octobre 18, 2014

"laissez faire, laissez passer", son auteur, précurseur du libéralisme

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Vincent de Gournay

1712 - 1759, économiste français, précurseur des physiocrates, ([PDF]Les physiocrates) et d'Adam Smith. Un riche négociant, il était au service du gouvernement, comme intendant du commerce de 1751 à 1758. Il a traduit et annoté l'œuvre principale de Josiah Child (voir sous l'enfant, Sir John et a réuni autour de lui un groupe d'hommes intéressés à réformer l'économie de la France et à l'abolition des restrictions commerciales. Sa phrase favorite était "laissez faire, laissez passer», et il est généralement reconnu comme son auteur. Contrairement aux physiocrates, il considérait l'industrie et le commerce ainsi que l'agriculture d'être des sources importantes de richesse.


L'œuvre économique de Vincent de Gournay, demeurée longtemps méconnue, peut être considérée comme un projet libéral de croissance équilibrée, dont l'objectif est l'utilité générale. Le concept de "Balance des hommes" est un élément fondamental de ce système: le solde migratoire positif des mouvements de travailleurs est un critère de sa prospérité, d'où la nécessité d'instaurer la liberté du travail et de l'entreprise, et de favoriser l'individualisme et l'intérêt privé. Le travail, qui n'est plus une peine mais un accomplissement, est créateur de richesses. V. de Gournay en déduit une véritable politique de répartition (bons prix, salaires d'aisance, taux de l'intérêt peu élevé): la consommation populaire est le moteur de la croissance. L'équilibre du circuit repose sur une distribution équitable des revenus ("Balance des richesses") et réclame le maintien de la paix en Europe ("Balance des pouvoirs"). V. de Gournay avec ses "élèves" Morellet et Forbonnais, se rattache donc à un courant de pensée, le "libéralisme égalitaire", dont Boisguilbert avait posé les fondaments dès la fin du XVIIe siècle, et qui aboutit à une vision anthropologique de l'humanité.
Vincent de Gournay (1712-1759) et la "Balance des hommes", by Simone Meyssonnier © 1990
  


Commerce, population et société autour de Vincent de Gournay (1748-1758)

La genèse d'un vocabulaire des sciences sociales en France

Institut National d Etudes Démographiques, 133 Bvd Davout, 75020 Paris, Salle Sauvy

Publié le jeudi 05 février 2004 par Anne Gentil-Beccot


La genèse d’un vocabulaire des sciences sociales en France » est de faire converger les démarches de l'histoire intellectuelle, de l'histoire des institutions et de l'histoire des sciences et des techniques autour d'un réseau d'administrateurs et d'auteurs qui ont joué un rôle important dans le renouvellement des idées politiques et économiques au milieu du XVIIIe siècle en France. Vincent de Gournay, Intendant du commerce de 1751 à 1758 apparait comme la figure centrale d'un réseau qui comprend en particulier Abeille, Clicquot de Blervache, l'abbé Coyer, Herbert, l'abbé Le Blanc, Malesherbes, l'abbé Morellet, Plumard de Dangeul, Trudaine père et fils, Turgot, Véron de Forbonnais. Il s'agit de mettre en évidence un véritable projet collectif qui a été à l'origine de débats majeurs (baisse du taux de l'intérêt, liberté du commerce, noblesse commerçante, patriotisme). En limitant le champ d’étude au cercle de Gournay et à la période de son activité maximale (1748-1758), en accordant une place importante aux questions de vocabulaire, et en réunissant des chercheurs de plusieurs pays et disciplines (histoire, économie, philosophie, sociologie, linguistique), nous souhaitons échapper aux dangers de l’anachronisme et des histoires trop strictement disciplinaires, et contribuer au renouvellement de l'histoire des sciences sociales en France.
-
Turgot écrit : « M. de Gournay n’avait pas imaginé non plus que, dans un royaume où l’ordre des successions n’a été établi que par la coutume, et où l’application de la peine de mort à plusieurs crimes est encore abandonnée à la jurisprudence, le gouvernement eût daigné régler par des lois expresses la longueur et la largeur de chaque pièce d’étoffe, le nombre des fils dont elle doit être composée, et consacrer par le seau de la puissance législative quatre volumes in-quarto de ces détails importants ; et en outre des statuts sans nombre dictés par l’esprit de monopole, dont tout l’objet est de décourager l’industrie, de concentrer le commerce dans un petit nombre de mains par la multiplication des formalités et des frais, par l’assujettissement à des apprentissages et des compagnonnages de dix ans, pour des métiers qu’on peut savoir en dix jours ; par l’exclusion de ceux qui ne sont pas fils de maîtres, de ceux qui sont nés hors de certaines limites, par la défense d’employer les femmes à la fabrication  des étoffes, etc., etc. Il n’avait pas imaginé que dans un royaume soumis au même prince, toutes les villes se regarderaient mutuellement comme ennemies, s’arrogeraient le droit d’interdire le travail dans leur enceinte à des Français désignés sous le nom d’étrangers, de s’opposer à la vente et au passage libre des denrées d’une province voisine, de combattre ainsi, pour un intérêt léger, l’intérêt général de l’État, etc., etc.
Il n’était pas moins étonné de voir le gouvernement s’occuper de régler le cours de chaque denrée, proscrire un genre d’industrie pour en faire fleurir un autre, assujettir à des gênes particulières la vente de provisions les plus nécessaires à la vie, défendre de faire des magasins d’une denrée dont la récolte varie tous les ans et dont la consommation est toujours à peu près égale ; défendre la sortie d’une denrée sujette à tomber dans l’avilissement, et croire s’assurer l’abondance du blé en rendant la condition du laboureur plus incertaine et plus malheureuse que tous les autres citoyens, etc. »
« On peut même dire que peu de gens ont été aussi parfaitement libres que lui de cette espèce de vanité qui ferme l’accès aux vérités nouvelles. Il cherchait à s’instruire comme s’il n’avait rien su, et se prêtait à l’examen de toute assertion, comme s’il n’avait eu aucune opinion contraire ».
« Le monde est plein de gens qui condamnent, par exemple, les privilèges exclusifs, mais qui croient qu’il y a certaines denrées sur lesquelles ils sont nécessaires, et cette exception est ordinairement fondée sur un intérêt personnel, ou sur celui de quelques particuliers avec lesquels on est lié. C’est ainsi que la plus grande partie des hommes est naturellement portée aux principes doux de la liberté du commerce. Mais presque tous, soit par intérêt, soit par routine, soit par séduction, y mettent quelques petites modifications ou exceptions.
M. de Gournay, en se refusant à chaque exception en particulier, avait pour lui la pluralité des voix ; mais en se refusant à toutes à la fois, il élevait contre lui toutes les voix qui voulaient chacune une exception, quoiqu’elles ne se réunissent pas sur la sorte d’exception qu’elles désiraient, et il en résultait contre ses principes une fausse unanimité, et contre sa personne une imputation presque générale du titre d’homme à système ».
conclusion de Turgot : « C’est une sorte de malheur que les hommes recommandables par les vertus les plus respectables et les plus véritablement utiles soient les moins avantageusement partagés dans la distribution de la renommée. La postérité ne juge guère que les actions publiques et éclatantes, et peut-être est-elle plus sensible à leur éclat qu’à leur utilité ».



LE LAISSEZ FAIRE
Le laissez-faire est l'abréviation de "laissez faire, laissez passer», une expression française, un sens à «laisser faire, laisser passer». D'abord utilisé par les physiocrates du XVIIIe siècle comme une injonction contre l'ingérence gouvernementale dans le commerce, il est maintenant utilisé comme synonyme de l'économie de marché stricte libre.  Le laissez-faire politique économique est en contradiction directe avec la politique économique étatiste. Adam Smith a joué un rôle important dans la popularisation des théories du laissez-faire économique dans les pays anglo-saxons, mais il a critiqué un certain nombre d'aspects de ce qui est actuellement considéré comme un laissez -faire.
 
 Le laissez-faire (impératif) est distincte de laisser-faire (infinitif), qui renvoie à une attitude négligente dans l'application d'une politique, impliquant une absence de considération, ou de la pensée.

 

Le laissez-faire école de pensée est titulaire d'un capitalisme pur ou afficher marché libre, que le capitalisme est préférable de laisser à elle-même, qu'il se passera de l'inefficacité d'une manière plus délibérée et rapide que tout autre organe législatif pouvait le faire.  L'idée de base est que moins il y a d'interférences du gouvernement en fait un meilleur système.



Histoire


Le laissez-faire a été la philosophie dominante à la fin du 19ème et du début du 20ème siècle dans les pays les plus riches d'Europe et d'Amérique du Nord. Beaucoup d'historiens voient aussi cette période du laissez-faire à la mise en œuvre dans ces pays. Cependant, il y a des critiques qui affirment que ce qui était décrit comme "laissez-faire" la politique est tout simplement pro-politique de l'entreprise, comme avec d'importantes subventions pour les entreprises à produire les chemins de fer aux États-Unis ou de l'utilisation commune des tarifs par des présidents républicains. Dans ce contexte, le laisser-faire rhétorique a été utilisé pour justifier le refus de subventions similaires aux classes pauvres du travail.

Pour beaucoup, le laisser-faire sont des théories qui sont tombées en discrédit en raison de leurs refus d'autoriser les gouvernements à faire face à la gestion de l'économie pendant et après la Première Guerre mondiale, et leur prétendu défaut de prévenir la Grande Dépression. Toutefois, certains défenseurs des libertés, comme Milton Friedman soutiennent que, au moment de la Grande Dépression, une importante réglementation gouvernementale économiques ont déjà eu lieu dans la plupart des grandes économies, tout comme les ouvriers et employés dans toutes les industries se sont organisés en syndicats pour réclamer de meilleures conditions de vie, ainsi que les différents contrôles et les équilibres à la perception d'une «tyrannie du laissez-faire". Les travailleurs ont réussi à obtenir des lois du salaire minimum et un impôt progressif sur le revenu dans certains pays. Le commerce international (barrières) étaient également à l'étude des politiques (Smoot ex-Hawley Tariff aux Etats-Unis).  Ainsi, d'après les libertariens mentionnés ci-dessus, les économies qui ont souffert de la dépression, mais peut-être plus proche de laissez-faire que tout les autres modèles économiques qui aient jamais servi, encore n'a pas embrassé le capitalisme pur. Certains critiques du laissez-faire font valoir que la réalisation du capitalisme pur est impossible, par exemple, car il est difficile de faire face aux défaillances du marché sans un rôle actif d'un gouvernement.



Les nations modernes d'aujourd'hui industrialisés ne sont pas typiquement représentatifs des principes du laissez-faire, car ils impliquent généralement des quantités importantes de l'intervention de l'Etat, du gouvernement dans l'économie. Cette intervention comprend le salaire minimum, une redistribution importante à travers l'impôt et des programmes de bien-être, la propriété publique des entreprises et la réglementation de la concurrence du marché. La principale exception à cette règle est à Hong Kong, qui a officiellement un laissez-faire politique économique depuis les années 1960 et peut-être plus tôt. En outre, beaucoup suggèrent que le président Ronald Reagan des Etats-Unis et le Premier ministre Margaret Thatcher du Royaume-Uni suite à une perspective générale, du laissez-faire.


