novembre 01, 2014

Philosophy: Who Needs It ?? Ayn Rand,

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.





 Puisque que je suis un auteur de fiction, commençons par une toute petite nouvelle. Supposons que vous êtes un astronaute qui avez perdu le contrôle de votre vaisseau spatial, et vous écrasez sur une planète inconnue. Quand vous reprendrez vos esprits, et après avoir vérifié que vous n'avez pas de blessure grave, les trois premières questions à vous venir à l'esprit seront sans doute: 


Où suis-je? 
Comment le découvrir? 
Que dois-je faire? 

Dehors, vous voyez une végétation peu familière, et il y a de l'air respirable; la lumière du soleil vous semble plus pâle que dans vos souvenirs, et plus froide. Vous levez la tête pour observer le ciel, mais vous arrêtez. Vous êtes frappé par un sentiment soudain: si vous ne regardez pas, vous n'aurez pas à savoir que vous êtes, peut-être, trop loin de la terre et que tout retour est impossible; tant que vous ne le saurez pas, vous serez libre de croire ce que bon vous semble — et vous ressentez un certain espoir, vague, agréable mais quelque peu coupable. 

Vous vous tournez vers vos instruments: ils sont peut-être endommagés, vous ne savez pas à quel point. Mais vous vous arrêtez, frappé par une peur soudaine: 

Comment pouvez-vous faire confiance à vos instruments? 
Comment pouvez-vous être sûr qu'ils ne vont pas vous tromper? 
Comment pouvez-vous savoir s'ils fonctionnent dans un monde différent? 
Vous vous détournez de vos instruments. 

Maintenant vous commencez à vous demander pourquoi vous n'avez aucune envie de faire quoique ce soit. Il est tellement plus rassurant d'attendre que quelque chose survienne d'une manière ou d'une autre; il vaut mieux, vous dîtes-vous, ne pas trop bouger pour éviter de faire tanguer le vaisseau. Au loin, vous voyez des espèces d'êtres vivants qui s'approchent; vous ne savez pas s'ils sont humains, mais ils se déplacent sur deux jambes. Vous décidez de vous en remettre à eux pour savoir quoi faire.
On n'entend plus jamais parler de vous. 

Voici une histoire purement imaginaire, vous direz-vous. Vous ne vous conduiriez pas ainsi, et aucun astronaute ne le ferait jamais non plus. Peut-être pas. Mais c'est de cette façon que la plupart des hommes vivent leur vie, ici, sur terre. 

La plupart des hommes passent leurs jours à tout faire pour éviter trois questions, dont les réponses servent de fondation à toute pensée, tout sentiment, toute action de tout homme, qu'il en soit conscient ou qu'il n'en soit pas conscient: 

Où suis-je? 
Comment le sais-je? 
Que dois-je faire? 

Quand ils atteignent l'âge où ils sont capables de répondre à ces questions, les hommes croient qu'ils connaissent les réponses. Où suis-je? Disons, à New York. Comment le sais-je? C'est une évidence. Que dois-je faire? Là, ils ne sont pas trop sûrs, mais la réponse habituelle est: faire comme tout le monde. Le seul problème semble être qu'ils ne sont pas très actifs, pas très confiants, pas très heureux, et qu'ils ressentent parfois une peur qui n'a pas de cause précise et une culpabilité qui n'a pas d'objet défini, qu'ils ne peuvent pas expliquer, et dont ils ne peuvent pas se débarrasser. 

Ils n'ont jamais découvert le fait que le problème vient des trois questions laissées sans réponse — et qu'il n'y a qu'une seule science qui puisse apporter ces réponses: la philosophie

La philosophie étudie la nature fondamentale de l'existence, de l'homme, et de la relation de l'homme à l'existence. À l'opposé des sciences particulières, qui ne se préoccupent que d'aspects particuliers, la philosophie se préoccupe de ces aspects de l'univers qui touchent tout ce qui existe. Dans le domaine de la cognition, les sciences particulières sont les arbres, mais la philosophie est le terreau sur lequel pousse la forêt. 

La philosophie ne vous dira pas, par exemple, si vous êtes à New York ou à Zanzibar (par contre, elle vous donnera le moyen de le découvrir). Mais voici ce qu'elle peut vous dire: 

êtes-vous dans un univers qui est régi par des lois naturelles et, par conséquent, est stable, fixe, absolu — et connaissable? 
Ou êtes-vous dans un chaos incompréhensible, le domaine de miracles inexplicables, un flot imprévisible, inconnaissable, que votre esprit est incapable de saisir? 
Les choses autour de vous sont-elles réelles — ou ne sont-elles qu'une illusion? 
Existent-elles indépendamment de tout observateur — où sont-elles créées par l'observateur? Sont-elles l'objet ou le sujet de la conscience humaine? 
Sont-elles ce qu'elles sont — ou peuvent-elles être changées par un simple acte de votre conscience, tel qu'un souhait? 

La nature de vos actions — et de votre ambition — sera différente, selon l'ensemble de réponses que vous aurez fait vôtre. Ces réponses constituent la province de la métaphysique — l'étude de l'existence en tant que telle ou, pour reprendre les mots d'Aristote, de « l'être en tant que tel » — la première branche de la philosophie. 

Quelle que soit la conclusion à laquelle vous parveniez, vous serez confrontés à la nécessité de répondre à une autre question, corollaire: Comment le sais-je? L'homme n'étant pas omniscient ni infaillible, vous devez découvrir ce que vous pouvez prétendre savoir et la façon d'établir la validité de vos conclusions. L'homme acquiert-il la connaissance par un processus rationnel — ou par révélation soudaine de par une puissance surnaturelle? Est-ce que la raison est la faculté qui identifie et intègre la matière fournie par les sens de l'homme — ou se nourrit-elle d'idées innées, implantées dans l'esprit de l'homme avant sa naissance? La raison est-elle compétente pour percevoir la réalité — ou l'homme possède-t-il quelqu'autre faculté cognitive qui est supérieure à la raison? L'homme peut-il atteindre la certitude — ou est-il condamné au doute perpétuel? 

La mesure de votre confiance en vous-même — et de votre succès — variera, selon l'ensemble de réponses que vous aurez fait vôtre. Ces réponses constituent la province de l'épistémologie, la théorie de la connaissance, qui étudie les moyens de cognition de l'homme. 

Ces deux branches sont la fondation théorique de la philosophie. La troisième branche — l'éthique — peut être considérée comme sa technologie. L'éthique ne s'applique pas à tout ce qui existe, seulement à l'homme, mais s'applique à tous les aspects de la vie de l'homme: son caractère, ses actions, ses valeurs, sa relation à l'ensemble de l'existence. L'éthique, ou la morale, définit un code de valeurs pour guider les choix et les actions de l'homme — les choix et les actions qui déterminent le cours de sa vie. 

De même que l'astronaute de mon histoire ne savait pas ce qu'il devait faire, parce qu'il refusait de savoir où il était et comment le découvrir, de même vous ne pouvez pas savoir ce que vous devez faire tant que que vous ne connaissez pas la nature de l'univers auquel vous avez à faire, la nature de vos moyens de cognition — et votre propre nature. Avant d'en venir à l'éthique, vous devez répondre aux questions posées par la métaphysique et l'épistémologie: l'homme est-il un être rationnel, capable d'affronter la réalité — ou est-il un handicapé incurablement aveugle, une brindille emportée par le flux universel? Est-ce que l'accomplissement et l'assouvissement sont possibles pour l'homme sur terre — ou est-il condamné à l'échec et l'insatisfaction? Selon vos réponses, vous pouvez procéder à la considération des questions posées par l'éthique: qu'est-ce qui est bon ou mauvais pour l'homme — et pourquoi? Le premier souci de l'homme doit-il être une quête de la joie — ou un échappatoire à la souffrance? Un homme doit-il tenir l'accomplissement de soi — ou l'auto-destruction — comme but de sa vie? Un homme doit-il poursuivre ses valeurs — ou doit-il placer l'intérêt d'autrui par-dessus le sien propre? Un homme doit-il poursuivre le bonheur — ou rechercher son propre sacrifice? 

Je n'ai pas besoin de préciser les différences de conséquences en ces deux ensembles de réponses. Vous pouvez les voir partout — en vous-même et autour de vous. 

Les réponses fournies par l'éthique déterminent la façon dont un homme doit traiter les autres hommes, et constituent ainsi la quatrième branche de la philosophie: la politique, qui définit les principes d'un système social correct. Pour illustrer la fonction de la philosophie, la philosophie politique ne vous dira pas combien d'essence rationnée doit être distribuée et en quel jour de la semaine — elle vous dira si le gouvernement a le droit d'imposer quelque rationnement sur quoi que ce soit. 

La cinquième et dernière branche de la philosophie est l'esthétique, l'étude de l'art, qui se fonde sur la métaphysique, l'épistémologie et l'éthique. L'art s'occupe des besoins — le réapprovisionnement — de la conscience de l'homme. 

Maintenant, d'aucuns parmi vous diront, comme disent de nombreuses personnes: « Oh, je ne pense jamais en de tels termes abstraits — je veux m'occuper de problèmes réels, particuliers, concrets — à quoi bon me soucier de philosophie? » Ma réponse est: pour être capable de s'occuper de problèmes réels, particuliers, concrets — c'est-à-dire, pour être capable de vivre sur terre. 

Vous pourrez affirmer — comme le font la plupart des gens — que vous n'avez jamais été influencé par la philosophie. Je voudrais mettre en doute cette affirmation. Avez-vous jamais pensé ou dit l'une des choses suivantes? « Ne soyez pas si sûr — on ne peut jamais être certain de rien. » Vous avez reçu cette idée de David Hume (et de bien, bien d'autres), même si vous n'avez jamais entendu parler de lui. Ou: « C'était une action méprisable, mais c'est humain, personne n'est parfait en ce bas-monde. » Vous l'avez reçu de Saint Augustin. Ou: « C'est peut-être vrai pour vous, mais ce n'est pas vrai pour moi. » Vous l'avez reçu de William James. Ou: « Je n'ai pas pu m'en empêcher! Personne ne peut s'empêcher de faire ce qu'il fait. » Vous l'avez reçu de Hegel. Ou: « Je ne peux pas le prouver, mais je sens que c'est vrai. » Vous l'avez reçu de Kant. Ou: « C'est logique, mais la logique n'a rien à faire avec la réalité. » Vous l'avez reçu de Kant. Ou: « C'est mal, parce que c'est égoïste. » Vous l'avez reçu de Kant. Avez-vous jamais entendu des activistes modernes dire: « Agir d'abord, penser ensuite »? Ils ont reçu cette idée de John Dewey. 

D'aucuns pourront répondre: « Bien sûr, j'ai dit ces choses à un moment ou un autre, mais je n'ai pas besoin de croire ces choses tout le temps. Ça peut avoir été vrai hier, mais ce n'est pas vrai aujourd'hui. » Ils ont reçu cette idée de Hegel. Ils pourront dire: « La cohérence est le démon des esprits mesquins. » [1] Ils l'ont reçu d'un esprit particulièrement mesquin, Emerson. Ils pourront dire: « Mais ne peut-on pas faire des compromis et emprunter différentes idées à diverses philosophies selon les convenances du moment? » Ils l'ont reçu de Richard Nixon [2] — qui l'a reçu de William James.
Maintenant demandez-vous: si vous n'êtes pas intéressés aux idées abstraites, pourquoi vous sentez-vous (comme tous les hommes) forcés d'y faire appel? Le fait est que les idées abstraites sont des intégrations conceptuelles qui reprennent un nombre incalculables de choses concrètes — et que sans ces idées abstraites vous ne seriez pas capables de traiter de problèmes réels, particuliers, concrets. Vous seriez dans la situation d'un nouveau né, pour qui chaque objet est un phénomène unique, sans précédent. La différence entre son état mental et le vôtre réside dans le nombre d'intégrations conceptuelles que votre esprit a effectuées. 

