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avril 07, 2015

LE JAPON est un pays vulnérable. (Réactualisé août 2016)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


 


Quelles sont les menaces qui pèsent sur l’archipel nippon
Par quel réseau d’alliances cherche-t-il à se prémunir de ces dangers ? 
Comment adapte-t-il ses alliances et comment cherche-t-il à les faire évoluer ? 

De nombreuses interrogations qui révèlent des changements et des processus complexes et protéiformes dans la politique et la stratégie japonaises internationales. 

LE JAPON est un pays vulnérable. Manquant de l’essentiel de ses ressources énergétiques, il doit notamment importer quelque 100 % du pétrole vital pour son économie et sa population. Engoncé dans un territoire réduit de 377 944 km2 pour une population de 127 millions d’habitants, en 2014, soit une densité de 336 habitants au kilomètre carré, concentrée sur certains espaces notamment autour d’Osaka-Tokyo, il est fragile et peut être déstabilisé, voire détruit par des Etats étrangers ou des acteurs non-étatiques (terroristes, pirates...) d’autant plus qu’il doit protéger une Zone économique exclusive (ZEE) de plus de 4,4 millions de kilomètres carrés et s’étire sur 3 300 kilomètres de long, de la Russie au nord à Taïwan au sud, le long de la côte orientale de l’Asie (Chine et Corées). L’archipel nippon comporte 6 852 îles de plus de 100 m2, dont 430 sont habitées, rendant difficile le respect de leur souveraineté, alors que les menaces liées à l’environnement régional et international accroissent les défis auxquels il doit « naturellement » faire face. L’arrivée au pouvoir en décembre 2012 du Premier ministre conservateur Shinzo Abe issu du parti Libéral-démocrate (PLD) développant une politique étrangère dite de « pacifisme proactif » qui vise à affirmer la place du Japon sur la scène internationale quitte à réinterpréter la Constitution pacifiste de 1946 -, a conduit à vouloir mieux faire face à ces défis et répondre aux contraintes stratégiques, même si une telle volonté émergeait déjà avant la venue d’Abe aux commandes du pays. Comment le Japon aborde-t-il dans sa doctrine stratégique et sa politique de défense ces défis ? Quelles sont les menaces qui pèsent sur l’archipel nippon ? Par quel réseau d’alliances cherche-t-il à se prémunir de ces dangers ? Comment adapte-t-il ses alliances et comment cherche-t-il à les faire évoluer ? De nombreuses interrogations qui révèlent des changements et des processus complexes et protéiformes dans la politique et la stratégie japonaises internationales. Face aux défis multiples et aux rivaux régionaux aux comportements menaçants (1), le Japon a développé un système d’alliances et d’engagements d’intensité variable qu’il renforce avec constance (2). Il s’appuie aussi sur de nouveaux alliés et de nouvelles formes de coopération avec ceux-ci (3)


1. Défis, enjeux et rivalités régionales et internationales
Les objectifs stratégiques fondamentaux japonais sont au nombre de trois, comme l’explique une note de l’IFRI sur la question [1]. Il s’agit tout à la fois de « préserver la souveraineté japonaise et protéger son territoire et ses intérêts vitaux dans les régions entourant le Japon, ainsi que les lignes de communication maritimes », « parvenir à une croissance économique malgré de nombreuses pressions» (intérieures) – dans cette perspective l’intégration régionale est cruciale ; « maintenir l’ordre libéral international fondé sur une série de règles et de principes, incluant la liberté de navigation et le règlement pacifique des différends... ». A court et moyen termes, l’enjeu est de répondre à trois menaces distinctes : les deux principales portent d’une part sur la souveraineté sur les îles du sud-ouest de l’Archipel nippon îles Senkaku notamment. Elle est remise en cause par la Chine communiste qui les appelle Diaoyu. Son armée se développe à un rythme accéléré le budget de la défense chinois a crû de plus de 10 % en moyenne chaque année depuis 20 ans pour atteindre plus de 150 milliards de dollars, soit trois fois celui du Japon. D’autre part, pèse la menace des missiles balistiques nord-coréens, qui pourraient être dotés à un horizon qui semble se rapprocher d’ogives nucléaires. La troisième menace porte sur les lignes de communication maritimes si vitales pour l’Archipel nippon qui importe presque 100 % de ses besoins énergétiques notamment du Moyen-Orient. Or là encore, les revendications territoriales chinoises, quasi exclusives sur la mer de Chine méridionale, associées à l’expansion massive, notamment de la marine de guerre chinoise, s’appuyant aussi sur les différentes flottes de garde-côtes, quasi paramilitaires, ainsi que la volonté de s’appuyer sur un réseau de points d’appui (que certains qualifient de « collier de perles » des bases dans l’Océan Indien) auprès d’alliés, font peser une menace sur le commerce maritime du Japon mais aussi de nombreux pays de la région qui deviennent alliés ou partenaires potentiels de Tokyo. Dans ce contexte, protéger ces artères vitales en Asie du Sud-Est et dans l’Océan Indien, est impératif. Comme l’indique la East Asian Strategic Review 2013 (EASR) [2] « renforcer la posture de défense dans les îles du Sud-ouest de l’Archipel » et « répondre aux menaces de missiles balistiques » est essentiel et constitue l’un des grands objectifs des « Lignes directrices du Programme de défense nationale » de décembre 2010 (« National defense program guidelines » ou NDPG 2010) qui définissent les orientations de la défense japonaise et ont fait évoluer la politique de défense. Si face aux menaces régionales, le Japon modernise son armée, - comme le montre le commissionnement en mars 2015 du plus grand navire de guerre japonais depuis la Seconde guerre mondiale, le DDH138 Izumo, un porte-hélicoptères de 248 mètres de long -, et accroît le budget militaire - depuis l’arrivée au pouvoir de Shinzo Abe les dépenses de défense, en déclin depuis une décennie, ont été augmentées chaque année -, il pourrait aussi chercher à renouer les liens, notamment avec Pékin, mais aussi les améliorer avec Séoul avec lequel il a notamment un différend territorial portant sur l’îlot de Takeshima/Dokdo. Pour l’heure, les menaces ne pèsent pas que sur son environnement régional « immédiat ». Le terrorisme international, dont le Japon a été victime à plusieurs reprises avec l’élimination de ressortissants japonais (par exemple l’exécution de deux Japonais début 2015 par l’Etat islamique implanté en Syrie et en Irak et de trois touristes japonais tués dans l’attaque terroriste contre le musée du Bardo à Tunis en mars), et la piraterie, active notamment en Afrique de l’Ouest et de l’Est, et en Asie du Sud-Est, qui peut perturber le trafic maritime, pèsent sur les intérêts japonais, les mettant parfois en danger. Afin de se protéger, le Japon n’est pas en mesure de compter sur ses seules forces, compte tenu de ses vulnérabilités. Si l’alliance avec les Etats-Unis demeure l’épine dorsale de la défense de l’Archipel nippon, celui-ci cherche aussi à s’appuyer sur un réseau d’alliés ou de partenaires, complémentaires de la puissance militaire américaine. 


2. Le renforcement des alliances face aux défis
Entre le Japon et ses alliés et partenaires stratégiques, l’heure est à l’approfondissement des relations [3]. Le Japon est lié depuis 1960 par un traité de sécurité avec les Etats-Unis. Plus de 45 000 militaires américains sont présents dans l’Archipel nippon. Dans un contexte de tensions avec la Chine et sous la menace du programme balistique et nucléaire nord-coréen, l’administration de Shinzo Abe a autorisé mardi 1er juillet 2014 une réinterprétation de l’article 9 de la Constitution pacifiste japonaise – par lequel le Japon renonce à la guerre et à entretenir des forces armées permettant à l’Archipel, pour la première fois depuis la fin de la Seconde guerre mondiale en 1945, de venir en aide à un allié s’il est attaqué. Ce droit à l’autodéfense collective permettra à l’armée japonaise - créés en 1954 et comprenant quelque 240 000 hommes et appelées pour des raisons constitutionnelles forces d’autodéfense (FAD) - , d’intervenir pour la première fois sur des théâtres d’opérations extérieurs. C’est un changement majeur. Il reste à faire passer ces évolutions doctrinales en modifiant la législation sur les FAD. Ce sera chose faite en mai 2015 après l’accord qui est intervenu vendredi 20 mars 2015 entre le PLD de Shinzo Abe et son allié, le parti Komeito. Les deux partis se sont accordés pour étendre le champ des opérations menées par les FAD [4] : soutien aux forces militaires des pays qui sont engagés dans des activités qui contribuent à la paix et à la sécurité du Japon, soutien à la sécurité internationale et notamment aux opérations de maintien de la paix, mesures d’autodéfense permises par l’article 9 de la Constitution japonaise. Ainsi Tokyo pourra par exemple défendre un navire américain s’il est attaqué par un pays tiers dans les eaux proches du Japon, avec le risque d’une attaque imminente contre le Japon, ou pour intercepter un missile balistique nord-coréen quand il est détecté et se dirige vers un territoire américain, et vole au-dessus du Japon et que son interception est demandée par les Etats-Unis. Ces derniers, avec lesquels le Japon est lié par un traité de sécurité datant de 1960 et par la présence de plus de 45 000 militaires américains dans l’Archipel nippon, sont un allié clé. 


L’alliance vitale avec les Etats-Unis
La coopération bilatérale prend plusieurs formes, dont des exercices conjoints communs qui peuvent d’ailleurs impliquer d’autres alliés. Ils visent à accroître la capacité des deux armées à agir ensemble. [5] Ils couvrent tous les champs d’intervention, y compris le domaine amphibie où Tokyo souhaite acquérir des capacités pour défendre ses îles lointaines. Ils s’appuient sur le rapprochement physique qui a eu lieu il y a près de deux ans entre les commandements japonais et américains au Japon. La collaboration porte aussi sur les matériels militaires déployés par les deux pays: avions-hélicoptères MV-22 Osprey, chasseurs furtifs F-35, systèmes antimissiles balistiques, etc... Dans ce contexte, les Etats- Unis et le Japon ont formellement entériné, [6] le 3 octobre 2013, la révision de l’actuelle politique de coopération nippo-américaine en matière de défense. Les « lignes directrices de la coopération bilatérale en matière de défense » n’ont pas été révisées depuis 1997 ! Il est notamment prévu de réinstaller 9 000 US Marines de l’île d’Okinawa sur la grande base américaine de Guam et dans les îles Mariannes. Le Japon et les États-Unis ont publié mercredi 8 octobre 2014 un rapport intérimaire [7] sur la révision de leurs lignes directrices de la coopération bilatérale. Il indique que la coopération militaire ne sera pas limitée par la géographie, ce qui est un changement majeur par rapport à 1997, et qu’elle mettra l’accent sur la « nature globale » de l’alliance nippo-américaine. Il énumère 12 mesures visant à assurer de façon transparente et fluide la paix et la sécurité du Japon, dont « la défense aérienne et antimissile », « la sécurité maritime » et « les opérations d’évacuation de non- combattants [8]. ». Le rapport souligne par ailleurs la nécessité de promouvoir la coopération de défense multilatérale. 


