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mai 03, 2015

Osez la Liberté ! Du courage au doute, le mal français.......?

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



En peu d’années, nous sommes en train de passer de la génération du courage à la génération du doute.
  Elle a accompagné l’immense transformation des techniques, des moeurs et des rapports sociaux aussi bien qu’internationaux qui a caractérisé ces années de prospérité et de progrès. Par son aura, son énergie, son brio, cette génération du courage a conservé aux institutions académiques une place de premier plan, vitrine culturelle d’une France victorieuse et entreprenante, celle du Concorde, de la dissuasion nucléaire, du pont de Tancarville et du paquebot France. Elle a su prolonger ce prestige bien au-delà des trente glorieuses, quand mai 68 secouait le pays, quand la crise pétrolière venait déjà l’affaiblir, quand l’effondrement de l’URSS bouleversait les équilibres mondiaux. Sans cette génération du courage, le doute aurait pu s’installer beaucoup plus tôt. Elle l’a rejeté dans l’ombre. Mais aujourd’hui, l’éclat des armes qui cuirassaient les vainqueurs n’aveugle plus nos yeux et rien ne nous protège. Nous contemplons le monde nouveau avec des yeux décillés et nous sommes naturellement saisis par le doute quant à la place qu’y occupe désormais la France.

Ce que nous voyons, c’est la crise profonde que traversent aujourd’hui notre pays et sa culture. Pour être exact, il faudrait d’ailleurs dire les crises. Car elles sont, à mes yeux, de trois ordres. Crise de la France en elle-même. Crise des rapports entre la France et les autres pays occidentaux et enfin, crise de l’occident lui-même, auquel nous appartenons, face au reste du monde
 
Crise de la France en elle-même. Notre confrère Pierre Nora a bien analysé la transformation radicale de notre pays au cours de ces dernières décennies. D’une nation étatique, écrit-il, guerrière, majoritairement paysanne, chrétienne, impérialiste et messianique nous sommes passés à une France atteinte dans toutes ces dimensions et qui se cherche souvent dans la douleur. L’affaiblissement extrêmement rapide de ce qu’il appelle l’identité nationale-républicaine s’accompagne d’un affranchissement général de toutes les minorités –sociales, sexuelles, religieuses, régionales…–. Or, pendant ces mêmes années, la composition de la population a elle-même beaucoup évolué, enrichissant notre pays d’autant de groupes capables de se revendiquer comme minorités. La croissance économique a attiré vers la France de nombreux ressortissants de son ancien empire qui véhiculent le souvenir tenace et souvent douloureux de la période coloniale.

D’autres migrants, avec la mondialisation des échanges, proviennent d’aires géographiques et culturelles encore plus éloignées, Chine, Sri Lanka, Amérique latine. Ils n’ont guère d’histoire commune avec la France et transportent avec eux leurs cicatrices, leurs ambitions, en un mot leur mémoire. Cette diversité nouvelle, ces fractures mémorielles constituent autant de défis culturels à relever pour la France contemporaine. Dans le domaine linguistique, par exemple, l’Académie française, gardienne de la langue et, par conséquent chargée tout à la fois de la préserver et de la faire évoluer, en est bien consciente. Chaque groupe aujourd’hui cultive ses codes linguistiques, la question des langues régionales ressurgit, l’expression littéraire elle-même fait éclater les repères classiques, sous l’influence d’auteurs venus d’aires francophones diverses, voire d’autres univers linguistiques.

Le domaine de l’Histoire voit également surgir de nouvelles difficultés. Dans un pays qui a depuis longtemps pour référence une histoire extrêmement homogène et normative, l’irruption des mémoires minoritaires – certains diront communautaires– tend « à frapper toute histoire de la nation des stigmates du nationalisme ».

Comment, dès lors, concevoir l’Histoire, la philosophie et même la littérature françaises ? Paul Thibault a écrit il y a quelques années un livre intitulé Que doit-on enseigner ?. Ce titre résume presque à lui seul les multiples questionnements de la génération du doute. Crise des rapports entre la France et les autres pays occidentaux. Pour en mesurer la profondeur, il faut rappeler d’où nous partons. La France a exercé pendant plusieurs siècles un magistère culturel quasi-universel. De Voltaire à Camus, de Victor Hugo à Mauriac, les grandes figures culturelles françaises étaient également de grandes figures occidentales et même mondiales.

Ce n’est pas que d’autres pays, l’Allemagne, l’Angleterre, la Hollande, n’aient pas eu de grands penseurs.
  Mais aucun d’eux n’a pu rivaliser avec la France dans la catégorie dont nous sommes sans doute les créateurs, en tout cas les maîtres : celle des « intellectuels ». Nous sommes les irremplaçables producteurs de ces esprits brillants, incarnation du bon goût, fût-ce pour prêcher la révolution, plus familiers de la conversation que de la dissertation, préférant la clarté à la vérité, maniant l’humour plus aux dépens des autres que d’eux-mêmes, mais surtout sachant admirablement incarner l’esprit de leur temps. Ce qui nous apparaît en général comme l’âge d’or de notre histoire culturelle, c’est cette époque où comme l’écrit Marc Fumaroli l’Europe parlait français, c'est-à-dire où le règne de la France sur les esprits européens allait de pair avec l’usage généralisé de sa langue parmi les élites.

Cette double prééminence a été progressivement remise en cause, et de façon accélérée pendant la deuxième moitié du XXe siècle. Point n’est besoin de revenir sur la considérable poussée de la langue anglaise, en particulier dans les registres scientifiques, diplomatiques, économiques. Mais dans le domaine culturel, je veux dire dans le domaine des oeuvres, la montée en puissance du monde anglo-saxon est aussi évidente.


Ceci vaut pour la culture de masse, en particulier le cinéma, adossé à de considérables puissances financières. Mais cela concerne aussi le domaine intellectuel. Nombreux sont désormais les pays, à commencer par les États-Unis, qui disposent d’économistes, de philosophes, de sociologues, et, bien sûr d’écrivains dont l’audience est mondiale. La France produit toujours de brillants intellectuels et quelques uns peuvent se prévaloir d’une audience internationale. Cependant, leurs décrets ne font plus trembler la planète et l’écho de leurs querelles ne retentit plus aux quatre coins du monde habité. Ils se sont par ailleurs pour la plupart ralliés aux conceptions libérales et démocratiques, ce qui leur ôte ce parfum de révolte et d’utopie qui était un de leurs plus puissants attraits. Par ailleurs, la France engendre toujours quantité de spécialistes exceptionnels, à la renommée internationale. Nos académies s’honorent d’en compter plusieurs et nous déplorons, la disparition récente d’un des plus emblématiques d’entre eux, Claude Lévi-Strauss. Reste que ces individualités sont, elles aussi, attirées par le « centre » américain, où elles sont souvent amenées à séjourner, à enseigner, voire à émigrer.

Crise de l’Occident face au reste du monde, enfin. C’est la moins facile à percevoir mais la plus inquiétante, peut-être. A l’époque où notre Académie a été fondée, l’univers se réduisait au pourtour de la Méditerranée.

Le Mayflower avait emmené les pères fondateurs en Amérique depuis à peine quinze ans. L’élargissement progressif du monde n’allait en rien remettre en cause la prééminence européenne. Au contraire, la colonisation constituait une sorte de dilatation de notre continent et en particulier de la France, à l’échelle du globe entier. Aujourd’hui, le mouvement s’inverse. L’Europe a payé cher les guerres qui se sont déroulées sur son sol. Elle s’est retirée de ses colonies. Ce que l’on a appelé le Tiers-monde, à compter de la conférence de Bandoeng en 1955, a connu un essor considérable. Essor démographique d’abord qui réduit très fortement le poids relatif de l’Europe. Essor économique, qui concerne aujourd’hui non plus seulement quelques petits dragons asiatiques mais d’immenses ensembles comme le Brésil, l’Inde ou la Chine. Essor culturel surtout, qui n’est pas réductible au précédent. Un continent comme l’Afrique, dont la situation économique est contrastée, à certains endroits prometteuse mais dans beaucoup d’autres catastrophique, n’en a pas moins produit une culture extrêmement féconde dans tous les domaines, musical, pictural, et littéraire.

Devant ce paysage nouveau, on peut comprendre que l’on soit saisi par le doute. Doute quant à la place de notre pays, de notre culture, de notre langue dans un monde aussi radicalement bouleversé.

A priori, le doute est une faiblesse. Tel est, du moins, le sens commun. Celui qui « ne doute de rien » semble avoir un avantage sur l’indécis. Et, en effet, notre doute serait une grande faiblesse s’il nous conduisait au pessimisme et au renoncement. En cheminant dans les couloirs de cette maison, en passant devant les bustes de pierre ou de bronze de nos illustres prédécesseurs, nous sommes accoutumés à ce sentiment d’humilité qui nous fait nous sentir bien petits. À titre individuel, c’est plutôt un signe de bonne santé. Mais si nous l’appliquons à toute la nation et à toute l’époque ; si nous pensons que la France d’aujourd‘hui ne vaut pas celle d’hier ; si nous sommes gagnés par l’idée que la France, quand elle n’est plus tout, n’est plus rien, alors, oui, le doute est une grande faiblesse. Ce serait ignorer et trahir l’extraordinaire créativité française actuelle, dans tous les domaines, littéraires, théâtral, cinématographique, architectural. Ce serait méconnaître la capacité d’attraction que continue d’exercer notre langue dans le monde. Lorsque l’on évalue la francophonie au nombre de locuteurs du français, on passe à côté de ce qui en fait la spécificité et la force : la dispersion planétaire de ceux qui parlent notre langue. La francophonie n’est pas la caractéristique linguistique d’un bloc de peuples regroupés sur une même aire géographique : c’est un trait d’union entre des régions différentes du globe. Dans une période où le monde redevient multipolaire, l’hégémonie de l’anglais n’est plus une fatalité. Dans de nombreux pays, le français est même vu comme une alternative culturelle et politique. C’est notamment le cas dans les grands pays émergents, puissances d’aujourd’hui mais surtout de demain que sont le Brésil et la Chine. Comme nous le rappelait notre Secrétaire perpétuel, madame Carrère d’Encausse, à la suite de son voyage à Shanghai, le pavillon français de l’Exposition Universelle est le deuxième plus visité après celui de la Chine. Il est donc une autre forme du doute, plus créatif, et même plus combatif.


Un doute qui nous fera chercher les moyens de relever les défis de ce temps et de donner à la France sa place, toute sa place dans un monde globalisé. Un doute qui doit nous faire poser des questions pour l’action. C’est ce doute qui inspire les interrogations qui traversent aujourd’hui nos institutions et, en particulier, l’Académie française qui me délègue devant vous ? Tout nouveau venu dans cette Compagnie a tendance à mettre l’accent sur les nécessaires évolutions et nos aînés ont la grande sagesse de nous rappeler les vertus de la tradition. Dans une France en quête de repères, la continuité historique de l’Académie est une grande force. Nous ne devons pas oublier que cette institution a été créée au moment où la France traversait une période de guerre civile autrement plus critique que la nôtre et qu’elle a peut-être contribué à jeter les bases de la renaissance politique et culturelle qui a suivi les temps sanglants de la Fronde. Dans une époque où tant de choses sont éphémères, la tradition que nous représentons matérialise la permanence de la nation à travers la continuité des siècles. Elle est certainement l’une de nos fonctions essentielles.

