octobre 13, 2014

Ultra-libéralisme: Pourquoi et d'ou vient cette ineptie?

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Ultra-libéralisme aurait un sens comme terme de typologie idéologique si on l'employait pour désigner quelqu'un de très libéral. Or, dès l'origine, l'expression "ultra-libéral" ne sert qu'aux socialo-communistes pour désigner quiconque serait moins socialiste qu'eux-mêmes. Ainsi, pour un communiste ou un attacant, un membre du PS est déjà ultra-libéral, alors que pour un membre du PS, l'UMP sera ultra-libérale (pour leur part, les vrais libéraux considérent tous ces partis comme plus ou moins socialistes, et donc même pas libéraux, et encore moins ultra-libéraux !).




À force d'employer ainsi le terme dans des conditions où il n'a aucun sens, lorsqu'arrive le moment de désigner des gens qui sont vraiment ne serait-ce qu'un petit peu libéraux, voilà ce qui arrive :
"Le non l'emporte chez les ultras ultralibéraux"
Les libéraux rejettent évidemment l'étiquette d'"ultralibéral", laquelle pourrait avoir un sens si elle désignait les "libéraux purs et durs", mais dont on ne se sert que pour disqualifier comme libéraux des gens qui ne le sont même pas.
Remarquons, pour quiconque douterait que l'expression est sophistique et polémique, que l'expression "ultra-libéral" devrait aussi impliquer celle d'"infra-libéral", dont nul ne se sert jamais...



En fait, le mot vise à disqualifier le libéralisme en l'associant, sans avoir l'honnêteté de porter ouvertement l'accusation, à une idée d'"extrémisme". Parler d'"extrémisme" ne signifie rien en soi -quel mal y a-t-il à être, par exemple, "extrêmement" bon ou intelligent ? Mais l'extrémisme fait contre lui l'unanimité des politiciens dans une pseudo-démocratie socialiste, pour les raisons décrites par Ayn Rand dans "Le Nouveau Fascisme" :
Une économie mixte est le règne des groupes de pression. C’est une guerre civile institutionnelle et amorale entre lobbies et intérêts sectoriels, qui tous se battent pour s’emparer quelque temps de la machine législative, pour extorquer quelque privilège particulier aux dépens de quelqu’un d’autre au moyen d’une intervention de l’Etat — c’est-à-dire par la force.
En l’absence de droits personnels, en l’absence de tout principe moral ou juridique, le seul espoir qu’a une économie mixte de préserver sa ressemblance précaire avec un ordre social, de tenir en laisse les groupes de sauvages désespérément rapaces que lui-même a créés et d’empêcher la spoliation légalisée de dégénérer en un pur et simple pillage de tous par tous en-dehors de la loi — est le compromis : compromis sur tout et dans tous les domaines, compromis matériel, intellectuel et spirituel pour que personne ne franchisse la ligne en en demandant trop, faisant s’effondrer toute la pourriture de cette construction.
Si le jeu doit continuer, on ne peut rien autoriser à demeurer ferme, solide, absolu, incorruptible ; absolument tout (et tout le monde) doit être fluide, approximatif, flexible, indéterminé.
 Les Français ressentent de plus en plus un sentiment d'appauvrissement.
Ceci est dû à l'augmentation de la pression fiscale entrainant une baisse du pouvoir d'achat et à la hausse du chômage.

CV:
BFM-TV http://www.youtube.com/watch?v=CyxwPF...
Le terme "ultra-libéral" a été inventé par des sophistes du social-étatisme à la française – notamment Jean-François Kahn et Philippe Séguin –, au moment où le socialisme réel s'effondrait à l'Est, pour faire croire que si celui-ci avait causé toutes ces catastrophes – dont on commençait seulement à mesurer l'ampleur – ce n'aurait pas été parce qu'il était socialiste, mais parce qu'il était "extrémiste".

Ainsi, on pouvait sauver le socialisme pseudo-démocratique, moins avancé dans sa destruction de la société civile et de la démocratie que le socialisme réel, en détournant l'attention vers une fausse explication, par un faux concept, de ses effarantes destructions ; fausse explication et faux concept qui allaient permettre de disqualifier les solutions libérales qui auraient dû s'imposer, en les chargeant sournoisement à leur tour, par l'insinuation que comporte le mot "ultra", de la même accusation insensée et infamante.

 
Source:

Liberpedia, the libertarian encyclopedia, l'encyclop�die lib�rale


 
 

La vision libertarienne de la société est atomique par Paul Makamea?

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Avec la crise de confiance des Français dans la classe politique et à la faveur du mouvement d’opposition au mariage des homosexuels, une conscience politique nouvelle est en train de germer dans notre pays. Et particulièrement sur ce site, à titre de solution de replacement, des idées libertariennes sont professées et revendiquées.



Toutefois, à la suite de Karl Popper, je crois utile de passer ces idées au crible de la pensée critique pour les éprouver. Je confesse que le titre est provocateur et que ces propositions ont la forme d’un brûlot, mais que personne ne se sente insulté : vous voudrez bien pardonner à l’ingénieur de se livrer au petit jeu de la démarche de la sûreté de fonctionnement (méthode d’ingénierie qui consiste à tempérer l’enthousiasme du concepteur en pointant tout ce qui pêche ou risque de casser), et à l’homme d’exercer la charité fraternelle.



