Les années de formation
Il est le plus jeune fils de Michel Étienne Turgot, prévôt des
marchands de Paris, et de Madeleine Françoise Martineau, d'une ancienne
famille normande. Il est éduqué par l'Église, et à la
Sorbonne, à laquelle il est admis en
1749. Il s'appelle alors l'abbé de Brucourt. Il remet deux remarquables dissertations latines,
Sur les bénéfices que la religion chrétienne a apporté à l'espèce humaine, et sur
L'Histoire du progrès dans l'esprit humain. Le premier signe que nous avons de son intérêt pour l'
économie est une lettre de
1749 sur le billet de banque, écrit à son camarade l'abbé de Cicé, et réfutant la défense par l'abbé Terrasson du
système de Law.
Il se passionne pour la poésie et tente d'introduire dans la poétique
française les règles les de la prosodie latine. Sa traduction du
quatrième livre de l'
Éneide est accueillie par
Voltaire comme la seule traduction en prose où il ait trouvé le moindre entousiasme.
En
1750, il décide de ne pas rentrer dans les ordres, et s'en justifie, suivant Pierre Samuel
Du Pont de Nemours, en disant qu'il ne peut pas porter un masque toute sa vie. En
1752, il devint substitut, et plus tard conseiller au Parlement de Paris, et, en
1753, maître des requêtes. En
1754, il fait partie de la chambre royale qui siège pendant un exil du Parlement. En
1755 et
1756, il accompagne Jacques Claude Marie Vincent de
Gournay, alors intendant de commerce, dans ses tournées d'inspection dans les provinces, et en
1760, pendant qu'il voyage dans l'est de la France et en Suisse, il rendit visite à
Voltaire,
avec qui il se lie d'amitié. À Paris, il fréquente les salons, en
particulier ceux de Madame Graffigny — dont on suppose qu'il a voulu
épouser la nièce, Mademoiselle de Ligniville (« Minette »), plus tard
Madame Helvétius et son amie à vie — Marie Thérèse Rodet Geoffrin, Marie
Anne de Vichy-Chamrond, marquise du Deffand, Mademoiselle de Lespinasse
et la duchesse d'Envilie. C'est pendant cette période qu'il rencontre
les théoriciens physiocrates, François
Quesnay et Gournay, et avec eux Pierre Samuel Dupont de Nemours, l'abbé
André Morellet et d'autres économistes.
Parallèllement, il étudie les diverses branches de la science, et des langues à la fois ancienne et moderne. En
1753, il traduit les
Questions sur le commerce de l'anglais
Josias Tucker, et rédige ses
Lettres sur la tolérance, et un pamphlet,
Le Conciliateur, en défense de la tolérance religieuse. Entre
1755 et
1756, il composa divers articles pour l'
Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, et entre
1757 et
1760, un article sur les
Valeurs des monnaies, probablement pour le
Dictionnaire du commerce de l'abbé Morellet. En
1759, paraît son
Éloge de Gournay.
En août
1761,
Turgot est nommé intendant de la généralité de Limoges, laquelle inclut
certaines des régions les plus pauvres et les plus surtaxées de France.
Il y restera 13 ans. Il est déjà profondément marqué par les théories
de François
Quesnay et Jacques Claude Marie Vincent de
Gournay,
et s'emploie à les appliquer autant que possible dans sa province. Sa
première idée est de continuer le travail, déjà commencé par son
prédécesseur Tourny, de faire un relevé du territoire (
cadastre), afin d'arriver à une estimation plus exacte pour la
taille. Il obtient également une large réduction dans la contribution de la province. Il publie un
Avis sur l'assiette et la repartition de la taille (
1762–
1770),
et comme président de la Société d'agriculture de Limoges, offre des
prix pour des expérimentations sur le principe de taxation. Quesnay et
Honoré Gabriel Riqueti, comte de
Mirabeau
ont eux proposé une taxe proportionelle (« impôt de quotité »), mais
c'est une taxe distributive (« impôt de répartition ») que propose
Turgot. Une autre idée est la substitution en ce qui concerne les
corvées d'une taxe en monnaie levée sur la province entière, la
construction de routes étant donnée à des contracteurs, ceci afin
d'établir un réseau solide tout en distribuant plus justement les
dépenses de sa construction.