Pour autant, l’Académie a su évoluer. Ainsi, au tournant des années soixante, a eu lieu l’élection du premier étranger de naissance, en la personne de mon prédécesseur Henri Troyat. Il fut rapidement suivi de beaucoup d’autres, qui représentent presque tous les continents, comme Léopold Sédar Senghor, Julien Greene, Hector Bianciotti ou François Cheng. 

Comment prolonger cette ouverture et faire en sorte qu’elle nous permette de refléter la diversité de la France d’aujourd’hui ? 

Bien d’autres évolutions peuvent être envisagées, qui posent autant de questions délicates et nous donnent l’occasion d’exprimer nos doutes et nos interrogations. 

Quelle place, par exemple, devons-nous réserver à la littérature par rapport à d’autres formes de création en rapport avec l’écrit ? 

En particulier, comment mieux représenter le domaine audio-visuel et notamment, bien sûr, le cinéma. Comment nous adapter au champ nouveau que constitue le monde virtuel, la planète internet ?

Comment défendre la francophonie sans marginaliser la culture française dans les grands circuits de production culturels dominés par le monde anglo-saxon ?

Le doute est à l’origine de toutes ces interrogations. Ce doute-là, constructif, n’est pas une faiblesse mais, au contraire, une force.
  Nous devons en être conscients et le revendiquer car le doute est peut-être la caractéristique la plus profonde de la culture française. A l’époque où fleurissent partout les intégrismes, où tant de gens sont prêts à occire leur prochain au nom de convictions qu’ils considèrent comme indiscutables, le doute est un instrument précieux. La dérision, l’humour, la tolérance, le respect des différences sont les fruits de cet arbre du doute que la France cultive depuis Montaigne et qui fait d’elle le pays de la liberté. À ce propos, je ne crois pas inutile de rappeler, pour conclure, que la naissance du doute chez Montaigne fut d’abord la conséquence d’une défaite.

Nous sommes en 1555. La France envoie une flotte pour conquérir le Brésil. Les Français ont la ferme intention d’apporter la civilisation aux cannibales qui peuplent la baie de Rio. Mais finalement, sur la petite île où ils accostent, au pied du pain de sucre, les colons vont s’étriper, au nom d’obscures querelles théologiques. En somme, ce sont eux qui vont se conduire comme des sauvages. L’expédition tournera court et préfigurera les guerres de religion. Cependant, il se trouve que l’un des protagonistes de cette expédition ridicule, en rentrant en France, va devenir le secrétaire de Montaigne. Il lui raconte son aventure et fait naître en lui le doute. Et si nous étions plus barbares que les Cannibales ? écrit en substance Montaigne dans le chapitre fameux du deuxième livre des Essais intitulé précisément « Des Cannibales ». Ainsi, créée-t-il la figure du « Bon Sauvage ». La fortune philosophique de ce concept sera immense tout au long du XVIIIe siècle. Les idées de tolérance, de respect des cultures, en un mot d’humanité qui en procédent sont parmi nos plus précieux apports à l’histoire. Ainsi, de la déroute des Français du Brésil sont nées, par le détour de Montaigne, les idées libératrices dont ils seront les propagateurs dans le monde entier. Cet exemple doit nous rappeler que le doute est une plante qui pousse souvent sur les décombres de la puissance. Elle fend le marbre froid des grandes théories et des pouvoirs sans contrepoids. La voir fleurir en ce moment doit plutôt, à rebours des fausses évidences, nous rendre confiants dans notre avenir.

Le doute : faiblesse ou force de la culture française ?
Source journal ou site Internet : Institut de France via mon blog Humanitas
Date : 28 octobre 2010
Auteur : Jean-Christophe Ruffin, de l’académie française




janvier 16, 2015

Vœux 2015 aux forces armées en Hollandie

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.




