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novembre 09, 2014

DU BON USAGE DES IDEES COMMUNAUTARIENNES EN MILIEU LIBERAL - Le Débat

L'Université Liberté, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Sans rentrer dans le fond de la discussion, et sans poser la question de leur valeur objective, je voudrais parler du bon usage des idées communautariennes en milieu libéral,. Un peu à la manière de Pascal qui parlait du bon usage des maladies. Il y a un usage homéopathique qui permet de guérir le mal libertarien par le mal communautarien. Cet usage curatif des idées communautariennes peut s’observer à trois niveaux. 

Du fait que les communautariens n’ont pas la même répulsion que les libéraux devant ce qui est collectif, public et étatique - en milieu libéral, la seule prononciation de ces mots provoque un malaise - ils nous invitent à une conception un peu moins primitive du rôle de l’Etat et à admettre une certaine légitimité étatique qu’un trop long combat contre le socialisme ou l’excès d’Etat a fait perdre de vue à la plupart des libertariens. 

Premier aspect donc : une certaine relégitimation du rôle de l’Etat dont les libertariens ont, à mon sens, bien besoin. 

Deuxième niveau : les idées communautariennes invitent les libertariens à une révision épistémologique déchirante, puisqu’il s’agit d’intégrer dans leur champ scientifique les phénomènes collectifs. Là aussi, il y a des mots qu’il est difficile de prononcer en milieu libéral. J’ai même vu des gens se reprendre lorsqu’ils prononçaient le mot société parce qu’il ne renvoie pas nécessairement à une réalité estampillée par tous les douaniers libertariens. A cause de cette difficulté à employer certains mots, on est sur le point de créer une novlangue libérale alors que la novlangue n’appartient pas a priori à la terre libérale. 

Troisième niveau : les communautariens invitent les libertariens à réinvestir une plus juste conception des rapports entre l’individu et la société, entre l’intérêt général et l’intérêt particulier, entre le bien propre et le bien commun dans la ligne d’une théorie politique classique. Sur le premier point je voudrais prendre un exemple qui nous incite à adopter une vison plus juste de l’Etat. 
Je cite un libertarien, James Bidinotto qui révise un peu ses conceptions sur l’Etat. Dans la revue The Freeman de décembre 1994, il a écrit un petit article intitulé « The real enemy of liberty » :  

« Selon les sondages, la criminalité est une des principales préoccupations du public, mais curieusement le problème a été peu examiné par les tenants d’un système de libre marché. A lire des journaux libertariens, on aurait l’impression que les problèmes de criminalité seraient créés artificiellement par l’intervention des réglementation étatiques et l’illégalité de la drogue. En l’absence de telles interventions, le crime disparaîtrait. » 

 Il précise que  

« les gens ne commettent pas de crimes à cause de lois stupides qui les forcent à les commettre ou à cause de facteurs environnementaux. La criminalité est la simple conséquence de valeurs choisies et, aujourd’hui, les vagues de crimes sont le résultat de décades de destruction des valeurs culturelles et morales fondamentales. » 

Pourquoi avons-nous si peu de libertariens qui examinent le problème du crime ? Selon Bidinotto, la raison tient au fait qu’ils appliquent à l’examen de la violation des droits individuels un double standard. Les partisans du libre marché pensent le gouvernement comme l’ennemi des droits individuels et de la liberté. Bien sûr, un Etat illimité est certainement le pire ennemi des droits individuels (comme l’histoire sanglante du XXème siècle l’a prouvé), mais à dénoncer avec véhémence les violations gouvernementales du droit, les libertariens en viennent à ignorer les maux mêmes que les gouvernements ont pour objet d’éradiquer, à savoir les violations individuelles des droits privés. Il ajoute : 

 « Comme les Pères Fondateurs le savaient, le gouvernement a un rôle légitime, c’est de répondre à la force à toute tentative de coercition. Mais beaucoup de partisans du laissez-faire, habitués à voir le gouvernement comme l’ennemi en soi, n’ont pu admettre qu’il y avait place pour une forte intervention gouvernementale contre les violations privées des droits individuels. »  

C’est l’usage des idées communautariennes que je voulais citer : il s’agit d’aider les libéraux à admettre une légitimité du rôle de l’Etat. D’autant plus légitime qu’il sera concentré sur ses missions fondamentales et qu’il sera moins corrompu dans son fonctionnement. 

La novlangue libertarienne
Deuxièmement, d’un point de vue épistémologique, on a assisté en milieu libertarien à une certaine dérive, parce que les libertariens ont rendu absolu un principe vrai relativement. Je fais référence au libéralisme ontologique d’une certaine pensée libertarienne qui va au-delà de l’individualisme méthodologique. Elle en est venue à défendre une conception tronquée du réel qui vise à substituer au langage habituel, même philosophique, une quasi novlangue. Des termes sont proscrits, d’autres sont tolérables ou ne le sont pas selon l’oukase du censeur libéral. Je cite les mots « social », « collectif », « société », « entreprise » (il n’y a pas d’entreprises, il n’y a que des entrepreneurs, entend-on volontiers). La société n’existerait pas plus que l’entreprise, la ville, la rue, la France (toutes ces expressions étant prises dans un sens métonymique). Le marché lui-même d’ailleurs serait alors une fiction, tandis qu’il est une réalité, non pas substantielle, mais collective par définition. Je dirais même qu’il représente le collectif libéral à l’état pur. Si on exclut du champ épistémologique toutes ces entités collectives, on ne voit pas comment il pourrait y avoir un objet de la psychologie collective : comment Le Bon pourrait analyser la psychologie des foules (1895) ?
N’ayant pas peur des mots « famille », « communauté », « religion », « sentiment », « nation », qui renvoient à l’expérience sociale de l’individu, les communautariens invitent à leur réintégration dans le domaine de l’admissible et à l’adoption d’une pensée plus subtile que celle de certains libéraux contemporains. Ces derniers sont en cela des infidèles héritiers d’une tradition aristotélo-thomiste à laquelle ils empruntent néanmoins le principe de l ’individualisme méthodologique. Certes, l’individu est le « proton on » (l’être premier) chez Aristote (selon, cette fois, sa Métaphysique), c’est-à-dire qu’il existe d’abord et certes, pour Saint-Thomas, il n’est pas de société qui existe en dehors des individus, mais pour les deux philosophes, la société existe ... sous la catégorie « accidentelle » de la relation, comme réseau de relations dans lequel l’individu n’est qu’un noeud, dont l’existence est plus passagère que le tout dans lequel il s’insère. 

La société existe
En ce sens, je tiens à affirmer que la société existe, mais pas substantiellement comme l’individu. Les libéraux doivent appréhender la réalité plus subtilement : il y a des entités morales et collectives, des réseaux relationnels et nous ne pouvons nous concevoir en dehors de ces réalités. L’entreprise existe : il y a donc un bien commun de l’entreprise en dehors du bien de son dirigeant. La nation existe et son intérêt ne se confond pas avec celui de General Motors. De ce fait, les communautariens réintégrant le social spontané (par exemple la famille très nécessaire à l’individu) et le social artificiel (par exemple l’association) donnent un autre aperçu sur l’excès contemporain d’Etat. Les communautariens ont une explication de ce phénomène qui me parait intéressante en milieu libéral. J’en donne un exemple à partir d’un autre article de Klein tiré du Freeman de la même date qui s’intitule « Du libertarianisme comme communautarisme ». (Entre nous, il n’y a pas de meilleur modèle libéral que le monastère en fait puisqu’il est une organisation fondée sur l’engagement volontaire par lequel on se soumet librement à une discipline stricte, voire très stricte. Le modèle libéral que je propose à mes amis libéraux et libertariens, c’est le monastère. C’est un modèle libéral (bien que communiste) parce que volontaire, beaucoup plus permanent que Woodstock ou l’assemblée générale de la Société du Mont Pèlerin. 

Etzioni, cité par Klein, dit : « le lien des membres d’une communauté lui permet de rester indépendante de l’Etat. » L’ancrage des individus - l’encastrement est peut-être une traduction un peu forte d’ « embeddedness » - dans des familles viables, les réseaux d’amitié, les communautés de foi, les réseaux de voisinage, bref dans des communautés concrètes, les soutient et leur permet de résister aux pressions de l’Etat. C’est peut-être l’absence de ces fondements sociaux qui isole les individus et les soumet à des pressions totalitaires. Cette explication nous renvoie effectivement à la pensée des corps intermédiaires des contre-révolutionnaires qui analysent une réalité qu’ils ont sous les yeux - la destruction du monde des corporations par le décret d’Allarde et l’interdiction des associations par la loi Le Chapelier - et donc ils voient des individus désolidarisés, en déshérence sociale, perdus. On verra par la suite, et à cause de cette destruction, les liens communautaires se reconstituer artificiellement par l’intermédiaire du socialisme. Je pense qu’on ne peut rejeter leur analyse sous le seul prétexte de leur engagement contre- révolutionnaire au XIXème siècle ; la preuve en est que le terme de corps intermédiaires qui était considéré il y a quinze à vingt ans comme réactionnaire a été incorporé dans toute la sociologie positive contemporaine. 