Relations renforcées avec d’autres alliés majeurs
La coopération avec les autres pays de la région Asie-Pacifique a aussi une grande importance notamment dans le cadre des NDPG 2010, réactualisées en 2013 (NDPG 2013 [9]). Géographiquement le plus proche du Japon, Séoul est aussi en première ligne face à Pyongyang. Malgré des tensions récurrentes, notamment en raison des exactions commises par l’armée japonaise en Corée pendant la Seconde guerre mondiale, le Japon et la Corée du Sud, connaissent un rapprochement sécuritaire et militaire. Les deux pays disposent d’une marine assez similaire par la taille et le type de navires en service. Des exercices entre leurs marines, et aussi avec celle des Etats-Unis, ont lieu périodiquement. Plus éloignés géographiquement, l’Australie et le Japon se disent concernés par la montée en puissance chinoise, par la nécessité de garantir la liberté de navigation et la sécurité de la région Pacifique. Des exercices tripartites entre les Etats-Unis, le Japon et l’Australie sont organisés comme du 27 janvier au 12 mars 2015 l’exercice Cope North Guam [10], sur l’île stratégique de Guam. Tokyo souhaite accroître ses capacités à interopérer et à projeter ses forces terrestres. La collaboration pourrait devenir encore plus évidente en cas de transfert de technologie sous-marine japonaise des sous-marins de la classe Soryu pour remplacer douze de la classe Collins, un contrat de 35 milliards d’euros. Pour les Australiens, le choix japonais fournirait l’assurance de bénéficier d’une technologie de pointe, notamment furtive Plus au nord, l’Inde et le Japon développent, depuis l’an 2000, un partenariat stratégique global [11]. En effet, les deux pays partagent des valeurs fondamentales et ont des intérêts communs pour la paix, la sécurité et la prospérité en Asie et dans le Monde. Pour le Japon, dont l’économie est étroitement dépendante du trafic maritime, l’Inde occupe une place particulièrement stratégique car ce sous-continent est situé au centre des lignes de communication reliant l’Archipel nippon au Moyen-Orient et à l’Afrique. Le Japon et l’Inde ont en conséquence renforcé leur coopération sécuritaire. En 2007, le Japon participe à l’exercice Malabar qui est « délocalisé » au large d’Okinawa et réunit les marines américaine, australienne, indienne, singapourienne, et japonaise. En 2012, un premier exercice réunit conjointement les deux marines japonaise et indienne dans la baie de Sagami au large du Japon. Le Japon a proposé de vendre à son partenaire indien du matériel militaire, notamment des hydravions US-2 dotés d’une très grande autonomie et capables de mener des opérations de recherche et de sauvetage. La vente pourrait être conclue prochainement. L’Inde a aussi marqué son intention de coopérer avec le Japon pour la construction de sous-marins [12]. Hors d’Asie-Pacifique, le principal partenaire stratégique sur le plan sécuritaire est l’Union européenne et en son sein la France et le Royaume-Uni. 



L’UE partenaire stratégique
Du 29 avril au 7 mai 2014, le premier ministre japonais Shinzo Abe, a effectué un tour d’Europe de se rendant successivement en Allemagne, en Angleterre, au Portugal, en Espagne, en France, et en Belgique.

L’objectif de cette visite était double : il s’agissait d’approfondir les liens économiques et sécuritaires avec l’Union européenne, en particulier avec certains Etats dont la France. L’UE et les grands pays européens ont développé des positions communes sur des sujets comme la lutte antiterroriste, ou le dossier du conflit russo- ukrainien, appelant à son règlement pacifique. La visite du président de la République François Hollande au Japon en juin 2013 a donné un nouvel élan à ce « partenariat d’exception » entre le Japon et la France. Elle a par ailleurs développé des partenariats spécifiques avec certains Etats. Tokyo a déjà signé un accord avec Londres sur des tenues NBC (nucléaire, bactériologique, chimique) dans le cadre d’un partenariat stratégique avec le Royaume-Uni. Lors de sa venue à Londres, le 1er mai 2014, Abe et le premier ministre britannique David Cameron ont convenu de « stimuler la coopération anglo-japonaise en matière de sécurité ». Un tel partenariat stratégique existe aussi avec la France et la relation bilatérale ne cesse de s’accroître. « Depuis le 150ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et le Japon en 2008, le dialogue stratégique franco- japonais a été rehaussé au niveau ministériel en janvier 2012 », souligne le Quai d’Orsay. La visite du président de la République François Hollande au Japon en juin 2013 a donné un nouvel élan à ce «partenariat d’exception». Une réunion des ministres des affaires étrangères et de la défense des deux pays s’est tenue le 9 janvier 2014 à Paris a souligné l’importance de la coopération entre la France et le Japon notamment au regard des nouvelles NDPG. Les quatre ministres avaient exprimé leurs points de convergence sur de nombreux dossiers comme « sur la situation dans la Corne de l’Afrique, la lutte contre la piraterie maritime, ainsi que, sur un plan plus général, la lutte contre le terrorisme ». Lors de cette même rencontre, le ministre de la défense français Jean-Yves Le Drian avait annoncé la création de deux instances (forums) de dialogue France-Japon, l’une sur la coopération dans le domaine de la recherche sur les nanotechnologies, la robotique et la cyber-défense, l’autre sur la coopération industrielle (hélicoptères de nouvelle génération, drones sous-marins, propulsion sous-marine). L’objectif étant de parvenir d’ici à un an à un accord, ce qui fut fait (voir supra). Hormis avec ces alliés privilégiés, le Japon établit des relations sécuritaires de moindre importance avec l’Asie du Sud-Est. 


L’Asie du Sud-Est : des liens protéiformes
Les pays de l’ASEAN partagent les craintes japonaises vis-à-vis de la Chine. L’intérêt est ici moins militaire que sécuritaire, les pays de l’ASEAN ne disposent pas de forces armées puissantes mais sont confrontés à une piraterie active qui peut aussi représenter une menace pour l’économie japonaise. De plus, le Japon ambitionne d’accroître ses liens économiques et son influence dans la région, notamment face au poids croissant de Pékin. Le Japon participe ainsi aux sommets élargis ASEAN Defence Ministers Meeting Plus ou ADMM + depuis sa création en 2010. Outre ces rencontres multilatérales, Tokyo entend favoriser l’établissement de relations bilatérales. Le Vietnam est particulièrement préoccupé par la politique jugée agressive de la Chine notamment à l’encontre des îles Spratleys et Paracels. Le Japon a transféré six navires au Vietnam pour « stimuler sa capacité de sécurité maritime » et mis en place en mars 2014 « un partenariat stratégique étendu [13] », insistant sur la nécessite d’ « assurer la paix, la stabilité et le développement dans la région, incluant la sécurité et la sûreté et la liberté de navigation et de vol fondée sur la loi internationale ». Sur le plan sécuritaire, les secteurs du déminage, la formation du personnel et les techniques militaires devraient faire l’objet d’une coopération bilatérale. Tokyo a pu s’engager à transférer 10 patrouilleurs maritimes des garde-côtes à la marine des Philippines au titre de la lutte anti- piraterie[14]. Les Philippines, notamment du fait des différends territoriaux (récif de Scarborough) avec la Chine, sont un partenaire à l’importance croissante pour Tokyo. Le typhon Haiyan, qui a dévasté en novembre 2013 l’archipel philippin, a été l’occasion pour le Japon de démontrer à la fois le caractère pacifique de l’accroissement de sa marine et d’afficher une image positive sur la scène internationale tout en s’affirmant comme un acteur régional majeur en appuyant sa diplomatie [15]. Les FAD ont déployé 1 200 soldats environ [16], trois navires de guerre, dix avions et six hélicoptères lors de ce qui a été la plus grande opération de l’armée japonaise à l’étranger depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le Japon renforce également sa coopération avec le Laos avec lequel les relations ont été élevées en mars 2015 au niveau de partenariat stratégique, de même qu’avec l’Indonésie. La coopération sécuritaire se renforce aussi avec le Cambodge. Les partenariats stratégiques du Japon reposent également sur les exercices bilatéraux ou multilatéraux permettant d’accroître la capacité à interopérer des armées mais également à développer des liens et une confiance réciproque. En 2012 L’exercice Kakadu a permis d’accroître la capacité à interopérer entre les différentes marines de la région et les Forces d’autodéfense (FAD) maritimes japonaises. Les escales de bâtiments japonais dans ces pays se multiplient. Le 20 septembre 2013 à Yokosuka, les marines de cinq pays (Australie, Corée du Sud, Etats-Unis, Japon et Singapour) ont participé à la 6e édition de l’exercice de sauvetage sous-marin Paficic Reach 2013. L’Inde, la Thaïlande et le Vietnam étaient également présents à titre d’observateurs [17]. Le Japon participe aussi aux exercices navals RIMPAC RIM of the Pacific ») qui sont également le meilleur exemple d’entraînement mettant en commun des marines de très nombreux pays d’Asie-Pacifique sous l’égide des Etats-Unis. Ainsi, la politique de développement de partenariats stratégiques que mène le Japon semble passer, non par un système d’alliances classiques, mais par un ensemble complexe à engagements variables et multiples face à ses rivaux. 



3. Nouvelles aires et nouvelles formes de relations
Le Japon investit aussi de nouvelles régions du monde. L’Afrique est une priorité récente. Shinzo Abe a effectué du 9 au 13 janvier une tournée africaine qui l’a amené en Côte d’Ivoire, Mozambique et en Ethiopie, au moment même où le ministre des Affaires étrangères chinois se rendait sur le continent noir. Il s’agissait de la première tournée africaine d’un chef de gouvernement japonais depuis huit ans. Tokyo a mis l’accent officiellement sur l’économie pour expliquer l’objectif de cette visite « historique ». Une des principales raisons est la découverte d’un des plus grands gisements de gaz au monde dans ce pays d’Afrique du sud- est. 