Dans le sillage de la montée de l'URSS, le laisser-faire économique suppose un avantage idéologique fort, voir par exemple, Hayek. Dans l'ère post-guerre, où la régulation par l'Etat et l'implication dans l'économie a atteint un sommet, à part non négligeable dans le cadre de la guerre froide, anti-étatiste des écoles de la pensée économique a connu une vague d'intérêt et de soutien.

La mutation du libéralisme classique vers le « social-libéralisme » Blog Criticus de Roman Bernard


Vincent de Gournay

De Wikiberal
 
Jacques Claude Marie Vincent, marquis de Gournay (Saint-Malo, 28 mai 1712 – Paris, 27 juin 1759) est un économiste français, considéré comme le premier des physiocrates.
Disposant d'une grande culture économique (il connaît notamment la pensée de Locke), il entre au service de Maurepas, ministre de la Marine en 1744. En 1751, il devient intendant du Commerce et parcourt à ce titre les provinces de France, accompagné dans ses voyages par Turgot, sur qui il eut une grande influence et par qui nous ont été transmises ses idées.
Gournay fut très lié avec avec Quesnay, le fondateur de l'école physiocratique. Cependant, ses positions diffèrent de celles des Physiocrates en ce qu'il ne place pas toute la richesse dans la terre et reconnaît que l'industrie crée une valeur réelle. Grand partisan de la liberté commerciale, il adopta la fameuse maxime « Laissez faire, laissez passer, le monde va de lui-même » dont on lui attribue généralement la paternité. Partisan de la liberté de commercer, de produire, de travailler, il s'oppose au mercantilisme et dénonce l'intervention directe de l'État dans l'économie par les subventions, mais aussi les corporations, les guildes, les privilèges exclusifs. Il inspirera directement toute la tradition du libéralisme économique français.


Laissez-faire

De Wikiberal
 
Le laissez-faire désigne la possibilité d'échanges entre acteurs économiques sans entraves de l'État (règlementations, protectionnisme, subventions...) autres que pour protéger le droit de propriété.
Le laissez-faire n'a rien à voir avec le "laisser-faire", auquel certains font allusion. Les libéraux sont conscients qu'une société ne peut exister sans règles
La maxime du "laissez faire" est apparue chez les physiocrates, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. D'abord, la maxime initiale n'a jamais été "laissez-faire" mais "laissez-nous faire" et, plus complètement, "laissez-nous faire, laissez-nous passer". Il y a une querelle historique sur cette humble supplique de commerçants pour que l'État corporatiste d'Ancien régime desserre l'étau de ses règlementations. L'origine s'en trouve chez Turgot, dans son Eloge de M. de Gournay. Il prête la maxime "laissez-nous faire" à un commerçant lyonnais du temps de Colbert, mais il semble bien que la formule soit de Gournay lui-même. "Laissez-faire, laissez passer" les grains entre les provinces. A cette époque, la France était hérissée d'octrois et de droits contre la circulation libre. L'État avait le contrôle du commerce des grains, ce qui provoquait de nombreuses famines.
L'idée, géniale, qui se cachait derrière le "laissez-nous faire", était que la liberté de circulation des grains entraînerait un enrichissement général. Qui peut dire qu'il n'en a pas été ainsi ? La société d'Ancien régime, avec 25 millions d'habitants, vivait de famine en crise de subsistances. A partir du moment où la liberté a été instaurée (la Révolution française supprime définitivement les douanes intérieures), la disette ne fut plus jamais qu'un souvenir.

Le libéralisme n'est pas le laisser faire généralisé

Si seulement il pouvait en aller ainsi ! Mais nous en sommes loin. C'est d'ailleurs une chose étrange que la maxime "laissez-faire" puisse figurer en tête du réquisitoire contre le libéralisme. Appliquée à un individu, l'idée qu'il vaut mieux le laisser faire plutôt que de le contraindre remporte le plus souvent la faveur de tous : c'est le traiter en adulte. Appliquée à une nation, laisser faire les citoyens deviendrait l'horreur. Le fait qu'il y ait là un objet de détestation en révèle plus sur ceux qui profèrent l'anathème que sur ceux qui, la première fois, ont brandi la maxime comme un cri en faveur de la liberté. Considérer que "laisser faire", cela ne serait pas bien, c'est dire à l'inverse qu'on se méfie du peuple et des êtres humains en général, qu'on ne croit qu'au contrôle, à l'embrigadement, à la surveillance, à la coercition.
Remarquons d'abord qu'associer le libéralisme à la maxime "laissez-faire" répond, en creux, à l'objection selon laquelle nous vivrions dans une société libérale. Qui peut avoir le sentiment que nous vivons dans une société économique du "laissez-faire" alors que règne le "harcèlement textuel" ?
Pour prendre l'exemple français, sur une population active de 23 millions de personnes, il y a 2,5 millions de fonctionnaires d'État et un peu plus de 5 millions d'individus qui travaillent dans le secteur public. Quel que soit leur rôle, de l'employé d'état-civil au vice-président du Conseil d'État, en passant par l'enseignant, le postier, l'infirmière d'hôpital ou le gendarme, ces cinq millions de personnes ont en commun une mission : prendre soin de nous, de notre argent, de notre éducation, de notre santé, de notre cadre de vie, de nos déplacements, en bref, qu'on le veuille ou non, contrôler nos façons d'être. Il peut y avoir du "laisser aller" dans la société, sûrement pas du "laissez-faire". 


 Laissez-faire a été pour la première fois employé par les physiocrates demandant la libre circulation des grains entre les provinces et l'abolition des corvées. Il est devenu, dans la première moitié du XIXe siècle, synonyme de marché libre en économie.

Un principe politique pour une politique économique

La politique du laissez-faire représente la mise en oeuvre dans l'économie de principes déduits de la théorie économique par l'intermédiaire de la philosophie morale.

La non agression

Comme toute politique, le laissez-faire n'implique pas une absence de normes mais au contraire une règle précise, éventuellement défendue par la force, que l'on cherche à appliquer dans tous les domaines : le respect de la propriété légitime, à son tour définie de la seule manière cohérente possible comme "les possessions qu'on n'a pas volées, c'est-à-dire prises à un autre sans son consentement". Le laissez-faire est donc proche du "capitalisme" défini par Marx (comme "le régime de la propriété privée"). Et comme la violation d'une propriété légitime est la définition même de l'agression, le respect de cette propriété légitime est équivalent au principe de non-agression. Il n'est donc qu'une mise en oeuvre universelle de la morale sociale quotidienne, celle que la plupart des gens reconaissent et respectent quand ils ne se rêvent pas en hommes de l'Etat.

Laissez-faire et libéralisme

La plupart des gens qui passent pour libéraux ou se disent tels ne sont pas laissez-fairistes. Dans une société qui bascule dans le socialisme réel, où l'on arrive à faire passer pour "ultra-libéral" quiconque s'inquiète seulement de freiner cette évolution, on peut toujours trouver moins libéral que soi, et la science politique prendra sûrement au mot ces définitions relatives voire contradictoires : les courants d'opinion sont plus intuitifs que raisonnés, les partis rassemblent des courants disparates, et la politique est l'art du possible, dans un cadre institutionnel contraignant.
Ceux qui admettent que le libéralisme, comme toute norme politique, est une définition de l'acte juste, n'en seront pas moins fondés à juger de l'authenticité de ce "libéralisme", à l'aune d'un critère objectif, de raisonnements qui prétendent l'établir ou de déductions que l'on peut en tirer. Or, il n'y a pas de définition non contradictoire du principe libéral qui ne soit pas équivalente au principe de non agression, principe dont l'application universelle aboutirait à la politique de "laissez-faire".
Sont donc laissez-fairistes tous les libéraux conséquents, se divisant essentiellement en anarcho-capitalistes qui pensent qu'on peut se passer complètement d'un Etat pour faire respecter la propriété légitime, et en minarchistes qui jugent nécessaire, ou en tous cas inévitable, quelque forme d'organisation territoriale exclusive pour la défense des Droits, en particulier contre les envahisseurs étrangers.

Ceux qui rejettent le laissez-faire

Représente au contraire le rejet du principe laissez-fairiste l'interventionnisme d'Etat, qui "reconnaît" aux hommes de l'Etat le "droit" de pratiquer ce qu'ils interdisent aux autres, c'est-à-dire de s'emparer des biens voire de la personne d'autrui contre son consentement : alors les hommes de l'Etat, au lieu de se contenter de neutraliser et de punir les voleurs et les assassins, se conduisent comme eux, violant pour divers motifs la propriété voire l'intégrité physique de parfaits innocents. Suivant l'ampleur de ses interventions, l'interventionnisme s'appellera étatisme, dirigisme, fascisme, socialisme, nazisme ou communisme. L'interventionnisme d'Etat a par exemple imposé :
  • Les monopoles : barrières douanières, réglementations, politiques "de concurrence" et salaires minimum
  • Les impôts et taxes diverses
  • Les diverses subventions et privilèges exclusifs aux lobbies et autres groupes de pression, dont les syndicats
  • Les "services publics" et autres entreprises nationalisées
  • L'entretien du chômage et des faux emplois
  • L'institution d'une hiérarchie des races et des religions (Nazisme racial)
  • La persécution contre les capitalistes et la diffamation organisée de leurs défenseurs (Nazisme, plus meurtrier que le Nazisme racial)
Les laissez-fairistes tiennent ces politiques pour des systèmes d'agression criminelle et, de ce fait, destructrice et stupide - ce pourquoi ils les appellent esclavagistes-absurdistes.

Le raisonnement laissez-fairiste

Dans l'ordre de la création

Le laissez-fairisme tient que toute violence est destructrice, définissant comme une violence le fait de disposer du bien et de la personne d'autres êtres malgré eux. Dans ces conditions, la violence ne peut servir la création que si elle s'oppose à une autre violence qui détruirait ou empêcherait cette création. L'Etat agissant par définition par la violence, les hommes de l'Etat qui neutralisent les voleurs et les assassins servent la création, ceux qui prennent aux uns, forcément pour donner à d'autres, pratiquent la destruction.

Dans l'ordre de la connaissance

Le laissez-fairisme tire les conséquences du fait qu'une personne a intérêt à s'informer à la hauteur de l'enjeu que représente pour elle l'information en question. Il en déduit que la responsabilité est une condition nécessaire et suffisante de la régulation des choix.

L'irresponsabilité institutionnelle détruit l'information

Or, l'interventionnisme, en permettant à certains d'imposer aux autres de subir à leur place les conséquences de leurs choix - c'est-à-dire en instituant l'irresponsabilité - fait en sorte que ni les décideurs ni ceux qui subissent les décisions n'ont plus intérêt à s'informer de leurs conséquences à la hauteur de l'enjeu qui est en cause : cette irresponsabilité institutionnelle inhérente à l'interventionnisme d'Etat engendre l'incompétence et l'aveuglement chez ses agents aussi bien que chez ses victimes.
Le laissez-fairisme appelle donc à une restauration de la régulation sociale par la responsabilité, en abolissant l'intervention, par définition irresponsable, des hommes de l'Etat : il ne faut pas laisser les gens faire n'importe quoi.