L’homme comme animal politique
Le troisième niveau du bon usage des idées communautariennes consiste en ce qu’elles invitent les libertariens à la réappropriation d’une théorie politique plus classique fondée sur une définition de l’homme comme animal politique. Ce n’est pas parce que qu’elle est classique que cette théorie est plus intéressante ; mais parce qu’elle est plus juste, plus profonde et plus explicative de la réalité si on se place d’un point de vue phénoménologique - c’est-à-dire tel que nous pouvons la vérifier nous-mêmes expérimentalement. Un retour sur la réalité de l’essence de l’homme, des rapport des individus à la société, de l’intérêt général et de l’intérêt particulier - qui sont les termes modernes du bien commun et du bien propre - nous invite à dépasser l’opposition un peu sommaire de modèles de philosophie politique eux-mêmes un peu primaires, que sont l’individualisme d’une part et le collectivisme d’autre part : philosophies qui mènent à cette confrontation un peu stérile du libéralisme et du socialisme comme doctrines politiques. 

Pour le collectivisme, modèle de philosophie politique sous-jacente au socialisme, seule la société existerait réellement et l’individu n’existerait pas ou ne devrait pas exister. L’intérêt individuel est donc absorbé par l’intérêt général. Pour l’individualisme ontologique, le seul qui vaille, seuls les individus existeraient, en conséquence de quoi l’intérêt général se ramène à la somme des intérêts individuels. Si on prend au sérieux la définition de l’homme comme animal politique, ces constructions ne résistent pas à la critique. Si l’homme est un animal politique et social (la traduction de Saint-Thomas de l’animal politique d’Aristote est l’animal politique et « civil »), ma perfection individuelle passe par « l’épanouissement » social de ma personne. L’homme se réalise dans son essence individuelle lorsque toutes ses potentialités d’animal social sont actualisées, à savoir lorsqu’il est bon fils, bon mari, bon patron, bon ouvrier, bon professionnel, bon dirigeant politique, etc. En revanche, l’individu ne se réalise pas pleinement indépendamment, et comme à l’écart de tous ses rôles, de toutes ses dimensions sociales et de toutes ses communautés, y compris de la société politique dans laquelle s’insèrent et dont dépendent d’une certaine manière toutes les collectivités d’ordre inférieur, lesquelles sont influencées par les lois positives déterminées au niveau de la société politique. 

On pourrait dire que « je » va bien lorsque sa vocation sociale est accomplie sous toutes ses facettes et que, privé de cet accomplissement « je » s’étiole et se déssèche. « Je » est bien avec autrui lorsque cela va bien avec autrui. 

Comment peut-on dépasser ce double modèle primaire de l’individualisme et du collectivisme ? En voyant que le bien commun et le bien propre, loin de s’exclure et de s’opposer, s’incluent et se complètent. Le bien commun est au coeur de mon bien propre et j’ai besoin de la satisfaction du bien commun de toutes les sociétés auxquelles je participe, pour être bien moi- même. Cela donne du sens à mon action : mon perfectionnement apporte aux sociétés auxquelles je participe : leur perfectionnement concourt à mon propre bien. Bien propre et bien commun sont (réciproquement) solidaires (même si
nous ne le voulons pas). A défaut de cette compréhension, individualisme et collectivisme apparaissent comme deux erreurs par excès, symétriques et inverses. Et libéralisme absolu et socialisme peuvent encore longtemps continuer leur débat hémiplégique. 

Le bien commun et l’intérêt général
Dernière remarque hérétique : le bien commun et l’intérêt général existent-ils ? En milieu libéral, cette question est audacieuse, la réponse, toute prête, fuse immédiatement: l’intérêt général n’existe pas. Je pense au contraire que l’intérêt général existe à sa manière (et donc pas comme une chose) et que l’on doit critiquer son dévoiement par un certain nombre d’intérêts particuliers qui en font une interprétation innocemment ou volontairement trompeuse ou abusive. Le bien commun et l’intérêt général, qui est sa formulation moderne, existent. La preuve en est que si une critique libérale d’une société et de son organisation positive est menée, c’est bien parce qu’elle présuppose que le droit positif existant prive la société d’un bien supérieur qu’elle pourrait atteindre et dont, pour les raisons déjà invoquées, « je » pourrait profiter et d’autres aussi et la société française tout entière. C’est pour cela que les libéraux entrent légitimement en « politique » et non seulement pour maximiser leur intérêt individuel et leur profit personnel (ou bien je n’en suis plus). Voilà ce que je voulais dire du bon usage homéopathique des idées communautariennes en milieu libéral, à mes risques et périls.
 
Par Bernard CHERLONNEIX


Dans mon métier je m'occupe de "noter" les entreprises, nous sommes en effet une grande agence de rating, je prends le pouls de l'économie locale chaque mois et je m'occupe des difficulté financières des particuliers. A la croisée des mondes banques, administrations, organismes publics comme OSEO,entreprises,consulaires, nous sommes idéalement placés pour créer de la valeur par la mise en relation des acteurs et la valorisation de nos informations statistiques.

Je suis universitaire et chercheur en économie à temps partiel, conférencier et auteur d'articles pour des revues d'économie ou des revues d'idées (Commentaire, Sociétal, Revue Politique et Parlementaire).

Je viens d'écrire plusieurs chroniques politiques dans La Croix autour du thème du principe de subsidiarité par exemple, mais aussi sur le sujet du désendettement et de la place de l'éthique dans une bonne gouvernance.


Mon Blog : http://bernardcherlonneix.wordpress.com/ 


LE DEBAT 

Philippe NATAF :
J’ai été intrigué par ce qu’a dit Bernard Cherlonneix à l’instant au sujet de Bidinotto. Il se trouve que je connais très bien Bidinotto, et il n’est certainement pas communautarien. C’est un libéral classique qui critique le libertarianisme à tendance anarchiste. A part cela, Bidinotto est aussi libertarien que les autres. Il ne faut pas croire qu’il est communautarien. 

Alain de BENOIST :
Dans cette discussion il y a un fond philosophique que l’on ne va pas aborder, car cela nous entraînerait trop loin. Alain Laurent disait à juste titre qu’il ne faut pas caricaturer le libéralisme. Il est possible que certains auteurs communautaristes l’aient fait. Pour moi, qui ne suis pas un libéral, le problème est souvent celui du vocabulaire ou de l’orientation. Il est vrai que « libéral » aux Etats-Unis signifie pratiquement le contraire du « libéral » au sens européen. C’est un paradoxe, mais il y a à cela des raisons historiques. 

D’autre part, comme l’a remarqué Alain Laurent, il y a des nuances et des écoles libérales ; l’utilitarisme par exemple n’est qu’une variante parmi d’autres qui n’est pas identique aux autres, tant s’en faut. De ce point de vue, notre discussion est riche d’enseignements car, sauf erreur de ma part, j’ai entendu au moins trois variétés de libéralisme ce soir, rigoureusement antagonistes les unes par rapport aux autres. Je ne prends qu’un exemple : la nature humaine existe ou n’existe pas ; les deux points de vue ont été défendus. Le discours réconciliateur de Bernard Cherlonneix a introduit encore d’autres nuances dans l’affaire. 

Lorsqu’on voit les différentes variétés de libéralisme qui existent, l’on se demande qu’est-ce qui permet de considérer que, en dépit de leur variété, ils sont tous des libéralismes ? Quel est le point commun ? 

Il ne faut pas tomber dans la démarche inverse et caricaturer le communautarisme en le rapprochant indûment de toute une série de phénomènes d’apparence communautaire que l’on rassemblerait sous le paradigme du holisme, pour reprendre la distinction excellente de Louis Dumont. On peut le faire, bien entendu, au sens de l’idéal-type pour voir comment le macro-modèle du holisme s’oppose à celui de l’individualisme. Cela dit, une fois qu’on le rapporte à l’histoire, on se rend compte qu’il y a des différences considérables. Si l’on fait une catégorie fourre-tout où l’on met l’Ancien Régime, les camps du communisme stalinien, la Contre-révolution française et les communautariens américains, l’ensemble ne sera pas très pertinent au plan de sa signification politico-historique concrète. 

Ainsi, lorsque Alain Laurent dit que le communautarisme n’est pas nouveau, il a raison. Or l’on ne peut pas dire que ce soit la même chose qui revient tout le temps. On a cité les noms de Bonald, de Maistre, de Maurras ... La comparaison est justifiée lorsqu’il s’agit des contre-révolutionnaires français ; dans le cas de Maurras, cela me paraît beaucoup plus douteux. Maurras est surtout un nationaliste. Or ce qui frappe dans le communautarisme tel que nous le discutons aujourd’hui, c’est qu’il est fondamentalement anti- nationaliste. A certains égards, il rejoindrait même certains libertariens. 