En
1769, il écrit son
Mémoire sur les prêts à intérêt,
à l'occasion de la crise provoquée par un scandale financier à
Angoulême. C'est la première fois que la question du prêt est traitée
scientifiquement, et non plus seulement d'un point de vue religieux.
Parmi les autres travaux écrits pendant l'intendance de Turgot figurent
le
Mémoire sur les mines et carrières et le
Mémoire sur la marque des fers,
dans lesquels il proteste contre les normes étatiques et l'intervention
de l'État, et défend la compétition libre. En même temps, il fait
beaucoup pour encourager l'agriculture et les industries locales, entre
autres les manufactures de porcelaine. Pendant la famine de
1770–
1771,
il applique aux propriétaires terriens l'obligation d'aider les pauvres
et particulièrement leurs métayers, et organise dans tous les ateliers
de la province des bureaux de charité pour fournir une activité à ceux
capables de travailler, et un secours aux infirmes. Parallèllement, il
condamne la charité non discriminatoire. On peut noter que Turgot fait
des curés, quand il peut, les agents de ses charités et de ses réformes.
C'est en
1770 qu'il écrit ses fameuses
Lettres sur la liberté du commerce des grains adressées au contrôleur général, l'abbé
Terray.
Trois de ces lettres ont disparu, ayant été envoyées à Louis XVI par
Turgot plus tard et jamais récupérées, mais celles qui restent
démontrent que le commerce libre est de l'intérêt du propriétaire
foncier, du fermier et aussi du consommateur, et demandent énergiquement
un retrait des restrictions.
L'un des travaux les plus connus de Turgot,
Réflexions sur la formation et la distribution des richesses, est écrit au début de son intendance, au bénéfice de deux étudiants chinois. En
1766, il rédige les
Éphémérides du citoyen, qui paraissent en
1769–
1770 dans le journal de Pierre Samuel
Du Pont de Nemours, et sont publiés séparement en
1776. Dupont, cependant, a altéré le texte pour le mettre plus en accord avec la doctrine de François
Quesnay, ce qui refroidit ses relations avec Turgot.
Après avoir tracé l'origine du commerce, Turgot développe la théorie de
Quesnay
selon laquelle le sol est la seule source de richesse, et divise la
société en trois classes, les cultivateurs, les salariés ou les
artisans, et les propriétaires. Après avoir discuté de l'évolution des
différents systèmes de culture, de la nature des échanges et des
négociations, de la monnaie, et de la fonction du capital, il choisit la
théorie de l'« impôt unique », selon laquelle seul le produit net du
sol doit être taxé. En outre, il demande encore une fois la liberté
totale du commerce et de l'industrie.
Turgot est nommé ministre de Jean-Frédéric Phélypeaux, comte de
Maurepas, le mentor du roi, auquel il a été chaudement recommandé par
l'abbé Very, un ami commun. Sa nomination comme ministre de la Marine en
juillet
1774
est bien accueillie, notamment par les philosophes. Un mois plus tard,
il est nommé contrôleur général. Son premier acte est de soumettre au
roi une déclaration de principes : pas de
banqueroute,
pas d'augmentation de la taxation, pas d'emprunt. La politique de
Turgot, face à une situation financière désespérée, est de contraindre à
de strictes économies dans tous les ministères. Toutes les dépenses
doivent désormais être soumises pour approbation au contrôleur. Un
certain nombre de sinécures sont supprimées, et leurs titulaires
dédommagés. Les abus des « acquis au comptant » sont combattus,
cependant que Turgot fait appel personnellement au roi contre le don
généreux d'emplois et de pensions.
Il envisage également une grande réforme de la ferme générale,
mais se contente, au début, d'imposer ses conditions lors du
renouvellement des baux : employés plus efficaces, suppression des abus
des
croupes (nom donné à une classe de pensions) — réforme que l'abbé
Terray
avait esquivé, ayant noté combien de personnes bien placées y étaient
intéressées. Turgot annule également certains fermages, comme ceux pour
la fabrication de la poudre à canon et l'administration des messageries,
auparavant était confiée à une société dont Antoine Laurent
Lavoisier
est conseiller. Plus tard, il remplace le service de diligence par
d'autres plus confortables qui sont surnommées « turgotines ». Il
prépare un budget ordinaire.
