La liberté d'expression vue par les libéraux et les libertariens
De manière tout à fait cohérente avec la conception
libérale de la
liberté
de l'individu, les libéraux défendent le droit de chacun d'avoir et
d'exprimer toute idée, sans discrimination de contenu. En effet, le fait
d'être exposé à l'opinion d'autrui ne constitue pas en soi une
agression,
quels que soient la divergence d'idées des parties et les courants les
plus influents dans la société. Par conséquent les libéraux s'opposent à
la répression contre des idées même contraires à leur
éthique, comme le
racisme, dont l'expression est un exemple de
crime sans victime. Le
libéralisme va donc plus loin que le
droit positif,
qui limite toujours la liberté d'expression en la soumettant à la
législation, même quand cette dernière n'instaure pas d'interdiction
préalable, par exemple :
« La libre communication des pensées et des opinions est
un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc
parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette
liberté, dans les cas déterminés par la Loi. »
— article 11 de la DDHC
La diffamation est un cas particulier de l'expression d'idées compatible avec l'
axiome de non-agression.
Ceux qui sont favorables à son interdiction considèrent que si l'on
exprime sans justification des jugements portant atteinte à la
réputation
d'une personne, on crée une victime. En fait, leur position est
notamment opposée à la liberté de conscience, puisqu'ils veulent imposer
par la force leurs propres normes de jugement.
La
réputation
d'un homme n'est pas sa propriété : elle n'a d'existence que dans
l'esprit des individus, et il n'appartient qu'à eux de choisir les
procédés par lesquels ils forment leurs opinions. Le droit de disposer
d'une partie de l'esprit d'autrui est radicalement rejeté par la théorie
libertarienne du droit.
En effet, c'est tout le problème des relations dites "spéciales"
ou "singulières" entre ce que pense un individu et son propre
comportement.
Une personne peut être en total désaccord avec ce qu'une autre
dit et agir en conséquence, par exemple, lorsqu'une chaîne de radio
profère des propos inadmissibles, il éteint sa radio. Si d'autres
apprécient ce que dit telle ou telle station de radio et choisissent
librement de l’écouter, il n'y a aucune raison de les en empêcher. Une
station de radio ne survit que par ses auditeurs, si elle les perd par
son comportement, elle devra soit rectifier le tir soit disparaître.
Rien n'empêche ses adversaires de lancer une radio concurrente, un
journal, un blog, un groupe pour combattre des propos jugés intolérables
en faisant usage de leur propre liberté d'expression.
D'une certaine manière, la liberté d'expression est la meilleure arme contre les débordements de la liberté d'expression.
Libéraux et libertariens sont donc opposés au délit d'opinion
(moyen de faire taire les dissidents), à la censure, à la police des
consciences, au délit de presse, au "droit" de réponse, etc.
Un des premiers manifestes en faveur de la liberté d'expression est l'
Areopagitica de l'écrivain
John Milton, publié en
1644, qui s'élève contre la censure préalable, et dont le sous-titre est :
pour la liberté d'imprimer sans autorisation ni censure. De même,
Baruch Spinoza, dans son
Traité théologico-politique paru en
1670 (chapitre XX :
"Où l’on montre que dans un État libre il est loisible à chacun de penser ce qu’il veut et de dire ce qu’il pense") s'élève contre la censure :
« Il est évident que les lois concernant les opinions
menacent non les criminels, mais les hommes de caractère indépendant,
qu’elles sont faites moins pour contenir les méchants que pour irriter
les plus honnêtes, et qu’elles ne peuvent être maintenues en conséquence
sans grand danger pour l’État[1] »
Fausses idées sur la liberté d'expression
La plus répandue des fausses idées sur la liberté d'expression est la confusion entre "droit de" et "
droit à".
