Le mot
capitalisme est inventé par
Karl Marx au milieu du XIX
e
siècle et utilisé par lui avec une connotation péjorative. C'est plus
d'un siècle plus tard seulement que le mot sera revendiqué positivement,
notamment par
Ayn Rand.
Il désigne au sens strict un système économique fondé sur la
primauté du droit de propriété individuelle et en particulier de la
propriété privée des moyens de production. Le capitalisme est un régime
économique
et social dans lequel les capitaux, source de revenus, n'appartiennent
pas, en règle générale, à celles et ceux qui les mettent en valeur par
leur
travail.
Est considéré comme
capital
tout bien qui n'a pas été consommé immédiatement par son détenteur,
mais réservé à un usage futur, directement (simple stockage) ou
indirectement (conversion en un bien de production, capable par
combinaison avec plus ou moins de travail de générer des biens
nouveaux). Selon les cas (
social-démocratie,
démocratie libérale...) le capitalisme est plus ou moins dépendant du système
politique et
législatif en place, voire pas du tout dans le modèle
anarcho-capitaliste.
Il serait erroné de présenter le capitalisme comme une « invention » récente, qui serait de plus typiquement
occidentale, née de la « révolution industrielle » du XIX
e siècle, comme certains le prétendent après
Marx
et Karl Polanyi, confondant capitalisme et industrialisme. On en
retrouve des prémices auparavant, même si la généralisation du système
capitaliste s'est faite dans les sociétés occidentales modernes.
On cite l'économie de l'empire mésopotamien (3360-312 avant
J.-C.) comme un exemple de capitalisme précoce : la Mésopotamie, partie
du monde pré-libérale et décentralisée (par opposition à l'empire
égyptien, statique et centré sur la figure du Pharaon), favorisait la
petite propriété agricole, le
commerce, l'artisanat, l'import-export (Afrique, Perse) et la
banque de prêt.
Durant l'antiquité gréco-latine, les échanges commerciaux sont
restés très importants. Les premiers capitalistes furent les
propriétaires terriens, et le capital foncier circulait, s'échangeait,
s'accumulait. L'activité
bancaire
elle-même est importante avec une technique bancaire romaine très
développée : dépôts (rémunérés ou non), virements, chèques, prêts, etc.
[1]. Le droit de
propriété est respecté et l'
impôt
n'est conçu que comme une contrepartie de services rendus (usage d'un
lieu public, port, marché, route…) ou comme une contribution
exceptionnelle (dépenses militaires), l'impôt foncier n'existant pas
sous l'Empire romain, et l'impôt direct ne concernant que les provinces
conquises.
Voir aussi
archéoéconomie et
l'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme.
Mécanisme
Le capitalisme est basé sur le principe d'accumulation continue du
capital, sachant que celui-ci se déprécie au cours du temps. L'
investissement permet l'augmentation et le renouvellement du capital. L'entreprise est le lieu central de cette accumulation.
Pour démarrer une
entreprise, un investisseur (le capitaliste) fournit un
capital
initial sous forme d'argent, d'apports physiques, matériel ou
immatériel. Cela va servir dans un premier temps à acheter ou louer les
moyens de production (machines, locaux, terrains, bureaux) ou rétribuer
des employés. La production de l'entreprise est
propriété
du capitaliste, de même que le résultat des ventes réalisées par
l'entreprise. Le chiffre d'affaires doit servir à couvrir les coûts de
production et à procurer un
profit au capitaliste et à ses associés (dividendes). Des « parts » de l'entreprise (
actions) peuvent être vendues sur le
marché, les nouveaux propriétaires deviennent
actionnaires de l'entreprise et peuvent participer aux décisions ou recevoir leur part des dividendes.
Sont souvent considérées aussi comme « capitaux » des ressources immatérielles, notamment
éducation, réseau social,
propriété intellectuelle, etc. On parle parfois alors de capitalisme cognitif.
Les dévoiements du capitalisme
Capitalisme d'État
On appelle
capitalisme d'État un régime où la
propriété
n'est pas individuelle, mais collective : la richesse étant concentrée
entre les mains de responsables politiques censés ne pas s'en servir
pour eux, mais pour le compte de tous. En réalité, il s'agit pour les
hommes politiques de s'assurer d'une emprise sur la
société civile à leur propre bénéfice :
- Comment se fait-il que des sociétés aussi différentes que les
cités grecques de l'Age de bronze (Knossos, Mycène ou Pylos), l'empire
inca, la Russie soviétique, la Corée du sud et maintenant la Chine aient
toutes abouti au capitalisme d’État ? La réponse implique de
reconnaître que le capitalisme d’État ne consiste pas à allouer
efficacement les ressources économiques, mais à maximiser le contrôle
politique sur la société et sur l'économie. Si les dirigeants de l’État
peuvent s’emparer de toutes les ressources productives et en contrôler
l'accès, cela maximise leur emprise, même s'il faut sacrifier
l'efficacité économique.[2]
Les deux capitalismes (d'État et privé) sont parfaitement compatibles, conduisant à un régime mixte (exemple : France).
