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avril 07, 2015

LE JAPON est un pays vulnérable. (Réactualisé août 2016)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


 


Quelles sont les menaces qui pèsent sur l’archipel nippon
Par quel réseau d’alliances cherche-t-il à se prémunir de ces dangers ? 
Comment adapte-t-il ses alliances et comment cherche-t-il à les faire évoluer ? 

De nombreuses interrogations qui révèlent des changements et des processus complexes et protéiformes dans la politique et la stratégie japonaises internationales. 

LE JAPON est un pays vulnérable. Manquant de l’essentiel de ses ressources énergétiques, il doit notamment importer quelque 100 % du pétrole vital pour son économie et sa population. Engoncé dans un territoire réduit de 377 944 km2 pour une population de 127 millions d’habitants, en 2014, soit une densité de 336 habitants au kilomètre carré, concentrée sur certains espaces notamment autour d’Osaka-Tokyo, il est fragile et peut être déstabilisé, voire détruit par des Etats étrangers ou des acteurs non-étatiques (terroristes, pirates...) d’autant plus qu’il doit protéger une Zone économique exclusive (ZEE) de plus de 4,4 millions de kilomètres carrés et s’étire sur 3 300 kilomètres de long, de la Russie au nord à Taïwan au sud, le long de la côte orientale de l’Asie (Chine et Corées). L’archipel nippon comporte 6 852 îles de plus de 100 m2, dont 430 sont habitées, rendant difficile le respect de leur souveraineté, alors que les menaces liées à l’environnement régional et international accroissent les défis auxquels il doit « naturellement » faire face. L’arrivée au pouvoir en décembre 2012 du Premier ministre conservateur Shinzo Abe issu du parti Libéral-démocrate (PLD) développant une politique étrangère dite de « pacifisme proactif » qui vise à affirmer la place du Japon sur la scène internationale quitte à réinterpréter la Constitution pacifiste de 1946 -, a conduit à vouloir mieux faire face à ces défis et répondre aux contraintes stratégiques, même si une telle volonté émergeait déjà avant la venue d’Abe aux commandes du pays. Comment le Japon aborde-t-il dans sa doctrine stratégique et sa politique de défense ces défis ? Quelles sont les menaces qui pèsent sur l’archipel nippon ? Par quel réseau d’alliances cherche-t-il à se prémunir de ces dangers ? Comment adapte-t-il ses alliances et comment cherche-t-il à les faire évoluer ? De nombreuses interrogations qui révèlent des changements et des processus complexes et protéiformes dans la politique et la stratégie japonaises internationales. Face aux défis multiples et aux rivaux régionaux aux comportements menaçants (1), le Japon a développé un système d’alliances et d’engagements d’intensité variable qu’il renforce avec constance (2). Il s’appuie aussi sur de nouveaux alliés et de nouvelles formes de coopération avec ceux-ci (3)


1. Défis, enjeux et rivalités régionales et internationales
Les objectifs stratégiques fondamentaux japonais sont au nombre de trois, comme l’explique une note de l’IFRI sur la question [1]. Il s’agit tout à la fois de « préserver la souveraineté japonaise et protéger son territoire et ses intérêts vitaux dans les régions entourant le Japon, ainsi que les lignes de communication maritimes », « parvenir à une croissance économique malgré de nombreuses pressions» (intérieures) – dans cette perspective l’intégration régionale est cruciale ; « maintenir l’ordre libéral international fondé sur une série de règles et de principes, incluant la liberté de navigation et le règlement pacifique des différends... ». A court et moyen termes, l’enjeu est de répondre à trois menaces distinctes : les deux principales portent d’une part sur la souveraineté sur les îles du sud-ouest de l’Archipel nippon îles Senkaku notamment. Elle est remise en cause par la Chine communiste qui les appelle Diaoyu. Son armée se développe à un rythme accéléré le budget de la défense chinois a crû de plus de 10 % en moyenne chaque année depuis 20 ans pour atteindre plus de 150 milliards de dollars, soit trois fois celui du Japon. D’autre part, pèse la menace des missiles balistiques nord-coréens, qui pourraient être dotés à un horizon qui semble se rapprocher d’ogives nucléaires. La troisième menace porte sur les lignes de communication maritimes si vitales pour l’Archipel nippon qui importe presque 100 % de ses besoins énergétiques notamment du Moyen-Orient. Or là encore, les revendications territoriales chinoises, quasi exclusives sur la mer de Chine méridionale, associées à l’expansion massive, notamment de la marine de guerre chinoise, s’appuyant aussi sur les différentes flottes de garde-côtes, quasi paramilitaires, ainsi que la volonté de s’appuyer sur un réseau de points d’appui (que certains qualifient de « collier de perles » des bases dans l’Océan Indien) auprès d’alliés, font peser une menace sur le commerce maritime du Japon mais aussi de nombreux pays de la région qui deviennent alliés ou partenaires potentiels de Tokyo. Dans ce contexte, protéger ces artères vitales en Asie du Sud-Est et dans l’Océan Indien, est impératif. Comme l’indique la East Asian Strategic Review 2013 (EASR) [2] « renforcer la posture de défense dans les îles du Sud-ouest de l’Archipel » et « répondre aux menaces de missiles balistiques » est essentiel et constitue l’un des grands objectifs des « Lignes directrices du Programme de défense nationale » de décembre 2010 (« National defense program guidelines » ou NDPG 2010) qui définissent les orientations de la défense japonaise et ont fait évoluer la politique de défense. Si face aux menaces régionales, le Japon modernise son armée, - comme le montre le commissionnement en mars 2015 du plus grand navire de guerre japonais depuis la Seconde guerre mondiale, le DDH138 Izumo, un porte-hélicoptères de 248 mètres de long -, et accroît le budget militaire - depuis l’arrivée au pouvoir de Shinzo Abe les dépenses de défense, en déclin depuis une décennie, ont été augmentées chaque année -, il pourrait aussi chercher à renouer les liens, notamment avec Pékin, mais aussi les améliorer avec Séoul avec lequel il a notamment un différend territorial portant sur l’îlot de Takeshima/Dokdo. Pour l’heure, les menaces ne pèsent pas que sur son environnement régional « immédiat ». Le terrorisme international, dont le Japon a été victime à plusieurs reprises avec l’élimination de ressortissants japonais (par exemple l’exécution de deux Japonais début 2015 par l’Etat islamique implanté en Syrie et en Irak et de trois touristes japonais tués dans l’attaque terroriste contre le musée du Bardo à Tunis en mars), et la piraterie, active notamment en Afrique de l’Ouest et de l’Est, et en Asie du Sud-Est, qui peut perturber le trafic maritime, pèsent sur les intérêts japonais, les mettant parfois en danger. Afin de se protéger, le Japon n’est pas en mesure de compter sur ses seules forces, compte tenu de ses vulnérabilités. Si l’alliance avec les Etats-Unis demeure l’épine dorsale de la défense de l’Archipel nippon, celui-ci cherche aussi à s’appuyer sur un réseau d’alliés ou de partenaires, complémentaires de la puissance militaire américaine. 


2. Le renforcement des alliances face aux défis
Entre le Japon et ses alliés et partenaires stratégiques, l’heure est à l’approfondissement des relations [3]. Le Japon est lié depuis 1960 par un traité de sécurité avec les Etats-Unis. Plus de 45 000 militaires américains sont présents dans l’Archipel nippon. Dans un contexte de tensions avec la Chine et sous la menace du programme balistique et nucléaire nord-coréen, l’administration de Shinzo Abe a autorisé mardi 1er juillet 2014 une réinterprétation de l’article 9 de la Constitution pacifiste japonaise – par lequel le Japon renonce à la guerre et à entretenir des forces armées permettant à l’Archipel, pour la première fois depuis la fin de la Seconde guerre mondiale en 1945, de venir en aide à un allié s’il est attaqué. Ce droit à l’autodéfense collective permettra à l’armée japonaise - créés en 1954 et comprenant quelque 240 000 hommes et appelées pour des raisons constitutionnelles forces d’autodéfense (FAD) - , d’intervenir pour la première fois sur des théâtres d’opérations extérieurs. C’est un changement majeur. Il reste à faire passer ces évolutions doctrinales en modifiant la législation sur les FAD. Ce sera chose faite en mai 2015 après l’accord qui est intervenu vendredi 20 mars 2015 entre le PLD de Shinzo Abe et son allié, le parti Komeito. Les deux partis se sont accordés pour étendre le champ des opérations menées par les FAD [4] : soutien aux forces militaires des pays qui sont engagés dans des activités qui contribuent à la paix et à la sécurité du Japon, soutien à la sécurité internationale et notamment aux opérations de maintien de la paix, mesures d’autodéfense permises par l’article 9 de la Constitution japonaise. Ainsi Tokyo pourra par exemple défendre un navire américain s’il est attaqué par un pays tiers dans les eaux proches du Japon, avec le risque d’une attaque imminente contre le Japon, ou pour intercepter un missile balistique nord-coréen quand il est détecté et se dirige vers un territoire américain, et vole au-dessus du Japon et que son interception est demandée par les Etats-Unis. Ces derniers, avec lesquels le Japon est lié par un traité de sécurité datant de 1960 et par la présence de plus de 45 000 militaires américains dans l’Archipel nippon, sont un allié clé. 


L’alliance vitale avec les Etats-Unis
La coopération bilatérale prend plusieurs formes, dont des exercices conjoints communs qui peuvent d’ailleurs impliquer d’autres alliés. Ils visent à accroître la capacité des deux armées à agir ensemble. [5] Ils couvrent tous les champs d’intervention, y compris le domaine amphibie où Tokyo souhaite acquérir des capacités pour défendre ses îles lointaines. Ils s’appuient sur le rapprochement physique qui a eu lieu il y a près de deux ans entre les commandements japonais et américains au Japon. La collaboration porte aussi sur les matériels militaires déployés par les deux pays: avions-hélicoptères MV-22 Osprey, chasseurs furtifs F-35, systèmes antimissiles balistiques, etc... Dans ce contexte, les Etats- Unis et le Japon ont formellement entériné, [6] le 3 octobre 2013, la révision de l’actuelle politique de coopération nippo-américaine en matière de défense. Les « lignes directrices de la coopération bilatérale en matière de défense » n’ont pas été révisées depuis 1997 ! Il est notamment prévu de réinstaller 9 000 US Marines de l’île d’Okinawa sur la grande base américaine de Guam et dans les îles Mariannes. Le Japon et les États-Unis ont publié mercredi 8 octobre 2014 un rapport intérimaire [7] sur la révision de leurs lignes directrices de la coopération bilatérale. Il indique que la coopération militaire ne sera pas limitée par la géographie, ce qui est un changement majeur par rapport à 1997, et qu’elle mettra l’accent sur la « nature globale » de l’alliance nippo-américaine. Il énumère 12 mesures visant à assurer de façon transparente et fluide la paix et la sécurité du Japon, dont « la défense aérienne et antimissile », « la sécurité maritime » et « les opérations d’évacuation de non- combattants [8]. ». Le rapport souligne par ailleurs la nécessité de promouvoir la coopération de défense multilatérale. 