Les mesures de Turgot réussissent à réduire considérablement le déficit, et améliorent tant le crédit national qu'en
1776,
juste avant sa chute, il lui est possible de négocier un prêt à 4% avec
des banquiers, mais le déficit est encore si important qu'il l'empêche
d'essayer immédiatement la mise en place de son idée favorite, le
remplacement des impôts indirects par une taxe sur l'immobilier. Il
supprime cependant bon nombre d'octrois et de taxes mineures, et
s'oppose sur la base des finances du pays à la participation de la
France à la guerre d'indépendance des États-Unis, sans succès.
Turgot immédiatement se met au travail pour établir le
libre-échange dans le domaine des grains, mais son décret, signé le 13
septembre
1774,
rencontre une forte opposition dans le Conseil même du roi. Le
préambule de ce décret, exposant les doctrines sur lesquelles il est
fondé, lui gagne l'éloge des philosophes mais aussi les railleries des
beaux esprits, aussi Turgot le réécrit-il trois fois pour le rendre « si
purifié que n'importe quel juge de village pourrait l'expliquer aux
paysans. » Turgot devient la cible de tous ceux qui ont pris intérêt aux
spéculations sur le grain sous le régime de l'abbé
Terray, ce qui inclut des princes du sang. De plus, le commerce des blés a été un sujet favori des salons et spirituel
Ferdinando Galiani, l'adversaire des physiocrates, a de nombreux partisans. L'opposition de l'époque est le fait de Simon Nicolas Henri
Linguet et
Jacques Necker, qui en
1775 a publié son
Essai sur la législation et le commerce des grains après en avoir demandé la permission à Turgot.
Pourtant, le pire ennemi de Turgot s'avère être la médiocre moisson de
1774, qui mène à la hausse du prix de pain pendant l'hiver
1774 et le printemps
1775.
En avril les perturbations surgissent à Dijon, et au début de mai ont
lieu les grandes émeutes frumentaires connues comme la « guerre des
farines », qui peut être considéré comme le signe avant-coureur de la
Révolution française.
Turgot fait preuve d'une grande fermeté et d'un grand esprit de
décision dans la répression des émeutes, et bénéficie du soutien de
Louis XVI. Sa position est affermie par l'entrée de Chrétien Guillaume de
Lamoignon de Malesherbes parmi les ministres en juillet
1775.
Pour ce qui est de ses relations avec
Adam Smith,
Turgot écrit : « Je me suis flatté, même de son amitié et estime, je
n'avais jamais celui de sa correspondance », mais il n'y a aucun doute
que
Adam Smith a rencontré Turgot à Paris et il est généralement admis que
La richesse des nations doit beaucoup à Turgot.
Enfin, Turgot présente au Conseil du roi en janvier
1776 ses fameux
Six décrets.
L'un d'eux étendit à Paris le libre-échange des grains. Deux autres
édits modifiaient l'imposition du bétail et du suif. Mais les deux
décrets qui ont rencontré la plus forte opposition sont celui abolissant
les corvées et celui supprimant les jurandes et maîtrises (
corporations).
Dans le préambule, Turgot annonce courageusement son objectif d'abolir
les privilèges et de soumettre les trois ordres à taxation — le clergé
en a ensuite été exempté, à la demande de Jean-Frédéric Phélypeaux,
comte de
Maurepas.
Dans le préambule au décret sur les jurandes, il fixe comme principe le
droit de chaque homme pour travailler, sans restriction.
Il obtient l'enregistrement des décrets par le lit de justice du
12 mars, mais à ce moment-là, presque tout le monde est contre lui. Ses
attaques contre les privilèges lui ont gagné la haine de la noblesse et
du Parlement de Paris ; sa réforme de la Maison du roi, celle de la
cour ; sa législation de libre-échange celle « des financiers » ; ses
avis sur la tolérance et sa campagne contre les serments du sacre]
vis-à-vis des protestants, celui du clergé ; enfin, son décret sur les
jurandes celui de la bourgeoisie riche de Paris et d'autres, comme le
prince de Conti, dont les intérêts sont engagés. La reine
Marie-Antoinette ne l'aime guère depuis qu'il s'est opposé à l'octroi de
faveurs à ses favoris, comme Yolande de Polastron, duchesse de
Polignac.