Prenons un exemple de l’actualité politique française immédiate. Question : doit-on reconnaître officiellement l’existence d’un « peuple corse » ? Un communautarien répond oui, un nationaliste non. Autre exemple : la communauté maghrébine en France doit-elle se voir reconnaître une existence en tant que telle dans la sphère publique (et non seulement sa différence culturelle, ethnique, religieuse, etc) ? Un communautarien répond oui, un nationaliste non. Faisons attention à ne pas transposer des exemples que nous connaissons, et ne croyons pas non plus que le communautarisme est de droite. Il est possible de trouver des éléments proches du communautarisme dans le marxisme, par exemple. Et n’oublions pas que le communautarisme dont nous parlons est américain. Toute cette discussion n’a de sens que rapportée dans une large mesure à la problématique américaine : problème du multiculturalisme, des communautés aux Etats-Unis, la discussion extraordinaire suivant la publication de l’ouvrage de John Rawls dont l’ampleur n’est pas bien perceptible en Europe, puisque nous n’en avons eu qu’un écho relativement abouti. 

En ce qui concerne les communautariens américains, il ne faudrait pas non plus caricaturer leur discours. D’abord, les communautés américaines ne sont pas nécessairement des communautés d’origine. C’est là une grande différence par rapport à la pensée sociologique européenne qui a souvent été une pensée à forte impregnation historico-ethnique. Aux Etats-Unis, ce sont des communautés d’habitat qui à bien des endroits sont parfaitement multiraciales. En second lieu, représenter l’idée communautarienne, ou même l’idée de communauté tout court, comme porteuse d’une sorte de menace castratrice d’assignation à résidence, ou d’alignement obligatoire, ne correspond pas à la réalité. 

Je suis autant qu’Alain Laurent attaché à l’esprit critique et hostile à la morale de troupeau. Les communautariens américains admettent parfaitement que l’on parte de sa communauté ou que l’on soit en dissidence avec elle. Les communautariens ne prétendent pas que nous sommes enfermés dans nos appartenances et que la dimension individuelle n’existe pas. Ils disent simplement qu’il existe une pondération forte de ce contexte dans lequel nous sommes pris. Je peux parfaitement dire que j’exècre la France, que c’est un pays peuplé d’imbéciles et que je préfère de loin les Italiens ou les Anglais ; or les communautariens vont dire que je tiens ce discours en tant que Français. L’idée communautariste est que nous avons trop mis l’accent sur l’individu, que la dimension de l’appartenance collective est devenue indiscernable et qu’il faut la réhabiliter parce qu’elle répond à un besoin humain. 

André BERTEN :
Le communautarisme américain est lié à des orientations idéologiques et politiques importantes. Un article récent de Ronald Dworkin concernant la jurisprudence de la Cour Suprême fait état de deux tendances : l’une, libérale, vise à donner une extension de plus en plus universelle à la notion de droits (exemple des droits civiles, ou des droits des homosexuels) ; l’autre, soutenu par les communautariens, i fait appel à la tradition des Pères fondateurs. Je ne pense pas que ce soit simplement la reconnaissance de communautés de quartier etc, mais cela touche les questions telles que l’avortement, le divorce, les minorités.
Dworkin a fait une série d’articles sur la pornographie, et l’on peut évidemment discuter du rôle des féministes, mais quelles que soient les positions prises, l’argument communautaire consiste à dire que la pornographie ne fait pas partie de notre culture, et que par conséquent elle ne doit pas être autorisée. 

Alain de BENOIST :
C’est vrai que les communautariens sont probablement un peu moins pernicieux. Cela dit, certains auteurs se bornent à dire que, si une communauté décide qu’elle ne veut pas de pornographie pour une raison ou une autre, elle a le droit de la bannir. A l’inverse, si une autre communauté veut autoriser la pornographie, pourquoi pas ? Le point fort de l’argumentation communautarienne est le désir de reconnaissance d’une identité collective en tenant compte évidemment de la multi-appartenance. Alain Laurent donnait un exemple très judicieux en parlant de la Nation : est-ce que ma nation a toujours raison ? Quoique sympathisant avec les communautariens, je réponds non. 

Alain LAURENT :
Il y a certainement dans l’histoire des idées des « pré- communautariens » de gauche. Je pense à Pierre Leroux, inventeur de la notion de communisme. Il faudrait sans doute s’intéresser aux interférences entre communisme et communautarisme ; je me demande parfois si le dernier n’est pas une forme résurgente du premier. 

En ce qui concerne la Corse, il est évident qu’un nationaliste français ne sera pas d’accord avec les revendications des Corses. Or les nationalistes corses seraient alors des communautariens, puisqu’ils sont prêts d’expulser tous les malheureux qui ne sont pas « indigènes ». 

Sur les communautariens américains, il est vrai que le terme « community » renvoie à une appartenance de base, mais avec des aspects terrifiants, notamment le contrôle social et le conformisme qui peuvent exister. Pour les Américains, dans la tradition, oser dissimuler quoi que ce soit de la vie familiale aux autres est quelque chose d’odieux : il doit y avoir un regard communautaire et une transparence. Au point de se demander si la vie privée et
l’individualisme existent réellement aux Etats-Unis. 

Alain de BENOIST :
Oui, mais une communauté traditionnelle de Calabre ne répond pas à la définition de « community » américaine, par exemple. 

Angelo PETRONI :
Cela dépend ; il y a tellement de Calabrais aux Etats-Unis ... La Calabre est effectivement un modèle excellent de communauté (autodéfense etc) ... 

Alain LAURENT :
Prenons le fait qu’on parle désormais de la « communauté homosexuelle » ou de la « communauté des Beurs ». Cela signifie qu’à partir d’une certaine particularité (ethnique ou sexuelle par exemple) l’individu est tenu comme solidaire d’un ensemble artificiellement constitué. Si j’étais homosexuel ou Beur, je protesterais avec la dernière énergie contre le fait de vouloir m’assigner à priori tel comportement ou telle solidarité uniquement à partir d’un trait particulier qui existerait par hasard. On sait d’ailleurs que pour un certain nombre de jeunes immigrés, le fait d’être catalogués comme « Beurs » les fait réagir d’une façon négative. Ils se veulent comme libres individus et ne désirent pas traîner telle ou telle étiquette à vie derrière eux. 

Alain de BENOIST :
En effet, le milieu maghrébin déteste l’appellation de « Beurs ». L’exemple est très bon, car il existe des Maghrébins qui ne se reconnaissent pas dans cet ensemble et qui veulent en sortir, ce qui est leur droit. Mais il s’agit de savoir si l’on est prêt à reconnaître l’existence collective de ceux qui ont fait le choix inverse. 

Alain LAURENT :
Et comment va-t-on reconnaître dans la rue les « immigrés communautaires » ? Le langage actuel revient à les assimiler tous de force comme appartenant à cette communauté. A partir du moment où l’on pose comme préalable la liberté de l’individu de se déterminer, le fait de jouer sur une particularité quelconque, affectée d’autorité de l’extérieur, revient à une assignation. Lorsqu’on parle de la « communauté maghrébine de France », de qui parle-t-on ? 

Alain de BENOIST :
Prenons un exemple où l’appartenance n’est pas visible, celui de la communauté juive. Celle-ci regroupe des gens qui se reconnaissent comme membres d’une communauté. D’autres, aussi juifs que les premiers, ne veulent rien savoir de cette communauté, ce qui est leur droit le plus strict. Il y a donc deux démarches, mais le fait est que certains juifs français veulent appartenir et se déclarer solidaires d’une appartenance à la communauté juive ; c’est également leur droit le plus strict. Il ne s’agit d’aucune façon d’enfermer qui que ce soit ou d’assigner de force à quelqu’un une appartenance. C’est de reconnaître - et la reconnaissance est le fond du raisonnement de Taylor - à tort ou à raison le droit de ces gens de se sentir solidaires d’une communauté. 

Alain LAURENT :
En quoi la société libérale empêche-t-elle ce phénomène ? 

Alain de BENOIST :
Je dirais - et ce n’est pas une boutade - que ce qui empêche les communautariens de s’organiser aussi facilement que l’on voudrait, ce sont peut-être les mêmes contraintes de structure qui empêchent les libertariens aux Etats-Unis d’en faire autant. 

Angelo PETRONI :
Je suis d’accord qu’il y a probablement tant de communautariens que l’on peut choisir les significations que l’on veut. Mais il ne faut pas non plus pousser le relativisme. Monsieur Berten a parfaitement raison. Vous faites de la communauté un concept trop simpliste, car transversale et sans territoire. Or il existe des territoires communs. C’est tout le problème de la vaine pâture : je ne veux pas de pornographie dans ma communauté, soit. Mais si je veux bannir la pornographie de mon quartier ou de ma région, d’autres problèmes vont se poser. Et il en va de même pour la ségrégation ou l’intégration raciale. 

Alain de BENOIST :
Oui, mais nous connaissons le résultat en ce qui concerne les Etats- Unis : il y a des quartiers blancs et des quartiers noirs. Ce n’est pas l’assignation : c’est le résultat soit du choix volontaire, soit du poids de facteurs sociologiques. Il y a un habitat préférentiel. Il ne faut pas envisager les choses d’une manière nécessairement antagoniste. 