Par rapport à la Chine, le Japon accuse en Afrique un retard économique sérieux.
En mettant davantage l’accent sur l’Afrique, estime le New York Times, « M. Abe lance le Japon dans une lutte pour les ressources là-bas (...). Le Japon est particulièrement désireux de trouver de nouvelles sources de métaux dits de « terres rares », matières premières utilisées dans l’électronique et les téléphones portables qu’il importe actuellement principalement de la Chine [18] ». L’intérêt est donc stratégique : réduire la dépendance envers un voisin chinois qui apparaît comme de plus en plus menaçant... Par rapport à la Chine, le Japon accuse en Afrique un retard économique sérieux. Malgré des relations anciennes avec l’Afrique, le Japon ne représente que 2,7% des échanges commerciaux de ce continent, contre 13,5% pour la Chine, selon l’OCDE. Plusieurs éléments suggèrent également une ambition stratégique derrière le discours économique. Le Japon peut aussi chercher à courtiser les votes des pays africains afin qu’ils appuient sa volonté de devenir membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Par ailleurs, la présence japonaise stratégique est ancienne, notamment celle des FAD avec les opérations de maintien de la paix. Ainsi, les FAD terrestres ont déployé des hommes dans le cadre d’une mission de l’ONU au Mozambique en 1993 après la fin de la guerre civile. Des personnels militaires et civils japonais sont également déployés au Sud-Soudan [19], afin de soutenir la construction du jeune Etat en grave crise. La présence militaire japonaise s’est renforcée avec la création d’une base militaire à Djibouti. La base a été ouverte officiellement en juillet 2011 et abrite 600 hommes. Elle a pour mission de participer à la lutte contre la piraterie internationale au large du golfe d’Aden. C’est la première base japonaise à l’étranger depuis 1945. C’est aussi un moyen de tester les déploiements de forces d’autodéfense et d’entraîner sa marine puisque des destroyers japonais patrouillent dans les eaux troublées de la région, en coopération avec d’autres forces internationales, notamment françaises avec lesquelles elles effectuent des exercices. Tokyo a donc clairement fait de l’Afrique une priorité stratégique qui va au-delà de la seule défense et promotion de ses intérêts économiques. 

L’Amérique latine, nouvel enjeu ?
Shinzo Abe a effectué fin juillet 2014 une tournée de onze jours, à travers cinq pays sur le continent sud-américain. Le Japon cherche à mieux s’implanter sur ce marché où la Chine a déjà beaucoup investi. Les échanges avec l’Amérique latine ne pèsent que 5 % de ses exportations et moins de 4 % de ses importations, l’essentiel étant des matières premières et des produits agroalimentaires. Des enjeux diplomatiques ont motivé également cette tournée. Tokyo vise ainsi un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU pour 2016, et veut s’appuyer sur des grand pays émergents comme le Brésil pour parvenir à ses fins. "L’Amérique Latine a une grande présence sur la scène internationale et est un partenaire indispensable dans ma vision diplomatique", a affirmé M. Abe. Hormis ces nouveaux partenaires du Japon, ce sont aussi de nouvelles formes de coopération qui se développent. 

Elargissement des formes de sa coopération internationale
Une plus grande coopération en matière de défense est facilitée par l’assouplissement le 1er avril 2014 par l’administration japonaise des règles d’exportation d’armements japonais à l’étranger. A l’origine, un embargo, en place depuis 1967, empêchait le Japon de vendre des armes aux pays communistes, aux pays impliqués dans des conflits internationaux, et aux pays soumis à un embargo par une résolution des Nations Unies. Ces trois principes ont été transformés en une interdiction générale en 1976. L’embargo a été assoupli en 2011 pour permettre au Japon de s’engager dans le développement et la production d’armes avec les États-Unis, notamment dans le cadre de la défense antimissile. En avril 2014, les principes ont donc été entièrement supprimés et remplacés par un embargo sur les exportations d’armes vers les pays en conflit et des exportations qui seraient en violation des résolutions de l’ONU. Ces nouvelles règles autorisent le développement et la production d’armes en partenariat avec les Etats-Unis et d’autres pays, et l’exportation d’équipements militaires à des fins pacifiques et humanitaires, comme dans le cas de missions de maintien de la paix de l’ONU. A la suite de cela, début juillet 2014, deux accords de coopération industrielle militaire ont été annoncés. Dans le cadre de la coopération avec la Grande-Bretagne, il s’agit de co- développement dans le cadre du programme de missile Meteor développé par le fabricant de missiles Matra BAe Dynamics Alenia (MBDA) ainsi que d’autres entreprises européennes, et qui pourrait être utilisé sur le F-35. Dans le second cas, avec les Etats-Unis, il s’agit de l’exportation par Mitsubishi Heavy Industries (MHI) de capteurs destinés à être utilisés dans le système de missiles de défense PAC-2 (Patriot Advanced Capability-2) qui doit être vendu ultérieurement au Qatar. Par ailleurs, lors de la visite, le 13 mars 2015 à Tokyo, du ministre de la défense français, Jean-Yves Le Drian et du ministre des affaires étrangères français Laurent Fabius, le Japon et la France ont signé [20] un accord intergouvernemental sur la recherche et le développement d’équipements de défense communs pour renforcer la coopération technologique entre les deux pays dans quatre domaines : sonar, submersibles inhabités, robots et cyberdéfense. Les partenariats industriels sont donc protéiformes et leur champ s’étend à mesure que le Japon se libère des carcans du passé. 


Conclusion
L’affirmation du Japon sur la scène régionale et internationale dans le cadre de sa politique de « pacifisme proactif » dans un contexte de vives tensions régionales et mondiales passe par la mise en place d’un ensemble d’alliances et l’ouverture et le développement de liens vers de nouvelles aires géographiques correspondant aux intérêts géopolitiques du Japon. Elle se traduit aussi par des évolutions de la législation japonaise pour favoriser le soutien aux alliés et la coopération stratégique et technologique avec eux faisant sortir le Japon de son pacifisme traditionnel. Ceci n’exclut pas les tentatives de règlement pacifique des différends. Ainsi, jeudi 19 mars 2015, des discussions en matière de sécurité ont eu lieu avec Pékin, les premières depuis quatre ans. Et samedi 21 mars 2015, les ministres des Affaires étrangères de la Corée du Sud, de la Chine et du Japon se réunissaient à Séoul pour la première fois en près de trois ans dans le but de rétablir la coopération entre les trois puissances. Cette première trilatérale depuis avril 2012 visait à réparer les liens pour le moins tendus entre le Japon d’une part et les deux autres pays d’autre part. Mais la position chinoise, et notamment celle du président Xi Jinping, dépendra aussi beaucoup de la façon dont Shinzo Abe s’exprimera sur l’anniversaire des 70 ans de la fin de la Seconde guerre mondiale, sujet particulièrement sensible, alors que Xi Jinping a récemment renommé l’anniversaire de la guerre journée de « la victoire contre le Japon ». Or, d’une part, Shinzo Abe s’abstiendra probablement d’assister au défilé militaire organisé par la Chine pour le 70e anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, a rapporté mercredi 25 mars 2015 le Yomiuri Shimbun. D’autre part, selon le quotidien, il devrait s’en tenir aux excuses présentées par ses prédécesseurs. Les tensions ne sont pas réglées... 




Le Japon dans son environnement géostratégique
Source, journal ou site Internet : Diploweb
Date : 6 avril 2015
Auteur : Edouard Pflimlin* Louis-Arthur Borer ** 

*Journaliste au Monde. Il est aussi chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
**Junior Fellow à Asia Centre, chercheur associé à l’institut prospective sécurité en Europe (IPSE).


[1] Ryo Sahashi, “Security partnerships in Japan’s Asia Strategy. Creating order, building capacity and sharing burden », Institut français des relations internationales, février 2013
[2] « Japan : examining the dynamic defense force (Chapter 3)” in East Asian strategic Review 2013, The National Institute for Defense Studies, 2013, Tokyo
[3] Lire notamment : Edouard Pflimlin et Yann Rozec, « Le Japon tisse un réseau de partenariats stratégiques et renforce son alliance avec les Etats-Unis », p. 99 et s., Monde Chinois. Nouvelle Asie, n°36, 2013
[4] "Coalition reaches deal on security laws / LDP, Komeito aim to submit bills in May", The Yomiuri Shimbun, 19 mars 2011, the-japan-news.com/news/article/0002017748
[5] Wyatt Olson, “US, Japan forces train together at Lewis-McChord”, Stars and stripes, 18 septembre 2013
[6] Jennifer Steinhauer, “Japan and US agree to broaden military alliance”, The New York Times, 3 octobre 2013
[7] Lire le rapport (en anglais) « The Interim Report on the Revision of the Guidelines for Japan-U.S. Defense Cooperation », mofa.go.jp/files/000055169.pdf
[8] "Guidelines to boost seamless Japan, U.S. ties", The Yomiuri Shimbun, 8 octobre 2014, the-japan-news.com/news/article/0001627769
[9] mod.go.jp/j/approach/agenda/guideline/2014/pdf/20131217_e2.pdf
[10] mod.go.jp/e/jdf/no62/activities.html
[11] Lire par exemple : Edouard Pflimlin, "Face à la Chine, le partenariat stratégique Inde- Japon ne cesse de se renforcer", Affaires stratégiques, IRIS, 10 février 2012 iris- france.org/face-a-la-chine-le-partenariat-strategique-inde-japon-ne-cesse-de-se-renforcer/
[12] Mina Pollmann, "Japan and India’s Warming Defense Ties", The Diplomat, 4 mars 2015, thediplomat.com/2015/03/japan-and-indias-warming-defense-ties/
[13] thediplomat.com/2014/10/vietnams-extensive-strategic-partnership-with-japan/
[14] japandailypress.com/japan-to-fast-track-coast-guard-vessels-donation-to-the-philippines- 2129252/
[15] Hideshi Futori, « Japan’s disaster relief diplomacy : fostering military cooperation in Asia », Asia Pacific Bulletin, number 213, 13 mai 2013, East-West Center, Washington,
[16] The Asahi Shimbum, 14 novembre /ajw.asahi.com/article/behind_news/politics/AJ201311140073
[17] Asagumo, 19 septembre 2013.
[18] http://www.nytimes.com/2014/01/14/w...
[19] Lire dans le Livre Blanc de la Défense Japonais mod.go.jp/e/publ/w_paper/pdf/2013/40_Part3_Chapter2_Sec4.pdf
[20] the-japan-news.com/news/article/0001999297 





Géopolitique du Japon : un collapsus démographique programmé


Voici la démonstration que la démographie doit être prise en compte dans une analyse géopolitique, avec le cas du Japon. En effet, le vieillissement de sa population pèse déjà sur sa situation économique et obère ses perspectives de puissance.
Dans le cadre du partenariat entre le Diploweb.com et la collection Major série Géopolitique des Presses Universitaires de France, nous sommes heureux de vous présenter un extrait d’un ouvrage de Jean-Marie Bouissou, "Géopolitique du Japon. Une île face au monde", Presses Universitaires de France, pp. 138-143.
LES HOMMES ont fait la force du Japon pendant plus d’un siècle après sa réouverture [voir chapitre 1, II, 2]. Aujourd’hui, selon les prévisions officielles dites « intermédiaires » (fondées sur un taux de fécondité moyen de 1,35), sa population, qui a culminé à 128 millions d’habitants en 2010, sera réduite à 87 millions en 2060. On peut s’étonner que le World Economic Forum, quand il estime la compétitivité du Japon, ne semble nullement prendre en compte ce collapsus démographique annoncé.