Vous n'avez pas le choix quant à la nécessité d'intégrer vos observations, vos expériences, votre savoir en idées abstraites, c'est-à-dire, en principes. Votre seul choix est entre des principes vrais ou faux, qui représentent vos convictions rationnelles, conscientes — ou un tas informe de notions prises au hasard, dont les sources, la validité, le contexte et les conséquences vous sont inconnus, des idées que, le plus souvent, vous abandonneriez bien vite si vous saviez. 

Mais les principes que vous acceptez (consciemment ou inconsciemment) peuvent entrer en conflit ou se contredire l'un l'autre; eux aussi doivent être intégrés. Qu'est-ce qui les intègre? La philosophie. Un système philosophique est une vue intégrée sur l'existence. En tant qu'être humain, vous n'avez pas le choix quant au fait que vous avez besoin d'une philosophie. Votre seul choix est entre définir votre philosophie par un processus de pensée conscient, rationnel, discipliné et par une délibération scrupuleusement logique — ou de laisser votre subconscient accumuler un tas d'ordure de conclusions infondées, de fausses généralisations, de contradictions indéfinies, de slogans non digérés, de vœux non identifiés, de doutes et de peurs, rassemblés au hasard, mais intégrés par votre subconscient en une sorte de philosophie bâtarde et fusionnés en un seul poids écrasant: le doute de soi, comme une chaîne et un boulet là où les ailes de votre esprit auraient dû pousser. 

Vous pourrez dire, comme de nombreuses personnes, que ce n'est pas toujours facile d'agir selon des principes abstraits. Non, ce n'est pas facile. Mais n'est-il pas beaucoup plus difficile d'agir selon ces principes sans savoir desquels il s'agit? 

Votre subconscient est comme un ordinateur — plus complexe que tout ordinateur que les hommes peuvent construire — et sa fonction principale est l'intégration de vos idées. Qui le programme? Votre esprit conscient. Si vous laissez faire, si vous n'atteignez aucune conviction ferme, votre subconscient est programmé au hasard — et vous vous livrez au pouvoir d'idées que vous avez acceptées sans le savoir. Mais d'une façon ou d'une autre, votre ordinateur vous donne des sorties, tous les jours et toutes les heures, sous la forme d'émotions — qui sont les estimations instantanées du monde qui vous entoure, calculées selon vos valeurs. Si vous avez programmé votre ordinateur par une pensée consciente, vous connaissez la nature de vos valeurs et de vos émotions. Sinon, vous ne la connaissez pas. 

Nombreux sont ceux, surtout de nos jours, qui prétendent que l'homme ne peut pas vivre de la seule logique, qu'il faut considérer l'élément émotionnel de sa nature, et qu'ils font confiance à leurs émotions pour les guider. Eh bien, ainsi le faisait l'astronaute de mon histoire. D'où sa perte — et d'où la leur: les valeurs et les émotions d'un homme sont déterminées par sa vue fondamentale de l'existence. Le programmeur ultime de son subconscient est la philosophie — la science qui, selon les émotionnalistes, est incapable d'affecter ou de pénétrer les mystères ténébreux de leurs sentiments. 

La qualité des sorties d'un ordinateur est déterminées par la qualité de ses entrées. Si votre subconscient est programmé au hasard, ses sorties auront un caractère en conséquence. Vous avez probablement entendu parler de ce terme éloquent des informaticiens, « GIGO », — qui veut dire « garbage in, garbage out », n'importe quoi en entrée, n'importe quoi en sortie. La même formule s'applique à la relation entre les pensées et les émotions d'un homme. 

Un homme qui se laisse diriger par ses émotions est comme un homme dirigé par un ordinateur dont il ne sait pas lire les résultats en sortie. Il ne sait pas si sa programmation est vraie ou fausse, bonne ou mauvaise, si elle le mène au succès ou à la destruction, si elle sert ses propres buts ou ceux d'une puissance maligne inconnue. Il est aveugle de deux façons: aveugle au monde autour de lui et à son propre monde intérieur, incapable de saisir la réalité et ses propres motivations, et il éprouve une terreur chronique pour l'une comme pour les autres. Les émotions ne sont pas des moyens de cognition. Les hommes qui ne se soucient pas de philosophie sont ceux qui en ont le plus besoin: ils sont le plus sûrement en son pouvoir. 

Les hommes qui ne se soucient pas de philosophie absorbent ses principes dans l'atmosphère culturelle ambiante — les écoles, les universités, les livres, les magazines, les journaux, le cinéma, la télévision, etc. Qui donne le ton de la culture? Une petite poignée d'hommes: les philosophes. Les autres suivent, soit par conviction, soit par absence de conviction. Depuis à peu près deux siècles, sous l'influence d'Emmanuel Kant, la tendance dominante de la philosophie a été dirigée dans un seul but: la destruction de l'esprit humain, de la confiance de l'homme en le pouvoir de la raison. Aujourd'hui, nous pouvons voir cette tendance à son zénith. 

Quand les hommes abandonnent la raison, il s'aperçoivent non seulement que leurs émotions ne peuvent pas les guider, mais qu'ils ne savent plus éprouver qu'une seule émotion: la terreur. La diffusion de l'addiction à la drogue parmi les jeunes gens élevés dans les modes intellectuelles du jour, démontre l'insupportable état intérieur d'hommes qui sont privés de leurs moyens de cognition et qui cherchent à s'évader de la réalité — de la terreur de leur propre incapacité à affronter l'existence. Observez l'effroi chez ces jeunes gens à l'idée d'indépendance et leur désir frénétique de « faire partie », de s'attacher à quelque groupe, clique ou gang. La plupart d'entre eux n'a jamais entendu parler de philosophie, mais ils sentent qu'ils ont besoin de certaines réponses fondamentales aux questions qu'ils n'osent pas poser — et ils espèrent que la tribu leur dira comment vivre. Ils sont prêts à se laisser diriger par le premier guérisseur, gourou ou dictateur venu. Une des choses les plus dangereuses qu'un homme puisse faire est d'abandonner son autonomie morale au soin d'autrui: comme l'astronaute de mon histoire, il se sait pas si ces autres sont humains, même s'ils marchent sur deux jambes. 

Maintenant, vous demanderez peut-être: Si la philosophie peut être si vicieuse, pourquoi l'étudier? En particulier, pourquoi devrions-nous étudier ces théories philosophiques qui sont évidemment fausses, qui n'ont aucun sens, et qui n'ont aucun rapport avec la vie réelle? 

Ma réponse est: pour votre propre défense, — et pour la défense de la vérité, de la justice, de la liberté, et de toute valeur que vous avez jamais tenue en estime ou tiendrez jamais en estime. 

Toutes les philosophies ne sont pas mauvaises, bien que de trop nombreuses le sont, surtout dans l'histoire moderne. D'un autre côté, à l'origine de tout accomplissement de la civilisation, comme la science, la technologie, le progrès, la liberté, — à l'origine de toutes les valeurs dont nous jouissons aujourd'hui, y compris la naissance de ce pays — vous trouverez l'accomplissement d'un seul homme, qui a vécu plus de deux mille ans auparavant: Aristote. 

Si vous ne ressentez que de l'ennui en lisant les théories pratiquement inintelligibles de certains philosophes, vous avez toute ma sympathie. Mais si vous les rejetez négligemment, en disant: « pourquoi devrais-je étudier ces choses quand je sais que ce sont des absurdités? » — vous vous trompez. Ce sont des absurdités, mais vous ne le savez pas — pas tant que vous continuez d'accepter leurs conclusions, et tous les slogans vicieux produits par ces philosophes. Et pas tant que vous n'êtes pas en mesure de les réfuter

Ces absurdités concernent les questions les plus cruciales de l'existence de l'homme, des questions de vie ou de mort. À la base de toute théorie philosophique importante, il y a une question légitime — au sens qu'il y a un besoin authentique de la conscience de l'homme, que certaines théories s'efforcent de clarifier, cependant que d'autres s'efforcent de les obscurcir, de les corrompre, d'empêcher l'homme de jamais les découvrir. La bataille des philosophes est une bataille pour l'esprit de l'homme. Si vous ne comprenez pas leurs théories, vous êtes vulnérables aux pires d'entre elles. 

La meilleure façon d'étudier la philosophie est de l'approcher comme une enquête policière: suivre chaque piste, indice et implication, de façon à découvrir qui est un meurtrier et qui est un héros. Le critère de l'enquête est dans ces deux questions: Pourquoi? et Comment? Si une thèse donnée semble juste — pourquoi? Si une autre thèse semble fausse — pourquoi? et comment y a-t-on fait croire? Vous ne trouverez pas toutes les réponses tout de suite, mais vous acquerrez un talent appréciable: la capacité à penser en termes de l'essentiel. 

Rien n'est donné automatiquement à l'homme, ni la connaissance, ni la confiance en soi, ni la sérénité intérieure, ni la bonne façon d'utiliser son esprit. Chaque valeur dont il a besoin ou qu'il désire doit être découverte, apprise et acquise — même la bonne posture de son corps. Dans ce contexte, je dois dire que j'ai toujours admiré la posture des diplômés de West Point, une posture qui projette l'homme en avant par un contrôle fier et discipliné de son corps. Eh bien, la pratique philosophique donne à l'homme la bonne posture intellectuelle — un contrôle fier et discipliné de son esprit. 

Dans votre propre profession, dans la science militaire, vous connaissez l'importance de suivre l'évolution des armes, stratégies et tactiques de l'ennemi — et d'être prêt à les contrer. La même chose est vraie en philosophie: vous devez comprendre les idées de l'ennemi, et être prêts à les réfuter, vous devez connaître ses arguments fondamentaux et être capable de les anéantir. 

Dans une guerre physique, vous n'enverriez pas vos hommes sur une mine: vous feriez tous les efforts pour découvrir son emplacement. Eh bien, le système de Kant est la mine la plus grande et la plus élaborée dans l'histoire de la philosophie — mais il est tellement plein de trous que quand vous avez compris son truc , vous pouvez le désamorcer sans problème et avancer par dessus en toute sécurité. Et une fois que vous l'avez désamorcé, les Kantiens de second ordre — les sous-officiers de son armée, les sergents, deuxièmes classes et mercenaires philosophiques d'aujourd'hui — s'écrouleront sous leur propre vacuité, par réaction en chaîne. 

Il y a une raison particulière pour laquelle vous, les futurs dirigeants de l'Armée des États-Unis, avez besoin d'être armés philosophiquement aujourd'hui. Vous êtes la cible d'une attaque particulière par l'establishment Kantien-Hegelien-collectiviste qui domine nos institutions culturelles à notre époque. Vous êtes l'armée du dernier pays semi-libre qui reste sur terre, et pourtant vous êtes accusés d'être un outil de l'impérialisme — et « impérialisme » est le nom donné à la politique étrangère de ce pays, qui ne s'est jamais engagé dans la conquête militaire et n'a jamais profité de deux guerres mondiales, qu'il n'a jamais initiées, mais dans lesquelles il s'est engagé et a vaincu. (C'était, soit dit en passant, une politique stupide par sa générosité exagérée, qui a fait que ce pays a gâché ses richesses à aider ses anciens ennemis autant que ses anciens alliés.) Une chose appelée « le complexe militaro-industriel » — qui est un mythe ou pire — est accusée d'être responsable de tous les problèmes de ce pays. La racaille brutale des universités vocifère ses exigences que les unités de formation d'officiers de réserve soient expulsées des campus universitaires. Le budget de notre défense est attaqué, dénoncé et coupé par des gens qui prétendent que la priorité financière devrait être donnée à des jardins de roses écologiques et à des classes d'expression esthétique pour les résidents des bas quartiers. 

Certains parmi vous sont sans doute interloqués par cette campagne et se demandent, en toute bonne foi, quelles erreurs vous avez commises pour la susciter. Si c'est le cas, alors il est d'une importance urgente que vous compreniez la nature de l'ennemi. Vous êtes attaqués, non pour vos erreurs ou vos défauts, mais pour vos vertus. Vous êtes dénoncés, non pour vos faiblesses, mais pour votre force et votre compétence. Vous êtes pénalisés parce que vous êtes les protecteurs des États-Unis. À un niveau moindre du même problème, une campagne similaire est menée contre les forces de police. Ceux qui veulent détruire ce pays, cherchent à le désarmer — intellectuellement et physiquement. Mais ce n'est pas une simple affaire de politique: la politique n'est pas la cause, mais la conséquence dernière des idées philosophiques. Il ne s'agit pas d'une conjuration communiste, même si des communistes sont impliqués — comme les asticots qui profitent d'un désastre qu'ils n'ont pas le pouvoir de provoquer. Le motif des destructeurs n'est pas l'amour du communisme, mais la haine de l'Amérique. Pourquoi une telle haine? Parce que l'Amérique est la réfutation vivante de l'univers Kantien. 