Lorsque ce débat a démarré aux Etats-Unis, on avait l’impression d’observer deux camps tout à fait tranchés. Or dans les ouvrages publiés actuellement, avec une qualité de débat que l’on aurait du mal à trouver en France, très souvent ces livres essaient de trouver des voies de dialogue et de dire que les libéraux, les libertariens et les communautariens ont des points communs et des ennemis communs. Certains communautariens s’ouvrent aux arguments libéraux ; certains libertariens s’interrogent pour savoir s’il y a des éléments communautariens à retenir. Je ne voudrais pas essayer de masquer l’existence de divergences philosophiques fortes, mais rapporté à l’état actuel du débat l’on se rend compte qu’il ne s’agit pas de deux camps qui s’opposent d’une façon rigoureuse. 

Angelo PETRONI :
Tout à fait d’accord. Il existe des ouvrages montrant que le libéralisme est mieux à même de défendre des communautés, comme la communauté indienne aux Etats-Unis, par exemple. 

André BERTEN :
Un des grands reproches faits aux libéraux par les communautariens est que leur définition de la justice est purement formelle, qu’elle manque de substance. Alain Laurent a dit que les libéraux avaient au contraire une conception substantielle de la liberté et de la justice ; mais il a ajouté que le bien commun consiste pour chacun à pouvoir choisir sa propre définition de la vie bonne. Or, les communautariens rétorquent que cette possibilité de choix est justement formelle et non pas substantielle. J’ai été par la suité intrigué par ce qu’a dit Bernard Cherlonneix sur le bon père de famille, le bon patron, le bon ouvrier etc, car ces catégories supposent l’existence d’un modèle concret. Ainsi, je ne vois pas comment les libéraux peuvent revendiquer la notion d’une liberté substantielle. 

Alain LAURENT :
Il me semble que les communautariens interprètent le terme « substantiel » trop à la manière d’un contenu bien déterminé. J’aurais tendance à prendre le mot « substance » au sens étymologique, c’est-à-dire quelque chose qui se tient d’une manière ferme sous les apparences. Par conséquent, une valeur forte me paraît être en elle-même substantielle : elle n’est pas vide de contenu. Elle n’est pas non plus purement procédurale. 

De même, je ne suis pas d’accord avec le procès intenté contre Kant par les communautariens : la philosophie kantienne me paraît être en elle-même substantielle. Kant, comme les libertariens, pose que l’être humain par nature est une fin en soi. La querelle porte sur l’interprétation du terme « substantiel » que je trouve être beaucoup trop déterminant dans la phraséologie communautarienne. Dans le monde libéral ou libertarien, le fait que l’individu dispose du droit de s’autodéterminer a une consistance substantielle. 


Individu

De Wikiberal
 
L'individu est un être considéré comme une unité distincte, indépendante (un "in-dividu" ne peut être ni partagé ni divisé).
L'individualisme libéral met l'individu au centre de l'éthique, du droit et de l'économie, comme primordial par rapport à toute formation sociale. L’individu doit être considéré comme un fin en soi et non comme un moyen, ce qui minimise l’action possible de l’État ; la pleine propriété de soi donne alors à la responsabilité toute son effectivité.
Même les socialistes reconnaissent à présent le rôle primordial et l'importance qu'il faut donner à l'individu. Dans un forum intitulé "les socialistes et l'individu"[1], ils écrivent que l’individu « ne peut s’entendre comme un atome isolé mais un être social, fraternel ». Constatant « l’aspiration indéniable à une plus grande prise en compte des situations personnelles dans les politiques publiques », les rapporteurs soulignent que « le libéralisme ne conteste ni l’importance du lien social ni la nécessité d’une régulation politique de l’économie de marché » et opèrent un distinguo avec « le néolibéralisme, destructeur ». Bien que cette distinction soit inopérante, il s'agit tout de même d'une évolution notable de la part d'un parti précédemment collectiviste

Objection fréquente

La notion d'individu, disent les critiques, est une abstraction vide de sens. L'homme réel est nécessairement toujours le membre d'un ensemble social. Il est même impossible d'imaginer l'existence d'un homme séparé du reste du genre humain et non relié à la Société. L'homme, comme homme, est le produit d'une évolution sociale. Son caractère éminent entre tous, la raison, ne pouvait émerger qu'au sein du cadre social de relations mutuelles. Il n'est pas de pensée qui ne dépende de concepts et de notions de langage. Or le langage est manifestement un phénomène social. L'homme est toujours le membre d'une collectivité. Comme le tout est, tant logiquement que temporellement, antérieur à ses parties ou membres, l'étude de l'individu est postérieure à l'étude de la société. La seule méthode adéquate pour le traitement des problèmes humains est la méthode de l'universalisme ou collectivisme.
Il s'agit d'une objection étudiée, et réfutée, par Ludwig von Mises dans L'Action humaine (Première partie — L'Agir humain, Chapitre II — Les problèmes épistémologiques des sciences de l'agir humain) :
Tout d'abord nous devons prendre acte du fait que toute action est accomplie par des individus. Une collectivité agit toujours par l'intermédiaire d'un ou plusieurs individus dont les actes sont rapportés à la collectivité comme à leur source secondaire. C'est la signification que les individus agissants, et tous ceux qui sont touchés par leur action, attribuent à cette action, qui en détermine le caractère. C'est la signification qui fait que telle action est celle d'un individu, et telle autre action celle de l'État ou de la municipalité. (...) Si nous examinons la signification des diverses actions accomplies par des individus, nous devons nécessairement apprendre tout des actions de l'ensemble collectif. Car une collectivité n'a pas d'existence et de réalité, autres que les actions des individus membres. La vie d'une collectivité est vécue dans les agissements des individus qui constituent son corps. Il n'existe pas de collectif social concevable, qui ne soit opérant à travers les actions de quelque individu. La réalité d'une entité sociale consiste dans le fait qu'elle dirige et autorise des actions déterminées de la part d'individus. Ainsi la route pour connaître les ensembles collectifs passe par l'analyse des actions des individus.
Comme être pensant et agissant l'homme émerge de son existence préhumaine déjà un être social. L'évolution de la raison, du langage, et de la coopération est le résultat d'un même processus ; ils étaient liés ensemble de façon indissociable et nécessaire. Mais ce processus s'est produit dans des individus. Il a consisté en des changements dans le comportement d'individus. Il n'y a pas de substance dans laquelle il aurait pu survenir, autre que des individus. Il n'y a pas de substrat pour la société, autre que les actions d'individus.
Le fait qu'il y ait des nations, des États et des églises, qu'il existe une coopération sociale dans la division du travail, ce fait ne devient discernable que dans les actions de certains individus. Personne n'a jamais perçu une nation sans percevoir ses membres. En ce sens l'on peut dire qu'un collectif social vient à l'existence par la voie des actions d'individus. Cela ne signifie pas que l'individu soit antécédent dans le temps. Cela signifie seulement que ce sont des actions définies d'individus qui constituent le collectif.
Il n'est pas besoin de discuter si le collectif est la somme résultant de l'addition de ses membres ou quelque chose de plus, si c'est un être sui generis, et s'il est ou non raisonnable de parler de sa volonté, de ses plans, de ses objectifs et actions, et de lui attribuer une « âme » distincte. Ce langage pédantesque est oiseux. Un ensemble collectif est un aspect particulier des actions d'individus divers et, comme tel, une chose réelle qui détermine le cours d'événements.
Il est illusoire de croire qu'il est possible de visualiser des ensembles collectifs. Ils ne sont jamais visibles ; la connaissance qu'on peut en avoir vient de ce que l'on comprend le sens que les hommes agissants attachent à leurs actes. Nous pouvons voir une foule, c'est-à-dire une multitude de gens. Quant à savoir si cette foule est un simple attroupement, ou une masse (au sens où ce terme est employé dans la psychologie contemporaine), ou un corps organisé ou quelque autre sorte d'entité sociale, c'est une question dont la réponse dépend de l'intelligence qu'on peut avoir de la signification que les gens assemblés attachent à leur présence. Et cette signification est toujours dans l'esprit d'individus. Ce ne sont pas nos sens, mais notre entendement — un processus mental — qui nous fait reconnaître des entités sociales.

Citations

« J'ai toujours haï toute nation, profession et communauté ; et tout mon amour va aux individus. »
    — Jonathan Swift
« L'individu ne supporte pas de n'être considéré que comme une fraction un tantième de la société, parce qu'il est plus que cela : son unicité s'insurge contre cette conception qui le diminue et la rabaisse. »
    — Max Stirner
« Si je suis finalement devenu sociologue (comme l’indique mon arrêté de nomination) c’est essentiellement afin de mettre un point final à ces exercices à base de concepts collectifs dont le spectre rôde toujours. En d’autres termes, la sociologie, elle aussi, ne peut procéder que des actions d’un, de quelques, ou de nombreux individus séparés. C’est pourquoi elle se doit d’adopter des méthodes strictement "individualistes". »
    — Max Weber, Lettre à l’économiste marginaliste Lietman, 1920 (citée en exergue du Dictionnaire critique de la sociologie)
« L’historicisation de la notion d’individu est une idée qui semble étrange dès qu’on prend la peine de s’y arrêter, bien qu’elle soit fort répandue. L’être humain n’a-t-il pas le souci de soi et des siens dans toute société ? Le grand sociologue français Durkheim n’éprouve aucun doute sur ce point : « L’individualisme ne commence nulle part », écrit-il : il est de tout temps. Ce qui signifie simplement que les hommes ont de tout temps jugé les institutions (au sens large du terme) à un trébuchet : leur contribution au bien-être des individus. »
    — Raymond Boudon

Relativisme

De Wikiberal
 
Le relativisme est une position philosophique qui soutient qu'il n'existe pas de vérité absolue.