La prospérité, Confucius et la crise expliquent l’effondrement de la natalité

Comme partout, la natalité a décliné au Japon avec l’accroissement du niveau de vie et de la mobilité sociale, le changement des valeurs et le retard de l’âge du mariage par les jeunes désireux d’en profiter. L’Archipel y ajoutait l’exiguïté et la cherté des logements, le coût très élevé de l’éducation et la faiblesse des aides aux familles. La liberté complète de l’avortement, bon marché et nullement stigmatisé, permet de bien contrôler les naissances. Le taux de fécondité est ainsi tombé sous le seuil de remplacement (2,1 enfants par femme) en 1975. Il a fait de même en France la même année, mais il est toujours resté supérieur à 1,6, puis est remonté autour du seuil de remplacement depuis 2006. Dans l’Archipel, il est tombé sous 1,5 en 1991, puis sous 1,3 en 2005 (1,4 en 2013).
La crise aggrave la situation. Au Japon, traditionnellement, un homme ne se marie pas avant d’avoir un emploi stable. De ce fait, plus de la moitié des moins de 30 ans ne sauraient l’envisager aujourd’hui. Or seulement 2 % des enfants naissent hors mariage (France : 52 %). En outre, les couples mariés hésitent, car ils ont de plus en plus souvent besoin de deux salaires. Or, comme la société tend encore à considérer que la fonction de la femme est celle définie par Confucius – « bonne épouse et mère avisée » (ryôsai kenbo) –, nombre d’entreprises continuent à pousser les nouvelles mamans vers la porte. Par la suite, l’éducation de l’enfant, outre son coût, exige de la mère une implication souvent peu compatible avec un emploi régulier. Dans ces conditions, nombre de couples attendent d’hypothétiques jours meilleurs, et les jeunes Japonais sont les moins décidés du monde à fonder un foyer (26 % contre 47 % en France) et à procréer (37 % contre 58 %).

L’entretien des seniors écrasera peu à peu une force de travail grisonnante

Alors que la natalité s’effondrait, la longévité n’a cessé de croître. Elle atteint désormais 84,2 ans pour les deux sexes confondus (France : 81,5) ; seul Monaco fait mieux ! Le Japon vieillit plus rapidement que n’importe quel pays dans l’histoire : il n’a fallu que 36 ans pour que la part des plus de 65 ans dans sa population passe de 7 à 20 % (1970-2006), contre plus d’un siècle et demi pour la France, qui n’y est pas encore (1864-2020). Au beau temps du « miracle » d’après-guerre, 30 % des Japonais avaient moins de 15 ans, 64 % étaient dans ce que les statistiques considèrent comme « l’âge actif » (15-64 ans), et seulement 6 % avaient plus de 60 ans. Quand la population a culminé en 2010, les proportions étaient de 13-64-23. En 2035, elles seront de 10-56,5-33,5. En 2060, elles pourraient être de 9-51-40 !
Cette année-là, compte tenu de l’âge réel du début de la vie professionnelle, seulement 45 % des Japonais devraient être au travail pour pourvoir à l’entretien des autres. En outre, cette population active ne cessera elle-même de vieillir : en 2000, les 50-64 ans en représentaient 36 %, et ils seront 45 % dès 2035. Ces actifs seront donc moins productifs, moins créatifs, moins adaptables aux progrès de la technologie, et probablement moins motivés car écrasés d’impôts et de prélèvements sociaux pour entretenir chacun plus d’un actif. Cette perspective paraît si sombre pour la compétitivité du Japon que le Keidanren, qui y est intéressé au premier chef, préconise ouvertement que « l’aide à la fin de vie choisie » (suspension des soins et assistance au suicide) soit rendue aussi légale et facile d’accès qu’aujourd’hui l’avortement, qui devrait inversement être rendu moins simple.


Carte. Le Monde du Japon aujourd’hui
Carte extraite de Jean-Marie Bouissou, "Géopolitique du Japon. Une île face au monde", Presses Universitaires de France, 2014.

Quels sont les effets prévisibles du collapsus démographique ?

Cet effondrement semble augurer le pire pour l’économie et la compétitivité du Japon : baisse automatique de la croissance potentielle en même temps que celle de la population active, qui est l’un des éléments pris en compte pour la calculer ; diminution de l’épargne et de la consommation, donc de l’investissement ; pénurie et renchérissement d’une main-d’œuvre dont la qualité diminuera avec l’âge. Les dépenses de santé et de retraite, qui absorbaient 42 % des dépenses de l’État hors service de la dette en 2014, iront en augmentant sans cesse, réduisant d’autant les moyens de l’action publique dans les autres domaines.
Ces dépenses seront sanctuarisées par le poids politique des plus de 65 ans. Ceux-ci représentent déjà près de 30 % du corps électoral ; ils seront presque 40 % en 2035, et 46 % en 2060 – alors qu’au Japon, la participation électorale est minimale chez les jeunes et augmente avec l’âge. On peut attendre de ce corps électoral chenu une résistance croissante aux changements de toute nature, ainsi qu’un repli frileux sur soi accompagné d’un sentiment de déclin. Ce repli nourrira le nationalisme mais diminuera l’envie de risquer des affrontements – pour lesquels les forces armées pourraient d’ailleurs manquer de ressources financières et humaines. La frustration croîtra en conséquence.
Les fractures générationnelles pourraient se creuser. Les jeunes seraient démoralisés ou enragés de vivre dans un hospice géant dont les pensionnaires accapareront les ressources communes. La population au travail s’échinerait à entretenir les uns et les autres, avec pour seule perspective de vieillir en ayant toujours ses parents à charge, dont un ou deux millions seront centenaires, tout en doutant que ses propres enfants puissent (ou veuillent) en faire autant pour elle. Les plus décidés des jeunes et des actifs pourraient préférer l’expatriation, aggravant encore le collapsus démographique.
Le pire n’étant jamais sûr, certains envisagent des évolutions plus positives. Au plan économique et technologique, le développement de nouveaux secteurs dans lequel le Japon se retrouvera en pointe : medtronique, biotechnologies et génétique curatives et réparatrices ; domotique centrée sur l’adaptation de la maison et de la ville aux personnes âgées ; technologies permettant le maintien des seniors au travail ; etc. Le Japon acquerra ainsi une spécialisation dont beaucoup de grands pays, vieillissant à leur tour, auront besoin après lui. Les actifs, plus rares, jouiront de meilleures rémunérations et de perspectives professionnelles plus larges. La jeunesse sera choyée ; elle profitera d’une éducation meilleure et plus ouverte sur le monde, grâce à la concurrence entre universités pour attirer une clientèle devenue plus rare, et qui devront s’ouvrir plus au monde pour pallier le manque d’étudiants et d’enseignants. Enfin, les seniors, qui détiennent l’essentiel du patrimoine, devraient avoir à cœur d’en transférer une partie vers leurs enfants et petits-enfants, ce qui renforcerait la solidarité intergénérationnelle.

La relance de la natalité n’est pas vraiment à l’ordre du jour et produirait peu d’effet

Le premier remède semblerait devoir être une politique nataliste. Toutefois, les Japonais paraissent considérer la fertilité comme un phénomène naturel, auquel des mesures artificielles ne peuvent donc pas grand-chose. Les autorités multiplient celles qui ne coûtent rien. Elles encouragent les pères à prendre leur part du labeur que donnent les enfants ; mais moins de 5 % prennent les congés de paternité créés à cet effet. Elles invitent les entreprises à aménager le travail des jeunes mamans au lieu de les pousser dehors, mais sans prévoir aucune sanction. La promesse de crèches en nombre suffisant est rituellement réitérée d’année en année. Mais de moyens financiers, guère. Les allocations familiales ne dépassent pas 15 000 yens par mois et par enfant jusqu’à 15 ans. Aucun abattement fiscal pour enfant à charge n’est accordé tant qu’elles sont versées ; il est ensuite de 710 000 yen par an quel que soit le revenu, mais pour un parent à charge c’est plus d’un million. La sécurité sociale ne consacre que 7 % de son budget à la petite enfance. Elle ne prend pas en charge la grossesse et l’accouchement, au motif qu’il ne s’agit pas d’une pathologie, alors qu’accoucher à Tôkyô coûte un bon million de yens100, soit quatre mois de salaire moyen. Avec la crise, l’obstacle financier est insurmontable pour les couples mal installés dans la vie.
Au demeurant, que l’État agisse ou pas, les jeux sont déjà faits pour longtemps, car le nombre de femmes en âge d’enfanter diminue d’année en année, à mesure qu’y arrivent des cohortes de plus en plus creuses. Même si la natalité commence à remonter – ce qui ne semble être ni pour demain, ni pour après-demain – il en sera inéluctablement ainsi pendant encore 30 ans (âge moyen du premier accouchement au Japon). En outre, le célibat progresse très rapidement : jusqu’aux années 1990, la quasi-totalité des Japonais se mariaient, mais un quart ou plus de ceux qui sont nés depuis pourraient ne pas le faire faute d’emploi stable, et donc ne feront pas d’enfants, ou très peu. Car au Japon, pas de mariage, pas d’enfant.