De nos jours, le souci mièvre et la compassion pour les faibles, les handicapés, les souffrants, les coupables, est un masque pour la haine Kantienne profonde de l'innocent, du fort, du capable, du couronné de succès, du vertueux, du confiant, de l'heureux. Une philosophie qui cherche à détruire l'esprit de l'homme est nécessairement une philosophie de haine envers l'homme, envers la vie de l'homme, et envers toute valeur humaine. La haine envers le bien parce qu'il est bien, est la marque distinctive du vingtième siècle. Voilà l'ennemi que vous affrontez. 

Une bataille de ce genre demande des armes particulières. Elle doit être menée avec une pleine compréhension de votre cause, une pleine confiance en vous-même, et la plus grande certitude de la justesse morale de l'une et de l'autre. Seule la philosophie peut vous fournir ces armes. 

La mission que je me suis donnée pour ce soir n'est pas de vous faire vous intéresser à ma philosophie, mais à la philosophie en tant que telle. J'ai, cependant, parlé implicitement de ma philosophie à chaque phrase — car aucun d'entre nous et aucune de nos affirmation ne peut échapper à nos prémisses philosophiques. Quel est mon intérêt égoïste en cette affaire? Je suis assez confiante pour penser que si vous acceptez l'importance de la philosophie et de la tâche de l'examiner avec un esprit critique, c'est ma philosophie que vous viendrez à accepter. Formellement, je l'appelle l'Objectivisme, mais informellement, je l'appelle une philosophie pour vivre sur terre. Vous en trouverez une présentation explicite dans mes livres, et tout particulièrement dans Atlas Shrugged [3].
En conclusion, permettez-moi de parler en termes personnels. Cette soirée a une grande signification pour moi. Je suis profondément honorée par cette opportunité de parler devant vous. Je peux dire — non pas comme un poncif patriotique, mais avec une pleine connaissance des fondements métaphysiques, épistémologiques, éthiques, politiques et esthétiques — que les États-Unis d'Amérique sont le plus grand, le plus noble et, dans ses principes fondateurs originels, le seul pays moral dans l'histoire du monde. Il y a une sorte de rayonnement serein associé dans mon esprit au nom de West Point — parce vous avez préservé l'esprit de ces principes fondateurs originaux et vous en êtes le symbole. Il y avait des contradictions et des omissions dans ces principes, et il y en a peut-être en vous — mais je parle de l'essentiel. Il y a sans doute eu dans votre histoire des individus qui ne se sont pas montré à la hauteur de vos standards élevés — comme il y en a dans toutes les institutions — puisque qu'aucune institution et aucun système social ne peut garantir la perfection automatique de tous ses membres; elle dépend du libre arbitre de chaque individu. Je parle de vos standards. Vous avez préservé trois qualités de caractère qui étaient typiques au temps de la naissance de l'Amérique, mais qui font cruellement défaut de nos jours: l'ardeur — la persévérance — et le sens de l'honneur. [4] L'honneur est le respect de soi-même rendu visible dans l'action. 

Vous avez choisi de risquer vos vies pour la défense de ce pays. Je ne vous insulterai pas en disant que vous vous êtes consacrés à un service désintéressé — ce n'est pas une vertu selon ma moralité. Selon ma moralité, la défense de son pays signifie qu'un homme refuse personnellement de vivre comme l'esclave conquis d'aucun ennemi, étranger ou domestique. Voilà une vertu énorme. Certains parmi vous n'en êtes peut-être pas pleinement conscient. Je veux vous aider à vous en rendre compte.

L'armée d'un pays libre a une grande responsabilité: le droit d'utiliser la force, mais non pas comme un instrument de compulsion et de conquête brutale — comme les armées des autres pays l'on fait dans leur histoire — seulement comme un instrument de l'auto-défense d'une nation libre, ce qui signifie: la défense des droits individuels de l'homme. Le principe de l'emploi de la force seulement en réponse à ceux qui initient son utilisation, est le principe de subordination de la force au droit. La plus haute intégrité et le plus grand sens de l'honneur sont requis pour une telle tâche. Aucune autre armée au monde n'y est arrivé. Vous, si. 

West Point a donné à l'Amérique une longue lignée de héros, connus et inconnus. Vous, les diplômés de cette année, avez une tradition glorieuse à porter — ce que j'admire profondément, non pas parce qu'il s'agit d'une tradition, mais parce qu'elle est glorieuse. 

Comme je viens d'un pays coupable de la pire tyrannie sur terre, je suis tout spécialement capable d'apprécier le sens, la grandeur et la valeur suprême de ce que vous défendez. Aussi, en mon propre nom et au nom de nombreuses personnes qui pensent comme moi, je voudrais dire, à tous les hommes de West Point, passés, présents et futurs: Merci. 
  
La philosophie: qui en a besoin
Par Ayn Rand,
Discours donné à la classe diplômée de l'Académie Militaire des États-Unis à West Point New York — 6 mars 1974


Ci-dessus est une traduction par mes soins de Philosophy: Who Needs It d'Ayn Rand, effectuée en septembre-octobre 2004. J'ai essayé de rendre le sens de l'original, mais j'avoue n'avoir pas su en conserver toute la valeur littéraire. Je vous invite donc à lire cet original si l'anglais vous est intelligible.

Notes

[1]: Traduction tentative d'une formule répandue aux États-Unis: « Consistency is the hobgoblin of little minds. » (Note du traducteur)
[2]: Nixon était alors président des États-Unis, et englué dans l'affaire du « Watergate ». (Note du traducteur)
[3]: Atlas Shrugged, publié en 1957, est l'œuvre ultime d'Ayn Rand en tant que romancière, après quoi elle n'a écrit que des essais. Il n'est toujours pas traduit en français, Ayn Rand ayant à l'époque répudié un projet de traduction. Il existe actuellement un projet pour compléter une traduction de cette œuvre monumentale, mais même s'il aboutit, rien ne sera disponible en librairie avant de nombreux mois voire des années. Le roman, dont le titre pourrait être traduit en « Atlas laisse tomber », possède des éléments de roman policier, de roman de science-fiction, mais est bel et bien un roman philosophique. (Note du traducteur)
[4]: J'ai rendu plutôt mal que bien ces vertus qui dans la version originale sont earnestness, dedication, a sens of honor et qui n'ont pas d'équivalent en français moderne — la traduction de la dernière vertu étant d'ailleurs d'autant plus trompeuse qu'elle semble évidente. (Note du traducteur)


https://www.contrepoints.org/tag/ayn-rand

Ayn Rand

De Wikiberal
 
Ayn Rand (2 février 1905 - 6 mars 1982), née Alissa Zinovievna Rosenbaum[1], est une philosophe et romancière américaine (juive russe émigrée), connue pour sa philosophie : l'objectivisme. Sa principale œuvre est La Grève - Atlas Shrugged en version originale - (1957), un roman qui met en scène des entrepreneurs en butte à l'étatisme d'une société socialiste pré-totalitaire.  
Ayn Rand naît à Saint-Pétersbourg en 1905 dans une famille juive agnostique de trois enfants dont elle est l'aînée. Elle s'intéresse très jeune à la littérature et au cinéma, écrivant dès l'âge de 7 ans des romans ou des scénarios. Elle nourrit son imagination des romans de Sir Walter Scott ou d'Alexandre Dumas et s'enthousiasme pour le courant romantique. En particulier, elle découvre à 13 ans celui qui deviendra son auteur favori et qu'elle considérait comme le plus grand romancier : Victor Hugo. L'arrivée au pouvoir des Bolchéviks, en 1917, contraint sa famille à la fuite en Crimée, jusqu'à ce que celle-ci soit envahie par les révolutionnaires en 1921. Elle brûle alors son journal intime qui contenait des passages anticommunistes au vitriol.
Elle entame des études d'histoire et de philosophie à l'université de Petrograd (Saint-Pétersbourg) et y découvre les œuvres de Rostand, Schiller et Dostoïevski. Elle en sort diplômée le 13 octobre 1924. Elle continue à écrire et entre à l'Institut d'État des arts cinématographiques en 1924. À la fin de 1925, on lui accorde un visa pour rendre visite à des proches, habitant aux États-Unis.
Elle arrive à New York en février 1926. Ses premières impressions devant les gratte-ciels la marquent profondément et inspireront les descriptions de La Source vive, un de ses romans. Elle choisit de ne pas retourner en Union soviétique et part pour Hollywood où elle devient scénariste. C'est alors qu'elle change son nom en Ayn Rand, en référence selon elle à la transcription en cyrillique du nom de sa famille.
Elle fait des petits boulots puis, grâce à une rencontre fortuite avec Cecil B. DeMille, obtient un poste dans un de ses films. Elle y rencontre Frank O'Connor, jeune acteur qu'elle épouse le 15 avril 1929. Elle est naturalisée américaine en 1931.
Son premier succès littéraire est la vente de son scénario Red Pawn en 1932 à Universal Studios. Elle écrit en 1934 la pièce de théâtre Night of January 16th qui est produite à Broadway. La pièce était un procès dont le jury, choisi parmi les spectateurs, pouvait choisir la fin.
En 1936, elle publie Nous, les vivants (We the living) sur la cruauté de la vie sous le régime communiste russe puis, en 1938, Anthem, qui décrit une société dans laquelle le collectivisme a triomphé. Anthem ne fut accepté par aucun éditeur aux États-Unis et We the Living ne rencontra pas un grand succès. Stephen Cox, de l'Objectivist Center, considère que cela est dû à l’époque : We the Living « fut publié quand la popularité du socialisme russe était au plus haut parmi les faiseurs d'opinions américains »[2].
Son premier grand succès arrive avec la publication de La Source vive, en 1943, après qu'elle eut passé sept ans à l'écrire. Refusé par douze éditeurs, il est finalement accepté par la maison d'édition Bobbs-Merrill. Le livre devient un succès planétaire, adapté en 1949 au cinéma sous le titre Le Rebelle en France. Le livre s'est vendu depuis à plus de 6 millions d'exemplaires et il s'en vend encore 100.000 par an[3].
En 1957 est publiée sa principale œuvre, Atlas Shrugged, un roman qui met en scène des entrepreneurs en butte à l'étatisme d'une société socialiste pré-totalitaire. Le tirage initial est de 100.000 exemplaires et le livre devient rapidement un best-seller mondial. Selon une étude de 1991 de la Bibliothèque du Congrès américain, le livre est cité par les Américains comme le livre qui les a le plus influencés après la Bible[4]. Sa description de la crise et des actions des gouvernants qui l'empirent trouve une résonance toute particulière aujourd'hui, comme le reflète les ventes de l'ouvrage[5].
En 1950, elle crée un groupe qui prend le nom, par provocation, Le collectif avec Alan Greenspan, futur président de la Fed et Nathanael Blumenthal (qui deviendra Nathaniel Branden)[6]. Le cercle d'amis prend un rôle plus important, aidant Ayn Rand à diffuser ses idées (l'objectivisme) à travers le Nathaniel Branden Institute. Il éditera bientôt un périodique, The Objectivist.
Ayn Rand enseigna dans de nombreuses universités à partir de 1960, année où elle débute à l'université de Yale, à l'université de Princeton et à la Columbia University. Elle enseigna également à Harvard et au Massachusetts Institute of Technology (MIT).
Sa santé se détériore au début des années 1970, elle est opérée en 1974 pour un cancer du poumon. La fin de la relation avec Branden signe la fin de facto du NBI et certains amis objectivistes s'éloignent d'elles. Ses activités au sein du mouvement objectiviste se raréfient à la fin des années 1970, situation amplifiée par la mort de son époux, l'acteur Frank O'Connor, le 9 novembre 1979. L'un de ses derniers projets était une adaptation télévisée d'Atlas Shrugged ainsi qu'un roman, To Lorne Dieterling, dont elle n'a laissé que des brouillons préparatoires.
Elle meurt d'une insuffisance cardiaque le 6 mars 1982, chez elle, à New York. De nombreux compagnons objectivistes se rendent à son enterrement dont Alan Greenspan et David Kelley qui y lira If de Rudyard Kipling.
Les personnages de ses romans sont devenus des références clés dans la culture américaine comme John Galt, Dagny Taggart ou Kira Argonouva, interprétées au cinéma par Gary Cooper pour le premier, la superbe Angelina Jolie pour la seconde et la belle italienne Alida Valli pour la troisième.