Tout pouvait encore aller bien si Turgot conservait la confiance
du roi, mais le roi ne manque pas de voir que Turgot n'a pas l'appui des
autres ministres. Même son ami
Lamoignon de Malesherbes pense qu'il est trop impétueux. L'impopularité de
Maurepas
va également croissante. Que ce soit par jalousie de l'ascendant que
Turgot a acquis sur le roi, ou par l'incompatibilité naturelle de leurs
personnages,
Maurepas bascule contre Turgot et se réconcilie avec la reine. C'est vers cette époque qu'apparaît une brochure,
Songe de M. Maurepas, généralement attribué au comte de Provence (futur Louis XVIII), contenant une caricature acide de Turgot.
Avec les physiocrates, Turgot croit en l'aspect éclairé de l'
absolutisme politique
et compte sur le roi pour mener à bien toutes les réformes. Quant aux
Parlements, il s'est opposé à toute intervention de leur part dans la
législation, considérant qu'ils n'avaient aucune compétence hors la
sphère de la justice. Il reconnaît le danger des vieux Parlements, mais
se révèle incapable de s'y opposer efficacement depuis qu'il a été
associé au renvoi de René Nicolas Charles Augustin de
Maupéou et l'abbé
Terray et semble avoir sous-estimé leur pouvoir. Il s'oppose à la convocation des États généraux préconisée par
Lamoignon de Malesherbes le 6 mai
1775, probablement en raison de l'important pouvoir qu'y ont les deux ordres privilégiés. Son plan personnel se trouve dans son
Mémoire sur les municipalités,
qui a été soumis d'une façon informelle au roi. Dans le système proposé
par Turgot, les propriétaires seuls doivent former l'électorat, aucune
distinction étant faite entre les trois ordres. Les habitants des villes
doivent élire des représentants par zone municipale, qui à leur tour
élisent les municipalités provinciales, et ces dernières une grande
municipalité, qui n'a aucun pouvoir législatif, mais doit être consultée
pour l'établissement des taxes. Il faut y combiner un système complet
d'éducation, et de charité visant à soulager les pauvres.
Louis XVI
recule devant l'ampleur du plan de Turgot. Il reste à Turgot à choisir
entre une réforme superficielle du système existant et une réforme
totale des privilèges — mais il aurait fallu pour cela un ministre
populaire et un roi fort.
La chute
La cause immédiate de la chute de Turgot est incertaine. Certains
parlent d'un complot, de lettres fabriquées de toutes pièces, et
attribuées à Turgot, contenant des attaques sur Marie-Antoinette, d'une
série de notes sur le budget de Turgot préparée, dit-on, par
Jacques Necker
et montrée au roi pour prouver son incapacité. D'autres l'attribuent à
la reine et il n'y a aucun doute sur sa haine de Turgot depuis qu'il a
soutenu Charles Gravier, comte de Vergennes dans l'affaire du comte de
Guines.
D'autres l'attribuent à une intrigue de
Maurepas. En effet, après la démission de
Lamoignon de Malesherbes en avril
1776,
Turgot tente de placer l'un de ses candidats. Très mécontent, Maurepas
propose au roi comme son successeur un nommé Amelot. Turgot,
l'apprenant, écrit une lettre indignée au roi, et lui montre en termes
énergiques les dangers d'un ministère faible, se plaint amèrement de
l'indécision de Maurepas et la soumission de ce dernier aux intrigues de
cour. Bien que Turgot ait demandé à
Louis XVI de garder la lettre confidentielle, le roi la montre à Maurepas.
Avec tous ces ennemis, la chute de Turgot est certaine, mais il
tente de rester à son poste assez longtemps pour finir son projet de la
réforme de la Maison du roi, avant de démissionner. Cela ne lui est même
pas accordé : le 12 mai, on lui a ordonne d'envoyer sa démission. Il se
retire aussitôt à la Roche-Guyon au château de la duchesse d'Enville,
puis retourne à Paris, où il consacre le reste de sa vie aux études
scientifiques et littéraires. En
1777, il est fait vice-président de l'Académie des inscriptions et des belles-lettres.