Le rêve d’une immigration totalement choisie et contrôlée

L’immigration semble donc être la seule solution, d’autant plus que les populations immigrées sont traditionnellement prolifiques. La Corée, où le taux de fécondité a dégringolé jusqu’à 1,1, s’y est résolue : la population étrangère y est passée de 400 000 à 1,5 million depuis le tournant du siècle. Au Japon, l’ONU a estimé en 2009 que pour maintenir la population active à son niveau actuel d’ici 2050, il faudrait intégrer 600 000 nouveaux immigrants par an, ce qui porterait le pourcentage de la population étrangère à plus de 25 % – une perspective impensable. Les autorités japonaises entendent plutôt augmenter le nombre de femmes qui travaillent, laisser les seniors au labeur jusqu’après 65 ans et multiplier les robots. Elles ne chiffrent donc les besoins qu’à 90 000 immigrés par an. Mais même ce chiffre implique une rupture avec le principe d’immigration zéro qui a jusqu’ici tenu lieu de politique en la matière.
Nous avons vu que le Japon a été une terre d’immigration jusqu’aux vies siècle de notre ère, et comment le mythe de la pureté ethnique s’y est ensuite imposé. Ce mythe n’a pourtant pas empêché les zaibatsu nippons d’importer dans l’Archipel un grand nombre de travailleurs coréens bon marché tout au long des années 1920-1930, avant même que le Japon instaure l’équivalent du service du travail obligatoire imposé en Europe par Hitler. La fermeture à l’immigration date de 1951, quand la guerre en Corée a fait craindre un afflux de réfugiés qui rejoindraient leurs compatriotes déjà sur place, auxquels les autorités d’occupation avaient accordé le droit de résidence permanent pour eux et leurs descendants. Mais cette fermeture a bientôt eu aussi pour objectif inavoué de maintenir une tension du marché du travail qui servait la stratégie politique du PLD. Les plaintes répétées du patronat se sont vu opposer le dogme de la « nation qui tire sa force de sa pureté ethnique », faisant de l’immigration un véritable tabou politique. Jusqu’aux années 1990, outre les cadres expatriés, les étrangers n’étaient autorisés à travailler dans l’archipel qu’à des emplois que des Japonais étaient censés ne pas pouvoir occuper (essentiellement enseignants, cuisiniers, boulangers et prêtres, pour les Français, ou femmes de ménage et « artistes » pour les Philippines). La seule communauté de quelque importance était celle que formaient environ un million de Coréens, dont le Japon ne pouvait pas se débarrasser comme il l’aurait souhaité.
La porte s’est pourtant entrouverte à partir des années 1980, parce que « l’internationalisation » était un mot d’ordre officiel [voir chapitre 6, II, 2] et que les jeunes Japonais n’acceptaient plus les emplois dits « 3K » (kitanai, kitsui, kiken  : sales, pénibles et dangereux). Depuis 1990, tous les descendants de Japonais (nikkeijin) dans le monde ont le droit de venir résider en permanence pour travailler dans l’Archipel, ce qui a permis aux usines et aux chantiers nippons d’embaucher quelque 300 000 Brésiliens sans porter atteinte au mythe national de la pureté ethnique. Depuis 1993, au nom de l’aide au développement, les entreprises japonaises d’une soixantaine de secteurs d’activité peuvent aussi « former » des « stagiaires » venus d’Asie (surtout Chine, Indonésie, Vietnam, Philippines et Thaïlande) pour trois années au plus. Nombre d’entre eux se retrouvent aux travaux 3K ou aux caisses des supérettes, et ceux qui n’y donnent pas toute satisfaction sont renvoyés chez eux au bout de la première année. Cette main-d’œuvre sous contrôle et bon marché est très prisée des entreprises, qui se disputent le contingent annuel réparti entre elles par le ministère du Travail. Les effectifs de ces « stagiaires » (environ 90 000 par an) correspondent aux besoins globaux estimés plus haut par les autorités. L’organisation des Jeux olympiques de 2020 sera l’occasion – sinon le prétexte – d’ouvrir plus largement la porte tout en conservant l’alibi de l’aide au développement : la durée des « stages de formation » devrait être portée à six ans, et les quotas revus à la hausse pour le secteur de la construction, qui serait demandeur de 100 000 à 200 000 travailleurs.
Certains flux d’immigration sont entièrement féminins. Celui des « artistes » philippines, importées par les yakuzas pour les bars à hôtesses, s’est réduit depuis que la crise frappe ces établissements. Il a été relayé par un flux massif dans le secteur des soins aux seniors, et par celui d’épouses recrutées par des agences spécialisées à destination des campagnes où les hommes n’en trouvent plus. La population philippine dans l’Archipel a ainsi quadruplé depuis 1990. En 2011, elle atteignait 209 000 personnes soit 10 % des résidents étrangers, à égalité avec les Brésiliens, après les Chinois (32 %, 674 000) et les Coréens (26 %, 545 000). Le nombre de ces derniers se réduit régulièrement, car la naturalisation est de droit pour eux s’ils la demandent – autre disposition imposée sous l’occupation.
Malgré ces évolutions, l’ouverture reste timide. Depuis le tournant du siècle, le nombre de résidents étrangers dans l’Archipel n’est passé que de 1,7 à 2,09 millions (+ 22 %), alors qu’il a triplé en Corée. En outre, il diminue depuis 2008, avec le retour de nombreux Brésiliens chez eux pour cause de crise, et la catastrophe de Fukushima a accéléré le mouvement. Les étrangers ne représentent que 1,6 % de la population (deux fois moins qu’en Corée) et seulement 6 % des mariages sont mixtes (10 % en Corée). Il faut y ajouter les clandestins, estimés dans les belles années 1980 à 400 000 personnes, mais dont la crise aurait réduit le nombre de plus de moitié. Un grand nombre sont des Chinois venus « étudier » dans un réseau d’écoles de langue très peu regardantes sur leur assiduité. En l’absence de toute possibilité de régularisation, ils se laissent très volontiers rapatrier aux frais du contribuable nippon une fois amassé un pécule, au rythme de quelque 25 000 par an – qui sont aussitôt remplacés.
Les autorités ont beau invoquer la trilogie « femmes, seniors, robots », elles sont néanmoins conscientes que l’Archipel a besoin de davantage de travailleurs étrangers, notamment des ingénieurs, des informaticiens et autres travailleurs qualifiés. Ni les nikkeijin, ni les « stagiaires en formation » ne peuvent répondre à ces besoins. Depuis 2000, la politique officielle est de recenser ces besoins spécifiques et d’y répondre au coup par coup « sans affecter la vie sociale des citoyens japonais ». L’idée est de n’admettre que les travailleurs dont l’Archipel a besoin en nombre et en qualité, en les sélectionnant au départ, en limitant strictement la durée de leur séjour et sans qu’ils puissent être accompagnés d’une éventuelle famille. La solution parfaite semble celle de contrats bilatéraux passés avec certains pays fournisseurs, dont le prototype a été la négociation pour recruter 6 000 infirmières, commencée avec les Philippines et finalement conclue avec l’Indonésie (2007). Mais ce rêve d’une immigration entièrement sélectionnée, contractuelle et temporaire, se heurte cependant à la faiblesse des rémunérations et des perspectives professionnelles offertes à ces travailleurs qualifiés que l’on prétend attirer, ainsi qu’à l’impossibilité d’empêcher que certains n’acquièrent droit de cité en épousant un(e) Japonais(e).


Par Jean-Marie BOUISSOU

Ancien élève de l’ENS et agrégé d’histoire, Jean-Marie Bouissou est directeur de recherche à Sciences Po. Il a publié ou dirigé de nombreux ouvrages, dont Le Japon contemporain (Fayard), Quand les sumos apprennent à danser. Le nouveau modèle japonais (Fayard) et Japan. The Burden of Success (Hurst & C°).

janvier 07, 2015

RP#4 - Stratégie - Guerres et Paix ( sommaire: 8 thèmes actuels)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Sommaire: 

A) - La France a perdu sa place de cinquième puissance économique mondiale - Le Figaro du 6 janvier 2015

B) - Pékin revêt les habits de la superpuissance - Le Monde du 6 janvier 2015 par Harols Thibault

C) - Poutine et le syndrome de la forteresse assiégée - Les Echos du 7 janvier 2015 par Yves Bourdillon


D) - Retour de la crise grecque : La France risque plus de 40 milliards - Le Point du 6 janvier 2015 par Marc Vignaud

E) - L’union économique eurasienne affaiblit la Russie - Rzeczpospolita (Pologne) du 7 janvier 2015

F) - Le porte-avions Charles de Gaulle envoyé pour lutter contre Daesh ? - La Tribune du 7 janvier 2015


G) - L’ONU impuissante face aux conflits - El Watan du 7 janvier 2015 par RI

H) - Berlin se prépare à une sortie de la Grèce de la zone euro - La Tribune du 7 janvier 2015








A) - La France a perdu sa place de cinquième puissance économique mondiale

Notre pays a été dépassé en 2014 par le Royaume-Uni, dont le PIB est supérieur au nôtre. 

Voilà une bien triste nouvelle pour François Hollande et l'orgueil national: «La France, c'est un grand pays ; elle est la cinquième puissance économique du monde», avait affirmé le président de la République le soir de la Saint-Sylvestre lors de ses vœux aux Français. Le propos se voulait roboratif, «un message de confiance et de volonté», avait-il lui-même annoncé. Hélas, trois fois hélas, au moment même où le chef de l'État rappelait ce fameux classement - une habitude bien ancrée de sa part -, il n'était déjà plus valable. Certes, la France était effectivement «la cinquième puissance économique du monde» encore en 2013. Son PIB (produit intérieur brut), la richesse créée annuellement, la seule mesure de la
puissance économique, arrivait au 5e rang, derrière les États-Unis, la Chine, le Japon, l'Allemagne et devant le Royaume-Uni. Or celui-ci nous devance désormais: en 2014, le PIB britannique aura dépassé de 98 milliards d'euros celui de la France (2232 milliards d'euros pour le premier et 2134 milliards pour le second). Ces chiffres figurent dans un document de la Commission européenne consultable sur son site. À cette période de l'année, il s'agit bien sûr encore d'une estimation. Mais contrairement aux prévisions qui peuvent se révéler fausses, cette évaluation comptable, qui marque une différence de près de 4,5 % entre les deux pays, ne sera en aucun cas remise en cause lors de la publication définitive des bilans 2014 dans quelques semaines. 
 
Trois explications: la croissance, l'inflation et la force du sterling
Il s'agit en réalité d'un secret de polichinelle, et tous les économistes qui suivent ces 
questions le savaient: «Sur les quatre derniers trimestres dont on connaît les résultats - du quatrième trimestre 2013 au troisième de 2014 -, les calculs font apparaître que le PIB français a été de 2134 milliards d'euros en France et de 2160 milliards d'euros outre-Manche», observe Jean- Luc Proutat, économiste à BNP Paribas. 

François Hollande aurait dû s'en douter, ou faire confirmer son information par ses conseillers, avant d'entonner l'antienne «France cinquième puissance», une contre-vérité désormais. Car le revers de fortune français intervenu l'an dernier n'a rien de mystérieux. Il est le produit de trois éléments: une croissance économique beaucoup plus rapide pour l'économie britannique, un rythme d'inflation également plus soutenu outre-Manche et, last but not least, la réappréciation substantielle de la livre sterling. 

Rappelons qu'en 2013 le PIB anglais était inférieur de 97 milliards d'euros au nôtre (respectivement 2017 et 2114 milliards d'euros). Or il a bénéficié d'une croissance en volume
de 3 % en 2014, ce qui lui a permis de progresser d'une soixantaine de milliards d'euros. De même l'inflation britannique a été de l'ordre de 1,5 %, d'où à nouveau une augmentation de 30 à 40 milliards d'euros. À quoi s'est ajoutée la revalorisation de la livre sterling, de 5,4 % vis-à- vis de l'euro, ce qui a permis de gonfler le PIB des Anglais d'environ 126 milliards d'euros. De son côté, la France n'a bénéficié que d'une croissance de 0,4 % et d'une inflation du même ordre ; du coup, son PIB nominal ne s'est accru que de 20 milliards d'euros à peine, selon la Commission européenne. 