Messieurs les Ministres.
Mesdames, messieurs les élus.
Messieurs les officiers généraux.
Officiers, sous-officiers, officiers mariniers, soldats, quartiers-maitres et marins.
Mesdames, messieurs.
Je suis déjà venu sur ce magnifique porte-avions pour commémorer le débarquement de Provence. J’avais décidé de vous retrouver à l’occasion des vœux aux armées. Mais il se trouve que j’interviens devant vous dans un moment exceptionnel, une épreuve que traverse notre pays.
Nous avons été victimes d’une attaque terroriste sur notre propre sol. 17 personnes ont été tuées par les terroristes.
Des journalistes, parce qu’ils étaient journalistes. Des policiers, parce qu’ils étaient policiers. Des Juifs, parce qu’ils étaient juifs.
Je rends une fois encore hommage à ces victimes et j’exprime ma compassion à l’égard des proches pour leur dignité.
Face à l’épreuve qu’a connue notre pays le peuple français a su réagir ; il a répondu par une solidarité, une fraternité, une unité qui font la fierté de toute notre nation et l’admiration du monde entier. Je tiens également à saluer le comportement exemplaire des forces de gendarmerie et de police qui ont, avec courage, avec bravoure, avec professionnalisme, neutralisé les terroristes et qui assurent quotidiennement la sécurité de nos concitoyens.
Ces forces de gendarmerie et de police vont être renforcées, sont déjà renforcées par les armées. C’est une opération intérieure d’une ampleur inégalée et considérable. Le plan VIGIPIRATE a été porté à un niveau jamais atteint. 10.000 militaires sont déployés sur l’ensemble du territoire national pour en protéger les points les plus sensibles : les écoles, les lieux de culte, synagogues, mosquées, églises ou temples.
Le rythme du déploiement est lui-même exceptionnel, inédit. En à peine trois jours le dispositif est passé de 1000, c’était son niveau lundi lorsque j’ai pris la décision, jusqu’à 10.500, ce sera le niveau des effectifs ce soir. Jamais dans notre histoire récente il n’y a eu un tel déploiement avec une telle rapidité.
La Défense nationale montre ainsi qu’elle remplit parfaitement l’un des objectifs qui a été fixé dans le Livre blanc et qui consiste à protéger notre territoire.
La capacité de notre armée lui permet donc d’assurer dans un délai rapide - quelques jours - cette mission de protection de nos compatriotes sans que l’armée ne se confonde avec la police et la gendarmerie. Mais la coopération doit être parfaite, elle l’est. Et c’est bien ce que je constate puisque nos forces civiles et militaires font preuve d’une réactivité et d’une complémentarité en tout point remarquables. Je tenais, aujourd’hui même, à vous en féliciter.
Nous devons répondre à des attaques venues de l’intérieur, celles qui se sont produites pendant ces trois jours terribles, mercredi jeudi et vendredi – attaques de l’intérieur qui peuvent être commanditées de plus loin puisqu’elles sont revendiquées par des organisations terroristes que l’on connait bien.
Mais dans le même temps nous devons aussi conjurer les menaces venant de l’extérieur, et elles sont nombreuses. C’est le sens des choix que j’ai faits au nom de la France pour réagir immédiatement à la percée des terroristes au Mali. C’était le 11 janvier 2013. Mais c’est aussi le choix que j’ai fait pour participer à la coalition destinée à frapper Daesh en Irak. C’est une décision que j’ai prise l’été dernier.
En même temps que nous pouvons être présents, soit sur le plan terrestre – c’est le cas dans le cadre de l’opération Barkhane -, soit sur le plan aérien - ce que nous faisons en Irak -, nous devons aussi soutenir de la meilleure des façons ceux qui se battent en première ligne contre les djihadistes. C’est la raison pour laquelle nous avons livré des équipements militaires aux Kurdes d’Irak et que nous aidons les forces de l’opposition en Syrie qui se battent contre l’Etat islamique.
Je continue néanmoins de regretter, je le dis devant vous, que la communauté internationale n’ait pas agi en temps voulu pour faire cesser les massacres en Syrie et empêcher les extrémistes de gagner plus de terrain encore.
C’était notamment à la fin du mois d’août 2013, début du mois de septembre, que la communauté internationale aurait du déjà agir. La France était prête ; les ordres avaient été donnés ; les dispositifs étaient en place. Une autre voie a été préférée. Nous en voyons les résultats.
La lutte contre le terrorisme c’est une affaire de temps. Attendre est un péril ; se précipiter est un risque. La France fait donc les choix judicieux. Elle ne peut pas intervenir partout.
On nous demande de le faire.
Il y a tant de menaces, tant de dangers, tant de terreur en Libye, au Nigéria, mais la France ne peut pas et ne veut pas d’abord participer à une action qui n’aurait pas la caution des Nations Unies ; elle ne veut pas non plus agir seule et de manière précipitée ou aventureuse, car il s’agit de la vie des soldats. Donc nous agissons aussi sur le plan politique pour que des conditions puissent être trouvées par la communauté internationale pour régler ces conflits.
Mais là où nous intervenons, là où nous agissons, nous devons montrer une très grande détermination.
Cette semaine, le Charles de Gaulle part en mission – est déjà en mission. L’appareillage de notre porte-avions est un acte qui a du sens. C’est un engagement. Le Charles de Gaulle c’est un instrument de force et de puissance, c’est le symbole de notre indépendance. Il manifeste la capacité politique, militaire, diplomatique de la France.
Aujourd’hui, la situation au Moyen Orient justifie la présence de notre porte-avions. Grâce au Charles de Gaulle nous disposerons d’informations précieuses, de renseignements. Nous pourrons, si nécessaire, mener des opérations en Irak avec encore plus d’intensité et plus d’efficacité.
Le porte-avions travaillera en étroite liaison avec les forces de la coalition. Il nous donnera tous les moyens d’une projection à tout moment en cas de tension supplémentaire. C’est dire l’importance de la mission que vous effectuez.
Dans le contexte que je viens de décrire au plan international avec l’attaque qui s’est portée sur notre propre territoire, vous êtes d’une certaine façon en opération.
J’ai toute confiance en vous, dans l’équipage qui sert le Charles de Gaulle. Je connais le savoir faire des pilotes, des mécaniciens et des marins. Vous vous inscrivez dans une longue tradition. Notre pays en effet a toujours pensé qu’il y avait une stratégie à mener avec l’aéronavale. Ce sont des visionnaires au cours de la Première guerre mondiale qui en ont eu la conception. Depuis, génération après génération la France a fait en sorte de disposer de cet outil, outil remarquable que vous servez.
La France est l’un des rares pays au monde capable de mettre en œuvre une force aéronavale aux compétences complètes avec un porte-avions à catapulte.
Avec plus de 34 000 appontages depuis sa mise en service, le Charles de Gaulle est une illustration de la performance industrielle et technologique de notre pays au service de sa propre défense. Mais également de la performance de tous les personnels qui servent sur le porte-avions.
La décision que j’ai prise de faire appareiller, avec le ministre de la Défense, le porte-avions, a le sens que je viens de vous donner. Il nous permet d’avoir une influence sur la scène internationale.
La mission qui commence est donc aussi une réponse au terrorisme. Nous lui faisons la guerre et donc nous devons y mettre les moyens militaires les plus adaptés face aux menaces.
Notre pays, le vôtre, consacre des ressources budgétaires importantes à l’effort de défense. Nous en voyons la traduction encore aujourd’hui. D’abord des femmes et des hommes bien formés, bien entrainés, bien commandés. Ensuite des outils de renseignement permettant de relever le défi de la cyber défense, enjeu majeur, des équipements de haute technologie, le porte-avions. Enfin, une force de dissuasion constamment entretenue et disponible à tout moment, et l’aéronavale en est une composante majeure.
Il y a, ce qu’on appelle, dans la marine l’esprit d’équipage. C’est une belle expression l’esprit d’équipage. Ca vaut pour toutes les armées mais cela vaut aussi pour une nation ou pour un peuple. Nous sommes un équipage nous aussi ensemble.
Qu’est-ce que ça veut dire, être un équipage ? Cela veut dire agréger des hommes et des femmes qui apportent chacune, chacun leurs compétences, leur savoir-faire, leurs qualités, leurs origines, leurs parcours, leur diversité.
La France doit être un équipage. Mais pour servir les armées, il faut qu’il y ait un engagement militaire continu ; nous avons besoin dans ces circonstances de mobiliser tous les concours et d’abord des militaires d’active. Car je ne vous apprends rien, il n’y a pas d’armée sans les hommes et les femmes pour la servir.
C’est pourquoi je suis avec le Premier ministre et le ministre de la Défense, mais c’est ma responsabilité liée à ma fonction de chef d’Etat et chef des armées, je suis très vigilant, dans le contexte que je viens de décrire, quant au niveau des effectifs militaires et donc quant aux restructurations qui sont prévues.
La situation exceptionnelle que nous connaissons doit conduire à revenir sur le rythme de réduction des effectifs qui avait été programmé pour les trois prochaines années dans le cadre de la Loi de programmation militaire.
Ce rythme doit être revu et adapté. Je demande donc au ministre de la Défense de me faire des propositions, d’ici la fin de la semaine, en tenant compte évidemment des nécessités budgétaires. Je tiendrai un Conseil de défense sur cette question des effectifs mercredi et je prendrai aussitôt la décision.
Voilà pourquoi les forces que vous constituez sont si essentielles. Voilà pourquoi dans ce moment particulier j’ai voulu que des décisions puissent être prises pour que la France soit sûre que sa défense est au rendez-vous et que vous vous soyez convaincus que nous vous faisons confiance pour permettre d’être protégés et d’intervenir là où vous êtes appelés.
Il y a les militaires d’active, il y a aussi les réservistes. Je veux ici aussi souligner leur rôle. Les réservistes sont appréciés du commandement. Ils offrent aux armées des compétences et un rayonnement dont il serait hasardeux de se priver face aux tensions du monde.
Je souhaite donc que les dispositifs sur l’emploi des réserves soient améliorés pour permettre à tous ceux qui ont une compétence d’apporter à nos forces tout ce qu’ils peuvent offrir à la nation.
Ces échanges profitent à tous ; aux entreprises, dont sont issus ces réservistes ; aux armées qui sont enrichies par cet apport ; et bien sûr aux intéressés eux-mêmes qui vivent dans les armées une expérience inoubliable.
Servir la France c’est ce que vous faites. Servir la France n’est pas simplement une mission qui revient aux seuls militaires ou aux seuls fonctionnaires civils. Tout citoyen doit pouvoir être utile à son pays, où qu’il soit, d’où qu’il vienne, quelles que soient ses origines. Chacune, chacun peut participer à sa manière pour redresser la France, la protéger, la rendre meilleure.
Le service civique est une très belle idée. J’ai annoncé qu’il doit devenir universel. Il sera donc proposé à tous les jeunes français qui en feront la demande.
Nos compatriotes ne manquent pas de civisme. Ils en débordent même, chaque fois qu’on les sollicite. Le vivier est immense et j’ai eu là aussi la fierté de le constater.
Prenons l’exemple de la lutte contre Ebola. Cette terrible maladie. Des volontaires se sont spontanément manifestés pour soutenir l’action que nous avions engagée. Je veux féliciter tous ceux, militaires et civils, qui s’impliquent sans compter depuis le début de cette redoutable épidémie. Notamment en Guinée où je me suis rendu et où j’ai pu constater que face à un fléau, l’armée, toujours l’armée, répond présente.
Je pense notamment aux hommes et aux femmes du service de santé. Ils mettent toute leur expertise au service de la lutte contre ce virus. Et leur action remarquable a été saluée par l’ensemble de la communauté internationale.
L’Afrique fait face à ce fléau, mais l’Afrique fait face aussi à d’autres menaces, d’autres périls.
J’ai rappelé ce qu’avait été notre action au Mali ; elle n’est pas terminée. Il y a deux ans, nous avons pris la décision d’intervenir pour arrêter d’abord l’offensive djihadiste, la réduire, et faire en sorte que le Mali puisse retrouver son intégrité territoriale. C’est fait. Mais en même temps nous devons continuer, avec les forces des Nations Unies, avec l’armée malienne, nous devons continuer à permettre la réconciliation, le développement du pays et surtout empêcher la résurgence des groupes terroristes.
C’est la raison pour laquelle, grâce à vous, des opérations ont été récemment menées qui ont pu déjouer les tentatives terroristes. Ainsi, en 2014, l’année dernière, 200 djihadistes dont quelques chefs importants ont été neutralisés par nos troupes.
Mais le cadre de notre action a également été élargi. Il couvre maintenant le Sahel, de la Mauritanie au Tchad pour renforcer les Etats de la région face justement à ces menaces des groupes terroristes qui se sont souvent repliés là où nous ne pouvons pas les atteindre, notamment en Libye.
Commandées depuis Ndjamena au Tchad, nos troupes de l’opération Barkhane sont maintenant pleinement opérationnelles. Au sol comme dans les airs, elles travaillent en parfaite osmose et en étroite collaboration avec les armées des pays amis.
Nos forces spéciales, je veux aussi leur rendre hommage, prennent depuis les premiers jours une part primordiale en accomplissant un travail remarquable.
Tout cet espace, nous en voyons, aux frontières, les dangers. Je pense à ce qui se passe en Libye, au Nigéria, avec ce groupe terroriste Boko Haram qui décime des villages, des villes entières. Là encore nous devons faire en sorte que ce soient les pays eux-mêmes, les pays africains, qui assurent leur propre sécurité. Nous devons les appuyer.
Nous devons quelquefois aussi intervenir lorsqu’il y a des risques de massacre. Et vers qui se tourne-t-on ? Toujours vers la France. En République Centrafricaine ce fut l’opération Sangaris qui a été lancée il y a treize mois en application d’une résolution unanime du Conseil de sécurité.
Cette opération Sangaris a été, si je puis dire - mais j’ai peine à le dire - un succès. Non pas parce qu’elle n’a pas réussi – il y a eu des massacres, il y a eu des morts – mais il y en aurait eu encore plus si nous n’avions pas été là. Nous avons pu atteindre nos objectifs et aujourd’hui il y a le déploiement d’une force africaine qui a maintenant laissé place à une force des Nations Unies.
J’ai donc décidé d’alléger notre dispositif en République Centrafricaine. 2 000 soldats aujourd’hui, 1 700 au printemps, 800 à l’automne prochain.
Ce mouvement s’exécutera en parallèle de la montée en puissance de la mission des Nations Unies qui atteindra, elle, 12 000 hommes. Je peux dire donc qu’en Centrafrique nous avons fait ce que nous avions dit, grâce à vous. Nous avons permis à ce pays, l’un des plus pauvres du monde, de retrouver un début de calme et d’apaisement, même s’il y a encore beaucoup à faire.
Je félicite les militaires qui y ont contribué par leur sang-froid. Aussi, sur proposition du ministre de la Défense, un contingent spécial de la Légion d’honneur et de la Médaille militaire viendra récompenser les militaires s’étant particulièrement distingués sur le théâtre centrafricain.
L’Afrique n’est pas le seul continent d’intervention de nos armées. Sur l’ensemble du globe, 20 000 militaires sont en permanence déployés hors de nos frontières. Dont la moitié en opérations extérieures.
Hier, conformément à l’article 35 de la Constitution, le parlement a autorisé à l’unanimité, à l’unanimité, la prolongation de la mission de nos forces en Irak. Cette confiance qu’a donnée le Parlement au Gouvernement pour agir, c’est une confiance qui vous est adressée.
Elle permet de donner à la France l’image d’un pays rassemblé autour de son armée pour prendre ses responsabilités. La lutte sera longue en Irak, beaucoup pourraient considérer que c’est un combat bien lointain par rapport à ce que nous vivons. Non, c’est le même, parce que si nous arrivons à lutter contre le terrorisme en Irak comme nous l’avons fait d’ailleurs en Afrique, c’est aussi pour assurer notre propre sécurité.
En Irak, à travers l’action que nous menons à partir des différents territoires amis, les Emirats, la Jordanie, ou de zones maritimes proches – le porte-avions jouera son rôle –, en Irak nous pouvons nous ajouter aux forces de la coalition dont nous sommes l’un des principaux protagonistes et permettre grâce à l’opération Chammal d’obtenir déjà de premiers résultats.
Le groupe Daesh, groupe terroriste qui occupe une partie du territoire irakien, est en reflux ; mais il y aura à poursuivre ce travail aussi longtemps que nécessaire. L’objectif c’est de restaurer la souveraineté irakienne sur l’ensemble du territoire.
Mais je n’oublie pas aussi toutes les autres missions que nos forces réalisent à l’étranger pour préserver nos intérêts, protéger nos ressortissants, lutter contre le narcotrafic, contre la piraterie. Voilà toutes les missions que nos armées remplissent : protéger notre territoire, agir pour la paix, défendre nos intérêts, assurer l’indépendance de la France, respecter les engagements auprès de nos alliés ; voilà tout ce que vous faites.
Pour mener à bien toutes ces missions, j’y reviens, il faut des ressources et des moyens : c’est la loi de programmation militaire. Je me suis engagé à la respecter pour le chiffre qui a été affiché, 31,4 milliards, et ce chiffre-là est sanctuarisé.
Ce n’est pas simplement qu’un chiffre, c’est ce qui permet de faire fonctionner nos armées et de les équiper, c’est un ensemble de crédits budgétaires et de ressources exceptionnelles. Ces crédits-là, ces ressources-là seront strictement maintenues pour que nous puissions atteindre tous les objectifs que j’ai fixés pour nos armées. C’est ainsi que tous les projets qui sont prévus par la loi de programmation militaire en 2015 pourront se concrétiser. Je pense à la commande des 12 avions ravitailleurs MRTT pour l’armée de l’air, au lancement du grand programme Scorpion pour l’armée de terre, à la rénovation de 11 ATL2 et à la commande de bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers pour la marine ainsi que d’une centaine de véhicules pour les forces spéciales ; tout sera exécuté comme il est prévu.
Quant au nouveau dispositif de financement qui s’ajoute aux crédits militaires je veux qu’il puisse être mis en œuvre dès cette année. Je parle des sociétés de projets. Elles permettront d‘acquérir du matériel dans des conditions plus souples, plus fluides aboutissant à une mise en service rapide des moyens dont les forces ont besoin.
D’ailleurs l’efficacité opérationnelle de nos matériels militaires, c’est à la fois un atout pour notre défense mais c’est également un atout pour notre industrie.
Parce que c’est un cercle vertueux : si nous produisons de bons matériels, de bons équipements pour nos armées, ceux dont vous vous servez, nous pouvons à ce moment-là aussi les exporter vers des pays que nous choisissons et qui nous choisissent et ainsi conforter les emplois de notre industrie de défense. En faisant en sorte que notre industrie de défense soit l’une des plus performantes, nous favorisons aussi l’exportation de biens productifs, de matériels pour l’industrie civile et la France peut ainsi aussi renforcer son économie.
Je sais que depuis plusieurs années et malgré l’effort budgétaire qui est consacré, il y a des réformes qui vous sont demandées et qui parfois nécessitent bien des ajustements, bien des modifications, bien des changements d’habitudes. Mais ça ne vaut pas que pour les armées, ça vaut partout dans la société ; mais pour les armées c’est vrai que cela crée aussi une sensibilité particulière.
Je veux donc ici dire que sur ces équipements, sur ces réformes, les équipements seront préservés et les réformes seront faites. Mais il faut tirer aussi quelques conclusions : il y a eu des échecs, je pense au système Louvois dont les dernières cicatrices ne sont pas encore fermées et je salue l’action du ministre pour trouver des solutions. Le processus de remplacement du logiciel défectueux est en cours et il devra rentrer en première phase opérationnelle dès l’an prochain pour être ensuite généralisé.
Je ne peux pas accepter que nos militaires puissent connaitre le moindre retard, la moindre erreur dans leur rémunération, c’est-à-dire dans leur solde. Il y a trop de demandes qui vous sont faites pour qu’il puisse y avoir la moindre négligence là-dessus. Et s’il y a eu des erreurs qui ont été commises dans le passé elles doivent être corrigées.
Je veux aussi parler de la condition militaire. Je suis attentif avec le ministre à ce qu’elle puisse être améliorée dans le cadre du Haut comité d’évaluation. Il y a des réunions qui se tiennent du Conseil supérieur de la fonction militaire et je suis toujours attentif à ses conclusions.
Il se trouve que la Cour européenne des droits de l’homme a demandé à la France de revoir son dispositif relatif au droit d’association des militaires, c’est-à-dire à vos droits. Et après avoir mené une série de consultations j’ai décidé de suivre les propositions qui m’étaient faites par le conseiller d’Etat, Bernard PÊCHEUR, et de prendre les dispositions qui devront être traduites par la loi. Il y aura donc la préservation des droits et des devoirs des militaires et en même temps les prérogatives du commandement seront sauvegardées. Une loi viendra bientôt intégrer au code de la défense cette avancée sur la représentation des personnels.
Il y a aussi tout l’effort qui est fait pour le monde combattant – le secrétaire d’Etat est là. Les droits des anciens combattants doivent être consolidés : ils le seront. Des critères d’attribution de la carte du combattant seront élargis avec ce qu’on appelle la carte opérations extérieures à partir du 1er octobre prochain. Je suis aussi attentif au soutien des blessés, des conjoints, des grands invalides de guerre et là encore des dispositions seront prises pour améliorer leur situation.
Je veux aussi insister sur la réparation qui est due aux Harkis, sur la meilleure prise en charge, aussi, d’un certain nombre de situations familiales. Cela fait partie, là encore, du devoir de la Nation à l’égard des anciens combattants.
Je veux terminer sur une réflexion qui nous engage tous. Nous sommes attachés, nous, la France, à des valeurs : des valeurs de liberté, de démocratie, de pluralisme, de dignité, d’égalité de la femme et de l’homme. C’est pourquoi nous portons un idéal partout dans le monde. C’est pourquoi nous voulons vivre ensemble, avec ces valeurs de la République. C’est aussi pourquoi vous menez un certain nombre d’opérations.
C’est votre mission. Vous agissez au nom des valeurs de la République et lorsque ces valeurs sont atteintes, sont froissées, sont mises en cause par des terroristes, alors il faut savoir se défendre. C’est le rôle des policiers, des gendarmes, des magistrats ; c’est le rôle aussi des armées lorsque la menace vient de l’extérieur.
Une grande nation, c’est une nation qui a des institutions solides. L’Armée fait partie de ces institutions et l’Armée est au service de la République. Elle participe donc de l’unité nationale. Les Français savent qu’ils peuvent compter sur elle pour assurer notre indépendance, notre défense ; ils sont convaincus que pour promouvoir l’idéal que nous portons tous, la force peut être un ultime recours, même si la force du droit doit chaque fois être recherchée.
Face au jihadistes, aux fondamentalistes, aux terroristes, la France doit agir. Agir pour elle-même, agir pour le monde, agir pour porter assistance aux pays qui font appel à nous, dans le cadre du droit international et avec un mandat des Nations unies.
Dans le formidable mouvement citoyen qui s’est levé dimanche, notre peuple a voulu exprimer une conviction, une force, un attachement. A la liberté d’expression, à la démocratie, à la liberté tout court et à la laïcité. Les Français ont dit très clairement que pour que notre pays vive en paix, vive en démocratie, vive en liberté, il fallait des journalistes pour parler, pour écrire ; il fallait des dessinateurs pour dessiner ; il fallait des policiers et des gendarmes pour les protéger ; il fallait des militaires pour les défendre. Tous unis pour défendre les valeurs de la République.
C’est parce que nous sommes dans ce moment-là et c’est parce que nous sommes convaincus que les valeurs que nous portons pour notre pays sont essentielles – pour nous, pour l’Europe, pour le monde – que nous devons nous rassembler, nous réunir autour de ce qui fait notre identité, de ce qui fait notre singularité, notre indépendance. Et il n’y a pas d’indépendance, il n’y a pas de liberté, il n’y a pas de démocratie qui ne doivent être protégées par une armée. C’est la raison pour laquelle je vous exprime ici, dans cette circonstance, dans ce moment où il y a tant d’émotion, où il y a tant d’espoir aussi, et tant de volonté de surmonter les peurs, je vous exprime, ici, toute la reconnaissance de la Nation, toute ma confiance pour les missions dont vous avez la charge.
Vive la République, et vive la France.