Parce qu’ils se trompent de cible
La vision centralisatrice de l’État sur laquelle ils se basent pour analyser son action et fonder leur réflexion, et qu’ils appellent d’ailleurs « État socialiste » (tout un programme!), est partielle et partiale. Critiquer l’interventionnisme de l’État et ses excès est bien sûr licite, c’est même salutaire. Mais ce n’est pas parce que le bébé a des défauts qu’il faut le jeter avec l’eau du bain. Ce n’est pas parce que l’État moderne est devenu un ogre qu’il faut rejeter par principe son action et lui nier le droit à l’existence. Ce n’est pas parce que l’État se mêle de ce qui ne le regarde peut-être pas – notamment dans le domaine économique, même si le principe se discute (cf. Thomas d’Aquin et d’autres chercheurs plus récents) – que l’État n’aurait pas par principe son mot à dire sur un certain nombre des aspects de la vie en commun. Il y a un rôle propre de l’État, il y a une dignité propre à l’organe (peut importe son nom) qui doit nécessairement régir un certain nombre des aspects de la vie commune, car l’homme est un être social (cf. le dernier point ci-dessous). Contenir par aversion le rôle de l’État à la portion congrue, c’est faire la même démarche que les laïcistes qui veulent oblitérer le fait religieux de la vie publique, c’est se comporter comme les puritains qui tolèrent le sexe (berk !) dans le mariage à la seule et unique fin de la procréation, niant par là sa fécondité intrinsèque pour le couple.

Disons, pour reformuler de manière moins provocatrice, que le problème, ce n’est pas l’État, c’est le but réel que servent les hommes qui le tiennent. Amputer l’État au prétexte de griefs à l’encontre de son action, c’est donc – d’un point de vue épistémologique – passer à côté de la problématique, c’est commettre un contre-sens.




Parce qu’ils évacuent une problématique clef de la vie politique moderne
La vie politique moderne est difficile à définir. Elle prétend répondre – selon le mot de Paul Valéry – à régler « les rapports de l’individu avec la masse des hommes qu’il ne connaît pas ». Nos sociétés occidentales répondent (imparfaitement, c’est le moins qu’on puisse dire) à ce défi par le biais du vote démocratique, qui repose sur l’anonymat général : la voix de n’importe quel citoyen en vaut un autre. En clair, la démocratie moderne ne connaît que les individus et non pas les personnes. Au contraire de l’oligarchie (ou plus précisément l’aristocratie, dans son acception classique) qui fait le choix inverse de ne connaître que la valeur des personnes. Mais quoi qu’il en soit, il faut répondre à cette question : comment fixer le rapport des hommes entre eux : délégation, répartition, représentation ? Sous prétexte de transposer la logique d’auto-régulation du marché dans la vie publique, le projet libertarien ne répond pas à cette problématique incontournable, mais l’escamote purement et simplement. Nier les problèmes, n’est-ce pas le trait même de l’idéologie ?

« La pensée libertarienne est en bonne partie née du mythe du colon américain, seul dans l’Ouest sauvage, avec sa famille et sa Winchester, under God. »

 

Parce que les solutions qu’ils proposent renforcent les défauts de la démocratie moderne en voulant les évacuer
Si on analyse les conclusions de Tocqueville sur les vices de la démocratie, on peut en retenir deux qui ont pour racine la montée de l’individualisme : la non-participation des citoyens aux élections (abstention) conduit mécaniquement à une oligarchie de fait (confiscation du pouvoir par une minorité malgré un formalisme démocratique), et judiciarisation de la société (le délitement du lien social amène les individus à faire arbitrer leurs différends par un autrui hypothétiquement neutre et impartial). Or, un projet de société libertarien consacre ces deux états de fait : en niant la légitimité d’une action proprement dédiée au vivre ensemble, c’est l’individualisme qui est inscrit dans les gènes même de cette société, on ne risque pas de créer de l’entraide, mais bien au contraire mécaniquement de voir pulluler les « tribus » et autres cercles d’intérêts occultes sur lequel plus personne n’aura de leviers si l’envie lui en prend ou si le devoir s’en fait sentir. De plus, les lois devant être ramenées – en nombre et en volume – au plus strict minimum, c’est un concept totalement anglo-saxon de jurisprudence qui viendra modeler l’ exercice de la justice. L’indépendance formelle de la justice qui est ainsi sanctuarisée dans une forme extrême consacrera de fait une caste de nouveaux druides qui seuls auront le pouvoir – dans toute l’étendue du champ de l’agir humain !, de modeler par leurs décisions le cadre de référence de la société. Et passons sur l’illisibilité juridique qui en résultera : on se plaint de notre jungle légale et administrative, que dire alors si la seule façon de trancher sera de se faire des procès ? On tombe en plein dans la pensée magique des peuples primitifs où pour qu’une chose soit, il faut qu’elle soit actée par un rite et une parole !