Relations renforcées avec d’autres alliés majeurs
La coopération avec les autres pays de la région Asie-Pacifique a aussi une grande importance notamment dans le cadre des NDPG 2010, réactualisées en 2013 (NDPG 2013 [9]). Géographiquement le plus proche du Japon, Séoul est aussi en première ligne face à Pyongyang. Malgré des tensions récurrentes, notamment en raison des exactions commises par l’armée japonaise en Corée pendant la Seconde guerre mondiale, le Japon et la Corée du Sud, connaissent un rapprochement sécuritaire et militaire. Les deux pays disposent d’une marine assez similaire par la taille et le type de navires en service. Des exercices entre leurs marines, et aussi avec celle des Etats-Unis, ont lieu périodiquement. Plus éloignés géographiquement, l’Australie et le Japon se disent concernés par la montée en puissance chinoise, par la nécessité de garantir la liberté de navigation et la sécurité de la région Pacifique. Des exercices tripartites entre les Etats-Unis, le Japon et l’Australie sont organisés comme du 27 janvier au 12 mars 2015 l’exercice Cope North Guam [10], sur l’île stratégique de Guam. Tokyo souhaite accroître ses capacités à interopérer et à projeter ses forces terrestres. La collaboration pourrait devenir encore plus évidente en cas de transfert de technologie sous-marine japonaise des sous-marins de la classe Soryu pour remplacer douze de la classe Collins, un contrat de 35 milliards d’euros. Pour les Australiens, le choix japonais fournirait l’assurance de bénéficier d’une technologie de pointe, notamment furtive Plus au nord, l’Inde et le Japon développent, depuis l’an 2000, un partenariat stratégique global [11]. En effet, les deux pays partagent des valeurs fondamentales et ont des intérêts communs pour la paix, la sécurité et la prospérité en Asie et dans le Monde. Pour le Japon, dont l’économie est étroitement dépendante du trafic maritime, l’Inde occupe une place particulièrement stratégique car ce sous-continent est situé au centre des lignes de communication reliant l’Archipel nippon au Moyen-Orient et à l’Afrique. Le Japon et l’Inde ont en conséquence renforcé leur coopération sécuritaire. En 2007, le Japon participe à l’exercice Malabar qui est « délocalisé » au large d’Okinawa et réunit les marines américaine, australienne, indienne, singapourienne, et japonaise. En 2012, un premier exercice réunit conjointement les deux marines japonaise et indienne dans la baie de Sagami au large du Japon. Le Japon a proposé de vendre à son partenaire indien du matériel militaire, notamment des hydravions US-2 dotés d’une très grande autonomie et capables de mener des opérations de recherche et de sauvetage. La vente pourrait être conclue prochainement. L’Inde a aussi marqué son intention de coopérer avec le Japon pour la construction de sous-marins [12]. Hors d’Asie-Pacifique, le principal partenaire stratégique sur le plan sécuritaire est l’Union européenne et en son sein la France et le Royaume-Uni. 



L’UE partenaire stratégique
Du 29 avril au 7 mai 2014, le premier ministre japonais Shinzo Abe, a effectué un tour d’Europe de se rendant successivement en Allemagne, en Angleterre, au Portugal, en Espagne, en France, et en Belgique.

L’objectif de cette visite était double : il s’agissait d’approfondir les liens économiques et sécuritaires avec l’Union européenne, en particulier avec certains Etats dont la France. L’UE et les grands pays européens ont développé des positions communes sur des sujets comme la lutte antiterroriste, ou le dossier du conflit russo- ukrainien, appelant à son règlement pacifique. La visite du président de la République François Hollande au Japon en juin 2013 a donné un nouvel élan à ce « partenariat d’exception » entre le Japon et la France. Elle a par ailleurs développé des partenariats spécifiques avec certains Etats. Tokyo a déjà signé un accord avec Londres sur des tenues NBC (nucléaire, bactériologique, chimique) dans le cadre d’un partenariat stratégique avec le Royaume-Uni. Lors de sa venue à Londres, le 1er mai 2014, Abe et le premier ministre britannique David Cameron ont convenu de « stimuler la coopération anglo-japonaise en matière de sécurité ». Un tel partenariat stratégique existe aussi avec la France et la relation bilatérale ne cesse de s’accroître. « Depuis le 150ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et le Japon en 2008, le dialogue stratégique franco- japonais a été rehaussé au niveau ministériel en janvier 2012 », souligne le Quai d’Orsay. La visite du président de la République François Hollande au Japon en juin 2013 a donné un nouvel élan à ce «partenariat d’exception». Une réunion des ministres des affaires étrangères et de la défense des deux pays s’est tenue le 9 janvier 2014 à Paris a souligné l’importance de la coopération entre la France et le Japon notamment au regard des nouvelles NDPG. Les quatre ministres avaient exprimé leurs points de convergence sur de nombreux dossiers comme « sur la situation dans la Corne de l’Afrique, la lutte contre la piraterie maritime, ainsi que, sur un plan plus général, la lutte contre le terrorisme ». Lors de cette même rencontre, le ministre de la défense français Jean-Yves Le Drian avait annoncé la création de deux instances (forums) de dialogue France-Japon, l’une sur la coopération dans le domaine de la recherche sur les nanotechnologies, la robotique et la cyber-défense, l’autre sur la coopération industrielle (hélicoptères de nouvelle génération, drones sous-marins, propulsion sous-marine). L’objectif étant de parvenir d’ici à un an à un accord, ce qui fut fait (voir supra). Hormis avec ces alliés privilégiés, le Japon établit des relations sécuritaires de moindre importance avec l’Asie du Sud-Est. 


L’Asie du Sud-Est : des liens protéiformes
Les pays de l’ASEAN partagent les craintes japonaises vis-à-vis de la Chine. L’intérêt est ici moins militaire que sécuritaire, les pays de l’ASEAN ne disposent pas de forces armées puissantes mais sont confrontés à une piraterie active qui peut aussi représenter une menace pour l’économie japonaise. De plus, le Japon ambitionne d’accroître ses liens économiques et son influence dans la région, notamment face au poids croissant de Pékin. Le Japon participe ainsi aux sommets élargis ASEAN Defence Ministers Meeting Plus ou ADMM + depuis sa création en 2010. Outre ces rencontres multilatérales, Tokyo entend favoriser l’établissement de relations bilatérales. Le Vietnam est particulièrement préoccupé par la politique jugée agressive de la Chine notamment à l’encontre des îles Spratleys et Paracels. Le Japon a transféré six navires au Vietnam pour « stimuler sa capacité de sécurité maritime » et mis en place en mars 2014 « un partenariat stratégique étendu [13] », insistant sur la nécessite d’ « assurer la paix, la stabilité et le développement dans la région, incluant la sécurité et la sûreté et la liberté de navigation et de vol fondée sur la loi internationale ». Sur le plan sécuritaire, les secteurs du déminage, la formation du personnel et les techniques militaires devraient faire l’objet d’une coopération bilatérale. Tokyo a pu s’engager à transférer 10 patrouilleurs maritimes des garde-côtes à la marine des Philippines au titre de la lutte anti- piraterie[14]. Les Philippines, notamment du fait des différends territoriaux (récif de Scarborough) avec la Chine, sont un partenaire à l’importance croissante pour Tokyo. Le typhon Haiyan, qui a dévasté en novembre 2013 l’archipel philippin, a été l’occasion pour le Japon de démontrer à la fois le caractère pacifique de l’accroissement de sa marine et d’afficher une image positive sur la scène internationale tout en s’affirmant comme un acteur régional majeur en appuyant sa diplomatie [15]. Les FAD ont déployé 1 200 soldats environ [16], trois navires de guerre, dix avions et six hélicoptères lors de ce qui a été la plus grande opération de l’armée japonaise à l’étranger depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le Japon renforce également sa coopération avec le Laos avec lequel les relations ont été élevées en mars 2015 au niveau de partenariat stratégique, de même qu’avec l’Indonésie. La coopération sécuritaire se renforce aussi avec le Cambodge. Les partenariats stratégiques du Japon reposent également sur les exercices bilatéraux ou multilatéraux permettant d’accroître la capacité à interopérer des armées mais également à développer des liens et une confiance réciproque. En 2012 L’exercice Kakadu a permis d’accroître la capacité à interopérer entre les différentes marines de la région et les Forces d’autodéfense (FAD) maritimes japonaises. Les escales de bâtiments japonais dans ces pays se multiplient. Le 20 septembre 2013 à Yokosuka, les marines de cinq pays (Australie, Corée du Sud, Etats-Unis, Japon et Singapour) ont participé à la 6e édition de l’exercice de sauvetage sous-marin Paficic Reach 2013. L’Inde, la Thaïlande et le Vietnam étaient également présents à titre d’observateurs [17]. Le Japon participe aussi aux exercices navals RIMPAC RIM of the Pacific ») qui sont également le meilleur exemple d’entraînement mettant en commun des marines de très nombreux pays d’Asie-Pacifique sous l’égide des Etats-Unis. Ainsi, la politique de développement de partenariats stratégiques que mène le Japon semble passer, non par un système d’alliances classiques, mais par un ensemble complexe à engagements variables et multiples face à ses rivaux. 



3. Nouvelles aires et nouvelles formes de relations
Le Japon investit aussi de nouvelles régions du monde. L’Afrique est une priorité récente. Shinzo Abe a effectué du 9 au 13 janvier une tournée africaine qui l’a amené en Côte d’Ivoire, Mozambique et en Ethiopie, au moment même où le ministre des Affaires étrangères chinois se rendait sur le continent noir. Il s’agissait de la première tournée africaine d’un chef de gouvernement japonais depuis huit ans. Tokyo a mis l’accent officiellement sur l’économie pour expliquer l’objectif de cette visite « historique ». Une des principales raisons est la découverte d’un des plus grands gisements de gaz au monde dans ce pays d’Afrique du sud- est. 

Par rapport à la Chine, le Japon accuse en Afrique un retard économique sérieux.
En mettant davantage l’accent sur l’Afrique, estime le New York Times, « M. Abe lance le Japon dans une lutte pour les ressources là-bas (...). Le Japon est particulièrement désireux de trouver de nouvelles sources de métaux dits de « terres rares », matières premières utilisées dans l’électronique et les téléphones portables qu’il importe actuellement principalement de la Chine [18] ». L’intérêt est donc stratégique : réduire la dépendance envers un voisin chinois qui apparaît comme de plus en plus menaçant... Par rapport à la Chine, le Japon accuse en Afrique un retard économique sérieux. Malgré des relations anciennes avec l’Afrique, le Japon ne représente que 2,7% des échanges commerciaux de ce continent, contre 13,5% pour la Chine, selon l’OCDE. Plusieurs éléments suggèrent également une ambition stratégique derrière le discours économique. Le Japon peut aussi chercher à courtiser les votes des pays africains afin qu’ils appuient sa volonté de devenir membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Par ailleurs, la présence japonaise stratégique est ancienne, notamment celle des FAD avec les opérations de maintien de la paix. Ainsi, les FAD terrestres ont déployé des hommes dans le cadre d’une mission de l’ONU au Mozambique en 1993 après la fin de la guerre civile. Des personnels militaires et civils japonais sont également déployés au Sud-Soudan [19], afin de soutenir la construction du jeune Etat en grave crise. La présence militaire japonaise s’est renforcée avec la création d’une base militaire à Djibouti. La base a été ouverte officiellement en juillet 2011 et abrite 600 hommes. Elle a pour mission de participer à la lutte contre la piraterie internationale au large du golfe d’Aden. C’est la première base japonaise à l’étranger depuis 1945. C’est aussi un moyen de tester les déploiements de forces d’autodéfense et d’entraîner sa marine puisque des destroyers japonais patrouillent dans les eaux troublées de la région, en coopération avec d’autres forces internationales, notamment françaises avec lesquelles elles effectuent des exercices. Tokyo a donc clairement fait de l’Afrique une priorité stratégique qui va au-delà de la seule défense et promotion de ses intérêts économiques. 

L’Amérique latine, nouvel enjeu ?
Shinzo Abe a effectué fin juillet 2014 une tournée de onze jours, à travers cinq pays sur le continent sud-américain. Le Japon cherche à mieux s’implanter sur ce marché où la Chine a déjà beaucoup investi. Les échanges avec l’Amérique latine ne pèsent que 5 % de ses exportations et moins de 4 % de ses importations, l’essentiel étant des matières premières et des produits agroalimentaires. Des enjeux diplomatiques ont motivé également cette tournée. Tokyo vise ainsi un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU pour 2016, et veut s’appuyer sur des grand pays émergents comme le Brésil pour parvenir à ses fins. "L’Amérique Latine a une grande présence sur la scène internationale et est un partenaire indispensable dans ma vision diplomatique", a affirmé M. Abe. Hormis ces nouveaux partenaires du Japon, ce sont aussi de nouvelles formes de coopération qui se développent. 