Dans le premier cas il s'agit d'interdire l'usage de la contrainte en
raison des idées exprimées par une personne ; or, les libéraux sont
a priori pour une liberté d'expression totale quelles que soient les idées exprimées, même les pires (
racisme, xénophobie, apologie du
nazisme ou du
communisme, etc.). Dans le second, le désir qu'a une personne d'être entendue devrait l'emporter sur les droits de
propriété
des autres. On légitime ainsi l'expropriation partielle de ressources
privées (les murs des bâtiments, du temps d'antenne télévisée, les
rues...) quand cela peut servir à faire passer ses idées ou simplement à
supporter une œuvre artistique :
- Le seul homme qui ait le droit de m'empêcher de coller ma pensée
sur un mur, c'est le propriétaire de la maison. (Choderlos de Laclos)
De la même façon, les subventions étatiques aux
journaux en panne de lecteurs sont illégitimes, puisqu'on force le contribuable à financer des journaux qui ne l'intéressent pas.
Autrement dit, pour un libéral,
la liberté d'expression est totale, mais dans la mesure où elle respecte strictement le droit de propriété d'autrui.
La liberté d’expression consiste donc à ne pas empêcher de façon
coercitive l'expression des idées et des opinions. Cependant, elle ne
doit en aucun cas aboutir à :
- une obligation inconditionnelle de donner à autrui la
possibilité de s'exprimer (par exemple un éditeur ou un groupe de presse
est maître de ses choix éditoriaux et de ses publications) ;
- un relativisme moral, qui mettrait toutes les opinions sur le même plan (sophismes, idées nuisibles ou violentes, etc., que précisément la liberté d'expression permet de combattre sans violence).
Exemple classique : peut-on, au nom de la liberté d'expression, crier
"au feu !" dans une salle de théâtre bondée, alors qu'il n'y a pas de
feu ? Non, et ce non pas en raison des conséquences possibles (encore
que cela puisse constituer une circonstance aggravante), mais parce
qu'on enfreint les règles acceptées lors de l'achat du billet et fixées
par le propriétaire. Les victimes, s'il y en a, se retourneront contre
le propriétaire, qui se retournera contre le fautif.
Autre exemple : peut-on, au nom de la liberté d'expression,
menacer quelqu'un, déclencher une fausse alerte à la bombe, etc. ? Une
menace n'est pas forcément une agression, elle n'acquiert ce caractère
que quand elle est directe et explicite (
"clear and present danger",
selon la loi américaine). Les victimes ont donc le droit de prendre des
mesures coercitives contre une agression qui se présente comme
manifeste et imminente.
Une insulte (une "agression verbale") n'est pas, d'un point de
vue libertarien, une agression, et n'est sûrement pas à mettre sur le
même plan qu'une agression physique. Le "délit d'outrage", inventé pour
protéger les fonctionnaires (policiers, enseignants, magistrats...) ou
les "symboles de la République" (drapeau, hymne national), n'existe tout
simplement pas, et fait partie des innombrables abus étatiques.
Un exemple : le négationnisme
Il est clair que l'
idéologie libérale rejette le
nazisme, le
fascisme, le négationnisme et autres idéologies semblables.
Dans 14 pays d'Europe, le négationnisme (négation de
l'holocauste) fait l'objet d'une loi dont la transgression est punie par
la prison. Pourtant le négationnisme a des disciples en Europe dans
tous ces 14 pays. Est-ce que la criminalisation des propos
négationnistes aide à la disparition de ce mouvement ? Absolument pas,
bien au contraire, la criminalisation les aide ! Dans la plupart des
cas, la criminalisation des propos négationnistes ou même révisionnistes
crée des martyrs et alimente ainsi la cause des groupes néo-nazis.
Brimer la liberté d'expression sous prétexte d'empêcher la
"banalisation" de propos racistes, xénophobes ou autres n'empêche pas la
survie de ces mouvements, car on ne peut empêcher les gens de penser ce
qu'ils veulent. La meilleure manière de combattre le néo-nazisme est
d'utiliser la raison et le ridicule et non pas de criminaliser une telle
expression. Si des propos néo-nazis perdurent, c'est à l'individu de
les combattre en s'exprimant en toute liberté. La liberté d'expression
elle-même est la meilleure arme contre les débordements de la liberté
d'expression.