L'économiste n'est pas dupe de l'illusion fiscale

L'intervention de l'Etat, en séparant le décideur des conséquences de ses décisions, engendre une illusion systématique quant à leurs effets, illusion systématique que les théoriciens des choix publics ont appelée illusion fiscale ou illusion politique et qui protège largement l'interventionnisme d'une appréhension correcte de ses effets destructeurs, ainsi que du caractère illusoire des avantages qu'on croit en tirer.
C'est le métier de l'économiste que de n'être pas dupe de cette illusion, et de décrire malgré elle les effets réels des politiques et des institutions, leurs redistributions effectives, l'impossibilité d'en profiter et leurs inéluctables destructions, par opposition aux effets que leur prête, à tort, le profane.

La théorie économique du laissez-faire

La théorie économique du laissez-faire tient que tous les avantages que l'on prête à l'interventionnisme d'Etat sont illusoires, que celui-ci ne profite réellement à personne et nuit au contraire à tout le monde, et prétend l'avoir démontré.

Les "défaillances du marché" sont des sophismes cachés derrière des formulations mathématiques

Le discours interventionniste dominant, qui invoque l'"optimum de Pareto" à l'encontre du laissez-faire, méconnaît les raisons pour lequelles ce critère est nécessaire et applicable : à savoir qu'un jugement de valeur est un acte de la pensée, de sorte qu'il ne se prête à aucune mesure ni comparaison entre les personnes, et qu'on ne peut le connaître qu'en le déduisant des actes volontairement accomplis que l'on peut observer. Il s'ensuit que toute personne agissant librement maximise son utilité, et qu'un régime politique où chacun est libre de disposer de ses biens maximise l'utilité sociale.
Les gloses sur l'utilité des gens qui n'agissent pas, notamment sur les "effets externes" qui ne sont pas en fait des violations observables du Droit, n'ont rien que d'arbitraire, dans la mesure où on ne peut jamais rien constater de ce dont elles parlent : ce n'est pas un hasard si la fameuse Ritournelle, le Quatrain des externalités, biens publics, monopoles naturels et rendements croissants ne fournit aucune norme objective pour dire quand les hommes de l'Etat devraient intervenir ni surtout s'arrêter - et c'est bien pour ça qu'on s'en sert : le seul critère objectif de la production étant l'action volontaire dans un cadre de Droit, les ersatz mathématico-statistiques qu'on voudrait faire passer à sa place font penser à un congrès de mathématiciens qui se réunirait pour savoir combien font 2 + 2, étant donné que tout le monde a interdiction formelle de mentionner le nombre "4". D'ailleurs, l'empirisme le plus radical opposé à la preuve logique ne conduit-il pas à affirmer que "les règles de l'arithmétique n'appartiennent pas à la science parce qu'elles sont irréfutables" ?
Quant à l'intervention de l'Etat, si elle fait des bénéficiaires - on va voir dans quelles limites - elle fait aussi nécessairement des victimes, et on ne peut pas comparer les variations d'utilité des uns et des autres - c'est justement pour en tenir compte qu'existe le critère de Pareto : il est donc en toutes circonstances contradictoire d'invoquer l'optimum de Pareto à l'appui d'une quelconque intervention de l'Etat.
Le détour par la théorie de l'"équilibre général", surtout décrite en termes mathématiques, n'a donc pour effet que d'habituer ses adeptes à traiter les jugements de valeur comme s'ils étaient ce qu'ils ne sont pas - des choses, mesurables, et donc
  • à perdre de vue les raisons pour lesquelles on a accepté le critère de Pareto,
  • à traiter le Droit de propriété à la fois comme s'il existait - il le faut bien pour spécifier les modèles - et comme s'il n'existait pas - en prétendant justifier des politiques qui le méconnaissent.
Une conséquence de ce traitement de la propriété digne d'Alice au pays des merveilles est que, comme on va le voir, ces modèles prétendument "généraux" sont systématiquement incomplets : s'ils l'étaient réellement, généraux, et intégraient enfin la redistribution politique dans leurs analyses d'équilibre "général", ils devraient conclure que celle-ci est automatiquement et totalement destructrice de tout ce dont elle s'empare.

La redistribution politique est aléatoire

La théorie économique générale démontre que la redistribution politique réelle va généralement dans un sens totalement différent de ce que prétend le discours public : les lois de l'incidence réelle et de la protection effective montrent au contraire que les véritables victimes des impositions sont ceux qui dépendent le plus de l'activité taxée, et que les véritables récipiendaires de la redistribution sont ceux qui possèdent le facteur de production le plus spécifique à l'activité subventionnée : c'est pourquoi les prétendues "cotisations sociales patronales" sont en réalité payée par les salariés, et les subventions à l'agriculture se retrouvent dans la poche des propriétaires fonciers et jamais dans celle des travailleurs agricoles.
Cette même théorie économique générale démontre aussi - c'est même le point de départ de la théorie financière - que toute occasion de profit est immédiatement exploitée jusqu'à sa disparition : il s'ensuit qu'il ne peut jamais y avoir de profit certain. Elle en déduit que, toutes choses égales par ailleurs, la redistribution politique n'appauvrit ou enrichit les possesseurs de la chose taxée ou subventionnée que s'ils la détenaient au moment où celle-ci est devenue certaine. Ceux qui viennent longtemps après n'en profitent pas ni n'en souffrent, la chose étant à terme compensée par des variations de prix.
Les avantages et les charge réels de la redistribution politique sont donc aléatoires - ils dépendent des rapports de forces politiques comme des conditions du marché.

La Loi de la destruction totale

Cependant, la théorie économique doit aussi reconnaître que pour obtenir la redistribution en question, de même que pour tenter de l'empêcher, on aura aussi dû faire des efforts et consentir des dépenses. Et c'est de ce fait-là que la théorie économique du laissez-faire entend, pour sa part, déduire que l'intervention de l'Etat détruit toute la production dont elle s'empare, soit au moment où elle s'empare du bien produit en rompant le lien entre la propriété usurpée et le projet que celle-ci devait servir, soit au cours des efforts faits par les puissants pour s'emparer de ce butin.
En appliquant à la redistribution politique le raisonnement général sur l' équilibre, fondé sur le fait qu'il n'y a jamais de profit certain, on démontre que pour recevoir les distributions de l'interventionnisme public, il faut en tendance consacrer à les obtenir des ressources équivalentes à ce qu'on en attend, dépense qui est entièrement perdue pour toute production réelle. Il s'ensuit que l'intervention de l'état détruit en tendance une richesse équivalente à toute richesse dont elle s'empare. En outre, elle le ferait automatiquement et certainement dans les conditions de "certitude" de l'"équilibre général", et ses adeptes s'en seraient rendus compte depuis longtemps s'ils n'omettaient pas depuis le début d'y intégrer la redistribution politique.

Le Cercle vicieux de l'interventionnisme

En outre, comme l'a démontré Ludwig von Mises, comme l'intervention de l'Etat crée un précédent dans la destruction du Droit, n'atteint pratiquement jamais ses objectifs affichés, et cause des dégâts dont le mécontentement se nourrit, elle engendre des pressions pour des interventions ultérieures aussi longtemps que subsiste l'illusion quant à ses effets réels : c'est le Cercle vicieux de l'interventionnisme décrit par Mises ou Loi des Calamités selon la formule de Michel de Poncins, qui doit conduire à terme à l'abolition de tout Droit (le "socialisme réel") et à la destruction de toute richesse si on continue à ne pas tenir compte de ses véritables conséquences.

Le Multiplicateur des Calamités

Il s'ensuit que, même si une intervention particulière de l'Etat ne détruit la richesse dont elle s'empare que dans un rapport de 1 à 1, on doit aussi tenir compte des destructions à venir, causées par les interventions futures que la première aura engendrées. On appellera Multiplicateur des Calamités le rapport, supérieur à 1, entre les richesses dont s'empare une intervention particulière des hommes de l'Etat, et celles que cette intervention spécifique aura finalement détruites, compte tenu des interventions supplémentaires qu'elle aura par la suite inspirées.

Le laissez-fairiste tient pour criminelle l'intervention de l'Etat dans l'économie

Enfin, dans l'ordre de la morale, conformément aux règles du droit naturel, le laissez-fairiste tient que personne n'a le Droit de voler personne, en qu'en conséquence quiconque dispose du bien d'autrui sans son consentement est un criminel - ce que font, et ce que sont, les hommes de l'Etat qui se livrent à l'interventionnisme "économique". C'est généralement au terme de l'analyse qu'il conclut que cet interventionnisme est criminel, après avoir successivement constaté qu'il n'a pas, puis qu'il ne peut pas avoir les effets qu'on en attend, qu'il ne peut rien produire, puis qu'il est intrinsèquement destructeur.

Histoire

C’est, dit-on, un marchand, François Legendre (ou Le Gendre), qui, le premier, à Colbert qui lui demandait comment le gouvernement du roi pouvait aider le commerce, aurait répondu : " Laissez-nous faire". Que l'expression "laissez-faire" soit passée du français en anglais montre que le laissez-faire est une tradition intellectuelle française, à la différence du libéralisme anglo-saxon et notamment britannique, qui s'appuyait sur les démonstrations factuelles d'Adam Smith et de Ricardo pour démontrer que les monopoles, notamment protectionnistes, détruisent la production sans profiter réellement à leurs bénéficiaires prétendus. Le laissez-faire érigé en principe heurtant les intérêts à court terme de puissants exploiteurs, la démonstration anglo-saxonne a eu plus de succès, aidée par une tradition politique plus favorable au commerce, avec pour inconvénient une certaine tendance à rationaliser les compromis, accentuée par les assauts contre la preuve philosophique menés au XIX° siècle à la suite de Kant et de Hume.
La conséquence en est que nombre d'auteurs passant pour "libéraux" se sont mis, dès la fin du XIX° siècle, à déterrer les vieux sophismes de l'interventionnisme et à en inventer de nouveaux, notamment au départ pour rationaliser a posteriori les politiques dites "de concurrence" imposées à partir de 1890, dont il faudra attendre Murray Rothbard pour démontrer en 1962 qu'elle sont contradictoires, tant en théorie économique qu'en philosophie politique.
L'idéologie du laissez-faire a été dominante de la fin du XIXe siècle jusqu'au début du XXe, dans les pays riches d'Europe et d'Amérique du Nord. Elle a été progressivement mise en cause par des hommes politiques contraints d'avoir l'air de "faire quelque chose" pour des clientèles électorales, et discréditée par l'interprétation qu'ils ont donnée au Krach de 1929 et à la Grande Dépression comme attribuables à la liberté d'entreprendre, et non aux décisions irresponsables et aveugles des banquiers centraux et autres hommes de l'Etat.
Or, les économies qui ont subi la Grande Dépression n'étaient pas gouvernées par le laissez-faire. Dès avant la Première Guerre mondiale, et a fortiori pendant sa durée, les Etats lui avaient déjà porté des atteintes majeures, en multipliant des monopoles, impositions et interdictions d'échanger : politiques d'inflation, attribution aux syndicalistes de privilèges exorbitants du droit commun, subventions au chômage, notamment en Grande-Bretagne, salaires minimum et même persécution des "riches" avec l'impôt progressif sur le revenu.