Idées

Ayn Rand rejette l'étiquette libertarienne[7]. Sa philosophie repose sur une commande ou un ordre que l'être humain doit s'imposer à lui-même : se surpasser durant toute sa vie. L'idéal n'est pas de se comparer aux autres mais de vivre le potentiel qui réside en chacun de nous. Il s'agit de se stimuler par l'émulation et non par la concurrence compétitive.
La seule influence que reconnaît Ayn Rand en philosophie est celle d'Aristote ; pour le reste, elle affirme avoir construit sa philosophie par sa seule réflexion. Bien qu'elle s'en défende, sa philosophie a beaucoup de points communs avec celle de Friedrich Nietzsche, notamment l'individualisme, un certain élitisme, le refus d'une "morale d'esclave" et la recherche de "valeurs" qui dépassent le nihilisme (l'absence de valeurs) et le ressentiment (valeur des "faibles"). Cependant, bien que les personnages de ses romans puissent évoquer l'Übermensch nietzschéen, Rand estime que l'homme n'est pas "quelque chose à dépasser", mais à réaliser pleinement, et que le but de la vie n'est pas la "volonté de puissance" mais la recherche du bonheur sur une base rationnelle (voire rationaliste, ce que Nietzsche n'aurait pas forcément approuvé).
Elle a influencé un certain nombre de disciplines et d'auteurs :

L'objectivisme : un réalisme épistémologique

Ayn Rand a dénommé sa philosophie « objectivisme », parce que celle-ci est basée sur la prémisse que la réalité est un objectif absolu. Chacun d'entre nous a l'obligation de percevoir et de comprendre la réalité afin de survivre. Et, la qualité ultime dont chacun doit disposer est sa capacité à raisonner.
Plus précisément, en suivant la présentation faite par Alain Laurent[8], l'objectivisme accorde à la réalité une priorité lexicale, c'est un fondement objectif sur lequel cette philosophie s'appuie. La pensée de Rand s'articule autour de quatre temps, comme elle l'a elle-même explicitement exprimé. [9]
  • une métaphysique : la réalité existe en tant qu'absolu objectif
  • une épistémologie : la raison est le seul moyen qu'a l'homme de percevoir la réalité, sa seule source de connaissance, son seul guide pour l'action et son moyen basique de survie
  • une éthique : l'homme est une fin pour lui-même, et non un moyen pour les autres
  • une politique : le système politico-économique idéal est le capitalisme de laissez-faire.

Une métaphysique fondée sur la réalité objective

La réalité existe indépendamment de la conscience de celui qui perçoit. Elle est intangible et dans un contexte donné, une seule réponse est vraie. La vérité n'est pas automatiquement donnée à la conscience. Ce "métaphysiquement donné" est donc une ontologie, et plus exactement encore, une onto-téléologie impliquant une causalité omniprésente, où tout n'est qu'effet de causes finales découlant de la nature des entités considérées. La liberté de l'homme est l'expression d'une causalité descendante, non déterministe, lui permettant d'accomplir les fins assignées par sa nature.

Une épistémologie centrée sur la raison

Comment l'homme découvre-t-il la nature du réel ? C'est par la raison, par la connaissance humaine - qui repose sur un travail fondamental de conceptualisation - que l'on saisit l'exacte nature de la réalité. Ces concepts axiomatiques sont "les gardiens de l'esprit humain et le fondement de la raison". Ils s'expriment sous la forme d'une redondance : "l'existence existe" ; "A est A" ; "la conscience est consciente". Le moteur de ce travail de conceptualisation, c'est la raison. La méthode qu'emploie la raison dans ce processus est la logique, et la logique est l'art d'identifier les contradictions. La raison est la perception du réel et repose sur un seul axiome : la loi de l'identité (ce qui existe existe, et ne peut pas ne pas exister simultanément).

Une éthique de l'intérêt particulier rationnel

L'éthique d'Ayn Rand est basée sur ce que Robert Nozick appelle "l'argument randien" : l'homme doit, pour se maintenir en vie, agir autrement que ne font tous les autres êtres vivants. Il a besoin de "valeurs", non automatiquement données, de type "conceptuel" et en adéquation avec la réalité du contexte où il vit. Ces valeurs ne peuvent provenir que de sa conscience. Un "code" d'un genre inédit sur terre lui est nécessaire : un "code de valeurs pour guider les choix et actions". L'éthique objectiviste considère la vie de l'homme comme le fondement de toute valeur, et sa propre vie comme le but éthique de chaque individu. C'est donc pour chacun sa vie personnelle et la conservation de soi en vie, la "survie" selon la raison, qui constituent la "valeur ultime". Avec une précision toutefois : l'enjeu n'est pas tant de survivre à tout prix au sens purement biologique, mais en être humain bien décidé à vivre en accord profond avec ses valeurs rationnelles[10]. N'est moralement justifié et donc juste que le bénéfice de ce qu'un individu produit par ses propres efforts rationnels.

Une politique qui promeut le capitalisme de laissez-faire

Il ressort des développements précédents une réaffirmation par Rand des droits humains fondamentaux (le droit à sa propre vie, le droit de propriété, la propriété de soi, la nécessité d'une liberté individuelle de décision et d'action, la non-initiation de la force envers les autres). La tâche du gouvernement est de faire respecter ces droits, en prévenant l'initiation de la force, et en la punissant le cas échéant. Il se limite donc à la police, à l'armée, à la justice. Rand s'oppose vertement aux conceptions intégralement privatisées de la société, qui laisseraient libre cours à des interprétations subjectives et arbitraires de la justice. Il en découle, pour elle, que le seul régime économique en adéquation avec ces fondamentaux, c'est le capitalisme de laissez-faire, car il est "fondé sur la séparation de l'Etat et de l'économique, de la même façon et pour les mêmes raisons que la séparation de l'Etat et de l'Eglise[11]".

La psycho-épistémologie

Ayn Rand a défini la psycho-épistémologie comme « l'étude des processus cognitifs humains vus à partir de l'interaction entre l'esprit conscient et les fonctions automatiques de l'inconscient ». Harry Binswanger a repris ces observations sur le rôle du subconscient dans la réflexion et sur les opérations spécifiques par lesquelles chaque individu peut « programmer » son subconscient. L'esprit conscient est le gestionnaire du subconscient, "remplissant" et "récupérant" les données d'information, ce qui est et ce qui n'est pas directement volontaire. Cette approche permet d'appréhender une nouvelle théorie de la créativité.

La théorie du libre arbitre

Selon la théorie du libre-arbitre, l'individu contrôle fondamentalement sa propre vie, il se forge son propre caractère, et il est moralement responsable de ses propres actions. Ayn Rand avance une théorie originale du libre arbitre où la volonté est contrainte par un seul choix fondamental : penser ou de ne pas penser. Car, l'individu peut faire de véritables choix, des choix qui sont entièrement de son fait et qu'il peut générer sans qu'on les lui impose. Le libre arbitre refuse une conception de l'être fondamentalement passif, qui réagirait aux facteurs en dehors de son contrôle.
Le théorie du libre-arbitre explique l'importance vitale de la compréhension de soi-même et de la nature humaine en général. Ayn Rand fait valoir que la volition du contrôle de son propre esprit est un axiome qui doit être considéré comme implicitement vrai, même si des auteurs comme Karl Marx, Sigmund Freud ou Burrhus Frederic Skinner ont tenté de le nier.

Ayn Rand et l'humour

Pour Ayn Rand, l'humour est avant tout destructeur : c'est une négation de l'importance métaphysique de la chose dont on rit. Pour elle, « il est monstrueux de rire de ce qui est bien, de rire des héros ou des valeurs, et par-dessus tout de rire de soi-même. C'est le pire que vous puissiez faire, psychologiquement : cela revient à vous cracher vous-même au visage. »[12]
Fidèle à ce point de vue, Ayn Rand utilise l'humour pour montrer l'absurdité du collectivisme et des "bons sentiments" irrationnels. Voici quelques exemples de passages humoristiques (d'un humour parfois involontaire) tirés de La Grève :
« Dagny, elle, ignorait tout de la nécessité d'entretenir des relations avec Washington et n'en mesurait pas les implications. Mais cela paraissait bel et bien une nécessité, et elle classa la chose, se disant qu'il existait quantité de boulots repoussants, mais nécessaires, comme de nettoyer les égouts. Quelqu'un devait s'en charger, et Jim semblait aimer ça. »
« Quel mérite y a-t-il à donner un emploi à quelqu'un qui le mérite ? En donner à ceux qui ne le méritent pas, ça, c'est du mérite ! »
« Si tu tiens vraiment à faire oublier que tu sors des quartiers pauvres, tu devrais être un peu plus sensible aux principes de l'action sociale. Les pauvres ont rarement la fibre humanitaire. Il faut être né riche pour comprendre les subtilités de l'altruisme. »
« La centralisation détruit ce fléau qu'est le monopole. »
« — [Un article de loi] dit que tous les salaires, prix, rémunérations, dividendes, bénéfices et ainsi de suite seront gelés à la date d'entrée en application du décret. Les impôts aussi ? — Ah non ! hurla Mouch. Comment savoir de quelles sommes nous aurons besoin à l'avenir ? »
« Le problème avec notre monde moderne, c'est que trop de gens pensent trop. (...) Il ne faut plus se fier à la raison, c'est dépassé. »
« Si le Rearden Metal ne vaut rien, c'est un danger public. S'il est bon... c'est un danger social. »
« Il se promenait avec un pistolet automatique dans une poche et une patte de lapin dans l'autre. »
« C'est le discours le plus pervers que j'aie jamais entendu ! Il va inciter les gens à exiger d'être heureux. »
« Si vous souhaitez une économie libérale, ordonnez aux gens d'être libres ! »

Citations

  • « Ma philosophie conçoit essentiellement l'Homme comme un être héroïque dont l'éthique de vie est la poursuite de son propre bonheur, la réalisation de soi son activité la plus noble, et la Raison son seul absolu. »
  • « Le bien, disent les mystiques de l’esprit, c’est Dieu, un être qui se définit uniquement par l’incapacité de l’homme à le concevoir ; une définition qui stérilise la conscience de l’homme et démolit ses concepts d’existence. Le bien, disent les mystiques du muscle, c’est la Société ; quelque chose qu’ils définissent comme un organisme sans forme physique, un super être qui ne s’incarne dans personne en particulier et dans tout le monde en général excepté vous. » - Atlas Shrugged
  • « La foi des mystiques n’a jamais abouti à rien d’autre qu’à la destruction, comme vous pouvez le constater autour de vous une fois de plus. Et si les ravages occasionnés par leurs actes ne les ont pas incités à s’interroger sur leurs doctrines, s’ils prétendent être animés par l’amour alors qu’ils empilent des montagnes de cadavres, c’est parce que la vérité de leurs intentions est encore pire que l’excuse obscène que vous leur trouvez, selon laquelle ces horreurs sont au service de nobles fins. La vérité est que ces horreurs sont leurs fins. » - Atlas Shrugged
  • « Vous proposez d’établir un ordre social fondé sur le principe suivant : que vous êtes incapables de diriger votre vie personnelle, mais capables de diriger celle des autres ; que vous êtes inaptes à vivre librement, mais aptes à devenir des législateurs tout puissants ; que vous êtes incapables de gagner votre vie en utilisant votre intelligence, mais capables de juger des hommes politiques et de les désigner à des postes où ils auront tout pouvoir sur des techniques dont vous ignorez tout, des sciences que vous n’avez jamais étudiées, des réalisations dont vous n’avez aucune idée, des industries gigantesques dans lesquelles, selon votre propre aveu, vous seriez incapables d’exercer les fonctions les plus modestes. » - Atlas Shrugged
  • « Je n'ai besoin ni de justification ni de sanction pour être ce que je suis. Je suis ma propre justification et ma propre sanction. » (I need no warrant for being, and no word of sanction upon my being. I am the warrant and the sanction.)
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      Philosophie