Dans ce contexte, criminaliser l'expression des propos
négationnistes ou révisionnistes revient à juger irresponsable le
public, qui pourrait être "influencé" par de tels propos. Évidemment une
telle expression n'est pas rendue impossible par l'interdiction, elle
est seulement rendue clandestine, et d'autant plus intransigeante.
Autre exemple : la diffamation
Est-il permis de diffamer quelqu'un, c'est-à-dire de raconter à son
propos des mensonges qui pourraient lui causer du tort ? Les réponses
libérale et libertarienne divergent ici.
Pour les
libéraux classiques, la diffamation est condamnable; ainsi,
Benjamin Constant d'écrire dans
De la liberté des brochures, des pamphlets et des journaux au début du XIX
e siècle : «
[La
liberté d'expression] n'exclut point la répression des délits dont la
presse peut être l'instrument. Les lois doivent prononcer des peines
contre la calomnie, la provocation à la révolte, en un mot contre tous
les abus qui peuvent résulter de la manifestation des opinions. Les lois
ne nuisent point à la liberté; elles la garantissent, au contraire.
Sans elles aucune liberté ne peut exister »[2].
D'un point de vue
libertarien,
la diffamation ne doit cependant pas être poursuivie (ce qui ne
signifie pas qu'on l'approuve moralement). En effet, la diffamation ne
nuit jamais directement à personne. Si j'affirme que le pape est un
nazi, et que vous me croyez, c'est votre problème, pas le mien. Soutenir
le concept de diffamation suppose que les gens sont de parfaits
irresponsables et vont croire tout ce qu'on leur dit. C'est la même
façon de penser erronée qui conduit à interdire le négationnisme ou
l'expression de l'antisémitisme.
«En vertu des lois actuelles contre la diffamation, (un
individu) agit en violation de la loi dès lors qu’il a "l’intention de
nuire", même si l’information diffusée est vraie. Or le caractère légal
ou illégal d’une action devrait dépendre de sa nature objective et non
de la raison d’agir de l’acteur. Si une action est objectivement
non-agressive, elle doit être autorisée quelle que soit l’intention,
bienveillante ou malveillante, qui la motive (cette dernière pouvant,
par contre, être pertinente quant à la moralité de l’action). Sans
parler de l’énorme difficulté pour le juge de découvrir les motifs
subjectifs d’un individu »
— Murray Rothbard
Faut-il accepter comme exception à ce principe le cas du faux
témoignage, car il semble bien y avoir un lien direct de cause à effet
entre ce qui a été dit (le faux témoignage) et la conséquence, qui peut
être la condamnation d'un innocent ou la relaxe d'un coupable ? Non pour
les libertariens, car le faux témoignage n'est pas condamnable en
raison des dommages provoqués, mais en raison du fait que le témoin
s'est engagé contractuellement (ou par serment) à dire la vérité. Ce
n'est pas l'accusé qui pourra poursuivre le faux témoin, mais le
tribunal.
Il convient de préciser que les faux témoins étaient
mis à mort
par les tribunaux, dans les temps anciens, car le faux témoignage était
associé à un très grave trouble à l'ordre public [domaine politique et
social] et à l'ordre spirituel, lié aux fondements de la conscience
[domaine moral et religieux], car le faux témoignage était, par
définition, attentatoire à la vérité.
Du point de vue du
droit naturel,
la liberté d'expression est bien absolue, et le « délit » de
diffamation n'existe pas. Soutenir ce concept de diffamation revient
pour les libertariens à cautionner un extraordinaire recul du droit
d'expression, le délit de diffamation étant couramment utilisé par les
gouvernements pour faire taire leurs opposants (on pourrait même
l'utiliser contre les libertariens quand ils traitent les gouvernants
d'esclavagistes).