janvier 12, 2015

RP#6 - Stratégie - Guerres et Paix ( sommaire: 10 thèmes actuels)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

 Picasso

Sommaire:

A) - L’An 1 de la DGRIS - TTU Online du 12 janvier 2015
 
B) - Terrorisme : la justice désarmée face à l’ampleur du phénomène - le Figaro du 11 janvier 2015 par Paule Gonzalès

C) - Liban-France : même combat, même ennemi - L’Orient le Jour du 12 janvier 2015 par Nagib Aoun

D) - Réunion des ministres européens à Paris : surveillance accrue d’Internet et révision des accords de Schenghen - El Watan du 12 janvier 2015 par Nadjia Bouzeghrane

E) - La communauté internationale face au terrorisme : les pièges et les défis - El Watan du 12 janvier 2015 par Hacen Ouali
 
F) - La reprise de la zone euro sera lente et modérée - Le Monde du 12 janvier 2015 par Marie Charrel

G) - La révolution française du Big Data aura-t-elle lieu ? Le Portail de l’IE du 12 janvier 2015 par Maxime Fernandez

H) - Pourquoi l’UE n’est pas prête à faire tous les efforts contre le terrorisme - La Libre Belgique du 12 janvier 2015 sur un article de la commission européenne : « La lutte contre le terrorisme au niveau européen : présentation des actions, mesures et initiatives de la Commission européenne »
 
I) - Terrorisme, la guerre impossible - Le Point du 11 janvier 201 5 par Frédéric Thérin 

J) - Attaques de Paris : comment répondre à la menace ? - IRIS du 12 janvier 2015 par Pascal Boniface




A) - L’An 1 de la DGRIS 

Un décret adopté le 17 décembre en Conseil des ministres et publié le 2 janvier a validé la création de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère de la Défense. Trois directeurs ont été nommés : Philippe Errera, en qualité de directeur général, l’amiral Charles-Henri Du Ché, comme directeur général adjoint, et Guillaume Schlumberger, au poste de directeur général chargé de la Prospective, de la stratégie de défense et de la contre-prolifération. Succédant à la DAS, la DGRIS en conserve les grandes attributions (pilotage et coordination de l’action internationale du ministère, des travaux de prospective stratégique, de la lutte contre la prolifération et orientations en matière de contrôle des exportations de matériels de guerre), tout en se dotant de prérogatives nouvelles. Face au constat de la fragmentation des relations internationales (RI) au sein du ministère, de la dispersion et donc de doublons de ses acteurs et avec la volonté de préserver les unités opérationnelles, le ministre a souhaité mettre en place une organisation plus efficace, en appliquant ici aussi les principes de sa réforme du ministère : recentrage sur le cœur de métier et mise en cohérence de la fonction RI autour de la DGRIS. 

Si le CEMA conserve les RI liées aux opérations et la coopération internationale en matière de capacités, la sous-chefferie RI de l’EMA est, quant à elle, supprimée et ses missions transférées à la DGRIS. Le CEMA pourra toujours compter sur son officier général relations internationales et militaires, le général Hughes Delort-Laval, accompagné de deux généraux deux étoiles pour les coopérations bilatérales et multilatérales. La DGA conserve le soutien aux exportations (Soutex) ainsi que la coopération internationale en matière d’armement. Sa sous- direction coopération et développement européen est en revanche supprimée. Au total, une soixantaine de postes “RI” seront supprimés à la DAS, à l’EMA et à la DGA, permettant d’économiser chaque année 3,5 millions d’euros de masse salariale. Sur les 209 agents que comptera la DGRIS, la moitié seront des civils. La DGRIS devient chef de file et responsable de la mise en cohérence de la prospective et de la stratégie de défense au sein du ministère, notamment dans le cadre de la préparation et de l’actualisation des livres blancs. Sa structure est simplifiée, avec trois grands services : Europe, Amérique du Nord, action multilatérale (ONU, Otan, UE), qui récupère la Russie et sa périphérie ; puis les questions régionales (relations bilatérales avec les pays du sud) ; et enfin un service du pilotage des ressources et de l’influence internationale (RH, gestion quotidienne du programme 144...). 

Cette dernière aura aussi en charge la gestion du réseau des missions de défense, en récupérant les bureaux REPETRAN (dialogue avec les attachés de défense étrangers) et REPREMIL (pour les AD français à l’étranger) de l’EMA. Le choix des AD, dont la décision finale revient au ministre, fera l’objet d’un dialogue préalable entre la DGRIS et l’EMA. Au niveau de la politique des études, la DGRIS devrait renforcer le rôle des observatoires et groupes de recherches, afin de concentrer l’effort sur de plus gros contrats, permettant davantage d’effets de levier et minimisant la dispersion et les procédures administratives. 