Elargissement des formes de sa coopération internationale
Une plus grande coopération en matière de défense est facilitée par l’assouplissement le 1er avril 2014 par l’administration japonaise des règles d’exportation d’armements japonais à l’étranger. A l’origine, un embargo, en place depuis 1967, empêchait le Japon de vendre des armes aux pays communistes, aux pays impliqués dans des conflits internationaux, et aux pays soumis à un embargo par une résolution des Nations Unies. Ces trois principes ont été transformés en une interdiction générale en 1976. L’embargo a été assoupli en 2011 pour permettre au Japon de s’engager dans le développement et la production d’armes avec les États-Unis, notamment dans le cadre de la défense antimissile. En avril 2014, les principes ont donc été entièrement supprimés et remplacés par un embargo sur les exportations d’armes vers les pays en conflit et des exportations qui seraient en violation des résolutions de l’ONU. Ces nouvelles règles autorisent le développement et la production d’armes en partenariat avec les Etats-Unis et d’autres pays, et l’exportation d’équipements militaires à des fins pacifiques et humanitaires, comme dans le cas de missions de maintien de la paix de l’ONU. A la suite de cela, début juillet 2014, deux accords de coopération industrielle militaire ont été annoncés. Dans le cadre de la coopération avec la Grande-Bretagne, il s’agit de co- développement dans le cadre du programme de missile Meteor développé par le fabricant de missiles Matra BAe Dynamics Alenia (MBDA) ainsi que d’autres entreprises européennes, et qui pourrait être utilisé sur le F-35. Dans le second cas, avec les Etats-Unis, il s’agit de l’exportation par Mitsubishi Heavy Industries (MHI) de capteurs destinés à être utilisés dans le système de missiles de défense PAC-2 (Patriot Advanced Capability-2) qui doit être vendu ultérieurement au Qatar. Par ailleurs, lors de la visite, le 13 mars 2015 à Tokyo, du ministre de la défense français, Jean-Yves Le Drian et du ministre des affaires étrangères français Laurent Fabius, le Japon et la France ont signé [20] un accord intergouvernemental sur la recherche et le développement d’équipements de défense communs pour renforcer la coopération technologique entre les deux pays dans quatre domaines : sonar, submersibles inhabités, robots et cyberdéfense. Les partenariats industriels sont donc protéiformes et leur champ s’étend à mesure que le Japon se libère des carcans du passé. 


Conclusion
L’affirmation du Japon sur la scène régionale et internationale dans le cadre de sa politique de « pacifisme proactif » dans un contexte de vives tensions régionales et mondiales passe par la mise en place d’un ensemble d’alliances et l’ouverture et le développement de liens vers de nouvelles aires géographiques correspondant aux intérêts géopolitiques du Japon. Elle se traduit aussi par des évolutions de la législation japonaise pour favoriser le soutien aux alliés et la coopération stratégique et technologique avec eux faisant sortir le Japon de son pacifisme traditionnel. Ceci n’exclut pas les tentatives de règlement pacifique des différends. Ainsi, jeudi 19 mars 2015, des discussions en matière de sécurité ont eu lieu avec Pékin, les premières depuis quatre ans. Et samedi 21 mars 2015, les ministres des Affaires étrangères de la Corée du Sud, de la Chine et du Japon se réunissaient à Séoul pour la première fois en près de trois ans dans le but de rétablir la coopération entre les trois puissances. Cette première trilatérale depuis avril 2012 visait à réparer les liens pour le moins tendus entre le Japon d’une part et les deux autres pays d’autre part. Mais la position chinoise, et notamment celle du président Xi Jinping, dépendra aussi beaucoup de la façon dont Shinzo Abe s’exprimera sur l’anniversaire des 70 ans de la fin de la Seconde guerre mondiale, sujet particulièrement sensible, alors que Xi Jinping a récemment renommé l’anniversaire de la guerre journée de « la victoire contre le Japon ». Or, d’une part, Shinzo Abe s’abstiendra probablement d’assister au défilé militaire organisé par la Chine pour le 70e anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, a rapporté mercredi 25 mars 2015 le Yomiuri Shimbun. D’autre part, selon le quotidien, il devrait s’en tenir aux excuses présentées par ses prédécesseurs. Les tensions ne sont pas réglées... 




Le Japon dans son environnement géostratégique
Source, journal ou site Internet : Diploweb
Date : 6 avril 2015
Auteur : Edouard Pflimlin* Louis-Arthur Borer ** 

*Journaliste au Monde. Il est aussi chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
**Junior Fellow à Asia Centre, chercheur associé à l’institut prospective sécurité en Europe (IPSE).


[1] Ryo Sahashi, “Security partnerships in Japan’s Asia Strategy. Creating order, building capacity and sharing burden », Institut français des relations internationales, février 2013
[2] « Japan : examining the dynamic defense force (Chapter 3)” in East Asian strategic Review 2013, The National Institute for Defense Studies, 2013, Tokyo
[3] Lire notamment : Edouard Pflimlin et Yann Rozec, « Le Japon tisse un réseau de partenariats stratégiques et renforce son alliance avec les Etats-Unis », p. 99 et s., Monde Chinois. Nouvelle Asie, n°36, 2013
[4] "Coalition reaches deal on security laws / LDP, Komeito aim to submit bills in May", The Yomiuri Shimbun, 19 mars 2011, the-japan-news.com/news/article/0002017748
[5] Wyatt Olson, “US, Japan forces train together at Lewis-McChord”, Stars and stripes, 18 septembre 2013
[6] Jennifer Steinhauer, “Japan and US agree to broaden military alliance”, The New York Times, 3 octobre 2013
[7] Lire le rapport (en anglais) « The Interim Report on the Revision of the Guidelines for Japan-U.S. Defense Cooperation », mofa.go.jp/files/000055169.pdf
[8] "Guidelines to boost seamless Japan, U.S. ties", The Yomiuri Shimbun, 8 octobre 2014, the-japan-news.com/news/article/0001627769
[9] mod.go.jp/j/approach/agenda/guideline/2014/pdf/20131217_e2.pdf
[10] mod.go.jp/e/jdf/no62/activities.html
[11] Lire par exemple : Edouard Pflimlin, "Face à la Chine, le partenariat stratégique Inde- Japon ne cesse de se renforcer", Affaires stratégiques, IRIS, 10 février 2012 iris- france.org/face-a-la-chine-le-partenariat-strategique-inde-japon-ne-cesse-de-se-renforcer/
[12] Mina Pollmann, "Japan and India’s Warming Defense Ties", The Diplomat, 4 mars 2015, thediplomat.com/2015/03/japan-and-indias-warming-defense-ties/
[13] thediplomat.com/2014/10/vietnams-extensive-strategic-partnership-with-japan/
[14] japandailypress.com/japan-to-fast-track-coast-guard-vessels-donation-to-the-philippines- 2129252/
[15] Hideshi Futori, « Japan’s disaster relief diplomacy : fostering military cooperation in Asia », Asia Pacific Bulletin, number 213, 13 mai 2013, East-West Center, Washington,
[16] The Asahi Shimbum, 14 novembre /ajw.asahi.com/article/behind_news/politics/AJ201311140073
[17] Asagumo, 19 septembre 2013.
[18] http://www.nytimes.com/2014/01/14/w...
[19] Lire dans le Livre Blanc de la Défense Japonais mod.go.jp/e/publ/w_paper/pdf/2013/40_Part3_Chapter2_Sec4.pdf
[20] the-japan-news.com/news/article/0001999297 





Géopolitique du Japon : un collapsus démographique programmé


Voici la démonstration que la démographie doit être prise en compte dans une analyse géopolitique, avec le cas du Japon. En effet, le vieillissement de sa population pèse déjà sur sa situation économique et obère ses perspectives de puissance.
Dans le cadre du partenariat entre le Diploweb.com et la collection Major série Géopolitique des Presses Universitaires de France, nous sommes heureux de vous présenter un extrait d’un ouvrage de Jean-Marie Bouissou, "Géopolitique du Japon. Une île face au monde", Presses Universitaires de France, pp. 138-143.
LES HOMMES ont fait la force du Japon pendant plus d’un siècle après sa réouverture [voir chapitre 1, II, 2]. Aujourd’hui, selon les prévisions officielles dites « intermédiaires » (fondées sur un taux de fécondité moyen de 1,35), sa population, qui a culminé à 128 millions d’habitants en 2010, sera réduite à 87 millions en 2060. On peut s’étonner que le World Economic Forum, quand il estime la compétitivité du Japon, ne semble nullement prendre en compte ce collapsus démographique annoncé.

La prospérité, Confucius et la crise expliquent l’effondrement de la natalité

Comme partout, la natalité a décliné au Japon avec l’accroissement du niveau de vie et de la mobilité sociale, le changement des valeurs et le retard de l’âge du mariage par les jeunes désireux d’en profiter. L’Archipel y ajoutait l’exiguïté et la cherté des logements, le coût très élevé de l’éducation et la faiblesse des aides aux familles. La liberté complète de l’avortement, bon marché et nullement stigmatisé, permet de bien contrôler les naissances. Le taux de fécondité est ainsi tombé sous le seuil de remplacement (2,1 enfants par femme) en 1975. Il a fait de même en France la même année, mais il est toujours resté supérieur à 1,6, puis est remonté autour du seuil de remplacement depuis 2006. Dans l’Archipel, il est tombé sous 1,5 en 1991, puis sous 1,3 en 2005 (1,4 en 2013).
La crise aggrave la situation. Au Japon, traditionnellement, un homme ne se marie pas avant d’avoir un emploi stable. De ce fait, plus de la moitié des moins de 30 ans ne sauraient l’envisager aujourd’hui. Or seulement 2 % des enfants naissent hors mariage (France : 52 %). En outre, les couples mariés hésitent, car ils ont de plus en plus souvent besoin de deux salaires. Or, comme la société tend encore à considérer que la fonction de la femme est celle définie par Confucius – « bonne épouse et mère avisée » (ryôsai kenbo) –, nombre d’entreprises continuent à pousser les nouvelles mamans vers la porte. Par la suite, l’éducation de l’enfant, outre son coût, exige de la mère une implication souvent peu compatible avec un emploi régulier. Dans ces conditions, nombre de couples attendent d’hypothétiques jours meilleurs, et les jeunes Japonais sont les moins décidés du monde à fonder un foyer (26 % contre 47 % en France) et à procréer (37 % contre 58 %).

L’entretien des seniors écrasera peu à peu une force de travail grisonnante

Alors que la natalité s’effondrait, la longévité n’a cessé de croître. Elle atteint désormais 84,2 ans pour les deux sexes confondus (France : 81,5) ; seul Monaco fait mieux ! Le Japon vieillit plus rapidement que n’importe quel pays dans l’histoire : il n’a fallu que 36 ans pour que la part des plus de 65 ans dans sa population passe de 7 à 20 % (1970-2006), contre plus d’un siècle et demi pour la France, qui n’y est pas encore (1864-2020). Au beau temps du « miracle » d’après-guerre, 30 % des Japonais avaient moins de 15 ans, 64 % étaient dans ce que les statistiques considèrent comme « l’âge actif » (15-64 ans), et seulement 6 % avaient plus de 60 ans. Quand la population a culminé en 2010, les proportions étaient de 13-64-23. En 2035, elles seront de 10-56,5-33,5. En 2060, elles pourraient être de 9-51-40 !
Cette année-là, compte tenu de l’âge réel du début de la vie professionnelle, seulement 45 % des Japonais devraient être au travail pour pourvoir à l’entretien des autres. En outre, cette population active ne cessera elle-même de vieillir : en 2000, les 50-64 ans en représentaient 36 %, et ils seront 45 % dès 2035. Ces actifs seront donc moins productifs, moins créatifs, moins adaptables aux progrès de la technologie, et probablement moins motivés car écrasés d’impôts et de prélèvements sociaux pour entretenir chacun plus d’un actif. Cette perspective paraît si sombre pour la compétitivité du Japon que le Keidanren, qui y est intéressé au premier chef, préconise ouvertement que « l’aide à la fin de vie choisie » (suspension des soins et assistance au suicide) soit rendue aussi légale et facile d’accès qu’aujourd’hui l’avortement, qui devrait inversement être rendu moins simple.