Parce que le modèle de société qu’ils appellent est fondé pour une bonne part sur un mythe et sur une culture historiquement et géographiquement déterminée
La pensée libertarienne est en bonne partie née du mythe du colon américain, seul dans l’Ouest sauvage, avec sa famille et sa Winchester, under God. Elle est totalement étrangère à l’expérience européenne, et notamment sa période médiévale dont ceux qui ont soif d’un humanisme vivifiant gagneraient beaucoup à étudier les aspects économiques et politiques de niveau local (voir les travaux, par exemple, de Régine Pernoud, ou de Raymond Delatouche in La chrétienté médiévale). Ce mythe, qui n’a jamais été une société réelle mais bien plutôt un état transitoire de fait dans la construction des États-Unis, éjecte hors de son champ d’analyse – je dirais même de conscience – les enjeux de la mondialisation réelle (je renvoie le lecteur curieux aux écrits de Paul Valéry, le seul penseur qui l’ai définie de façon lumineuse, pourtant avec plusieurs dizaines d’années d’avance, cf. Regards sur le temps présent). Si effectivement les idées politiques ressortent d’un ordre technique, donc a priori cosmopolite, le libertarianisme est né dans un monde protestant, et lui est totalement compatible. Et à la suite de Braudel, j’appelle à se méfier d’un volontarisme désincarné : une greffe culturelle ne peut pas aller à l’encontre des structures profondes d’une civilisation. Si la France est un alliage culturel extrêmement complexe et probablement unique, elle n’a – comme toute l’Europe du sud – pas « digéré » le protestantisme et sa vision très individuelle du Salut. On touche sans doute là à une de ces structures profondes qui, d’après Braudel, définissent les civilisations. Dans une perspective de temps long, la greffe libertarienne a toute les chances d’être rejetée de France.


Parce que le libertarianisme ne respecte pas la vérité ontologique de l’homme, être social
La vision libertarienne de la société est atomique, centrée sur la famille nucléaire, alors que l’homme est par nature un être social. Thomas d’Aquin, explorant la pensée d’Aristote, montre bien à quel point la définition ontologique de l’homme n’est pas épuisée par un individu : c’est toute l’humanité qui fait sa nature. Un projet social ou politique, en ce qu’il concerne l’homme, ne peut donc faire l’impasse sur le caractère intrinsèquement collectif de l’agir humain. La base même de la « partie » culturelle de l’être humain n’existe que dans un cadre collectif, et la famille et les relations inter-individuelles ne peuvent suffire à déployer tout les fruits du potentiel culturel de l’être humain. Le projet libertarien prive donc l’humain d’une partie de son être en puissance. Ainsi donc, de même que la dignité de l’être humain doit être manifestée envers et à chaque personne, elle doit être manifestée par la participation de chacun à la société en tant que société. Appliquer la théorie des avantages comparatifs aux individus pour espérer répondre à ce besoin est tout à fait réducteur. Chacun, en fonction de ses moyens et de ses capacités, doit pouvoir participer à la vie commune : c’est un des besoins fondamentaux dégagés par Simone Weil dans son grand-œuvre (L’Enracinement).

 

Parce que le libertarianisme organise la désertion du croyant de la poursuite politique du Bien commun
Pour finir, d’un point de vue catholique, à la suite des plus grands, on peut affirmer que le devoir des responsables politiques est d’organiser la Cité en vue de la vertu, afin de permettre à chacun de mener une vie qui le conduise au Salut. Cela suppose nécessairement une volonté agissante. Abandonner totalement la poursuite du Bien commun à une hypothétique « volonté » immanente qui résiderait dans l’agir des individus laissés à eux-même ou peu s’en faut, au prétexte que cette volonté incarnée dans des institutions faillit plus souvent qu’elle ne réussit, c’est faire preuve d’une singulière cécité à l’endroit du péché originel qui fait que seul, on fait quand même plus souvent des bêtises que devant autrui ; et c’est tout simplement s’interdire d’avoir une direction vertueuse des affaires si d’aventure des hommes bien formés arrivaient au pouvoir. Et j’en veux pour preuve que quasi toutes les écoles libertariennes ne tolèrent le concept d’église qu’à condition qu’elles ne soient pas de la forme catholique !

Pourquoi les libertariens ont tort

Par
 
*Paul Makamea est ingénieur conseil en management de grands projets.  ?????? inconnu.
Source: Nouvelles de France:Accueil
 
 

Libertarien

De Wikiberal:

Les libertariens sont des libéraux radicaux, opposés à l'État dans sa forme contemporaine. Pour eux, les pouvoirs de l'État devraient être extrêmement restreints (minarchisme), ou même supprimés (anarcho-capitalisme). Contrairement à l'idée libertaire, les libertariens ne sont pas pour une société gérée en commun, mais pour une société où les interactions entre les individus découlent de contrats librement consentis, conformément au Droit naturel et à l'axiome de non-agression.
Le terme anglais de libertarian (libéral) a un sens plus étendu que le terme français "libertarien", qui ne désigne à strictement parler que les minarchistes et les anarcho-capitalistes.
Cherchant à tout prix à insérer les libertariens dans une échelle droite/gauche on utilise parfois, pour les désigner, des expressions plus douteuses, comme "libéraux libertaires", ou des expressions inexactes, comme "anarchistes de droite". Ce que précisément ces expressions montrent, en fait, est que les libertariens échappent au clivage habituel droite/gauche




Historique

D'après Bertrand Lemennicier, la philosophie politique libertarienne naît avec les Levellers au milieu du XVIIe siècle pendant la révolution anglaise. En 1646, dans la prison de Newgate, Richard Overton, un des leaders parmi les levellers, écrit le pamphlet célèbre An arrow against all Tyrants. Cet écrit affirme haut et fort le concept de propriété de soi-même :
To every individual in nature is given an individual property by nature not to be invaded or usurped by any. For every one, as he is himself, so he has a self-propriety, else could he not be himself; and of this no second may presume to deprive any of without manifest violation and affront to the very principles of nature and of the rules of equity and justice between man and man. Mine and thine cannot be, except this be. No man has power over my rights and liberties, and I over no man's. I may be but an individual, enjoy my self and my self-propriety and may right myself no more than my self, or presume any further; if I do, I am an encroacher and an invader upon another man's right — to which I have no right.
Dans son Traité du gouvernement civil (1690), Locke affirme de la même façon :
§ 27. Encore que la terre et toutes les créatures inférieures soient communes et appartiennent en général à tous les hommes, chacun pourtant a un droit particulier sur sa propre personne, sur laquelle nul autre ne peut avoir aucune prétention. Le travail de son corps et l'ouvrage de ses mains, nous le pouvons dire, sont son bien propre. Tout ce qu'il a tiré de l'état de nature, par sa peine et son industrie, appartient à lui seul : car cette peine et cette industrie étant sa peine et son industrie propre et seule, personne ne saurait avoir droit sur ce qui a été acquis par cette peine et cette industrie, surtout, s'il reste aux autres assez de semblables et d'aussi bonnes choses communes. (traduction de David Mazel, en 1795)
Les libertariens sont les héritiers directs des libéraux classiques dont ils prolongent le libéralisme sans concession envers l'étatisme.