Tout en cherchant à associer un maximum de laboratoires universitaires, afin de diversifier les sources et les points de vue. L’Asie devrait faire l’objet d’un effort renforcé, tant en effectifs dédiés qu’en ressources d’études. La DGRIS devra continuer à fournir des études de fond ou de prospective tout en proposant, au besoin, des notes plus politiques et opérationnelles permettant au ministre de se positionner sur des dossiers d’actualité.




 

B) - Terrorisme : la justice désarmée face à l’ampleur du phénomène

Avant de commettre leurs attentats, Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly sont passés par la case prison, où leur radicalisation s'est accentuée. Les magistrats évoquent leur impuissance et réclament un renforcement de la réforme pénale. 

Un haut magistrat s'inquiète: «Les protagonistes des drames de ces derniers jours étaient tous déjà passés par la case justice et prison. Nous retrouvons aujourd'hui les acteurs des attentats de 1995 et ceux de la filière irakienne. Ils ont ou avaient purgé leur peine, ils étaient ou sont encore très jeunes, avec une longue carrière potentielle encore devant eux, et sont tous ressortis plus endurcis de prison quand certains n'étaient que des seconds ou des troisièmes couteaux. C'est un problème.» La réponse pénale paraît soudain inadaptée à la virulence de la menace terroriste et surtout au contrôle du parcours de ces jeunes qui passent par la pénitentiaire. «Depuis les lois Perben de 2004, nous avons progressivement criminalisé les délits d'association de malfaiteurs jusqu'à la loi de novembre dernier», rappelle le juge antiterroriste Marc Trévidic. «Ce qui ne cesse de poser problème, c'est ce qui se passe en maison d'arrêt. Et le fait qu'un détenu entrant pour ces faits n'en sorte pas mieux mais le plus souvent bien plus radicalisé qu'auparavant. Non seulement il n'y a pas de rupture dans leur parcours, mais au contraire il se poursuit comme si de rien n'était. Il n'est pas normal qu'un islamiste chevronné se retrouve en détention avec un petit apprenti. De ce point de vue, l'expérimentation de Fresnes, qui consiste à créer une unité isolée pour les islamistes quels qu'ils soient, n'est pas complètement pertinente.» De fait, c'est à Fleury-Mérogis queDjamel Beghal, Chérif Kouachi et Amedy Coulibalyont fait connaissance. Puis se sont retrouvés à Murat dans le Cantal, quand le premier était en résidence surveillée: «Quelles étaient les obligations concernant cette dernière?», s'interroge encore le juge antiterroriste. En ligne de mire, la question de la prise en charge durant la détention et de l'exécution des peines, «véritable passoire», selon l'ancien juge antiterroriste, Jean-Louis Bruguière. «Ces détenus entrent dans le pot commun de la détention, souligne un responsable d'une grande maison d'arrêt parisienne, qui a identifié une vingtaine d'activistes islamistes gérés avec les moyens du bord. Nous n'avons aucun outil pour les traiter, et il est vrai que d'emblée ils bénéficient d'un tiers de remise de peine comme les autres.»Amedy Coulibaly, condamné en décembre 2013 à cinq ans de prison, après trois ans et demi de détention provisoire, a ainsi été placé en surveillance électronique de fin de peine (sous bracelet) le 4 mars 2014 et jusqu'au 15 mai de la même année. Poursuivant son évocation de la situation dans son établissement, le patron de maison d'arrêt rappelle que «l'un des islamistes détenus, identifié comme très dangereux, va sortir en février. Ce sera à la DGSI de prendre le relais car la pénitentiaire n'est pas équipée pour cela». Spontanément, les dirigeants de cet établissement ont tenté de s'organiser. «Nous avons quatre vrais leaders dits “individus venin”. Ils fonctionnent toujours en binôme: le leader spirituel et celui qui a la légitimité de l'action parce qu'il est allé en Irak ou en Syrie. Après la mise à l'isolement du principal d'entre eux, il y a eu une vraie baisse de moral parmi ses fans», témoigne-t-il. 

Aucune étude statistique sur ces détenus
Les magistrats spécialisés dénoncent l'absence de statistique sur cette population carcérale si particulière. «Aujourd'hui, nous sommes sans aucune étude statistique. Nous n'avons aucun repère sur l'évolution de ces détenus, ni même sur le taux de récidive. Le chiffre de 16 % de personnes écrouées connues pour islamisme n'a donc aucun sens», affirme l'un d'entre eux, en réponse à ce chiffre donné par la Chancellerie, jeudi dernier. «Nous n'avons aucun ciblage criminologique. Avec la réforme pénale, on nous a parlé d'individualisation de la peine mais c'est exactement l'inverse qui se produit en matière d'islamisme», souligne cette ancienne juge antiterroriste du siège, qui déplore l'absence de formation obligatoire des juges assesseurs qui seront amenés à prendre position sur les questions de terrorisme. «Nous aurions pu espérer que l'individualisation fasse une différence dans l'aménagement entre la conduite en état alcoolique et l'islamiste de retour d'Irak ou de Syrie ou en voie de radicalisation», affirme ce dirigeant d'établissement pénitentiaire. 

Mise en place d'un quartier spécial en prison
Samedi soir, Christiane Taubira, la garde des Sceaux, montait en urgence une réunion à la direction de l'Administration pénitentiaire pour finaliser la mise en place d'un quartier spécial, sur laquelle elle se disait «très réservée» le 25 novembre dernier au micro de France Info. Un tel quartier devrait donc être créé dans l'un des dix grands établissements pénitentiaires parisiens, qui réunissent 90 % des islamistes durs. Il accueillerait les cinquante leaders du prosélytisme et du recrutement. Dans le même temps, la direction pénitentiaire aurait lancé un appel d'offres pour choisir une entreprise spécialisée dans les mouvements sectaires et capable de proposer des programmes de désendoctrinement. Le montant de l'enveloppe ne s'élèverait pas à plus de 200.000 euros. La magistrature, quant à elle, a pris un petit peu d'avance. Le président du TGI de Paris, Jean-Michel Hayat, a créé une nouvelle section spécialisée sur les questions terroristes au sein de la 14e chambre qui, aux côtés de la 16e, traite habituellement de criminalité organisée. Ces deux chambres, qui gèrent aussi les grandes affaires de stupéfiants ou d'association de malfaiteurs, tournent déjà à plein régime avec pas moins de six audiences chacune par semaine. À cette quarantaine de personnes se sont joints sept nouveaux magistrats qui siégeront à raison de trois audiences par semaine sur les questions de terrorisme. De quoi accélérer le cours d'une justice jugée une fois de plus trop lente dans ses délais.





C) - Liban-France : même combat, même ennemi
 
Ignorance, fanatisme, haine : une trilogie barbare à laquelle ont été confrontés, une fois de plus, la France et le Liban à trois jours d'intervalle, une même plaie purulente qui n'arrête pas de s'étendre, une même insulte à l'intelligence fertilisée par un islamisme galopant et une duplicité rampante. Des horribles et sanglants attentats survenus en France à celui perpétré à Tripoli, samedi soir, le dénominateur commun est la détermination suicidaire de leurs auteurs, la référence aux mêmes sources jihadistes, celles qui n'envisagent l'avenir qu'à travers un bain de sang « purificateur ». Tous unis face à la barbarie : la magnifique marche républicaine qui s'est déroulée hier à Paris, sans précédent dans l'histoire européenne, était la réponse naturelle à la menace qui pèse sur la paix civile en France, entretenue par les nouveaux robots de la pensée unique. Hier le nazisme, aujourd'hui le jihadisme et, au sommet de la hiérarchie, des cerveaux malades qui prétendent se référer aux textes religieux fondateurs pour accomplir la mission dont ils se croient investis. Islamisme galopant et duplicité rampante, disions-nous en introduction de cette chronique, et c'est là, précisément, où le bât blesse. Si le jihadisme s'est développé dans le monde musulman et a même réussi à se façonner un immense territoire s'étendant de la Syrie à l'Irak, c'est parce qu'on l'a longtemps laissé faire et que rien n'a été vraiment fait, dès le départ, pour en éradiquer les causes. Exactions et barbarie de régimes totalitaires, installés sur les décombres de leurs pays respectifs, une révolte civile syrienne lâchée, à mi-parcours, par ceux-là mêmes qui, en Occident, applaudissaient à son émergence, la conséquence ne pouvait en être, progressivement, que l'apparition des « fous de Dieu » rendus encore plus fous par la monstruosité de la machine de guerre de Bachar el-Assad déchaînée contre les populations civiles. Résultat : le tyran toujours en place à Damas nargue les nations occidentales, la France en tête, et semble leur dire « c'est bien fait, je vous avais prévenus », et les services de renseignements européens envisagent de nouveau de collaborer avec leurs pairs syriens, ceux-là mêmes qui étaient considérés comme des tortionnaires infréquentables. Et le pire dans cette situation ubuesque, dans cet impossible imbroglio, c'est de voir des États de la région, ceux-là mêmes qui ont financé et facilité l'introduction de l'internationale terroriste en Syrie et en Irak, participer ou proclamer leur soutien à la marche républicaine d'hier à Paris, celle qui entend faire barrage à l'intolérance et au terrorisme. Le pire aussi, c'est de voir des pays et des partis du Moyen-Orient s'apitoyer sur les « misères » d'une Europe menacée alors que par leur soutien à la barbarie étatique en Syrie, ils ont largement contribué à l'apparition du monstre jihadiste. Fondamentalisme galopant et duplicité rampante : pour la France et le Liban c'est un même combat qui est mené, c'est la même menace qui pèse sur les deux pays, ce sont les mêmes valeurs de tolérance, de liberté et d'acceptation de l'autre qui sont défendues. Mais ne l'oublions pas : pour se débarrasser de l'hydre terroriste, il faut, bien sûr, traquer, débusquer, arrêter ses divers éléments mais aussi, impérativement, éliminer les causes mêmes de son émergence. Le sommet international sur « l'extrémisme violent », prévu le 18 février à Washington, tiendra-t-il compte de ces évidences ?




D) - Réunion des ministres européens à Paris : surveillance accrue d’Internet et révision des accords de Schenghen

Réunis en urgence, hier à Paris, à l’invitation de leur homologue français, les ministres de l’Intérieur et/ou de la Justice européens ont adopté une déclaration en huit points pour lutter contre le terrorisme. 