Le Royaume-Uni historiquement devant la France
Ces chiffres sont connus de tous. On s'étonne queLaurence Boone, la conseillère économique de l'Élysée, observatrice avisée de l'économie britannique, n'ait pas attiré l'attention de son patron. De leur côté, nos amis anglais se sont abstenus pour le moment de faire sonner tambours et trompettes après leur victoire sur les «froggies» (les Français mangeurs de grenouilles). Il y a quelques semaines, David Cameron, le premier ministre, se
battait bec et ongles avec Bruxelles pour ne pas payer le surcroît de la contribution britannique au budget européen, laquelle résulte mécaniquement des bonnes performances de son pays. Le Royaume-Uni surclasse à nouveau économiquement la France, ce qui n'avait cessé d'être le cas depuis le XVIIIe siècle et jusqu'en 1973. Seule la politique industrielle très ambitieuse de la présidence de Georges Pompidou avait alors mis fin à cette suprématie, la France passant pour la première fois de l'Histoire en tête. Sur les dix dernières années, le match a été très serré, lié au taux de change de l'euro et du sterling. Mais pour le millésime 2014, il n'y a pas photo comme diraient les commentateurs sportifs. Honneur au vainqueur.




B) - Pékin revêt les habits de la superpuissance
Des panneaux publicitaires d’aéroport aux palissades de chantier, les nouvelles affiches de propagande ont fleuri ces deux dernières années pour être aujourd’hui visibles à presque tous les coins de rue de Chine. Elles vendent le « rêve chinois », cher au secrétaire du Parti communiste, Xi Jinping. « Le rêve chinois, mon rêve », lit-on sur le panneau le plus répandu, représentant une petite fille en porcelaine ancienne. Un rêve de prospérité pour le peuple et de puissance pour l’État-parti, dont M. Xi, qui en est le chef depuis novembre 2012, a précisé les implications sur la scène internationale à la fin du mois de novembre 2014, à Pékin, à l’occasion de la conférence centrale de travail sur les affaires étrangères, la plus haute réunion du parti unique sur le dossier diplomatique. Pour le président chinois, la République populaire doit conduire une«diplomatie de grand pays aux caractéristiques chinoises». Par la première partie de cette formule, Xi Jinping, dont la confiance personnelle est confortée par sa popularité auprès de ses concitoyens, s’écarte sensiblement de la doctrine prescrite au tournant des années 1990 par Deng Xiaoping pour la phase d’émergence de la Chine : « Cacher ses talents, attendre son heure » (taoguang yanghui). Si la deuxième partie, les « caractéristiques chinoises », raccorde encore ce nouveau concept à la modestie et à la sobriété qu’impose l’émergence pacifique, elle évoque également les responsabilités auxquelles la puissance asiatique première puissance démographique, premier exportateur et, un jour prochain, première économie mondiale juge désormais pouvoir prétendre. Pour le sinologue Jean-Pierre Cabestan, de l’université baptiste de Hongkong, « c’est une politique de grande puissance, d’égal à égal avec les États-Unis, mais avec une volonté nette de ne pas les défier frontalement »

« Se mobiliser pour atteindre des réalisations concrètes »
La Chine a fait le constat des avantages passés mais aussi des limites atteintes aujourd’hui de sa politique de profil bas, deux décennies après son adoption par Deng, le père des réformes. Elle n’a pas empêché les États-Unis de multiplier les efforts pour contenir son ascension, car Pékin est convaincu que le « pivot asiatique » lancé par Barack Obama après 2010 est avant tout une politique d’endiguement de la Chine qui ne dit pas son nom. Elle n’a pas davantage permis de sécuriser les îlots de mer de Chine sur lesquels la République populaire s’oppose au Japon, aux Philippines ou encore au Vietnam, et elle n’a pas plus dissuadé certains hommes politiques japonais, dont le premier ministre, Shinzo Abe, de se rendre au sanctuaire de Yasukuni, où sont notamment honorés des criminels de guerre. De sorte qu’ont émergé, dans les cercles universitaires et diplomatiques, une nouvelle notion alternative et un concept bien plus volontariste : « Se mobiliser pour atteindre des réalisations concrètes » (fenfayouwei). Couplé au charisme naturel dont fait preuve Xi Jinping, en opposition à la froideur de son prédécesseur, Hu Jintao, et à sa capacité à asseoir son pouvoir au sein de l’appareil chinois, ce basculement donne l’image d’une Chine bien plus confiante. 

Pékin promeut ainsi ses nouvelles « routes de la soie », l’une, maritime, reliant l’Afrique et l’Europe via l’Asie du Sud-est, l’autre, continentale, connectant le pays à l’Asie centrale, à la Russie et à leurs sources d’énergies via l’instable région du Xinjiang. Il n’hésite pas non plus à proposer aux pays d’Asie-Pacifique une Banque asiatique d’investissement en infrastructures, directement concurrente de la Banque asiatique de développement, dont la Chine juge qu’elle est influencée par Washington et Tokyo. « Ils savent faire, c’est le côté coopératif par la projection d’influence économique », juge M. Cabestan. Quitte à forcer la main à certains États, comme l’Australie, la Corée du Sud ou l’Indonésie, partagés entre proximité stratégique avec les États-Unis et coopération économique avec la Chine. En parallèle, constate M. Cabestan, la Chine se lance dans une défense beaucoup plus acharnée que par le passé de ses intérêts vitaux. Elle fonctionne lorsqu’il s’agit de convaincre le reste du monde de ne plus recevoir le dalaï-lama, qui peine désormais même à obtenir une audience papale, car elle pourrait mettre en péril les difficiles efforts de conciliation entre le Vatican et la Chine communiste. Mais elle donne également une image d’agressivité lorsque Pékin renvoie à leur colonialisme historique les parlementaires britanniques souhaitant se rendre à Hongkong en soutien aux manifestants exigeant le suffrage universel. Et elle expose directement la République populaire au risque militaire lorsque le pétrolier Cnooc établit une plate-forme pétrolière dans les eaux revendiquées par le Vietnam, au cours du printemps 2014. Côté chinois, on est bien conscient que la politique de«lutte pour les réalisations concrètes » comporte davantage de risques que la posture précédente. « Pas celui d’une guerre avec les États-Unis, mais d’une confrontation militaire avec certains voisins, notamment le Japon », juge dans une analyse Yan Xuetong, le doyen de l’Institut de relations internationales modernes de la prestigieuse université Tsinghua, à Pékin. Plus généralement, la Chine s’expose au risque d’être perçue comme une puissance agressive. Risque renforcé par la perception à l’étranger de son système : progrès économiques impressionnants mais absence de démocratie, pollution, justice défaillante, inégalités sociales. Le professeur Yan prescrit donc des percées très délicates, pour éviter d’être perçu comme l’agresseur, ce qui renforcerait ainsi le soutien aux puissances concurrentes. Pour Shen Dingli, professeur de relations internationales à l’université de Fudan, connu pour ses positions plus agressives, la Chine a certes davantage confiance en elle que par le passé mais elle est encore loin d’être dotée d’une confiance comparable à celle des États-Unis. Elle est perçue comme moins agressive que la Russie, que la Chine laisse monter au front contre les puissances occidentales. Mais cette position de recul n’a pour l’heure présenté que des gains limités dans le périmètre asiatique, juge M. Shen : « Cette diplomatie n’est pas efficace, car elle n’est toujours pas dissuasive. » En interne, certains voudraient voir la Chine de Xi Jinping s’imposer davantage, à l’heure où elle est effectivement devenue une grande puissance économique. 

« Le monde est assez grand pour nous tous »
C’est un numéro d’équilibriste que doit mener M. Xi, car, sur la scène internationale, la montée en puissance actuelle est déjà source d’inquiétudes, exprimées de plus en plus ouvertement en Asie et dans le Pacifique. Pour Yu Xintian, présidente de l’Institut d’études internationales de Shanghaï, la Chine n’est pas encore bonne pour ce qui est de vendre aux autres sa propre destinée. « La diplomatie publique, la diplomatie du cœur, reste un grand défi pour nous », dit Mme Yu. Xi Jinping est conscient des interrogations suscitées, des pays bordant la mer de Chine directement exposés aux prétentions territoriales chinoises aux contrées africaines où Pékin échange ses services contre du pétrole, en passant par les investissements chinois en Europe et, bien sûr, par Washington. Devant le Parlement australien, l’homme fort de Pékin comparait la Chine au « grand type dans la foule » dont 
les autres se demandent comment il va bouger et agir, avant d’assurer : « Le monde est assez grand pour nous tous. »



C) - Poutine et le syndrome de la forteresse assiégée

Sur le plan économique comme sur le plan diplomatique, le président russe paie au prix fort son aventure ukrainienne, mais dispose encore d'un soutien appréciable dans son pays. Et n'a pas définitivement rompu le dialogue avec les Occidentaux. Vladimir Poutine n'est pas un « maître des échecs dupant l'Occident », mais quelqu'un se trouvant, suite à son aventure ukrainienne, « confronté à la chute de sa devise, une crise financière majeure et une contraction économique gigantesque ».  