 

Origine du terme

L'histoire du mot « libertarien » est intéressante, car c'est la traduction en français de l'anglais « libertarian », lui-même traduction anglaise du français « libertaire ».
Déjà au début du siècle, le liberal party anglais, au pouvoir, avait dérivé vers de plus en plus d'étatisme, et de moins en moins de libéralisme. Ce changement de cap fut entériné dans les années 1920, où le très étatiste économiste Keynes se réclama comme liberal, en référence à la politique du parti liberal, et en rejetant explicitement la tradition de pensée libérale. Dans les années 1950, pour éviter le McCarthysme, les socialistes américains se sont massivement réclamés comme liberal, en reprenant la tradition keynésienne. Le mot liberal, aux États-Unis en étant venu à dire « socialiste », les libéraux américains (au sens original du terme) ont repris à leur compte le mot libertarian, qui aux États-Unis n'avait pas la connotation de gauche qu'il a en France. Le mot libertarian s'est depuis implanté en Grande-Bretagne (où il avait une connotation de gauche, comme en France), fort de toute la littérature libertarian déjà existante (ils n'allaient quand même pas ajouter à la confusion en créant un terme distinct en Grande-Bretagne !).
Cependant, à la même époque, dans les années 1970, Henri Lepage, en traduisant le terme libertarian, et en l'absence de littérature libertarian francophone, n'a pas voulu risquer l'amalgame avec les anarchistes socialistes, et a donc préféré utiliser « libertarien » plutôt que « libertaire ». Pour ajouter à la confusion, certains gauchistes ont néanmoins traduit libertarian par « libéral-libertaire », cependant que quelques rares libéraux revendiquent le mot « libertaire ». Les libertarian francophones du Québec, dans un pays où tout le monde est bilingue, ont repris le terme « libertarien », phonétiquement proche de l'américain libertarian, en France l'ADEL en a fait de même puisqu'il s'agit bien de l'association des Libertariens.
Le mot anglais libertarian, quant à lui, est attribué à Leonard Read, fondateur de la Foundation for Economic Education, pour se distinguer des néoconservateurs et des liberals socialistes.
Le mot « libertarien » donne lieu au néologisme « libertarianisme » - mot si inutilement compliqué que même ceux qui se revendiquent « libertariens » préfèrent parler de libéralisme pour nommer leur philosophie (ce en quoi certains libéraux non libertariens sont en désaccord). Certains utilisent aussi le terme « libertarisme ».
A noter que les autres langues latines (italien, espagnol, portugais) utilisent indifféremment les termes libertario / libertariano (libertarien) et libertarismo / libertarianismo (libertarisme).

 

Politique

Le libertarisme a une existence politique dans les pays anglo-saxons (libertarian party). Il échappe à un positionnement politique classique de par ses thèses qui le situent à la fois à gauche au plan des libertés individuelles (usage libre des drogues, liberté d'expression, liberté d'immigration, liberté sexuelle...) et à droite au plan des libertés économiques (respect de la propriété privée, libre-échange, suppression ou diminution drastique de la fiscalité...). Comme le dit Murray Rothbard : le libertarien ne voit aucune incohérence à être « de gauche » dans certains domaines et « de droite » dans d’autres. Au contraire, il considère que sa position est virtuellement la seule qui soit cohérente du point de vue de la liberté individuelle.
Les libertariens sont inclassables, et les personnes non averties (au moins en Europe, où les thèses libertariennes sont encore peu répandues) ont tôt fait de les classer, par ignorance, tantôt à l'extrême-gauche (anarchisme, refus des lois, défense intransigeante des libertés), tantôt à l'extrême-droite (liberté du port d'armes, défense intransigeante de la propriété et de l'entreprise privée, refus de l'assistanat étatique). Le libertarisme est en réalité anti-politique, pour lui la politique ne diffère pas de l'esclavagisme.

En quoi les libertariens diffèrent des libéraux

Même si le socle idéologique est commun, les divergences avec les libéraux sont nombreuses, et portent sur le rôle de l'État, la conception de la politique et de la démocratie, l'impôt, la loi, l'immigration, etc. (les articles cités explicitent les différences). Les libéraux considèrent habituellement les libertariens comme des libéraux "radicaux" voire extrémistes, les libertariens considèrent les libéraux non libertariens comme des "compagnons de route" qui ne sont pas allés jusqu'au bout de la logique libérale (en raison d'un trop grand respect envers l'État, ou d'une conception incomplète de ce qu'est le droit). Les libertariens, en comparaison avec les libéraux, ont de par leur logique propriétariste des idées très arrêtées sur ce que devrait être le droit dans une société libre.
Il est cependant impossible de tracer une frontière claire entre libertariens et libéraux (aux États-Unis, on emploie d'ailleurs le même terme dans les deux cas : libertarian). La différence est peut-être une question d'attitude : les libertariens déduisent leur position sur tout sujet de grands principes a priori tels que la non-agression, la propriété de soi-même ou le concept de droit naturel, avec le risque de tomber dans un certain dogmatisme (Rothbard est souvent cité comme l'exemple-type) ; les libéraux, eux, sont davantage attachés aux conséquences et adoptent un point de vue empirique (Hayek) ou utilitariste sans a priori. Comme le remarque un peu cruellement Virginia Postrel (an 18th-century brain in a 21st-century head) : la tradition déductive a défini l'identité libertarienne et son dogme, tandis que la tradition empirique a réalisé ses buts.

