Toute
pensée politique crédible doit se donner pour but le bonheur de
l’humanité, ou tout au moins la création des conditions permettant aux
hommes la réalisation de leurs potentialités les meilleures. Ainsi le
libéralisme ne vise pas, contrairement aux plus vulgaires préjugés, à la
liberté du seul plus fort, à la tyrannie économique de quelques loups
de la finance…
Il
n’est que de considérer les pays où le plus de liberté et d’aisance
économique pour le plus grand nombre a pu être réalisé : ce sont des
démocraties où le capitalisme libéral s’exerce. Les utopies communistes
se sont révélées, sans exception aucune, des abominations génocidaires,
du goulag soviétique au logaï chinois, en passant par les geôles
cubaines et les illusions pseudo-romantiques à la Che Ghevara. Les
fanatismes théocratiques réduisent à une abjecte soumission, sans parler
de la femme opprimée là comme jamais. Quant aux dictatures fascistes
européennes, aux abîmes de corruptions latino-américains ou africains,
ils n’ont jamais vu l’ombre du libéralisme. Oserait-on ajouter que la
France elle-même n’est pas sans manquer d’une part de ce précieux
libéralisme ?
On
oublie trop facilement que cette philosophie économique, politique et
humaniste ne se passe pas d’état, au sens où ce dernier garantit les
libertés, dont les premières de toutes, la sécurité et la justice, mais
aussi celle fondamentale d’entreprendre, qu’il s’agisse d’entreprise
intellectuelle, artistique, artisanale, industrielle, écologique ou
financière. Tout en respectant quelques valeurs fondamentales et
indispensables sine qua non : la propriété, la liberté de la concurrence
-donc l’interdiction des monopoles- la clarté, la visibilité et le
respect des contrats. A l’état, au cadre législatif, de garantir ces
prémisses au-delà desquelles l’activité humaine peut enfin œuvrer à la
création des richesses et à leur accessibilité maximale. La « main
invisible » du marché -pour reprendre la formule pourtant décriée d’Adam
Smith- pourvoira aux adaptations nécessaires ; non sans risques certes
pour celui qui a échoué dans son entreprise, mais qui saura trouver un
autre terrain pour exercer ses talents (non sans l’assurance chômage).
Ce pour quoi le libéralisme a confiance en les capacités humaines. Quant
à celui qui n’en a guère (il y en a-t-il tant ?), celui qui n’aura plus
les moyens d’assurer sa subsistance, il n’est pas interdit d’imaginer
que le libéralisme ne soit pas l’ennemi d’un zeste de redistribution. A
la condition que cette redistribution n’alourdisse pas le poids de
l’état et de la fiscalité au point de décourager et de faire fuir une
activité pour laquelle les justes récompenses du mérite restent
l’enrichissement et la reconnaissance. A-t-on réellement essayé le
libéralisme dans une France obérée par le colbertisme de droite et le
fantasme ruineux de l’état providence socialiste ?
Libéralisme
économique doit rimer avec libéralisme dans les mœurs. Qu’il s’agisse
de la liberté homosexuelle, de celle féministe, des religions privées
qui sachent rendre à César ce qui est à César et ne pas jeter la
première pierre, catholicisme du pardon ou Islam des lumières, elles
riment toutes avec la liberté d’expression. Sans compter que cette
liberté d’expression vaut autant pour la presse, que pour toute pensée,
la littérature, les arts…
Ne croyons pas que le libéralisme soit l’apanage des riches et puissants occidentaux. En ce sens le microcrédit de Muhammad
Yunus, qui concerne la plus modeste paysanne indienne, est une
formidable idée libérale. Certes, cette école politique aux facettes
diverses a conscience -au contraire de l’utopie marxiste- de ne pouvoir
faire descendre la manne de la perfection sur l’humanité meurtrie. Mais
son réalisme, son pragmatisme, est le gage d’une prudence nécessaire,
sans compter que ses qualités ont, elles, fait la preuve de leur
efficacité. Francis Fukuyama, s’il n’a pas totalement résolu « la fin de
l’Histoire » montre avec brio que la démocratie libérale est l’horizon
souhaitable de l’humanité.
Outre
les penseurs déjà cités, l’on suppose que notre libéralisme n’est pas
celui de l’inculte trader aux dents aussi serrées sur sa proie que celle
du monopole du crédit bancaire. De Milton à Locke, De Voltaire à Kant,
de Montesquieu à Tocqueville, de Raymond Aron à Léo Strauss, d’Hayek à
Boudon, nombreux sont les philosophes et les intellectuels qui se sont
honorés d’être des libéraux ; sans compter l’écrivain péruvien -et
récent prix Nobel- Mario Vargas Llosa, candidat malheureux à la
présidence de son pays, romancier brillant autant qu’essayiste de
talent… Honorons-nous de plus d’être également détestés et caricaturés
par les partis d’extrême droite et d’extrême gauche, ce qui en dit long
sur leurs connivences secrètes, leur passion de ce pouvoir totalitaire
qu’il leur paraît si nécessaire de faire peser sur la tête d’autrui…
Né
en 1956 à Poitiers, Thierry Guinhut vit à Niort. Il fait partie des 100
auteurs du livre Libres ! 100 idées, 100 auteurs . Après une maîtrise
en Histoire de l'Art Contemporain, il devient ...