Dans un capitalisme d'État appliqué de façon intégrale (contrôle
étatique de tous les moyens de production, comme ce fut le cas en
URSS),
les travailleurs louent leur force de travail à une "bourgeoisie
politique", qui contrôle les moyens de production. Le résultat, malgré
une propagande productiviste (stakhanovisme), est un appauvrissement
général ("ils font semblant de nous payer, nous faisons semblant de
travailler").
Capitalisme de connivence
Dans le capitalisme de connivence (
crony capitalism,
corporatism) l'État soutient certaines entreprises, par
corruption ou à des fins politiques.
Trois positions
Les
utilitaristes de gauche et de droite, qui jugent le système à ses résultats sociaux, auront deux points de vue plus ou moins compatibles :
- pour les uns, le capitalisme produit des rapports entre riches
et pauvres toujours plus déséquilibrés en terme de pouvoir et
d'inégalités économiques, et une sclérose sociale. Il appartient alors
au pouvoir politique de rétablir l'équilibre ;
- pour les autres (et parfois les mêmes), il résulte du
capitalisme une coopération générale qui inclut les générations passées
et futures, et un accroissement de production général qui bénéficie à
tous. Une interférence du pouvoir politique ne peut que perturber le
système économique et provoquer des pertes.
- selon leur sensibilité à l'un ou l'autre aspect, les utilitaristes préconiseront un arbitrage politique variable.
Libéralisme
Pour les
libéraux,
le système ne doit pas être jugé (seulement) en terme d'utilitarisme,
mais (surtout) d'un point de vue moral : il appartient à chacun de
déterminer ce qu'il fait de son capital de départ, et l'important est
surtout d'assurer un bon départ. Les libéraux ne nient pas les rapports
de forces économiques, mais ils nient que l'on puisse les équilibrer ou
les résoudre : on peut seulement les déplacer avec une perte due à la
prise en compte de critères moins pertinents du point de vue de
l'allocation optimum des ressources, et sans garantir plus de «
justice sociale ». Toute notion d'arbitrage est alors considérée comme un leurre.
Pour les
libertariens, le capitalisme est un système économique qui est libéral dans la mesure où il respecte les droits individuels (
droit naturel pour les
jusnaturalistes). Comme le résume
Xavier Prégentil, « en quoi la
liberté d’entreprendre peut-elle gêner, en quoi la création de
richesses et le service des besoins exprimés lèsent-ils qui que ce soit ? » .
Marxisme
L'analyse
marxiste, développée par
Marx à travers plusieurs ouvrages dont le plus connu,
Le Capital, est que dans une société capitaliste, les
prolétaires sont obligés de vendre leur
force de travail pour subvenir à leurs besoins contre un
salaire. Cette dépendance les placerait dans une situation d'
exploitation (domination) par les capitalistes, propriétaires du
capital, nécessaire à la valorisation de la force de travail des prolétaires. La force de travail seule ne produit pas de
valeur, elle nécessite l'usage de capital, détenu par les capitalistes.
Pour les erreurs de cette analyse, voir les articles
exploitation,
plus-value,
baisse tendancielle du taux de profit,
salaire,
marxisme,
capitalisme libéral, etc.
Erreurs courantes
Le libéralisme et le capitalisme, c'est la même chose
Parmi les idées reçues les plus tenaces, on trouve celle qui consiste à assimiler le
libéralisme au capitalisme. Pourtant, s'il est vrai que le capitalisme ne prospère jamais mieux que dans une société de liberté, la
France montre l’exemple d’un
capitalisme d'État dans une société dans laquelle de nombreux pans de l'activité humaine sont
collectivisés ; l'État prend en charge des secteurs entiers de la vie économique et sociale (santé,
éducation, transports, production électrique, une partie des services financiers, etc.).
Le capitalisme (au sens large : mode de production fondé sur le
capital et le travail) est en réalité « politiquement neutre », c'est un
système économique qui peut être mis en œuvre dans différents types de
sociétés. Le capitalisme d’État n'a rien de
libéral,
l'arbitraire du Prince en matière économique n'étant pas du
libéralisme. Il faut aussi noter que le patronat dans une société
social-démocrate n'est pas spécialement libéral car il est
mercantiliste : il ne recherche que son intérêt, et ne se prive pas
d'utiliser la contrainte étatique et ses accointances avec la haute
fonction publique pour sauvegarder ses privilèges ou ses monopoles à l'encontre de ses concurrents.