Relativisme et philosophie

Friedrich Nietzsche est considéré comme le type-même de philosophe relativiste. On lui doit les deux formules suivantes :
  • Ce qui a besoin d'être démontré ne vaut pas grand chose.
  • Il n'y a pas de faits, il n'y a que des interprétations.
Il faut noter que le relativisme est une opinion paradoxale, si ce n'est auto-contradictoire : l'affirmation que toute vérité est relative est-elle elle-même relative, ou absolue ? Luc Ferry[1] dénonce le "double discours" des relativistes, que leur relativisme n'empêche pas par ailleurs d'énoncer certaines vérités ou de porter des jugements moraux.
Karl Popper souligne que l'attrait du relativisme tient à ce qu'on le confond souvent avec une vérité importante : la faillibilité ("l'erreur est humaine"), qui a joué un rôle important d'un point de vue historique et épistémologique dans la connaissance humaine. Mais du point de vue de la recherche de la vérité, la faillibilité en aucune manière ne peut justifier le relativisme.

Applications du relativisme

La position relativiste s'applique à différents domaines de la connaissance :
  • philosophie et épistémologie (sophistique grecque, scepticisme, criticisme, empirisme, pragmatisme) : il n'existe pas de vérité préexistant à toute théorie scientifique ; ou bien, aucune vérité définitive ne peut être connue ;
  • culture et sociologie (relativisme culturel, historicisme) : il n'y a pas de culture meilleure qu'une autre, ni de comportement ou d'action meilleurs que les autres ; la morale n'est ni absolue ni universelle, elle émerge de coutumes sociales et d'autres institutions humaines ; toutes les opinions se valent ;
  • ethnologie : toutes les civilisations se valent, même le nazisme aurait pu apparaître comme une grande civilisation (Lévi-Strauss) ; "le barbare, c'est l'autre" ;
  • logique : la rationalité n'existe pas, le mode de raisonnement dépend de la personne (polylogisme)
  • morale : toutes les valeurs morales sont équivalentes ("à chacun sa vérité").

Relativisme et politique

Le relativisme ne doit pas être confondu avec la tolérance, car il ne tolère aucune critique ni aucun argument rationnel, puisqu'il les réduit à des assertions elles-mêmes relativistes. Tout énoncé n'est plus que le reflet de la situation sociale, du milieu, de la culture, des préjugés, etc., de la personne qui le formule.
De cette façon, le relativisme ouvre paradoxalement la voie à l'interventionnisme politique. Par exemple, la liberté d'expression peut être réprimée : puisque tous les arguments se valent, on peut en interdire certains, il suffit de décréter que celui qui les émet est motivé par la "haine". Puisqu'une opinion en vaut une autre, la seule chose qui compte finit par être les rapports de force et la loi du plus fort, et sa traduction politique du moment.
Le relativisme se présentant comme une théorie irréfutable, qui n'apporte rien et qui n'explique rien, il ouvre la voie à l'irrationnel et à l'arbitraire politique tel qu'il existe dans les sociétés collectivistes : « la fin justifie les moyens », « tout est politique ». Il n'y a pas de vérité unique, mais des façons de penser différentes : c'est le polylogisme, qui implique que l'on puisse attribuer a priori, à différents individus, différents modes de raisonnement, divers processus rationnels, ou d'inégales capacités logiques, selon leur appartenance à des catégories déterminées. Mises explique comment le marxisme procède de ce genre d'idées (ce qui n'empêche pas les marxistes d'affirmer que leurs "enseignements" sont objectivement vrais) :
« Marx et les marxistes et au premier rang d'entre eux le philosophe prolétaire Dietzgen ont enseigné que la pensée est déterminée par la situation de classe de celui qui pense. Ce que la pensée produit n'est pas la vérité, mais des idéologies. Ce mot signifie, dans le contexte de la philosophie marxiste, un déguisement de l'intérêt égoïste de classe à laquelle appartient l'individu qui pense. C'est pourquoi il est inutile de discuter quoi que ce soit avec des personnes d'une autre classe sociale. Les idéologies n'ont pas besoin d'être réfutées par un raisonnement déductif ; elles doivent être démasquées en dénonçant la situation de classe, l'arrière-plan social de leurs auteurs. Ainsi les marxistes ne discutent pas les mérites des théories physiques ; ils dévoilent simplement l'origine « bourgeoise » des physiciens. Les marxistes ont eu recours au polylogisme parce qu'ils ne pouvaient pas réfuter par des méthodes logiques les théories développées par les économistes bourgeois ou des déductions tirées des théories démontrant le caractère impraticable du socialisme. Ne pouvant démontrer rationnellement la solidité de leurs propres thèses ou la fragilité des idées de leurs adversaires, ils ont dénoncé les méthodes logiques acceptées. Le succès de ce stratagème marxiste fut sans précédent. Il a servi de preuve contre toute critique rationnelle aux absurdités de la soi-disant économie et la soi-disant sociologie marxistes. Ce n'est que par supercherie logique du polylogisme que l'étatisme pouvait s'implanter dans les esprits modernes. »
    — Ludwig von Mises,
Le Gouvernement omnipotent, De l'État totalitaire à la guerre mondiale, Troisième partie — Le nazisme allemand, VI. Les caractéristiques particulières du nationalisme allemand, 6. Polylogisme
Mises explique que les Nazis utilisent de la même façon le polylogisme, préparé pour eux par les marxistes. Les opinions qu'ils rejettent sont dites fausses, parce que juives ou non-aryennes, de même que pour les marxistes est faux ce qui est "bourgeois" ou non-prolétaire. Les dissidents appartiennent à deux catégories : les étrangers (membres d'une classe non prolétaire, ou d'une race non aryenne) et les traîtres (à leur classe, ou à leur race).
Le relativisme poussé à l'extrême aboutit ainsi au nihilisme et au totalitarisme :
« C'est une attitude de fanatiques bornés, qui ne peuvent imaginer que quelqu'un puisse être plus raisonnable ou plus intelligent qu'eux-mêmes. »
    — Mises

Libéralisme et relativisme

Une conséquence du relativisme moral est que "tout est permis", puisqu'il n'y a pas de critère fiable permettant d'apprécier une action.
Le libéralisme n'est en aucune façon un relativisme moral, contrairement à ce que prétendent certains qui se fondent sur l'individualisme qui est à la source du libéralisme pour en tirer des conclusions hâtives.
Tout comportement, toute action peuvent être jugés comme conformes ou non à l'éthique libérale, qui repose sur l'axiome de non-agression, et un tel jugement s'applique à n'importe quel type de culture ou de société. Pour les libéraux et les libertariens, il s'agit bien d'un critère objectif, qui permet de juger aussi bien une politique donnée, qu'une religion ou une philosophie, non pas en elles-mêmes (le libéralisme n'a pas cette prétention), mais dans les rapports sociaux qui en découlent.
En revanche, le libéralisme accepte profondément la différence, et, tant que l'axiome de non-agression est respecté, il n'a aucun problème à reconnaître la diversité des cultures, des moeurs, des religions, des éthiques personnelles, des opinions, etc.
Les libertariens jusnaturalistes sont les plus grands adversaires du relativisme, qui pour eux règne dans les sociétés contemporaines à travers le positivisme juridique et le droit positif.

octobre 30, 2014

Globalisation - Mondialisation 1/8 (Initiation)

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.






La mondialisation ou globalisation est le retour à la symbiose humaine, le vivre ensemble!

Tant décrié depuis une bonne décennie, la mondialisation apparentée à l'américanisation est somme toute le cheval de bataille des alter-mondialistes style Bové, Loach et Moore bien avant même le terme libéralisme, ce n'est pas peu de le dire.

Voyez notre tâche!!

Pour ce faire je vous propose ici une initiation à la mondialisation qui pourrait servir de contre-argumentation autant dans nos discours, entretiens et dialogues avec nos verts et rouges détracteurs, mais surtout avec les nombreuses personnes qui ne sont affiliées à rien, mais se nourrissent de façon insouciante  en regardant la "boîte à images"et ses clichés collectivistes.
A force de s'atrophier les neurones, d'être désinformées du monde positif; Influençables, elles se penchent très rapidement  sur des thèmes  que nos médias nous inondent, bien qu' importants, mais galvaudés.

La presse joue sur nos émotions, l'Etat sur nos peurs. En doutiez Vous?
Il est temps que ces personnes un peu perdues retrouvent leurs facultés propres, intelligentes, elles ont aussi sans doute du bon sens, de l'objectivité, de l'écoute, et de la disponibilité pour lire la suite...

La croissance exponentielle de la circulation des biens, des idées, des institutions et des personnes à laquelle nous assistons aujourd'hui fait partie d'une tendance historique à long terme. Tout au long de l'histoire de l'humanité le désir d'améliorer et d'agrandir l'espace de vie a poussé les populations à se déplacer partout dans le monde avec leur bagage matériel et intellectuel.