Depuis la guerre froide

Les réglementations étatiques n'ont cessé de croître depuis, la "démocratie" majoritaire, ou soi-disant telle, remplaçant progressivement l'état de Droit. Ce qui a changé, c'est que les rationalisations de l'interventionnisme ont toutes été démontrées absurdes dès le début des années 1960, grâce à la remise en oeuvre de la preuve philosophique, tant en économie, avec l'école autrichienne et qu'en philosophe politique, avec les libertariens, tandis que l'Ecole de Chicago fournissait, comme autant de "preuves", les illustrations empiriques des destructions nécessairement causées par l'interventionnisme d'état. Les ouvrages de Ayn Rand - notamment son roman Atlas Shrugged, ont joué, pour ouvrir les yeux sur les ravages et l'immoralité de l'interventionnisme d'état, le même rôle que L'Archipel du Goulag pour l'inhumanité du socialisme réel.
Le socialisme étant une disqualification de la justice naturelle au nom de la méthode expérimentale invoquée comme uniquement et universellement valide - contre la philosophie morale et notamment politique, toute réhabilitation de la preuve philosophique en sciences sociales s'expose naturellement de sa part à la qualification d'"idéologie". Les premiers "idéologues" étant les économistes libéraux du début du XIX siècle, Say, Cabanis, Destutt de Tracy, et appelés tels par l'analphabète économique Napoléon Bonaparte, les laissez-fairistes contemporains peuvent assumer cette qualification : étant donné que les questions normatives relèvent de la seule preuve philosophique, il est plus honnête d'en accepter les conséquences, et d'apprendre à pratiquer les disciplines intellectuelles adéquates, plutôt que d'invoquer la science expérimentale en faisant semblant d'avoir oublié que celle-ci ne peut rien prouver en la matière.
Hong Kong a été le premier État à mettre en place (depuis au moins le début des années 60) à cette époque une politique économique inspirée par le laissez-faire. D'autres gouvernements, occidentaux, s'en sont aussi inspirés, mais pas dans la même mesure : pendant les années 1980, le gouvernement de Margaret Thatcher au Royaume-Uni a tenté de réduire l'emprise des monopoles, notamment syndicaux, et de privatiser les décisions. Le président des États-Unis Ronald Reagan invoquait les principes laissez-fairistes pour freiner l'accroissement des dépenses publiques et mettre en cause certains monopoles. Le Ministre des finances Roger Douglas en Nouvelle Zélande et le général Augusto Pinochet au Chili s'en sont également inspirés, avec un égal succès.
Le passage de Reagan et Thatcher au pouvoir a freiné le développement de l'interventionnisme d'état, et l'a fait reculer sur certains points, mais celui-ci continue à se développer.


Citations

Définition du laissez-faire :
Dans l'économie de marché, type d'organisation sociale axé sur le laissez-faire, il y a un domaine à l'intérieur duquel l'individu est libre de choisir entre diverses façons d'agir, sans être entravé par la menace d'être puni. Si toutefois le pouvoir fait plus que de protéger les gens contre les empiétements violents ou frauduleux de la part d'individus asociaux, il réduit le domaine où l'individu a liberté d'agir, au-delà du degré où il est limité par les lois praxéologiques. Ainsi nous pouvons définir la liberté comme l'état de choses où la faculté de choisir de l'individu n'est pas bornée par la violence du pouvoir, au-delà des frontières dans lesquelles la loi praxéologique l'enferme de toute façon. (Ludwig von Mises, L'Action humaine)
Le laissez-faire et l'esclavage :
l'abolition de l'esclavage et du servage ne pouvait être effectuée par le libre jeu du système de marché, parce que les institutions politiques avaient soustrait les domaines nobiliaires et les plantations à la souveraineté du marché. L'esclavage et le servage furent abolis par une action politique, dictée par l'esprit de l'idéologie — si décriée — du laissez-faire, laissez-passer. (Ludwig von Mises, L'Action humaine)
Le laissez-faire et le progrès :
les économistes... réfutèrent la croyance superstitieuse selon laquelle les procédés permettant d'économiser le travail provoqueraient le chômage et réduiraient tout le monde à la pauvreté et au dépérissement. Les économistes du laissez-faire ont été les pionniers des progrès techniques sans précédent au cours des deux siècles qui viennent de s'écouler... L'idéologie du laissez-faire et sa conséquence, la « révolution industrielle », firent sauter les barrières idéologiques et institutionnelles qui bloquaient le progrès vers le bien-être. Elles démolirent un ordre social où un nombre toujours croissant de personnes étaient condamnés à une détresse abjecte et sans issue. (Ludwig von Mises, L'Action humaine)
Le laissez-faire, le libre échange et la paix
Ces libéraux britanniques et leurs amis du Continent eurent assez de pénétration pour comprendre que ce qui peut sauvegarder une paix durable, ce n'est pas seulement le gouvernement du peuple par lui-même, mais le gouvernement du peuple dans le laissez-faire complet. A leurs yeux, le libre-échange, à la fois dans les affaires intérieures et dans les relations internationales, était la condition préalable nécessaire à la préservation de la paix... tandis que le laissez-faire élimine les causes de conflit international, l'ingérence des hommes de l'Etat dans l'économie et le socialisme engendrent des conflits auxquels on ne peut trouver aucune solution pacifique.(Ludwig von Mises, L'Action humaine)
L'ingénieur mathématicien Maurice Allais doit à son ignorance de la philosophie de ne pas comprendre le laissez-faire
« Comment la nouvelle doctrine du libre échangisme mondialiste a-t-elle pu s'imposer alors qu'en réalité elle n'a entraîné que désordres et misères dans le monde entier ? Il y a sans doute à cela trois raisons essentielles : un enseignement erroné dans toutes les universités du monde, une funeste confusion entre libéralisme et laissez-fairisme, la domination des multinationales américaines» [1]
Sur la prétendue opposition entre le libéralisme et le laissez-faire
Alors que le capitalisme pur, le capitalisme de laissez-faire n’a jamais existé nulle part, alors qu’on avait laissé certaines interventions (inutiles) des hommes de l’Etat diluer et saper le système américain originel — bien plus par erreur que par intention théoriquement motivée, ces interventions-là étaient des entraves mineures, et les “économies mixtes” du dix-neuvième siècle étaient essentiellement libres, et c’est cette liberté jamais vue qui a amené un progrès sans précédent pour l’humanité.
Les principes, la théorie, et la pratique effective du capitalisme reposent sur un marché libre c’est-à-dire non réglementé, comme l’histoire des deux derniers siècles l’a amplement démontré. Aucun défenseur du capitalisme ne peut se permettre de méconnaître le sens exact des termes de “laissez-faire” et d’“économie mixte”, qui indiquent clairement les deux éléments opposés qui sont en cause dans cette mixture : l’élément de liberté économique, qui est le capitalisme, et celui de l’intervention des hommes de l’Etat, qui est l’étatisme.
Une campagne insistante se poursuit depuis des années pour nous faire accepter l’idée suivant laquelle tous les Etats seraient les instruments des intérêts économiques de classe, le capitalisme n’étant pas une économie libre, mais un système d’ingérences étatiques au service de quelque classe privilégiée. Le but de cette campagne est de falsifier l’économie politique et de réécrire l’histoire pour oblitérer l’existence et la possibilité d’un pays libre et d’une économie sans intervention de l’Etat. Comme un système de propriété privée nominale gouverné par les interventions de l’Etat n’est pas du capitalisme mais du fascisme, le seul choix que cette oblitération nous laisserait est le choix entre le fascisme et le socialisme (ou le communisme) — ce que tous les étatistes du monde, de toutes les variétés, degrés et dénominations s'efforcent frénétiquement de nous faire avaler -détruire la liberté est leur objectif commun, après quoi ils comptent se battre entre eux pour le pouvoir. (Ayn Rand, "The New Fascism: rule by consensus")











 






 

Libéralisme - Ludwig Von MISES

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.





 La seule solution possible vers le progrès économique et social

 
De nos jours, il n'est plus suffisant non plus d'étudier les écrits des grands fondateurs pour se former une idée du libéralisme. Le libéralisme n'est pas une doctrine complète ou un dogme figé. Au contraire : il est l'application des enseignements de la science à la vie sociale des hommes. Et tout comme l'économie, la sociologie et la philosophie ne sont pas restées immobiles depuis l'époque de David Hume, d'Adam Smith, de David Ricardo, de Jeremy Bentham et de Guillaume de Humboldt, de même la doctrine du libéralisme est différente aujourd'hui de ce qu'elle était de leur temps, même si ses principes fondamentaux n'ont pas bougé. Depuis plusieurs années, personne n'a entrepris de donner une présentation concise de la signification essentielle de cette doctrine. Ceci peut servir de justification à notre présent essai, qui cherche précisément à offrir un tel travail.

 http://Mises.org

This is from a radio broadcast made during intermission of the U.S. Steel Concert Hour, May 17, 1962; the transcript (reprinted below) was first published in The Freeman, May 1988. Mises had been asked to respond to the question: "Are the interests of the American wage earners in conflict with those of their employers, or are the two in agreement?"

Transcript from http://mises.org/efandi/ch15.asp

To answer that question we must first look at a little history. In the pre-capitalistic ages a nation's social order and economic system were based upon the military superiority of an elite. The victorious conqueror appropriated to himself all the country's utilizable land, retained a part for himself and distributed the rest among his retinue. Some got more, others less, and the great majority nothing. In the England of the early Plantagenets [the line of British kings, descended from French Normans, who reigned from 1154 to 1399], a Saxon was right when he thought: "I am poor because there are Normans to whom more was given than is needed for the support of their families." In those days the affluence of the rich was the cause of the poverty of the poor.

Conditions in the capitalist society are different. In the market economy the only way left to the more gifted individuals to take advantage of their superior abilities is to serve the masses of their fellowman. Profits go to those who succeed in filling the most urgent of the not-yet-satisfied wants of the consumers in the best possible and cheapest way. The profits saved, accumulated, and plowed back into the plant, benefit the common man twice. First, in his capacity as a wage earner, by raising the marginal productivity of labor and thereby real wage rates for all those eager to find jobs. Then later again, in his capacity as a consumer when the products manufactured with the aid of the additional capital flow into the market and become available at the lowest possible prices.

The characteristic principle of capitalism is that it is mass production to supply the masses. Big business serves the many. Those outfits that are producing for the special tastes of the rich never outgrow medium or even small size. Under such conditions those anxious to get jobs and to earn wages and salaries have a vital interest in the prosperity of the business enterprises. For only the prosperous firm or corporation has the opportunity to invest, that is, to expand and to improve its activities by the employment of ever better and more efficient tools and machines.

The better equipped the plant is the more can the individual worker produce within a unit of time, the higher is what the economists call the marginal productivity of his labor and, thereby, the real wages he gets. The fundamental difference between the conditions of an economically underdeveloped country like India and those of the United States is that in India the per head quota of capital invested and thereby the marginal productivity of labor and consequently wage rates are much lower than in this country. The capital of the capitalists benefits not only those who own it but also those who work in the plants and those who buy and consume the goods produced.