Soulignons également que le libéralisme va bien au-delà du simple domaine économique, son domaine étant en réalité celui du
droit, et non de l'
économie. Comme le rappelle
Milton Friedman :
« Le capitalisme n'est pas une condition suffisante pour
la liberté, c'est une condition nécessaire pour la liberté. Je n'ai
jamais dit que là où il y a capitalisme, il y a liberté. C'est le
contraire : partout où vous avez la liberté, vous avez le capitalisme[3]. »
L'amalgame libéralisme / capitalisme représente l'argument
incontournable dont se servent ceux qui veulent présenter le libéralisme
comme une
idéologie destinée à favoriser les «
riches »
et à paupériser le reste de la population. Mais remplaçons le mot
« riches » par le mot « privilégiés » et le libéralisme devient le
procureur et non l'accusé. Car ce sont les
privilèges
de toutes sortes qui empêchent les êtres humains d'exprimer tout leur
potentiel et d'accomplir leur vie. Et le premier des privilèges est
celui de l'État, qui réduit le champ de la liberté, supprime la
compétition et la diversité et instaure des privilèges, des monopoles,
des interdictions, des règlementations dans le but de gêner certains
individus pour en favoriser d'autres, amis du
pouvoir ou faisant partie de la « clientèle » politique ou électorale. Le résultat est sans appel :
chômage,
violence,
assistanat,
pauvreté,
corruption.
Si certains sont privilégiés par l'État et les politiciens, il faut
bien qu'il y en ait d'autres qui payent pour ces privilèges.
Quant à l'affirmation selon laquelle un riche est un « privilégié », comme le précise
Jean-François Revel :
« un privilégié est quelqu'un qui bénéficie d'un avantage payé par quelqu'un d'autre ». Tout dépend donc de l'origine de cette
richesse : légitime (
travail,
héritage,
épargne…) ou illégitime (vol, détournement, privilège d'origine étatique ou politique, subvention publique, etc.).
Ayn Rand
adopte une définition du capitalisme qui lui est propre, et qui ne se
distingue pas de la définition du libéralisme, puisque selon elle le
capitalisme est
« un système social fondé sur la reconnaissance des droits individuels, droits de propriété inclus, dans lequel toute propriété est privée ».
Une telle définition ne pouvant s'appliquer au capitalisme d'État, il
conviendrait de parler plutôt de capitalisme libéral, dont la limite
extrême serait l'
anarcho-capitalisme.
L'étatisme et le capitalisme, c'est la même chose
C'est ce que soutiennent par exemple les anarchistes collectivistes. Or, le capitalisme repose sur l'
échange libre, alors que l'
étatisme repose sur la
coercition. Il est clair que certains capitalistes peuvent s'appuyer sur l'État pour obtenir des privilèges ou des faveurs (et le «
capitalisme de connivence »
à la française en est un excellent exemple), mais ceci n'est pas à
mettre au débit du capitalisme, de la même façon que le fait qu'il
existe des commerçants malhonnêtes n'est pas un argument valable contre
le
commerce. De même que l'étatisme peut se passer du capitalisme, le capitalisme existerait même dans une société sans État.
Le capitalisme est mauvais parce qu'il est imparfait
C'est une remarque typique des gens de gauche, qui préfèrent une
utopie totalitaire à l'imperfection des marchés. Ils utilisent le
sophisme
du "deux poids, deux mesures" pour comparer une réalité imparfaite avec
le monde parfait de leurs rêves. Les libéraux n'ont jamais prétendu que
le
marché, la
concurrence, conduisaient à un monde parfait, ils soutiennent seulement que c'est le "moins imparfait" des mondes :
- C'est à tort qu'on compare le capitalisme existant à une
situation purement idéale où n'existerait jamais d'erreur de gestion,
jamais de dissimulation comptable, jamais de faillite, jamais de
licenciements, jamais de baisse de valeur des actifs. Car l'erreur est
humaine, elle est nécessairement présente dans toute organisation
sociale et elle est bien souvent un élément essentiel de tout processus
d'apprentissage. Ne poursuivons donc pas la chimère d'un monde idéal
sans problème, mais demandons-nous plutôt quel est le système qui donne
le plus de chances à tous de poursuivre efficacement leurs propres
objectifs. La réponse est simple : c'est le capitalisme, car il repose
plus que tout autre sur la discipline de la responsabilité
individuelle, parce que l'erreur y est sanctionnée et parce qu'il incite
à la création de connaissances (éventuellement à partir des leçons
tirées des erreurs). (Pascal Salin)
- Je suis constamment éberlué de voir qu'on demande aux
défenseurs du libre marché de fournir perfection et sécurité alors qu'en
ce qui concerne le gouvernement on se contente de ses promesses et de
l'expression de ses bonnes intentions. (Lawrence Reed)
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