 

Points de désaccord entre libertariens

Même si les points de vue sur la réduction du rôle de l’État et l'importance des droits individuels et de la non-agression font l'unanimité, il existe plusieurs points de désaccord entre libertariens :

Libertariens "de droite" et libertariens "de gauche"

Certains auteurs, tels Peter Vallentyne, se fondent sur le désaccord quant à l'appropriation des ressources naturelles pour distinguer un libertarisme "de droite" et un libertarisme "de gauche" ([1]). Ainsi, Rothbard et Kirzner seraient des libertariens d’extrême droite, car ils admettent que n'importe qui peut s’approprier des ressources non encore appropriées. Nozick serait seulement "de droite", car il admet le proviso lockéen. Les libertariens georgistes (Henry George, Hillel Steiner) admettent l'appropriation des ressources naturelles non encore appropriées en contrepartie d'une location versée à un fonds social. Enfin les libertariens "égalitaristes" tels Peter Vallentyne exigent en outre le paiement d'un impôt sur tous les avantages reçus de cette appropriation ("taxation complète des avantages").
Les libertariens agoristes se considèrent également comme des libertariens de gauche, voire d'extrême gauche, parce qu'ils se considèrent comme "anti-establishment", aussi bien contre le socialisme que contre le conservatisme.
Aux États-Unis on parle également de conservatisme libertarien[1], résultant d'une convergence entre deux courants politiques proches, les conservateurs étant souvent en faveur d'un gouvernement limité et les libertariens ne rejetant pas les "valeurs conservatrices" ; Ron Paul ou Gary Earl Johnson seraient ainsi des "conservateurs libertariens", ou des "libertariens conservateurs".

 

Les réalisations libertariennes

Alors que les hommes politiques traditionnels s'emploient à créer des privilèges et des faux droits, les libertariens cherchent à mettre en œuvre leurs idées de façon concrète directement dans la société civile (et non par la coercition étatique) en créant des services utiles aux personnes, visant à promouvoir l'autonomie individuelle. On peut citer les exemples suivants :
  • Wikipédia est une encyclopédie coopérative d'inspiration libertarienne, créée par Jimmy Wales ; c'est une bonne illustration du concept contre-intuitif d'ordre spontané ;
  • Bitcoin est une monnaie virtuelle décentralisée, créée par des libertariens partisans de la concurrence monétaire ;
  • les projets d'états libertariens, encore utopiques, pourraient un jour aboutir à des réalisations concrètes, soit par la voie politique (Free State Project), soit ex nihilo (seasteading, villes privées) ;
  • certains libertariens se sont spécialisés dans le survivalisme et partagent leurs expériences ;
  • les philanthropes libertariens (par exemple Peter Thiel) financent divers projets liés à la cause libertarienne.

Un pays pour les libertariens

Aucun pays existant ne pouvant convenir aux libertariens, ces derniers ont le choix entre militer dans leur propre pays pour davantage de liberté, ou, quand c'est possible, partir pour des pays plus libres (comme certaines micronations en Europe, Amérique ou Asie), ou encore construire à partir de zéro un tel pays. Les projets ont été très nombreux, mais aucun n'a encore véritablement abouti. Parmi les anciens projets :
  • la Principauté de Minerva, fondée en 1971 par un activiste libertarien de Las Vegas, Michael Oliver, sur les récifs de Minerva, à 500 km au sud-ouest du royaume de Tonga. Cependant, en 1972, les îles Tonga ont annexé Minerva. Le territoire est actuellement revendiqué par la Principauté de Minerva (gouvernement en exil) ainsi que par les îles Fidji.
  • la Principauté de Freedonia, créée en 1992. Le but ultime était de créer une nation libertarienne souveraine. Après un essai infructueux en Somalie en 2001, le projet a été abandonné.
  • Oceania, The Atlantis Project, projet libertarien de ville flottante, abandonné en 1994. Son auteur s'est tourné vers un projet humanitaire plus ambitieux, Lifeboat Foundation.
  • la Principauté de Sealand (ancienne plate-forme militaire de l'armée britannique, construite au large de l'estuaire de la Tamise dans les eaux internationales) est un exemple de micronation réussie (mais non libertarienne, et de plus absolument minuscule) dont les libertariens pourraient s'inspirer dans leurs projets futurs.
  • le projet Limón REAL est un projet de province autonome libertarienne au Costa Rica, conduit par Rigoberto Stewart.
A ce jour, le projet le plus abouti est le Free State Project, qui vise à regrouper 20000 libertariens dans l'État du New Hampshire, de façon à exercer une pression politique forte en direction du libertarisme. Une variante du projet a choisi l'État du Wyoming. Leur clone européen, "European Free State", a été pour le moment abandonné.
Le seasteading est vu comme une possibilité futuriste d'établir des communautés libertariennes en-dehors des états, sur des territoires très grands et non encore étatisés : les eaux internationales.
 