And then there is one very important fact to keep in mind. When one distinguishes, as we did in the preceding observations, between the concerns of the capitalists and those of the people employed in the plants owned by the capitalists, one must not forget that this is a simplification that does not correctly describe the real state of present-day American affairs. For the typical American wage earner is not penniless. He is a saver and investor. He owns savings accounts, United States Savings Bonds and other bonds and first of all insurance policies. But he is also a stockholder. At the end of the last year [1961] the accumulated personal savings reached $338 billion. A considerable part of this sum is lent to business by the banks, savings banks and insurance companies. Thus the average American household owns well over $6000 that are invested in American business.

The typical family's stake in the flourishing of the nation's business enterprises consists not only in the fact that these firms and corporations are employing the head of the family. There is a second fact that counts for them, to wit that the principal and interest of their savings are safe only as far as the American free enterprise is in good shape and prospering. It is a myth that there prevails a conflict between the interests of the corporations and firms and those of the people employed by them. In fact, good profits and high real wages go hand in hand.
Le libéralisme est une doctrine entièrement consacrée au comportement des hommes dans ce monde. En dernière analyse, il n'a rien d'autre en vue que le progrès de leur bien-être extérieur et matériel : il ne se préoccupe pas directement de leurs besoins intérieurs, spirituels et métaphysiques. Il ne promet pas aux hommes le bonheur et la satisfaction intérieure, mais uniquement de répondre de la manière la plus efficace possible à tous les désirs pouvant être satisfaits par les choses concrètes du monde extérieur. 


1. Le libéralisme

Les philosophes, sociologues et économistes du XVIIIesiècle et du début du XIXesiècle ont formulé un programme politique qui, en politique sociale, servit de guide, tout d'abord pour l'Angleterre et les États-Unis, ensuite pour le continent européen, et finalement aussi pour toutes les autres régions habitées du globe. On ne réussit cependant nulle part à l'appliquer dans sa totalité. Même en Angleterre, qu'on a dépeint comme la patrie du libéralisme et comme le modèle du pays libéral, les partisans des politiques libérales n'ont jamais réussi à faire entendre toutes leurs revendications. Dans le reste du monde, seules certaines parties de ce programme furent adoptées, tandis que d'autres, tout aussi importantes, furent soit rejetées dès le départ, soit écartées après peu de temps. Ce n'est qu'en forçant le trait que l'on peut dire que le monde a traversé une époque libérale. On n'a jamais permis au libéralisme de se concrétiser pleinement. 

Néanmoins, aussi brève et limitée que fut la suprématie des idées libérales, elle fut suffisante pour changer la face du monde. Il se produisit un formidable développement économique. La libération des forces productives de l'homme multiplia les moyens de subsistance. A la veille de la [Première] Guerre Mondiale (qui fut elle-même la conséquence d'une longue et âpre bataille contre l'esprit libéral et qui inaugura une ère d'attaques encore plus virulentes dirigées contre les principes libéraux), le monde était bien plus peuplé qu'il ne l'avait jamais été, et chaque habitant pouvait vivre bien mieux qu'il n'avait jamais été possible au cours des siècles précédents. La prospérité que le libéralisme avait créée avait considérablement réduit la mortalité enfantine, qui constituait le lamentable fléau des périodes précédentes, et avait allongé l'espérance de vie moyenne, grâce à l'amélioration des conditions de vie. 

Cette prospérité ne concernait pas seulement une classe particulière d'individus privilégiés. A la veille de la [Première] Guerre Mondiale, l'ouvrier des nations industrialisées d'Europe, des États-Unis et des colonies anglaises vivait mieux et avec plus d'élégance que le noble d'un passé encore proche. Il pouvait non seulement manger et boire comme il le voulait, mais il pouvait aussi donner une meilleure éducation à ses enfants et prendre part, s'il le désirait, à la vie intellectuelle et culturelle de son pays. De plus, s'il possédait assez de talent et d'énergie, il pouvait sans difficulté monter dans l'échelle sociale. C'est précisément dans les pays qui appliquèrent le plus loin le programme libéral que le sommet de la pyramide sociale était composé en majorité non pas d'hommes qui avaient bénéficié, depuis le jour de leur naissance, d'une position privilégiée en vertu de la richesse ou de la position sociale élevée de leurs parents, mais d'individus qui, dans des conditions défavorables et initialement dans la gêne, avaient gravi les échelons par leurs propres forces. Les barrières qui séparaient autrefois les seigneurs et les serfs avaient été supprimées. Il n'y avait désormais plus que des citoyens bénéficiant de droits égaux. Personne n'était handicapé ou persécuté en raison de sa nationalité, de ses opinions ou de sa foi. Les persécutions politiques et religieuses avaient cessé et les guerres internationales commençaient à être moins fréquentes. Les optimistes saluaient déjà l'aube d'une ère de paix éternelle. 

Mais les événements n'ont pas tourné de la sorte. Au XIXesiècle, surgirent de forts et violents adversaires du libéralisme, qui réussirent à éliminer une grande partie des conquêtes libérales. Le monde d'aujourd'hui ne veut plus entendre parler du libéralisme. En dehors de l'Angleterre, le terme « libéralisme » est franchement proscrit. En Angleterre, il demeure encore certainement des « libéraux », mais la plupart ne le sont que de nom. En réalité, il s'agit plutôt de
socialistes modérés. De nos jours, le pouvoir politique est partout dans les mains des partis antilibéraux. Le programme de l'antilibéralisme a engendré les forces qui conduisirent à la Grande Guerre mondiale et qui, en raison des quotas à l'exportation et à l'importation, des tarifs douaniers, des barrières aux migrations et d'autres mesures similaires, menèrent les nations du monde à une situation d'isolement mutuel. Il a conduit au sein de chaque nation à des expériences socialistes dont les résultats furent une réduction de la productivité du travail et une augmentation concomitante de la pauvreté et de la misère. Quiconque ne ferme pas délibérément les yeux sur les faits, doit reconnaître partout les signes d'une catastrophe prochaine en ce qui concerne l'économie mondiale. L'antilibéralisme se dirige vers un effondrement général de la civilisation. 

Si l'on veut savoir ce qu'est le libéralisme et quel est son but, on ne peut pas simplement se tourner vers l'histoire pour trouver l'information en se demandant ce que les politiciens libéraux ont défendu et ce qu'ils ont accompli. Car le libéralisme n'a jamais réussi nulle part à mener à bien son programme comme il le voulait. 

Les programmes et les actions des partis qui se proclament aujourd'hui libéraux ne peuvent pas non plus nous éclairer sur la nature du véritable libéralisme. Nous avons déjà signalé que, même en Angleterre, ce qui est appelé libéralisme de nos jours est bien plus proche du socialisme et du torysme que du vieux programme des libre-échangistes. S'il se trouve des libéraux qui considèrent comme compatible avec leur libéralisme le fait de souscrire à la nationalisation des chemins de fer, des mines et d'autres entreprises, et même de soutenir les tarifs protectionnistes, on peut facilement voir qu'il ne reste actuellement plus du libéralisme que le nom. 

De nos jours, il n'est plus suffisant non plus d'étudier les écrits des grands fondateurs pour se former une idée du libéralisme. Le libéralisme n'est pas une doctrine complète ou un dogme figé. Au contraire : il est l'application des enseignements de la science à la vie sociale des hommes. Et tout comme l'économie, la sociologie et la philosophie ne sont pas restées immobiles depuis l'époque de David Hume, d'Adam Smith, de David Ricardo, de Jeremy Bentham et de Guillaume de Humboldt, de même la doctrine du libéralisme est différente aujourd'hui de ce qu'elle était de leur temps, même si ses principes fondamentaux n'ont pas bougé. Depuis plusieurs années, personne n'a entrepris de donner une présentation concise de la signification essentielle de cette doctrine. Ceci peut servir de justification à notre présent essai, qui cherche précisément à offrir un tel travail. 

2. Le bien-être matériel
Le libéralisme est une doctrine entièrement consacrée au comportement des hommes dans ce monde. En dernière analyse, il n'a rien d'autre en vue que le progrès de leur bien-être extérieur et matériel : il ne se préoccupe pas directement de leurs besoins intérieurs, spirituels et métaphysiques. Il ne promet pas aux hommes le bonheur et la satisfaction intérieure, mais uniquement de répondre de la manière la plus efficace possible à tous les désirs pouvant être satisfaits par les choses concrètes du monde extérieur.
On a souvent reproché au libéralisme cette approche purement externe et matérialiste, tournée vers ce qui est terrestre et éphémère. La vie de l'homme, dit-on, ne consiste pas uniquement à boire et à manger. Il existe des besoins plus élevés et plus importants que la nourriture et la boisson, que le logement et les vêtements. Même les plus grandes richesses de la terre ne peuvent pas apporter le bonheur à l'homme : elles laissent vides et insatisfaits son être intime, son âme. La plus grande erreur du libéralisme serait de ne rien avoir à offrir aux aspirations les plus profondes et les plus nobles de l'homme. 

Les critiques qui parlent de cette façon ne font que montrer qu'ils ont une conception très imparfaite et matérialiste de ces besoins plus élevés et plus nobles. La politique sociale, avec les moyens qui sont à sa disposition, peut rendre les hommes riches ou pauvres, mais elle ne réussira jamais à les rendre heureux ni à répondre à leurs aspirations les plus profondes. Aucun expédient extérieur n'y peut rien. Tout ce qu'une politique sociale peut faire, c'est d'éliminer les causes externes de la souffrance et de la douleur : elle peut favoriser un système permettant de
 nourrir l'affamé, d'habiller l'homme nu, de loger les sans-abri. Le bonheur et la satisfaction intérieure ne dépendent pas de la nourriture, des vêtements et du logement mais, avant tout, de ce qu'un homme aime au fond de lui. Ce n'est pas par mépris pour les biens spirituels que le libéralisme ne s'occupe que du bien-être matériel de l'homme, mais en raison de la conviction que ce qui est le plus élevé et le plus profond en l'homme ne peut pas être atteint par une décision extérieure, quelle qu'elle soit. Le libéralisme ne cherche à produire que le bien-être matériel parce qu'il sait que les richesses spirituelles intérieures ne peuvent pas parvenir à l'homme de l'extérieur, qu'elles ne peuvent venir que de son propre cœur. Il ne cherche pas à créer autre chose que les conditions extérieures nécessaires au développement de la vie intérieure. Et il ne peut y avoir aucun doute que l'individu relativement prospère du XXesiècle
 peut plus facilement satisfaire ses besoins spirituels que, par exemple, l'individu du Xesiècle,
  qui devait sans cesse se soucier d'économiser juste assez pour survivre, ou de lutter contre les dangers dont ses ennemis le menaçaient. 
Certes, à ceux qui, comme les adeptes de nombreuses sectes asiatiques ou chrétiennes du Moyen Âge, acceptent la doctrine d'un ascétisme total et qui considèrent la pauvreté et l'absence de désir des oiseaux de la forêt et des poissons des mers comme l'idéal de la vie humaine, à ceux-là nous ne pouvons rien répondre quand ils reprochent au libéralisme son attitude matérialiste. Nous ne pouvons que leur demander de nous laisser tranquilles, de même que nous les laissons aller au ciel à leur façon. Laissons-les en paix s'enfermer dans leurs cellules, à l'écart des hommes et du monde. 