Personnalité
Turgot est un homme simple, honorable et droit, passionné de justice
et de vérité. C'est un idéaliste, ses ennemis diraient un doctrinaire et
les termes « des droits naturels », « la loi naturelle », se trouvent
fréquemment sous sa plume. Ses amis parlent de son charme et de sa
gaieté dans les relations intimes, mais entouré d'étrangers, il est
silencieux et maladroit, et donne une impression de réserve et de
dédain. Tant ses amis que ses ennemis s'accordent sur un point : sa
brusquerie et son manque le tact dans les relations humaines ; Oncken
signale, avec raison, le ton de « maître d'école » de sa correspondance,
même avec le roi.
Les jugements sont partagés à propos de ses qualités d'homme
d'État, mais on considère généralement qu'il est à l'origine d'un grand
nombre des réformes et des idées de la
Révolution française.
Souvent ce ne sont pas ses idées propres, mais on lui doit de les
rendre publiques. Concernant ses qualités d'économiste, les avis sont
aussi partagés. Oncken, pour prendre le plus négatif des avis, le voit
comme un mauvais
physiocrate et un penseur confus, tandis que
Léon Say considère qu'il est le fondateur de l'
économie politique moderne et que « bien qu'il ait échoué au 18e siècle, il a triomphé au 19e. »
Richesse
De Wikiberal
La
richesse est l'abondance de biens ou de revenus. En
économie politique, elle désigne l'ensemble des biens dont l'usage ou la
propriété fournit une satisfaction
[1].
Le véritable riche n'est pas membre de la nomenklatura étatique
et ne bénéficie pas du pillage fiscal (il en est la principale victime,
au nom de la
démagogie politique). Sa richesse (hormis dans le cas très particulier de la
thésaurisation)
profite à l'ensemble de la société, soit qu'il la dépense, soit qu'il
l'investisse (le riche est contraint d'investir son superflu dans des
opérations profitables pour éviter qu'il se déprécie)
[2]. Comme le dit
Frédéric Bastiat, justifiant la moralité de la richesse :
« le profit de l'un est le profit de l'autre ». On pourrait appeler cela le
« paradoxe du riche » :
le riche, s'il veut le rester, est obligé de mettre son argent dans le
circuit économique, par la dépense ou l'épargne, au bénéfice du reste de
la société. Quand on le contraint par la force à le faire (
impôt), cela diminue d'autant le volume de cet argent
« utile », détourné par la pègre
étatique.
Le
collectivisme affirme souvent, fidèle à sa conception erronée et démagogique de l'
égalité, que
« les riches s'enrichissent sur le dos des pauvres ». C'est prétendre de façon malthusienne et manichéenne que l'
économie ne peut jamais créer de valeur et que l'
échange est un jeu à somme nulle, ce qui justifie le
vol étatique et la redistribution forcée des revenus, sous prétexte que les
pauvres deviendraient toujours plus pauvres. L'évolution du
capitalisme
montre que l'enrichissement est toujours partagé, et que le pauvre
d'une société capitaliste est nettement plus riche que le pauvre d'une
société
socialiste.
Jalousie, quand tu nous tiens…
La jalousie est un sentiment profondément ancré en l'homme. Le
« jeu de l'ultimatum »[3], bien connu en
sociologie,
montre que la plupart des gens préfèrent renoncer à un gain plutôt que
d'accepter que leurs semblables gagnent davantage qu'eux, ce qu'ils
jugent
« injuste ». En dernier ressort, les doctrines
collectivistes reposent sur la
jalousie sociale, ce qui les conduit de façon nihiliste à préférer la
pauvreté pour tous à une richesse inégalement partagée.
Ceux qui sont révoltés par la richesse de certains (sentiment
humainement compréhensible) devraient se poser la seule question qui
compte : quelle est l'origine de cette richesse ? Provient-elle de la
coercition / de la
violence, ou de l'
échange libre ? En laissant de côté tout sentiment de jalousie et d'envie,
suis-je personnellement lésé par cette richesse ?