Ces propos de Barack Obama, peu avant Noël, relèvent bien sûr de la guerre de l'information à laquelle se livrent Washington et Moscou. Mais ils ne sont pas totalement dénués de fondements. Car la Russie paie d'une sacrée gueule de bois le gain géostratégique de la Crimée - présenté comme « inestimable sur le plan civilisationnel ». Et aborde 2015 en bien mauvaise posture. C'est vrai sur le plan économique, avec une devise qui a dévissé de 44 % depuis un an face au dollar, dont encore 7 % lundi. Une chute due, certes, à l'effondrement des cours du pétrole, fournisseur du tiers des recettes en devises du pays, qui a enfoncé le plancher de 50 dollars le baril (à peine 10 dollars de plus que le coût d'extraction en Sibérie, selon la firme Energy Aspec), contre encore 115 dollars l'été dernier. Mais les sanctions occidentales décidées en représailles aux actions russes de déstabilisation en Ukraine orientale jouent un rôle encore plus dévastateur, puisque le rouble a chuté davantage que les devises des autres exportateurs d'or noir. Les Russes se sont donc appauvris en produits importés, qui représentent la moitié de ce que les citadins consomment. Les entreprises endettées en devises sont, elles, étranglées, avec le spectre de faillites en cascade, qui a obligé le Kremlin à recapitaliser d'urgence les banques
Gazprombank et TV, numéro deux et trois du secteur, fin décembre. Pour donner une idée de la débâcle actuelle, la capitalisation boursière de Moscou est inférieure de moitié, aujourd'hui, à celle d'un groupe comme Apple. Et ce n'est pas fini, puisque le PIB pourrait encore se contracter de 4 à 5 % cette année, selon l'ancien ministre des Finances, Alexeï Koudrine. La Russie est également isolée sur le plan diplomatique. L'annexion de la Crimée par Moscou a été reconnue seulement par Cuba, le Nicaragua, la Syrie et le Venezuela. Même s'ils n'ont pas joint leur voix aux Occidentaux, des voisins habituellement alliés de la Russie, comme la Biélorussie, l'Arménie ou le Kazakhstan, ont fait part de leur embarras devant cette atteinte à l'intégrité territoriale de Kiev. Le trafic, via la Biélorussie, des produits agroalimentaires européens boycottés sur ordre du Kremlin a provoqué des bisbilles entre Moscou et Minsk, illustrées par une brève reprise des contrôles à la frontière commune, alors qu'ils sont en union douanière ! Moscou et ses thuriféraires prétendent que c'est en fait l'Occident qui est isolé dans l'affaire ukrainienne, la Russie bénéficiant de l'appui de la partie émergente du monde, Chine et Inde en tête. Pékin a d'ailleurs annoncé mi-décembre qu'il pourrait soutenir le rouble, via un accord de « swap » de devises. Mais cette annonce n'a pas empêché le rouble de poursuivre sa chute. 

Quant à la menace russe de s'allier à la Chine, elle comporte une grande part de bluff. Moscou, à la Sibérie orientale sous-peuplée, a-t-il vraiment intérêt à se jeter dans les bras d'un pays neuf fois plus gros que lui sur le plan démographique et cinq fois sur le plan économique ? Pékin peut en profiter pour acheter du gaz russe à ses conditions, comme il semble l'avoir fait dans un contrat récent, sans pour autant renoncer à sa position de principal partenaire économique des Etats-Unis. La Chine n'a pas non plus opposé son veto à un projet de résolution des Occidentaux condamnant la Russie à l'ONU sur la Crimée... Cet isolement international de Moscou ne doit pas laisser croire pour autant que Poutine est acculé. Selon un sondage récent, sa cote de confiance n'a perdu que 3 points depuis la chute spectaculaire du rouble de décembre et dépasse encore un stratosphérique 80 %. Les sanctions suscitent généralement un effet de « ralliement autour du drapeau », surtout dans un pays comme la Russie, à la résilience hors du commun et où, historiquement, les 
périodes de vaches maigres sont plus fréquentes que les périodes de prospérité. Loin des Moscovites qui doivent se passer de parmesan et de voyages à l'étranger, la réaction dans les campagnes est empreinte du fatalisme habituel. Et son isolement ne perturbe peut-être pas tant que ça un Poutine dont la devise semble être parfois le « oderint, dum metuant » (qu'ils me haïssent, pourvu qu'ils me craignent) de l'empereur Caligula. En outre, les Occidentaux s'avèrent ambivalents sur des sanctions néfastes pour certains de leurs exportateurs. Contrairement au récit martelé par le Kremlin d'une Russie assiégée par les fascistes et que Washington veut mettre à genoux, les Occidentaux craignent par-dessus tout la déstabilisation d'une puissance nucléaire. « Ce ne serait pas l'intérêt de l'Allemagne et de l'Europe », a expliqué ce week-end Sigmar Gabriel, le vice-chancelier allemand, pour qui les sanctions visent seulement à pousser la Russie à « revenir à la table des négociations ». Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, n'avait pas dit autre chose à Noël et François Hollande a déclaré lundi qu'il était impatient de lever les sanctions dès lors que la Russie ferait « des progrès » dans son attitude vis-à-vis de l'Ukraine. L'éventuel sommet du 15 janvier à Astana entre le président français, ses homologues russe et ukrainien et la chancelière allemande pourrait être l'occasion de mesurer ces progrès. Une certaine accalmie est observée depuis quelques semaines sur le front ukrainien, où Moscou pourrait se satisfaire d'un conflit gelé rappelant à Kiev jusqu'où ne pas aller trop à l'ouest. 

Les points à retenir
Lourdement affectée par l'effondrement des prix du pétrole et les sanctions occidentales, la Russie a vu sa devise chuter de 44 % depuis un an face au dollar. Par ailleurs, en dépit de ses rodomontades, Vladimir Poutine ne peut se prévaloir d'un réel soutien de la Chine ou de ses traditionnels alliés régionaux. Le calme est cependant revenu en Ukraine. Et le président 
russe peut espérer une amélioration des relations avec les Occidentaux, qui n'ont aucun intérêt à voir sombrer la Russie dans le chaos.



D) - Retour de la crise grecque : La France risque plus de 40 milliards

En position de gagner les législatives, Syriza réclame une annulation d'une partie de la dette grecque désormais essentiellement détenue par les Européens. 

Le cas grec revient sur le devant de la scène. La perspective d'une victoire aux élections législatives du parti de gauche radicale Syriza relance les spéculations sur le maintien du 
pays dans la zone euro. Si son leader, Alexis Tsipras, ne souhaite plus revenir à la drachme, il réclame tout de même l'annulation d'une partie de la dette grecque accompagnée d'un relâchement des mesures d'austérité exigées en contrepartie par la troïka (FMI, Banque centrale européenne, Commission). Un deal apparemment inacceptable pour la chancelière allemande Angela Merkel alors que la dette grecque est détenue à 72 % par les pays de la zone euro et le FMI depuis l'annulation de la moitié de la dette privée du pays en 2012. D'autant que le reste de la dette publique, échangeable sur les marchés, a été achetée à hauteur de 40 % par la Banque centrale européenne (BCE) ! Selon des propos rapportés par l'hebdomadaire Der Spiegel, le gouvernement allemand pourrait donc bien assumer une sortie de la Grèce de la zone euro si la population ne parvient plus à supporter la cure de rigueur qui lui a été imposée. Dans les deux cas, annulation de dette ou sortie de la zone euro, ce sont les contribuables européens qui devront régler la facture. Dans le second scénario, un défaut de la Grèce paraît en effet fort probable. Or, depuis le premier plan d'assistance lancé en 2010, les autres États membres ont déjà prêté plus de 194 milliards d'euros à Athènes à des conditions sans cesse plus généreuses : le taux d'intérêt moyen sur la dette détenue par les créanciers publics est désormais inférieur à 2 %, selon l'agence de notation Standard & Poor's. 

Une facture qui pourrait atteindre 42 milliards d'euros pour la France
Deuxième économie de la zone euro, la France est particulièrement exposée à la Grèce. Dans le cadre du premier plan d'aide, elle a déboursé 11,38 milliards des 52,9 milliards prêtés par les Européens sous la forme de prêts bilatéraux, rappelle Éric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management. Soit plus de 21 % contre près de 29 % pour
l'Allemagne (15,1 milliards). De l'argent que les deux pays ont eux-mêmes emprunté sur les marchés, ce qui a aggravé leur taux d'endettement. 

À ces 11,38 milliards de facture potentielle, il faut ajouter la part française dans le deuxième plan d'aide à la Grèce destiné à faciliter la restructuration de la dette détenue par les investisseurs privés, à recapitaliser les banques grecques en difficulté et à continuer à financer le pays. Cette contribution passe par des garanties apportées sur les emprunts du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Cette institution de sauvetage provisoire de la zone euro a déjà prêté 141,8 milliards à la Grèce sur plus de 30 ans avec une période de 10 ans sans versement d'intérêts. Le montant des engagements hexagonaux se monte à 31 milliards d'euros. L'Allemagne, elle, est exposée à hauteur de 41,3 milliards. Au total, si la Grèce faisait défaut sur la totalité de sa dette européenne - ce qui reste toutefois assez improbable -, la facture pour la France pourrait ainsi atteindre 42 milliards, soit l'équivalent du coût du pacte de responsabilité de François Hollande d'ici à 2017 ! 

Des risques indirects
À tout cela, il faudrait encore ajouter les pertes des banques nationales de la zone euro
("eurosystème"). Au 31 décembre 2013, celles-ci possédaient encore 22,7 milliards de dette grecque. "Selon les estimations, ce montant serait encore d'une vingtaine de milliards en 2014", explique Éric Dor. En raison de sa part dans le capital de la BCE, la Banque de France est ainsi exposée à hauteur de quelque 2,6 milliards, a calculé l'économiste. La Grèce était enfin endettée vis-à-vis de l'Eurosystème à hauteur de 41,7 milliards d'euros en novembre 2014 dans le cadre du système de paiement interbancaire Target 2. En cas de sortie de la zone euro, la Banque de Grèce resterait endettée de ce montant vis-à-vis de la BCE sans pouvoir le convertir en nouvelle drachme. Il y a alors fort à parier qu'elle ne pourra pas honorer cet engagement. La perte pour la BCE serait donc répartie sur les banques nationales restant dans la zone euro, dont 8,5 milliards pour la Banque de France. À leur tour, les banques nationales devraient alors théoriquement être recapitalisées par leurs États respectifs. À tout le moins, elles seraient contraintes de réduire les dividendes qu'elles leur versent habituellement grâce aux gains réalisés sur les opérations de politique monétaire. 

Un secteur bancaire moins exposé
En revanche, les banques françaises privées ont considérablement réduit leur exposition au secteur public grec, tout comme les banques allemandes. Leur engagement s'est effondré depuis 2010 de plus de 14 milliards de dollars, à 120 millions, a calculé Éric Dor.
Ce désengagement est similaire sur le secteur privé grec. Les banques françaises ne sont plus exposées qu'à hauteur de 1,646 milliard, une somme à laquelle il faut tout de même ajouter 471 millions de dollars d'expositions vis-à-vis des banques grecques. 

C'est peut-être un des éléments qui explique pourquoi le gouvernement allemand se dit prêt à assumer une sortie de la Grèce de la zone euro, plutôt que de devoir lui accorder une nouvelle remise de dette sans pouvoir s'assurer que l'État poursuivra les réformes nécessaires pour vivre avec la monnaie unique.





E) - L’union économique eurasienne affaiblit la Russie

La Pologne et les Etats-Unis n'ont rien à craindre de l'Union économique eurasienne (UEE), estime le quotidien conservateur Rzeczpospolita. En effet, celle-ci est avant tout un facteur de coût pour la Russie : "Cette union a pour unique objectif de maintenir les transferts financiers entre la Russie et les autres Etats [Kazakhstan, Biélorussie, Kirghizstan et Arménie]. Ces capitaux sont à la base du fonctionnement des économies de ces pays. Mais ils ne resteront les vassaux du Kremlin que tant qu'ils en tireront quelque intérêt financier - pas une minute de plus. D'autres organisations postsoviétiques n'ont pas posé problème à la Pologne et aux Etats- Unis. Citons notamment la CEI (Communauté d'Etats indépendants), l'Union de la Russie et de la Biélorussie ou encore l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC). ... Aucune de ces organisations n'a réussi à renforcer la Russie - au contraire, elles ont affaibli Moscou, parce qu'elles prévoient des aides économiques et financières qui bénéficient aux partenaires faibles de ces alliances."