L'écrasante majorité de nos contemporains ne peut pas comprendre cet idéal ascétique. Mais dès que l'on rejette le principe du mode de vie de l'ascète, on ne peut pas reprocher au libéralisme de rechercher le bien-être extérieur. 

3. Le rationalisme
On reproche par ailleurs habituellement au libéralisme d'être rationaliste. Il chercherait à tout régler d'après la raison et ne réussirait donc pas à reconnaître que les affaires humaine laissent, et en fait doivent laisser, une grande latitude aux sentiments et à l'irrationnel en général ― c'est-à-dire à ce qui ne relève pas de la raison. 

Cependant, le libéralisme est parfaitement conscient du fait que les hommes agissent de manière déraisonnable. Si les hommes agissaient toujours de manière raisonnable, il serait superflu de les exhorter à se laisser guider par la raison. Le libéralisme ne dit pas que les hommes agissent toujours intelligemment, mais plutôt qu'ils devraient, dans leur propre intérêt bien compris, toujours agir intelligemment. Et l'essence du libéralisme est précisément qu'il souhaite que, dans le domaine de la politique sociale, on accorde à la raison le même rôle que celui qu'on lui accorde sans discussion dans les autres sphères de l'action humaine. 

Si, son médecin lui ayant recommandé un certain mode de vie raisonnable ― i.e. hygiénique ― quelqu'un répondait : « Je sais bien que vos conseils sont raisonnables, mais mes sentiments m'empêchent de les suivre. Je veux faire ce qui nuit à ma santé même si cela est déraisonnable,» quasiment personne ne considèrerait son comportement comme recommandable. Quoi que nous choisissions de faire dans la vie, quand il s'agit d'atteindre le but que nous nous sommes nous-mêmes fixé, nous nous efforçons de le faire raisonnablement. La personne qui souhaite traverser une ligne de chemin de fer ne choisira pas le moment précis où un train est en train de passer. Celui qui veut coudre un bouton évitera de piquer son doigt avec l'aiguille. Pour toute activité pratique, l'homme a développé une technique lui indiquant comment procéder si l'on souhaite éviter de se comporter de manière déraisonnable. On accepte généralement le fait qu'il est souhaitable d'acquérir les techniques dont on peut se servir dans la vie, et on traite d'incompétent celui qui met son nez dans un domaine dont il ne maîtrise pas les techniques. 

Ce n'est que dans le domaine de la politique sociale qu'il devrait en être autrement, pense-t- on. Ici, ce ne serait pas la raison mais les sentiments et les pulsions qui décideraient. La question : Comment arranger les choses afin de fournir un bon éclairage pendant les heures
d'obscurité ? n'est généralement discutée qu'avec des arguments logiques. Mais dès que la discussion en vient à savoir s'il convient de faire gérer l'industrie d'éclairage par des personnes privées ou par la municipalité, la raison n'est plus considérée comme pertinente. Dans ce cas, les sentiments, la vision du monde ― bref, la déraison ― devraient être les facteurs déterminants. Nous demandons en vain : Pourquoi ? 

L'organisation de la société humaine d'après le modèle le plus favorable à la réalisation des fins envisagées est une question concrète assez prosaïque, qui n'est pas différente, par exemple, de la construction d'une ligne de chemin de fer ou de la production de vêtements ou de meubles. Les affaires nationales ou gouvernementales sont, il est vrai, plus importantes que toutes les autres questions pratiques du comportement humain, car l'ordre social constitue les fondations de tout le reste, et qu'il n'est possible à chacun de réussir dans la poursuite de ses fins personnelles qu'au sein d'une société propice à leur réalisation. Mais aussi élevée que puisse être la sphère où se situent les questions politiques et sociales, celles-ci se réfèrent à des sujets qui sont soumis au contrôle humain et doivent donc être jugés selon les critères de la raison humaine. Dans de tels domaines, comme dans toutes les autres affaires de ce monde, le mysticisme n'est qu'un mal. Nos pouvoirs de compréhension sont très limités. Nous ne pouvons pas espérer découvrir un jour les secrets ultimes et les plus profonds de l'univers. Mais le fait que nous ne pourrons jamais saisir le sens et le but de notre existence ne nous empêche pas de prendre des précautions afin d'éviter les maladies contagieuses, ni d'utiliser les moyens adéquats pour nous nourrir et nous vêtir. Il ne devrait pas non plus nous empêcher d'organiser la société de façon à pouvoir atteindre de la manière la plus efficace possible les buts terrestres que nous poursuivons. L'État et le système légal, le gouvernement et son administration ne sont pas des domaines trop élevés, trop bons ou trop vastes, pour ne pas faire l'objet de délibérations rationnelles. Les problèmes de politique sociale sont des problèmes de technique sociale, et leur solution doit être cherchée de la même façon et avec les mêmes moyens que nous utilisons pour résoudre les autres problèmes techniques : par le raisonnement rationnel et par l'examen des conditions données. Tout ce qui constitue la nature de l'homme et l'élève au-dessus des animaux, il le doit à sa raison. Pourquoi devrait-il renoncer à l'usage de la raison dans le seul domaine de la politique sociale, et ce pour faire confiance à des sentiments ou des pulsions vagues et obscurs ? 

4. L'objectif du libéralisme
Il existe une opinion répandue selon laquelle le libéralisme se distingue des autres mouvements politiques en ce qu'il placerait les intérêts d'une partie de la société ― les classes possédantes, les capitalistes, les entrepreneurs ― au-dessus des intérêts des autres classes. Cette affirmation est totalement fausse. Le libéralisme a toujours eu en vue le bien de tous, et non celui d'un groupe particulier. C'est cela que les utilitaristes anglais ont voulu dire avec leur célèbre ― mais pas très appropriée, il faut bien l'avouer ― formule : « le plus grand bonheur pour le plus grand nombre ». Historiquement, le libéralisme fut le premier mouvement politique qui ait cherché à promouvoir le bien-être de tous, et pas seulement celui de groupes spécifiques. Le libéralisme se distingue du socialisme, qui professe lui aussi la recherche du bien de tous, non par le but qu'il poursuit mais par les moyens qu'il choisit pour atteindre ce but. 

Si l'on prétend que la conséquence de la politique libérale est, ou doit être, de favoriser les intérêts particuliers de certaines couches de la société, c'est une question qui mérite d'être discutée. L'une des tâches du présent essai est de montrer qu'un tel reproche n'est en aucun cas justifié. Mais on ne peut pas, a priori, soupçonner de malhonnêteté la personne qui soulève cette question ; il se peut qu'elle soutienne cette affirmation ― selon nous erronée ― avec la meilleure bonne foi du monde. En tout cas, ceux qui attaquent le libéralisme de cette façon concèdent que ses intentions sont pures et qu'il ne veut rien d'autre que ce qu'il dit vouloir. 

Il en va assez différemment des critiques qui reprochent au libéralisme de chercher à favoriser non pas le bien-être général mais les intérêts particuliers de certaines classes. De tels critiques sont à la fois malhonnêtes et ignorants. En choisissant ce type d'attaque, ils montrent qu'ils sont au fond d'eux bien conscients de la faiblesse de leur propre cause. Ils utilisent des armes empoisonnées parce qu'ils ne peuvent sinon espérer l'emporter. 

Si un médecin montre la perversité de son désir à un patient qui a un besoin maladif d'une certaine nourriture préjudiciable à sa santé, personne ne sera assez fou pour dire : « Ce médecin ne se soucie pas du bien de son patient ; celui qui veut le bien de ce patient ne doit pas lui refuser le plaisir de savourer des plats si délicieux. » Tout le monde comprendra que le docteur ne conseille au patient de renoncer au plaisir que lui procure la nourriture nocive qu'afin de lui éviter de détruire sa santé. Mais dès qu'il s'agit de politique sociale, il faudrait considérer les choses autrement. Lorsque le libéral déconseille certaines mesures populaires parce qu'il en attend des conséquences néfastes, il est dénoncé comme ennemi du peuple, et l'on applaudit les démagogues qui, sans égard pour les maux qui s'en suivront, recommandent ce qui semble être indiqué à l'heure actuelle. 

L'action raisonnable se distingue de l'action déraisonnable en ce qu'elle implique des sacrifices provisoires. Ceux-ci ne sont des sacrifices qu'en apparence, car ils sont plus que compensés par les conséquences favorables qui en découleront. Celui qui renonce à un mets savoureux mais malsain fait simplement un sacrifice provisoire, un prétendu sacrifice. Le résultat ― l'absence de tort causé à sa santé ― montre qu'il n'y a rien perdu, mais qu'il y a gagné. Agir de cette façon réclame toutefois de prévoir les conséquences de son action. Le démagogue tire avantage de ce fait. Il s'oppose au libéral, qui demande des sacrifices provisoires et qui n'en sont qu'en apparence, et le présente comme un ennemi sans-cœur du peuple, tout en se présentant lui comme un ami du genre humain. En soutenant les mesures qu'il défend, il sait bien comment toucher les cœurs de son auditoire et comment leur faire monter les larmes aux yeux par des allusions à la pauvreté et à la misère. 

Une politique antilibérale est une politique de consommation du capital. Elle recommande de créer davantage de biens actuels au détriment des biens futurs. C'est exactement comme dans le cas du patient dont nous avons parlé. Dans les deux cas, un inconvénient assez grave s'oppose à une satisfaction momentanée relativement importante. Parler comme si le problème se résumait à une opposition entre l'insensibilité et la philanthropie est franchement malhonnête et mensonger. Ce ne sont pas seulement les habituels politiciens et la presse des partis antilibéraux à qui l'on peut adresser un tel reproche. Presque tous les auteurs de l'école de la Sozialpolitikont utilisé cette méthode sournoise de combat. 

Qu'il y ait de la pauvreté et de la misère dans le monde n'est pas un argument contre le libéralisme, comme le lecteur moyen des journaux n'est que trop enclin à le croire, par paresse d'esprit. C'est précisément la pauvreté et la misère que le libéralisme cherche à éliminer, et il considère que les moyens qu'il propose sont les seuls adaptés pour atteindre cet objectif. Que ceux qui pensent connaître un meilleur moyen, ou même un moyen différent, en apportent la preuve. L'affirmation selon laquelle les libéraux ne se battent pas pour le bien de tous les membres de la société, mais uniquement pour celui de certains groupes particuliers, ne constitue nullement une telle preuve. 

