent l’information statistique nécessaire à
l’analyse de la conjoncture. Ils dressent aussi des prévisions
économiques, utilisées notamment par le gouvernement pour préparer les
projets de loi de finances. Chaque pays possède un tel institut dont les
travaux sont «agrégés» par l’institut européen Eurostat pour l’Union
européenne. Des institutions comme le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale emploient aussi de nombreux spécialistes.
Le secteur privé n’est pas en reste. Des macroéconomistes sont présents dans les instituts de conjoncture. L’Ifo en Allemagne
est bien connu, tout comme Coe-Rexecode en France ou encore Xerfi. Le
financement de ces activités est assuré par la vente d’études
thématiques, sectorielles, ou par des cotisations d’entreprises.
Certaines sociétés emploient également des microéconomistes. Ils sont
chargé d’analyses plus fines de marchés locaux.
De la banque à la salle de marché
Mais ce sont, comme leur nom l’indique, les économistes de marché,
travaillant dans les banques ou les compagnies d’assurances, qui sont le
plus en prise avec les marchés financiers et qui nous intéressent donc
plus particulièrement ici. Ils sont d’ailleurs souvent physiquement
présents dans les salles de marché. Leur rôle est assez simple :
participer à la réalisation de plus-values, pas directement comme les
opérateurs financiers, mais indirectement par leur activité de conseil.
En tout premier lieu, ces experts réalisent des prévisions économiques
de moyen terme, par exemple la croissance économique de pays lors des
deux prochaines années. Ce travail s’appuie beaucoup sur l’analyse
qualitative et la mise en place de scénarios. Les économistes réalisent
aussi des prévisions de court terme afin de permettre aux traders de se
positionner avant l’annonce de statistiques censées faire « décaler » le
marché. La publication des chiffres de l’emploi américain est un bon
exemple. Ces experts recourent à l’économétrie, discipline utilisant des
méthodes statistiques pour établir des corrélations entre certaines
variables économiques. Ils doivent aussi anticiper les décisions des
banques centrales dans leur pilotage des taux d’intérêt, comme celle de
la BCE le 7 avril.
Thèmes d’investissement
Deuxièmement, les économistes de marché travaillent la main dans la
main avec les stratégistes, qui ont une approche plus directement liée
aux produits que les économistes (actions, obligations ou changes). Ils
doivent définir des thèmes d’investissement. Après le Portugal,
quel sera le prochain domino à tomber? L’inflation est-elle durablement
de retour ? Voilà deux thèmes majeurs développés par les économistes et
les stratégistes ces derniers mois. Enfin, ces experts consacrent une
part importante de leur temps à rencontrer la clientèle de leurs
établissements financiers (gérants, fonds de pension, assureurs...) pour
présenter leurs perspectives économiques et de marché.
Leur formation est en général universitaire. Les profils d’ingénieur
confortés d’un doctorat en économie sont appréciés. Il existe aussi en
France une école réputée, l’Ensae, qui est tout simplement l’école de
l’Insee. La rémunération brute d’un débutant approche 3.000 €, avec des
écarts importants au sein des secteurs d’activité. Dernière précision :
un grand nombre d’économistes évoluent à moyen terme vers des postes
opérationnels, au moins ceux exerçant leurs talents dans les banques.
L'Université Liberté, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Sommaire:
A) - La réforme 2010 des retraites
B) - Retraite de Wikiberal
C) - Passer de la retraite par répartition à la retraite par
capitalisation avec Bertrand Lemennicier
D) - Comment financer les retraites? Par Pascal Salin
E) - Pourquoi la capitalisation ? Par Pascal Salin
F) - Quelle retraite ? Un site spécifique de Nicolas ...
G) -
La solidarité entre les générations a-t-elle un avenir? par Bertrand Lemennicier
La situation des retraites en France semble préoccupante pour l'avenir,
et les débats sont souvent vifs : système par répartition ou par
capitalisation, durées de cotisation, niveaux des pensions, régimes
spéciaux, épargne retraite... Une réforme importante a été entreprise en
2003, qui a été suivie de celle des régimes spéciaux en 2008. En juin
2010, de nouvelles mesures ont été annoncées, entraînant des grèves et
de nombreuses manifestations. La loi du 9 novembre 2010 portant réforme
des retraites prévoit un double relèvement : celui de l’âge légal de
départ de 60 à 62 ans pour tous les régimes à compter du 1er juillet
2011 ; celui de l’âge de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans entre
2016 et 2023.
Pourquoi une nouvelle réforme en 2010 ?
Les pouvoirs publics, en anticipant de deux ans le "rendez-vous" prévu
en 2012 par la réforme de 2003, ont souhaité mettre en avant l'urgence
de nouvelles mesures.
De fait, les dernières projections du Conseil d'orientation des
retraites publiées dans son 8e rapport remis en avril 2010, font état,
sur la base du scénario le plus optimiste (dont un taux de chômage à
4,5 % à partir de 2024), d'un besoin annuel de financement du régime
général à 72 milliards d'euros en 2050 (soit 1,7 point de PIB), un
retour au plein-emploi ne suffisant même pas à équilibrer celui-ci.
Les
leviers privilégiés par le gouvernement sont classiques : relèvement de
l'âge légal de départ et nouvel allongement de la durée d'assurance
requise pour la perception d'un taux plein. L'objectif étant, au plan
financier, d'atteindre l'équilibre en 2018
Quel est l'âge légal de départ à la retraite en France ?
Pour
la grande majorité des actifs (salariés des secteurs public et privé,
artisans, industriels et commerçants, exploitants agricoles), il est
fixé à 60 ans depuis le 1er avril 1983. Progressivement (de 2011 à
2018), cet âge légal passera à 62 ans.
A quel âge part-on effectivement à la retraite ?
Là
aussi existe une grande diversité. Schématiquement, en 2008, un quart
des départs sont intervenus avant l'âge de 60 ans et environ 40 % à cet
âge-là.
Quelle est la durée de cotisation requise pour percevoir une retraite à taux plein ?
En
2010, une personne née en 1949 doit justifier de 161 trimestres
d'assurance tous régimes de base confondus. Cette durée passe
progressivement à 164 trimestres d'ici à 2012, à raison d'un trimestre
supplémentaire par an.
Combien la France compte-t-elle de retraités ?
Au
31 décembre 2008, la population retraitée tous régimes confondus
comptait 15,6 millions de personnes : 15 millions percevant un avantage
principal de droit direct (pension acquise en contrepartie des années
d'activité professionnelle validées) et près de 600 000 bénéficiaires
d'une allocation du minimum vieillesse.
Combien touchent-ils en moyenne ?
Fin
2008, le montant mensuel moyen de la pension s'établissait à 1 122
euros par personne, mais ce chiffre cache de fortes disparités. En
outre, de nombreux retraités (575 160 fin 2008, majoritairement de sexe
féminin) ne perçoivent que l'allocation supplémentaire du minimum
vieillesse (ASV) ou l'allocation de solidarité aux personnes âgées
(ASPA), soit 708,95 € par mois pour une personne seule et 1 147,14 €
pour un couple en 2010.
Quel est le poids des dépenses de retraite dans l'économie française ?
En
2008, le montant total des prestations au titre de la
"vieillesse-survie" s'est établi à 251 milliards d'euros, soit 12,9 % du
PIB contre 5,4 % en 1959.
Quelle est la proportion de personnes âgées par rapport à la population totale ?
Les
personnes âgées de 65 ans et plus représentaient 16,8 % de la
population française au 1er janvier 2010 contre 14,6 % en 1994 et
devraient atteindre près de 25 % en 2030. Ce qui, joint aux effets de la
crise économique sur l'emploi, représente une charge financière
croissante pour les régimes de retraite : selon le Conseil d'orientation
des retraites, à moyen terme, le besoin de financement du système de
retraite serait de 1,8 point de PIB (40 milliards d'euros environ) en
2015 puis, à l'horizon 2020, de 1,7 à 2,1 points selon le scénario
retenu. À l'horizon 2050, il pourrait atteindre 3 points de PIB (115
milliards).
Comment le système de retraite français fonctionne-t-il ?
Le système de retraite repose sur deux étages fondés sur une base professionnelle :
le premier rassemble les régimes de base : régime général
(majeure partie des salariés), régimes des non salariés et régimes
spéciaux (dont les fonctionnaires et les salariés de certaines
entreprises nationales comme la RATP. Gérés selon le principe de la
répartition, ils sont obligatoires,
le second correspond aux régimes complémentaires
obligatoires, qui couvrent l'ensemble des travailleurs à l'exception de
certains régimes spéciaux.
Au cours des dernières années, s'est développé un troisième étage facultatif
fondé sur une épargne retraite collective et individuelle (régimes
d'entreprise, Préfon pour les fonctionnaires...) (voir figure
ci-dessous). Contrairement aux deux précédents, celui-ci fonctionne
selon le principe de la capitalisation.
Le système est également fondé sur un principe de
solidarité, qui s'exprime à travers l'existence d'une compensation
financière entre les régimes et de droits non contributifs. La
compensation financière permet de prendre en compte la déformation au
cours du temps de la structure de la population active des régimes (voir
tableau ci-dessous) en assurant une compensation financière entre ceux
qui sont excédentaires et ceux qui sont déficitaires Les droits non
contributifs (droits à pension acquis sans contrepartie de cotisations :
minimum vieillesse, validation de trimestres non cotisés au titre de la
maladie, de la maternité ou du chômage, avantages familiaux) permettent
aux assurés dont la carrière a été interrompue par des aléas de
compenser en partie les pertes liées à ceux-ci.
Quel est l'état de l'opinion publique française face à la question des retraites ?
Les résultats des sondages menés régulièrement auprès des Français
suggèrent une préoccupation, voire une inquiétude de ces derniers pour
l'avenir du système de retraite.
Concernant les mesures à adopter,
une majorité de sondés demeure hostile à une baisse des pensions, ainsi
qu'à une augmentation de la durée de cotisation et à un relèvement de
l'âge légal de départ.
Pourquoi l'épargne retraite s'est-elle développée et comment est-elle organisée ?
Deux raisons principales expliquent le développement de l'épargne retraite :
les réformes du régime général et des régimes complémentaires,
dans les années 1990, ont abouti à une baisse du taux de remplacement,
la création, par la réforme de 2003, de nouveaux dispositifs
d'épargne retraite bénéficiant d'importantes exonérations fiscales et
sociales (les PERCO, issus des PPESV, dans lesquels les fonds étaient
bloqués 10 ans, les PERP, les PERE 83), et l'harmonisation du cadre
fiscal de l'épargne retraite par l'instauration d'une enveloppe de
déductibilité fiscale.
L'épargne retraite collective comprend trois dispositifs :
les PERCO sont des plans d'épargne salariale instaurés par accord
collectif, alimentés par les versements volontaires des salariés, et
abondés la plupart du temps par l'employeur. Les fonds sont bloqués
jusqu'au départ en retraite, avec sortie en rente viagère acquise à
titre onéreux, l'accord collectif pouvant, néanmoins, prévoir une sortie
en capital,
les contrats "article 83" sont des contrats à cotisations définies, à
adhésion obligatoire, financés généralement de façon mixte, les
cotisations salariales étant la plupart du temps abondées par
l'employeur. Les PERE (plan d'épargne retraite d'entreprise) en
constituent une extension facultative. Le montant de la rente viagère
sera fonction des cotisations versées, des produits financiers et des
tables de mortalité utilisées, sans aucune garantie de prestations,
les contrats "article 39" sont des contrats à prestations définies
souscrits par les entreprises, dans lesquels les employeurs sont seuls
contributeurs, et qui garantissent aux salariés bénéficiaires un
complément de retraite sous forme de rente viagère.
L'épargne retraite individuelle comprend deux types de dispositifs :
ceux accessibles à tous les individus (PERP et COREM) et ceux destinés
uniquement à une catégorie d'entre eux (Préfon et CRH pour les
fonctionnaires, contrats Madelin pour les professions libérales).
Ces
dispositifs sont destinés à procurer un complément de retraite, grâce à
une épargne constituée par des versements réguliers qui sera reversée
sous forme de rente viagère. Ils ont cependant des règles de gouvernance
et prudentielles différentes.
Quid des systèmes de retraites en vigueur en Europe ?
Les systèmes de retraites en vigueur dans les pays européens reposent, à
l'instar de la France, sur trois piliers ou étages : retraite de base
obligatoire, retraite complémentaire obligatoire et épargne volontaire.
En outre, ils font face aux mêmes défis : poids démographique croissant
des personnes âgées parallèle à une chute des taux d'activités aux âges
élevés.
Face à ces perspectives de fort déséquilibre financier,
plusieurs pays (Italie et Suède en particulier) ont mis en oeuvre une
profonde réforme de leur système. Au-delà des diversités nationales, une
tendance se dégage nettement, à laquelle la France échappe :
l'élévation progressive de l'âge légal de la retraite, jusqu'à 65 ans
dans la plupart des cas voire au-delà parfois (67 ans au Danemark et en
Islande). Autres solutions de plus en plus communément adoptées, y
compris en France cette fois : la constitution d'un fonds de réserve et
l'introduction de compléments de retraite par capitalisation.
Quel est l'apport du Conseil d'orientation des retraites au débat actuel ?
Le
Conseil d'orientation des retraites (COR) a été institué par le décret
du 10 mai 2000, qui lui assigne les missions suivantes :
organiser une veille sur la situation et les perspectives d'évolution comptable des différents régimes de retraite,
"apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes",
veiller au maintien de la solidarité intra et intergénérationnelle
au sein du système actuel par répartition. Pour ce faire, il est fondé à
demander à tout organisme public de l'État de lui communiquer les
éléments d'information qu'il jugera utiles.
Il a ainsi assuré un suivi de la situation de notre système
de retraites, et a établi des diagnostics et des recommandations ou
propositions de réforme, notamment par des rapports et des colloques.
Le déficit du système rend-il nécessaires de nouvelles réformes, s'interroge Henri Sterdyniak dans l'article « La réforme des retraites de 2010 : quels scénarios ? » du n° 361 de la revue Regards sur l'actualité (La Documentation française, mai 2010).
« En 2010, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) devrait
être déficitaire d'environ 11 milliards d'euros ; l'ensemble des régimes
de retraite et de chômage de 22 milliards. Mais ce déficit est dû à la
crise économique. En 2008, ces régimes disposaient d'un excédent global
de 4 milliards d'euros ; la crise leur coûte environ 21 milliards en
2010. Certains économistes, la Commission de Bruxelles et le Fonds
monétaire international (FMI) prétendent qu'il faut rapidement rassurer
les marchés financiers et les agences de notations sur la soutenabilité
des finances publiques et donc annoncer de fortes baisses des dépenses
publiques de santé et de retraites. Faut-il réduire les dépenses
sociales pour combler le déficit public actuel (8 % du produit intérieur
brut (PIB) en 2010) ? Ce serait peu pertinent du point de vue social :
faut-il accroître les inégalités sociales dont le gonflement, dans les
pays anglo-saxons, est une des causes de la crise ? Comme du point de
vue économique : comment serait comblé le déficit de la demande ainsi
provoqué ? Par une nouvelle bulle financière ? Faut-il, après la crise
causée par le dérèglement des marchés financiers, obliger les salariés à
y avoir recours pour financer leurs retraites ? (...)
Quelles réformes en 2010 ?
On peut a priori imaginer deux grandes pistes :
– soit des réformes cosmétiques ou paramétriques qui viseraient à
améliorer la situation financière du système, immédiatement ou dans
l'avenir, en touchant les différents paramètres : hausse de l'âge
ouvrant le droit à la retraite ou de la durée requise de cotisation,
baisse du niveau des pensions, augmentation des taux de cotisation ou
apport de ressources fiscales ; – soit une grande réforme qui
modifierait complètement le système français, de façon à l'unifier et à
garantir sa soutenabilité financière.
Reculer l'âge effectif de départ à la retraite
La réforme de 2003 prévoit que la durée de cotisation
requise pour obtenir une pension à taux plein augmentera de 40 à 41 ans
entre 2009 et 2012. Elle continuerait à progresser ultérieurement en
fonction de la hausse de l'espérance de vie. Une surcote de 5 % a été
instaurée pour les années cotisées au-delà de 60 ans et de la durée
requise ; la décote passera de 10 à 5 % par année manquante. En 2020, la
durée de cotisation requise pourrait être de 42 ans ; les actifs qui
auront commencé à travailler à 18 ans pourront partir à 60 ans ; ceux
qui auront débuté entre 18 et 23 ans seront fortement incités à attendre
42 années de cotisation ; les autres à attendre 65 ans. En 2020, peu
d'actifs pourront bénéficier de la surcote, car il sera difficile
d'avoir commencé à travailler tôt et d'aller au-delà des 42 ans.
Un allongement de la durée de cotisation plus pertinent
L'allongement de la durée de cotisation requise est préférable au report
de l'âge minimum de la retraite : ceux qui ont commencé à travailler
jeune et pour lesquels la durée d'activité est très longue et
l'espérance de vie plus courte, peuvent partir avant ceux qui ont débuté
leur carrière tardivement et qui jouissent d'une espérance de vie plus
importante.
La hausse de la durée des carrières est la seule solution qui permette
d'équilibrer le système des retraites si l'on refuse de trop fortes
hausses des cotisations et baisses du niveau des retraites. L'âge moyen
de cessation d'activité des salariés du secteur privé est de l'ordre de
59 ans en France. C'est le niveau le plus bas en Europe. Le taux
d'activité des 55-59 ans est faible (en 2007, 58,5 % contre 72 % aux
États-Unis et au Royaume-Uni, 75 % en Allemagne et 85 % en Suède), celui
des 60-65 ans est extrêmement bas (16,5 % au lieu de 36 % en Allemagne,
46 % en Grande-Bretagne, 53 % aux Etats-Unis et 65 % en Suède).
Existe-t-il vraiment une spécificité quant à l'employabilité des seniors
français ?
En 2003, on pouvait espérer que la France pourrait contrebalancer le
choc du « papy boom » par un double choc emploi : retour au plein
emploi, hausse de l'emploi des 55-60 ans, puis des 60-62 ans (d'ici
2020), et enfin des 62-65 ans.