 

JOUVENEL/HAYEK et la Socièté du Mont-Pélerin ou Libéraux/Libertariens, la source de tous nos maux!

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Si Bertrand de Jouvenel a toujours cultivé le goût des réseaux internationaux, il se retrouve au lendemain du second conflit mondial fort dépourvu en la matière, puisque le milieu franco-allemand, dans lequel il a baigné des années durant, est désormais disqualifié.



Acquis au principe du rapprochement franco-allemand, Bertrand de Jouvenel ne peut jouer sur ce plan un rôle à sa mesure. Il trouve cependant une opportunité de rebondir au plan international via la naissance de la Socièté du Mont-Pélerin, créée par Friedrich von Hayek lors d'un "meeting" tenu près de Vevey en Suisse du 1er au 10 avril 1947
(pour la naissance et les débuts du Mont-Pélerin, nous suivons les développements que lui consacre François Denord, Néo-libéralisme version française, op.cit.,p.219 et suiv. François Denord a en particulier utilisé les papiers de Friedrich von Hayek. Voir aussi Yves Steiner, "Louis Rougier et la Mont-Pélerin Society", in Jean-Claude Pont, Flavia Padovani Flavia (ed.), Louis Rougier: vie et oeuvre d'un philosophe engagé. Témoignages - Ecrits politiques. Philosophia Scientiae, op. cit., p.71-77.)
 
Reconnu hors du milieu des économistes depuis la parution en 1944 de son livre La Route de la servitude, Hayek, installé à Londres au début de 1944, réfléchit alors avec Lionel Robbins à une future Fédération économique européenne et songe à mettre sur pied une conférence internationale. Cette première tentative n'est pas isolée: à Londres se met en place un think tank libéral, l'International Liberal Exchange, de même qu'à l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Wilhelm Röpke envisage la création d'un journal. Après différents échecs, Hayek réussit, avec l'appui du Suisse Albert Hunold, à trouver des fonds auprès d'hommes d'affaires et d'industriels suisses. En avril 1947, 39 participants se retrouvent sur les bords du Léman pour mettre sur pied la Socièté du Mont-Pélerin, qui compte à l'origine une majorité d'universitaires, principalement des économistes, et qui ne cesse de s'étoffer jusqu'au début des années cinquante (173 membres issus de 21 pays en 1951.
 
Bertrand de Jouvenel connaît personnellement Hayek. Il l'a rencontré lors d'un dîner à Londres au lendemain de la guerre (Bertrand de Jouvenel, Problèmes de l'Angleterre socialiste, La Table ronde, 1947, p. 97. ) et a entretenu avec lui une correspondance régulière de 1949 à 1954. (Si l'on se réfère aux archives de BdJ. ) Bertrand de Jouvenel entre à la Socièté du Mont-Pélerin dès la première réunion et y reste jusqu'au début des années soixante. Sa participation à la rencontre du lac Léman en 1947 a été très active, ainsi que le souligne une correspondance de William Rappard à André Siegfried:
 
"Hayek avait de plus invité Jouvenel qui habitait dans les environs du lieu de notre réunion. Grâce à son intelligence et à sa connaissance de l'anglais, il fut celui des Français qui prit la part la plus active aux discussions, tous se rendaient compte cependant, et lui, je crois, le tout premier, que pour des raisons que vous comprendrez sans peine, il ne serait pas opportun de l'appeler à représenter votre pays au sein du conseil." (Lettre du 9 mai 1947, conservée dans les papiers de Friedrich von Hayek et citée in François Denord, Génèse et institutionnalisation du néo-libéralisme en France (années 1930 - années 1950), op.cit.,p. 393-394 (note 277) )
 
Quelques mois plus tard, bertrand de Jouvenel n'a cependant pas manqué de reconnaitre publiquement sa dette à l'égard des hommes du Mont-Pélerin qu'il remercie chaleureusement, en qualifiant de "précieux stimulant" le " commerce intellectuel" qu'il a entretenu avec eux. (Bertrand de Jouvenel, L'Amérique en Europe. Le plan Marshall et la coopération internationale, op. cit., p.II. )



Bertrand de Jouvenel participe pendant près de dix ans à la vie du Mont-Pélerin et joue au tournant des années cinquante auprès de Hayek un rôle de conseiller pour les questions françaises. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'organiser le congrès de Beauvallon de 1951, Hayek installé à Chicago, sollicite Jouvenel et lui demande de l'aider à le préparer. S'il a trouvé des intervenants pour ce qui concerne les pays "sous-développés", le second thème choisi, " le traitement du capitalisme par les historiens", est beaucoup plus délicat. Hayek a des désirs précis: il veut en finir avec la "propagande socialiste". Selon l'économiste, "très peu a été fait pour détruire ces mythes" créés selon lui depuis Engels jusqu'aux Webb. Le seul intervenant potentiel, T. S. Ashton, devrait n'évoquer que le cas Engels et Hayek voudrait prolonger la réflexion; il propose à Jouvenel de s'en charger. Il déplore d'autre part l'absence de réponse des participants français à ses demandes (Louis Baudin lui a répondu, mais ce n'est pas le cas de Roger Truptil ou de Raymond Aron). (Lettre du 30 mai 1951(FBJ) ) Bertrand de Jouvenel réagit très vite, assure Hayek de sa présence, lui dit qu'il est en mesure de briguer le titre de participant le plus assidu aux rencontres ("I am trying to qualify for the title of the most assiduous member"), et l'informe que son intervention livrera une analyse de la condamnation morale du capitalisme à travers les facteurs variés qui l'ont générée.  Surtout, Jouvenel lui propose une liste d'invités possibles pour Beauvallon: Robert Strausz-Hupé, professeur de science politique à l'université de Pennsylvanie, Louis Salleron, qui vient de publier un livre sur Les Catholiques et le capitalisme, sans oublier des hommes qu'il se propose de lui faire rencontrer à l'occasion de son prochain passage à Paris: le banquier Alexandre de Saint-Phalle, le Suisse Silberschmidt et son jeune ami Patrice Blank.
  