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      Le mot philosophie (du grec ancien φιλοσοφία, amour de la sagesse) désigne une activité et une discipline existant depuis l'Antiquité et se présentant comme un questionnement, une interprétation et une réflexion sur le monde et l'existence humaine.
      La philosophie ne se donne pas un objet d'étude particulier et unique. On trouve toutefois au sein de la philosophie des domaines d'étude distincts, tels la logique, l'éthique, la métaphysique, la philosophie politique, la théorie de la connaissance, l'esthétique, la philosophie du droit, la philosophie des sciences (appelée aussi épistémologie), la philosophie de l'esprit, l'anthropologie philosophique, ou la philosophie du langage.
      En réalité, aucune discipline, qu'il s'agisse des mathématiques, de la sociologie, de l'histoire, de l'économie, ne peut s'abstraire totalement de la philosophie, ce qui rejoint la définition de la philosophie qu'avait l'Antiquité comme "ensemble des connaissances humaines" :
      Philosopher, c'est réfléchir sur un ensemble de faits pour en tirer des généralités. Philosophie, en un mot, veut dire réflexion et généralisation. C'est ainsi que l'on dit : la philosophie de l'art, la philosophie de l'histoire. (Emile Durkheim, Cours de philosophie, 1884)

      Libéralisme et philosophie

      Le libéralisme peut être défini comme :
    • une philosophie politique (vision classique) ;
    • une philosophie du droit et une éthique sociale (vision libertarienne)

    Citations

  • La philosophie étudie la nature fondamentale de l'existence, de l'homme, et de la relation de l'homme à l'existence. À l'opposé des sciences particulières, qui ne se préoccupent que d'aspects particuliers, la philosophie se préoccupe de ces aspects de l'univers qui touchent tout ce qui existe. Dans le domaine de la cognition, les sciences particulières sont les arbres, mais la philosophie est le terreau sur lequel pousse la forêt. (Ayn Rand, La philosophie: qui en a besoin)

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     Objectivisme

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    L'objectivisme désigne les doctrines philosophiques selon lesquelles il existe un monde réel objectif connaissable directement par l'esprit, ou qui admettent l'existence en soi, en dehors des hommes, des valeurs morales. Il s'oppose en cela au relativisme.
    Une citation objectiviste typique est « Reality is that which, when you stop believing in it, doesn't go away -- Philip K. Dick » (La réalité, c'est ce qui ne disparaît pas quand on arrête d'y croire.)

    Philosophie

    L'Objectivisme (avec un grand O, pour ses zélateurs) est aussi le nom donné à sa philosophie par la philosophe Ayn Rand. Cet Objectivisme est un courant qui s'inscrit dans le prolongement de la philosophie dite réaliste (Aristote, Thomas d'Aquin). Il s'apparente au libéralisme non utilitariste. Il est inspiré du jusnaturalisme et de l'école autrichienne d'économie.
    L'Objectivisme couvre les cinq branches classiques de la philosophie: métaphysique, épistémologie, éthique, politique et esthétique.
    Sa métaphysique énonce qu'il existe un monde objectif extérieur à la conscience (toute conscience), à la fois nécessaire et strictement déterminé par les lois de la causalité. Les trois axiomes de la métaphysique objectiviste sont les suivants, dans l'ordre d'importance[1] :
    • axiome d'existence : quelque chose existe, qui est perceptible ;
    • axiome d'identité et de causalité : chaque chose est spécifique et agit selon sa nature ;
    • axiome de la conscience : les choses sont perçues par la conscience, ces perceptions reflètent la réalité ; la conscience ne précède pas l'existence (rejet de l'idéalisme).
    Son épistémologie énonce que la connaissance humaine est à la fois axiomatique et expérimentale. Un axiome, dans ce contexte, est une connaissance vraie du monde à la fois évidente et irréfutable. Dire qu'un axiome est « évident » signifie que tout être humain le perçoit immédiatement, par l'expérience, à la fois par l'introspection et par l'observation extérieure.
    Les principaux axiomes sont les lois aristotéliciennes de la logique: axiome de l'identité (une chose est elle-même) et axiome de non-contradiction. L'Objectivisme y ajoute: l'axiome de l'existence (« l'existence existe ») et de la conscience (« la conscience existe »).
    Pour l'Objectivisme, les sens nous fournissent l'information sur ce qui existe, la conscience met en ordre et intègre cette information sous la forme hiérarchisée de concepts. La méthode sur laquelle se fonde la conscience est la logique.
    L'éthique Objectiviste s'appuie sur sa métaphysique et son épistémologie. Puisque le monde existe, et que l'homme existe, ce que l'homme doit faire, c'est agir de manière à survivre et à s'épanouir. Par conséquent, il doit vivre et agir en se fondant à chaque instant sur sa raison. Pour l'Objectivisme, la morale consiste à être « rationnel » et à choisir la vie - en l'absence de ce choix, la question de l'éthique ne se pose pas. L'homme doit donc rejeter toute forme de discours « irrationnel », qu'il soit théologique ou politique. Ceci est accepté par plusieurs philosophies et idéologies, mais l'Objectivisme se distance d'eux par sa déclaration que le plus haut but moral d'un homme est sa propre vie et que son propre bonheur constitue son plus haut but moral. La raison Objectiviste demande à chaque individu de chercher son propre bonheur, et en corollaire, de laisser aux autres la possibilité de chercher le leur. Par conséquent, un principe moral fondamental de l'Objectivisme est le principe de non-agression (physique). En aucun cas, un individu ne doit en agresser physiquement un autre. De plus, la recherche du bonheur personnel est incompatible avec le sacrifice pour les autres. Par conséquent, l'éthique Objectiviste consiste à rejeter toute forme de sacrifice sous quelque raison que ce soit : Dieu, la société, l'amour, etc. Les Objectivistes expriment cette idée en disant que « l'individu est une fin en lui-même, non un moyen au service des fins d'autrui ».
    La politique Objectiviste est dérivée de l'éthique : elle prône la suprématie des « droits individuels » (en effet, une liste très spécifique des droits) sur les désirs des dirigeants ou les droits de la société. L'Objectivisme soutient le capitalisme « pur » (c'est-à-dire, le droit à la propriété privée est considéré comme un principe fondamental, à ne pas être violé même lorsqu'une telle violation peut sauver des vies humaines). Naturellement, l'Objectivisme a été beaucoup critiqué pour ces vues. Le plus grand adversaire de l'Objectivisme dans le domaine de la philosophie politique est l'utilitarisme (mais il y a aussi beaucoup d'autres, comme par exemple le Marxisme).
    Epistémologiquement, l'Objectivisme s'oppose au positivisme, au relativisme et au théisme. Moralement, à l'altruisme. Politiquement, il s'oppose au totalitarisme, au nationalisme, à l'étatisme, à l'anarchisme, au socialisme, au communisme, et même au capitalisme modéré.
    Les représentants les plus connus de la philosophie Objectiviste, outre Ayn Rand, sont Leonard Peikoff, Nathaniel Branden et Barbara Branden.
    Plus de détails en anglais: Objectivist_philosophy

    Objectivisme et libertarianisme

    Les deux philosophies ont beaucoup de points communs, ce qui fait qu'on les confond parfois :
    • toutes deux individualistes, elles militent pour la réduction de l'État et en faveur de l'initiative individuelle ;
    • elles reposent toutes deux sur l'axiome de non-agression ;
    • elles admettent l'existence de droits inaliénables ("vie, liberté, propriété", à la suite de Locke) ;
    • elles sont en faveur du capitalisme.
    En revanche l'objectivisme a une métaphysique propre alors qu'il n'y a rien de tel dans le libertarianisme, qui est le plus souvent déontologique ou conséquentialiste, et ne se revendique d'aucune métaphysique. L'objectivisme, qui est politiquement en faveur du minarchisme, s'oppose en revanche à l'anarcho-capitalisme.
    Voir aussi Libertarianism and Objectivism sur Wikipédia, et l'essai de David Boaz Objectivists and Libertarians.

    Objectivisme et subjectivisme

    La connexion de l'objectivisme randien et du subjectivisme utilisé par l'École autrichienne d'économie rend le néophyte hagard ; il peut se demander à bon droit comment ces deux concepts apparemment opposés peuvent aussi bien se conjuguer :
    « L'objectivisme est un domaine subjectif dans lequel toutes les valeurs importantes sont tenues pour être objectives alors que les sciences économiques sont supposées être une étude objective pour laquelle toutes les valeurs importantes sont considérées comme subjectives. Je suis presque certain que la prochaine génération de libertariens appréciera un assemblage terminologique moins confus. »
        — Mark Thornton, The Freeman: Ideas on Liberty - June 1995, Vol. 45 No. 6

    Critiques libérales et libertariennes

    L'objectivisme est critiqué sur divers plans :
    • un certain nombre de philosophes affirment que sa "métaphysique" n'est qu'une parodie de métaphysique ; il s'agit davantage d'une forme de positivisme philosophique antimétaphysique, qui découle d'un "réalisme naïf" sans profondeur ;
    • l'élitisme que promeut l'objectivisme randien (illustré par des personnages de roman comme Howard Roark ou John Galt) laisse de côté le fait que la valeur d'une réalisation n'est pas intrinsèque, mais découle de l'appréciation d'autrui. Cette forme d'élitisme semble découler de la pensée de Nietzsche[2], elle occulte la coopération sociale et la division du travail pour insister sur le héros romantique, souvent condamné à demeurer seul et incompris ;
    • plusieurs critiques (Murray Rothbard, David Friedman, Roy Childs, Norman Barry, Chandran Kukathas) soutiennent que l'éthique objectiviste est davantage compatible avec l'anarcho-capitalisme qu'avec le minarchisme ;
    • pour Robert Nozick l'éthique objectiviste est mal fondée, elle n'explique pas pourquoi le choix par une personne de la mort ou de l'absence de valeurs serait impossible ou irrationnel ; pour lui la défense objectiviste de la moralité de l'égoïsme est une pétition de principe ; le passage de l'être au devoir-être (problème de Hume) dans l'objectivisme est confus car on ne voit pas comment l'éthique ou le droit peuvent découler de l'égoïsme et de l'intérêt personnel ;
    • l'axiome de non-agression, qui pour Rothbard est un concept irréductible, est considéré comme un "principe" découlant de la philosophie objectiviste ; cependant, on pourrait très bien imaginer un dictateur objectiviste qui opprime la population au nom de sa propre recherche du bonheur et de son égoïsme personnel ; à l'objection objectiviste qu'il se place "en contradiction avec la réalité", il répondra que sa dictature fait aussi partie de la réalité, et que c'est le moyen qui lui convient pour satisfaire son égoïsme ;
    • est critiquée également la vision de l'univers et de la nature humaine propre à l'objectivisme et à Ayn Rand :
    « À l'instar de son maître à penser Aristote, elle catégorise les objets et les phénomènes comme s'ils possédaient une « essence » éternelle dans un univers statique. (...) L'anthropologie et la psychologie évolutionniste nous disent quant à elles que la raison n'est qu'une stratégie parmi d'autres pour traiter l'information toujours limitée qui nous permet d'agir de façon optimale: l'instinct, les émotions diverses programmées dans notre héritage génétique, restent essentiels pour nous guider, comme c'est le cas chez tous les animaux. Enfin, les mêmes sciences nous apprennent que l'altruisme a au contraire une fonction importante dans le développement de la coopération sociale de même que dans la propagation des gènes, et n'est en rien un pur « sacrifice » de soi, comme le déplore Rand. »
        — Martin Masse, Non-croyance et liberté
    • Rothbard critique aussi le soutien de Rand à des politiciens conservateurs, comme Goldwater, Nixon et Ford.
    • son mépris des populations primitives et sa justification de la domination occidentale sur les Indiens d'Amérique ou les Palestiniens ont été critiqués[3]
    • plusieurs libertariens ont critiqué le caractère sectaire de l'objectivisme à l'époque de Rand, promu par une organisation comparable à une secte religieuse ou un parti communiste : refus de la critique, culte du chef, pression psychologique, purges, obligations absurdes ("fumer est une obligation morale"), etc. :
    « Le pouvoir, et non la liberté ou la raison, tel était le moteur central du mouvement randien. Le grande leçon de l'histoire du mouvement libertarien est que cela peut arriver chez nous, que les libertariens, malgré leur dévotion explicite envers la raison et l'individualité, ne sont pas à l'abri d'un culte mystique et totalitaire, qui envahit les mouvements idéologiques comme les mouvements religieux. Il faut espérer que les libertariens, ayant déjà attrapé le virus une fois, se montreront désormais immunisés. »
        — Murray Rothbard, Sociologie du culte d'Ayn Rand, 1972