Le taux de chômage a diminué de 8,8 % en décembre 2003 à 7,2 % en mars
2008, mais la baisse a été stoppée début 2008 et le taux de chômage a
atteint 9,1 % à la mi-2009, 10 % fin 2009, et devrait s'élever à 10,5 %
en 2010, niveau très proche du maximum de 1996.
De début 2003 à fin 2009, le taux d'emploi des 55-65 ans n'a que
légèrement progressé en France : en taux sous-jacent, c'est-à-dire à
structure par âge inchangée, de 39,3 % à 44 % pour les hommes et de
32,9 % à 38,4 % pour les femmes.
L'emploi des 55-65 ans a jusqu'à
présent bien résisté à la crise. Contrairement aux difficultés
économiques précédentes, la crise ne s'est pas traduite par une forte
hausse des préretraites. C'est surtout l'emploi des jeunes générations
qui a été affecté. »
Juin 2010, le projet du gouvernement
Les pouvoirs publics, en anticipant de deux ans le "rendez-vous" prévu
en 2012 par la réforme de 2003, ont souhaité mettre en avant l’urgence
de nouvelles mesures.
De fait, les dernières projections du Conseil d’orientation des
retraites (COR), publiées dans son 8e rapport remis en avril 2010, font
état, sur la base du scénario le plus optimiste (dont un taux de chômage
à 4,5% à partir de 2024), d’un besoin annuel de financement du régime
général à 72 milliards d'euros en 2050 (soit 1,7 point de PIB), un
retour au plein emploi ne suffisant même pas à équilibrer celui-ci.
Le
16 juin 2010, le ministre du travail, de la solidarité et de la
fonction publique, Éric Woerth, présentait le projet de réforme, qui
comporte principalement deux volets : l’âge légal de droit commun pour
liquider sa retraite passerait de 60 à 62 ans en 2018 ; la durée de
cotisation passerait à 41,5 années en 2020. Le financement du système
serait en partie assuré par l’instauration de prélèvements sur les hauts
revenus et sur ceux du capital.
Le projet de loi portant
réforme des retraites, est déposé le 13 juillet 2010 à l'Assemblée
nationale par le Gouvernement qui engage la procédure accélérée sur ce
texte. Le 13 septembre, le projet de loi est adopté en première lecture
par l'Assemblée nationale.
De juin à novembre 2010, une vive contestation relayée par des grèves et
de nombreuses journées d'action nationale à l'initiative des centrales
syndicales, traverse le pays. La loi sur la réforme des retraites,
est adoptée par le Parlement le 27 octobre 2010 et publiée le 9
novembre au Journal officiel, après sa validation par le Conseil
constitutionnel saisi par les parlementaires socialistes.
● Elle prévoit le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de
60 à 62 ans pour l’ensemble des assurés, à raison de quatre mois par an à
compter du 1er juillet 2011 à partir de la génération 1951. Toutefois,
un départ anticipé demeure possible pour certains assurés ayant exercé
une carrière longue ou un travail pénible. ● Pour les régimes spéciaux, cette mesure prendra pleinement effet à compter du 1er janvier 2017 seulement.
● De plus, l’âge de la retraite à taux plein passe de 65 à 67 ans, à
raison de quatre mois supplémentaires par an entre le 1er juillet 2016
et 2023. Cependant, le bénéfice du taux plein sera maintenu à 65 ans
pour certaines catégories, notamment pour les parents de trois enfants
nés avant 1956 et ayant interrompu leur activité. ● Est également
prévu l’alignement, étalé sur dix ans, du taux de cotisation retraite
des fonctionnaires sur celui du privé (passage de 7,85 % à 10,55 %).
Le décret de 2012 sur l'élargissement du dispositif "carrières longues"
Promesse du candidat socialiste à la présidence de la République lors de
la campagne électorale, la réforme dite "Hollande" des retraites à été
consacrée par le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012
(publié au Journal officiel du 3 juillet). Il modifie les conditions
d'âge permettant de liquider les droits à pension sans abattement pour
les carrières longues.
Le décret ouvre droit à la retraite anticipée à
soixante ans pour les assurés justifiant de la durée d'assurance
cotisée requise pour leur génération et ayant commencé à travailler
avant vingt ans, ce qui revient à réduire de deux ans la condition de
durée d'assurance exigée par la suppression de la majoration de huit
trimestres précédemment en vigueur.
Les réformes de 1998-2001
La constitution du Fonds de réserve pour les retraites (FRR)
La constitution de réserves au sein des régimes par répartition existait
en fait depuis plusieurs décennies au sein des régimes AGIRC, ARRCO,
par exemple. En revanche, la création d'une structure commune à
plusieurs régimes n'a été concrétisée que dans le cadre de la Loi de
financement de la sécurité sociale (LFSS) de 1999, qui a institué un
fonds de réserve au sein du FSV (Fonds de solidarité vieillesse).
Ses ressources, diverses, sont constituées notamment par une fraction du
solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge
des sociétés.
Le 25 avril 2001, le Conseil des ministres a approuvé la constitution au
1er janvier 2002 du Fonds en établissement public de l'État à caractère
administratif, qui se voit attribuer de nouvelles ressources (dont tout
ou partie de l'excédent dégagé par le FSV et 50 % des encaissements au
titre des prélèvements sociaux sur les revenus de placement et du
patrimoine).
Au 31 décembre 2009, le FRR avait accumulé 33,3 milliards d’euros d’actifs, sur les 152,4 milliards prévus à l’horizon 2020.
L'accord du 10 février 2001 sur les retraites complémentaires
L'objectif assigné aux partenaires sociaux semblait assez simple :
renouveler l'accord AGIRC - ARRCO du 25 avril 1996, qui arrivait à
échéance le 31 décembre 2000. Mais l'annonce par le Medef, en février
2000, de sa volonté d'intégrer le volet de la retraite complémentaire
dans le cadre de son projet de « refondation sociale », incluant entre
autres la réforme de l'assurance chômage, a suscité un long bras de fer
avec les syndicats. Finalement, le patronat, la CFDT et la CFTC ont
signé, le 10 février 2001, sans la CFE-CGC, la CGT et FO, un accord
prévoyant notamment le maintien jusqu'au 31 décembre 2002 des acquis des
accords de 1996.
En septembre 2002, l'accord du 10 février a été
prolongé jusqu'au 1er octobre 2003. Le 13 novembre 2003, patronat et
syndicats ont signé un nouvel accord qui prévoit notamment la
possibilité, pour un salarié rattaché aux régimes AGIRC ou ARRCO et
ayant fait valoir ses droits à la retraite à taux plein entre 60 et 65
ans, de percevoir une pension sans abattement sur les tranches A et B
des rémunérations.
Les réformes 2003-2008
Objectifs de la loi du 21 août 2003
La loi du 21 août 2003, tend à concilier deux objectifs :
préserver le financement des retraites selon le principe de la répartition, garant de la solidarité intergénérationnelle ;
faire face au défi démographique et financier des décennies à venir
pour les régimes de retraites (accès des nombreuses classes d'âge
d'après-guerre à la retraite et élévation continue de l'espérance de
vie).
Principaux changements
Dans le détail, les principaux changements introduits par la loi pour les assurés sont les suivants :
l'alignement, à raison de deux trimestres supplémentaires par an,
de la durée de cotisation des agents de la Fonction publique sur les
salariés du privé (soit 40 annuités) entre 2004 et 2008, puis le passage
progressif (à raison d'un trimestre par an) à 41 ans pour tous les
salariés en 2012, avec instauration d'une décote en cas d'anticipation
ou au contraire d'une surcote en cas de retardement de son départ en
retraite ;
l'indexation des retraites sur les prix (et non plus sur les
traitements des fonctionnaires), afin de garantir le pouvoir d'achat des
pensions ;
la mise en ouvre de mesures correctives : relèvement du minimum
garanti, cumul emploi-retraite, prise en compte d'une fraction des
primes des fonctionnaires dans le calcul de leur pension... ;
l'instauration d'un régime obligatoire, par points, permettant
d'acquérir une retraite à partir de cotisations acquittées sur la base
des rémunérations accessoires au traitement indiciaire : le régime de
Retraite additionnelle de la Fonction publique (RAFP) ;
la mise en place de deux nouveaux dispositifs d'épargne retraite
facultatifs : un contrat individuel, le PERP (Plan d'épargne retraite
populaire) et un contrat collectif, en entreprise, le PERCO (Plan
d'épargne pour la retraite collectif).
Financement
Le
Conseil d'orientation des retraites (COR) a évalué le besoin de
financement du Régime général et de celui des fonctionnaires à 43
milliards d'euros en 2020. Pour combler ce déficit et parvenir à
l'équilibre financier, la réforme prévoit un certain nombre de recettes,
en particulier celles provenant des mesures dites de redressement
(allongement de la durée de cotisation et indexation des pensions sur
les prix) et d'une contribution supplémentaire de la part des régimes de
retraite concernés. La réalisation de ce plan d'équilibre financier
fait néanmoins l'objet d'un débat, certains mettant notamment en doute
la pertinence du scénario central du COR (un taux de chômage de 4,5 % à
partir de 2024).
Au cours des vingt dernières années, quasiment tous les pays
développés ont mené au moins une réforme des retraites, constate Bruno
Palier dans le n° 361 de Regards sur l’actualité ("La réforme des systèmes de retraite : les expériences européennes",
La Documentation française, mai 2010). « Même si les difficultés
peuvent être similaires, chaque système a été réorienté selon des
modalités propres et en suivant des temporalités spécifiques. Il est
possible de classer les réformes selon le type de système de retraite
concerné. Les systèmes à piliers multiples (qui comportent une retraite
de base forfaitaire financée en répartition, complétée par des retraites
financées en capitalisation) ont longtemps été présentés comme les
mieux adaptés aux contraintes démographiques, à tel point que la
Grande-Bretagne après 1986, et certains pays d’Europe de l’Est au cours
des années 2000, ont choisi de rejoindre cette famille. Dans l’immédiat,
ce sont ces systèmes qui ont le plus souffert de la crise économique de
2008. Les réformes menées en Scandinavie sont montrées en exemple aussi
bien pour la capacité de la Suède à mettre en oeuvre une réforme à la
fois structurelle et consensuelle, que pour l’aptitude des pays
nordiques à augmenter leur taux d’emploi. Dans un contexte proche du
contexte français, l’Allemagne a mis en place des réformes similaires
mais plus radicales qu’en France. »
La Suède : un modèle innovant ?
Avec la réforme de 1998, la Suède est passée d'un régime à
prestations définies, à deux régimes à cotisations définies : l’un par
répartition, et l’autre par capitalisation. L’objectif recherché était
de combiner la stabilité financière d’un système à cotisations définies,
et l’efficacité économique et sociale d’un régime public par
répartition.
Le nouveau régime suédois par répartition : les comptes notionnels
La Lettre du Conseil d'orientation des retraites (Pdf, 524 Ko)
de février 2009 analyse la réforme suédoise et les questions qu'elle
pose. « Le nouveau régime public par répartition repose sur des comptes
individuels de retraite, les "comptes notionnels". Chaque assuré dispose
d’un compte personnel dans lequel sont créditées virtuellement chaque
année ses cotisations de retraite et celles de son employeur.
L’opération est virtuelle dans la mesure où les cotisations servent à
financer les pensions des retraités d’aujourd’hui, selon le principe de
la répartition. L’ensemble des cotisations de retraite portées sur le
compte de chaque assuré constitue un "capital virtuel", qui est
revalorisé chaque année selon un index représentatif de la croissance du
revenu d’activité moyen des assurés.
Le capital virtuel accumulé tout au long de la vie active est converti
en une pension de retraite en le divisant par un coefficient de
conversion. Celui-ci dépend positivement de l’espérance de vie à l’âge
de départ à la retraite de la génération à laquelle l’assuré appartient,
c’est-à-dire de la durée moyenne escomptée de la période de retraite.
Ainsi, un recul de l’âge de départ à la retraite conduit à augmenter la
pension selon deux biais : les années cotisées en plus accroissent la
masse des droits accumulés et le coefficient de conversion diminue car
l’espérance de vie à l’âge de la retraite est plus faible. » (...)
Des questions en suspens
Quel taux de remplacement dans l'avenir ?
« Chaque génération [de Suédois] est conduite à "arbitrer" entre âge de
départ à la retraite et montant de la pension. Sans prolongation de
l'activité, les taux de remplacement, rapportant les pensions publiques
aux revenus d'activité, baisseraient au fil des générations, même avec
des hypothèses de rendement de la capitalisation assez élevé (3,5 % par
an en termes réels) : dans les projections faites par la sécurité
sociale suédoise, une personne née en 1990 devra, pour obtenir le même
taux de remplacement que celui de la génération 1930, travailler jusqu'à
68,2 ans, soit un recul d'environ trois années par rapport à la
génération 1930, mais, dans le même temps, sa durée de retraite devrait
augmenter d'un an et demi.
La Suède pourrait être à cet égard dans une situation assez paradoxale :
les taux d'emploi y sont actuellement plus élevés et il n'est pas sûr
qu'en progression, la Suède dispose d'assez de marges de manœuvre pour
permettre aux assurés de prolonger leur vie active afin de stabiliser
les taux de remplacement.
Un système piloté automatiquement
La définition de tous les paramètres ainsi que le mécanisme d'équilibre
impliquent que le système de retraite suédois ne nécessite plus aucune
intervention politique dans son fonctionnement : c'est un système
automatiquement régulé (pas de "rendez-vous" ni de "point d'étape"
réguliers). Cette situation peut toutefois faire débat car plusieurs
questions restent en suspens, dont celles de la fixation des paramètres à
l'origine du système :
- seront-ils toujours "pertinents" et acceptés par la population ?
- dans quelle mesure sera-t-il possible de les faire évoluer à l'avenir
sans remettre en cause l'ensemble du fonctionnement du système ?
Par
exemple, le mode d'indexation des pensions et le mécanisme automatique
d'équilibre rendent les retraités solidaires des actifs. Cette
solidarité a pour conséquence que le système ne garantit pas le pouvoir
d'achat des pensions liquidées. Or, les dernières projections de la
sécurité sociale suédoise prévoient pour 2009-2010 des pertes de pouvoir
d'achat (voire une baisse nominale) des pensions liquidées : il sera
intéressant alors d'observer les réactions des Suédois face à une
conjoncture plus défavorable. »
L'Union européenne : un étau qui se resserre
Le domaine des retraites, relevant d'une compétence partagée entre
l'Union européenne (UE) et les Etats membres, est soumis au principe de
subsidiarité, ainsi que l'observe Antoine Rémond dans "Les retraites en question" (Les Études,
La Documentation française, 2009, 208 p.). « Cela implique que l'UE
n'intervient "que si et dans la mesure où les objectifs de l'action
envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les Etats
membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de
l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire"
(article 5 du traité instituant la Communauté européenne). Dès lors que
la nature et le poids financier des systèmes de retraite peuvent
interagir avec le niveau d'endettement des Etats membres, voire avec le
fonctionnement des marchés européens du travail et des capitaux, les
institutions européennes sont susceptibles d'intervenir. Au cours de la
dernière décennie, cette intervention s'est faite de plus en plus
pressante.
Dès le début des années 1990, la Commission européenne donne, dans un
document de travail, sa vision des systèmes de retraite. Elle considère
que les retraites peuvent provenir de trois sources différentes :
- les régimes de sécurité sociale ;
- les régimes complémentaires liés à un emploi ou une profession ;
- les systèmes de retraite individuels privés.
Néanmoins, elle juge que les régimes de base n'ont pas de caractère
professionnel et que les régimes complémentaires doivent naturellement
fonctionner en capitalisation, ce qui rend son approche identique à
celle, dite des trois piliers, que développera la Banque mondiale
quelques années plus tard. Dès lors, les régimes ARRCO et AGIRC posent
problème à la Commission car, selon cette conception, ils ne peuvent
être assimilés au deuxième pilier. Durant la décennie 1990, elle va
chercher à homogénéiser les systèmes de retraite nationaux en ayant
recours à deux types d'arguments : la libre circulation de la main
d'œuvre, puis le vieillissement de la population.
Dire que la
Commission européenne cherche à promouvoir la capitalisation est un
euphémisme. Dans une de ses publications, la direction générale des
affaires économiques et financières (DG Ecofin) juge, en effet, qu' "un
basculement complet vers un système par capitalisation est l'option
préférée". C'est pourquoi certains auteurs évoquent "une logique de
guerre contre la répartition". »
Avant 1945 : aux origines des retraites
23 septembre 1673 Edit royal instaurant une pension de vieillesse pour les officiers de la marine royale.
22 août 1790 Loi instaurant la retraite pour les fonctionnaires dès l'âge de 50 ans avec trente ans de services effectifs.
18 juin 1850 Loi créant la Caisse de retraites pour la vieillesse.
8 juin 1853 Loi unifiant les pensions civiles et militaires des fonctionnaires d'administration centrale.
14 juillet 1905 Loi sur l'assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables.
5 avril 1910 Loi sur les retraites ouvrières et paysannes.
14 avril 1924 Loi améliorant l'accès des fonctionnaires à la retraite.
5 avril 1928 et 30 avril 1930 Lois sur les assurances sociales.
14 mai 1937 Signature de l'accord UIMM (Union des industries
métallurgiques et minières)-Fédération nationale des syndicats
d'ingénieurs (FNSI) pour la création d'un fonds de retraite
complémentaire des cadres.
14 mars 1941 Loi instaurant l'allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS).
1945-1975 : organisation et montée en charge du système
17 mai 1945 Ordonnance créant une caisse de retraite, la
CNRACL, à l'intention des agents des fonctions publiques territoriale et
hospitalière.
4 et 19 octobre 1945 Ordonnances créant la Sécurité sociale.
13 septembre 1946 Loi généralisant l'assurance-vieillesse.
14 mars 1947 Signature de la convention collective nationale créant l'AGIRC, régime de retraite complémentaire en faveur des cadres.
17 janvier 1948 Loi prévoyant la création de quatre régimes de
non-salariés : commerçants, artisans, professions libérales et
agriculteurs. Si les trois premiers sont mis en place dès 1949, les
agriculteurs devront attendre la loi du 10 juillet 1952.
26 juillet 1956 Création du Fonds national de solidarité (FNS).
8 décembre 1961 Signature de l'accord créant l'ARRCO, régime de retraite complémentaire en faveur des non-cadres.