Carte. Le Monde du Japon aujourd’hui
Carte extraite de Jean-Marie Bouissou, "Géopolitique du Japon. Une île face au monde", Presses Universitaires de France, 2014.

Quels sont les effets prévisibles du collapsus démographique ?

Cet effondrement semble augurer le pire pour l’économie et la compétitivité du Japon : baisse automatique de la croissance potentielle en même temps que celle de la population active, qui est l’un des éléments pris en compte pour la calculer ; diminution de l’épargne et de la consommation, donc de l’investissement ; pénurie et renchérissement d’une main-d’œuvre dont la qualité diminuera avec l’âge. Les dépenses de santé et de retraite, qui absorbaient 42 % des dépenses de l’État hors service de la dette en 2014, iront en augmentant sans cesse, réduisant d’autant les moyens de l’action publique dans les autres domaines.
Ces dépenses seront sanctuarisées par le poids politique des plus de 65 ans. Ceux-ci représentent déjà près de 30 % du corps électoral ; ils seront presque 40 % en 2035, et 46 % en 2060 – alors qu’au Japon, la participation électorale est minimale chez les jeunes et augmente avec l’âge. On peut attendre de ce corps électoral chenu une résistance croissante aux changements de toute nature, ainsi qu’un repli frileux sur soi accompagné d’un sentiment de déclin. Ce repli nourrira le nationalisme mais diminuera l’envie de risquer des affrontements – pour lesquels les forces armées pourraient d’ailleurs manquer de ressources financières et humaines. La frustration croîtra en conséquence.
Les fractures générationnelles pourraient se creuser. Les jeunes seraient démoralisés ou enragés de vivre dans un hospice géant dont les pensionnaires accapareront les ressources communes. La population au travail s’échinerait à entretenir les uns et les autres, avec pour seule perspective de vieillir en ayant toujours ses parents à charge, dont un ou deux millions seront centenaires, tout en doutant que ses propres enfants puissent (ou veuillent) en faire autant pour elle. Les plus décidés des jeunes et des actifs pourraient préférer l’expatriation, aggravant encore le collapsus démographique.
Le pire n’étant jamais sûr, certains envisagent des évolutions plus positives. Au plan économique et technologique, le développement de nouveaux secteurs dans lequel le Japon se retrouvera en pointe : medtronique, biotechnologies et génétique curatives et réparatrices ; domotique centrée sur l’adaptation de la maison et de la ville aux personnes âgées ; technologies permettant le maintien des seniors au travail ; etc. Le Japon acquerra ainsi une spécialisation dont beaucoup de grands pays, vieillissant à leur tour, auront besoin après lui. Les actifs, plus rares, jouiront de meilleures rémunérations et de perspectives professionnelles plus larges. La jeunesse sera choyée ; elle profitera d’une éducation meilleure et plus ouverte sur le monde, grâce à la concurrence entre universités pour attirer une clientèle devenue plus rare, et qui devront s’ouvrir plus au monde pour pallier le manque d’étudiants et d’enseignants. Enfin, les seniors, qui détiennent l’essentiel du patrimoine, devraient avoir à cœur d’en transférer une partie vers leurs enfants et petits-enfants, ce qui renforcerait la solidarité intergénérationnelle.

La relance de la natalité n’est pas vraiment à l’ordre du jour et produirait peu d’effet

Le premier remède semblerait devoir être une politique nataliste. Toutefois, les Japonais paraissent considérer la fertilité comme un phénomène naturel, auquel des mesures artificielles ne peuvent donc pas grand-chose. Les autorités multiplient celles qui ne coûtent rien. Elles encouragent les pères à prendre leur part du labeur que donnent les enfants ; mais moins de 5 % prennent les congés de paternité créés à cet effet. Elles invitent les entreprises à aménager le travail des jeunes mamans au lieu de les pousser dehors, mais sans prévoir aucune sanction. La promesse de crèches en nombre suffisant est rituellement réitérée d’année en année. Mais de moyens financiers, guère. Les allocations familiales ne dépassent pas 15 000 yens par mois et par enfant jusqu’à 15 ans. Aucun abattement fiscal pour enfant à charge n’est accordé tant qu’elles sont versées ; il est ensuite de 710 000 yen par an quel que soit le revenu, mais pour un parent à charge c’est plus d’un million. La sécurité sociale ne consacre que 7 % de son budget à la petite enfance. Elle ne prend pas en charge la grossesse et l’accouchement, au motif qu’il ne s’agit pas d’une pathologie, alors qu’accoucher à Tôkyô coûte un bon million de yens100, soit quatre mois de salaire moyen. Avec la crise, l’obstacle financier est insurmontable pour les couples mal installés dans la vie.
Au demeurant, que l’État agisse ou pas, les jeux sont déjà faits pour longtemps, car le nombre de femmes en âge d’enfanter diminue d’année en année, à mesure qu’y arrivent des cohortes de plus en plus creuses. Même si la natalité commence à remonter – ce qui ne semble être ni pour demain, ni pour après-demain – il en sera inéluctablement ainsi pendant encore 30 ans (âge moyen du premier accouchement au Japon). En outre, le célibat progresse très rapidement : jusqu’aux années 1990, la quasi-totalité des Japonais se mariaient, mais un quart ou plus de ceux qui sont nés depuis pourraient ne pas le faire faute d’emploi stable, et donc ne feront pas d’enfants, ou très peu. Car au Japon, pas de mariage, pas d’enfant.

Le rêve d’une immigration totalement choisie et contrôlée

L’immigration semble donc être la seule solution, d’autant plus que les populations immigrées sont traditionnellement prolifiques. La Corée, où le taux de fécondité a dégringolé jusqu’à 1,1, s’y est résolue : la population étrangère y est passée de 400 000 à 1,5 million depuis le tournant du siècle. Au Japon, l’ONU a estimé en 2009 que pour maintenir la population active à son niveau actuel d’ici 2050, il faudrait intégrer 600 000 nouveaux immigrants par an, ce qui porterait le pourcentage de la population étrangère à plus de 25 % – une perspective impensable. Les autorités japonaises entendent plutôt augmenter le nombre de femmes qui travaillent, laisser les seniors au labeur jusqu’après 65 ans et multiplier les robots. Elles ne chiffrent donc les besoins qu’à 90 000 immigrés par an. Mais même ce chiffre implique une rupture avec le principe d’immigration zéro qui a jusqu’ici tenu lieu de politique en la matière.
Nous avons vu que le Japon a été une terre d’immigration jusqu’aux vies siècle de notre ère, et comment le mythe de la pureté ethnique s’y est ensuite imposé. Ce mythe n’a pourtant pas empêché les zaibatsu nippons d’importer dans l’Archipel un grand nombre de travailleurs coréens bon marché tout au long des années 1920-1930, avant même que le Japon instaure l’équivalent du service du travail obligatoire imposé en Europe par Hitler. La fermeture à l’immigration date de 1951, quand la guerre en Corée a fait craindre un afflux de réfugiés qui rejoindraient leurs compatriotes déjà sur place, auxquels les autorités d’occupation avaient accordé le droit de résidence permanent pour eux et leurs descendants. Mais cette fermeture a bientôt eu aussi pour objectif inavoué de maintenir une tension du marché du travail qui servait la stratégie politique du PLD. Les plaintes répétées du patronat se sont vu opposer le dogme de la « nation qui tire sa force de sa pureté ethnique », faisant de l’immigration un véritable tabou politique. Jusqu’aux années 1990, outre les cadres expatriés, les étrangers n’étaient autorisés à travailler dans l’archipel qu’à des emplois que des Japonais étaient censés ne pas pouvoir occuper (essentiellement enseignants, cuisiniers, boulangers et prêtres, pour les Français, ou femmes de ménage et « artistes » pour les Philippines). La seule communauté de quelque importance était celle que formaient environ un million de Coréens, dont le Japon ne pouvait pas se débarrasser comme il l’aurait souhaité.
La porte s’est pourtant entrouverte à partir des années 1980, parce que « l’internationalisation » était un mot d’ordre officiel [voir chapitre 6, II, 2] et que les jeunes Japonais n’acceptaient plus les emplois dits « 3K » (kitanai, kitsui, kiken  : sales, pénibles et dangereux). Depuis 1990, tous les descendants de Japonais (nikkeijin) dans le monde ont le droit de venir résider en permanence pour travailler dans l’Archipel, ce qui a permis aux usines et aux chantiers nippons d’embaucher quelque 300 000 Brésiliens sans porter atteinte au mythe national de la pureté ethnique. Depuis 1993, au nom de l’aide au développement, les entreprises japonaises d’une soixantaine de secteurs d’activité peuvent aussi « former » des « stagiaires » venus d’Asie (surtout Chine, Indonésie, Vietnam, Philippines et Thaïlande) pour trois années au plus. Nombre d’entre eux se retrouvent aux travaux 3K ou aux caisses des supérettes, et ceux qui n’y donnent pas toute satisfaction sont renvoyés chez eux au bout de la première année. Cette main-d’œuvre sous contrôle et bon marché est très prisée des entreprises, qui se disputent le contingent annuel réparti entre elles par le ministère du Travail. Les effectifs de ces « stagiaires » (environ 90 000 par an) correspondent aux besoins globaux estimés plus haut par les autorités. L’organisation des Jeux olympiques de 2020 sera l’occasion – sinon le prétexte – d’ouvrir plus largement la porte tout en conservant l’alibi de l’aide au développement : la durée des « stages de formation » devrait être portée à six ans, et les quotas revus à la hausse pour le secteur de la construction, qui serait demandeur de 100 000 à 200 000 travailleurs.
Certains flux d’immigration sont entièrement féminins. Celui des « artistes » philippines, importées par les yakuzas pour les bars à hôtesses, s’est réduit depuis que la crise frappe ces établissements. Il a été relayé par un flux massif dans le secteur des soins aux seniors, et par celui d’épouses recrutées par des agences spécialisées à destination des campagnes où les hommes n’en trouvent plus. La population philippine dans l’Archipel a ainsi quadruplé depuis 1990. En 2011, elle atteignait 209 000 personnes soit 10 % des résidents étrangers, à égalité avec les Brésiliens, après les Chinois (32 %, 674 000) et les Coréens (26 %, 545 000). Le nombre de ces derniers se réduit régulièrement, car la naturalisation est de droit pour eux s’ils la demandent – autre disposition imposée sous l’occupation.
Malgré ces évolutions, l’ouverture reste timide. Depuis le tournant du siècle, le nombre de résidents étrangers dans l’Archipel n’est passé que de 1,7 à 2,09 millions (+ 22 %), alors qu’il a triplé en Corée. En outre, il diminue depuis 2008, avec le retour de nombreux Brésiliens chez eux pour cause de crise, et la catastrophe de Fukushima a accéléré le mouvement. Les étrangers ne représentent que 1,6 % de la population (deux fois moins qu’en Corée) et seulement 6 % des mariages sont mixtes (10 % en Corée). Il faut y ajouter les clandestins, estimés dans les belles années 1980 à 400 000 personnes, mais dont la crise aurait réduit le nombre de plus de moitié. Un grand nombre sont des Chinois venus « étudier » dans un réseau d’écoles de langue très peu regardantes sur leur assiduité. En l’absence de toute possibilité de régularisation, ils se laissent très volontiers rapatrier aux frais du contribuable nippon une fois amassé un pécule, au rythme de quelque 25 000 par an – qui sont aussitôt remplacés.
Les autorités ont beau invoquer la trilogie « femmes, seniors, robots », elles sont néanmoins conscientes que l’Archipel a besoin de davantage de travailleurs étrangers, notamment des ingénieurs, des informaticiens et autres travailleurs qualifiés. Ni les nikkeijin, ni les « stagiaires en formation » ne peuvent répondre à ces besoins. Depuis 2000, la politique officielle est de recenser ces besoins spécifiques et d’y répondre au coup par coup « sans affecter la vie sociale des citoyens japonais ». L’idée est de n’admettre que les travailleurs dont l’Archipel a besoin en nombre et en qualité, en les sélectionnant au départ, en limitant strictement la durée de leur séjour et sans qu’ils puissent être accompagnés d’une éventuelle famille. La solution parfaite semble celle de contrats bilatéraux passés avec certains pays fournisseurs, dont le prototype a été la négociation pour recruter 6 000 infirmières, commencée avec les Philippines et finalement conclue avec l’Indonésie (2007). Mais ce rêve d’une immigration entièrement sélectionnée, contractuelle et temporaire, se heurte cependant à la faiblesse des rémunérations et des perspectives professionnelles offertes à ces travailleurs qualifiés que l’on prétend attirer, ainsi qu’à l’impossibilité d’empêcher que certains n’acquièrent droit de cité en épousant un(e) Japonais(e).