     

Globalisation - Mondialisation 8/8 (La criminalité et le terrorisme)

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La criminalité et le terrorisme


 À la fin du XXe siècle est apparu un nouveau phénomène : la mondialisation simultanée de la criminalité, du terrorisme et de la corruption, une dangereuse « trinité » qui se manifeste dans toutes les régions du monde. Elle se rencontre dans les pays les plus pauvres de l'Amérique latine et de l'Afrique, mais également au cœur de l'Europe prospère. Profitant de la corruption, des groupes de criminels et des cellules terroristes agissent ensemble, que ce soit dans la zone dite de la triple frontière en Amérique latine (Brésil, Paraguay, Argentine) ou dans le cadre des conflits régionaux de l'Afrique de l'Ouest, dans l'ex-Union soviétique ou dans les prisons d'Europe occidentale. La criminalité et le terrorisme sont également associés en Australie, en Asie et en Amérique du Nord, ainsi qu'en témoignent des affaires criminelles qui confirment l'intégration importante de ces activités.
 
Cette trinité est cependant plus complexe que le simple recours des terroristes à des activités criminelles pour financer leurs activités ou la circulation accrue de biens illicites à l'échelle mondiale. Il s'agit plutôt d'un phénomène distinct, dans le cadre duquel des réseaux criminels mondiaux agissent avec des terroristes, les deux groupes menant ainsi à bien leurs activités, à la faveur d'une corruption généralisée.

Cette distinction artificielle qu'on fait entre criminalité et terrorisme se fonde sur une définition obsolète des deux phénomènes. Le précepte selon lequel les criminels seraient motivés par l'appât du gain et les terroristes exclusivement par des convictions politiques ne correspond plus à la réalité contemporaine. Les criminels ne font plus partie d'organisations hiérarchiques ne menaçant pas l'État - comme c'était le cas de la mafia sicilienne ou des Yakuza japonais. Les terroristes, dont l'action est souvent financée par des activités criminelles, passent souvent de la criminalité au terrorisme et vice versa. La structure en réseaux de ces deux groupes leur permet d'entrer en contact, sans que les uns aient nécessairement toujours conscience de l'identité des autres. Il se peut que les deux groupes coopèrent directement ou qu'ils soient en contact par le biais d'intermédiaires. Par exemple, à Los Angeles, l'école de langues qui a fourni des visas à certains des pirates de l'air du 11 septembre 2001 en a également fourni à des prostituées appartenant à un grand réseau de traite d'êtres humains. Ce réseau se livrait également à des vols d'identité susceptibles de faciliter les agissements de terroristes.

Contrairement à l'opinion selon laquelle ce phénomène serait né avec la mondialisation, la criminalité organisée et le terrorisme existent depuis longtemps à l'échelle internationale. Dans les années 1930 déjà, les membres de la mafia italienne des États-Unis se rendaient à Kobé (Japon) ou à Shanghaï (Chine) pour s'approvisionner en drogue et des membres de divers groupes criminels américains se réfugiaient en Chine pour échapper à la justice américaine. Des membres de l'Armée républicaine irlandaise ont trouvé refuge dans des communautés irlandaises implantées à l'étranger, qui apportaient également un appui financier à l'organisation agissant en Irlande.
 

La nouveauté tient cependant à la rapidité et à la fréquence de ces échanges, ainsi qu'au degré de coopération entre ces deux formes de criminalité transnationale. 
Les criminels aussi bien que les terroristes ont établi des réseaux transnationaux, répartissant entre plusieurs continents leurs activités, leur planification et leurs moyens logistiques et semant ainsi la confusion parmi les systèmes judiciaires nationaux qui ont l'habitude de combattre la criminalité transnationale sous toutes ses formes. Les criminels transnationaux bénéficient grandement de la mondialisation. Les terroristes et criminels font circuler des personnes, de l'argent et des marchandises dans un monde où les flux de plus en plus importants de personnes, d'argent et de marchandises masquent à merveille leurs agissements. Les terroristes aussi bien que les criminels transnationaux ont internationalisé leur action pour atteindre leurs cibles, commettre leurs actes et échapper aux autorités.
 

Le lien avec la mondialisation
Les réseaux internationaux de criminalité organisée ont mondialisé leurs activités pour les mêmes raisons que les sociétés multinationales les plus respectables. Les sociétés multinationales établissent des filiales dans le monde entier pour tirer parti d'une main-d'œuvre ou de marchés de matières premières intéressants. Les groupes qui agissent dans l'illégalité font de même. En outre, les groupes internationaux, qu'ils soient légaux ou illégaux, s'implantent également à l'échelle mondiale pour répondre à leurs besoins de production, de commercialisation et de distribution. Les groupes illégaux parviennent à étendre leur champ d'action en tirant parti du nouveau contexte économique, grâce à la révolution des communications et des transports internationaux. Les terroristes ont eux aussi mondialisé leur action, en tirant parti de la possibilité de recruter à l'échelle internationale, de rester proches de communautés d'émigrés qui puissent leur apporter un appui logistique et financier et d'accéder à des communautés plus fortunées.

La fin de la guerre froide a pour beaucoup contribué à la montée de la criminalité transnationale. La fin du face-à-face entre super-puissances a réduit le risque de conflits de grande envergure, mais depuis la fin des années 1980, le nombre de conflits régionaux a augmenté de façon exponentielle. Malheureusement, les armes et les combattants qui alimentent ces conflits sont souvent liés à des activités criminelles transnationales, par exemple au trafic de drogues, de diamants et d'êtres humains. Ces conflits ont donné lieu à un nombre sans précédent de réfugiés et ont nui aux activités économiques licites de ces régions, qui sont alors devenues des lieux privilégiés de recrutement de terroristes ou des refuges où former des terroristes et planifier leurs agissements.
 
L'essor des activités transnationales illicites a été énormément aidé par les grands progrès technologiques réalisés après la Deuxième Guerre mondiale. L'augmentation du trafic aérien civil, les améliorations des télécommunications (notamment le téléphone, la télécopie et les communications rapides via l'internet) et la croissance du commerce international ont facilité la circulation des biens et des personnes. Les criminels et les terroristes profitent de l'anonymat des salons de bavardage sur l'internet et d'autres formes de communication informatisée pour planifier et mener à bien leurs activités. Les terroristes du 11 septembre se sont servis d'ordinateurs accessibles au public pour envoyer des messages et acheter leurs billets d'avion. De même, les trafiquants de drogue colombiens planifient et effectuent leur commerce illicite au moyen de télécommunications codées.

La mondialisation s'accompagne d'une idéologie favorable au libéralisme économique et au libre-échange et d'une réduction de l'intervention des États. D'après les partisans de la mondialisation, la réduction des réglementations internationales et des obstacles au commerce et aux investissements aura pour effet d'accroître les échanges et le développement. Mais ces conditions favorables à la mondialisation contribuent également de façon décisive à la hausse de la criminalité. Les groupes de criminels et les terroristes profitent de l'assouplissement considérable des réglementations, de la réduction des contrôles frontaliers et de la plus grande liberté qui en résulte pour étendre leur action au-delà des frontières et dans de nouvelles parties du monde. Ces contacts s'effectuent plus fréquemment et plus rapidement. Alors que la croissance du commerce légal est réglementée par l'application de politiques de contrôle des frontières, ainsi que par des agents des douanes et des systèmes bureaucratiques, les groupes de criminalité transnationale profitent librement des lacunes des systèmes juridiques nationaux pour étendre leur portée. Ils se rendent dans des régions dont ils ne peuvent être extradés, établissent leurs opérations dans des pays où l'application des lois est inefficace ou corrompue et blanchissent leurs capitaux dans des pays où règne le secret bancaire ou qui disposent de peu de mécanismes de contrôle efficaces. En répartissant ainsi leurs activités, les criminels et les terroristes tirent parti de la mondialisation, tout en agissant à moindre risque.
 

Le commerce mondial s'est énormément développé dans la deuxième moitié du XXe siècle. Les flux très importants de marchandises licites ont masqué une hausse des marchandises illicites. Il est très difficile de détecter les marchandises illicites parmi celles qui sont licites. Le pourcentage de porte-conteneurs dont la cargaison est vérifiée est très faible, ce qui facilite le trafic de drogue et d'armes et la contrebande. Il est ainsi possible de transférer de la drogue à bord d'un thonier, afin d'échapper à toute détection, et une société de production de miel peut servir à transférer des fonds et à générer des profits pour Al-Qaïda.
 

De nombreuses formes de criminalité mondialisée se sont accentuées au cours des dernières décennies. Le trafic de drogue a été le premier secteur d'activités illicites à maximiser ses profits à l'ère de la mondialisation. Les criminels ont tiré d'énormes bénéfices du trafic de drogues, et de nombreux terroristes en ont fait un important moyen de financement. Mais à mesure que la concurrence s'est intensifiée sur le marché de la drogue et que la répression de la communauté internationale s'est durcie, les bénéfices réalisés ont été réduits par la concurrence et l'accroissement des risques ; de nombreux criminels et terroristes se sont donc tournés vers d'autres formes de criminalité facilitées par la mondialisation de l'économie. Les criminels aussi bien que les terroristes ont par la suite tiré des profits financiers de l'augmentation du trafic d'armes et du commerce d'êtres humains. On a également observé une progression très importante du commerce illicite d'espèces protégées, de déchets toxiques, d'œuvres d'art et d'antiquités volées, de produits de contrefaçon et de la criminalité mondialisée liée aux cartes de crédit. Les groupes de criminalité organisée et les terroristes exploitent toutes ces activités, parfois même conjointement.
 

Un secteur de services de taille importante s'est également développé pour répondre aux besoins de toutes les formes de criminalité transnationale. Il s'agit notamment de pourvoyeurs de faux documents, de blanchisseurs d'argent et même d'experts de haut niveau qui fournissent des services juridiques, financiers et comptables aux deux groupes. Cette tendance se manifeste entre autres par le fait que l'établissement bancaire Riggs Bank de Washington, qui a compté parmi ses clients honnêtes des présidents américains et un grand nombre de membres des milieux diplomatiques internationaux, a été poursuivi en justice pour avoir blanchi des capitaux du dictateur de la Guinée équatoriale et facilité le transfert de fonds en direction de terroristes, ce qui lui a valu une amende de 25 millions de dollars. Cette affaire montre que les activités des criminels et terroristes ne restent pas toujours dans l'économie de l'ombre mais se mêlent souvent au système économique légitime. 

Que peut-on faire ?

Il faut que nous modifiions radicalement notre approche de la sécurité internationale. En s'accrochant à la distinction artificielle et dépassée selon laquelle les criminels seraient motivés seulement par le profit et les terroristes seulement par des convictions politiques ou religieuses, les décideurs, les forces de l'ordre et les stratèges militaires ne peuvent lutter efficacement contre le nouveau phénomène des réseaux criminels transnationaux.
 