18 décembre 1963 Loi instaurant une allocation spéciale du
Fonds national de l'emploi (ASFNE) en faveur des travailleurs salariés
âgés de 60 ans et plus et faisant l'objet d'un licenciement collectif
sans possibilité de reclassement.
26 décembre 1964 Loi portant réforme du code des pensions civiles et militaires.
21 août 1967 Ordonnances prévoyant notamment la création de trois caisses autonomes dont la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).
31 décembre 1971 Loi Boulin prévoyant le passage de 120 à 150
trimestres (37,5 ans) de la période d'assurance ouvrant droit à une
pension à taux plein, sur la base désormais des dix meilleures (et non
plus dernières) années de salaire.
3 juillet 1972 Loi alignant les régimes des artisans et commerçants sur les règles en vigueur au sein du régime général.
29 décembre 1972 Loi prévoyant l'extension de la couverture
complémentaire obligatoire à l'ensemble des assurés du régime général à
compter du 1er janvier 1973.
24 décembre 1974 Loi instaurant la compensation financière entre régimes de retraite.
1975-1990 : face à la montée des périls
1er janvier 1976 Premier plan de financement de la Sécurité sociale.
13 décembre 1978 Deuxième plan de financement de la Sécurité sociale.
22 mars 1979 Création de la Commission des comptes de la Sécurité sociale.
25 juillet 1979 Troisième plan de financement de la Sécurité sociale.
26 mars 1982 Ordonnance fixant l'âge légal de la retraite à 60 ans à partir du 1er avril 1983.
6 janvier 1986 Loi abaissant progressivement l'âge légal de départ des exploitants agricoles de 65 à 60 ans au 1er janvier 1990.
Depuis les années 1990 : l'ère des réformes
22 juillet 1993 Loi modifiant les conditions d'accès à la
retraite des salariés du régime général et assimilés et créant le Fonds
de solidarité vieillesse (FSV).
11 février 1994 Loi Madelin instaurant un complément retraite volontaire par capitalisation pour les non-salariés.
8 août 1994 Loi fixant le nouveau cadre juridique des IRC (institutions de retraite complémentaire).
10 décembre 1995 Sous la pression des mouvements de grève et
des manifestations, le gouvernement Juppé renonce à son projet de
réforme de la retraite pour les régimes spéciaux.
22 février 1996 Instauration des lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS).
25 avril 1996 Accords AGIRC et ARRCO instituant la
compensation financière entre les deux régimes, le passage du taux de
cotisation contractuel à 16 % en 1999 et un régime unique à l'horizon
1999.
25 mars 1997 Adoption de la loi Thomas (abrogée en 2002) sur les plans d'épargne retraite.
1999 Instauration par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999, d'un Fonds de réserve pour les retraites.
10 mai 2000 Décret créant le Conseil d'orientation des retraites.
10 février 2001 Après de nombreuses péripéties, signature d'un
accord entre le patronat et plusieurs syndicats sur le renouvellement
de l'accord AGIRC-ARRCO sur les retraites complémentaires du 25 avril
1996.
19 février 2001 Loi instaurant les PPESV (plans partenariaux d'épargne salariale volontaire).
14 mars 2001 Création de l'Association pour la gestion du
fonds de financement (AGFF), nouvelle structure remplaçant l'ASF
assurant le financement de la retraite complémentaire des salariés du
secteur privé liquidant entre 60 et 65 ans.
17 juillet 2001 Loi instituant, au 1er janvier 2002, le Fonds
de réserve pour les retraites en établissement public de l'État à
caractère administratif.
Janvier 2002 Abrogation de la loi Thomas sur les plans
d'épargne retraite dans le cadre de la loi de modernisation sociale.
Création d'un "comité intersyndical de l'épargne salariale".
15-16 mars 2002 Dans les conclusions du Conseil européen de
Barcelone figure le souhait que l'âge moyen effectif de cessation de
l'activité professionnelle soit retardé de 5 ans d'ici à 2010, dans les
pays de l'Union.
Septembre 2002 Prolongation de l'accord sur le financement à
taux plein de la retraite complémentaire des salariés du privé à 60 ans
jusqu'au 1er octobre 2003.
Janvier 2003 Extinction progressive à compter de 2003 du congé
de fin d'activité, dispositif permettant aux fonctionnaires de partir à
la retraite de manière anticipée.
Février 2003 Manifestations le 1er février dans plusieurs
villes de France à l'appel de l'ensemble des syndicats pour défendre le
système de retraite par répartition.
13 et 25 mai 2003 Manifestations contre l'avant-projet de loi sur les retraites.
21 août 2003 La loi portant réforme des retraites est promulguée.
30 octobre 2003 Décret relatif à l'abaissement de l'âge de la
retraite pour les assurés ayant commencé à travailler jeunes et eu une
longue carrière est promulgué.
13 novembre 2003 Prolongation de l'accord sur le financement à
taux plein de la retraite complémentaire des salariés du privé à 60 ans
du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2008.
26 décembre 2003 Sept décrets d'application concernant les pensions des fonctionnaires sont promulgués (Journal officiel
du 30 décembre 2003), suite à la loi du 21 août 2003 sur la réforme des
retraites. Ces décrets portent notamment sur la revalorisation de 1,5 %
des pensions civiles et militaires, le rachat des années d'études, la
refonte du système de bonification pour enfants dont le bénéfice est
étendu aux hommes, les modalités de prise en compte du temps partiel et
de la cessation progressive d'activité et l'application de la réforme
aux agents territoriaux et hospitaliers.
18 juin 2004 Le décret relatif à la retraite additionnelle de
la fonction publique est promulgué. A compter du 1er janvier 2005, une
partie des primes et indemnités des agents des trois fonctions publiques
(moyennant cotisation de 10 % dans la limite de 20 % du traitement
indiciaire brut total) sera prise en compte pour leurs retraites et
constituera des droits à pension additionnelle à côté de la retraite de
base. On notera que ce régime est obligatoire.
21 avril 2004 Parution au Journal officiel du décret
relatif au plan d'épargne retraite populaire (PERP), qui s'adresse en
priorité aux 9,2 millions de salariés du privé imposables.
1er janvier 2007 Le minimum vieillesse prend la forme d'une allocation unique appelée allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).
11 janvier 2007 Le Conseil d'orientation des retraites (COR)
remet au Premier ministre son rapport sur les retraites : soulignant la
situation financière "plus dégradée que prévu" de la branche retraite de
la Sécurité sociale (3,5 milliards d'euros de déficit estimé en 2007),
il juge "stratégique" une amélioration du taux d'emploi des seniors et
souhaite une réforme "au cas par cas" des régimes spéciaux.
29 octobre 2007 Dans la perspective de la réforme des régimes
de retraites prévue en 2008, la Commission de garantie des retraites
rend un avis préconisant l'allongement progressif d'ici à 2012 de 40 à
41 ans de la durée de cotisation de l'ensemble des salariés,
fonctionnaires, professions libérales et travailleurs indépendants.
22 novembre 2007 Dans son 5e rapport d'actualisation, le
Conseil d'orientation des retraites révèle que l'application de la
réforme des retraites de 2003 ne s'est pas accompagnée d'un recul des
âges de départ à la retraite et que les mesures visant à prolonger
l'activité des seniors n'ont pas permis d'infléchir les comportements
des employeurs et salariés.
1er janvier 2008 Les pensions de retraite sont désormais calculées sur les 25 meilleures années de la carrière.
22 mai 2008 Journée d'action à l'appel des syndicats CFDT,
CFE-CGC, CFTC, CGT, CGT-FO contre le "plan retraites" du gouvernement,
qui entérine l'allongement à 41 ans de la durée de cotisation et avec le
mot d'ordre commun "pour la défense de la retraite solidaire".
17 décembre 2008 La loi de financement de la Sécurité sociale
(LFSS) pour 2009 repousse à 70 ans l'âge auquel un salarié pourra être
mis à la retraite d'office par son employeur, sous réserve que celui-ci
respecte la procédure prévue.
1er janvier 2009 La durée d'assurance nécessaire pour
bénéficier d'une retraite à taux plein augmentera d'un trimestre par an
pour atteindre 164 (soit 41 ans) en 2012.
15 février 2010 Le président de la République reçoit les
partenaires sociaux pour définir l'agenda social 2010. Des rendez-vous
sont fixés notamment pour négocier sur l'avenir du système de retraite
(avril-août, avant dépôt à l'automne d'un projet de loi devnt le
Parlement).
14 avril 2010 Remise au Premier ministre du 8e rapport du
Conseil d'orientation des retraites (COR). Ses prévisions à l'horizon
2050, appuyées principalement sur les données démographiques, sont
alarmantes : entre 70 et 114 milliards d'euros de déficit selon les
hypothèses de chômage et de croissance envisagées.
13 juin 2010 Le projet de loi portant réforme des retraites, n° 2760, est déposé le 13 juillet 2010 à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement engage la procédure accélérée sur ce texte.
13 septembre 2010 Le texte est adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.
9 novembre 2010 La loi portant réforme des retraites
est publiée le 10 novembre au Journal officiel, après sa validation par
le Conseil constitutionnel saisi par les parlementaires socialistes.
Une vive contestation relayée par de nombreuses journées d'action
nationale à l'initiative des centrales syndicales, a marqué la période
de juin à novembre 2010.
La retraite est la situation d'une personne qui se caractérise par :
l'arrêt de toute activité professionnelle et le retrait du marché du travail,
des revenus basés sur le produit d'un capital accumulé, le
versement d'une rente viagère et/ou le bénéfice d'une pension de
vieillesse (ou pension de retraite) obtenue, généralement sous certaines
conditions (âge minimal, durée passée en emploi, etc.), à titre gratuit
ou contre cotisations préalables. Ces cotisations ont pu être versées
en partie par un tiers (un employeur, l'état...) à une caisse de
retraite ; par ailleurs la pension de retraite peut être elle aussi
complétée par un tiers.
La retraite, historiquement rare et courte, a été créée par Bismarck au XIXe siècle
(l'anecdote veut qu'il ait demandé à fixer l'âge de la retraite de
façon à n'avoir presque jamais à la verser). La retraite se généralise
au siècle avec l'allongement de la durée de vie et l'augmentation sans
précédent des richesses.
Devenue perspective probable, elle pose des problèmes aigus de financement lorsqu'elle est gérée par l'État-providence,
du fait de l'horizon temporel inhabituellement lointain du départ à la
retraite (décalage de plusieurs dizaines d'années) et donc de
l'incertitude sur les conditions dans lesquelles elle pourra s'exercer ;
les hommes politiques peuvent profiter de cette incertitude pour
spolier les jeunes actifs, en augmentant les cotisations sans que les
citoyens réagissent, ainsi que les générations futures. A contrario, une
gestion libre et responsable d'une épargne-retraite aboutit à des
rendements élevés dans un cadre pérenne. Des revers de capitaux
ponctuels (hedge-funds, ENRON) ne remettent pas en cause cet état de
choses dans son ensemble.
Types de retraites
Plusieurs grands types de fonctionnement, qui peuvent être combinés, existent :
la solidarité
familiale : chaque groupe (famille, famille élargie, clan, etc.) prend
en charge ses retraités et leur assure l'existence. C'est ce mécanisme
historique qui était généralement appliqué historiquement, lorsque les
marchés financiers n'existaient pas encore et que le bien moindre
respect de l'état de Droit empêchait la préservation de l'épargne. C'est
d'ailleurs le cas dans les pays du Moyen-Orient. Le cas le plus
intéressant est celui de la Turquie. En effet, le taux des prélèvements
obligatoires ( en y incluant les charges sociales ) n'est que de 25 %.
Ce qui signifie que chaque famille habitant Smyrne a une résidence
secondaire ( en terme de maison à deux étages ) à Kusadaci. Cet exemple
n'est pas le seul en Turquie. Ce qui a pour effet d'héberger les
personnes âgées de la famille de façon confortable.
la retraite par capitalisation : de l'épargne est accumulée par
les actifs (futurs retraités), soit individuellement soit d'une manière
collective, constituant ainsi un capital.
Les intérêts produits par ce capital, et le capital lui-même, sont
dépensés lors de la retraite. Dans le cas d'un régime privé de retraite
par capitalisation, le retraité peut gérer lui-même ce capital ou bien
le confier à un ou plusieurs professionnels de gestion de patrimoine.
Cela suppose des gestionnaires efficaces et un contexte économique et
règlementaire qui leur permette de mettre en œuvre sereinement une
stratégie de placement diversifiée et durable. Dans certains pays comme
la France,
ce type de retraite est limité par les pouvoirs publics, qui ont
introduit dès les années 1940 puis maintenu la retraite par répartition
comme régime obligatoire. Il convient de signaler que les organismes de
retraite par capitalisation, durant les années 1930 et 1940, ont subi
les effets de la Grande Dépression
et de la Seconde Guerre mondiale, en particulier les vagues d'inflation
qui ont spolié les épargnants de la majorité de leur capital. Le
capital accumulé peut être placé dans des produits plus ou moins risqué (pour une durée de placement suffisamment longue,
les produits risqués génèrent un rendement plus élevé que les produits
sans risque, mais peuvent se réduire à une peau de chagrin).
Généralement, l'épargne des jeunes actifs est placée dans des produits
risqués, et, au fur et à mesure que la date de retraite approche,
l'épargne est transférée vers des produits à faible risque (obligations
d'entreprise ou obligations d'état par exemple).
la rente viagère : le détenteur d'un capital venant d'une
capitalisation ou d'une autre source ne connaît pas son espérance de vie
et il sait que ses capacités de travail vont s'amoindrir : cela limite
les possibilités de bonne gestion d'un capital. Il peut donc préférer
convertir son capital en rente viagère qui sera versée par un organisme
de placement ; celui-ci, gérant un grand nombre de ces rentes viagères,
peut, en moyennant les espérances de vie de ses clients, prévoir les
futurs flux financiers et leur garantir individuellement un montant
versé jusqu'à leur décès.
la retraite par répartition : ce sont les cotisations des
travailleurs et employeurs actuels qui payent les retraités actuels.
Deux présentations existent de ce système :
La doctrine officielle est celle d'une "solidarité" élargie,
collective et intergénérationnelle, où chaque (futur) retraité prend en
charge les retraités du moment (et sera pris en charge lui-même par les
cotisants futurs). Dans ce système, le cotisant d'aujourd'hui n'acquière
aucun actif réel, sa retraite sera fonction de la cotisation donc de
son salaire d'actif, en exacte proportion et le montant total des
cotisations est partagé entre les retraités selon des clefs complexes et
souvent injustes (% du salaire selon le nombre de trimestres cotisés,
validés, plus proche de 50% que de 100%).
Dans l'imaginaire collectif et dans la présentation publicitaire, ce système est plutôt perçu comme une épargne
collective (ce qu'il n'est pas, c'est une acquisition de points
multiplié par les trimestres cotisés), un système de capitalisation
mutuel, où le futur retraité acquiert des droits réels sur les futurs
cotisants ; les pensions, même si elles sont fixées par des règles
complexes illisibles, peuvent être financées par une recherche de
ressources financières.
Ces deux doctrines cohabitent, plus ou moins bien selon la
souplesse qu'on laisse aux inévitables variations de population et la
gestion politique des intérêts contradictoires des pensionnés et des
cotisants. Dans la réalité, la retraite par répartition présente des
caractéristiques similaires à la vente pyramidale (ou au schéma d'escroquerie de Bernard Madoff, le plus grand escroc du XXIè siècle)[1]avec
ses défauts, et le système génère son propre type de scandale,
conduisant par contrecoup à réhabiliter les autres systèmes, y compris
la capitalisation.
Position libérale
Les systèmes de capitalisation et de répartition sont très
différents : la capitalisation est un système individuel ou collectif de
placement, alors que la répartition est forcément un système collectif,
sinon collectiviste, de "protection sociale" que ses promoteurs font passer pour une assurance
vieillesse (alors que les techniques de l'assurance ne sont en fait
jamais employées) ce qui est d'autant plus surprenant que la vieillesse
n'est plus un « risque » peu probable, mais un événement à très forte probabilité.
Lorsque la croissance démographique est modérée, le rendement
d'un système de retraite par capitalisation est largement supérieur à
celui d'un système par répartition. Dans le système par répartition, les
cotisations sont en fait analogues à un impôt (proportionnel au revenu)
dont les fonds recueillis ne sont pas investis, mais immédiatement
redistribués par les organismes de retraite publics ou parapublics
(privés avec mission de "service public").
Le système par répartition est proche de ce qu'on appelle la
vente pyramidale, où le revenu est basé sur le "recrutement" de
nouvelles personnes, et non sur la constitution de droits réels : on
vend à prix coûtant un produit futur (la future pension de retraite),
qui n'est en fait qu'une simple promesse de ce produit. Ce revenu
futur n'est pas officiellement garanti et est constamment révisable. Ce
système sacrifie l'avenir au nom de l'immédiat, au nom d'une soi-disant
solidarité
intergénérationnelle (alors que la "solidarité" est une action
volontaire par définition qui n'existe plus lorsqu'elle est rendue
obligatoire). Il ne peut fonctionner que si la coercition étatique s'applique et oblige tout le monde à cotiser (c'est la fonction, dans un certain nombre de pays, des institutions de "sécurité sociale").
Le « théorème de Sauvy » régit le fonctionnement de la retraite
par répartition : les retraites futures ne se préparent pas en
s’occupant des personnes âgées, mais en mettant au monde des enfants et
en les élevant correctement. Une retraite par répartition doit tenir
compte non des cotisations versées par le passé (qui n'existent plus)
mais de la démographie, puisque les pensions des moins jeunes sont
prélevées sur les revenus des plus jeunes.
Les "solutions" étatiques au phénomène de transition
démographique et de vieillissement de la population consistent à
diminuer le montant des retraites, augmenter les cotisations ou obliger
les salariés à travailler toujours plus longtemps : les victimes sont
tantôt les actifs, tantôt les retraités, souvent les deux. De plus, la
gestion des retraites tend à être discriminatoire en France, les
bénéficiaires des régimes spéciaux de retraite et les fonctionnaires
étant avantagés par rapport aux actifs du secteur privé. Une autre
injustice tient au fait qu'avec la répartition, celui qui décède avant
sa retraite a cotisé pour rien, ses héritiers n'obtenant rien[2].