Dans cette déclaration, les ministres ont d’abord exprimé leur détermination à «poursuivre (leur) coopération avec l’ensemble des acteurs de (leurs) sociétés civiles afin de prévenir et de détecter, à un stade précoce, la radicalisation». «Nous devons, à cet égard, renforcer le dialogue pour ne pas permettre aux terroristes d’instiller la haine, la peur et la division au sein de nos sociétés.» Ils ont relevé le besoin de renforcer encore davantage «la coopération opérationnelle entre (leurs) services», «ainsi qu’avec les services des partenaires pertinents». Ils ont réaffirmé leur «solidarité sans faille» et leur «détermination à lutter ensemble contre le terrorisme, forts notamment des résolutions 1377 et 2178 du Conseil de sécurité des Nations unies et des conclusions des Conseils Justice et Affaires intérieures (JAI) des 9 octobre et 5décembre 2014, endossées par le Conseil européen, et dans le cadre et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales». A cette fin, ils ont affirmé que leur action doit «continuer de s’inscrire dans une approche globale reposant à la fois sur la lutte contre la radicalisation, notamment sur internet, et sur le renforcement des moyens destinés à contrecarrer l’action des différentes formes de réseaux terroristes et notamment en entravant leurs déplacements». Ils ont également souligné «l’importance de l’engagement de tous les acteurs, à tous les niveaux, qui œuvrent à la lutte contre la radicalisation» et ils s’engagent à soutenir les activités du futur RAN (réseau de connaissance de la radicalisation), un centre d’excellence. Au titre des mesures préconisées, se montrant «préoccupés par l’utilisation d’internet à des fins de haine et de violence», les ministres se déclarent «déterminés à ce que cet espace ne soit pas perverti à ces fins, tout en garantissant qu’il reste, dans le strict respect des libertés fondamentales, un lieu de libre expression, respectant pleinement la loi». Et d’affirmer que dans cette perspective, «le partenariat avec les grands opérateurs de l’internet est indispensable pour créer les conditions d’un signalement rapide des contenus incitant à la haine et à la terreur, ainsi que de leur retrait, lorsque cela est approprié et/ou possible». En complément à ce travail, les ministres se disent «résolus, pour lutter contre la propagande terroriste, à développer, afin de toucher le public jeune, particulièrement exposé à l’endoctrinement, des messages positifs, ciblés et facilement accessibles aptes à contrer cette propagande». A cet égard, ils incitent «l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne à faire un usage maximal de l’équipe de conseil en communication stratégique sur la Syrie (SSCAT), qui doit être prochainement mise en place par la Belgique sur financement européen». 

Opérations conjointes à «amplifier»
Ils affirment qu’ils œuvrent à «la lutte contre la circulation illégale d’armes à feu au sein de l’Union européenne. C’est l’une des priorités de la Plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (Empact)». «Dans ce cadre, nous améliorons l’échange d’informations relatives à cette problématique entre les services des Etats membres et augmentons le nombre d’opérations conjointes contre ce phénomène en Europe», ont-ils souligné. Et d’ajouter que cette coopération sera «amplifiée». Toutes les mesures utiles visant au partage du renseignement sur les différentes formes de la menace, et notamment les combattants étrangers terroristes, à la connaissance de leurs déplacements et des soutiens dont ils bénéficient où qu’ils se situent et, ainsi, être en mesure d’améliorer l’efficacité de notre combat contre ces phénomènes seront mises en œuvre. Pour ce faire, les ressources d’Europol et d’Eurojust, mais aussi d’Interpol seront pleinement utilisées. Les ministres annoncent que seront mis en place des «contrôles approfondis sur certains passagers, sur la base de critères objectifs, concrets, dans le respect de la fluidité des passages frontaliers, des libertés fondamentales et des exigences de sécurité». Ils estiment, en outre, qu’une «modification» des règles du code frontières Schengen «devrait rapidement être entreprise afin de permettre de façon plus étendue, lors du passage des frontières extérieures par les personnes jouissant du droit à la libre circulation, la consultation du système d’information Schengen». Faisant référence à la dimension internationale de ce phénomène, les ministres en appellent à la promotion de toutes les initiatives visant à «renforcer la coopération avec leurs partenaires, Etats d’origine et de transit et, si possible, avec les Etats de destination des combattants étrangers terroristes, dans la continuité de notre politique intérieure». Cette réunion a regroupé le président du Conseil des ministres de l’Union européenne, les ministres de l’Intérieur et de la Justice de Lettonie, d’Allemagne, d’Autriche, de Belgique, du Danemark, d’Espagne, d’Italie, des Pays-Bas, de Pologne, du Royaume-Uni, de Suède, le commissaire européen à la migration et aux Affaires intérieures, le ministre de la Justice des Etats-Unis, le vice-ministre de l’Intérieur des Etats-Unis, le ministre de la Sécurité publique du Canada et le coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme. Dans une déclaration préliminaire, Bernard Cazeneuve a rappelé que «sur les plans européen et international, nous disposons déjà d’un certain nombre de textes importants pour mener ce combat, notamment de résolutions des Nations unies et de conclusions prises par le Conseil Justice Affaires Intérieures et par le Conseil européen qui est l’enceinte de décision européenne du niveau le plus élevé». «Ces textes constituent les cadres européen et international dans lesquels notre action doit s’inscrire, mais ils ne suffisent pas bien évidemment, car notre action doit se projeter dans une approche globale et opérationnelle.» Et d’ajouter : «Nous avons, à cet égard, identifié deux champs sur lesquels nous souhaitons plus particulièrement affirmer et renforcer notre coopération : les moyens destinés à contrecarrer les déplacements de combattants étrangers et de toutes les filières ; la lutte contre les facteurs et les vecteurs de radicalisation notamment sur internet.»



E) - La communauté internationale face au terrorisme : les pièges et les défis

Un tournant. Un front mondial contre le terrorisme aurait-il pris naissance hier à Paris ? La forte présence de dirigeants étrangers le suggère à tout le moins. 

Les ministres de l’Intérieur de onze pays européens et le ministre américain de la Justice, Eric Holder, ont déjà donné le ton de ce que sera le renforcement des mesures de sécurité. Après le choc du 7, le sursaut mondial du 11 janvier pourrait sonner une date fondatrice, celle de l’émergence d’une coalition internationale inédite pour contrer un terrorisme qui ne cesse de se globaliser, avec des capacités de nuisance énormes et en mesure de frapper partout. Les onze ministres européens de l’Intérieur réfléchissent déjà au durcissement des mesures de circulation des ressortissants européens, alors que le ministre américain de la Justice, Eric Holder, a annoncé la tenue, le mois prochain à Washington, d’un sommet international pour «réfléchir aux moyens de lutter contre l’extrémisme». Il est nécessaire de souligner que les réactions politiques après le «11 septembre français» sont pour le moment moins guerrières que celle du 11 septembre 2001. Au-delà du moment historique, il appartient à toute la communauté internationale réunie à Paris de faire, dans la sérénité nécessaire, cause commune non seulement contre le terrorisme, mais aussi et surtout pour arracher les racines du mal de l’hydre djihadiste qui sème le chaos. La marche républicaine de Paris ne devrait pas être un permis de déclarer des guerres inutiles et absurdes, même si la lutte contre les groupes terroristes doit être implacable. Le monde entier garde à l’esprit comment l’Administration Bush a fabriqué de fausses preuves pour «justifier» une guerre contre l’Irak. Les néo- conservateurs américains ont conduit une guerre qui a brisé un pays, laissant place à la multiplication de foyers de terrorisme. La guerre du «bien contre le mal» chère à George Bush ne cesse de produire du mal partout et pour toute l’humanité. L’agression contre l’Irak a été une désastreuse réponse. 

Une solution définitive pour la Palestine
Au-delà des mesures administratives et policières durcissant le contrôle de la circulation des personnes, le carnage commis sur le sol parisien va probablement redéfinir les relations internationales et revoir en profondeur la stratégie globale de lutte contre le terrorisme. Des pays en proie à de graves crises de violence, comme la Libye, la Syrie, l’Irak, doivent rapidement trouver une solution au double plan politique et sécuritaire. La communauté internationale est plus que jamais interpellée pour se mettre d’accord et élaborer des sorties de crise justes et durables. En mettant le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, au premier rang des chefs d’Etat, François Hollande semble envoyer un message à ses partenaires pour prendre à bras-le-corps la crise malienne. La persistance de l’instabilité politique dans ces pays ne peut que servir de terreau à toutes les formes de terrorisme. Le conflit au Proche- Orient doit également trouver son chemin vers une solution définitive. Il n’est plus possible de continuer à priver les Palestiniens de leur droit à un Etat. La présence de Mahmoud Abbas et de Benyamin Netanyahu à Paris rappelle cette nécessité historique. 

L’Etat hébreu, avec sa politique agressive et expansionniste, ne renforce pas le camp de la paix. Bien au contraire. Les groupes djihadistes, qui confisquent la religion pour en faire un étendard pour terroriser toute la planète, se servent également de la question palestinienne pour «légitimer» leur barbarie. Les centaines de milliers de manifestants de Paris n’ignorent sans doute pas que des pays dont les représentants étaient présents à la «marche républicaine» servent de base arrière idéologique et logistique au terrorisme. Des pays comme l’Arabie Saoudite et le Qatar ne se cachent presque pas d’avoir armé et financé des groupes terroristes. Des pays pourvoyeurs de la matrice idéologique qui justifie l’extrémisme. L’islamisme, dans sa version salafiste la plus obscurantiste et la plus menaçante, trouve ses racines dans ce wahhabisme exporté à coups de milliards de dollars non seulement dans le monde arabe et en Afrique, mais aussi en Europe. Ce sont des pays où les populations subissent un terrorisme officiel. Les dictateurs africains présents à Paris sont mal placés pour prendre la tête d’une marche pour la liberté d’expression. Par leurs systèmes despotiques, ils produisent d’autres formes de terrorisme. Si la violence obscurantiste appelle une réaction implacable, elle nécessite par dessus tout une réponse globale et multiforme: rupture radicale avec une idéologie fondamentaliste dogmatique, soutien des démocraties et cesser la complaisance avec les dictatures et, enfin, repenser un ordre international inégalitaire.


 
F) - La reprise de la zone euro sera lente et modérée

Doucement, mais sûrement. D’après les nouvelles prévisions publiées, lundi 12 janvier, par l’Insee et ses équivalents allemand et italien, l’Ifo et l’Istat, la croissance de la zone euro se ressaisira très progressivement en 2015. Mais elle restera fébrile, et soumise à de nombreux risques. Voici pourquoi.

1. La baisse de l’euro et celle du prix du pétrole auront des effets positifs
D’après les économistes des trois instituts, le produit intérieur brut (PIB) de l’union monétaire devrait croître de 0,2 % au quatrième trimestre 2014. Début 2015, il devrait progresser de 0,3 % sur chacun des deux premiers trimestres. « Sur la première moitié de l’année, la chute des cours du pétrole devrait soutenir la consommation privée tandis que l’appréciation du dollar face à l’euro devrait porter le commerce extérieur », indique la note de conjoncture, qui se base sur l’hypothèse d’un baril se stabilisant à 56 dollars, et d’un euro restant autour de 1,21 dollar. Dans ces conditions, l’investissement devrait enfin repartir, mais modérément : + 0,2 % au premier trimestre et + 0,3 % au second. Il profitera notamment de la fin de la crise de l’immobilier se profilant en Espagne et en France. 