Alors que les libertariens cherchent à séparer ce qui n'est
condamnable que moralement (action immorale) et ce qui est condamnable
juridiquement (agression contre la personne ou sa propriété), le droit
positif criminalise, en présumant des intentions des acteurs, certaines
actions qui ne sont pas directement des agressions. Du point de vue
juridique, dans des conditions spécifiques et dans le cadre d'une
restriction de la liberté d'expression, la notion de dépôt de plainte en
dénonciation calomnieuse existe (et les individus peuvent donc
l'utiliser), et le faux témoignage (ou ladite diffamation) est constitué
tant que la personne qui en calomnie une autre n'a pas donné la ou les
preuve(s) de ce qu'elle avance, et / ou que la personne calomniée a
prouvé son honneur et sa moralité, suivant selon le système judiciaire
inquisitorial français, ou suivant selon le système judiciaire
accusatoire anglo-saxon. En pratique, l'arbitraire le plus complet règne
en ce domaine, certains tribunaux ayant même inventé la notion de
"diffamation de bonne foi"
[3] !
Le droit de se taire
De même qu'on ne peut empêcher quelqu'un de s'exprimer, il n'y a pas,
inversement, d'obligation à s'exprimer. Cela concerne aussi bien la
protection des sources des journalistes et les diverses sortes de secret
professionnel que le droit à ne pas être contraint à s’accuser soi-même
(droit à ne pas s’auto-incriminer), un droit tiré du principe de la
présomption d'innocence
[4]. Pour les
libertariens, cela relève de l'
inaliénabilité de la volonté humaine.
Clientélisme et liberté d'expression
Les atteintes à la liberté d'expression obéissent généralement à un
clientélisme électoral. Voici un exemple de raisonnement de politicien
relativement à la répression de l'incitation à la haine :
- les gens sont des faibles, les incitations à la haine pourraient les pousser à passer à l'acte ;
- le pouvoir qui, lui, est une élite supérieure au reste de la population, sait ce qu'il faut faire ;
- ainsi le pouvoir sait discriminer entre les bonnes
interdictions et les mauvaises : il peut décréter par exemple qu'on n'a
pas le droit d'exprimer de haine envers les juifs, les musulmans ou les
homosexuels, mais que c'est toléré envers les riches, les Blancs, les
banquiers, les zoophiles, etc. ;
- si un groupe de pression quelconque veut imposer une nouvelle
interdiction en sa faveur, sa demande sera examinée avec bienveillance
(il a intérêt à être assez nombreux ou à faire un grand tapage
médiatique).
Le politicien pourra ensuite trouver
a posteriori toutes sortes de justifications éthiques à des limitations à la liberté d'expression en réalité d'origine clientéliste.
Atteintes à la liberté d'expression en France
Internet, la liberté d'expression et le libéralisme
Malgré les tentatives de contrôle, la liberté d'expression s'est
considérablement émancipée depuis l'avènement du Web. Il devient
difficile
[5]
pour un pouvoir exécutif de mettre efficacement en œuvre les mesures de
répression de l'opinion décrites ci-dessus dès lors que cette dernière
s'exprime de façon libre, décentralisée, infiniment reproductible, et
indélébile sur Internet. Dans cette mesure, Internet est très souvent
comparé
[6]
à deux grandes inventions de l'Histoire qui ont également abaissé le
coût d'accès à la connaissance, et contrecarré la censure: l'imprimerie
et l'écriture.
L'écriture, inventée il y a quelques 5000 ans en Mésopotamie, a
signifié le début de la civilisation et de l'Antiquité. En ce qui
concerne l'imprimerie, elle a servi de catalyseur
[7] au Schisme, à la Réforme, et donc à la Renaissance et aux Lumières.
Le 21
e siècle a d'ailleurs connu
nombre de mouvements qui ont en commun de défendre un idéal de liberté
(plus ou moins bien exprimé), et d'utiliser Internet pour se mobiliser:
les printemps arabes, le mouvement des Indignés, le
Tea Party, Occupy Wall Street, les "partis pirates", etc. Nombreux sont ceux
[8]
qui expriment l'opinion que ces exemples illustrent les toutes
premières manifestations d'une nouvelle ère de liberté à laquelle
Internet servira de vecteur.