L'injustice fondamentale, qui remonte à la mise en place du
système par répartition, est que la première génération de retraités qui
a bénéficié du système n'a jamais cotisé ; cette "dette cachée",
perpétuée par le système, empêche aujourd'hui un passage brutal de la
répartition à la capitalisation (le passage, dans le sens inverse, de la
capitalisation à la répartition est très facile, et les gouvernements
ne se sont jamais privés de mettre en œuvre cette action confiscatoire
et de détruire les systèmes individuels qui existaient déjà). On
pourrait dire que la spoliation des générations suivantes a été
installée dès le début, permettant alors aux politiciens promoteurs du
système d'empocher leurs profits sur le marché politique.
Afin de corriger ou d'atténuer ce passage " brutal " de la répartition à
la capitalisation, il convient de dire que ce passage peut être réalisé
et qu'une méthodologie traduisant cette évolution existe et a été
appliquée. En effet, des procédures et des élargissements progressifs à
toute la population ont été menées, non en France, mais au Chili, dans
le cadre de la libéralisation et de la Privatisation de l'Economie, lorsque, entre 1978 et 1980, José Piñera était Ministre du Travail et des Retraites.
La seule issue est un passage progressif de la répartition à la
capitalisation, avec à terme la suppression de l'obligation de cotiser à
un organisme de retraite étatique ou pseudo-étatique :
Passer d'un système de répartition à un système de
capitalisation, c'est stimuler le seul véritable moteur de la
croissance, à savoir l’épargne. Dans ce système les individus ont en
effet intérêt à épargner, c'est-à-dire à accumuler du capital et à créer
de la richesse, de manière à subvenir à leurs propres besoins une fois
qu'ils ne seront plus en âge de travailler. Dans un système de
capitalisation, on ne compte plus sur la générosité obligatoire des
autres dans le futur pour subvenir à ses besoins lorsqu'on sera
retraité. On compte sur soi-même, et c'est en ce sens que le passage à
la capitalisation constitue une véritable révolution morale. Elle
représente en effet le retour à la responsabilité individuelle. (Pascal Salin, Libéralisme, 2000)
Pour certains libéraux, une obligation d'épargner pour sa propre
retraite devrait être maintenue, tout en permettant aux actifs de
choisir leur mode d'épargne ou de cotisation. En France, avec l'abrogation du monopole de la Sécurité Sociale,
des organismes de retraite concurrents proposeraient différentes
solutions, permettant un choix libre et responsable des individus.
Pour d'autres libéraux et pour les libertariens, au même titre que les cotisations d'assurance maladie ou d'assurance chômage, les cotisations retraite obligatoires constituent tant une spoliation qu'une déresponsabilisation des individus, qui ressortit à un paternalisme méprisant[3]("si on les laisse faire ce qu'ils veulent, ils vont dépenser tout leur revenu et n'épargneront pas pour leurs vieux jours"),
les mêmes individus étant cependant jugés assez responsables pour
pouvoir voter et influer ainsi sur l'évolution de leur pays.
Par conséquent, les personnes doivent retrouver une liberté
de choix totale, ce qui signifie qu'on les laisse préparer leur
retraite comme elles l'entendent. Une mauvaise solution serait de
décréter que la gestion des retraites soit confiée à l'entreprise
dans laquelle travaillent les salariés, celle-ci pouvant alors avoir
tendance à placer le fonds de retraite des personnels dans ses propres
actions, ce qui engendre un risque énorme pour les salariés concernés
(perte à la fois de son emploi et de son épargne en cas de faillite :
voir le scandale du fonds de retraite Enron en 2001 aux Etats-Unis). Les moyens éprouvés d'investir à long terme, en diversifiant son risque, ne manquent pas[4]
et permettent de se passer avantageusement des "services" de l'État,
ou, si on est salarié, des services très "intéressés" de son propre
employeur.
Les opposants à la capitalisation soulignent le risque plus élevé
de ce type de système (le cas d'Enron est fréquemment cité), en
oubliant que la sécurité des placements s'obtient par la diversification
(alors que pour Enron le fonds de pension de l'entreprise était investi
en actions Enron). Il n'y a aucune raison valable de confier la gestion
de sa retraite à son propre employeur ou à un fonds de pension unique,
il est capital que la liberté de choix et de gestion appartienne à
chacun. Dans ce contexte, l'offre peut être très large, qu'elle soit à
but lucratif ou non : assurances, organismes financiers, mutuelles,
associations, etc., sans compter la solidarité familiale, qui a toujours
été historiquement la vraie solidarité intergénérationnelle (par le
don, l'héritage, la mise en commun). Dans les cas de retraite de
capitalisation problématiques constatés par le passé, il est trop facile
d'accuser le marché quand justement ce marché n'a pas pu fonctionner librement du fait de contraintes étatiques particulières.
Exemples de calculs pour comparer répartition et capitalisation
Le Rapport de la Révolution bleue sur les freins à la croissance
présente un exemple d'estimation des rendements comparés des systèmes :
« Prenons l’exemple d’un jeune âgé de 25 ans qui touche 1.200 euros net
par mois, ce qui correspond à 1.900 euros pour l’entreprise en tenant
compte des cotisations salariales et patronales afférentes à la santé et
la retraite. On lui prélève 700 euros par mois soit 8.400 par an. Si
ces 8.400 euros lui étaient reversés, il pourrait souscrire une
assurance maladie (1.400 euros par an) et placer chaque année 7.000
euros pendant 40 ans au taux de 4%. A l’age de 65 ans, il aurait un
capital de 725.000 euros qui lui rapporterait 29.000 euros par an, soit
une retraite mensuelle de 2.417 euros par mois, sans entamer le capital
transmissible à ses héritiers. Avec le régime de répartition actuel, il
touchera au mieux 750 euros et ne laissera rien à ses enfants. »
Autre calcul (fourni par les retraites par répartition, un luxe inabordable) :
un
salarié moyen du privé percevant 1950 euros nets par mois (salaire
moyen du privé), percevra une retraite par répartition équivalente à 70%
de son salaire brut d'activité. Régime général et régimes
complémentaires confondus, il disposera de 1750 euros bruts mensuels.
S'il avait pu capitaliser en actions les 8000 euros qu'il est contraint
de verser chaque année à l'assurance vieillesse, il disposerait d'un
capital supérieur à 1,8 millions d'euros en quarante ans, ce qui lui
fournirait un revenu mensuel de 3000 euros par mois, sans même entamer
son capital.
Un calcul purement mathématique permet de comparer répartition et capitalisation[5]. Les hypothèses sont les suivantes :
deux salariés commencent leur carrière en même temps, à l'âge de 20 ans ;
leur carrière dure 40 ans, après quoi ils bénéficient de 20 ans de retraite ;
leurs conditions sont identiques d’un point de vue salarial :
leur salaire de départ est de 2000 €, et chaque année il est augmenté de
2 % ;
le premier salarié a un régime de retraite entièrement par
répartition : il cotise pour sa retraite à hauteur de 25 % de son
salaire ;
le second a un régime de retraite entièrement par
capitalisation : il cotise pour sa retraite à hauteur de 25 % de son
salaire, et cet argent est investi dans un fonds d’épargne étatique qui
garantit des intérêts composés annuels de 3 % par an (les intérêts sont
incorporés au capital chaque année).
Le calcul donne les résultats suivants à l'arrivée de la retraite :
le salaire du premier passera de 4329 € à 1500 € ("taux de
remplacement" de 34 %, dans l'hypothèse très optimiste où il récupère en
allocations retraite l'équivalent des montants cotisés) ;
le salaire du second passera de 4329 € à 2635 € (taux de remplacement de 60 % pour la capitalisation).
La répartition équivaut en réalité à un placement à taux zéro ! Même
avec un taux d'intérêt des placements qui serait de 1 % par an la
capitalisation est supérieure.
L'origine pétainiste des retraites par répartition en France
C'est un décret-loi de l'État français du 14 mars 1941
qui "réforme" l'assurance-vieillesse pour imposer le système de la
répartition à la place du système de la capitalisation, en créant une allocation aux vieux travailleurs salariés
(AVTS), indépendante des "cotisations versées". Les fonds des caisses
vieillesse privées (20 milliards de francs de l'époque) sont confisqués
(ils deviennent inutiles dans le cadre de la répartition et permettent
de financer immédiatement l'allocation).
Les prétextes n'ont pas manqué à l'époque : les fonds des systèmes par capitalisation auraient été laminés par l'inflation
et la crise économique des années 1930, les redistribuer tout de suite
était donc affaire de "justice" ; la retraite des vieux avec
interdiction pour eux de travailler permettait prétendument de lutter
contre le chômage des jeunes et des adultes d'âge moyen.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle entérine les choix de Vichy,
et ce seront Francis Netter et Pierre Laroque, deux anciens conseillers
de René Belin (le syndicaliste CGT rallié au pétainisme, ministre de
1940 à 1942, auteur de la loi du 14 mars 1941), qui mettront en place la
Sécurité sociale à la Libération.
Ce "dépouillement des générations futures", comme le dira Alfred
Fabre-Luce, a depuis été avalisé par tous les hommes politiques français
au pouvoir depuis sa mise en place en 1941. Il faut dire qu'il présente
de nombreux avantages pour les politiciens, notamment celui de mettre la population sous la dépendance de l'État,
seul capable de financer les déficits des régimes, seul décideur du
montant des retraites versées (par fixation de la valeur du point de
retraite) et seul garant des retraites futures puisque seule la coercition
étatique oblige les jeunes à cotiser pour les moins jeunes (se révolter
contre l'État serait donc mettre en péril le versement des retraites
qui nous sont "dues").
L'État ne prend d'ailleurs aucun risque : il dirige les systèmes
de retraites du secteur privé (comme ceux du secteur public) mais ne
s'est jamais engagé à leur paiement (les organismes de retraite sont par
nature privés). La faillite de ces systèmes ne saurait en rien le
concerner et il trouvera toujours, le temps venu, le moyen de se
défausser de sa responsabilité sur le marché, la conjoncture, les délocalisations,
le dumping fiscal, etc., et venir comme le chevalier blanc "sauver les
retraites" (au prix de nouvelles ponctions et potions amères). Une
étude, au sujet de l'origine pétainiste de la retraite par répartition,
en France, a été, récemment, réalisée par Philippe Simonnot. Il fait
état, effectivement, de la Crise des retraites : le cadavre de Pétain bouge encore !
Erreurs courantes
"Le passage de la répartition à la capitalisation ne sert à
rien, parce que, de toute façon, il faut bien tirer des ressources
quelque part pour payer les retraites ; peu importe que ces prélèvements
soient effectués par un régime de répartition ou par un système de
capitalisation" : ceux qui font ce raisonnement oublient que l'épargne, à la différence de la redistribution, aboutit in fine à une création de richesses.
On ne prélève donc pas les retraites sur une quantité de ressources
identiques, mais sur une quantité de ressources qui s'accroît lorsqu'on
est dans un système de capitalisation ([1]).
Il suffit de comparer le revenu fourni par un régime de répartition
avec celui qu'offre la capitalisation, même avec un taux de rendement
modeste : la capitalisation rapporte davantage.
Une variante plus élaborée de cet argument est la suivante : la
retraite par capitalisation est indexée sur le revenu du capital,
tandis que la retraite par répartition l’est sur les salaires (sur
lesquels elle est prélevée) ; or, l’équilibre économique à long terme
exige que revenu du capital et revenu salarié progressent au même
rythme, celui de la croissance économique (« règle d'or» de l'économiste
britannique Nicholas Kaldor) ; le rendement des deux types de retraites doit donc être équivalent.
Or (en laissant de côté l’aspect éthique qui ne permet pas de mettre
sur le même plan prélèvement forcé et épargne volontaire) il n’y a pas
de raison pour que ces revenus progressent de la même façon, les
gestionnaires de fonds pouvant, par exemple, dans une économie
mondialisée, investir là où les perspectives de profit sont élevées
(économies émergentes à croissance rapide).
"Dans un système de capitalisation, les rendements sont
incertains, il y a des cracks boursiers, etc. ; il y a donc davantage de
risques" : rien n'est certain dans la vie (on peut aussi mourir
avant d'arriver à la retraite), mais ce qui est sûr est que les régimes
actuels de répartition sont en faillite et que le sort de tous les
futurs retraités est menacé si rien ne change. Le contre-exemple du
système privé de retraite chilien montre que le rendement du système
privé est supérieur à celui des régimes gérés par l’État, même à
proximité d'une crise, en l'occurrence en 2009. De plus, le système de
retraite par capitalisation chilien propose différents niveaux de
risque, permettant aux individus de se prémunir totalement contre le
risque boursier, s'ils le souhaitent[6]. D'après Jacques Garello,
du fait que les fonds de pension font des placements à long terme, la
certitude d'avoir 6 à 7 % de rendement annuel est acquise à 100 % au
bout de quarante ans de placement.
"On ne peut laisser les retraites subir les aléas du marché, la répartition est donc plus sûre" :
c'est oublier un autre risque (outre le risque démographique inhérent à
la répartition), qui est le risque politique (hyperinflation, faillite
de l'État, dette publique excessive), car rien ne garantit aujourd'hui
que l'État parviendra dans le futur à obliger les jeunes générations à
cotiser pour payer les retraites des moins jeunes (une des premières
mesures prises par les États en faillite, comme l'Argentine
en 2002, est de diminuer le montant des retraites). Le risque politique
existe également, dans une bien moindre mesure, pour la capitalisation
(cas où les avoirs sont majoritairement constitués de titres publics ;
confiscation des fonds de placement privés par un État en manque de
ressources).
"Il est normal que ceux qui exercent des travaux pénibles
ou dangereux aient le droit de partir à la retraite plus tôt que les
autres" : Si un emploi est pénible, les candidats seront rares et donc, pour attirer des candidats, le salaire
versé par l'employeur devra être plus élevé que pour un emploi non
pénible ; dans un marché libre, la pénibilité est donc déjà prise en
compte par un salaire plus élevé (sauf blocage autoritaire des salaires
par l'État), ce qui permet au travailleur d'épargner davantage pour sa
retraite et donc, de toucher une pension de retraite plus élevée et/ou
de partir plus tôt, selon son choix. Travail pénible ou non, tout le
monde devrait pouvoir partir en retraite quand il le veut (ce qui en
France est actuellement impossible).
"Partir tôt à la retraite permet de donner du travail aux jeunes" : vieille erreur malthusienne.
Les jeunes n’ont pas besoin qu’on leur libère une place : ils sont
capables d’occuper un poste nouvellement créé. Une main d'œuvre
supplémentaire ne signifie pas moins de travail pour les autres : elle
signifie des bras (ou des cerveaux) supplémentaires. Un départ précoce à
la retraite ne profite en rien à la société.
C) - Passer de la retraite par répartition à la retraite par
capitalisation
Maintenir le système de retraite par répartition tel qu'il est, veut dire :
Imposer des transferts forcés de plus en plus lourds sur les
générations futures, c'est-à-dire prendre le risque politique de voir ces générations
ne pas payer. Notre génération sera alors brutalement appauvrie au moment de sa
retraite.
Allonger la période de cotisation et ne plus payer les retraites à
taux plein pour la génération actuelle de futurs retraités, c'est rompre les promesses
et spolier notre génération. On prend le risque de voir la génération actuelle de
futurs retraités brandir "ses droits acquis".
Payer les retraites en monnaie de singe. L'inflation a toujours été
le moyen sournois privilégié par l'État pour ne pas payer ses dettes. Mais cela veut
dire quitter le marché unique et renoncer aux disciplines monétaires.
Ce que l'État propose en ce moment même à notre génération c'est de continuer à
payer les retraites des anciens et ne pas lui payer les retraites qu'elle était "en
droit" d'attendre compte tenu du poids des cotisations sociales qu'elle supporte !
Pourquoi faire perdurer un modèle qui coûte cher et qui est socialement risqué, alors
qu'il existe un système plus simple et plus sûr : le système par capitalisation ? C'est
tout le problème de la transition d'un système à l'autre…
Existe-t-il un moyen simple de réaliser cet exploit ? Oui.
Donnons d'abord le choix à notre génération de quitter l'ancien
système en lui restituant son salaire plein (celui correspondant à ce que paye
l'employeur) ; Ou d'y rester .
Puis laissons la nouvelle génération d'actifs, celle de nos enfants, passer à la
capitalisation.
Reste à payer les retraites du moment jusqu'en 2010. En 1991, d'après
le Livre blanc sur les retraites, notre génération a payé 705 milliards de francs aux
retraités du moment. Comment dégager, maintenant et jusqu'à 2010, 700 milliards de
francs chaque année pour libérer nos enfants du système par répartition et en même
temps assurer à notre génération une retraite supérieure à celle anticipée ? Il faut
constituer dans un temps très court un capital qui rapporte chaque année au moins ce
chiffre de 700 milliards de francs. Il faut générer un capital de 14 000 milliards de
francs en supposant un taux d'intérêt de 5% l'an. Il faudrait donc créer un fonds de
pension doté d'un capital de 14 000 milliards de francs. Soit près de deux fois le
produit intérieur brut annuel !
Pour le constituer plusieurs moyens existent :
Vendre le patrimoine de l'État. La valeur nette du patrimoine des
administrations publiques était de 2 000 milliards de francs en 1992. Ce patrimoine
comprend les bâtiments publics, les routes et matériels de bureaux. Mais on pourrait
vendre les autoroutes, les rues et monuments historiques, les œuvres d'art volées au
cours de l'histoire à des étrangers par nos armées ou volées aux collectionneurs
privés par l'État lui-même via les préemptions, les dations ou interdictions à
l'exportation. On pourrait aussi vendre les rivages et voies maritimes ou aériennes dont
la valeur nette n'est pas à l'heure actuelle estimée. En revanche, vendre la banque de
France rapporterait 210 milliards de francs, valeur nette de ses actifs. Les entreprises
publiques peuvent subir le même sort. On estime ainsi la valeur en bourse des
Télécommunications à 200 ou 300 milliards de francs. Ce vaste programme de
privatisation des services publics permettrait de constituer et démarrer un fonds de
pensions capitalisable.
Lever directement un capital par la vente d'une exemption au
contribuable : le droit de ne plus payer d'impôt sur le revenu jusqu'à son décès.