Les États et les organisations multilatérales doivent abandonner leur conception de la sécurité datant de la guerre froide, selon laquelle les conflits entre États-nations constitueraient la principale menace pesant sur la sécurité internationale, laquelle pourrait donc être garantie par les États. Par exemple, une stratégie qui viserait à empêcher la prolifération d'armes de destruction massive en interdisant seulement l'accès aux matériaux nécessaires à leur fabrication serait certes brillante en théorie mais fatalement vouée à l'échec, car, s'ils ne remédient pas aux menaces supplémentaires que constituent la corruption généralisée et les activités des réseaux criminels et terroristes, les États risquent d'instaurer un sentiment factice de sécurité.

Pour combattre la conjonction de la criminalité, du terrorisme et de la corruption dans un contexte mondial, il faut également remédier aux conditions sociales, politiques et économiques qui suscitent et entretiennent ces trois fléaux. Tous sont liés à des problèmes structuraux ayant trait aux inégalités économiques entre pays, à des régimes autoritaires et au manque de perspectives de nombreuses régions du monde. Une solution viable consiste à reconnaître et à combattre le sentimental d'aliénation qui est à l'origine d'une grande partie des actes de terrorisme, notamment parmi les populations islamiques. La possibilité d'avoir un emploi et de gagner sa vie joue à cet égard un rôle crucial pour de nombreux habitants des pays en développement, afin que, par exemple, les agriculteurs afghans et latino-américains n'aient plus à cultiver de la drogue pour subvenir aux besoins de leur famille.

La criminalité est souvent considérée comme secondaire par rapport au terrorisme. Depuis le 11 septembre 2001, de nombreuses ressources auparavant consacrées à la lutte contre la criminalité transnationale ont été réaffectées à la lutte contre le terrorisme. Il pourrait s'agir là d'une grave erreur, entre autres pour l'armée et les services de renseignement. La lutte contre la criminalité n'est pas une question secondaire mais figure au cœur du combat à mener contre le terrorisme. Les terroristes qui ont posé des bombes dans des trains à Madrid le 11 mars 2004 auraient pu en être empêchés si les autorités carcérales avaient fait attention au complot qui se tramait dans leurs établissements mêmes.
 
Les forces de police de Los Angeles, qui associent l'action de la police locale à celle des forces de l'ordre fédérales, constituent un exemple de stratégie efficace à cet égard. En faisant appel à la fois à des analyses d'experts et aux méthodes policières habituelles et en surveillant étroitement les activités criminelles au sein de leur communauté, les forces de police de Los Angeles ont brillamment réussi à déjouer d'éventuels complots terroristes et à tenir en échec des organisations qui financent et facilitent le terrorisme. En faisant preuve de coopération et en réduisant les obstacles bureaucratiques, la police de Los Angeles a pu combattre le terrorisme sans recourir à un quelconque mécanisme juridique particulier et sans porter atteinte aux droits prévus par la loi.

Si la menace que constituent les acteurs non étatiques comme les criminels et terroristes transnationaux continue de s'accentuer dans les décennies à venir, il faudra que la coopération internationale s'intensifie, que les lois soient mieux harmonisées et que les services de renseignements collaborent davantage. Nous devons cependant, dans le cadre de la mise en œuvre d'une politique de lutte contre la criminalité transnationale et le terrorisme, respecter les droits de l'homme et éviter des mesures qui entraîneraient une plus grande radicalisation et favoriseraient le terrorisme. C'est en modifiant notre conception des criminels, des terroristes et de la corruption, qui doivent être perçus comme interdépendants, et du traitement que nous leur réservons, que nous parviendrons à empêcher que les bienfaits de la mondialisation soient exploités au détriment de la sécurité internationale.
 
  2007


Crime

De Wikiberal
Le crime désigne la catégorie des infractions les plus graves, catégorie plus ou moins vaste suivant les pays et systèmes juridiques. Le terme provient du latin crimen, qui signifie en latin classique « accusation » ou « chef d'accusation » puis, en bas latin, « faute » ou « souillure ».
Le terme de crime a des sens différents en droit anglo-saxon et en droit français. Un homicide volontaire (meurtre), un assassinat (meurtre prémédité), ou un viol[1] sont des crimes. En droit de Common law, sont également des crimes le vol qualifié, les émeutes, les agressions sexuelles, les actes contraires aux bonnes mœurs, l'évasion fiscale, le parjure, etc. (de nombreux actes qui sont considérés comme des délits en droit continental).
 

Agression

De Wikiberal
Le terme d'agression désigne pour les libéraux le fait d'initier directement une violence (ou de menacer de le faire) à l'encontre d'un individu en visant soit son intégrité physique soit sa propriété, sans se préoccuper de son consentement. C'est donc le critère du consentement (relativement à un périmètre limité à notre propre corps et aux biens qui sont notre propriété personnelle) qui détermine s'il y a ou non agression.

Agression du point de vue libertarien

Pour les libertariens, la notion d'agression est très restrictive. Ne sont pas des agressions et donc ne donnent lieu à aucune violation du droit :
  • les insultes, la calomnie, la diffamation (conformité à la liberté d'expression, aucune violence physique ni atteinte à la propriété[1])
  • la rupture unilatérale d'un contrat (liberté d'action totale, moyennant des compensations prévues auparavant dans le contrat)
  • un échange de biens ou de services n'est pas une agression (les théories antilibérales de "l'échange inégal" sont absurdes : un échange a lieu parce que chacune des parties y trouve avantage, avantage qui n'est pas mesurable, car subjectif)
  • le plus souvent, le non-respect de la propriété intellectuelle n'est pas vu comme une agression ni un vol (hors contrat impliquant la personne concernée)
  • le licenciement d'un employé, le travail prétendument "mal payé", la concurrence "sauvage", le port d'armes, etc.
  • la publicité n'est pas une agression tant qu'elle n'impacte pas la propriété des personnes qu'elle cible et n'est pas trompeuse.
  • toute "agression" envers soi-même n'est jamais une agression au sens du droit, puisqu'il y a consentement (masochisme, suicide, don ou vente d'organes, grève de la faim, consommation de drogues, euthanasie...)
  • se défendre contre une agression n'est pas une agression (légitime défense)
Pour la plupart des libertariens, un grand nombre d'actions autorisées légalement, et qui sont uniquement le fait de l’État, sont en réalité des agressions :

Subjectivité et objectivité de l'agression

En accord avec le subjectivisme libéral (et en désaccord généralement avec le droit positif), une agression est seulement ce que la personne agressée définit comme "agression" (aspect subjectif), quand sa personne ou ses biens sont impactés par l'action d'autrui (c'est là l'aspect objectif). En effet, certaines actions jugées violentes ou dommageables par les uns (sado-masochisme, duel, travail "mal payé", euthanasie, etc.) peuvent être acceptées par ceux qui en sont apparemment les "victimes" : une condition nécessaire (mais non suffisante) à l'agression est l'absence de consentement.
La liste des conditions qui déterminent une agression peut donc s'établir ainsi :
  1. absence de consentement de la part de l’agressé (pas d’agression s’il y a consentement)
  2. impact dommageable démontrable sur la personne ou sur ses biens propres (l'agression ne doit pas être imaginaire ou subjective)
  3. existence d’un agresseur (la « nature » ou le « système capitaliste » ne sont pas des agresseurs)
  4. action positive de cet agresseur sur la personne ou sur ses biens propres (pas d’agression par inaction, par concurrence, par usage de la liberté d’expression, etc.)
  • Ce que signifie une agression violente est qu’une personne prend le contrôle de ce qui appartient à une autre sans son consentement. L’ingérence peut atteindre la propriété d’un homme sur sa propre personne (le cas d’une agression corporelle) ou sa propriété sur les choses comme dans le cas du vol ou de la violation de domicile. Dans un cas comme dans l’autre, l’agresseur impose sa volonté contre la propriété naturelle d’un autre, il prive sa victime de sa liberté d’action et du plein exercice de sa propriété naturelle de soi-même. 
  • (Murray Rothbard, L'Éthique de la liberté, chap. 8)


Coercition

De Wikiberal
La coercition est l'exercice de contraintes (le plus souvent d'origine étatique) pesant sur des individus et/ou leurs biens. De telles contraintes peuvent être justifiées d'un point de vue libéral pour assurer le respect du droit.

Point de vue libéral et libertarien

Pour certains libéraux, « la coercition a lieu lorsqu'on amène les actions d'un homme à servir la volonté d'un autre, non pour servir ses projets à lui, mais ceux de l'autre » (Friedrich Hayek). Cette acception pèche néanmoins par son imprécision. En effet, son sens est tellement extensif qu'il pourrait, par exemple, s'appliquer au publicitaire cherchant à persuader le consommateur potentiel des mérites d'un produit quelconque ou au séducteur baratinant une femme qu'il convoite.
C'est pourquoi les libertariens estiment plutôt qu'elle renvoie à toute action contraire au principe de non-agression (action qui consiste tant à employer la violence légale contre des individus innocents qu'à menacer de le faire).
En revanche, on ne peut appeler coercition ce qui découle de la nature des choses : les faits naturels, tels que la gravitation, la météorologie, ou le fait qu'il faille travailler pour vivre (rareté des biens). La révolte contre la nature, qui sous-tend plus ou moins inconsciemment les théories collectivistes, est une absurdité.
Du point de vue du droit, on pourrait parler de deux types de coercitions : la coercition (voire la violence) légitime, nécessaire pour assurer le plein exercice des droits individuels à l'encontre des personnes qui les violent, et la coercition illégitime :
«L’ennemie des libéraux n’est pas tant la coercition en soi que la coercition arbitraire, abusive et envahissante – celle qui bureaucratise toute une société en règlementant et réprimant là où libre initiative et libre association pourraient efficacement satisfaire besoins et aspirations des gens. D’une manière plus générale, la contrainte n’est pas davantage et ne saurait intrinsèquement être l’ennemie des libéraux, sauf à entretenir une conception bien sommaire et réductrice de la liberté. Si, dans une société ouverte, il y a logiquement bien moins de contraintes que dans une société close traditionnelle ou contemporaine (étatisée, collectivisée), celles-ci n’y disparaissent pas pour autant comme par enchantement. »
    — Alain Laurent
 

Terrorisme

De Wikiberal
Le terrorisme consiste en la pratique, par une personne, un groupe ou un État, de crimes violents destinés à produire sur leur cible (la population) un sentiment de terreur, souvent bien supérieur aux conséquences réelles de l'acte. Le terrorisme vise la population civile en général ou une de ses composantes, une institution ou les structures d'un État. L'objectif peut être d'imposer un système politique, de causer des destructions à un ennemi ou de déstabiliser une société, d'obtenir la satisfaction de revendications politiques, religieuses, racistes, séparatistes, etc.
Raymond Aron définit le terrorisme ainsi :
Une action violente est dénommée terrorisme lorsque ses effets psychologiques sont hors de proportion avec ses résultats purement physiques.
Partout et de tout temps, on observe que le terrorisme est le meilleur allié de l'accroissement de la coercition du pouvoir d'Etat ; il est d'autant plus nécessaire, en période de tension, de ne pas fléchir sur les principes de base des sociétés libérales.

Origine

Le mot terrorisme (ainsi que terroriste et terroriser) est apparu pour la première fois au XVIIIe siècle, durant la Révolution française, pendant le régime de la Terreur, lorsque le Comité de salut public dirigé par Robespierre exécutait ou emprisonnait toutes les personnes qui étaient considérées comme contre-révolutionnaires.
Le mot a plus tard évolué pour désigner aujourd'hui les actions violentes visant spécifiquement les populations civiles, faites dans le but de détruire, tuer et de mutiler. Les terroristes privilégient en effet les cibles civiles plutôt que les opposants armés.
Ces attaques ont pour but de promouvoir des messages à caractère politique ou religieux par la peur, ce qui différencie le terrorisme des actes de résistance visant à se libérer d'une occupation en détruisant les institutions politiques des occupants ou en assassinant ses représentants.