2. Le prix du pétrole contribuera à maintenir l’inflation très basse
La baisse des cours du pétrole et de l’euro aura une autre conséquence : elle continuera de tirer l’inflation vers le bas. « Depuis fin 2011, l’inflation suit une tendance baissière et a atteint un point bas de cinq ans en décembre 2014, à -0,2 % en rythme annuel », expliquent les économistes. Selon eux, les prix devraient progresser de 0,1 % seulement au premier trimestre et de 0,3 % au deuxième, également plombés par les perspectives négatives dans la production de biens. « L’accélération de l’activité prévue aura un effet limité sur les prix », précise la note. 

3. La croissance ne fera pas vraiment baisser le chômage
« La légère reprise prévue sur la première moitié de 2015 aura un impact limité sur la croissance de l’emploi et les salaires devrait également croître lentement, en dépit de l’introduction d’un salaire minimum en Allemagne », prévoient les conjoncturistes des trois instituts. Voilà qui confirme que la courbe du chômage ne devrait pas s’inverser avant la seconde partie de l’année en France, où le taux de demandeurs d’emploi culmine toujours à 10,4 % de la population active. Une consolation, tout de même : la faible inflation et les politiques budgétaires moins restrictives devraient profiter un peu au pouvoir d’achat des ménages. 

4. Les risques restent nombreux
Cette relative éclaircie ne doit pas faire oublier que la reprise est très inégale : alors que la croissance sera relativement robuste en Allemagne et en Espagne, elle restera décevante en France et en Italie. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a, de son côté, indiqué, lundi, que plusieurs économies européennes, comme l'Allemagne, l'Italie ou la Grande-Bretagne, devraient perdre de l'élan. L’indicateur avancé de l'OCDE pour la zone euro reste stable (à 100,6) depuis le mois d'août. Il enregistre un recul de 0,1 point pour l'Allemagne et pour l'Italie, à 99,5 et 101,0 respectivement, tandis qu'il se redresse de 0,1 point pour la France à 100,3. La Banque de France a pour sa part souligné, lundi, qu'un « rebond de la production est attendu en janvier » par les chefs d'entreprises interrogés. De plus, les risques sont nombreux. Selon les auteurs de la note, ils sont à la fois haussiers et baissiers. D’un côté, la chute des cours du pétrole et de l’euro pourrait soutenir plus encore que prévu la demande interne et externe. De l’autre, les élections à venir en Grèce comme les tensions qui l’entourent pourraient nuire au reste de la zone euro.



G) - La révolution française du Big Data aura-t-elle lieu ?

Considéré par beaucoup comme un nouvel Eldorado, le Big Data a saisi l’attention des pouvoirs publics qui en ont fait un des fers de lance de la nouvelle France industrielle. Mais la majorité des acteurs économiques français peine à intégrer cette innovation qui constitue pourtant une véritable révolution technologique aux applications potentiellement infinies. Le terme Big Data signifie littéralement « grosses données », il se réfère à l’apparition de masses de données exploitables d’un volume sans précédent et en augmentation exponentielle. Á titre d’exemple, Facebook possède des données sur 26 millions d’utilisateurs actifs en France, soit près de 40 % de la population. La première mention du terme Big Data apparait en 1997 dans un article produit par des scientifiques de la NASA pour désigner le problème de la visualisation de données devenues trop volumineuses. Au-delà des données, le Big Data désigne l’analyse qui en est faite et les effets révolutionnaires qui en découlent, que ce soit pour la rentabilité des entreprises ou les actions de la vie quotidienne. En France, dès 2009, le Crédit Mutuel Arkea a versé l’ensemble de ses données dans un système Hadoop, obtenant ainsi des analyses en temps record sur l’ensemble de ses opérations. Ce potentiel commence à être connu du grand public en 2011, notamment grâce à une étude du McKinsey Global Institute “Big data: The next frontier for innovation, competition, and productivity.” Aujourd’hui, aucune activité n’échappe aux applications du Big Data. L’agriculture voit se multiplier les capteurs dont l’analyse des données permet d’améliorer la productivité des sols, et dans le domaine des assurances, l’analyse de masses de données est utilisée pour calculer les primes d’assurance individuelle. La ville de Santa Clara estime à 20 % la baisse de la criminalité induite par l’utilisation du logiciel Predpol qui prédit les futures infractions sur la base de l’analyse de 13 millions de crimes réalisés. Toutefois, produire des analyses pertinentes à partir de masses de données reste une tâche extrêmement délicate. Ainsi le logiciel Google Flu Trends, conçu pour prédire la propagation de la grippe aux États-Unis, a connu un échec, en raison d’erreurs commises dans la construction de l’algorithme. Le Big Data constitue une formidable opportunité de création de valeur dont les entreprises françaises prennent rapidement conscience. L’Association française des éditeurs de logiciels estime la création de richesses liée au Big Data en France à 2,8 milliards d’euro et 10 000 emplois directs d’ici à 2019. En outre, l’édition 2014 du Big Data Index révèle qu’en France 43 % des directions informatiques ont étudié les opportunités induites par le Big Data, contre seulement 7 % en 2012. 

Une révolution technologique
L’histoire de l’utilisation massive de données est déjà longue et se confond avec l’évolution de la statistique, mais le Big Data constitue aujourd’hui une rupture grâce à l‘interaction entre deux évolutions majeurs. 

1. L’explosion du volume et de la variété des données disponibles.
  • Les réseaux sociaux : 68 % des internautes sont présents sur au moins un réseau social.
  • Les objets connectés à internet : comme les caméras, alarmes, compteurs électriques notamment, sont passés de 4 à 15 milliards entre 2010 et 2012.
  • Les technologies mobiles : un Smartphone génère environ 60 gigabits de données chaque année. En 2018, les prévisions de l’entreprise Ericsson estiment qu’il y aura 3,3 milliards de Smartphones dans le monde contre un milliard aujourd’hui.
  • La libéralisation des données publique (open data) : Elle offre des gisements de données très fiables bien que beaucoup plus faibles en volume que les sources précédentes. 

    2. L’apparition de la technologie nécessaire au traitement de ces données à une vitesse s’approchant de l’instantané.
  • Le « cloud computing » : constituant une dématérialisation des entrepôts de données, cette innovation permet de « louer » de la capacité de calcul et de l’espace de stockage, rendant l’infrastructure nécessaire à la réalisation de projets de Big Data accessible à tous.
  • L’écosystème Hadoop : il permet de stocker et manipuler de très gros volumes de données en utilisant de nombreuses machines équipées de disques durs banalisés. Créé en 2004, il est aujourd’hui utilisé par 98 % des entreprises conduisant des projets de Big Data.
  • Le NoSQL : Constitue une structuration spécifique des bases de données adaptée aux grands volumes. 

    Des atouts français
    La France dispose d’un système académique particulièrement performant dans les disciplines sur lesquelles s’adosse le Big Data. La demande de compétences autour du Big Data pourrait atteindre 4,4 millions d’emplois dans le monde en 2015 et seuls 40 % devraient être satisfaits. En France, les créations de diplômes se multiplient pour répondre à ce besoin. L’ENSAE, référence dans le domaine de la statistique, propose une spécialisation en « Data Science », de même que Télécom ParisTech, Télécom Nancy ou Grenoble INP. Les écoles spécialisées dans l’informatique, comme l’Epita, Ionis-STM ou l’Ensimag ont aussi rapidement adapté leur offre de formation pour y inclure le Big Data. En outre, un tissu de start-ups françaises couvrant toutes les activités du Big Data est rapidement apparu :
  • Création de données : que ce soit par fabrication d'objets connectés comme le t-shirt de City-zenSciences ou en rendant accessibles des données publiques comme vroomvroom.fr qui a obtenu auprès des pouvoirs publics les taux de réussite des auto- écoles afin de les diffuser.
  • Outils d’analyse de la donnée: à titre d’exemple, Fifty-five et 1000mercis-numberly sont les champions d’un marché au taux de croissance extrêmement élevé.
  • Exploitation de la donnée : notamment le logiciel Tranquilien permet de connaître à l’avance le taux de remplissage d’un train, il est produit par a la société Snips.
    (source : Livre blanc sur le
    Big Data )
    Aujourd’hui, il existe une volonté politique claire de soutenir ces atouts avec l’ambition affichée de faire de la France l’une des références mondiales de la gestion de masses de données. Ainsi le Big Data a été inclus dans les 34 plans de la nouvelle France industrielle présentés par le gouvernement en octobre 2013. Le plan Big Data vise à soutenir l’offre de formation et les start-ups françaises, mais aussi à adapter la réglementation jugée trop contraignante par plusieurs acteurs économiques.
D’importants blocages
Malgré des atouts certains et une volonté des pouvoirs publics, les entreprises françaises peinent à intégrer le Big Data. Sur une échelle de 0 à 5, le Boston Consulting Group évalue ainsi la maturité des entreprises françaises en matière de Big Data entre 1 et 2, contre 3 à 4 pour leurs homologues Outre-Atlantique. Selon une étude publiée par le cabinet Ernst & Young, seules 18 % des entreprises françaises sont en phase de déploiement de projets et les deux tiers des firmes considèrent que le Big Data est un concept intéressant mais encore trop vague pour constituer un levier de croissance. Dans ce cadre, le coût du développement d’un projet de Big Data est encore dissuasif. Selon l’institut IDC, 45 % des entreprises interrogées ont dû dépenser entre 100 000 $ et 500 000 $ pour réaliser la migration de leurs bases de données vers Hadoop et 30 % d’entre elles, plus de 500 000 $. Mais le principal blocage réside certainement dans la réticence des entreprises françaises à confier leurs données à de professionnels afin d’en permettre l’analyse. Selon l’International Data Corporation 70 % des données détenues par les entreprises ne sont toujours pas exploitées à des fins de création de connaissance.  

En conclusion, le Big Data n’a pas réellement décollé en France et les champions du secteur restent américains. Cette situation est inquiétante dans la mesure où la maîtrise des données et leur analyse permet aujourd’hui d’obtenir une connaissance presque parfaite des actions d’un individu, d’une entreprise ou d’un gouvernement. Le Big Data est un important facteur d’accroissement de puissance dont il est indispensable que la France devienne un champion sous peine de voir nos données analysées par des acteurs étrangers. Selon Charles Huot, président du GFII et de l’Alliance Big Data, la maîtrise et la collecte de ces données seront certainement l’enjeu majeur du XXIème siècle.



 H) - Pourquoi l’UE n’est pas prête à faire tous les efforts contre le terrorisme

Les attentats de Paris poussent les Européens à renforcer leur coopération afin de prévenir de nouveaux attentats, mais l'arsenal de mesures envisagées se heurte aux réticences des Etats à partager leurs informations, et du Parlement européen inquiet des atteintes à la liberté de circulation. Modification des règles de l'espace Schengen, contrôles approfondis de certains passagers, établissement d'un registre européen des données personnelles des voyageurs aériens (PNR), partage des informations des services de renseignement, lutte contre la circulation des armes, contrôle de l'internet pour lutter contre la radicalisation: le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a dressé dimanche la liste des mesures à mettre en oeuvre. Ces idées ne sont pas nouvelles. Le coordinateur européen pour l'antiterrorisme, Gilles de Kerchove, prône depuis 2008 une stratégie de lutte contre la radicalisation. Mais les Etats ne sont pas parvenus à s'entendre. "L'Union européenne n'est pas le lieu d'une coopération opérationnelle, mais seulement un cadre pour établir des règles communes, au besoin", a expliqué Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, au quotidien français les Echos. Les Européens ne sont toujours pas d'accord sur une définition du "combattant étranger", déplore la Commission européenne. 