Par Jean-Marie BOUISSOU

Ancien élève de l’ENS et agrégé d’histoire, Jean-Marie Bouissou est directeur de recherche à Sciences Po. Il a publié ou dirigé de nombreux ouvrages, dont Le Japon contemporain (Fayard), Quand les sumos apprennent à danser. Le nouveau modèle japonais (Fayard) et Japan. The Burden of Success (Hurst & C°).

janvier 16, 2015

RP#9 - Stratégie - Guerres et Paix ( sommaire: 8 thèmes actuels)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Sommaire: 

A) - Le budget de la défense reste insuffisant face aux nouvelles menaces - Les Echos du 16 janvier 2015 par le groupe de réflexion « les Arvernes3 »

B) - Le jihad en Syrie et en Irak : un défi pour la France - IFRI du 16 janvier 2015 par Marc Hecker

C) - Le vrai crime de la Corée du Nord - Slate du 16 janvier 2015 par Anne Applebaum

D) - En attendant l’issue des négociations entre l’Iran et l’Occident sur le nucléaire... - L’Orient le Jour du 16 janvier 2015 par Scarlett Haddad


E) - Les Etats-Unis sur les dents après les attentats de Paris - La Libre Belgique du 16 janvier 2015


F) - 102,9 milliards de dollars - Le monde du 16 janvier 2015

G) - Nasrallah menace de riposter contre les raids israéliens en Syrie - L’Orient le Jour du 16 janvier 2015

H) - Bassin du lac Tchad : vers un Etat islamique Boko Haram ? - L’Express du 15 janvier 2015 par Alain Nkoyock



 
A) - Le budget de la défense reste insuffisant face aux nouvelles menaces


Alors que le coût des opérations extérieures explose, le budget voté pour le ministère de la Défense en 2015 comporte de graves lacunes. A l’occasion de ses vœux aux armées et cherchant à tirer les conséquences des attentats meurtriers qui ont récemment frappé notre pays, le président de la République a annoncé le 14 janvier 2015 qu’il souhaitait revenir sur le rythme de réduction des effectifs du ministère de la défense. Cette annonce intervient dans un contexte d’accroissement régulier des risques et des menaces de nature géopolitique, alors que l’année 2015 se lève sous des auspices particulièrement troublés, dans un contexte de hausse régulière des difficultés structurelles du ministère français de la défense. En effet, la politique de défense du président de la République est construite sur le postulat suivant : le budget de la défense est sanctuarisé et « l’effort de la nation pour sa défense est tenu ». Ces assertions sont à ce jour totalement fausses. De fait, en 2015, le ministère de la Défense continue de s’affaiblir. En dehors des 7.500 postes supprimés, soit 65 % des 11.431 postes supprimés dans la fonction publique d’Etat, le budget voté par l’Assemblée nationale le 18 novembre 2014 pour 2015 fait état de 31,4 milliards d’euros de crédits de paiement pour la défense, dont 2,4 milliards d’euros constitués de « crédits exceptionnels », qui ne sont gagés sur rien de tangible.

Ces « crédits exceptionnels » devaient entre autre être tirés de la vente de fréquences hertziennes et des retombées des exportations d’armements. Or, le ministère de la Défense est aujourd’hui confronté à un double problème. D’une part, les ventes de fréquences ne pourront pas se faire avant 2016 pour des raisons de négociations internationales et d’atonie du marché des télécommunications. D’autre part, les exportations françaises d’armements sont confrontées à de nouvelles difficultés qui tiennent d’abord aux irrésolutions de la politique française de défense. Ainsi, depuis le début de l’année, l’Inde a fait savoir à deux reprises qu’elle étudiait un plan B pour l’équipement de ses forces aériennes, en proposant d’acheter des avions de combat russes Sukhoi-30 plutôt que les 126 Rafale proposés par Dassault. A cela s’ajoute une dimension politique plus franco-française qui pourrait conduire à la fin des espoirs de Rafale sur ce marché. Si c’était le cas, des questions devraient être posées sur les possibles effets de la récente crise franco-russe sur ce contrat et sur l’impact plus global de l’attitude française sur nos potentiels acheteurs d’armements. De fait, on ne mesure pas suffisamment le coût politique que représente pour l’industrie française de défense la non-livraison des deux navires BPC de classe Mistral à la Russie, en décembre dernier.

 L’erreur politique fut effectivement de signer ce contrat avec la Russie en juin 2011, éveillant la méfiance de nos partenaires de l’Otan. Mais à cette erreur initiale s’ajoute désormais un doute certain sur la parole de la France et sur sa capacité à honorer les contrats signés ; ce que n’ont pas manqué de rappeler les Russes aux Indiens. A l’heure où le budget des opérations extérieures françaises explose (450 millions prévus dans le budget 2014 pour une facture finale dépassant le milliard d’euros) et où la Cour des Comptes pointe dans son rapport du 29 septembre 2014 l’extrême faiblesse du maintien en condition opérationnelle des matériels militaires français, le ministère de la Défense propose, pour colmater les brèches budgétaires de plus en plus béantes, de vendre notre matériel militaire à des sociétés de projet ou SPV (« special purpose vehicle »), qui seront ensuite chargées de louer ces matériels à nos forces. Un constat évident s’impose : la défense française n’est pas du tout sanctuarisée.  

Les récents propos du président de la République montre au contraire, s’il en était encore besoin, que les sacrifices imposés au ministère de la Défense depuis 2012 ont durablement fragilisé notre sécurité et nos capacités à répondre avec succès aux défis sécuritaires, d’où qu’ils viennent.



B) - Le jihad en Syrie et en Irak : un défi pour la France

Le jihad en Syrie et en Irak a attiré environ 15 000 volontaires étrangers dont 3 000 occidentaux. Parmi ces derniers, de nombreux Français. Les chiffres fournis par le ministère de l’Intérieur en novembre 2014 sont impressionnants : 1132 résidents français étaient alors impliqués dans les filières jihadistes. 376 étaient présents en Syrie ou en Irak, plus de 300 étaient décidés à partir de France, 184 étaient en transit, 199 avaient quitté les zones de guerre (dont 109, de retour en France, avaient été mis en examen) et 49 étaient décédés. Ces individus ont des profils variés : si les jeunes issus de familles musulmanes, ayant un faible niveau scolaire et des difficultés à s’insérer professionnellement semblent surreprésentés, on trouve aussi nombre d’individus ayant abandonné en France un emploi stable et convenablement rémunéré. Le nombre de convertis est élevé probablement supérieur à 20%. 

Les femmes sont nombreuses : environ 250. Si les cas d’adolescents ayant rejoint la Syrie ont particulièrement défrayé la chronique, la moyenne d’âge n’est en réalité pas si basse : elle se situerait aux alentours de 25 ans. L’origine géographique des jihadistes est tout aussi variée : plus de 80 départements français comptent au moins un jihadiste en Syrie ou en Irak. Internet et les réseaux sociaux ont facilité cette forme de décentralisation qui permet à l’idéologie de l’État islamique (EI) ou de Jabhat al-Nosra d’arriver jusqu’aux coins les plus reculés de Normandie ou du Languedoc-Roussillon. Pour mieux appréhender le phénomène du jihad en Syrie et en Irak, il convient de le remettre dans une perspective historique puis d’avancer certaines raisons expliquant l’engouement qu’il suscite. Ce n’est qu’ensuite que les mesures mises en place par la France pour lutter contre les filières jihadistes pourront être discutées. 

Les jihads de l’ère moderne
Le phénomène de l’afflux de jihadistes étrangers vers une zone de conflit n’est pas nouveau. L’occupation de l’Afghanistan par l’Union soviétique dans les années 1980 a ouvert l’ère du jihad moderne. En 1984, Oussama Ben Laden et Abdallah Azzam créent à Peshawar une
structure appelée le « bureau des services » – l’ancêtre d’Al Qaïda – chargée d’accueillir les volontaires arabes désireux de soutenir les moudjahidines afghans. En 1984 également, Azzam publie un livre intitulé La Défense des territoires musulmans dans lequel il affirme que le jihad en Afghanistan est une obligation individuelle pour tous les musulmans. Cette affirmation constitue une innovation doctrinale majeure puisqu’elle déterritorialise le jihad. En effet, jusqu’alors, l’obligation individuelle de faire le jihad ne s’appliquait qu’aux habitants du territoire concerné. L’appel d’Azzam est entendu : de 1984 à 1989, le « bureau des services » attire des milliers de combattants arabes. Les estimations varient grandement selon les sources : entre 3 000 et 25 000. Les conséquences de ce jihad afghan se sont fait sentir sur le long terme. Le retour des jihadistes dans leur pays d’origine a été un facteur de déstabilisation, le cas le plus emblématique étant celui de l’Algérie où les « Afghans » ont nourri la dynamique de la guerre civile. 
 
Dans la mythologie jihadiste, le jihad en Afghanistan occupe une place spécifique, d’une part parce qu’Al Qaïda y trouve son origine et d’autre part parce que les jihadistes sont convaincus qu’ils ont réussi à battre l’Armée rouge et, au-delà, à abattre l’Union soviétique. Les jihadistes jouiraient ainsi d’une supériorité morale qui leur permettrait de vaincre n’importe quel ennemi. D’autres jihads ont suivi dans les années 1990 et la première décennie des années 2000 Bosnie, Tchétchénie, Afghanistan post-2001, Irak post-2003 –, mais aucun n’a suscité le même engouement que celui des années 80 contre l’Union soviétique. Ce qui se lit dans les chiffres de volontaires affluant vers ces zones de conflits : pour ce qui est des jihadistes français, les départs vers chacun de ces théâtres se sont comptés en dizaines. Aujourd’hui, le jihad en Syrie et en Irak concurrence, dans l’imaginaire jihadiste, celui contre l’Union soviétique et ce pour plusieurs raisons. 