Nous jouissons, en Occident, d'une liberté d'expression enviable par rapport à d'autres parties du monde et en comparaison d'autres époques. Mais cette liberté résiste mal à la montée du pouvoir. Tous les États occidentaux opposent aujourd'hui à la liberté d'expression des limitations croissantes, formelles ou informelles, directes ou indirectes, qui ont rétabli ou créé de véritables délits d'opinion. Si le phénomène de la censure montante est passé inaperçu, c'est parce qu'il relève d'une tyrannie soft, d'une tyrannie tranquille.
Les restrictions formelles à la liberté d'expression incluent les dispositions des codes pénaux qui protègent le secret d'État, qui répriment les propos séditieux, ou qui interdisent ce qui est défini comme pornographique ou obscène. Ces restrictions ont souvent, selon les circonstances et les pays, été atténués depuis le 19e siècle; parfois, elles ont été renforcées. Si elles ne sont pas toujours appliquées, les lois limitant la liberté d'expression représentent une épée de Damoclès sur la tête des dissidents et une incitation à l'autocensure. Des formes anciennes de délits d'opinion ont été remises à la mode sous le couvert de prétextes nouveaux comme la rectitude politique antisexiste ou la lutte antiraciste.
La propagande haineuse et la contestation de la Shoah figurent parmi les nouveaux délits d'opinion. Seuls les États-Unis y ont échappé grâce au premier amendement de la constitution. Dans d'autres pays, dont le Canada, des gens ont été envoyés en prison pour avoir défendu des opinions contraires à l'orthodoxie officielle. Le livre d'Adolf Hitler, Mein Kampf, n'a pu être publié en France qu'avec l'addition, par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 juillet 1979, d'un avertissement moralisateur de onze pages destiné au lecteur trop idiot pour ne pas voir dans ce livre autre chose qu'un fatras d'hypothèses simplistes et d'opinions primaires.
Dans sa défense classique de la liberté d'expression, John Stuart Mill observait que la volonté naïve d'interdire seulement les idées fausses implique que nous connaissons la vérité a priori, sans qu'il soit besoin de débat
. Indispensable à la recherche de la vérité, la liberté d'expression représente aussi une condition nécessaire de la confiance que l'on accorde à des hypothèses dont on n'a pas le temps ou la capacité de vérifier le bien-fondé, mais qui apparaissent vraisemblables pour la simple raison que les opinions contraires ne passent pas le test des débats libres. Comme ceux qui jadis ne connaissaient pas le truc du mat qui monte à l'horizon de la mer ou de l'ombre ronde de la terre sur la lune, nos contemporains qui n'ont jamais analysé les images satellites ont quelque raison de croire que la terre est ronde parce que n'importe qui est libre de le contester et que personne n'y réussit. Quelles raisons auront donc nos enfants de croire en la réalité de la Shoah après quelques décennies de suppression coercitive de l'opinion opposée?
De plus, l'interprétation des lois sur la littérature haineuse ou raciste est indéfiniment extensible, selon les circonstances de temps et de lieu, selon les passions de la foule ou l'arbitraire des gouvernants. Au Bangladesh, un livre de la romancière Taslima Nasreen a été interdit pour « incitation à la haine interconfessionnelle », et son auteur frappée d'une fatwa par un groupe de tyrans barbus
. Au Canada, on a entendu des voix demander, heureusement sans succès jusqu'à maintenant, le recours aux lois sur la littérature haineuse contre des contempteurs du nationalisme québécois.
Combien de fois des textes d'apparence anodine n'ont-ils pas été conçus, interprétés ou manipulés par l'État de manière à renforcer l'arsenal des classes dirigeantes contre la liberté d'expression? Les lois contre la diffamation l'illustrent. La partie visible de l'iceberg apparaît dans le cas de Robert Maxwell, dirigeant d'entreprise véreux, mort en novembre 1991 (vraisemblablement par suicide) après avoir réussi, des années durant, à faire taire ses dénonciateurs. Le silence sur ses tractations frauduleuses s'explique par les menaces de poursuites en diffamation qu'il assénait à quiconque s'intéressait à ses affaires et par le fait que personne ne se sentait capable de supporter le coût d'un procès contre le célèbre richard.