F) - Le porte-avions Charles de Gaulle envoyé pour lutter contre Daesh ?

Le Charles de Gaulle et sa trentaine d'appareils, notamment des chasseurs-bombardiers 
Rafale, qui sont basés pour une partie aux Émirats arabes unis et pour l'autre en Jordanie, et des Super Etendards, devraient se positionner dans le Golfe persique. ( Le départ du groupe aéronaval devrait être officiellement annoncé lors des vœux annuels aux armées que le président François Hollande doit présenter le 14 janvier, selon le site Internet "Mer et marine". Le groupe viendrait en assistance dans la campagne de bombardements aériens contre les forces jihadistes de l'État islamique (Daesh). Un départ imminent ? Le porte-avions français Charles de Gaulle et son groupe naval se prépareraient à partir pour la région du Golfe, où ils devraient être engagés dans les combats contre Daesh (État islamique), selon les informations du site Internet spécialisé Mer et marine. Aucune confirmation n'a pu être obtenue dans l'immédiat auprès de l'Elysée, de l'état-major des Armées ou du service de communication de la Marine (Sirpa-Marine). 

UNE ANNONCE ATTENDUE LE 14 JANVIER
Selon Mer et marine, généralement bien informé sur les affaires maritimes, le départ du groupe aéronaval devrait être officiellement annoncé lors des vœux annuels aux armées que le président François Hollande doit présenter le 14 janvier, à bord du navire au large de Toulon (sud), son port d'attache. Pour cette cérémonie, il est prévu que le porte-avions appareille de Toulon la veille, le 13 janvier. Selon des sources concordantes proches du dossier, la mission du bâtiment et des navires qui l'accompagnent, dont un sous-marin d'attaque, devrait durer jusqu'à la mi-mai. 

BOMBARDEMENTS AERIENS
Toujours selon le site Internet, le Charles de Gaulle et sa trentaine d'appareils, notamment
des chasseurs-bombardiers Rafale, qui sont basés pour une partie aux Émirats Arabes Unis et pour l'autre en Jordanie, et des Super Etendards, devraient se positionner dans le Golfe persique. Ils prendraient alors part à la campagne de bombardements aériens menée par une coalition internationale dirigée par les États-Unis contre les forces jihadistes du groupe Daesh La France, qui participe à cette campagne uniquement sur le théâtre irakien, dispose dans la région pour l'instant, dans le cadre de l'opération Chammal déclenchée le 19 septembre, de neuf avions Rafale, d'un avion de ravitaillement C135, d'un avion de détection et de contrôle aéroporté E-3F Awacs et d'un avion de patrouille maritime Atlantique 2. 






G) - L’ONU impuissante face aux conflits

Près de deux millions de Syriens ont fui en Turquie, au Liban, en Irak, en Jordanie et en Afrique du Nord 
Le conflit syrien, qui a commencé en mars 2011, a déjà fait plus de 200 000 morts en près de quatre ans, dont plus de 76 000 en 2014, selon des données de l’Observatoire syrien des droits de l’homme. L’Organisation des Nations unies a-t-elle atteint ses limites en matière de prévention et de règlement des conflits ? Il faut penser que oui au regard des inquiétudes affichées par ses représentants. Pas plus loin qu’hier, le haut commissaire de l’ONU pour les réfugiés, Antonio Guterres, a estimé que l’exode de millions de réfugiés victimes des guerres en Syrie et en Irak démontre l’impuissance de la communauté internationale «à empêcher et à régler les conflits». «Une méga-crise, la méga-crise qui sévit en Syrie et en Irak ainsi que les nouvelles et les anciennes crises qui n’en finissent pas ont créé le plus grave problème de
déplacement de populations depuis la Seconde Guerre mondiale», a noté en outre M. Guterres lors de la réunion annuelle des ambassadeurs turcs à Ankara. 

50 millions de réfugiés
Dans ce contexte, le responsable du HCR a rappeler que «plus de 13 millions de personnes ont été déplacées à cause des conflits en Syrie et en Irak, la crise s’est aggravée dans le Soudan du Sud pour gagner le Tchad voisin, la situation s’est dégradée en Libye et une nouvelle crise sévit en Ukraine». «Tout cela montre que la communauté internationale a largement perdu sa capacité à empêcher et à régler les conflits», a insisté M. Guterres. «Nous vivons dans un monde où l’imprévisibilité et l’impunité sont devenues les règles du jeu. Un monde où il n’y a plus de direction efficace, un monde où les conflit se multiplient et où les anciennes crises restent latentes, ce qui a des conséquences dramatiques en termes humanitaires», a poursuivi le diplomate. Le responsable onusien avait annoncé, en juin dernier, que le nombre de réfugiés recensés sur l’ensemble de la planète avait dépassé la barre des 50 millions pour la première fois depuis 1945. La Turquie accueille officiellement plus de 1,6 million de Syriens sur son territoire. La plupart de ces réfugiés vivent dans les villes turques dans la précarité la plus extrême. Pour rester dans le cas de la crise syrienne, il faut savoir qu’au moins 160 enfants ont perdu la vie dans des attaques contre des écoles en 2014, alors que près de 1,6 million d’enfants ont dû interrompre leur scolarité en raison du conflit. «Entre janvier et décembre, il y a eu au moins 68 attaques contre des écoles qui ont causé la mort d’au moins 160 enfants et blessé 343 autres», a déclaré lors d’une conférence de presse le porte-parole de l’Unicef, Christophe Boulierac. Il a précisé que ces chiffres étaient «certainement sous-estimés en raison de la difficulté d’accéder aux informations».  

Selon l’Unicef, entre 1,3 et 1,6 million d’enfants syriens ne peuvent aller à l’école en raison de l’insécurité qui règne sur le territoire. «Les écoles doivent rester des zones de paix et de confiance pour les enfants, sans peur de blessure ou de la mort», souligne l’Unicef. L’organisation onusienne a, par ailleurs, exprimé son inquiétude sur la situation dans certaines zones sous contrôle partiel ou total du groupe terroriste autoproclamé Etat islamique, notamment dans les provinces de Raqqa, Deir Ezzor et dans les zones rurales d’Alep. «Environ 670 000 enfants sont concernés» dans ces zones où les écoles sont parfois fermées, a expliqué M. Boulierac. Le conflit syrien qui a commencé en mars 2011 a déjà fait plus de 200 000 morts en près de quatre ans, dont plus de 76 000 en 2014, selon des données de l’Observatoire syrien des droits de l’homme. L’Unicef estime, pour sa part, que plus de 8 millions d’enfants ont été affectés par le conflit, dont 1,7 million sont actuellement réfugiés. 

Damas se plaint de visites «illégales» de Kouchner et McCain
La Syrie s’est plaint à l’ONU de ce que plusieurs personnalités politiques, dont l’ancien ministre français Bernard Kouchner, soient «entrées illégalement» sur son territoire et a demandé aux pays dont ils sont originaires de faire cesser cette «violation flagrante». Dans une lettre datée du 24 décembre et dont l’AFP a eu copie, l’ambassadeur syrien à l’ONU, Bachar Jaafari, cite aussi l’influent sénateur américain John McCain. Celui-ci est entré en mai 2013 en Syrie depuis la Turquie pour rencontrer, pendant quelques heures, des chefs rebelles syriens. M. Kouchner, ancien ministre des Affaires étrangères, s’est pour sa part rendu en novembre dernier dans les zones kurdes du nord de la Syrie «sans que le gouvernement syrien le sache ni donne son accord», souligne la lettre. Damas «tient les gouvernements des pays dont ces personnes sont originaires pour pleinement responsables de cette violation de sa souveraineté». La lettre, distribuée aux 15 pays membres du Conseil, demande au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et au Conseil de «faire pression sur 
ces gouvernements pour qu’ils prennent immédiatement les mesures nécessaires contre leurs ressortissants qui entrent illégalement en territoire syrien».






H) - Berlin se prépare à une sortie de la Grèce de la zone euro

Selon le Bild, les experts gouvernementaux s'inquiètent notamment de l'éventualité d'un effondrement du système bancaire grec dans le cas d'une sortie de la Grèce de la zone euro.

D'après le Bild, l'Allemagne échafauderait plusieurs scénarios en cas de victoire du parti de gauche Syriza, connu pour ses positions anti-austérité, lors des élections législatives
anticipées du 25 janvier. L'Allemagne se prépare à la possibilité d'une sortie de la Grèce de la zone euro, en prenant notamment en compte un éventuel mouvement de retrait massif des dépôts bancaires, rapporte mercredi 7 janvier le quotidien national Bild, citant des sources gouvernementales. D'après le journal, Berlin échafauderait plusieurs scénarios en cas de victoire du parti de gauche Syriza, connu pour ses positions anti-austérité, lors des élections législatives anticipées du 25 janvier. 

EFFONDREMENT DU SYSTEME BANCAIRE
Selon Bild, les experts gouvernementaux s'inquiètent notamment de l'éventualité d'un effondrement du système bancaire grec dans le cas d'une sortie de la Grèce de la zone euro. L'Union européenne devrait alors intervenir avec un plan de sauvetage représentant des milliards d'euros, poursuit le journal. Citant également des sources gouvernementales, Der Spiegel a écrit samedi 3 janvier que Berlin jugeait que la zone euro était aujourd'hui en mesure de faire face à une sortie de la Grèce si celle-ci devait s'avérer nécessaire. Dans la foulée de l'article du magazine, le vice-chancelier allemand, le social-démocrate Sigmar Gabriel, a dit que le gouvernement allemand souhaitait le maintien de la Grèce dans la zone euro, ajoutant que Berlin n'avait pas établi de plan pour anticiper le cas contraire. 

REVENIR SUR LES MESURES D'AUSTERITE
Le chef de file de Syriza, Alexis Tsipras, souhaite revenir sur les mesures d'austérité de ces dernières années et effacer une partie de la dette grecque s'il arrive au pouvoir à la faveur des élections du 25 janvier, pour lesquelles les sondages donnent son parti en tête des intentions de vote devant la Nouvelle démocratie (ND, droite) du Premier ministre Antonis Samaras.  

Les inquiétudes concernant la Grèce sont en partie responsables du net repli subi par les principales Bourses mondiales depuis le début de l'année.

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