Depuis sa première apparition en 1962, le terme de "mondialisation" (ou "globalisation" pour employer l'expression anglaise) est passé du jargon au cliché. La revue The Economist l'a appelé "le mot le plus galvaudé du vingt et unième siècle". Du côté français j'y rajouterais : libéralisme; libéral et ses ultra et néo; social et capitaliste. L' écologie, je pense ne sera guère éloigné d'ici à peu. Il est clair que, de mémoire vivante, aucun terme n'a voulu dire autant de choses pour autant de gens. Et n’a autant déchaîné les passions. Pour certains, c'est une sorte de nirvana, un état de grâce où règnent la paix et la prospérité universelles; pour d'autres, il s'agit d'un nouveau genre de chaos qui doit être condamné.
 
Pourtant, correctement défini et appliqué, le terme a une valeur d'usage certaine. On peut se le représenter comme un fil conducteur qui n'a pas cessé de courir tout au long de l'histoire de l'humanité, comme une tendance qui s'est intensifiée et accélérée durant les dernières décennies pour apparaître en plein jour avec tous les avantages et toutes les forces de destruction qu'il recèle. De même que le climat a façonné l'environnement au cours des âges, l'interaction entre les cultures et les sociétés pendant des dizaines de milliers d'années a abouti à l'intégration croissante de ce qui devient la communauté humaine mondiale.
 
La mondialisation processus qui donne, selon la définition des dictionnaires, aux diverses activités et aspirations une "extension qui intéresse le monde entier" a commencé depuis bien longtemps. Des milliers d'années avant que n'apparaisse la racine du mot "monde" ou "globe"nos ancêtres s'étaient déjà répandus sur la surface de la terre. En fait, leurs migrations et leur peuplement de tous les continents (à part l'Antarctique) représentaient une sorte de proto-mondialisation. Il y a une cinquantaine de milliers d'années, l'homo sapiens, apparu en Afrique de l’Est, avaient commencé à migrer aux quatre coins du monde, y compris l’Amérique du Nord et du Sud. L'élévation du niveau de la mer a la fin de l’ère glaciaire avait séparé le continent américain de la masse eurasiatique, créant deux mondes qui étaient désormais coupés l'un de l'autre.  ils ne se réuniraient de nouveau qu'en 1492, lorsque Christophe Colomb aborderait par un heureux hasard aux îles antillaises. Cette même année, un géographe allemand, Martin Behaim, allait construire le premier globe terrestre connu.

Ce rétablissement des liens entre les continents, né des routes commerciales ouvertes par Colomb, est l'un des événements marquants de l'histoire de la mondialisation. La découverte du Nouveau Monde allait réunir des peuples qui étaient restés séparés pendant plus de dix mille ans. Non moins importante allait être la circulation des plantes et des animaux. Par exemple, une tubercule péruvienne, la pomme de terre, est depuis lors devenue un aliment de base dans le monde entier; le piment rouge du Mexique allait conquérir toute l'Asie et une culture éthiopienne, le caféier, allait s'implanter du Brésil au Vietnam. Pendant ce temps, les sociétés non seulement évoluaient dans des directions opposées et mettaient en place diverses structures économiques et politiques, mais inventaient aussi différentes techniques, plantaient différentes cultures et donnaient avant tout naissance à différentes langues et manières de penser. C'est cette pluralité qui a donné à la reprise des liens entre les civilisations tout son prix et toute sa portée.
 
Du point de vue historique, quatre raisons principales ont poussé les sociétés à quitter le refuge de la famille et du village: le désir de conquête (pour asseoir leur sécurité et étendre leur puissance), la prospérité (en quête d'une vie meilleure), le prosélytisme (propager leur foi et convertir les autres) et la satisfaction d'un besoin moins spirituel -la curiosité et l'attrait de la découverte, qui paraissent être des traits fondamentaux de la nature humaine. Dans ce sens, les principaux moteurs de la mondialisation ont été les soldats et les marins, les marchands, les missionnaires et les aventuriers.

Les échanges commerciaux datant de l’aube de la civilisation ont ainsi laissé des traces dans les coquillages marins retrouvés au plus profond de l’Afrique. Il y a des millénaires les marchands produits aux quatre coins du globe en traversant les mers. Les missionnaires ont franchi les déserts, les montagnes et les océans. L'expansion du bouddhisme de l'Inde à l'Indonésie a légué le temple de Boroboudour, l'un des premiers monuments de la mondialisation . Du moine bouddhiste chinois Faxian, qui s'est rendu en Inde au quatrième siècle, l'explorateur arabe Ibn Battuta qui a parcouru mille ans plus tard l'Europe, l'Asie et l'Afrique, les aventuriers n'ont pas cessé de découvrir de nouvelles frontières et d'établir liens entre des sociétés, des cultures et des entités économiques lointaines. Malgré les distances et les dangers, des chefs ambitieux et avides, tels Alexandre le Grand et Gengis Khan, se sont aventurés loin de leur pays et se sont emparés de terres nouvelles. Ainsi est née la mondialisation dans les deux sens, car conquérants et conquis s'influençaient mutuellement.
 
Les acteurs dont l'élan et la détermination ont créé des liens de domination et de coopération ont changé au fil du temps. Les petits groupes de marchands transportant leurs produits à dos d'homme et par la voie maritime ont été remplacés par des entreprises géantes, à commencer par les Compagnies hollandaise et anglaise des Indes orientales au dix-septième siècle. Les pèlerins et les prêtres solitaires ont fait place à de grandes sociétés religieuses qui ont propagé leur foi de même que la langue, la culture et l'architecture de leur pays. Les quelques aventuriers et voyageurs intrépides des siècles passés, qui avaient établi des passerelles entre des sociétés éloignées, ont été remplacés par des milliers, voire des millions de réfugiés et d'émigrants fuyant au-delà des frontières, ainsi que par des centaines de millions de touristes sillonnant tous les cieux de la planète. Toutes ces allées et venues approfondissent et élargissent les liens entre les quatre coins du monde et facilitent la circulation des marchandises, des idées et des cultures.

L'histoire des échanges commerciaux des cinq cents dernières est marquée par d'autres tendances et activités qui ont renforcé les liens de symbiose. Les hévéas des jungles brésiliennes transplantés en Malaisie par des colons britanniques au tout début du vingtième siècle ont fourni la matière première des pneus de la première automobile fabriquée en série par Ford; les travailleurs chinois et indiens employés sous contrat pour saigner les arbres à caoutchouc ont définitivement transformé la composition ethnique de la Malaisie. L'introduction de cultures provenant du Nouveau Monde, comme le maïs et la patate douce, a eu des conséquences profondes sur le plan démographique. Par exemple, l'accroissement de la population chinoise, freinée par le manque de terres irrigables pour le riz, a été stimulé par de nouvelles cultures qui pouvaient pousser sur des sols marginaux. De même, la population de la Tchétchenie a rapidement augmenté après l'arrivée du maïs en provenance du Nouveau Monde.
 
De l'Empire romain à la Pax americana actuelle, en passant par la Pax Britannica d' il y a deux siècles, la puissance des super-États a constitué une autre force qui a changé la nature de l'inter-dépendance. Les multinationales occidentale et américaines dominent maintenant la nouvelle chaîne d'approvisionnement qui alimente mondialement la production de biens de consommation.
 
La sphère d'expansion du libre-échange, en s'élargissant a donné un coup de fouet à la croissance économique et a fait naître une classe moyenne montante qui, à son tour, a stimulé la consommation de biens produits à l'échelle mondiale et le tourisme international. L'exemple le plus frappant est celui des deux pays les plus peuplés du monde, la Chine et l'Inde. L'augmentation du revenu et de la consommation a donné lieu à une liberté individuelle plus grande et à un désir croissant d'être gouverné de manière responsable. Même si la vaste majorité de la population mondiale est toujours pauvre, les idées de démocratie, de respect des droits humains et de liberté de la presse ont gagné du terrain. Sur les cent quatre-vingt-douze pays du monde, ceux qui tiennent des élections multipartites pour choisir leur gouvernement sont passés de moins de 30 % en 1974 à plus de 60 % à l'heure actuelle
 
La force la plus puissante qui a contribué à transmettre au travers des frontières les idées de démocratie et de respect des droits de l'homme est la révolution de la technologie de l'information qui a eu lieu durant la seconde moitié du vingtième siècle. Le téléphone, la télévision et l'Internet en ont été les principaux outils. A la fin du dix-neuvième siècle, les salutations de la reine  Victoria au Président américain James Buchanan ont mis seize heures et demie pour traverser l'Atlantique le long d'un câble! Aujourd'hui, d'énormes quantités d'informations multiformats (texte, communication vocale, vidéo) sont transmises à la vitesse de la lumière. Un appel téléphonique de trois minutes de New York à Londres coûte actuellement moins de dix centimes américains, alors qu'il revenait à trois cents dollars en 1930! Cette baisse spectaculaire des tarifs a mis à la portée d'une grande partie de l'humanité les fruits des progrès foudroyants de la téléinformatique.