Quelqu'un qui est taxé chaque année de 30 000 F d'impôt sur le revenu et qui escompte
vivre 20 ans, paiera finalement la coquette somme de 600 000 F d'impôt au bout de vingt
ans. A un taux d'intérêt de 5% l'an, si l'individu ou une entreprise avait pu disposer
de cette somme et la placer sur le marché financier il aurait généré au bout de 20 ans
un revenu égal à 1 600 000 F. Le contribuable, individu ou entreprise, peut être prêt
à payer plus de 600 000 F le droit de disposer des 30 000 F qu'il paie à son inspecteur
des impôts pour les placer sur le marché financier. Il peut même emprunter cette somme
pour acheter le droit de ne plus être imposé. Tout le monde y gagne : l'État et le
contribuable. S'il y a 10 000 000 de contribuables prêts à acheter ce privilège pour
600 000 F, on lève ainsi 6 000 milliards de francs.
Payer pour avoir le droit de passer à la "capitalisation".
La génération à qui on permet de quitter le système de répartition pour assurer sa
propre retraite profite du passage à la capitalisation. Une façon de constituer ce fonds
de pension est alors d'exiger de ceux qui veulent le quitter d'acheter ce droit d'être
libre. C'est immoral, mais cela permet la transition. 20 millions d'actifs qui achètent
le droit une fois pour toute de passer à la capitalisation pour 100 000 F génère 20 000
milliards de francs !
En utilisant une combinaison quelconque de ces trois moyens, on lève
un fonds de pension extraordinaire. L'épargne ainsi dégagée permet d'investir et de
générer des revenus futurs exceptionnels et nos enfants seront beaucoup, beaucoup plus
riches que nous. En même temps les hommes politiques font l'économie d'une révolution
ce qui n'est pas négligeable pour ceux qui ont entamé une carrière dans ce métier peu
recommandable. Plus nous tardons à faire la transition, plus nous nous rapprochons d'une
révolution et d'une explosion sociale. Mais après tout pourquoi pas ? Une bonne
révolution de temps en temps c'est une façon simple de redistribuer les cartes…
par Bertrand Lemennicier
D) - Comment financer les retraites?
"Un événement important s’est produit le dimanche 15 juin : des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Paris contre l’attitude conservatrice des syndicats, contre les grèves et pour la réforme des retraites.Or, ce mouvement a été lancé simplement au moyen de messages sur internet, par une poignée de jeunes gens. Ils ont prouvé que beaucoup de Français avaient compris que leur régime de retraite était en péril, qu'ils voulaient sortir de l’immobilisme et de la terreur syndicale. C’est peut-être dans ce changement d’attitude et de mentalité de la jeune génération que réside la meilleure des raisons d’espérer." L’interventionnisme* étatique est fréquemment justifié sous le prétexte que seul l’Etat serait capable de prendre des décisions en tenant compte de leurs conséquences à long terme pour l’ensemble d’une société. Cet argument est en fait très étrange. En effet l’Etat, cette abstraction, est en réalité composé d’hommes et de femmes qui poursuivent leurs propres buts et recherchent leur propre intérêt. Or, pour eux, l’horizon naturel est celui de la prochaine élection et ils sont donc incités à donner des avantages immédiats aux citoyens, quelles qu’en soient les conséquences fâcheuses à long terme. Par contre un individu a intérêt à prévoir les conséquences de ses décisions pour sa vie entière et même celle de ses enfants. Cette différence de comportement est bien illustrée par le dossier des retraites, si crucial dans la plupart des pays européens. En effet, l’Etat a prétendu qu’il lui revenait de prendre en charge ou de définir les régimes de retraite. Mais ce qui devait se passer s’est effectivement passé : parce qu’il privilégie le court terme par rapport au long terme, l’Etat a mis en place des systèmes de retraite par répartition et non par capitalisation. Ce choix permet de donner des satisfactions immédiates aux électeurs en fournissant une retraite décente aux plus âgés, grâce aux cotisations prélevées de manière obligatoire sur les générations au travail, tout en promettant à ces dernières de faire de même avec les générations suivantes. Ceci était particulièrement facile à une époque où la pyramide des âges était telle que les générations au travail étaient importantes par rapport aux générations de retraités. Mais la pyramide s'est inversée partout en Europe, alors que, simultanément, les progrès médicaux allongaient la durée de la vie et que les jeunes, prolongeant leurs études, entraient plus tard sur le marché du travail. Pour toutes ces raisons, il est connu de tout le monde, depuis au moins vingt ans, que le système des retraites est condamné à la faillite à plus ou moins brève échéance. Mais l’Etat - pourtant généralement considéré comme seul capable de décider rationnellement en fonction du long terme - a préféré ignorer ce qui était évident : la réforme des retraites étant douloureuse, les gouvernants ont choisi de ne rien faire et de laisser le poids politique des décisions à prendre à leurs successeurs. Mais il arrive forcément un moment où la nécessité de la réforme s’impose absolument, comme cela est actuellement le cas en France. On peut alors essayer de rapiécer le système en augmentant la durée de cotisation et le taux des cotisations, ou en réduisant le montant des prestations. Mais au lieu de corriger le système de répartition, il vaudrait mieux le supprimer, tout simplement parce qu’il est fondamentalement mauvais. Il consiste en effet à promettre une retraite à ceux qui travaillent grâce aux prélèvement obligatoires qui seront imposés aux générations futures . C’est ce que les hommes de l’Etat appellent la “solidarité entre les générations”. Mais quelle est la valeur morale d’une promesse faite au nom de personnes qui sont trop jeunes pour s’exprimer ou qui ne sont même pas encore nées ? L’enfant qui vient au monde est ainsi immédiatement soumis à l’obligation de supporter une énorme dette et il n’a aucun moyen de récuser cet héritage. Dans un régime de capitalisation, au contraire, chacun est responsable car chacun sait que son sort à l’âge de la retraite dépendra de l’effort d’épargne qu’il aura réussi à réaliser tout au long de sa vie. Comme cela est généralement le cas, c’est parce que ce système est moralement fondé qu’il permet d’obtenir de bons résultats : dans un système de capitalisation, parce qu’ils subissent les conséquences de leurs actes, les individus sont incités à accumuler du capital, contrairement à un système de répartition où l’on subit les prélèvements et où l’on compte sur les autres pour assurer ses vieux jours. Le passage à la capitalisation, en augmentant le taux d’épargne, favorise donc la croissance Pour effectuer ce changement, la meilleure solution consiste à laisser aux citoyens la liberté de choix entre les deux systèmes, comme cela a été fait par le Chili dès 1981, avec tellement de succès que cet exemple a été suivi par beaucoup d’autres pays, en particulier en Amérique latine. En réalité, aucune raison ne permet de justifier que l’on enlève aux citoyens cette liberté de choix qu’ils auraient dû pouvoir garder depuis toujours. C’est à eux de décider du montant de leur épargne pour la retraite, mais aussi de l’âge de leur retraite (de même, d’ailleurs, que de la durée hebdomadaire ou annuelle de leur travail). mais c’est aussi à eux de décider sous quelle forme et/ou dans quels fonds de pension ils désirent placer leur épargne. Ceci s’impose d’ailleurs d’autant plus que nous nous trouvons dans une période d’ouverture des frontières, de telle sorte que l’existence de systèmes de retraite purement nationaux paraît particulièrement obsolète : ceux qui changent de pays doivent pouvoir placer leur épargne là où ils le désirent.
Les gouvernements hésitent certes à accepter un changement aussi radical car ils craignent les réactions des groupes organisés, par exemple les syndicats. En France, le gouvernement Raffarin a eu le courage de s’attaquer au problème et de ne pas céder devant les grèves à répétition. On peut seulement regretter que cette fermeté serve à “sauver le système de retraite par répartition” au lieu de le remplacer par un système de capitalisation. Mais un événement important s’est produit le dimanche 15 juin : des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Paris contre l’attitude conservatrice des syndicats, contre les grèves et pour la réforme des retraites.Or, ce mouvement a été lancé simplement au moyen de messages sur internet, par une poignée de jeunes gens. Ils ont prouvé que beaucoup de Français avaient compris que leur régime de retraite était en péril, qu'ils voulaient sortir de l’immobilisme et de la terreur syndicale. C’est peut-être dans ce changement d’attitude et de mentalité de la jeune génération que réside la meilleure des raisons d’espérer.
*article paru dans L'Agefi (Suisse), le 20 juin 2003
Par Pascal Salin
E) - Pourquoi la capitalisation ?
Le problème des retraites, et plus précisément celui du passage à
la capitalisation est un des problèmes majeurs de notre époque. Il est donc important
que nous prenions conscience du changement formidable qui est en train de se produire dans
le monde à ce sujet. Or, nous sommes en France terriblement en retard.
Nous sommes, en effet, les victimes des hommes politiques, car c'est le
processus politique qui a conduit à la situation sans issue des retraites à laquelle
nous sommes confrontés. Mais aujourd'hui les esclaves relèvent la tête ! C'est vrai,
c'est facile d'instaurer un système par répartition. On prend par la force à ceux qui
travaillent, on donne aux autres, et on semble être généreux. Il est également facile
de prolonger la survie de ce système par des modifications marginales. On peut augmenter
un petit peu les cotisations, changer un petit peu l'âge de la retraite, modifier
quelques règles complexes et on arrive ainsi à transmettre le système au gouvernement
suivant qui se lancera à son tour dans des bricolages à court terme. Mais nous ne sommes
plus maintenant à un moment où nous pouvons nous contenter de ces replâtrages. On vous
l'a déjà dit, il y a non seulement des changements démographiques très importants,
mais aussi des problèmes économiques fondamentaux.
Démographie et "collectivisation"
En ce qui concerne les problèmes démographiques, citons un seul
chiffre : le rapport des actifs aux retraités qui était, dans les années cinquante, de
l'ordre de deux à un passera à 1,4 en 2010. Ce n'est pas si lointain, et cela implique
une augmentation considérable de la charge qui pèsera sur les actifs dans un système de
répartition.
Il y a par ailleurs le problème économique, à savoir le blocage de
long terme de la croissance, explicable par le cercle vicieux de la collectivisation,
c'est-à-dire ce système dans lequel le sort des individus dépend de moins en moins de
leurs propres efforts de travail ou d'épargne, et dépend de plus en plus de ce qu'on
veut bien leur donner au titre d'allocations de retraite, d'allocation chômage, de
sécurité sociale, etc. On a ainsi détruit les incitations à produire, les incitations
à se développer. Nous sommes, de ce fait, dans un processus de déclin continuel. Il
faut en sortir, il faut briser ce cercle vicieux, et nous pouvons commencer par briser le
cercle vicieux des retraites, car il faut extraire des retraites de plus en plus
abondantes d'une économie qui produit de moins en moins, ou qui, tout au moins, stagne.
L'expérience montre que c'est possible, et le cas du Chili est, de ce point de vue,
particulièrement précieux.
Le vrai moteur de la croissance
Lorsqu'on passe d'un système de répartition à un système de
capitalisation, on stimule le seul véritable moteur de la croissance, à savoir
l'épargne. Les individus ont alors intérêt à épargner, c'est-à-dire à accumuler du
capital et à créer de la richesse. On ne compte plus sur la générosité obligatoire
des autres dans le futur pour subvenir à ses besoins lorsqu'on sera retraité. On compte
sur soi-même, et c'est en ce sens que cette révolution à venir - même si on ne la voit
pas encore en France, contrairement à d'autres pays - est une révolution morale. Elle
représente, en effet, le retour à la responsabilité individuelle, et j'ai été heureux
de voir avec quel enthousiasme vous avez tous réagi aux propos de José Piñera, parce
qu'il a su donner à son propos cette dimension morale dont nous avons tellement besoin et
qui manque tellement aux décisions politiques.
Bien sûr, toutes sortes d'objections sont habituellement soulevées au
sujet du passage à la capitalisation, et je ne veux évidemment pas prendre le temps d'en
faire la liste. Je me contenterai donc d'évoquer un argument fréquemment exprimé. On
dit, en effet, que le passage à la capitalisation ne sert à rien, parce que, de toute
façon, il faut bien tirer des ressources quelque part pour payer les retraites. Il
importerait alors peu que ces prélèvements soient effectués par un régime de
répartition ou par un système de capitalisation.
Ceux qui font ce raisonnement - que l'on trouve évidemment dans la
bouche des leaders syndicaux - oublient précisément une chose fondamentale, à savoir
que moins une société est collectivisée, plus on fait appel à la responsabilité
individuelle, plus on est incité à créer des richesses. On ne prélève donc pas les
retraites sur une quantité de ressources identiques, mais sur une quantité de ressources
qui s'accroît lorsqu'on est dans un système de capitalisation.
On évoque aussi, bien entendu, les incertitudes qui viennent du fait,
que dans un système de capitalisation, les rendements sont incertains, qu'il y a des
cracks boursiers, etc. Bien sûr, rien n'est certain dans la vie, mais nous avons pourtant
une certitude : le régime actuel a fait faillite et notre sort à tous est donc menacé.
Si le passage de la répartition à la capitalisation n'est pas plus
généralement réclamé, il faut s'interroger sur les raisons de ces réticences. Dans le
cas français, il y a deux types de raisons. Il y a d'abord le corporatisme. La France
est, en effet, un pays extrêmement corporatiste, ce qui se traduit par exemple dans le
fait que les systèmes de retraite - comme les systèmes d'assurance maladie sont des
systèmes dits de cogestion, dont les syndicats patronaux et les syndicats de salariés
sont les gérants. Ils ne veulent pas perdre leur pouvoir, et comme par ailleurs le monde
politique a peur de la puissance syndicale, a peur des grèves dures à répétition, il
préfère " s'écraser " et accepter que la démocratie cède sous la force
brutale.
La foi et la peur
L'ancien premier ministre tchèque Vaclav Klaus a déclaré un jour:
" Si les régimes communistes se sont effondrés, c'est parce qu'ils ont perdu leurs
deux piliers: la foi et la peur. " Il avait certainement raison: le communisme a
longtemps survécu parce qu'on avait foi en lui, mais aussi parce qu'on avait peur du
pouvoir. Quand ces deux piliers se sont effondrés, le retour à la liberté est devenu
possible. Nous sommes dans une situation semblable, à savoir une situation où ceux qui
décident pour nous ont la foi dans des fausses solutions et la peur à l'égard de ceux
qui exercent la force pour maintenir de manière conservatrice des systèmes qui pourtant
ont fait faillite.
La peur, je l'ai déjà évoquée. La foi, pour sa part, est bien
souvent en France l'attachement aux solutions erronées. Les erreurs intellectuelles y
sont fréquentes, par exemple l'idée qu'il y a un nombre d'emplois limité dans
l'économie, de telle sorte qu'il faudrait partager ces emplois. Il en résulte la fameuse
loi des 35 heures, mais aussi tous ces systèmes de préretraites consistant à inciter
les gens à ne plus travailler. On diminue donc l'âge de la retraite, alors qu'il
faudrait l'augmenter ou tout au moins laisser la liberté à chacun de décider de l'âge
de sa retraite. Pourquoi ne peut-on pas admettre à notre époque que les êtres humains
sont assez "grands " pour décider par eux-mêmes de ce qui est préférable
pour eux et donc pour les laisser librement négocier avec leur employeur s'ils veulent
prendre leur retraite à 55, 60, 65, 70, 80, ou à 90 ans. Cette liberté de décision
constitue une liberté fondamentale à laquelle tout le monde devrait avoir droit et que
chacun doit revendiquer. Un certain nombre de gens seraient certainement heureux de
pouvoir prolonger leur vie active, s'ils pouvaient en retirer un bénéfice. C'est un
aspect du problème qui a été remarquablement bien souligné tout à l'heure par José
Piñera.
Réhabilitation de l'épargne
Une autre erreur intellectuelle grave - qui permet de justifier le
maintien du système de la répartition - est l'idée selon laquelle, pour " relancer
l'économie " (cette économie qui stagne depuis plus de vingt ans précisément à
cause de la collectivisation que je dénonçais tout à l'heure) il faudrait diminuer
l'épargne et augmenter la consommation. L'épargne est ainsi conçue comme une "
fuite du système économique " à laquelle correspondrait une diminution de la
demande globale et donc de la production. Or, la thèse habituelle de la relance par la
consommation constitue une erreur intellectuelle majeure: l'épargne, en effet, ne
disparaît pas du circuit économique, bien au contraire elle est investie, elle permet la
croissance future. Par conséquent la seule relance valable est la relance par l'épargne.
Nous avons d'ailleurs de ce point de vue des exemples frappants, en particulier, bien
sûr, celui du Chili. Vous pouvez regarder à travers le monde, là où la croissance est
élevée, c'est évidemment parce qu'il y a des gens qui épargnent et qui investissent.
Et c'est pourquoi le passage à la capitalisation a transformé le visage du Chili.
Cela me paraît quelque peu ironique que nous devions maintenant, nous
" pays des Lumières ", si fier de l'intelligence supposée de ses élites,
recevoir des leçons de ces lointains pays d'Amérique latine souvent considérés comme
sous développés. Mais les vraies solutions viennent de là-bas et il faut avoir
conscience du fait que l'imagination est souvent au pouvoir en Amérique latine et ne
l'est plus dans la vieille Europe. Cette situation est également ironique parce qu'on a
brocardé le Chili pendant longtemps pour des raisons que nous connaissons bien, à savoir
que les Chiliens avaient un dictateur non élu, alors que nous, nous avons des dictateurs
élus, ce qui est une grande différence...
Les fonds de pension à la française
Mais un étonnant hasard historique a fait que, de manière souterraine
et bien rarement perçue, il y avait en fait une transformation formidable des
institutions et des modes de fonctionnement de l'économie. Un homme comme José Piñera,
parce qu'il avait la clairvoyance, mais aussi le courage, et aussi peut-être un peu de
chance, a transformé son pays. Maintenant l'exemple du Chili fait tache d'huile. Huit
pays en Amérique latine ont adopté des systèmes de retraites par capitalisation et
José Piñera passe son temps à parcourir le monde pour expliquer les raisons de cette
transformation et les raisons pour lesquelles un tel changement doit être réalisé.