Près de 3.000 jeunes Européens ont rallié les mouvements islamistes radicaux en Syrie et en Irak. Les Français sont plus de 1.000. Les règles en matière de fichage diffèrent entre les pays, tout comme les pratiques pour gérer le retour des jeunes radicalisés et la collecte des preuves de leur engagement dans les mouvements islamistes radicaux. Cette réalité bloque la création d'un fichier européen des combattants étrangers, réclamée dimanche par la Belgique. Les Affaires intérieures et la Justice sont des compétences souveraines des Etats, et ils refusent de les perdre. Il en va de même pour le renseignement. "Les services de lutte antiterroristes préfèrent travailler en bilatéral ou en petit groupe", souligne Camille Grand. 

Ils se méfient des organisations comme Europol ou Interpol, car les informations sont mises à la disposition de trop de pays, a expliqué à l'AFP un responsable européen. Or le renseignement est la clef de la lutte contre les jeunes radicalisés partis rejoindre les mouvements jihadistes, insistent les experts. 

- "Modifier Schengen" -
"Avant même de mutualiser le renseignement, il faut l'acquérir, et ce travail opérationnel se fait sur le terrain, pas dans des structures bureaucratiques", souligne l'eurodéputé français Arnaud Danjean. Cela impose des moyens financiers considérables que les gouvernements de l'UE n'ont plus. "Pour suivre un suspect 24 heures sur 24, il faut 20 à 30 personnes", souligne Gille de Kerchove. Les "failles" déplorées par le Premier ministre français, Manuel Valls, imposent une réforme des pratiques. "Il faut fixer des objectifs précis pour le partage d'informations entre les Etats afin d'alimenter les bases de données", insiste M. de Kerchove. Un autre volet de la lutte contre les combattants étrangers est le contrôle et le suivi de leurs mouvements. L'espace de libre-circulation Schengen s'est doté d'un système d'information et impose des contrôles aux frontières extérieures. Mais le code des frontières interdit les contrôles systématiques des ressortissants des 26 pays membres de la zone (22 des 28 Européens, plus la Suisse, l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein). Mais le ministre espagnol, Jorge Fernandez Diaz, a plaidé dimanche pour l'instauration de contrôles aux frontières au sein même de l'espace, ce qui obligerait à "modifier le traité de Schengen". Les gouvernements européens insistent aussi sur la création d'un PNR sur le modèle de ceux conclus avec les Etats-Unis, le Canada et l'Australie. Une quinzaine de pays se sont déjà dotés de systèmes nationaux. Mais le Parlement européen exige au préalable l'adoption d'une législation européenne sur la protection des données. Les débats sont bloqués depuis 2011. Toutes ces mesures seront discutées par les ministre de l'Intérieur et de la Justice de l'UE lors de leur réunion informelle les 29 et 30 janvier à Riga, en Lettonie. L'urgence leur impose toutefois de se réunir plus tôt et une rencontre extraordinaire pourrait avoir lieu dès vendredi à Bruxelles, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier.


 

I) - Terrorisme, la guerre impossible

L'ennemi est parmi nous. Le combattre implique de mettre en place une société de
surveillance qu'à coup sûr Cabu, Charb ou Bernard Maris auraient rejetée.


Et maintenant ? Depuis l'effroyable massacre dans la rédaction de Charlie Hebdo et la prise d'otage de Vincennes, on entend beaucoup de politiciens mais aussi de simples citoyens déclarer que la France est désormais en guerre. Mais la guerre est presque "simple" comparée à la période que nous traversons. La guerre, ce sont des pays qui s'affrontent avec leurs armées respectives sur un champ de bataille connu. La guerre, c'est un rapport de force brutal entre des nations qui se battent avec des troupes, des canons, des navires et des avions, c'est une chaîne de commande pyramidale où les ordres "du haut" sont suivis par les soldats "du bas". Aujourd'hui, nos "ennemis" sont des Français le plus souvent nés dans notre pays et qui agissent de leur propre chef. Leur parcours est généralement d'une banalité affligeante. Issus de familles recomposées ou décomposées, ils sont fréquemment tombés dans la petite ou la moyenne délinquance avant d'être séduits par l'intégrisme religieux. Petite frappe un jour, ils sont devenus fanatiques le lendemain. Certains sont allés défendre leur "cause" en Irak ou en Syrie. D'autres préféreront rester en France pour se transformer en terroristes. Souvent jeunes, ils peuvent redevenir après quelques années de "combat" des citoyens "modèles". Mais ce retour à la vie "normale" peut aussi cacher une volonté de fomenter des attentats dans un futur plus ou moins proche.

Patriot Act
En évitant certaines mosquées, en formant une famille, en travaillant, les extrémistes savent qu'ils finiront, à terme, par ne plus être surveillés aussi étroitement par les services de renseignement comme ce fut le cas pour les frères Kouachi. Car le seul et unique moyen de prévenir des attentats est de surveiller ces individus suspects mais aussi leurs proches et leurs amis. Pour connaître leurs projets, il est nécessaire de les suivre, de lire leurs courriels et d'écouter leurs conversations téléphoniques. Toutes ces mesures vont à l'encontre des nombreuses lois en France qui protègent les libertés individuelles. À droite, de nombreux politiciens ont déjà demandé une réforme de l'arsenal législatif. L'ancien ministre Thierry Mariani voudrait même copier l'exemple... américain. "Les États-Unis ont su réagir après le 11 Septembre, juge le membre de la Droite populaire. On a dénoncé le Patriot Act mais,
depuis, ils n'ont pas eu d'attentat à part Boston." Souhaite-t-on vraiment vivre dans un pays qui peut détenir sans limite de temps et sans inculpation toute personne soupçonnée de fomenter un acte terroriste ? Les dirigeants historiques de Charlie Hebdo se seraient, sans l'ombre d'un doute, opposés à une telle réforme liberticide. Mais comment lutter autrement contre ces terroristes jusqu'au-boutistes qui ne reculent devant rien pour attiser la haine et provoquer des déchirements profonds et durables au sein de la société française. La guerre semble décidément plus "simple" que la période actuelle.




J) - Attaques de Paris : comment répondre à la menace ?

La présence de très nombreux chefs d’Etats étrangers hier à Paris, aux côtés de François Hollande, est inédite. Que représente ce soutien international à la France ? 

Effectivement, il est inédit et jamais dans l’histoire nous n’avons vu un tel rassemblement, non pas pour un sommet diplomatique mais pour une manifestation de rue, même si cela n’a pas empêché les contacts diplomatiques. Jamais autant de chefs d’Etats et de gouvernements n’avaient participé ensemble en s’associant à une manifestation citoyenne dans les rues d’une ville. C’est donc une première historique et c’est un soutien très fort qui a été manifesté à l’égard de la République française, du peuple français, de son mode de vie et de ses institutions. C’est un évènement encore jamais vu puisque, même après le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, il n’y avait pas eu l’équivalent, pas plus qu’après les attentats de Madrid en 2004 ou de Londres en 2005. Nous savons très bien qu’il y a peut-être des arrière-pensées chez les uns ou les autres. On a signalé que certains de ceux qui venaient manifester pour la liberté de la presse en faisait assez peu cas chez eux. Pourtant le problème n’est pas là. Lorsque les gens se sont manifestés pour venir, il était difficile, notamment dans la mesure où nous avons des relations diplomatiques avec tous ces pays, de dire qui méritait de venir et qui ne le méritait pas. Par ailleurs, il était important qu’il n’y ait pas que des chefs d’Etats Occidentaux mais également d’autres continents. Soyons donc conscients des ambigüités mais tout cela est fait dans l’émotion. Le critère de sélection entre les véritables défenseurs de la liberté, ceux qui ne le sont qu’à moitié et ceux qui ne le sont pas du tout aurait été difficile à tracer. Si on est réaliste, il est bien qu’il y ait eu le plus grand nombre possible. 

Après ces attaques sur notre sol, la réponse se trouve-t-elle dans un Patriot Act à la française, sur le modèle des lois anti-terroristes prises par l’administration Bush après le 11 septembre ? 

Je crois qu’il ne faut pas céder à l’émotion. On a déjà eu, depuis 1986, plus d’une dizaine de lois anti-terroristes en France. Nous venons de voter en novembre dernier une nouvelle loi anti-terroriste qui prévoit notamment l’interdiction de partir à l’étranger ou d’entrer sur le territoire en cas de soupçons avérés. Qu’il faille adapter la législation à l’état de la menace,
c’est certain. Mais nous savions auparavant qu’il y avait une menace, que cette menace terroriste est à la fois diffuse et permanente. Que l’on adapte la législation aux nouvelles technologies, évidemment. En 1986, il n’y avait pas les mêmes problématiques autour d’internet et nous devons nous adapter à cela. Mais ceux qui demandent un Patriot Act à la française devraient réfléchir au fait que celui-ci, entre autre, définissait la catégorie des combattant étrangers, des combattants illégaux et que cela a été l’antichambre de Guantanamo, dont on peut penser que cela a autant nourri le terrorisme que cela l’a combattu. Je crois donc qu’il ne faut surtout pas tomber dans la précipitation, faire des lois de circonstances, ni surtout tomber dans la surenchère démagogique. Si bien sûr il faut être patriote, ce n’est pas avec des Patriot Acts à la française que l’on résoudra le problème. Il faut peut-être réfléchir sur le long terme plutôt que de faire des coups de communication qui seront populaires car la population va être naturellement d’accord avec un durcissement de la législation, sans en connaitre l’état et l’impact actuel. Il ne faut pas recourir à un remède qui soit pire que le mal. Il faut être vigilant et plus encore que sur la législation, c’est sur le renseignement et la coordination dans ce domaine qu’il faut porter l’effort. Ce doit être la priorité des priorités. 

Peut-on parler ici d’un choc des civilisations ?
Il est très surprenant que certains utilisent cette formule, alors que pendant des années, même ceux qui n’avaient pas réellement lu le livre de Samuel Huntington s’élevaient contre cette théorie sans avoir vraiment compris ce que disait l’auteur lui-même. Si c’est une guerre de civilisation, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela voudrait dire que nous sommes en guerre contre l’Islam et que nous sommes en guerre contre les musulmans. Est-ce vraiment cela que l’on veut exprimer ? Les mots ont leur importance. Nous sommes en guerre contre des terroristes qui se révèlent être musulmans, nous ne sommes pas en guerre contre l’Islam. De même que comme ceux qui luttent contre le Ku Klux Klan ne sont pas en guerre contre la chrétienté, alors que le Ku Klux Klan se réclame de cette religion. De fait, le Ku Klux Klan n’est pas plus représentatif de la civilisation occidentale que ces terroristes ne le sont de la civilisation musulmane. Il faut faire attention aux mots, parce que « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Cette phrase de Camus n’a jamais été aussi exacte qu’aujourd’hui.




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