Même si le monde menait aujourd'hui une politique libérale, le fait qu'il existe pauvreté et misère ne constituerait pas un argument contre le libéralisme. On pourrait toujours se demander s'il n'y aurait pas plus de pauvreté et plus de misère en poursuivant d'autres politiques. Étant donné toutes les méthodes mises en œuvre par les politiques antilibérales pour restreindre et empêcher le fonctionnement de l'institution de la propriété privée, et ceci dans tous les domaines, il est manifestement assez absurde de chercher à déduire quoi que ce soit contre les principes libéraux du fait que les conditions économiques ne sont pas de nos jours celles que l'on pourrait espérer. Afin d'apprécier ce que le libéralisme et le capitalisme ont accompli, il faudrait comparer les conditions actuelles avec celles du Moyen Âge ou des premiers siècles de l'ère moderne. Ce que le libéralisme et le capitalisme auraient pu accomplir si on ne les avait pas entravés, seule une analyse théorique permet de le déduire. 

5. Libéralisme et capitalisme
On appelle habituellement société capitaliste une société où les principes libéraux sont appliqués, et capitalisme la situation correspondant à cette société. Comme la politique économique libérale n'a partout été que plus ou moins fidèlement mise en pratique, la situation du monde d'aujourd'hui ne nous donne qu'une idée imparfaite de ce que signifie et de ce que
peut accomplir un capitalisme totalement épanoui. Néanmoins, on a parfaitement raison d'appeler notre époque l'âge du capitalisme, parce qu'on peut faire remonter toute la richesse de notre temps aux institutions capitalistes. C'est grâce aux idées libérales qui restent encore vivantes dans notre société, à ce qui persiste encore du système capitaliste, que la grande masse de nos contemporains peut connaître un niveau de vie bien plus élevé que celui qui, il n'y a encore que quelques générations, n'était accessible qu'aux riches et aux privilégiés. 

Certes, dans la rhétorique usuelle des démagogues, ces faits sont présentés assez différemment. A les entendre, on pourrait penser que tous les progrès des techniques de production ne se font qu'au bénéfice exclusif de quelques privilégiés, alors que les masses s'enfonceraient de plus en plus dans la misère. Il ne suffit pourtant que d'un instant de réflexion pour comprendre que les fruits des innovations techniques et industrielles permettent de mieux satisfaire les besoins des grandes masses. Toutes les grandes industries produisant des biens de consommation travaillent directement pour le bénéfice du consommateur ; toutes les industries qui produisent des machines et des produits semi-finis y travaillent indirectement. Les grands développements industriels des dernières décennies ― comme ceux du XVIIIesiècle et que l'on désigne de façon peu heureuse par l'expression de « Révolution industrielle » ― ont conduit avant tout à une meilleure satisfaction des besoins des masses. Le développement de l'industrie d'habillement, la mécanisation de la production des chaussures et les améliorations dans la fabrication et la distribution des biens d'alimentation ont, par leur nature même, bénéficié au public le plus large. C'est grâce à ces industries que les masses actuelles sont mieux vêtues et mieux nourries qu'auparavant. Cependant, la production de masse ne fournit pas seulement la nourriture, des abris et des vêtements, mais répond aussi à de nombreuses autres demandes d'une multitude de personnes. La presse est au service des masses presque autant que l'industrie cinématographique, et même le théâtre ou d'autres places fortes similaires des arts font chaque jour davantage partie des loisirs de masse.

Néanmoins, en raison de la propagande zélée des partis antilibéraux, qui inversent les faits, les peuples en sont venus de nos jours à associer les idées du libéralisme et du capitalisme à l'image d'un monde plongé dans une pauvreté et une misère croissantes. Certes, même la plus forte dose de propagande et de reproches ne pourra jamais réussir, comme l'espèrent les démagogues, à donner aux mots « libéral » et « libéralisme » une connotation totalement péjorative. En dernière analyse, il n'est pas possible de mettre de côté le fait que, en dépit de toute la propagande antilibérale, il existe quelque chose dans ces termes qui suggère ce que tout un chacun ressent quand il entend le mot « liberté ». La propagande antilibérale évite par conséquent d'utiliser trop souvent le mot « libéralisme » et préfère associer au terme « capitalisme » les infamies qu'il attribue au système libéral. Ce mot évoque un capitaliste au cœur de pierre, qui ne pense à rien d'autre qu'à son enrichissement, même si cela doit passer par l'exploitation de ses semblables. 

Il ne vient presque à l'idée de personne, quand il s'agit de se faire une idée du capitaliste, qu'un ordre social organisé selon d'authentiques principes libéraux ne laisse aux entrepreneurs et aux capitalistes qu'une façon de devenir riches : en offrant dans de meilleures conditions à leurs semblables ce que ces derniers estiment eux-mêmes nécessaire. Au lieu de parler du capitalisme en le rattachant aux formidables améliorations du niveau de vie des masses, la propagande antilibérale n'en parle qu'en se référant à des phénomènes dont l'émergence ne fut possible qu'en raison des restrictions imposées au libéralisme. Il n'est nulle part fait référence au fait que le capitalisme a mis à la disposition des grandes masses le sucre, à la fois aliment et luxe délicieux. Quand on parle du capitalisme en liaison avec le sucre, c'est uniquement lorsqu'un cartel fait monter dans un pays le prix du sucre au-dessus du cours mondial. Comme si une telle chose était même concevable dans un ordre social appliquant les principes libéraux. Dans un pays connaissant un régime libéral, dans lequel il n'y aurait pas de tarifs douaniers, des cartels capables de faire monter le prix d'un bien au-dessus du cours mondial seraient presque impensables. 

Les étapes du raisonnement par lequel la démagogie antilibérale réussit à faire porter sur le libéralisme et le capitalisme la responsabilité de tous les excès et de toutes les conséquences funestes des politiques antilibérales, sont les suivantes : On part de l'hypothèse selon laquelle les principes libéraux viseraient à promouvoir les intérêts des capitalistes et des entrepreneurs
aux dépens des intérêts du reste de la population et selon laquelle le libéralisme serait une politique favorisant le riche au détriment du pauvre. Puis on constate que de nombreux entrepreneurs et de nombreux capitalistes, dans certaines conditions, défendent les tarifs protecteurs, tandis que d'autres ― les fabricants d'armes ― soutiennent une politique de « préparation nationale » ; et on saute alors sommairement à la conclusion qu'il doit s'agir de politiques « capitalistes ». En réalité, il en va tout autrement. Le libéralisme n'est pas une politique menée dans l'intérêt d'un groupe particulier quelconque, mais une politique menée dans l'intérêt de toute l'humanité. Il est par conséquent erroné d'affirmer que les entrepreneurs et les capitalistes ont un intérêt particulierà soutenir le libéralisme. Il peut y avoir des cas individuels où certains entrepreneurs ou certains capitalistes cachent leurs intérêts personnels derrière le programme libéral ; mais ces intérêts s'opposeront toujours aux intérêts particuliers d'autres entrepreneurs ou d'autres capitalistes. Le problème n'est pas aussi simple que l'imaginent ceux qui voient partout des « intérêts » et des « parties intéressées ». Qu'une nation impose des tarifs sur le fer, par exemple, ne peut pas être expliqué « simplement » par le fait que cela favorise les magnats du fer. Il se trouve dans le pays d'autres personnes, avec des intérêts opposés, et ceci même au sein des entrepreneurs ; et, en tout cas, les bénéficiaires des droits de douane sur le fer ne représentent qu'une minorité en diminution constante. La corruption ne peut pas non plus constituer une explication, car les personnes corrompues ne sont également qu'une minorité ; de plus, pourquoi seul un groupe, les protectionnistes, se livre-t-il à la corruption et pas leurs adversaires, les libre-échangistes ? 

En réalité, l'idéologie qui rend possible l'existence de tarifs protecteurs n'a été créée ni par les « parties intéressées » ni par ceux qu'elles auraient achetés, mais par les idéologues qui ont mis au monde les idées qui gouvernent toutes les affaires humaines. A notre époque, où prévalent les idées antilibérales, presque tout le monde pense en conséquence, tout comme il y a cent ans la plupart des gens pensaient en fonction de l'idéologie libérale alors dominante. Si beaucoup d'entrepreneurs défendent aujourd'hui les tarifs protectionnistes, ce n'est rien d'autre que la forme que prend l'antilibéralisme dans leur cas. Cela n'a rien à voir avec le libéralisme. 

6. Les racines psychologiques de l'antilibéralisme
L'objet de cet ouvrage ne peut pas être de traiter du problème de la coopération sociale autrement que par des arguments rationnels. Mais les racines de l'opposition au libéralisme ne peuvent pas être comprises en ayant recours à la raison et à ses méthodes. Cette opposition ne vient pas de la raison, mais d'une attitude mentale pathologique ― d'un ressentiment et d'un état neurasthénique qu'on pourrait appeler le complexe de Fourier, d'après le nom de ce socialiste français. 

Il y a peu à dire au sujet du ressentiment et la malveillance envieuse. Le ressentiment est à l'œuvre quand on déteste tellement quelqu'un pour les circonstances favorables dans lesquelles il se trouve, que l'on est prêt à supporter de grandes pertes uniquement pour que l'être haï souffre lui aussi. Parmi ceux qui attaquent le capitalisme, plusieurs savent très bien que leur situation serait moins favorable dans un autre système économique. Néanmoins, en pleine connaissance de cause, ils défendent l'idée d'une réforme, par exemple l'instauration du socialisme, parce qu'ils espèrent que les riches, dont ils sont jaloux, souffriront également dans ce cas. On entend toujours et encore des socialistes qui expliquent que même la pénurie matérielle serait plus facile à supporter dans une société socialiste parce que les gens verront que personne n'occupe une meilleure situation que son voisin. 

En tout état de cause, on peut s'opposer au ressentiment par des arguments rationnels. Il n'est après tout pas très difficile de montrer à quelqu'un qui est plein de ressentiment, que la chose importante pour lui est d'améliorer sa propre situation, pas de détériorer celle de ses semblables qui occupent une meilleure position. 

Le complexe de Fourier est bien plus difficile à combattre. Dans ce cas, nous avons à faire face à une maladie grave du système nerveux, une névrose, qui est plus du ressort du psychologue que du législateur. On ne peut pourtant pas la négliger quand il s'agit d'étudier les problèmes
de la société moderne. Malheureusement, les médecins se sont jusqu'ici peu préoccupés des problèmes que constitue le complexe de Fourier. En fait, ces problèmes ont à peine été notés, même par Freud, le grand maître de la psychologie, ou par ses successeurs dans leur théorie de la névrose, bien que nous soyons redevables à la psychanalyse de nous avoir ouvert la voie de la compréhension cohérente et systématique des désordres mentaux de ce type. 
 
A peine une personne sur un million réussit à réaliser l'ambition de sa vie. Les résultats de notre travail, même si l'on est favorisé par la chance, restent bien en deçà de ce que les rêveries de la jeunesse nous laissaient espérer. Nos plans et nos désirs sont ruinés par un millier d'obstacles et notre pouvoir est bien trop faible pour réaliser les objectifs que nous portions dans notre cœur. L'envol de ses espoirs, la frustration de ses plans, sa propre insuffisance face aux buts qu'il s'était fixé lui-même ― tout ceci constitue l'expérience la plus pénible de tout homme. Et c'est, en fait, le lot commun de l'homme. 