Les différents types de terrorisme

Il existe trois grands types de terrorisme :
  • le terrorisme individuel (nihiliste)
  • le terrorisme organisé (extrême-gauche, extrême-droite, islamisme)
  • le terrorisme d'État.
La terreur d'État a fait dans l'histoire beaucoup plus de victimes que la terreur d'en bas, celle du faible contre le fort.
Le premier épisode terroriste connu, rapporté par Flavius Josèphe, est celui des Zélotes, qui luttent en Palestine au Ier siècle après J.-C. contre l'occupant romain. La secte ismaïlienne des Assassins se fait connaître par ses actions violentes en Iran et en Syrie du XIe au XIIIe siècle. Autour de 1860, les mouvements nihilistes développent des actions terroristes en Russie.

Terrorisme intellectuel  

Le terrorisme intellectuel est la pratique qui, au moyen d'arguments et de procédés intellectuels (conformes en général à la liberté d'expression), vise à intimider pour empêcher la formulation d'idées gênantes. C'est une censure idéologique qui vise à empêcher de parler de tout ce qui ne rentre pas dans les grilles de l’idéologie, et qui sera dénoncé par le politiquement correct comme étant un dérapage. C'est un moyen de favoriser ses propres idées et donc soi-même en tant qu'incarnation de ces idées (intellectuel défendant son statut, parti visant la conquête du pouvoir). La politique est un des domaines privilégiés du terrorisme intellectuel, mais la culture, l'enseignement, etc. n'en sont pas exempts.
« Le terrorisme intellectuel, ce sont les moyens que mettent en œuvre ceux qui savent très bien qu'ils ont tort pour empêcher que les objections les atteignent. Ils n'ont pas d'autres méthodes. »
    — Jean-François Revel
« Qu'appelle-t-on terrorisme intellectuel ? Le fait de vouloir déconsidérer une personne qui exprime des opinions au lieu de les réfuter par des arguments. »
    — Jean-François Revel
« C'est un système totalitaire. Mais d'un totalitarisme patelin, hypocrite, insidieux. Il vise à ôter la parole au contradicteur, devenu une bête à abattre. À abattre sans que coule le sang : uniquement en laissant fuser des mots. Les mots de la bonne conscience. Les mots des grandes consciences. Les mots qui tuent. »
    — Jean Sévillia, Le terrorisme intellectuel : De 1945 à nos jours, éd. Perrin, 2004
Parmi les procédés habituels qui sont au cœur du terrorisme intellectuel : l'emploi de la censure, de sophismes, le relativisme, le polylogisme (l'opinion ne compte pas, c'est la situation sociale de celui qui parle qui compte), la diabolisation, l'emploi de motvirus ("ultra-libéralisme", "néolibéralisme" ), les obstacles moraux au consentement, etc.
En France, il existe plusieurs procédés de terrorisme intellectuel utilisables facilement pour éviter tout débat :
  • le classique "point Godwin" qui consiste à mettre son adversaire sur le même plan que les Nazis (argument ad hominem utilisé quand l'adversaire est à bout de ressources) ;
  • spécifiquement français, le "point Poujade" permet de clore tout débat sur la fiscalité ou le rôle de l'État : "tu n'es qu'un égoïste ordinaire, tu veux seulement payer moins d'impôts" ;
  • le "point fasciste" est souvent une conséquence logique du "point Poujade" : "tu es contre la solidarité et pour le darwinisme social". George Orwell observait (déjà à l'époque du fascisme) que « le mot fascisme n’a plus aucun sens, si ce n’est dans la mesure où il recouvre quelque chose d’indésirable ».
  • le "point c-u-l" ("c'est ultralibéral") : quand les procédés précédents apparaissent trop datés et trop usés, l'accusation inusable d'"ultra-libéralisme" permet de qualifier l'adversaire d'extrémiste, comme si la liberté (confondue avec l'anomie) relevait d'une idéologie arbitraire, tolérable tant qu'elle ne serait pas "extrémiste".
Voir aussi La gauche en France.

 


Who Are the ‘Terrorists’?

by Murray N. Rothbard
by Murray N. Rothbard
First published in the Libertarian Party News, March/April 1986.
"Terrorism" has been made The Issue of the Year, for which Americans are expected to tighten their belts, pay countless billions in taxes so the U.S. government and its allies can arm to the teeth, and suffer an escalating repression of their liberties.
Yet who the terrorists are supposed to be remains vague and shadowy. Their only apparent common characteristic is that they are swarthy and foreign; no Nordics need apply.
The top villains seem to appear and disappear kaleidoscopically. A few years ago it was Colonel Khadafy; remember the sinister, swarthy, and "bearded Libyan hit men" supposedly sent to the U.S. to assassinate President Reagan? For that alleged act a partial embargo was imposed on Libyan trade. Yet, the "hit men" seemed to have vanished into the night, never to be heard from again.
After Khadafy had his day in the sun, the Bulgarian equivalent of the KGB had its time at the top, supposedly having engineered Mehmet Ali Agca’s attempt to assassinate Pope John Paul II.
The "Bulgarian connection," so highly touted by conservatives and neo-conservatives in this country, seems to have blown itself away on the sea of lies, contradictions, and lunacies in Agca’s testimony. The only sure quantity in Agca and his proven colleagues is that they are right-wing Turks, hardly fitting candidates for the current White House-U.S. Establishment hit list.
After the fading away of the Bulgarian evil empire, the Lebanese Shiites and their alleged mastermind, the Ayatollah Khomeini, had a long run as "Top Terrorist of the Month."
The U.S. Navy had their turn at shelling and destroying Shiite villages in Lebanon, but the Shiites proved a hardy bunch, and the idea of bombing the alleged Shiite training camp headquarters in the Bekaa Valley foundered in the realization that Syria was there, with anti-aircraft rockets, and with Russia and World War III looming in the background.
Then, suddenly, presto chango, and the dread Shiites seem to have disappeared as the top terrorists, to be replaced by… none other than Colonel Khadafy, back from his long rest.
The chain of evidence linking the Colonel to the recent airport bombings is even flimsier than the hysteria over the Khomeini and Bulgaria, and ranks up there with the disappearing Libyan hit men.
The airport bombings "look like the work" of Abu Nidal, head of the militant Palestinian Fatah Revolutionary Council. That takes care of that, even though no one is really sure that Nidal is still alive.
Having established the Nidal responsibility to its satisfaction, the U.S. government then tries to link Khadafy to Nidal. The claims of the White House and the CIA that they have secret evidence should be met with the same contempt as the alleged "secret knowledge" the CIA was supposed to have had on Vietnam. No person or group should be convicted on secret knowledge.
Even the U.S. admits that its evidence against Khadafy "wouldn’t stand up in court." But a basic tenet of both libertarian and Anglo-Saxon law is that everyone must be considered innocent until proven guilty; otherwise, retaliation or punishment would itself be open criminal aggression, in fact would be "terrorism." Why doesn’t such a standard apply also to Arabs, even if foreign, swarthy, and sometimes even bearded?
In truth, Khadafy is not even charged directly with masterminding or even financing Nidal or other terrorists. He is charged with allowing Nidal to have bases on Libyan territory, with "harboring" terrorists. An interesting charge. (Although even here, there is some evidence that the airport terrorists came from bases in Lebanon, not Libya. But who cares, right, so long as we kill some Arabs, any Arabs?) What does it mean?
In New York and other cities of the United States, hundreds of innocent men, women, and children are terrorized every day, in crimes called mugging. Should the United States government carpet-bomb New York City, destroying it for "harboring" terrorists, and for allowing them to use the city as a "base"? But, you might say, that would mean murdering masses of innocents? Sure, so why then is it OK for the United States government to shell Shiite villages, murdering the innocent, or for Israel to bomb Tunisia, killing 61 innocents, or for the United States to bomb Libya?
The U.S. and Israel say that they deplore having to kill innocents, but since they feel that they must "retaliate," and they can’t pinpoint the actual terrorists – in fact, they don’t know where the terrorists are or even who they are – therefore, they must do something, and killing the innocent becomes a regrettable necessity.
But how does such an argument differ from the U.S. government carpet-bombing New York City ("We must retaliate, and it is regrettable that we have to kill thousands, but we can’t pinpoint the SOB’s"). Or, for that matter, how does it differ from policemen trying to catch a criminal fleeing into a crowd, and simply machine-gunning the entire crowd?
To bring the case closer to home, there is some evidence that the Air India plane that blew up out of Canada was sabotaged by Sikh terrorists, and that those Sikhs were trained in a CIA training camp in Alabama. Would the Canadian, or Indian, government be justified in a bombing strike against the CIA base in Alabama, even at the regrettable cost of killing a few thousand Alabamans? If not, why not? Isn’t Alabama a "harborer" of Sikh terrorists?
Furthermore, every group in this struggle has grounds to believe that they are "retaliating": the Arabs believe that they are retaliating against Israeli aggressors and their backers in the United States.
The rule should be absolute: no "retaliation" is ever justified that injures or kills innocent people, and that means people who are not themselves active criminals. Anything else is an apologia for unremitting and unending mass murder; anything else is chaos and old night, and a justification for "anarchy" in the bad sense.
Everyone rightfully scorns Communists for holding a double moral standard, for holding that no acts are immoral so long as they advance their cause. But what about the egregious and flagrant double standard upheld every day by the American establishment: from the White House down to the major political parties and the media? If they did not hold such a double standard, they would be condemning the following flagrant acts of terrorism:
  • The CIA mining that damaged several neutral and peaceful vessels in Managua Harbor.
  • Acts of brutality by the Nicaraguan contras.
  • The U.S. government’s aggression in an invasion of Grenada.
  • The U.S. government’s flagrant war threats against Libya.
  • Reagan’s act of terrorism against U.S. citizens in Libya, by threatening them with jail sentences if they do not leave.
This last act has an interesting twist: these Americans, who have been peacefully let alone by the dread Libyan government, are supposedly being forced to leave Libya by the U.S. for "their own protection."
Struggling to wriggle out of this blatant double standard has been a major project of the favorite theoretician of the conservatives and neo-cons, Mrs. Jeanne Kirkpatrick, she who first made her mark with a sophistic distinction between "authoritarian" torture (good) and "totalitarian" torture (bad). Any sensible treatment of terrorism would define it as "aggression against innocent people."
First, Mrs. Kirkpatrick and her colleagues tried to redefine "terrorism" as such aggression by private groups, thereby letting the U.S. and Israeli governments off the hook.
But then, with escalating hysteria against Khomeini, Khadafy, Bulgaria, etc., the conservatives were forced to include "state-sponsored" or "state" terrorism in their lexicon.
Mrs. Kirkpatrick’s latest attempt to justify a double standard is that terrorists are evil because their "demands are unlimited" and random, whereas good guys make demands that are attainable and specific.
While the "unlimited" criterion might apply to the alleged airport bombings by Abu Nidal, they most emphatically do not apply to most previous terrorist acts, such as the Achille Lauro hijacking, since they have generally been linked to very specific demands for the release of Arab comrades from Israeli jails. Another sophistic attempt to whitewash U.S. and Israeli terrorist actions thus comes a cropper.
There also is a related double standard at work. So far, every bombing or assassination abroad is attributed to "terrorists"; while every similar occurrence within the United States – from the average mugging to the assassination of John F. Kennedy – is quickly assigned to the category of "lone nut," or, at the least, non-political.
Why a political murder should be considered somehow worse than a lone-nut or non-political one is itself a fascinating question. But the main point is that when a clearly political dynamiting or murder does take place within the borders of the United States – an area that the U.S. government should concern itself with far more than events 5000 miles away – no one seems to give much of a damn.
When one American, Leon Klinghoffer, was murdered on a hijacked Italian cruise liner, the New York media did not stop wailing about the deed for a solid month, and New York’s egregious Senator D’Amato actually proposed Klinghoffer for the Congressional Medal of Honor.
When one American, Alex Odeh, was murdered by the dynamiting of his Los Angeles office of the American-Arab Anti-Discrimination League, few kicked up a fuss. No media wailed day after day, no senator called for the granting to Odeh of the Congressional Medal of Honor. Why is that? Why the double standard?
Why is the murder of one American thousands of miles away treated so very differently from the murder of another right here at home? It would be interesting to see what moral theory Mrs. Kirkpatrick comes up with for that one.
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