En France, un timide pas a été fait l'an dernier vers la
capitalisation et je dois rendre hommage pour cela à Jean-Pierre Thomas. La loi Thomas
sur les fonds de pension est en effet un début d'application de la capitalisation. Mais
qu'il me permette cependant de critiquer cette loi, non pas du fait de ses propres
conceptions, mais à cause des obstacles significatifs qu'il a rencontrés et qui ont
finalement considérablement réduit la portée et l'intérêt de la loi. Caractéristique
également est le fait qu'au cours de la campagne électorale de 1997, les socialistes
avaient affirmé qu'ils allaient supprimer les fonds de pension, c'est-à-dire la seule
mesure d'ordre économique satisfaisante prise par le précédent gouvernement. Et même
si la loi Thomas survit, totalement ou partiellement, ces faits apportent la preuve d'une
méfiance ou d'une hostilité généralisées à l'égard de la retraite par
capitalisation.
Si les fonds de pension à la française peuvent être critiqués,
c'est pour toute une série de raisons qu'il serait trop long d'explorer en détail. Il y
a d'abord le fait qu'il s'agit d'un système complémentaire et pas d'un système de
remplacement de la retraite par répartition. C'est une différence essentielle avec le
système chilien où l'on a donné le choix aux individus de quitter la répartition
définitivement pour aller à la capitalisation. C'est aussi un système de portée très
limité et il était d'ailleurs censé apporter seulement vingt à trente milliards. En
effet, il était bordé par toute une série de dispositions complexes, avec des
exemptions ou des plafonds précisément conçus de manière à limiter le développement
du système, car la grande obsession du corps politique c'est de ne pas déplaire aux
syndicats et de ne pas porter atteinte à leur chère retraite par répartition.
C'est aussi une réforme typiquement française, parce que, au lieu de
laisser tout simplement les salariés décider eux-mêmes et individuellement du montant
des ressources qu'ils souhaiteraient capitaliser à partir des sommes qui leur sont
versées, on a conçu un système mixte où les fonds de pension ne pouvaient voir le jour
qu'au sein de l'entreprise, après négociation avec les syndicats, ce qui limite
évidemment la possibilité pour les salariés de passer d'un fond de pension a un autre.
La solution chilienne, pour sa part, avait consisté à rendre le
pouvoir aux individus, en leur disant : "c'est votre argent qui est en cause, c'est
à vous de le gérer, vous êtes des êtres responsables, et par conséquent vous n'avez
pas à négocier avec un chef d'entreprise ou un syndicat de l'utilisation de votre
argent". Mais, bien évidemment, cette conception des choses est mal vue en France.
Ainsi, dans la discussion qui a eu lieu au Sénat à propos des fonds de pension, un
ministre de l'époque, M. Lamassoure, a déclaré qu'il fallait empêcher que les
individus puissent librement adhérer à un fonds de pension, parce que - figurez-vous -
les institutions financières risquaient de démarcher leurs clients! C'est effectivement
l'horreur absolue en France, alors que justement le démarchage est ce qui permet
d'apporter aux clients un produit satisfaisant.
Un passage obligé: la transition
Je n'en dirai pas plus sur les fonds de pension français. Ils
constituent une timide avancée, mais c'est tout de même une avancée. Je voudrais pour
terminer évoquer le problème de la transition parce qu'il est vrai que ce problème
existe et nous ne devons donc pas être irréalistes en cherchant à le nier. Ce problème
existe pour une raison bien simple, c'est qu'on ne peut pas revenir sur le passé. Comme
le dit mon ami François Guillaumat, lorsqu'un camion écrase une vieille dame, il ne peut
pas la " désécraser " en reculant. Le passé est le passé et lorsqu'on a fait
des erreurs il faut en supporter le poids. Nous pouvons malheureusement trouver beaucoup
d'exemples de cette proposition évidente selon laquelle il y a toujours des coûts de
transition. Ainsi, quand la démagogie conduit un gouvernement à faire une politique de
contrôle des loyers pour plaire aux locataires, parce qu'ils sont électoralement plus
nombreux que les propriétaires, qu'en résulte-t-il ? Une pénurie de logements. Un
institut de recherche américain montrait il y a quelques années dans une de ses
publications la photo d'une ville dévastée. On avait l'impression qu'une bombe était
tombée dessus, mais il s'agissait plus simplement d'une ville où il y avait un contrôle
des loyers. Le contrôle étatique fait souvent plus de destruction qu'une guerre.
Lorsqu'il y a un contrôle des loyers il y a pénurie, et lorsqu'on le supprime
ultérieurement, les loyers montent parce qu'il y a une offre insuffisante. Mais, au bout
d'un certain temps, on recueillera les fruits de la transition sous forme de loyers moins
élevés et de locaux plus abondants.
Il en va de même pour les pensions: il y a un coût de transition. Le
problème est de savoir si nous voulons accepter ce coût de transition, assimilable à un
investissement capable de transformer un système mauvais en un bon système et d'en
apporter les fruits à toutes les générations à venir, ou si nous préférons conserver
un système qui doit faire faillite de toutes façons, et donc être amenés à le changer
plus tard dans des conditions encore plus hasardeuses. Il faut supporter ce coût et le
faire le plus rapidement possible.
Mais il ne faut pas oublier non plus que ce coût diminue rapidement
pour les raisons que nous avons déjà vues, àsavoir que l'impulsion donnée à
l'activité économique par le supplément d'épargne dû aux fonds de pension allège le
poids relatif du financement qu'il représente. Si nous avons une croissance à peu près
nulle ou faible, comme la croissance française, et que l'on doit payer pour la
transition, c'est plus difficile que si l'on a un taux de croissance de 7 %~ comme au
Chili, où cette croissance forte est en grande partie due précisément au passage à la
capitalisation. Ainsi, au bout d'un petit nombre d'années, la transition est effectuée.
La transition pose un autre problème important, à savoir qu'il y a
des intérêts divergents parmi les citoyens. Ceux qui sont près de la retraite ont
évidemment intérêt à maintenir le système par répartition, parce qu'ils n'auraient
pas le temps d'accumuler beaucoup dans un système de capitalisation. En revanche, ceux
qui sont loin de la retraite ont intérêt à passer au système par capitalisation, mais
ils sont peut-être réticents pour payer les sommes nécessaires pour réussir la
transition.
Il me semble qu'il faudrait accepter l'idée que ceux qui sont proches
de la retraite courent un risque important, le risque que leur pension ne leur soit pas
payée au taux qu'ils attendent dans le système actuel. Par conséquent, en acceptant
pendant quelques années de payer le coût de la transition, ils font comme s'ils
achetaient une assurance contre le risque. Quant aux plus jeunes, il me semble que le
discours qu'il convient de tenir consiste à leur dire qu'ils doivent acheter un ticket
d'entrée dans le système de capitalisation. Ils ont tout intérêt à passer à la
capitalisation, mais nous ne sommes pas dans un monde idéal et nous devons tenir compte
du passé. Ils doivent donc accepter pendant cinq ou six ans de financer la transition.
Le cas des médecins
Je voudrais enfin évoquer un point précis qui intéresse plus
directement un certain nombre de ceux qui sont ici. Je salue l'effort fait par le Dr
Maudrux pour essayer de faire passer à la capitalisation une catégorie spécifique de
cotisants, à savoir celle des médecins, mais c'est une tâche particulièrement
difficile. Je connais peu d'exemples d'une catégorie qui soit passée ainsi à la
capitalisation, en dehors probablement des exemples historiques qui ont été cités par
Georges Lane et du cas des fonctionnaires et des députés français qui ont depuis
longtemps leur système de capitalisation, mais ces cas restent relativement rares.
Il n'en reste pas moins que le passage à la capitalisation est
justifié, tout simplement parce que le système des retraites des médecins est menacé
et qu'il convient de sauver ce qui peut l'être. Mais c'est plus difficile à réaliser
qu'un changement général, parce que l'effet global que j'ai évoqué, à savoir la
relance de l'économie du fait d'une plus grande épargne, ne peut être ici que marginal.
Il faut alors être bien conscient de cette difficulté supplémentaire. Ceci implique
peut-être que le travail de pionnier actuellement effectué pour les médecins soit
éventuellement relayé par d'autres.
Or, nous avons des exemples de telles situations. Quand un système est
prêt à faire faillite, il n'est pas si difficile de trouver des alliés pour le pousser
vraiment à la faillite. Ainsi, les premiers qui se sont exprimés sur les ondes en
écornant le monopole public de la radio par la création de radios libres ont pris
quelques risques, ils ont même parfois été lourdement sanctionnés par le pouvoir...
Mais en quelques mois ou quelques années tout le monopole s'est effondré et le système
de la liberté - même si elle reste une liberté encadrée - a pu s'imposer. Nous pouvons
donc espérer qu'une brèche est faite maintenant dans le domaine des retraites et que
l'exemple donné par une catégorie particulière pourra s'étendre rapidement.
Comment éviter le naufrage
J'ajouterai enfin que nous ne pouvons pas agir en ignorant
l'environnement politique, particulièrement hostile, que j'ai évoqué. Le succès du
passage à la capitalisation serait mieux assuré si les sommes capitalisées n'étaient
pas taxées à l'entrée. C'est le cas chilien et cela est logique. Les revenus futurs de
l'épargne seront en effet taxés. Or, lorsque l'on sait que les taux de taxation si l'on
tient compte des cotisations sociales et de tous les impôts - sont de l'ordre de 50 à 80
%, il est évident que l'incitation à entrer dans un système de capitalisation est
considérablement réduite par l'existence d'une telle spoliation fiscale. C'est un
élément qu'il ne nous appartient malheureusement pas aux uns et aux autres de décider.
Mais il nous appartient peut-être d'essayer de faire comprendre que, contrairement au
leitmotiv qui nous est assené chaque jour, l'épargne est surtaxée en France d'une
manière absolument scandaleuse et que l'épargne est la clé de l'avenir. Si nous
n'arrivons pas à le faire comprendre, il y a fort à parier que nous serons, notre pays
et nous tous par conséquent, définitivement sur la voie du déclin.
Capitalisation ou répartition, c'est à vous de préparer votre
avenir en toute connaissance de cause. L'objet de ce site est
d'alimenter votre réflexion sur la retraite, en vous expliquant comment
la préparer au mieux.
G) -
La solidarité entre les générations a-t-elle un avenir?
L'État Providence n'est pas le propre de la société industrialisée, ni
de notre siècle. Les sociétés anciennes ont connu des périodes de
solidarité forcée. Les premières lois sur l'aide aux pauvres - dite
taxe des pauvres- datent du règne des Tudor en Angleterre. Henri VIII,
Edouard VI et Elisabeth avec le statut du 19 décembre 1601, ont
développé sur une grande échelle des secours aux pauvres.
Les actions de redistributions de nos états contemporains ne sont pas
de cette nature. Il ne s'agit pas d'un système de redistribution des
riches vers les pauvres, mais d'un système de redistribution entre
générations. Les actifs redistribuent leurs revenus aux retraités. La
solidarité forcée, dans notre société contemporaine, résulte du pouvoir
qu'ont les anciens de vivre aux dépens du revenu des actifs ou du
contribuable au travers d'un système de pension de retraite par
répartition. Cette mutation s'opère dans les années 45 .
En 1991, 700 milliards de francs ou 106,7 milliards d'euros ont été
transférés des actifs vers les retraités, en 2003 c'est la somme de 177
milliards d'euros soit 12,6% du PIB qui ont été transférés, en 2010 ce
chiffre passera à 213 milliards d'euros. En 20 ans le chiffre aura
doublé ! Pour vous donner une idée du chiffre sachez que l'ensemble des
recettes fiscales d'aujourd'hui-en 2003- font seulement 250 milliards
d'euros. 177 milliards est un chiffre supérieur au prélèvement de la TVA
et de l'impôt sur le revenu! Les Français qui seront actifs en l'an
2010 -dans 15 ans- devront nous transférer à nous les futurs retraités
le double de ce que nous redistribuons, contraints et forcés, à nos
anciens.
La génération née aux alentours de 1890-1900 a atteint l'âge de la
retraite dans les années 1955-65. Elle est arrivée au pouvoir dans les
années 45- 55. Elle a bénéficié du système de pension de retraite par
répartition. En effet, au temps où elle était active elle n'a pas
cotisé à un système général qui n'existait pas. La seconde génération
qui a payé les pensions de retraite de cette première génération est née
entre 1915 et 1925. Active entre les années 1950 et 1970-1980, elle
cotise au système. Cette seconde génération a pris sa retraite dans les
années 1980. Notre génération, la troisième, née après 1945, active en
ce moment, paie la retraite de cette deuxième génération. La fécondité
de cette deuxième génération qui a donné naissance au Baby-Boom d'après
guerre aurait pu rendre supportable le transfert. Mais notre génération,
beaucoup plus riche que les anciennes, prend plus de loisirs, voyage,
change d'épouse, a moins d'enfants et prend sa retraite tôt. Un tel mode
de vie implique déjà un transfert sur ses propres actifs . Conséquence
de ce mode de vie, les enfants nés dans les années 1975 constitue
désormais une génération creuse. Or cette quatrième génération devra
payer nos retraites. Pourra-t-elle et désirera-t-elle le faire? La
solidarité forcée entre les générations a-t-elle réellement un avenir?
Les livres blanc sur les retraites, demandés par les gouvernements
successifs après le premier de M.Rocard, insistent sur ce phénomène
démographique. Un tel contrat implicite entre les générations n'a
vraisemblablement pas d'avenir. Quelles obligations, quels liens
existent-ils entre les jeunes cotisants d'aujourd'hui et de demain
vis-à-vis de la sociale-démocratie de leurs prédécesseurs ? A quelles
bases morales se rattache un tel contrat liant les générations entre
elles puisqu'il repose sur un transfert forcé et donc non consenti?
Cette question sera au coeur de tous les débats à venir. En effet, les
générations futures refuseront de coopérer à un système dont elles ne
verront pas les fruits.
Ainsi le livre blanc de Michel Rocard Les effets pervers du système de retraite par répartition.
Pourquoi en sommes nous arrivés là ? Le système de pension de retraite
par répartition contient en lui-même les mécanismes de son auto
destruction. En absence d'intervention de l'Etat, les retraites se
financent de deux manières différentes :
1) par des transferts intergénérationnels au sein de la famille ou d'un groupe professionnel, c'est-à-dire en autarcie,
2) par une épargne privée capitalisée sur un marché financier. Chaque
famille épargne une fraction de ses revenus présents en prévision d'une
baisse des revenus futurs.
Dans un système de retraite par répartition, il en va tout autrement.
L'État assure à chacun, une fois l'âge de la retraite venue, un revenu
indépendant de ses efforts. Ce revenu prélevé directement par un impôt
(que l'on appelle pudiquement une cotisation sociale) sur la
génération des actifs est redistribué aux retraités du moment.
Comme les individus savent qu'une retraite leur est assurée, ils
s'attendent à une hausse du revenu futur sans à avoir à sacrifier leur
consommation présente. Avec des revenus futurs plus élevés, les
individus ont moins besoin d'épargner. L'épargne individuelle diminue.
Comme le système par répartition ne capitalise pas les sommes
prélevées par l'impôt sur cette génération active, mais les versent
directement aux retraités d'aujourd'hui, la baisse de l'épargne privée
n'est pas compensée par une épargne publique. L'offre totale de fonds
prêtables diminue entraînant un montant d'épargne privée plus faible
par rapport à ce que l'on aurait observé en absence d'un système de
retraite par répartition. Les possibilités d'investissement et donc de
croissance du revenu futur en sont réduites d'autant.
Mais les effets pervers ne s'arrêtent pas là. Si les parents
s'attendent à un revenu certain pendant les années de retraite, ils sont
moins incités à avoir des enfants pour assurer leurs vieux jours. Un
enfant supplémentaire coûte cher à élever et comme la retraite est payée
par les enfants des autres, chaque famille compte sur les autres pour
avoir le nombre d'enfants suffisant pour payer sa retraite. Chaque
famille fait "cavalier seul" et la génération suivante est moins
nombreuse. Le système de pension de retraite par répartition affecte
la fécondité à la baisse. La fécondité diminue.
Assurer un revenu futur indépendamment de ses propres efforts, incite
les gens à ne pas travailler. Dans une perspective d'arbitrage entre
loisir et consommation tout au long du cycle de vie, une hausse du
revenu futur pousse les gens à consommer davantage de loisirs présent et
futur. Les gens rentrent le plus tard possible sur le marché du
travail et en sortent le plus vite possible! L'âge auquel les individus désirent prendre leur retraite est avancé.
Cet effet pervers allonge la durée de paiement des retraites et
raccourcit celle des cotisations! Le poids des transferts s'alourdit sur
la génération d'actifs. Le système de pension de retraite par répartition
est un système de redistribution entre deux générations : la
première génération qui bénéficie du système et la dernière
génération qui ne se renouvelle pas.
Dans un système de retraite par répartition, l'Etat ( ou les assurances
sociales) prélève un impôt sur les actifs pour financer la retraite des
vieux et opère une redistribution des revenus entre les générations.
Une seule génération bénéficie de cette redistribution: la première
génération de retraités. La première génération de retraités a été jeune
et active, elle n'a pas été taxée à ce moment là puisque le système de
pension de retraite par répartition (généralisé) n'existait pas. Elle
n'a pas eu à se priver de consommation pour assurer ses vieux jours. Une
fois à la retraite, elle consomme grâce aux sacrifices non consentis
des actifs de la génération suivante puisque les retraités vivent sur
leurs cotisations sociales. Mais toutes les générations qui suivent
auront d'une manière ou d'une autre sacrifier leur consommation présente
pour payer (par un impôt) la retraite des anciens avant de bénéficier
de leur retraite en taxant les générations suivantes.
La première génération qui aurait dû consommer son revenu courant se
retrouve avec un revenu futur supérieur et améliore son bien être d'une
façon définitive. On suppose que l'impôt perçu sur les jeunes
générations correspond à l'épargne excédentaire qui aurait été désirée
par les individus de cette première génération pour stabiliser leur
consommation d'une période sur l'autre. Ils se retrouvent donc dans une
situation meilleure que celle qu'ils auraient eue en absence d'une telle
répartition forcée puisqu'ils font supporter aux générations suivantes
le sacrifice qu'ils auraient du supporter eux-mêmes. Mais pourquoi les
générations suivantes acceptent-elles le transfert involontaire opéré
par la première génération? Parce que chaque génération croît avoir le
pouvoir de taxer la suivante en usant de la contrainte publique!