Le
libéralisme
est bien une idéologie pour les riches (comme l'affirment certains),
oui, mais aussi pour les moins riches, et pour les pauvres : sa
préoccupation n'est pas d'entériner les différences sociales, mais de
garantir le
droit légitime de chacun en empêchant la
loi du plus fort d'instaurer des privilèges. Derrière chaque fortune mal acquise on trouvera toujours un homme de l'État :
« si les riches ne sont pas puissants, ni les puissants riches, ça ne dure généralement pas très longtemps » (
François Guillaumat). Alors que le
collectivisme garantit la même pauvreté à tous — sauf à la nomenklatura étatique — seul le libéralisme permet aux pauvres de devenir riches :
« Les riches, les propriétaires d’établissements déjà en
activité, n’ont pas d’intérêt de classe spécial dans le maintien de la
libre concurrence.
Ils sont contre la confiscation et l’expropriation de leurs fortunes,
mais leurs situations acquises les inclinent plutôt en faveur de mesures
empêchant des nouveaux venus de mettre en jeu leur position. Les gens
qui combattent pour la libre entreprise et la libre concurrence ne
défendent pas les intérêts de ceux qui sont riches aujourd’hui. Ils
réclament les mains libres pour les inconnus qui seront les
entrepreneurs de demain et dont l’esprit inventif rendra la vie des
générations à venir plus agréable. Ils veulent que la voie reste ouverte
à de nouvelles améliorations économiques. Ce sont les avocats du
progrès économique. »
— Ludwig von Mises, L’Action humaine
« Le fossé entre riches et pauvres s'élargit »
Si tant est que cette affirmation soit exacte, on oublie aussi de
préciser que la condition des pauvres s'améliore, ce qui est le fait le
plus important. Il est impossible que la richesse augmente de façon
globale sans que tous en profitent directement ou indirectement. Les
antilibéraux, qui préfèreraient la mise en place d'une
spoliation
étatique directement à leur bénéfice, ont l'habitude de contester ce
qu'ils dénigrent ainsi sous le nom de "théorie du ruissellement"
[4], mais c'est une réalité économique.
Même si le fossé entre riches et pauvres s'élargit en valeur absolue (car les « riches »
d'aujourd'hui sont plus riches que ceux d'il y a un siècle), il se
rétrécit au contraire en valeur relative (les bas salaires ou les
salaires moyens sont bien moins éloignés des hauts revenus
qu'autrefois).
Comme
Margaret Thatcher l'expliquait
[5], le souhait des
« progressistes » de
« réduire le fossé entre pauvres et riches » signifie qu'ils sont d'accord pour que les
« pauvres » soient encore plus pauvres pourvu que les
« riches »
soient moins riches. Pour eux, il est implicite que les riches ne sont
pas riches par leur propre mérite, mais parce qu'ils volent les pauvres
(d'où ce
« fossé » qui
s'accroîtrait entre eux). Il leur est indifférent que le sort des
pauvres s'améliore dans une société libérale, ce qui importe pour eux
est que les riches ne soient pas
« trop riches » : ce n'est donc pas autre chose qu'une expression de l'éternelle
jalousie sociale déjà dénoncée par
Tocqueville à propos de la
France :
« Les Français préfèrent l'égalité dans la misère à la prospérité dans l'inégalité. »
Par ailleurs, la dichotomie riche/pauvre n'a fondamentalement pas de sens : on est toujours le
« riche » ou le
« pauvre » de quelqu'un. A partir de quel moment est-on riche ou pauvre ? Une telle dichotomie n'a d'intérêt que pour les
collectivistes qui veulent instaurer à tout prix l'
égalitarisme en excitant la
jalousie sociale, en faisant croire que rendre les riches moins riches rendra les pauvres moins pauvres.
En outre, la richesse n'est jamais une donnée statique : la
plupart des "riches" sont des entrepreneurs à succès et l'on évalue leur
"fortune" en comptabilisant les parts qu'ils détiennent dans leur
entreprise ; cette évaluation est très fluctuante et peut énormément
diminuer si l'entreprise fait de mauvaises affaires et résiste mal à la
concurrence.
En revanche, il est clair que le
capitalisme de connivence
a pour effet de créer une classe de riches illégitimes, car leur
richesse dépend de l'action politique et étatique en leur faveur (
protectionnisme, établissement de
monopoles de droit, législation ou règlementation favorables, etc.). Les politiques d'argent facile des
banques centrales
ont aussi pour effet d'enrichir indûment les riches, premiers
bénéficiaires de l'accroissement de la masse monétaire et de la création
de bulles dans les actifs financiers.