Les raisons de l’engouement pour le jihad en Syrie et en Irak
Au moins trois types de raisons théologiques, historiques et pratiques contribuent à expliquer pourquoi le jihad en Syrie et en Irak suscite un tel engouement. Au niveau théologique, tout d’abord, la Syrie est englobée dans ce que les jihadistes appellent « le pays de Cham ». Ils expliquent souvent que cette zone est magnifiée dans le Coran, et qu’elle constitue la deuxième région la plus importante dans l’islam après la péninsule arabique. Elle est, en tout état de cause, bien plus importante que le Khorasan, expression employée par les jihadistes pour parler de l’Afghanistan et d’une partie de l’Asie centrale. En outre, des cheiks influents, comme Youssef al Qaradawi, ont appelé au jihad en Syrie. Venir en aide aux populations massacrées par le régime alaouite de Bashar el-Assad est ainsi vu comme un acte légitime dans une grande partie du monde sunnite. Au niveau historique, la Syrie et l’Irak ont été le cœur du califat abbasside de 750 à 1258. Pendant une brève période, la ville de Raqqa aujourd’hui un des principaux bastions de l’EI – en a d’ailleurs été la capitale. 

Or le chef de l’EI, Abou Bakr al Bagdadi, accorde une importance particulière à la notion de califat : à l’été 2014 il s’est autoproclamé calife, et a par là même pris de court Al Qaïda dont les chefs conçoivent traditionnellement la restauration du califat comme l’aboutissement à long terme de leur lutte. Le califat se veut transnational et l’EI a beaucoup joué sur la symbolique de l’effacement des frontières héritées des accords Sykes-Picot. En plus de ces aspects théologiques et historiques, des raisons pratiques expliquent aussi l’attrait exercé par le jihad en Syrie et en Irak. La Syrie est facilement accessible via la Turquie. Quelques centaines d’euros suffisent pour se rendre à Istanbul puis à la frontière turco-syrienne et il n’est pas nécessaire d’avoir un visa, ni même un passeport, pour ce faire : une simple carte d’identité suffit. Par ailleurs, il est très aisé d’échanger sur les réseaux sociaux avec des jihadistes déjà présents en Syrie, qui peuvent donner des conseils utiles pour rejoindre ce pays. Ainsi le web social n’est pas seulement un vecteur de propagande pour l’EI ou Jabhat al-Nosra mais une véritable plateforme organisationnelle. L’engouement pour le jihad en Syrie et en Irak a de quoi inquiéter les autorités des pays occidentaux. 

Les responsables politiques français craignent en particulier que des combattants ne reviennent en France et ne commettent des attentats en s’inspirant de Mohammed Merah ou de Mehdi Nemmouche. Ils s’attèlent à prévenir un tel scénario. 

La lutte contre les filières jihadistes
Pour lutter contre l’EI, la France cherche à agir à la source en participant, depuis le 19 septembre 2014, aux frappes de la coalition internationale. Les moyens déployés sur le théâtre des opérations 9 Rafale, 6 Mirage 2000-D, un ravitailleur C 135FR, un Atlantique II et une frégate antiaérienne ne sont pas négligeables au regard des capacités et des engagements actuels des armées françaises. Sur le territoire français, une approche policière et judiciaire est privilégiée. En avril 2014, le ministre de l’Intérieur a ainsi annoncé la mise en place d’un plan de lutte contre la radicalisation, qui s’est d’abord traduit par l’ouverture d’un numéro vert destiné aux proches de personnes en voie de radicalisation. 

De la fin avril au début du mois de novembre, 625 signalements « pertinents et avérés » ont été effectués. Sur ces 625 signalements, une centaine de personnes avaient déjà quitté le territoire français. En novembre 2014, le dispositif français a été renforcé par l’adoption d’une nouvelle loi antiterroriste. Cette loi comprend trois points essentiels. Premièrement, elle permet des mesures d’interdiction administrative de sortie du territoire. Concrètement, un individu souhaitant se rendre sur une terre de jihad pourra se voir retirer, pour une durée maximale de deux ans, son passeport et sa carte d’identité. S’il tente de quitter le territoire français, il pourra être condamné à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Cette mesure ne sera pas infaillible dans la mesure où les frontières nationales sont poreuses : un individu déterminé à quitter la France n’aura pas grande difficulté à le faire malgré l’interdiction. En outre, un individu faisant l’objet d’une mesure d’interdiction de sortie pourra être tenté de passer à l’acte directement sur le territoire national. Deuxièmement, la notion d’« entreprise terroriste individuelle » est spécifiée dans la nouvelle loi. Cette mesure vise à prendre en compte l’évolution de la menace terroriste et à prévenir le passage à l’acte de « loups solitaires ». Cette innovation permettra sans doute de condamner et d’incarcérer des personnes dangereuses. Reste cependant à améliorer la prise en charge des jihadistes dans les prisons, pour qu’ils ne puissent pas radicaliser d’autres prisonniers. Reste aussi à améliorer le suivi des détenus après leur sortie de prison. En novembre 2014, un premier jihadiste de retour de Syrie a été condamné à 7 ans de prison. Que deviendra cet individu une fois sa peine purgée ? Comme l’a tragiquement rappelé l’attentat contre Charlie Hebdo, cette question se pose aussi pour les individus incarcérés dans de précédentes affaires de filières jihadistes, notamment du temps de la guerre en Irak au milieu des années 2000. Troisièmement, la nouvelle loi comprend des dispositions sur l’utilisation du web par les jihadistes. 

Elle permet notamment de sanctionner lourdement (jusqu’à 7 ans de prison) l’apologie du terrorisme sur Internet, et prévoit la possibilité pour l’autorité administrative de demander aux fournisseurs d’accès de bloquer certains sites web. Cette dernière mesure risque d’être peu efficace : il est facile, à l’aide de logiciels téléchargeables gratuitement, de contourner un tel blocage et, d’autre part, la propagande jihadiste sur le web se trouve aujourd’hui pour l’essentiel sur des plateformes grand public – comme Facebook –, qu’il n’est pas envisageable de bloquer. Pour que l’arsenal législatif antiterroriste soit utile, encore faut-il que les terroristes soient repérés, arrêtés et présentés à des juges. Le travail des services de renseignement est donc essentiel. En 2014, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a été transformée en Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), et une augmentation de ses effectifs a été annoncée. Ils passeront à environ 3700 dans les trois prochaines années. Quand on sait que la filature complète d’un individu nécessite une quinzaine d’hommes, et que le jihadisme n’est qu’un des sujets traités par la DGSI, il ne serait guère surprenant que d’autres attentats surviennent dans les prochaines années. 



 C) - Le vrai crime de la Corée du Nord


Les Etats-Unis ont sanctionné Pyongyang pour le piratage de Sony, mais qu’en est-il de sa responsabilité dans le meurtre de millions de personnes? Dans les années 1990, un important groupe de prisonniers fut libéré d’un camp de travail secret en Corée du Nord. Il ne s’agissait pas de criminels, pas même d’ennemis politiques. Non, de l’aveu même d’un ancien garde, il s’agissait de petits-enfants et même d’arrière-petits-enfants de «propriétaires terriens, de capitalistes, de collaborateurs du gouvernement colonial japonais et d’autres personnes à la généalogie problématique». A une époque, l’Union soviétique arrêtait les femmes et les enfants de prisonniers politiques. Récemment la Russie a envoyé en prison le frère d’un dissident politique. La Corée du Nord, elle, n’hésite pas à interner dans des camps des familles entières, sur plusieurs générations, durant des décennies. Et plusieurs d’entre elles s’y trouvent encore, notamment certaines qui avaient été apparemment libérées il y a vingt ans: sans logements, sans liens et sans connaissance de la vie en dehors du goulag, beaucoup ont tout simplement décidé de rester sur place. Ils étaient devenus «libres», mais ne pouvaient vivre ailleurs que dans la prison qu’ils avaient toujours connue. D’autres semblent en avoir disparu, mais pas parce qu’ils ont été relâchés. Le nombre de prisonniers dans les camps nord- coréens aurait, semble-t-il, chuté ces dernières années, alors que rien n’indique qu’ils sont partis. Tout laisse donc croire qu’ils sont sans doute morts de faim (nous parlons ici de dizaines de milliers de personnes). Voici donc la vraie nature du régime dont nous avons tant entendu parler en décembre: il emprisonne des familles entières sur plusieurs générations. Et lorsque la nourriture vient à manquer, il laisse tranquillement mourir des milliers de personnes. Les camps sont si sévèrement contrôlés qu’il est extrêmement difficile de trouver des informations à leur propos, même dans un monde où les téléphones et les services de messagerie instantanée sont omniprésents. 

Certains organismes, comme le Comité pour les droits de l’Homme en Corée du Nord, font un travail extraordinaire pour se tenir informés de ce qui se passe dans le pays au moyen de photographies par satellite et de renseignements provenant notamment de déserteurs de l’armée. Mais ceux qui parviennent à s’échapper en passant par la frontière chinoise mettent parfois des années à rejoindre la Corée du Sud, non sans être victimes en chemin de passages à tabac, de violences sexuelles et/ou de la famine. Lorsqu’ils arrivent, leurs souvenirs des camps de prisonniers remontent parfois à plusieurs années. Pire encore, leurs témoignages sont souvent difficiles à entendre. Il n’est, par exemple, pas facile de se fier aux témoignages des déserteurs. Ils sont souvent timides, instables sur le plan émotionnel et incapables de se faire à la vie en Corée du Sud ou ailleurs. Il y a quelque chose, dans la sévérité du régime nord-coréen, qui dépasse l’entendement: il nous semble si étrange qu’il nous fait rire au lieu de nous faire pleurer. J’ai entendu un jour, lors d’une rencontre organisée par le Congrès américain, plusieurs anciens prisonniers nord- coréens parler de leur vie derrière les barbelés. Leurs récits étaient consternants. Mais même si le public les écoutait avec attention, il était clair qu’il attendait qu’un parlementaire ne dénonce le régime de Pyongyang dans un langage plus familier.
 
Cela aide peut-être à comprendre pourquoi les efforts menés pendant tant d’années ont eu moins d’impact sur la politique extérieure américaine que l’annonce du piratage des systèmes informatiques de Sony Pictures par des hackers apparemment liés à Pyongyang et leur révélation de ragots sur Angelina Jolie pour se venger de la sortie du film L’Interview qui tue, comédie pas drôle sur le dictateur nord-coréen. Je ne veux pas minimiser la dangerosité du piratage informatique (la prochaine cible pourrait être une centrale nucléaire), mais il n’en est pas moins étonnant que la possible implication de la Corée du Nord dans les problèmes de Sony ait convaincu le président américain d’imposer de nouvelles sanctions à Pyongyang. Les multiples comptes- rendus d’atteintes gravissimes aux droits de l’homme perpétrées durant des décennies n’ont jamais eu autant d’effet. Et peut-être en sera-t-il toujours ainsi. Il y a quelque chose, dans la sévérité du régime nord-coréen, qui dépasse l’entendement: il nous semble si étrange qu’il nous fait rire au lieu de nous faire pleurer. 

Ce n’est pas un hasard si les réalisateurs de L’Interview qui tue ont été incapables de traiter le régime autrement que sous une forme burlesque et vulgaire à souhait. A l’instar de son père Kim Jong-il, Kim Jong-un est devenu une figure amusante, le méchant dictateur ridicule dont on se moque. Nous lisons avec une avidité amusée ses exploits au basketball, de la même manière que nous lisions les articles consacrés à l’obsession de son père pour Elvis Presley et sa peur de l’avion. Et pourtant, sous son régime, des gens meurent tous les jours de faim ou sous la torture. Ils passent des années en prison sans avoir rien fait pour et leurs enfants sont, eux aussi, emprisonnés. Au lieu de nourrir son peuple (sans parler de ses prisonniers), le régime dépense des fortunes pour fabriquer des armes à diriger vers Séoul. En dépit des protestations internationales, il tente même de construire des armes nucléaires. Le régime est tellement rongé par son obsession du secret qu’il a récemment interdit des films russe et chinois, au cas où ils auraient une influence quelconque. Nous pouvons comprendre Sony, nous pouvons comprendre Angelina Jolie... mais nous avons du mal à comprendre tout le reste.



D) - En attendant l’issue des négociations entre l’Iran et l’Occident sur le nucléaire...
 