Imaginez qu'il existe une génération qui ne se reproduise pas! La
dernière génération va payer les cotisations sociales, mais une fois
inactive, elle ne touche pas le revenu correspondant. Cette génération
se retrouve donc avec un bien être inférieur à celui qu'elle aurait eu,
si elle avait consommer ses revenus courants. La hausse du bien être de
la première génération a pour contrepartie la baisse de bien être de la
dernière génération!
Un système par répartition augmente le bien être de certains au
détriment d'autres, ceux qui sont nés mais qui ne sont pas remplacés!
C'est en cela qu'il s'agit d'un système de redistribution. Un tel
système de pension de retraite repose sur une hypothèse fausse : le
remplacement à l'identique des générations pour l'éternité. Cette
hypothèse fausse en pratique, puisque le taux de fécondité varie de
génération en génération, est aussi fausse en théorie. Avoir des
enfants n'est pas une décision involontaire. Elle n'est pas sans coût.
Une génération n'est pas remplacée spontanément par des cigognes comme
le supposait implicitement le prix Nobel Samuelson à qui l'on doit ce
modèle erroné de génération imbriquée. Le taux de fécondité varie avec
le revenu. Plus la richesse s'élève, moins les familles ont d'enfants.
Une hausse du revenu présent et futur diminue le nombre d'enfants par
famille.
La première génération est peut-être bénéficiaire, mais il n'en est plus
de même des générations suivantes. Celles-ci paient un impôt pour
financer la retraite des inactifs et un impôt pour financer la fécondité
des générations suivantes. Son bien être est inférieur à celui qu'elle
aurait obtenu en absence d'un tel système. La solution traditionnelle
consiste à régler ce problème à l'intérieur de la famille par des
transferts intergénérationnels. Chaque famille élève le nombre d'enfants
qu'elle désire pour assurer ces vieux jours. Les enfants sont tenus
moralement, une fois actif, de redistribuer une fraction de leur revenu à
leurs parents pour leur assurer un niveau de vie identique ou à peu
près stable entre la période d'activité et d'inactivité. Ces transferts
intergénérationnels se font en autarcie à un taux d'échange
correspondant à l'altruisme des uns et des autres. C'est ce qui se passe
en absence d'un marché financier. Le système de pension de retraite par répartition est un système inefficace
L'existence d'un marché financier bouleverse totalement cette
redistribution intergénérationnelle. Il n'y a plus besoin de faire appel
à la solidarité familiale ou à celle forcée de l'Etat. Il suffit de
capitaliser une fraction de son revenu durant la période d'activité.
Comparons la rentabilité du système de retraite par répartition à celui
par capitalisation.
Prenons d'abord le système de retraite par répartition. Si les
prélèvements obligatoires étaient capitalisés dans des fonds de pension
de retraite, une épargne forcée se substituerait à l'épargne privée.
Cette substitution ne serait pas sans conséquence, puisque l'usage de
l'épargne ainsi collectée n'est plus mise dans les mêmes mains. Toutes
les critiques formulées à propos du coût d'opportunité d'un transfert
forcé sont valables. Mais il ne s'agit pas d'une épargne forcée. Il
s'agit d'un impôt. Le revenu présent est diminué de ces prélèvements
obligatoires et ne sont pas capitalisés. Ils vont directement dans la
poche des retraités du moment. Si la génération se reproduit à
l'identique, les prix et les salaires sont identiques et le transfert
sans coût d'opportunité (en particulier sans coût de transaction), la
consommation future correspond exactement aux prélèvements obligatoires
Maintenant si le salaire croît d'une génération à l'autre, ou si la
génération qui suit est une génération nombreuse le sacrifice forcé peut
être rentable pour la génération qui va opérer le transfert sur la
génération suivante.
Posons le montant de la pension égale à S(1+g)(1+n) où g mesure le taux
de croissance des taux de salaires d'une génération à l'autre et n le
taux de croissance du nombre d'actifs..
Si le salarié avait dû épargner, dans sa période d'activité, un capital
qui produit un revenu égal ou supérieur, il aurait dû faire un effort
d'épargne chaque année pendant sa vie active pour se constituer ce
capital. Son revenu futur avec un régime de retraite par
capitalisation aurait été de S(1+r) où r est le taux d'intéret réel
monétaire..
Pour la même somme prélevée sur le revenu d'activité, en termes réels, S
, et pour un temps de travail identique, tout dépend de l'évolution
des taux d'intérêt nominaux, du taux d'inflation ( c'est-à-dire du taux
d'intéret réel monétaire) et de la croissance des salaires ou du revenu
comme du taux de croissance des actifs.
Le revenu futur attendu avec un régime par répartition pour 1 franc de
cotisation est de (1+g)(1+n) . Le revenu futur obtenu avec un régime de
retraite par capitalisation est de (1+r) .
Si le taux d'intérêt réel r excède la somme des taux de croissance de
l'emploi et du revenu, g+n+ n.g alors le salarié ne bénéficie pas d'un
système de retraite par répartition. Son avantage est au contraire
d'adopter un système de retraite par capitalisation.
Logiquement, si le système par répartition était consenti en
s'inscrivant dans le cadre de transferts intra-familiaux, si l'Etat ne
manipulait pas sur les marchés financiers les taux d'inflation, ni les
taux d'intérêt, et si le passage d'un système à l'autre était sans coût
de transaction, les individus devraient être indifférents entre les deux
systèmes. Choisir l'un ou l'autre constitue un arbitrage entre
l'autarcie et le marché. Laissez libre de leur choix certains individus
adopteraient la capitalisation sur les marchés financiers, d'autres
adopteraient le système de répartition intra-familial ou des formules de
mutualités inspirées de la solidarité professionnelle. En effet, en
adoptant la capitalisation toutes choses égales d'ailleurs, l'offre
d'épargne augmente et les taux d'intérêt réel baissent jusqu'à ce que le
revenu réel que l'on pourrait tirer d'enfants supplémentaires
deviennent juste égal à la rentabilité du marché financier.
Malheureusement le système par répartition contemporain ne s'inscrit pas
dans un cadre intra-familial et il n'est pas consenti.
Revenons à notre génération et à quelques faits stylisés. Le taux de
croissance des personnes actives en France, n, est proche de 1,25, le
taux de croissance du revenu oscille actuellement entre 1% et 3% l'an.
Le taux d'intérêt réel monétaire est entre 4 et 5%. En revanche, dans
les années 1980-84, cette différence était plus marquée. Le taux
d'intérêt monétaire a atteint le chiffre record de 17% et le taux de
croissance du revenu réel était proche de zéro. De la période 1967 à
1990 par exemple le rendement des actions étaient 9,4% alors que celui
du revenu réel était de 4%. En revanche, de 1945 à 1975 le système par
répartition a largement fonctionné aux bénéfices des retraités de
l'époque. En effet la croissance du revenu réel était de 5 % l'an en
moyenne, alors que le taux d'intérêt réel monétaire consécutivement à
l'inflation était proche de zéro ou négatif. On peut rappeler
incidemment que l'Etat a détruit le système de retraite par
capitalisation après la première guerre mondiale. Un tel système s'était
instauré spontanément au dix-neuvième siècle via les placements
financiers privés ou publics (les fameux emprunts russes) et les
investissements immobiliers parallèlement aux mutuelles et aux
transferts intra-familiaux. L'État après la première guerre mondiale
pratiqua l'inflation pour ne pas à avoir à payer les dettes de guerre et
bloqua les loyers pour préserver la veuve et l'orphelin. Cette
politique a spolié la génération des retraités qui avaient accumulé
avant guerre une épargne en prévision de leurs vieux jours! L'échec de
la capitalisation n'est pas celui du marché, mais le refus par l'Etat de
respecter les disciplines monétaires. C'est-à-dire le refus par la
génération qui va instaurer le système de retraite par répartition de
payer les dettes de guerre! Cette génération d'actifs détruit la
retraite de leurs aînés du secteur privé et se finance sa retraite en
taxant les générations suivantes sans leur consentement puisqu'elles ne
sont pas encore nées.
Offrir un revenu futur à une génération indépendamment de ses efforts a
un impact direct sur l'épargne. En effet, toutes choses égales
d'ailleurs, cela permet de ne pas sacrifier ses revenus présents (mais
ceux des générations futures) pour atteindre le profil optimal de
consommation que l'on désire tout au long de son cycle de vie. Il y a
donc un moindre besoin d'épargner. Une hausse du revenu futur, nous
l'avons vu plus haut, entraîne une baisse de l'épargne. Cette baisse de
l'épargne n'est pas sans conséquence sur l'investissement ou
l'accumulation de capital et donc sur la croissance d'une économie.
La première génération qui bénéficie du système de retraite par
répartition accroît sa consommation du montant du franc transféré
puisque les retraités consomment la totalité de leur revenu. Quand ils
sont actifs, anticipant cette hausse du revenu futur, ils réduisent
leur épargne en conséquence n'ayant pas à sacrifier leur consommation
présente pour obtenir ce revenu futur supplémentaire. Les actifs des
générations suivantes sur qui sont prélevés les retraites voient leur
revenu présent diminuer du franc transféré et leur revenu futur
augmenter de (1+g)(1+n). S'ils avaient pu capitaliser ce revenu
transféré ils auraient sacrifié ce montant pour en tirer un revenu de
(1+r) une fois retraité et aurait maintenu leur niveau de consommation
d'une période sur l'autre au niveau qu'ils désiraient. Or, ils reçoivent
(1+g)(1+n), si (1+ r ) > (1+g)(1+n) leur richesse est inférieure à
celle qu'ils auraient dans le système alternatif. La baisse permanente
de leur revenu actualisé (r-(n+g))/(1+r), diminue leur consommation
d'une manière permanente. Mais comme ils sont actifs, ils n'épargnent
pas la totalité du franc transféré. De telle sorte que la baisse de
l'épargne des anciens n'est pas compensée par une hausse de l'épargne
des actifs suite à la baisse de leur revenu. Cette baisse de l'épargne
entraîne donc une moindre accumulation de capital. Le système de pension de retraite par répartition est inéquitable
Non seulement le système de retraite par répartition semble inefficace,
mais il est sans doute injuste. Il redistribue les revenus des pauvres
vers les riches. Un homme qui commence à travailler à 25 ans et
s'arrête 40 ans après, finance la retraite des inactifs seulement
pendant 40 ans. Un individu qui commence à travailler à 15 ans et
s'arrête à 65 ans finance la retraite des autres pendant dix années
supplémentaires! Celui qui prolonge ses études travaillera moins et
gagnera plus d'argent, paradoxalement il contribuera moins aux pensions
de retraite en termes d'années de cotisation. L'espérance de vie d'un
riche ou d'un étudiant (ou d'une femme) est plus longue que celle d'un
pauvre ou d'un ouvrier (ou d'un homme). Ce dernier contribue plus et
bénéficie moins. Alors que le, cadre contribue peu et bénéficie plus
longtemps de ce système! La redistribution s'opère aussi entre
fonctionnaire et non-fonctionnaire. La variété des régimes de retraite
fait que le régime le plus avantageux est celui des fonctionnaires.
Les fonctionnaires ont un régime particulier. Au bout de
37 ans et demi ils peuvent prendre leur retraite. Celle-ci est calculée
sur le dernier grade atteint dans la fonction publique au moment où le
salaire est le plus élevé dans la carrière professionnelle. Un Colonel
de gendarmerie qui part à la retraite sera nommé Général, juste avant
son départ. Général à la retraite, il bénéficie de la retraite
correspondant à celle d'un Général, de telle sorte que son traitement
une fois à la retraite sera égal ou supérieur à celui d'active! La
retraite d'un fonctionnaire est en fait une pension civile payée par le
Trésor. Elle est assise non pas sur une génération d'actifs mais sur
l'ensemble des contribuables! Elle fait partie de la dépense publique.
Le fonctionnaire ne craint pas le déséquilibre des générations, il
craint la banqueroute de l'Etat.
Cette fameuse solidarité entre générations est surtout avantageuse pour
les gens ayant une bonne formation ou des diplômes et les fonctionnaires
et non pour les individus non qualifiés ou les non-fonctionnaires. Dans
un système de capitalisation une telle redistribution des revenus ne
s'opère pas.
La première génération qui a bénéficié du système (ceux qui sont
arrivés à l'âge de la retraite dans les années 50) sans payer de
cotisations lorsqu'elle était active a empoché le pactole. Et il est
difficile aujourd'hui de demander à cette génération des comptes puisque
ses membres sont morts. Question d'évaluation
Vrai faux ou incertain?
Un professeur d'économie prétend que l'on peut comparer
le système de retraite par capitalisation à la vente d'un viager. Durant
sa vie active le travailleur fait des économies, il s'achète une
maison et, une fois à la retraite, il la vend en viager pour s'assurer
une rente. S'il en est ainsi, la capitalisation n'est pas indépendante
des phénomènes démographiques. D'une part les enfants de ce travailleur
n'hériteront pas de sa maison. S'ils désirent l'avoir c'est à eux de
l'acheter. Les enfants paieront donc la retraite de leurs parents. Si la
génération suivante est peu nombreuse comparée aux anciens la valeur de
la maison baisse faute d'une demande suffisante de la part des jeunes
pour se loger. Il faut donc rejeter le système de retraite par
capitalisation.
Réponse :
Il y a deux fautes majeures de raisonnement dans cet argument. La
capitalisation n'est pas comparable à la vente d'une maison en viager et
la vente en viager de son capital ou de sa maison n'est choisie souvent
que si on n'a pas d'enfants. Ce professeur suppose que les gens qui ont
des enfants ne sont pas altruistes à l'égard de leurs enfants pour
choisir une telle solution. Par ailleurs, les enfants, au lieu de
racheter la maison, peuvent verser une pension à leurs parents. Les
parents peuvent aussi habiter chez les enfants et louer la maison pour
en tirer un revenu. Enfin, un placement immobilier s'il dépend de la
structure démographique pour savoir dans quel type de logement il faut
investir, en revanche il n'est pas lié à l'évolution démographique en
tant que tel. S'il y a moins de jeunes, ce que suppose l'auteur, il y a
aussi plus de vieux, auquel cas on achète un appartement dans une
Hespéride c'est-à-dire dans une immeuble offrant aux propriétaires ou
locataires un environnement non seulement médicalisé mais aussi
restaurants, salles de jeux, églises, salle de concert etc.
Habituellement le placement en capitalisation est un investissement dans
une entreprise par l'achat d'obligations ou d'actions. Cet
investissement stimule directement la croissance et donc les revenus
futurs. Quand on parle de capitalisation on ne pense pas à l'achat d'un
bien de consommation ( sa maison) mais à un investissement dans une
entreprise. C'est la deuxième faute de raisonnement. La capitalisation
n'est pas liée aux phénomènes démographiques mais à l'évolution des
marchés financiers et de leur rentabilité. C'est justement sa force.
Cependant le débat est plus féroce qu'il en a l'air. Les tenants de la
répartition sont obligés de maintenir l'argument de la sensibilité de la
capitalisation aux chocs démographiques pour le maintenir. En effet si
la capitalisation et la répartition sont deux systèmes identiques quant
aux chocs démographiques pourquoi vouloir passer à la capitalisation ?
Une autre ligne de défense est proposée par le directeur de l'ENSAE,
Didier Blanchet dans son rapport paru dans le livre Retraites et Epargne
publié à la Documentation Française sous l'égide du CAE ( Conseil
d'Analyse Economique). Cet auteur part d'une fonction de production de
Cobb Douglas traditionnelle où l'on exprime le produit par tète en
fonction du ratio capital sur travail (c'est-à-dire de l'intensité
capitalistique). Posons y le produit par tête et k l'intensité
capitalistique ; on a y=f(k). La combinaison capital travail qui sera
choisie sera déterminée normalement par l'égalisation du taux d'intérêt
réel monétaire à la productivité marginale du capital : r=f'(k) où r est
le taux d'intérêt réel monétaire que l'on suppose donné par le marché
financier mondial compte tenu de la forte mobilité des capitaux. Mais
Didier Blanchet ne dit pas cela il écrit que la capitalisation varie à
peu près comme la productivité marginale du capital f'(k). Notre auteur
en déduit que si le coefficient de capital α est constant, alors la
productivité marginale du capital dépend du nombre de personnes
employées. Pour le système de répartition, à taux de cotisation donné,
les pensions de retraites varient avec la masse salariale. Supposons
que les revenus du capital par tête , r.k et ceux du travail w épuisent
le produit par tête, y : y=r.k+w. w=y-r.k ou bien w=f(k)-kf'(k), la
masse salariale est alors égale à w.L=L[f(k)-k.f'(k)] . Les deux
systèmes dépendraient des chocs démographiques. Didier Blanchet inverse
le raisonnement. Les revenus de la capitalisation ne sont pas déterminés
par la productivité marginale du capital mais par le taux d'intérêt
réel monétaire qui détermine le niveau d'intensité capitalistique
c'est-à-dire le taux d'actifs dans l'économie pour un stock de capital
donné. Le choc démographique donne simplement l'abondance ou la rareté
des personnes susceptible de travailler. S'il y en a de trop, le taux de
salaire qui s'établit sur le marché diminue jusqu'à ce que tout le
monde soit employé. Si le taux d'intérêt n'est pas exogène c'est alors
le montant d'épargne dans la collectivité comparé à la demande
d'emprunts qui décidera du taux et donc aussi du ratio capital sur
travail. Le débat se déplace sur des analyses fondamentales sur la
question de savoir ce qui déterminent les prix et les quantités. L'altruisme des parents et la redistribution intergénérationnelle
L'idée que l'épargne baisse à la suite de l'instauration de ce système
de pensions de retraite, ou que les gens augmentent leurs loisirs tout
au long du cycle de vie, dans un système forcé de répartition présuppose
une absence d'altruisme des parents à l'égard de leurs enfants. Si les
parents ont conscience de cet effet et qu'eux-mêmes désirent égaliser la
consommation d'une génération à l'autre, ils vont épargner et
travailler davantage pour transmettre à leurs enfants un capital qui
compensera l'impôt prélevé pour financer la retraite des autres.