Qui fait partie des fameux "1 %" ?
Le site web
Global Rich List
permet d'évaluer sa richesse personnelle au niveau mondial. On peut
ainsi voir que la limite pour faire partie du 1 % des personnes les plus
riches du monde est environ de 2.300 €/mois net (ce qui y inclut tous
les membres du gouvernement français). Si l'on suivait la doctrine
collectiviste, toute personne au-delà de ce seuil de revenu devrait être
forcée à donner plus de la moitié de ses revenus. Pourtant, les
personnes préconisant ce type de politique choisissent un seuil de
revenu arbitraire qui sera bien entendu supérieur à leur propre revenu,
afin d'éviter de devoir se soumettre à leur propre
idéologie. Cela illustre bien l'idée qu'on est toujours le "pauvre" ou le "riche" de quelqu'un d'autre.
Un des principaux effets de l'
interventionnisme étatique est d'enrichir certaines catégories de personnes déjà riches :
Répartition
De Wikiberal
Le problème de la répartition
La
valeur ajoutée représente, pour l'
entreprise, la différence entre son
chiffre d'affaires
et la valeur des biens et des services achetés à d'autres entreprises
(consommation intermédiaire). La valeur ajoutée, au plan
microéconomique, mesure donc la
richesse
produite par l'entreprise. Cette richesse, issue de l'activité propre
de l'entreprise, est partagée entre six partenaires. Il s'agit :
- des salariés (salaires, participation financière, procédures d'intéressement…)
- de l'État et des collectivités locales (impôts et taxes)
- des organismes sociaux
- des banques, s'il y a lieu (intérêts de la dette),
- des propriétaires de l'entreprise (dividendes)
- et enfin de l'entreprise elle même (source de son autofinancement).
La solution selon Ricardo
David Ricardo (
Principes d'économie politique et de l'impôt)
est un des premiers économistes à penser que l'un des objectifs de la
science économique est d'étudier et de comprendre les lois qui
gouvernent la répartition des richesses. Son approche est en quelque
sorte une synthèse de la pensée classique de l'époque sur cette
question. Ricardo distingue trois catégories de revenus :
- la rente qui rémunère les propriétaires fonciers ;
- le profit qui récompense l'entrepreneur ;
- le salaire qui serait censé se fixer au niveau du minimum de subsistance, conformément aux enseignements de Thomas Malthus (le nombre de naissances croit avec l'augmentation des revenus, théorie erronée puisque les faits prouvent le contraire) et de Ferdinand Lassalle (ce dernier élaborant la « loi d'airain des salaires »
qui stipule que dans une économie de marché le salaire moyen ne dépasse
jamais ce qui est indispensable, conformément aux habitudes nationales,
pour entretenir l'existence des ouvriers et continuer la race).
L'analyse de Ricardo repose sur un concept central, celui de la
productivité marginale décroissante de la terre.
En effet, au fur et à mesure de la croissance des besoins à satisfaire,
les hommes se trouvent dans l'obligation de cultiver des terres de
moins en moins fertiles. Or la conséquence de ceci est de faire
augmenter la rente et parallèlement le prix du blé, ce phénomène
entraînant une pression à la baisse des
profits. Ricardo propose donc une suppression des
corn laws qui
protégeaient les propriétaires fonciers de la
concurrence extérieure. Ce n'est donc pas le
capitalisme
naissant qui est la cause de la misère de la population, mais bien les
aristocrates anglais (les propriétaires des terres) et l'État qui
imposent des barrières à la libre circulation des marchandises, à la
concurrence, ce qui provoque une hausse du prix du blé. Le gouvernement
anglais va suivre les enseignements de Ricardo puisque les
corn laws seront supprimées en
1846.
On peut ici faire un parallèle avec la situation actuelle concernant le
textile chinois puisque sa libre importation entraîne une baisse des
prix de certains vêtements. Or les protectionnistes veulent imposer une
règlementation régissant les flux de cette marchandise…
Selon C. Morrison, la thèse de Ricardo éclaire les conflits en
matière de répartition des revenus au XIXe siècle dans les pays en
développement, mais elle n'est plus pertinente aujourd'hui dans une
économie où la rente foncière représente moins d'un pourcent des revenus
du capital.