Le Liban a donc six mois pour se préparer aux développements attendus dans la région. C'est ainsi qu'un ancien responsable résume la situation actuelle, rappelant que l'avenir de la région dépend de l'issue des négociations entre l'Iran et l'Occident au sujet du nucléaire iranien. Trois hypothèses sont envisagées. La première est que l'Iran et les États-Unis ne parviennent pas à un accord total sur le nucléaire et décident une nouvelle prolongation des négociations comme ce fut le cas en novembre dernier. Ce qui maintiendrait une sorte de statu quo dans la région, avec des dossiers non résolus, mais avec un plafond à ne pas dépasser qui empêche les guerres totales. Le nouveau délai qui serait fixé serait tributaire de l'élection présidentielle américaine et la région serait ainsi condamnée à une sorte de statu quo instable pour au moins deux ans La seconde hypothèse est que l'Occident et l'Iran parviennent à un accord sur le nucléaire en juin prochain et que le président américain parvienne à faire accepter cet accord par le Congrès et le Sénat, bien que son pays soit à la veille du lancement de la campagne présidentielle de 2016. Ce serait bien sûr un scénario idéal qui signifierait que la région serait en train de se diriger vers des solutions pour tous les dossiers conflictuels en suspens, d'abord le nucléaire, mais ensuite la Syrie, l'Irak, le Yémen, la Libye, etc. Mais, selon l'ancien responsable, c'est le scénario le plus difficile à réaliser, même s'il n'est pas impossible. Il se heurte en tout cas à la vive opposition de toutes les parties régionales qui ne veulent pas d'un tel accord. En tête de ces parties se trouve Israël qui serait prêt à tout pour empêcher la conclusion d'un accord entre l'Iran et les États-Unis et surtout pour interdire à la République islamique de posséder la technologie de la fabrication de la bombe atomique Pour les Israéliens, les déclarations de l'actuel guide suprême, l'ayatollah Khamenei, sur le refus de l'Iran de se doter de la bombe atomique parce que c'est incompatible avec les valeurs de l'islam ne constituent pas des garanties suffisantes. Car les Israéliens qui planifient sur le long terme craignent qu'un autre guide suprême qui succédera à l'ayatollah Khamenei change d'opinion et profite du fait que l'accord nucléaire autorise l'Iran à se doter de la technologie sans aller jusqu'à la fabrication de la bombe. Aucune garantie ni américaine ni internationale ne serait donc en mesure de rassurer les Israéliens qui ne veulent pas entendre parler de la possibilité pour l'Iran de se doter de la bombe atomique. L'ancien responsable est donc convaincu que les Israéliens pourraient recourir au déclenchement d'une nouvelle guerre contre le Liban de préférence et s'il le faut frapper directement l'Iran. C'est pourquoi, en dépit des assurances internationales et des discours rassurants, les Libanais doivent être vigilants. Le scénario pourrait donc être le suivant : Daech et al-Nosra décideraient de lancer des opérations au Liban pour affronter directement le Hezbollah sur son propre terrain et le contraindre ainsi à retirer ses troupes de Syrie, tout en l'affaiblissant même à l'intérieur du pays. À ce moment-là, Israël lancerait une nouvelle offensive contre le Liban profitant du fait que le Hezbollah est trop occupé par son combat contre les groupes takfiristes, Daech et al- Nosra. C'est dans ce sens que l'ancien responsable interprète l'arrivée massive de combattants de Daech dans le jurd du Qalamoun comme s'il s'agissait d'une préparation de la bataille. Dans la logique de ces groupes takfiristes, ils n'ont pas d'autre choix que d'effectuer des percées au Liban, puisqu'ils ne peuvent plus s'étendre ni en Syrie, ni en Irak, ni même vers la Jordanie ou l'Arabie saoudite. Si, en plus, ils bénéficient d'un appui tacite et d'encouragements de la part d'Israël qui leur ouvre le passage à partir de Chebaa et de ses environs, ils ne devraient pas hésiter à lancer une vaste opération contre le Liban... C'est d'ailleurs pour décourager tous ceux qui souhaiteraient se lancer dans une telle aventure que le secrétaire général du Hezbollah a déclaré dans un entretien à la chaîne al-Mayadeen que son parti est prêt à mener la guerre contre Israël et il dispose pour cela de toutes sortes d'armes. Il a ajouté que si les Israéliens songent à entrer au Liban, les combattants du Hezbollah mèneront une offensive en Galilée... La troisième hypothèse se résume à l'impossibilité pour l'Occident et l'Iran de s'entendre sur le dossier nucléaire et après avoir reconnu qu'ils ne peuvent pas trouver une entente, ils plongeront la région et le monde dans une longue période de troubles et d'instabilité dont le Liban ne sortirait pas indemne. Cette troisième possibilité peut toutefois ne pas se résumer à un constat total d'échec et les protagonistes pourraient déclarer que s'ils ne peuvent pas s'entendre sur le nucléaire, ils peuvent malgré tout unir leurs efforts pour mener la guerre contre le terrorisme. Ce qui pourrait être l'alternative positive à la confusion générale en cas de désaccord total. Tous ces scénarios sont pris au sérieux par les milieux sécuritaires et politiques qui estiment indispensable pour le Liban de consolider sa cohésion interne afin de pouvoir faire face à toutes les éventualités. Même si les dialogues actuellement en cours, ou en préparation, entre les formations politiques libanaises n'aboutissent pas à une entente totale, ils peuvent au moins permettre aux Libanais de se retrouver et de redécouvrir les nombreux points qui peuvent les rassembler pour faire face aux scénarios violents et destructeurs qui pourraient être en train d'être préparés.



 E) - Les Etats-Unis sur les dents après les attentats de Paris


Renforcement des contrôles aux aéroports, surveillance des mosquées, multiplication des policiers infiltrés... Les Etats-Unis sont sur les dents après les attentats de Paris face à la menace grandissante des "loups solitaires" ou de petites cellules téléguidées par les organisations extrémistes. Mercredi, le FBI annonçait l'arrestation d'un jeune Américain de l'Ohio (nord) accusé d'avoir projeté un attentat contre le Capitole qui abrite le Congrès américain à Washington. Un policier sous couverture avait réuni des preuves de son soutien, de vive voix et sur internet, au "jihad violent, ainsi qu'aux attaques violentes commises par d'autres en Amérique du Nord et ailleurs". Le même jour, un jihadiste américain "en puissance" écopait de vingt ans de prison en Floride (sud-est) pour tentative de soutien à Al- Qaïda. Signe de la sévérité de la justice américaine: de nouvelles charges étaient infligées jeudi aux frères Qazi, des Américains arrêtés en 2012 pour avoir voulu faire exploser une bombe à New York. Le directeur du FBI James Comey parlait récemment de "métastase" de la menace terroriste depuis le 11-Septembre. Les experts ont bien observé une montée en puissance en Occident des "loups solitaires" et autres petites cellules jihadistes du type de celle des frères Kouachi et d'Amédy Coulibaly, auteurs des attentats de Paris. Dans les deux cas - individu seul ou cellule, ce sont des musulmans locaux inspirés, voire préparés par les jihadistes d'Al-Qaïda ou de l'organisation Etat islamique, qui décident de faire leur propre bombe artisanale ou fomentent une attaque avec le soutien d'une organisation terroriste. La menace est "presque indétectable" et les attaques "extraordinairement difficiles à empêcher", explique à l'AFP l'analyste Max Abrahms, qui s'attend à "voir de plus en plus d'opérations infiltrées" par le FBI, du type de celle de l'Ohio, pour tenter de déjouer un acte terroriste. En outre, l'attaque contre le journal satirique français Charlie Hebdo a été revendiquée par Al- Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa). La branche yéménite de l'organisation terroriste, "particulièrement inquiétante pour les Etats-Unis, fait beaucoup de bruit en ce moment et, bien naturellement, cela donne la frousse aux responsables de la sécurité américaine", ajoute le professeur à la Northeastern University. "C'est tout à fait normal, particulièrement parce que l'attaque était liée à l'Aqpa, que les Etats-Unis accroissent leur propre sécurité", estime cet expert en terrorisme. Dans la foulée des attentats de Paris, qui ont fait 17 morts, le ministre américain de l'Intérieur Jeh Johnson a annoncé le renforcement des mesures de sécurité et de surveillance aux abords des édifices gouvernementaux et dans les aéroports. "L'heure est à une vigilance accrue", a-t-il dit en annonçant aussi des efforts de sensibilisation des communautés religieuses et ethniques à travers les Etats-Unis. "La menace terroriste persistante" pesant sur le pays a été rappelée à tous les services américains du renseignement et de police lors d'une téléconférence du FBI et du ministère de l'Intérieur mercredi. "Une vigilance continue, le partage d'informations et la coordination à tous les niveaux sont la clé d'une prévention efficace" contre une attaque, selon un communiqué du FBI diffusé après la téléconférence. 

De plus, deux enquêtes parlementaires se pencheront sur le terrorisme venu de l'intérieur. Le président républicain de la commission de la Sécurité intérieure de la Chambre des représentants, Michael McCaul, l'a annoncé: il s'agira de déterminer comment le gouvernement américain lutte contre ces menaces "domestiques" et se prémunit contre des "failles dans nos systèmes de défense afin de tenir les terroristes à l'écart des Etats-Unis". "Ces terroristes sont déterminés à attaquer notre pays et tentent de convaincre des Américains de se radicaliser, de souscrire à leur vision du monde retorse et de perpétrer des actes de violence", a-t-il souligné.



F) - 102,9 milliards de dollars


Les investissements chinois à l'étranger ont bondi de 14,1 % en 2014, dépassant pour la première fois la barre des 100 milliards de dollars pour atteindre ce montant de 102,9 milliards de dollars (87,8 milliards d'euros), selon des chiffres officiels publiés vendredi, alors qu'à l'inverse les investissements étrangers en Chine se tassaient de façon marquée. Contrairement aux attentes initiales du gouvernement, le total des investissements chinois à l'étranger n'a pas dépassé le volume des IDE (investissements directs étrangers) en 2014, mais de l'avis de Zhong Shan, vice-ministre du commerce, ce n'est désormais qu'une question de temps. Hors secteur financier, les entreprises ont renforcé leurs acquisitions, notamment dans les secteurs de l'énergie, des exploitations minières ou agricoles, mais aussi des services et du tourisme. Ces investissements à l'étranger avaient déjà grimpé de presque 17 % (à 90,17 milliards de dollars) en 2013, à l'unisson des encouragements vigoureux de Pékin, soucieux de s'assurer des approvisionnements de matières premières et des débouchés commerciaux pour la deuxième économie mondiale. Dans le même temps, les IDE en Chine, également calculés hors secteur financier, ont progressé l'an dernier de seulement 1,7 %, totalisant 119,6 milliards de dollars.