L'épargne privée ne diminue pas, le temps de travail tout au long du
cycle de vie n'est pas affecté par le système. En présence d'altruisme,
l'héritage laissé aux enfants est une manière de compenser l'impôt
prélevé sur les enfants pour financer les retraites des parents. La
baisse de l'épargne privée est compensée par une augmentation de
l'héritage: c'est le théorème d'équivalence de Ricardo.. Dans un tel cas
le système de pension de retraite par répartition est sans effet sur
l'épargne ou sur les loisirs et donc sur la croissance. La seule chose
que l'on observerait est une redistribution pure des revenus d'une
génération à l'autre. Mais cet argument ne vaut que ce que vaut le
théorème d'équivalence de Ricardo.
Le théorème d'équivalence de Ricardo
L'argument a été présenté par David Ricardo dans le chapitre 17 de son
livre The Principles of Political Economy and Taxation paru en 1821.
Le gouvernement décide d'une réduction de 50% des impôts pour cette
année. Un ménage qui payait 20 000 F d'impôts se retrouve avec 10 000 F
de revenu supplémentaire.
A dépenses gouvernementales identiques, l'Etat décide de financer cette
réduction d'impôts sur l'année par un emprunt. Cet emprunt consiste en
des obligations arrivant à échéance dans un an et rapportant un taux
d'intérêt réel monétaire de 5%. Au bout d'un an l'Etat doit rembourser
capital et intérêt. Il doit donc lever un impôt l'année suivante
équivalent au montant de l'emprunt et des intérêts versés.
Si le ménage anticipe correctement que les dépenses du gouvernement
n'ont pas diminuée du montant de la réduction d'impôts, il sait que l'an
prochain le gouvernement va lever un impôt pour payer les emprunts! Il
conserve donc les 10 000 F de la réduction d'impôts, les placent sur le
marché des fonds prêtables, il achète les obligations émises par l'Etat,
et reçoit un an plus tard 10 500 F qui correspondront très exactement
au supplément d'impôts de cette année là. Cet exemple simple illustre le
théorème de Ricardo.
Des individus rationnels comprennent qu'une réduction d'impôt financée
par des emprunts est équivalent à des impôts futurs en hausse. Ils
annulent l'impact attendu de cette réduction d'impôt sur la consommation
présente en épargnant la somme correspondante et en la capitalisant en
prévision des hausses futures d'impôt.
L'intérêt du théorème réside dans les hypothèses implicites qui le rend
valide. Si celles-ci ne tiennent pas, le théorème ne tient pas. Les
hypothèses implicites principales sont : horizon temporel illimité, pas
de différence entre taux d'intérêt débiteur et créditeur , pas de
transfert net de richesse entre individus.
En fait l'horizon illimité n'est pas une hypothèse cruciale. Il est
clair que si vous anticipez mourir avant que l'emprunt soit remboursé et
que vous êtes sans descendant vous préférez l'emprunt à l'impôt.
L'horizon limité met en échec le théorème. Cependant si vous avez des
enfants ce sont eux qui vont payer l'impôt futur servant à rembourser
l'emprunt. Si les individus sont altruistes à l'égard de leurs propres
enfants le théorème tient toujours. L'altruisme à l'égard des génération
future est une manière d'avoir un horizon temporel illimité.
Imaginez maintenant que vous bénéficiez d'une réduction d'impôts et que
vous sachiez que cette réduction a pour contrepartie une hausse des
emprunts et non pas une baisse des dépenses gouvernementales! Vous
émigrez vers un Etat moins dépensiers ou qui n'impose pas les citoyens.
Imaginez que vous n'ayez pas d'enfants et que les enfants des autres
vous laissent totalement indifférent. Ou encore imaginez que vous
n'aimiez pas vos enfants. Au lieu d'économiser la réduction d'impôt pour
la transmettre à vos enfants ou à ceux des autres vous la consommez
entièrement! Ces effets redistributifs sont non négligeables et peuvent
mettre en échec le théorème d'équivalence de Ricardo.
Supposez que le taux d'intérêt prêteur diverge du taux d'intérêt
emprunteur. Que se passe-t-il? Le bien être de la génération qui
bénéficie de la réduction d'impôt diminue parce qu'elle manifestait dans
l'exemple pris une préférence pour le futur alors que la réduction
d'impôt augmente son revenu réel en termes de consommation présente.
Avec une divergence des taux prêteurs et emprunteurs, les générations
présentes préfèreront la réduction d'impôt s'ils ont une préférence pour
le présent et au contraire une augmentation d'impôt s'ils ont une
préférence pour le futur!
On peut imaginer aussi qu'un grand nombre de contribuables sont soumis à une illusion fiscale. Ils sont irrationnels.
Enfin l'impôt considéré dans notre exemple est un impôt par tête, un
impôt qui affecte le revenu non salarial ou la richesse. S'il s'agit
d'un impôt sur le revenu tiré du travail, cela affecte l'arbitrage
loisir consommation au cours du temps. Une réduction d'impôt sur la
génération présente augmente le salaire réel et incite à une
augmentation du temps de travail et de la consommation présente par
rapport à la consommation future. Là encore le théorème ne tient plus.
La transition à la capitalisation
Maintenir le système de retraite par répartition tel qu'il est, veut dire :
1) imposer des transferts forcés de plus en plus lourds sur les
générations futures, c'est-à-dire prendre le risque politique de voir
ces générations ne pas payer. Notre génération sera alors brutalement
appauvrie au moment de sa retraite.
2) allonger la période de cotisation et ne plus payer les retraites à
taux plein pour la génération actuelle de futurs retraités, c'est rompre
les promesses et spolier notre génération. On prend le risque de voir
la génération actuelle de futurs retraités brandir "ses droits acquits".
3) payer les retraites en monnaie de singe. L'inflation a toujours été
le moyen sournois privilégié par l'Etat pour ne pas payer ses dettes.
Mais cela veut dire quitter l'euro et renoncer aux disciplines
monétaires.
Ce que l'Etat propose en ce moment même à notre génération c'est de
continuer à payer les retraites des anciens et ne pas lui payer les
retraites qu'elle était "en droit" d'attendre compte tenu du poids des
cotisations sociales qu'elle supporte!
De telles politiques se heurtent aux intérêts privés des générations
futures d'actifs, celle de nos enfants comme à celles des futurs
retraités, c'est-à-dire à la génération actuelle d'actifs. Elles vont
droit à l'explosion sociale.
Pourquoi faire perdurer un modèle qui coûte cher et qui est socialement
risqué, alors qu'il existe un système plus simple et plus sûr : Le
système par capitalisation ? C'est tout le problème de la transition.
Si on adopte pour nos enfants un système par capitalisation, il ne faut
pas compter sur eux pour payer nos retraites dans les années 2010 et
suivantes. Or, notre génération paie la retraite des anciens. Qui paiera
la notre? Notre génération doit alors refuser de rester dans un
système dont on nous prédit qu'elle n'en verra pas les fruits. Si elle
quitte dès maintenant le système c'est alors la génération présente de
retraités qui est brutalement appauvrie! Ils refuseront le passage à la
capitalisation. Notre génération est prisonnière des générations futures
d'actifs qui refuseront de payer et des retraités du moment qui les
empêchent de quitter le système! La transition impose de payer les
retraites du moment et d'acheter le consentement de notre génération en
lui assurant une pension de retraite plus élevée que celle qu'elle
escomptait dans l'ancien système.
Existe-t-il un moyen simple de réaliser cet exploit? Oui.
Donnons d'abord le choix à notre génération :
1) de quitter l'ancien système en lui restituant son salaire plein ( celui correspondant à ce que paie l'employeur)
2) ou d'y rester.
Puis obligeons la nouvelle génération d'actifs, celle de nos enfants, à passer à la capitalisation.
Dans un monde où l'Etat ne peut plus faire d'inflation pour éponger ses
dettes sur le dos des épargnants et où les taux d'intérêts réels
monétaires sont largement positifs, les gains à attendre d'un système de
retraite par capitalisation sont très élevés.
Ainsi, en épargnant 10 000 F par mois, montant moyen des cotisations
(patronale et salarié) pour la retraite d'un cadre supérieur, on obtient
au bout d'un an 120 000 F. Ces 120 000 F placés à un taux d'intérêt de
5% l'an rapporte l'année suivante 6000 F soit 500 F par mois. Au bout de
40 ans les 10 000 francs par mois ou les 120 000 F épargnés dans un bas
de laine chaque année font un capital de 4 800 000 F (120 000x 40 ans).
Ce capital placé sur un marché financier à un taux de rentabilité de 5 %
par an, rapporte 240 000 F par an, soit 20 000 F par mois ! Mais au
lieu d'attendre 40 ans pour placer votre argent, on peut le faire tout
de suite et placer les 120 000 F annuel sur le marché financier au bout
de 40 ans au taux d'intérêt de 5% par an, on obtient un capital de 14
492 400 F ! Ce qui fait un revenu de plus de 60 000 F par mois. Si au
lieu d'épargner 120 000 F par an (somme qui est prélevée par le système
de sécurité sociale), vous épargnez 24 000 F par an (c'est-à-dire 2000 F
par mois sur votre salaire) au bout de 40 ans cela fera une somme non
négligeable de 2 898 480 F ce qui génère quand même un revenu mensuel de
12077 F au taux d'intérêt de 5%.
En fait les actifs transfèrent environ 76 000 F par an (6358Frs que
multiplient 12 mois) aux retraités du moment. Pour produire 76 000 F de
revenu chaque année, il faut un capital de 1 520 000 F à 5% de taux
d'intérêt réel. Si les actifs devaient épargner chaque année une somme
qui produit au bout de 40 ans un capital égal à 1 520 000 F, quel
montant annuel devrait-il épargner? Placer chaque année sur le marché
financier une somme égale à 12580 F suffit à générer ce capital! Soit
une somme de 1048 F par mois environ ! Nous sommes loin des 6358Frs de
cotisations prélevées en moyenne sur le salaire des actifs pour payer
directement la retraite des anciens pour une période de cotisation
largement supérieure.
On peut procéder autrement. Chaque année l'Etat prélève 76 000 F par
an sur le revenu de chaque actif. Mais 76 000 F chaque année placés sur
le marché financier à un taux d'intérêt naturel de long terme de 3%
l'an, permet d'accumuler un capital au bout de 40 ans équivalent à 5 726
925Frs ! Si les mêmes sommes avaient été capitalisée, le retraité
aurait touché un salaire mensuel de 14 317 F (à un taux d'intérêt du
moment de 3% ) au lieu des 6358 F qu'il perçoit actuellement.
Si les gains de la capitalisation sont supérieurs à ceux de la
répartition, il existe une opportunité de redistribuer les gains pour
faciliter la transition à la capitalisation. Voyons comment faire.
Imaginons un salarié à 15 ans de la retraite. Restituons à cet actif les
76 000 Francs prélevés par la force et laissons le capitaliser ces
sommes sur les 15 années restantes. Le montant de capital obtenu est de
1 640 004 F. A 5% d'intérêts il touchera un revenu de 6833 F par
mois, plus que les 6358 F par mois perçus par les retraités de 1991. A
15 ans de la retraite les gens ont encore intérêt à changer de système.
Restes à payer les retraites du moment jusqu'en 2010. En 1991, d'après
le Livre blanc sur les retraites, notre génération a payé 700 milliards
de francs aux retraités du moment. Comment dégager, maintenant et
jusqu'à 2010, 700 milliards de francs chaque année pour libérer nos
enfants du système par répartition et en même temps assurer à notre
génération une retraite supérieure à celle anticipée? Il faut
constituer dans un temps très court un capital qui rapporte chaque année
au moins ce chiffre de 700 milliards de francs. Il faut générer un
capital de 14000 milliards de francs en supposant un taux d'intérêt de
5% l'an. Il faudrait donc créer un fonds de pension doté d'un capital de
14 000 milliards de francs .
Pour le constituer plusieurs moyens existent:
1) vendre le patrimoine de l'Etat. La valeur nette du patrimoine des
administrations publiques était de 2000 milliards de francs en 1992. Ce
patrimoine comprend les bâtiments publics, les routes et matériels de
bureaux. Mais on pourrait vendre les autoroutes, les rues et monuments
historiques, tel le château de Versailles, les oeuvres d'art volés au
cours de l'histoire à des étrangers par nos armées ou volés aux
collectionneurs privés par l'Etat lui même via les préemptions, les
dations ou interdiction à l'exportation. On pourrait vendre les rivages
et voies maritimes ou aériennes dont la valeur nette n'est pas à l'heure
actuelle estimée. En revanche, vendre la banque de France rapporterait
210 milliards de francs, valeur nette de ces actifs. Les entreprises
publiques peuvent subir le même sort. On estime ainsi la valeur en
bourse des Télécommunications à 200 ou 300 milliards de francs. Ce vaste
programme de privatisation des services publics permettrait de
constituer et démarrer un fonds de pension capitalisable.
2) Lever directement un capital par la vente d'une exemption au
contribuable : le droit de ne plus payer d'impôt sur le revenu jusqu'à
son décès. Quelqu'un qui est taxé chaque année de 30 000 F d'impôts sur
le revenu et qui escompte vivre 20 ans, paiera finalement la coquette
somme de 600 000 F d'impôts au bout de vingt ans. A un taux d'intérêt
de 5% l'an, si l'individu ou une entreprise avait pu disposer de cette
somme et la placer sur le marché financier il aurait généré au bout de
20 ans un revenu égal à 990 000Frs. Le contribuable, individu ou
entreprise, peut être prêt à payer plus que 600 000 F le droit de
disposer des 30 000 F qu'il paie à son inspecteur des impôts pour les
placer sur le marché financier. Il peut même emprunter cette somme
pour acheter le droit de ne plus être imposé. Tout le monde y gagne :
l'Etat et le contribuable. S'il y a 10 000000 de contribuables prêts à
acheter ce privilège pour 600 000 francs, on lève ainsi 6 000 milliards
de francs.
3) Payer pour avoir le droit de passer à la "capitalisation " . La
génération à qui on permet de quitter le système de répartition pour
assurer sa propre retraite profite du passage à la capitalisation. Une
façon de constituer ce fonds de pension est alors d'exiger de ceux qui
veulent le quitter d'acheter ce droit d'être libre. C'est immoral, mais
cela permet la transition. 20 millions d'actifs qui achète le droit une
fois pour toute de passer à la capitalisation pour 100 000 F génère 20
000 milliards de francs!
4) Faire un emprunt forcé dont le remboursement s'étale sur plusieurs générations.
En utilisant une combinaison quelconque de ces quatre moyens, on lève un
fonds de pension extraordinaire. L'épargne ainsi dégagée permet
d'investir et de générer des revenus futurs exceptionnels et nos enfants
seront beaucoup, beaucoup plus riches que nous. En même temps les
hommes politiques font l'économie d'une révolution. La transition dans les faits.
L'expérience chilienne.
Le chili a instauré un système généralisé de pension de retraite par
répartition en 1924 sous l'impulsion d'un gouvernement socialiste de
l'époque. Quelques générations plus tard en 1981 ce système a été
supprimé.
Les anciens- ie les retraités- ont eu le choix soit de quitter
l'ancien système, ce avant 1986, soit d'y rester. Tous les nouveaux
entrants sur le marché du travail bénéficient du nouveau système par
capitalisation. Un montant équivalent à 10 % du salaire doit être
obligatoirement déposé dans un compte épargne. Ce montant est déductible
des impôts. Les individus peuvent ajouter volontairement à ces 10% ,
un supplément équivalent à 10% de leur salaire. Ce supplément est lui
aussi déductible.
Ces fonds sont investis et le revenu tiré de ces investissements est
non imposable. En 1990, 13 compagnies privées gèrent ces fonds. Les
Administradoras de Fondas de Pensiones (AFP). Elles ont été créées pour
cela. Ces compagnies privées ne peuvent s'engager dans d'autres
activités financières. Chaque salarié doit placer son compte épargne
dans l'une quelconque de ces compagnies. Ils peuvent naturellement
changer de firme. Ces pseudos assurances peuvent investir en titres
actions certificat de dépot en banque ou autres instruments financiers.
Des règles précises de gestion leur sont imposées par l'Etat. 30 % des
fonds peuvent être en actions mais elles ne peuvent investir plus de 5%
de leurs fonds dans les actions d'une seule firme. Chaque AFP doit
offrir un taux de rendement minimum sur ses comptes. Ce minimum est un %
du taux moyen offert par ces 13 compagnies. Enfin le gouvernement
garantit ce minimum. Le nouveau système impose un âge de la retraite de
65 ans pour les hommes et de 60 ans pour les femmes. Mais le salarié
peut prendre sa retraite à n'importe quel âge. Il peut la prendre à 55
ans.
Le salarié qui arrive à l'âge de 65 ans peut:
1) percevoir les fonds accumulés et financer sa retraite avec.
2) Il peut acheter une annuité d'une assurance. Une telle obligation
offre un revenu annuel donné pour la vie du retraité plus les bénéfices
aux ayants droits.
3) Il peut retirer à intervalle régulier les fonds qu'il a accumulé.
De tels retraits sont limités sur la base d'une espérance de vie à l'
âge de la retraite.
Comme les fonds sont privés, après le décès, ils entrent dans le patrimoine et vont aux ayants droits.
Ce système a été prévu pour rapporter environ 70 % du salaire plus les
bénéfices. Au conjoint survivant revient 50 % du salaire, plus 15% par
enfant.
Enfin le gouvernement garanti une pension minimale de 40 % du salaire
moyen. 3,5% du salaire est consacré à l'achat d'une assurance vie en
cas de décès avant l'âge de la retraite.
Au moment de la transition au système par capitalisation. Les charges
sociales des entreprises disparaissent, mais en contrepartie les
entreprises ont augmenté les salaires de 20% montant approximatif des
charges salariales des entreprises chiliennes de l'époque.
La réforme a été extrêmement populaire. 90 % des travailleurs et
salariés ont choisi le nouveau système. Seuls ceux qui étaient proche de
la retraite sont restés dans l'ancien système. Aujourd'hui, au Chili, a
un taux d'épargne très élevé équivalent à 25 % du PNB. Ces AFP sont les
plus grands investisseurs du Chili. On estime qu'en 1995, les AFP
détiennent 21 % de l'épargne nationale!
Devant ce succès beaucoup de pays d'Amérique latine sont passés à la
capitalisation : Le Pérou en 1993, L'Argentine et la Colombie en 1994,
l'Uruguay en 1995, le Mexique, le Salvador et la Bolivie en 1997, même
les officiels de la République Populaire de Chine sont venus étudier le
système le retraite chilien !