Cette proximité entre Jouvenel et Hayek marque l'acmé de la représentation française au Mont-Pélerin. Avec 18 membres en 1951, la section française tient le second rang europée, derrière la section britannique. Présidée par Jacques Rueff, elle est principalement composée d'économistes, professeurs agrégés d'économie politique comme Louis Baudin, René Courtin, Charles Rist ou Daniel Villey, mais aussi d'ingénieurs-économistes tels que Maurice Allais et Jacques Rueff. On y trouve aussi des représentants du monde des affaires, principalement membres de l'Association de la libre-entreprise, à l'instar de Roger Truptil, P-DG du groupement de la construction navale, d'Ernest Mercier, de Louis Marlio ou de Georges Villiers, le patron du CNPF. Une troisième catégorie est formée d'intellectuels, de publicistes et d'écrivains (Raymond Aron, qui a connu Hayek à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale (Raymond Aron, Mémoires, Julliard, 1983, p. 167 et p. 191. Il évoque la "générosité" de Hayek et de Lionel Robbins, enseignant alors à la London School of Economics. Il les rencontre dans le cadre du Reform Club et dîne avec eux presque chaque jeudi.), Jacques Chastenet, André Maurois). Le financement de la section française est principalement assuré par le CNPF, qui a par exemple pris en charge l'intendance du quatrième "meeting" de la socièté, tenu en septembre 1951 sur la Côte d'Azur, et qui a réuni 68 participants. Trois Français y ont présenté des contributions: Raymond Aron, Louis Baudin et Bertrand de Jouvenel. La liste des intervenants montre que les suggestions de Jouvenel n'ont pas été retenues. Plus largement d'ailleurs, l'influence des Français est en baisse. Ainsi, une circulaire du Mont-Pélerin (Hayek), datée du 29 novembre 1952, indique une liste de nouveaux membres: aucun nom de Français n'apparaît. De son côté, Jouvenel commence à prendre ses distances avec Hayek. Les deux dernières années de leur relation épistolaire sont principalement occupées par un conflit sur la publication de sa conférence de Beauvallon.
(Tout est parti d'un courrier de hayek du 21 mars 1952 dans lequel il explique à Jouvenel que les actes du congrès de Beauvallon doivent paraître aux Presses universitaires de Chicago, et lui demande une petite révision de son texte, "The intellingentsia and capitalism". Quelques mois plus tard, l'affaire n'est toujours pas close et, le 13 novembre 1952, Hayek informe Jouvenel que l'éditeur se propose de revoir un peu le style pour l'angliciser, et d'intituler la contribution: "Le traitement du capitalisme par les historiens continentaux". Jouvenel répond le 17 novembre qu'il n'a pas le temps de s'occuper de l'affaire. l'éditeur remanie le texte, ce qui suscite de la part de Jouvenel protestation et courriers irrités. L'affaire n'est pas sans intérêt, car la même situation se reproduit une dizaine d'années plus tard avec Irving Kristol.)

De plus, Jouvenel, qui s'emploie à diversifier ses activités, prétexte une surcharge de travail pour ne pas se rendre au congrès de la Socièté à Venise en 1954.
(Lettre de Bertrand de Jouvenel à Friedrich von Hayek, 5 septembre 1954 (FBJ). C'est la dernière lettre conservée dans le fond Jouvenel.)
 
L'implication de Bertrand de Jouvenel dans les réseaux néo-libéraux se mesure aussi à sa participation à des ouvrages collectifs. Il figure ainsi dans un volume publié en 1954 par Friedrich von Hayek (congrès de Beauvallon) ("The Treatment of Capitalism by Continental Intellectual", from Capitalism and the Historians, edited by FA von Hayek, Chicago, University of Chicago Press, 1954, p. 91-121, repris in Bertrand de Jouvenel, Economics and the good life. Essays on political economy, edited with an introduction by Dennis Hale and Marc Landy, New Brunswick (USA) and London (UK), transaction publishers, 1999, p. 137-154.) et compte parmi les contributeurs  d'un volume d'hommage à Ludwig von Mises publié aux Etats-Unis. ("Order versus Organization", in On Freedom and Free Enterprise: Essays in Honor of Ludwig von Mises, edited by Mary Sennholtz, Princeton, N.J.: Van Nostrand, 1956, repris in Bertrand de Jouvenel, Economics and the good life. Essays on political economy, op.cit., p. 65-75. ) On retiendra de ces participations son étude sur le traitement du capitalisme par les intellectuels européens. Jouvenel y met en cause les écrits des économistes et des historiens, qui livreraient une vision tendancieuse et par trop dépréciative du capitalisme et de son histoire, n'épargnant pas le système soviètique, le Magnitogorsk des années trente supporte-t-il la comparaison avec le Manchester des années 1830? (Bertrand de Jouvenel, "The treatment of Capitalism by Continental Intellectuals", op.cit.,p. 140-142 ) et rappelant avec une ironie mordante que l'hostilité des intellectuels aux hommes d'argent ne saurait faire oublier l'importance de ces derniers dans le développement des Lumières. Bertrand de Jouvenel stigmatise en particulier les motivations de l'anti-capitalisme: raisons affectives et éthiques. Elles lui paraissent superficielles et apparentées aux motivation du clergé médiéval: la sécularisation des intellectuels (Jouvenel joue avec l'emploi des termes intellectuels et clercs et compare l'accumulation de capital de l'Etat et le secteur public à celle opérée par les monastères (ibid.,p. 143-144). ) ne serait donc qu'une apparence. Replacés dans leur contexte, les propos de Bertrand de Jouvenel ne sont pas sans évoquer des passages de l'ouvrage de Raymond Aron, L'Opium des intellectuels, paru en 1955.
(Nous songeons en particulier au chapitre IV, intitulé "Hommes d'Eglise et hommes de foi". )
 