G) - Nasrallah menace de riposter contre les raids israéliens en Syrie


Le Hezbollah, allié indéfectible de Bachar el-Assad, a menacé hier Israël de riposter « à tout moment » à ses raids répétés en Syrie, se disant prêt à toute nouvelle guerre contre l'État hébreu. Dans un entretien à la chaîne de télévision al-Mayadeen, le secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, a même affirmé que son mouvement était prêt à envahir la Galilée (nord d'Israël), une menace qu'il avait déjà proférée en 2011. « Les raids répétés sur différents objectifs en Syrie sont une grave violation », a-t-il déclaré, précisant que « toute frappe contre des positions en Syrie vise tout l'axe de la Résistance (Damas, Téhéran, Hezbollah, NDLR) et pas seulement la Syrie. Oui, cet axe pourrait décider de riposter (...) C'est son droit. Cela peut arriver à tout moment. Nous ne cherchons pas une nouvelle guerre (...) mais nous y sommes prêts. Si le commandement de la Résistance demande (à ses combattants) d'entrer en Galilée, ils doivent être prêts ». Hassan Nasrallah a également annoncé, et ce pour la première fois, que son parti possédait des missiles iraniens Fateh-110 pouvant atteindre tout le territoire d'Israël. Les missiles Fateh-110, d'une portée pouvant aller jusqu'à 300 km « nous sont parvenus depuis longtemps, depuis 2006. Nous sommes plus forts que jamais », a-t-il dit. Interrogé sur le conflit syrien, Hassan Nasrallah a affirmé que « toute solution en Syrie sans le président Assad est impossible ». Il a précisé avoir dit au vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov lors d'une rencontre à Beyrouth que « toute solution aux dépens du président Assad n'en est pas une » et que « même la Russie serait perdante si elle lâchait le président Assad ». Et se référant à la revendication par les alliés de l'opposition d'un départ de M. Assad, Hassan Nasrallah a ajouté : « Pourquoi donner à ces pays en politique ce qu'ils ont échoué à prendre durant la guerre ? » 

« Que quelqu'un me remplace... »
Sur le plan local, Hassan Nasrallah a affirmé que « toute violation de l'espace et de la souveraineté du Liban est une ligne rouge pour le Hezbollah, et la Résistance a le droit d'y répondre. Nous ne sommes liés par aucune règle ou directive », a-t-il toutefois fait remarquer, soulignant son refus de voir son parti amené à répondre à tout acte israélien contre le Liban, indépendamment de sa volonté. Enfin, Hassan Nasrallah a démenti avoir des ambitions personnelles en tant que dirigeant du parti, affirmant qu'il avait proposé d'être remplacé. « Au Hezbollah il n'a pas de chef, il y a un secrétaire général. Le commandement se fait en groupe. Le secrétaire chapeaute les dirigeants », a-t-il fait remarquer, alors qu'il est à la tête du parti depuis 1992. « Il y a des élections et c'est lors de ces élections que j'ai été reconduit en tant que secrétaire général. Je n'avais pas voulu être à ce poste et j'avais œuvré à ce que quelqu'un d'autre y soit désigné. Mais le destin en a voulu autrement. Il n'est pas question d'ambition personnelle. J'ai même proposé que quelqu'un me remplace, mais ils (les dirigeants du parti, NDLR) n'ont pas voulu. J'ai également proposé une rotation au sein du parti, sans toutefois obtenir de réponse positive. » 

Le cas Chawraba
De plus, le secrétaire général du Hezbollah a affirmé que « des services de renseignements arabes ont apporté des renseignements aux Israéliens lorsque le parti chiite était en guerre avec l'État hébreu. Il y a des services de renseignements et même des États arabes qui travaillent pour le compte des Israéliens », a-t-il lancé, minimisant le rôle de Mohammad Chawraba, la taupe israélienne arrêtée dans ses rangs « il y a environ cinq mois ». « Un responsable embauché par les services de renseignements américains et israéliens a été démasqué, c'est vrai. Mais le sujet a été exagéré dans les médias. Il a été dit que cet individu était chargé de ma sécurité, ce qui n'est pas vrai. On a également dit qu'il était responsable d'unités spéciales (...). Cette personne n'avait en réalité rien à voir avec tout cela. Elle faisait partie d'une unité sécuritaire sensible, il est vrai, mais elle était isolée. Nous avons découvert que c'était un transfuge et il a avoué les faits ». 





H) - Bassin du lac Tchad : vers un Etat islamique Boko Haram ?

Si rien n'est fait maintenant, le bassin du Lac Tchad va devenir, sans délai, un Etat Islamique Boko Haram. Nous sommes à l'aube d'une autre catastrophe humanitaire, après celle de l'assèchement du lac, sans que cela n'attire suffisamment l'attention du monde entier, communauté internationale, instances régionales et sous-régionales comprises. Les récentes percées de Boko Haram et le désordre en Libye vont continuer à nourrir le terrorisme dans cette région.
Le bassin est d'une superficie de 967.000 km2 (sans la Libye). Il comprend trois régions du Cameroun, deux régions du Niger, six (Etats fédérés) du Nigeria, trois régions de la RCA et l'ensemble du territoire du Tchad, avec une population estimée à 30 millions. Les habitants du bassin du Lac Tchad sont issus de plusieurs groupes ethniques et tribaux (Kanouris, Mobbers, Boudoumas, Haoussas, Kanembous, Kotokos, Arabes shewa, Haddas, Kouris, Fulanis et Mangas). Ils sont pêcheurs, éleveurs, agriculteurs ou commerçants. 

Plus de 20 000 morts et 1 500 000 déplacés
Depuis plus de trois ans, les parties camerounaise et nigériane du bassin sont touchées, de plein fouet, par le terrorisme de la secte, avec comme conséquences de lourdes pertes en vies humaines, des enlèvements, des destructions de biens privés et publics. Boko Haram détient toujours plus de 200 jeunes filles kidnappées en avril 2014 dans leur lycée de Chibok dans l'État de Borno. Depuis cet événement qui a marqué les esprits, et malgré l'apparente gesticulation mondiale, le groupe islamiste continue d'enlever ou de tuer régulièrement des milliers d'hommes, femmes et enfants. Même si les statistiques ne sont pas disponibles, à ce jour, le conflit de Boko Haram et les forces de sécurité camerounaise et nigériane ont fait plus de 20 000 morts et 1 500 000 déplacés. Beaucoup dépeignent cette situation comme le résultat d'une crise politique interne au Nigeria, depuis le troisième mandat raté du Président Obasanjo, qui a été forcé par le Sénat en 2006 de quitter le pouvoir au profit de feu le Président Yaradu'a, nordiste, malade et décédé en 2010, avec comme vice-président le discret homme politique sudiste de l'Etat de Bayelsa, Goodluck Ebele Jonathan, qui préside aujourd'hui aux destinées du pays. Mais cela n'explique pas comment un petit groupe de malfrats est devenu une puissante force qui défie les armées organisées, redoutables et républicaines, comme celle du Cameroun. Pour comprendre la dynamique de cette crise, nous devons examiner trois causes profondes. 

Des frontières poreuses héritées de l'indépendance
La première cause est l'héritage de la colonisation. Le Cameroun et le Nigeria ont accédé à l'indépendance en 1960 et sont devenus la même année membres de l'ONU. En février 1961, la population du Cameroun septentrional a décidé, à une majorité importante, d'accéder à l'indépendance, en s'unissant à la Fédération de Nigeria, en application de la résolution 1608 (XV) de l'Assemblée générale des Nations Unies. Aujourd'hui, presque chaque nigérian nordiste a une famille de l'autre côté au Cameroun et vice-versa. La porosité de nos frontières ne permet pas un contrôle strict sur le transfert des armes et l'utilisation du Cameroun comme base logistique par les djihadistes Boko Haram

La mauvaise situation économique s'ajoute aux dissensions
La deuxième cause est la mauvaise gouvernance politique et socio-économique. La situation socio-économique de la plupart des pays de la région se trouve, d'une manière générale, fortement détériorée, au regard des indicateurs pessimistes des secteurs sociaux de base. Depuis moins d'un quart de siècle, de nouvelles ressources économiques (agricoles, minières, industrielles) y créent une nouvelle différenciation de l'espace, une grande mobilité des populations et l'apparition de conflits intercommunautaires. Or, le bassin du lac Tchad apparaît comme une zone d'échange privilégiée entre Afrique du Nord et Afrique centrale. Les pays du bassin font face à des dissensions internes depuis des années, exacerbées par un manque de consensus politiques. Au Nigeria, dès l'annonce des intentions du Président Obasanjo de réformer la Constitution afin de briguer un troisième mandat, le vice-président nordiste Atiku Abubakar, futur candidat à l'élection présidentielle de 2007, a pris le flambeau pour mener une campagne contre cet amendement. Atiku était ainsi soutenu par des politiciens nordistes majoritairement musulmans, tel que l'ex-général et ancien président Muhammadu Buhari, principal challenger du président Goodluck à l'élection présidentielle de février 2015. Cependant, le départ d'Obasanjo et la santé fragile de Yaradu'a n'ont pas aidé le pays à se maintenir dans cette dynamique de développement initiée par Obasanjo. Le Cameroun traverse une période de transition politique assez compliquée, amplifiée par les arrestations des grands dignitaires du pays dans le cadre de la lutte contre la corruption. 

Nationalisme à court terme
Enfin, la troisième cause provient des faiblesses de l'intégration sous-régionale. Depuis l'avènement des indépendances, le bassin a toujours connu une situation d'instabilité au plan socio-économique. Cette situation a conduit les pouvoirs publics à chercher d'abord à consolider leur autorité au plan interne avant de s'engager dans d'autres entreprises, notamment l'intégration. Cet état de choses a renforcé un micro nationalisme latent avec, pour conséquence, une prédominance des intérêts nationaux très étroits et souvent à court terme, sur l'esprit communautaire. C'est l'une des raisons pour lesquelles la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) peine à mettre en place un mécanisme communautaire de prévention et la résolution des conflits. 

La secte continue de nuire malgré les réunions
Le 17 mai 2014, les chefs d'Etat (Nigeria, Cameroun, Benin, Tchad, Niger) et le président François Hollande se sont réunis à Paris et ont adopté un plan d'action régional pour lutter contre la secte. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Union européenne y étaient également représentés. Le plan adopté par le sommet prévoit la coordination du renseignement, l'échange d'informations, le pilotage central des moyens, la surveillance des frontières, une présence militaire autour du lac Tchad et une capacité d'intervention en cas de danger. Le 7 octobre 2014, un sommet régional de chefs d'Etat africains pour lutter contre la secte a été organisé à Niamey autour du président nigérien Mahamadou Issoufou, et ses homologues du Nigeria, du Tchad, du Bénin et le ministre de la Défense du Cameroun. Comme d'habitude en Afrique centrale, la date butoir du 20 novembre 2014 a été dépassée sans que la coordination des forces mixtes et la finalisation des contingents soient effectives, éléments essentiels de la stratégie de lutte commune élaborée par des états-majors des différents pays du bassin. Sur le terrain, la secte a multiplié les menaces verbales, les attaques meurtrières sur les civils, les institutions publiques, les extorsions d'argent aux hommes d'affaires et les prises des camps militaires, mettant en doute l'efficacité des actions entreprises pour contenir le terrorisme. 

Que la communauté internationale apprenne des erreurs du passé
Les stratégies annoncées ont deux défauts majeurs : a) la non prise en compte des organisations régionales comme la CEMAC, la CEEAC, ou l'UA mais surtout la CBLT, dont l'une des missions est la préservation de la paix et la sécurité dans le bassin ; b) la non- implication officielle des organisations islamiques comme l'Organisation de la coopération islamique, capables d'enrichir les stratégies adoptées avec des discussions avec les musulmans membres de la secte. La non-traduction en action de la volonté politique des Etats membres, la prédominance des intérêts nationaux sur l'esprit communautaire, la duplicité et les suspicions, une très grande dépendance de certains dirigeants vis-à-vis de l'extérieur, des infrastructures inadéquates, surtout dans le domaine de la communication, le manque de confiance pour certaines armées dans la gestion des informations stratégiques collectées par les drones, ont contribué à amplifier cette crise. Le Conseil de Sécurité de l'ONU doit rapidement voter une résolution pour le déploiement dans cette région d'un contingent international de prévention et maintien de la paix, qui collaborera étroitement avec la Minusca en RCA et l'opération Barkhane. Le caractère global de la menace d'un éventuel Etat islamique sur le bassin du Lac Tchad, que représentent les djihadistes de Boko Haram et autres terroristes, a pour objectif, au-delà du bassin "d'établir leur pouvoir sur la bande sahélienne de l'Atlantique à l'Océan Indien et d'y installer leur régime obscurantiste impitoyable". Les erreurs du passé en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie ou au Mali, doivent servir de leçons à la communauté internationale.




 
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