Il y a pour un homme deux façons de réagir à cette expérience. On trouve l'une dans la sagesse pratique de Goethe : 

Voulez-vous dire que je devrais haïr la vie
Et fuir vers le désert
Parce que tous mes rêves bourgeonnants n'ont pas fleuri ? 

crie son Prométhée. Et Faust reconnaît au « moment le plus important » que « le dernier mot de la sagesse » est : 

Personne ne mérite la liberté ou la vie S'il ne les conquiert chaque jour à nouveau. 

Une telle volonté et un tel esprit ne peuvent pas être vaincus par la malchance terrestre. Celui qui accepte la vie pour ce qu'elle est et ne se laisse pas submerger par elle, n'a pas besoin de chercher refuge dans la consolation d'un « mensonge salvateur » pour compenser une perte de confiance en soi. Si la réussite espérée n'est pas au rendez-vous, si les vicissitudes du destin démolissent en un clin d'œil ce qui avait été péniblement construit au cours d'années de dur labeur, alors il multiplie simplement ses efforts. Il peut regarder le désastre en face sans désespérer. 

Le névrosé ne peut pas supporter la vie réelle. Elle est trop grossière pour lui, trop ordinaire, trop commune. Pour la rendre supportable, il n'a pas, contrairement à l'homme sain, le cœur de « continuer en dépit de tout. » Ce ne serait pas conforme à sa faiblesse. A la place, il se réfugie dans un fantasme, une illusion. Un fantasme est, d'après Freud, « quelque chose de désiré en soi, une sorte de consolation » ; il se caractérise par sa « résistance face à la logique et à la réalité ». Il ne suffit pas du tout, dès lors, de chercher à éloigner le patient de son fantasme par des démonstrations convaincantes de son absurdité. Afin de guérir, le malade doit surmonter lui-même son mal. Il doit apprendre à comprendre pourquoi il ne veut pas faire face à la vérité et pourquoi il cherche refuge dans ses illusions. 

Seule la théorie de la névrose peut expliquer le succès du Fouriérisme, produit fou d'un cerveau sérieusement dérangé. Ce n'est pas ici l'endroit pour démontrer la preuve de la psychose de Fourier en citant des passages de ses écrits. De telles descriptions ne présentent d'intérêt que pour le psychiatre, ou pour ceux qui tirent un certain plaisir à la lecture des produits d'une imagination lubrique. Mais c'est un fait que le marxisme, quand il est obligé de quitter le domaine de la pompeuse rhétorique dialectique, de la dérision et de la diffamation de ses adversaires, et qu'il doit faire quelques maigres remarques pertinentes sur le sujet, n'a jamais pu avancer autre chose que ce que Fourier, « l'utopiste », avait à offrir. Le marxisme est de même également incapable de construire une image de la société socialiste sans faire deux hypothèses déjà faites par Fourier, hypothèses qui contredisent toute expérience et toute raison. D'un côté, on suppose que le « substrat matériel » de la production, qui est « déjà présent dans la nature sans effort productif de la part de l'homme, » est à notre disposition dans une abondance telle qu'il n'est pas nécessaire de l'économiser. D'où la foi du marxisme dans une « augmentation pratiquement sans limite de la production. » D'un autre côté, on suppose que dans une communauté socialiste le travail se transformera « d'un fardeau en un plaisir » ― et qu'en réalité, il deviendra « la première nécessité de la vie ». Là où les biens abondent et le
travail est un plaisir, il est sans aucun doute très facile d'établir un pays de Cocagne. 
 
Le marxisme croit que du haut de son « socialisme scientifique » il est en droit de regarder avec mépris le romantisme et les romantiques. Mais sa propre procédure n'est en réalité pas différente des leurs. Au lieu d'enlever les obstacles qui se dressent sur la route de ses désirs, il préfère les laisser simplement disparaître dans les nuages de ses rêves. 

Dans la vie d'un névrosé, le « mensonge salvateur » possède une double fonction. Il ne le console pas seulement des échecs passés, mais lui offre aussi la perspective de succès futurs. En cas d'échec social, le seul qui nous concerne ici, la consolation consiste à croire que l'incapacité d'atteindre les buts élevés auxquels on aspirait n'est pas due à sa propre médiocrité mais aux défauts de l'ordre social. Le mécontent attend du renversement de cet ordre la réussite que le système en vigueur lui interdit. Par conséquent, il est inutile d'essayer de lui faire comprendre que l'utopie dont il rêve n'est pas possible et que le seul fondement possible d'une société organisée selon le principe de la division du travail réside dans la propriété privée des moyens de production. Le névrosé s'accroche à son « mensonge salvateur » et quand il doit choisir entre renoncer à ce mensonge et renoncer à la logique, il préfère sacrifier cette dernière. Car la vie serait insupportable à ses yeux sans la consolation qu'il trouve dans l'idée du socialisme. Elle lui dit que ce n'est pas lui, mais le monde, qui est responsable de son échec : cette conviction accroît sa faible confiance en lui et le libère d'un pénible sentiment d'infériorité.

Tout comme le dévot chrétien peut plus facilement supporter le malheur qui lui tombe dessus sur terre parce qu'il espère poursuivre une existence personnelle dans un autre monde, meilleur, où les premiers seront les derniers et vice versa, de même le socialisme est devenu pour l'homme moderne un élixir contre l'adversité terrestre. Mais alors que la croyance dans l'immortalité, en tant que récompense dans l'au-delà, et dans la résurrection constituait une incitation à se conduire de manière vertueuse dans la vie terrestre, l'effet de la promesse socialiste est assez différent. Cette promesse n'impose aucun autre devoir que d'apporter son soutien politique au parti du socialisme, tout en augmentant en même temps les attentes et les revendications. 

Ceci étant la nature du rêve socialiste, il est compréhensible que chaque adepte du socialisme en attend précisément ce qui lui a été jusque-là refusé. Les auteurs socialistes ne promettent pas seulement la richesse pour tous, mais aussi l'amour pour tous, le développement physique et spirituel de chacun, l'épanouissement de grands talents artistiques et scientifiques chez tous les hommes, etc. Récemment, Trotski a affirmé dans un de ses écrits que dans la société socialiste « l'homme moyen se hissera au niveau d'un Aristote, d'un Goethe ou d'un Marx. Et de nouvelles cimes s'élèveront à partir de ses sommets » . Le paradis socialiste sera le royaume de la perfection, peuplé par des surhommes totalement heureux. Toute la littérature socialiste est remplie de telles absurdités. Mais ce sont ces absurdités qui leur apportent la majorité de leurs partisans. 

On ne peut pas envoyer tous ceux qui souffrent du complexe de Fourier aller voir un médecin pour un traitement psychanalytique, le nombre des malades étant bien trop grand. Il n'y a pas d'autre remède possible dans ce cas que le traitement de la maladie par le patient lui-même. Par la connaissance de soi, il doit apprendre à supporter son sort dans la vie, sans chercher de bouc émissaire sur lequel il puisse rejeter toute la responsabilité, et il doit s'efforcer de saisir les lois fondamentales de la coopération sociale.


Ludwig von Mises

De Wikiberal
Ludwig von Mises (29 septembre 1881 Lemberg (aujourd'hui, Lviv) — 10 octobre 1973 New York) est le représentant le plus éminent de l'École autrichienne d'économie. Il est considéré comme un des leaders de l'école autrichienne d'économie qui défend le capitalisme et le libéralisme classique. D'autres économistes notables, comme Friedrich Hayek ou Murray Rothbard ont clarifié, élargi et continué les enseignements de leur mentor. 
Né en Autriche-Hongrie, il obtient en 1906 son diplôme en droit canon (car l'économie était alors uniquement enseignée en faculté de Droit). A la même époque, il participe au séminaire organisé par Eugen von Böhm-Bawerk. Puis, il enseigne à l'université de Vienne de 1913 à 1934, tout étant conseiller économique du gouvernement autrichien. Il quitte l'Autriche en 1934 lors de la montée en puissance du nazisme ; il enseigne à l'université de New York de 1945 à 1969 (il obtient la nationalité américaine en 1946). Durant, à peu près 20 ans, Ludwig von Mises organise des séminaires, en plus de ses cours à l'université de New York. Les membres sont issus de l'université et de l'extérieur. ils se réunissent tous les jeudis de 19h15 à 21h15. Parmi les participants les plus assidus, on trouve les 4 étudiants qui ont soutenu une thèse avec Ludwig von Mises : Israel Kirzner, Louis M. Spadaro, George Reisman et Hans Sennholz. Et, on compte un grand nombre d'étudiants qui ont fait une brillante carrière par la suite : Bettina Bien [Greaves], Paul Cantor, Percy L. Greaves, Henry Hazlitt, Joseph Keckeissen, George Koether, Tashio Murata, Sylvester Petro, Robert G. Anderson plus d'autres plus anonymes[1].

Pensée

Sa théorie économique a un fondement réaliste plutôt que positiviste. Partant de prémisses empiriques générales, elle procède d'une analyse praxéologique et thymologique de la nature humaine et du concept de l'action humaine qui en découle.
Critique de la macroéconomie traditionnelle, qui analyse des grandeurs statistiques, des agrégats et des moyennes, Mises souligne le rôle prépondérant de la subjectivité en économie. Il insiste sur l'importance des opinions subjectives des individus dans la formation des phénomènes sociaux, sur les déséquilibres qui en découlent, et sur le rôle central de l'entreprise.
En accord avec la théorie de l'utilité marginale décroissante, il définit la valeur comme le degré d'importance attribué par un sujet à une quantité donnée d'un bien, dans les circonstances du moment.
En 1912, il publie sa Théorie sur la monnaie et le crédit, l'une de ses principales contributions à la pensée économique qui assied sa réputation en Europe. Il met déjà en garde contre la manipulation catastrophique de la masse monétaire, qui conduisit par la suite au Krach de 1929. Il explique que la loi de l'offre et de la demande s'applique aussi au pouvoir d'achat d'une monnaie, et lui confère son « prix ». Il était précautionneux de bien distinguer la monnaie de la quasi-monnaie (ou substitut à la monnaie)[2].
En 1922, dans son Socialisme, il prédit la chute du communisme, et explique pourquoi tout système de planification centrale est non seulement moins efficace que le libre-marché, mais doit nécessairement finir par s'écrouler. Selon Mises, le marché, non entravé par des interventions étatiques, produit un ordre spontané optimal qu'aucune organisation ou planification ne saurait atteindre. La « planification individuelle » est supérieure à toute planification collective.
Son œuvre théorique vise à réfuter le collectivisme et l'étatisme sous toutes leurs formes, tant modérées comme le keynésianisme, qu'anti-libérales : socialisme, communisme ou nazisme (il remarque à ce propos que le premier gouvernement européen a avoir appliqué presque toutes les mesures économiques d'urgence prônées par le Manifeste du Parti communiste est celui de Hitler). Mises n'en est pas moins minarchiste.
Mises est un partisan de l'étalon-or, parce qu'il soustrait la monnaie au contrôle de la politique et aux tendances inflationnistes de tous les gouvernements.
Friedrich Hayek et Murray Rothbard sont ses élèves les plus éminents. 





r
aller
voir
un
m
édeci
il
doit
s'
efforce
r
de
saisir
 
Powered By Blogger