La solution selon Marx
Karl Marx
élabore aussi une théorie de la répartition mais contrairement à la
théorie de Ricardo qui repose sur le concept de la productivité
marginale décroissante, celle de Marx est centrée sur la notion de
plus-value, définie comme la différence entre la
valeur d'usage de la
force de travail
et sa valeur d'échange. L'auteur souligne qu'il n'existe pas de loi
absolue régissant la répartition des revenus mais seulement des lois
relatives, par rapport à une organisation sociale donnée. Pour Marx, le
partage essentiel s'effectue, dans une société capitaliste entre deux
types de revenus, le
salaire et le
profit,
ce partage étant lui-même l'expression de l'antagonisme qui existe
entre deux classes aux intérêts opposés à savoir les salariés et les
capitalistes. En effet, le salarié cherche une augmentation de son
salaire et le capitaliste veut gonfler ses profits. Or une augmentation
des salaires, puisque ceux-ci représentent un coût pour l'
entreprise, ne peut que pénaliser les profits. Fondamentalement pour Marx c'est par la vente des marchandises, et donc par l'acte d'
échange,
que la marchandise elle-même, la force de travail et la plus-value sont
métamorphosées en leur expression monétaire, à savoir respectivement en
prix, salaire et profit. Dans cette vision des choses, la
monnaie
n'est donc pas seulement un moyen de lubrifier les échanges mais elle
est aussi un instrument de domination. Pour Marx le marché est un lieu
de
concurrence, cette concurrence entraîne une substitution croissante entre travail
mort
(machines) et travail vivant (salariés). Or seul le travail vivant est
créateur de valeurs car seul ce type de travail permet à l'homme
d'accéder à la satisfaction (les machines n'ont fondamentalement pas
d'exigence de satisfaction). Dans ces conditions les profits ne peuvent
que baisser puisqu'ils dépendent de la manière dont l'homme accomplit
ses actes de satisfaction.
La solution selon l'école autrichienne
L'
école autrichienne, et notamment
F. A. Hayek, s'oppose à cette vision qui stipule que le partage et plus précisément le
marché seraient l'expression d'antagonismes. Le marché est un lieu de sélection et la
monnaie
n'est pas un instrument de domination mais un outil qui permet de
diffuser de l'information. Étant donné que les hommes sont différents,
la répartition des revenus ne peut pas être égalitaire. L'
égalité matérielle est une fiction et seule l'égalité devant la
loi est pertinente. Dans ce sens, il n'y a pas de loi qui gouverne la répartition des richesses. Ainsi traiter les salariés, les
entrepreneurs, et les propriétaires de l'
entreprise
de manière égale conduit justement à des régimes autoritaires. Hayek
estime qu'une classe de riches et une classe de pauvres est nécessaire
puisque la classe des riches représente en quelque sorte une classe de
testeurs, le progrès se diffusant lentement des classes riches aux
classes pauvres. L'analyse de la
pauvreté
conforte le raisonnement d'Hayek. En effet l'amélioration des
conditions de vie, liée aux progrès de la médecine, observée au début de
la révolution industrielle, a d'abord touché la classe bourgeoise puis
ce progrès s'est lentement propagé à l'ensemble de la population. Toute
tentative des pouvoirs publics pour essayer d'instaurer une répartition
plus
égalitaire
des ressources est absurde car aucun homme ne dispose d'assez de
sagesse pour pouvoir construire rationnellement la société. De plus, les
avantages accordés à certains constituent autant de handicaps pour
d'autres. Dans ce sens tout partage de la
richesse, dans une société libre, est juste puisqu'il est issu du libre choix des membres de la
catallaxie. Imposer des règles de partage ne peut que mener vers
la Route de la servitude.
Ainsi ce partage doit être issu de la négociation collective, des choix
libres. Hayek n'est pas contre les syndicats, mais il dénonce les
monopoles de représentation qui ne peuvent que nuire à la liberté.
If we were to award a prize for “brilliancy” in the history of economic
thought, it would surely go to Anne Robert Jacques Turgot, the baron de
l’Aulne (1727–1781). His career in economics was brief but brilliant and
in every way remarkable. FULL ARTICLE by Murray Rothbard