Par ailleurs, des innovations telles que la télévision par satellite a permis aux individus d'être en communion de sentiments par-delà les frontières et les océans: la nouvelle de la mort de la princesse Diana (hommage effectué il y a peu en France et de part le monde) annoncée sur les écrans de la télévision par câble a immédiatement entraîné des envois de couronnes de fleurs de tous les coins du monde. La libre circulation de l'information contribue aussi à réduire les fossés politiques: les événements du 11 septembre 2001 ont donné lieu à une veillée aux bougies chez les jeunes Iraniens. Mais elle a également durci les attitudes le long de frontières idéologiques. Al-Jazira, la chaîne arabophone de télévision par satellite, en diffusant en direct des images des violences commises par Israël et la Palestine, a élargi le gouffre entre Arabes et Israéliens.
 
La diminution du coût des communications et des transports a favorisé l'essor de la croissance économique, tandis que l'alphabétisation et l'amélioration des soins de santé ont renforcé la qualité de la vie. Les habitants de la planète vivent plus vieux et en meilleure santé, alors que le nombre de pauvres a diminué dans la plupart des régions (sauf en Afrique et en Asie du Sud, où il a augmenté).
 
Mais l'accélération de la croissance n'est pas non plus sans imposer son prix. La réduction de la pauvreté dans le monde a des conséquences négatives pour l'environnement. Près d'un pour cent des forêts tropicales humides disparaît chaque année de la surface du globe en raison de l'expansion de l'agriculture et du commerce des produits forestiers. Le maillage serré des télécommunications, qui a facilité le progrès économique, a aussi exacerbé la vulnérabilité du monde à la maladie, aux actes de malfaisance et à la terreur, entre autres. L'infection due au VIH chez les êtres humains a commencé en Afrique et en Amérique du Sud, mais elle s'est propagée dans le monde entier et quelque 14 000 personnes sont aujourd'hui touchées chaque jour. En 1977, le virus informatique "I Love You", lancé par des plaisantins à Manille, a causé dans le monde entier, en moins de cinq heures, des dégâts chiffrés à 700 millions de dollars. Les terroristes du 11 septembre ont eu recours aux transferts bancaires électroniques pour financer leurs opérations et à l'Internet pour coordonner leurs mouvements et acheter leurs billets d'avion. Depuis les attentats, le moyen préféré d'oussama Ben Laden pour communiquer à partir de son repaire est la télévision par satellite.

Ce mélange de bon et de mauvais n'est d'ailleurs pas nouveau. Tout au long de l'histoire, la modernisation technique s'est accompagnée de bouleversements et a fait des gagnants et des perdants. Lorsque le Vieux Monde s'est relié aux Amériques par ses colonisateurs et ses explorateurs, de nouveaux pathogènes tels que la variole et la grippe ont ravagé les populations, tuant trois sur quatre Amérindiens. La colonisation de l'Amérique du Nord et de vastes parties de l'Asie, de l'Afrique, du Moyen-Orient et de l'Amérique latine a détruit les structures sociales et politiques traditionnelles tout en accélérant le processus d'intégration économique Le besoin de main-d'oeuvre pour extraire le minerai d'argent et travailler dans les plantations a abouti au transfert d'une dizaine de millions d'esclaves de l'Afrique. De l'autre côté, l'économie des pays d'Europe et d'Asie a connu un essor extraordinaire, alimenté par l'afflux de métaux précieux et de produits nouveaux.

Aucun autre pays n'a joué un rôle aussi important dans la reconnexion du monde que les Etats-Unis, eux-mêmes l'un des premiers produits de la mondialisation moderne. Sur les quelque 60 millions de personnes qui ont quitté leur lieu d'origine durant la période de mondialisation la plus intense vers la fin du dix-neuvième siècle, la plupart se sont installées aux Etats-Unis. Le pays le plus riche de l'histoire a été construit par des immigrants et des esclaves. Utilisant les ressources de l'extérieur, à commencer par les machines hydrauliques et à vapeur provenant d'Angleterre -- les Etats Unis sont devenus le plus grand innovateur et le plus puissant moteur de la mondialisation. La victoire dans la guerre du Pacifique et le lancement du plan Marshall ont propagé aux quatre coins du monde la puissance économique et politique américaine, jusqu'à son apogée au terme de la guerre froide. La chute du mur de Berlin a symbolisé la fin d'une division idéologique du monde et a impulsé le bond en avant de la mondialisation elle-même. Il n'est dès lors pas étonnant que beaucoup s'indignent contre la mondialisation en la considérant comme un euphémisme pour l'américanisation.
 
En même temps, la fin de la guerre froide a davantage mis en relief l'autre fossé énorme qui sépare les pays riches des pays en développement. Si la mondialisation a créé des richesses sans précédent, les laissés-pour-compte ont été pareillement nombreux. Ceux qui ont tiré le plus grand profit de la mondialisation sont les pays industrialisés dont l'infrastructure, les institutions et le système éducatif sont développés, ainsi que les pays à revenu intermédiaire qui ont ouvert l'économie. Les pays les plus pauvres, quant à eux, n'ont pas avancé et ont parfois même régressé. Ainsi, malgré la baisse générale du taux de pauvreté, près d'un tiers de l'humanité vit encore dans la misère, sans accès à l'électricité ou à l'eau potable. Le fossé s'est également élargi entre pays riches et pays pauvres, de même qu'entre nantis et indigents d'un même pays. Les règles de l'engagement mondial qui ont apparu et les institutions qui les gèrent, principalement le Fonds monétaire international et l'Organisation mondiale du commerce, reflètent le déséquilibre des forces entre nations riches et nations pauvres.

Grâce à la diffusion plus large de l'information, les déshérités sont davantage conscients du fossé qui les sépare de l'Occident riche et des élites nationales appuyées par l'Ouest. Cette prise de conscience peut être une source puissante de ressentiment et de protestation, comme le montrent les manifestations anti-américaines au Venezuela et aux Philippines par exemple. Les messages politiques et culturels que véhiculent ouvertement ou de manière subliminale les produits, les idées et les divertissements du monde développé ont renforcé le sentiment de bouleversement qui frappe bien des sociétés traditionnelles. Face à la misère et à l'anarchie qui règnent dans beaucoup de pays, les étalages de lumière de l'Occident fascinent de nombreux individus et les incitent à tenter leur chance hors de chez eux. L'afflux croissant d'immigrants illégaux qui submerge les pays développés est devenu un problème très préoccupant. La reconnexion du monde par le biais des produits et des idées a également fait naître des réactions contraires, qui vont de l'admiration à la résistance nationaliste et religieuse. Tandis qu'en Iran des étudiants réclament un mode de vie à l'américaine, nombreux sont ceux, en Occident, qui s'opposent à la mondialisation en tant que symbole de l'iniquité du capitalisme libéral. Nombreux sont ceux également, de par le monde, qui voient dans la mondialisation dirigée par l'Ouest une tentative de destruction de l'Islam..
 
Que faut-il en conclure ?

La mondialisation sera-t-elle contrainte à faire marche arrière devant les désillusions et les dangers, telle la menace des terroristes qui tirent férocement parti de l'ouverture des frontières et de la facilité des opérations financières ?

Il existe en fait un précédent au recul de la mondialisation: entre les deux guerres mondiales, le libre-échange et la libre circulation des personnes ont connu un ralentissement brutal dû au renforcement des obstacles tarifaires et â la fermeture des portes devant l'immigration. Mais ces restrictions n'ont pas pour autant entamé les quatre raisons essentielles de la mondialisation, dont il a déjà été question: la soif de conquête, la recherche de la prospérité, le prosélytisme et l'élan de la curiosité. En fait, la victoire des Alliés sur les Nazis et le Japon ont rouvert les écluses de la mondialisation et redonné de la vigueur aux échanges commerciaux et touristiques.

Certes, bien des problèmes pourraient entraîner le grippage du moteur de l'intégration internationale,  tels que le sentiment d'opposition de plus en plus vive à l'immigration en Europe, les subventions agricoles, les préoccupations concernant les droits de propriété intellectuelle en Occident et les restrictions de visa d'entrée aux Etats-Unis depuis le 11 septembre. Il serait toutefois difficile d'inverser la tendance séculaire à la symbiose entre les populations à l'échelle du globe. La recherche du gain n'a pas cessé de pousser les entreprises à s'étendre au-delà des frontières et les consommateurs à acheter des produits de qualité à des prix raisonnables, quel qu'en soit le pays d'origine. La même curiosité à l'égard d'autrui, qui a amené tous les Ibn Battuta de la Terre à parcourir la planète, incite maintenant des million de gens à voyager, à voir des films étrangers, à goûter la cuisine de différents pays, à écouter des concerts internationaux et à assister à des manifestations sportives mondiales. La différence la plus marquée entre la mondialisation du passé et celle d'aujourd'hui réside dans la visibilité et la rapidité. La vitesse accélérée de l'interaction mondiale en a télescopé l'impact, et l'extension des médias à l'échelle du globe a rendu cette interaction instantanément visible alors que dans le passé tout se déroulait comme au ralenti et souvent loin des regards. Fort de toutes ses promesses et quelles qu'en soient les embûches, le processus historique de remise en symbiose des membres de la communauté humaine est un phénomène durable, de plus en plus visible et marqué par des enjeux croissants.