Cela étant, on retrouve ici, vingt-cinq ans après L'Economie dirigée, le "réaliste" Bertrand de Jouvenel qui entend, par une rationalité maîtrisée, aménager un système capitaliste qui lui paraît positivement en voie de transformation ( et Jouvenel de se référer à l'amélioration du niveau de vie des masses dans les démocraties capitalistes). A l'inverse, les intellectuels dans leur majorité seraient en décalage profond avec les réalités.

 
 
A la fin des années cinquante, le Socièté du Mont-Pélerin marque le pas. L'organisation a du mal à se renouveler et à remplacerles figures de proue décédées (comme Charles Rist, ‡ 1955). la socièté est aussi traversée par des divisions idéologiques profondes qui opposent Hayek au secrétaire européen Hunold. Au coeur de la controverse réside le sens à donner au libéralisme: aspiration libertarienne ou libéralisme social? La querelle Hayek/Hunold, qui combine dissensions personnelles et divergences idéologiques, se solde par le départ du second. Il entraîne dans son sillage Röpke et une quinzaine d'Européens parmi lesquels les Français sont nombreux. C'est ainsi que Raymond Aron et Bertrand de Jouvenel quittent la Socièté du Mont-Pélerin tandis que Maurice Allais, qui n'a jamais accepté de considérer comme intangible le principe de supériorité de la proprièté privée sur la proprièté collective, fonde une nouvelle organisation, le Mouvement pour une socièté libre, qui n'est pas sans rappeler l'expérience des Nouveaux Cahiers à la veille de la guerre. (François Denord, Néo-libéralisme, version française, op. cit., p. 235 )
 
Le clivage entre les libéraux au début des années soixante est donc profond et se décline en deux alternatives: refus de principe ou acceptation d'une dose d'intervention étatique en matière économique et sociale; place du marché dont la centralité est remise en question par des libéraux sociaux soucieux, comme Bertrand de Jouvenel, de conférer une place au politique et de  rester fidèles à l'héritage contractualiste de libéralisme, lequel ne saurait être assimilé à un simple économisme.
 
Bertrand de Jouvenel a fort bien identifié ces enjeux dans une longue lettre amicale, en anglais, adressée à Milton Friedman le 30 juillet 1960.
(Je remercie beaucoup François Denord de m'avoir communiqué une copie intégrale de cette lettre conservée dans les papiers de Friedman (86/2). Les citations en français résultent de notre traduction )

Il n'hésite pas à rappeler sa dette à l'égard de la Socièté et " l'immense faveur" que lui fit Hayek en l'invitant à la première rencontre. Il regrette à cet égard que la Socièté n'ait pas retenu le nom de socièté Tocqueville, comme cela semble avoir été un moment envisagé; cela aurait empêchéselon lui les dérives qu'il pointe crûment.
 
La Socièté "s'est orientée de plus en plus vers un manichéisme selon lequel l'Etat ne peut rien faire de bien tandis que l'entreprise privée ne peut faire rien de mal".

Pour Bertrand de Jouvenel, l'entreprise privée ne saurait être " l'incarnation de la liberté". Il met en avant l'exemple français, qui lui semble un compromis raisonnable entre public et privé. Il ne se limite pas à ce constat et entend voir le rôle de l'Etat redéfini. Renouant avec l'héritage de son premier essai, L'Economie dirigée, dont il se réclame explicitement, Jouvenel propose de distinguer les actions de l'Etat en deux catégories: les actions à caractère technique et celles à caractère idéologique. Concernant les premières, il se déclare prêt à collaborer avec un gouvernement sur ce terrain et condamne le culte absolu de la libre entreprise: "Je n'ai pas d'objection vis à vis de l'Etat, mais seulement contre les "méthodes coercitives". A cette divergence doctrinale s'ajoute une remise en cause des méthodes et des buts de la Socièté du Mont-Pélerin. Bertrand de Jouvenel trace les contours d'un contre-modèle qui préfigure son nouveau grand projet, Futuribles. La Socièté du Mont-Pélerin devrait selon lui "s'attaquer de façon constructive aux problèmes du présent et du futur", ce qui, admet-il volontiers, est " très différent" de ce qu'est alors l'organisation, à laquelle il reproche de se complaire dans l'idéalisation d'un "XIXème siècle mythique". Le Mont-Pélerin est sans avenir à ses yeux et Milton Friedman, impuissant à redresser une telle situation. Quant à lui, il a d'autres activités en vue et ne compte pas se rendre à la prochaine réunion, prévue à Kassel.

par Olivier DARD
Source: Bertrand de Jouvenel (Perrin)

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