Notre tâche,  que nous soyons citoyens, érudits ou hommes d'Etat,  consiste à comprendre et à gérer la mondialisation, sans épargner nos efforts pour en encourager les aspects favorables et en éloigner les effets néfastes. 

 2007

Mondialisation

De Wikiberal
 
La mondialisation est l'accroissement de l'interdépendance des pays et des individus, interdépendance d'ordre économique, technologique, environnementale, culturelle ou encore sociale… La mondialisation économique n'est qu'une composante du phénomène bien plus vaste de mondialisation, qui apparaît de façon récurrente dans l'histoire :
  • première mondialisation : XVe et XVIe siècles : grandes expéditions maritimes et Grandes Découvertes, création des premières routes commerciales entre l'Europe, l'Asie, l'Afrique et l'Amérique, échanges entre les Royaumes d'Espagne, du Portugal et leurs colonies, Commerce triangulaire ;
  • deuxième mondialisation : seconde révolution industrielle (de 1860 jusqu'à la crise de 1929)
  • troisième mondialisation : initiée dans les années 1970 par la généralisation des changes flottants et la financiarisation croissante de l'économie ; déploiement des flux financiers du capitalisme à l'échelle de la planète, avec les flux commerciaux, technologiques, informationnels, décisionnels, culturels qui l'accompagnent.
Un auteur comme Suzanne Berger positionne pour sa part deux mondialisations :
  • la première mondialisation, de 1870 à 1914 :
  • la seconde mondialisation à partir des années 1980. Entre ces deux périodes, le commerce, les migrations, les flux de capitaux furent sévèrement restreints.
Suzanne Berger ne considère que ces deux-là pour plusieurs raisons; en effet, commerce international et migrations existent depuis des centaines d'années, cependant elles comprennent trois caractères distinctifs; en dehors de ces deux ères de mondialisation :
  • l'essentiel de la production, consommation, et épargne ne relevait pas véritablement d'un marché : tout était produit et consommé quasiment au même endroit notamment les denrées agricoles)
  • les États contrôlaient énormément les interactions entre marché local et commerce international
  • les acteurs impliqués dans le commerce international étaient peu nombreux jusque vers 1850, date à laquelle notamment les marchés des capitaux se sont ouverts aux petits épargnants.

La mondialisation dans le monde romain

Même si l'idée d'une interaction entre tous les hommes du oikumène[1] n'a jamais été explicitement émise à cette époque, le monde Romain a déjà connu une première forme de mondialisation. Rome unifie un espace comme aucune autre civilisation ni aucun autre empire auparavant. Loin d'être à sens unique, les échanges entre Rome et les Barbares étaient à double sens : ainsi des produits venus de l'Empire (Egypte, Syrie, Asie Mineure) ont été découverts en Inde, à Ceylan, au Yémen et même en Chine. Les produits de luxe importés à Rome étaient extrêmement chers, en raison des coûts de transport et de la fiscalité romaine aux frontières. Loin de connaître une « délocalisation » des activités vers les terres moins chères, les marchands se rapprochent au contraire des marchés gros consommateurs de leurs produits, tout en réduisant les risques du transport.
En un sens, Rome a créé un système économique unifié, autour d'une monnaie commune, et au travers de la diffusion dans tout l'Empire de produits comme la céramique, les textiles, les amphores. Mais, d'un autre côté, Rome a laissé subsister jusqu'au milieu du IIIe siècle après J.C. d'autres systèmes monétaires dans le monde grec. Rome n'a jamais imposé son droit, bien que le droit romain fut le seul répandu dans tout l'Empire. Les cultes des peuples locaux ont été préservés, même si les Romains ont fréquemment rebaptisé les divinités locales de noms de Dieux romains, ce qui est un très efficace facteur d'acculturation.
A l'instar de la mondialisation contemporaine, ce n'est pas parce que les modes de vie de Rome se sont propagés et ont été imités dans tout l'Empire, de même que l'usage du latin, l'huile d'olive, les thermes et le cirque, qu'il y a eu autre chose que la volonté de paraître moderne en imitant la puissance dominante. C'est librement que la culture romaine a été adoptée un peu partout dans l'Empire, et c'est sans doute la raison pour laquelle le mode de vie greco-romain a si profondément imprégné tant de civilisations, encore de nos jours.

Quelques caractéristiques de la vague de mondialisation 1870-1914

La mondialisation qui eut lieu entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle s'est caractérisé par :
  • de fortes migrations (55 millions d'européens s'installèrent au Nouveau Monde, la Suède et l'Irlande perdirent 10% de leur population)
  • fortes proportions, pour de nombreux pays, d'investissements en capitaux dans le Nouveau Monde et les pays en développements (9% du PIB pour la Grande-Bretagne, 3,5% pour la France ce qui est plus que de nos jours)
  • convergence des prix des matières premières (par exemple, le blé était vendu 57,6% plus cher à Liverpool qu'à Chicago en 1870, différence tombant à 15,6% en 1913; il en a été de même pour tout un tas de biens autres que les simples matières premières)
  • convergence des salaires réels aussi bien entre l'Europe et le Nouveau Monde mais aussi à l'intérieur de l'Europe entre pays riches et pays pauvres [2]
Ce n'est qu'en 1980 que les différents points énumérés ci-dessus concernant les effets observés lors de cette première mondialisation ont retrouvé leurs valeurs de 1914 (à l'exception des flux migratoires.)

Point de vue libéral sur la mondialisation

Les libéraux sont d'avis que le principe même d'une règlementation des échanges est anti-libéral et qu'il s'agit de mercantilisme ou de protectionnisme. Pour un libéral, la mondialisation des échanges est une recette où tout le monde peut gagner. Elle permet d'ouvrir aux producteurs de tous les pays de larges débouchés et donc une meilleure rémunération. Par exemple elle permet aux pays pauvres d'avoir accès aux marchés des pays riches actuellement verrouillés (le marché agricole européen est un des meilleurs exemples), ce qui leur permet d'augmenter leurs ventes et donc leurs bénéfices. Elle met les capitaux du monde entier en concurrence les uns avec les autres, au bénéfice des travailleurs du monde entier, tout autant que la main-d'œuvre du monde entier, au bénéfice des capitalistes et surtout des consommateurs. La mondialisation apparaît ainsi comme un puissant facteur de développement économique pour le plus grand nombre.
La baisse de salaires dans les pays riches en raison des importations en provenance des pays bon marché ne devrait-elle pas être une conséquence logique de la mondialisation ? En réalité, ces pays fortement importateurs ne connaissent pas de baisse des salaires. Bhagwati explique que, dans un produit importé, par exemple de Chine, le salaire ne représente qu’une part modeste du prix (de l’ordre de 10%). La concurrence joue donc peu sur les salaires. Par ailleurs, un emploi supprimé par suite d’une délocalisation sera presque toujours remplacé par un autre emploi. Ce nouvel emploi est généralement plus rémunérateur car plus qualifié ; la mondialisation tire donc toutes les économies vers le haut.
De ce fait, ils ne voient dans la médiatisation de la « mondialisation » et l'épouvantail des délocalisations qu'une tentative de justification émotionnelle et irrationnelle du protectionnisme. Certains auteurs, tel Jagdish Bhagwati soulignent toutefois que si la mondialisation est bonne pour la croissance globale, ses effets pervers doivent être traités par ailleurs (par exemple, un État peut légitimement subventionner les agriculteurs à titre personnel, à condition que les obstacles au libre-échange des produits soient levés).
Il n’existe pas un seul exemple répertorié où la protection accordée à une entreprise incapable de résister à la concurrence internationale soit parvenue, à terme, ni à sauver cette entreprise, ni à faire progresser l’économie nationale.
La mondialisation n’est qu’une expression de la liberté des acteurs économiques : qu’ils soient consommateurs, producteurs, salariés, entrepreneurs ou épargnants (et nous sommes tous un peu tout cela à la fois), ces acteurs de la vie sociale et économique ont un espace de choix plus grand avec l’ouverture des frontières.
Enfin, il ne faut pas omettre que, sur le marché mondial, ce ne sont plus des produits que l’on échange, mais des tâches. L’entreprise est devenue un concepteur, distributeur, rassembleur de tâches qui aboutissent à un produit ou à un service finis. La nationalité de ce produit ou de ce service ne fait plus sens.

  La plupart des "excès" ou des "effets pervers" que l'on attribue généralement à la mondialisation ont souvent d'autres causes. Ceux qui veulent sincèrement lutter contre l'injustice et la pauvreté ne doivent pas se tromper de cible. Sinon, ils prennent le risque d'inspirer des mesures et des politiques publiques qui ne feront qu'aggraver ces effets pervers.
 

Plus de globalisation, moins de pauvreté

Si nous voulons que la pauvreté mondiale continue à se réduire comme nous l’avons vu ces 20 dernières années, il est nécessaire d’approfondir la globalisation, c’est-à-dire, le capitalisme de marché libre.

Par Juan Ramón Rallo
 




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