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septembre 07, 2025

Dans national-socialisme, il y a socialisme par François Guillaumat

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La Route de la Servitude par Friedrich Hayek

par François Guillaumat

Alors même qu’il y a dix ans tout le monde était pour le socialisme, on imagine mal aujourd’hui l’extraordinaire domination de cette chimère sur le monde intellectuel dans les années quarante. C’est vraiment à ce moment-là que le socialisme fut au plus haut, et l’humanité semblait devoir se résigner à le subir soit par voie de nationalisation - la méthode marxiste - soit par voie de réglementation : la méthode allemande. 

 

Les pays autrefois libéraux ne l’étaient plus: en Grande-Bretagne, les privilèges syndicaux de 1906 avaient rendu l’économie ingérable et provoqué intervention après intervention ; la guerre servait de prétexte pour habituer les citoyens à l’économie de contrainte et de pénurie. Aux Etats-Unis Roosevelt avait pu, en double violation de la Constitution, imposer l’Etat-Providence et se faire réélire une deuxième fois.

Le socialisme léniniste avait conquis la Russie, et le socialisme hitlérien l’Allemagne. Leurs idées contaminaient le monde entier : aux Etats-Unis, le monde intellectuel était depuis le début du siècle sous l’influence de la philosophie allemande et du pragmatisme, son avatar local. L’interventionnisme keynésien n’y avait rencontré aucune résistance intellectuelle alors que Ludwig von Mises, le seul économiste alors capable de le réfuter, était opportunément réduit au silence par la persécution hitlérienne.

Les quelques intellectuels libéraux dans le monde avaient essayé de se regrouper avant la guerre, qui les avait dispersés. Ils étaient cependant d’une qualité exceptionnelle, et il suffit de circonstances favorables pour qu’ils se fissent de nouveau entendre. Le succès de son premier roman We the Living avait permis à Ayn Rand de mettre en avant ses idées dans son deuxième roman The Fountainhead en 1943 ; Mises, grâce au soutien de Henry Hazlitt et à l’admiration d’un éditeur, pourra publier Le gouvernement omnipotent, La bureaucratie et L’action humaine assez peu de temps après son arrivée aux Etats-Unis. C’est ce genre d’occasion qui a permis à Hayek d’écrire La route de la servitude.

Hayek avait beau s’être installé à Londres depuis 1931, il était malgré tout d’origine autrichienne, et ne pouvait participer, comme la plupart des économistes britanniques, à la planification de l’effort de guerre de Sa Majesté. La London School of Economics, où il occupait la chaire Tooke de théorie économique, avait dû s’installer à Cambridge pour éviter les bombardements de Londres. Keynes, quoiqu’intellectuellement malhonnête, était en bons termes avec ce rival et lui trouva une petite maison ; Hayek avait encore à cette époque l’intention de réfuter la prétendue Théorie générale à l’occasion d’une véritable théorie générale du capital, mais ne jugeait pas opportun de s’opposer à lui à ce moment ; il avait donc le temps pour d’autres recherches.

Disciple de Mises en économie après avoir été social-démocrate, Hayek est Docteur en Droit et en Sciences Politiques de l’Université de Vienne. Il s’était déjà essayé à la philosophie du Droit en publiant au Caire en 1935 The Political Ideal of the Rule of Law ; on le connaissait cependant surtout pour ses travaux dans le domaine où il est meilleur, la théorie économique. Son livre le plus important de méthodologie économique, The Counter-Revolution of Science et ses autres contributions théoriques vraiment personnelles, le reste étant dû à von Mises (« The Use of Knowledge in Society » et autres articles parus dans Individualism and Economic Order en 1948) paraissent d’ailleurs en même temps. L’économie politique et la philosophie politique sont évidemment liées, et la participation de Hayek au débat des années 30 sur la possibilité du calcul économique rationnel dans un cadre de centralisation autoritaire l’avait rendu particulièrement à même de discuter des effets de l’ambition socialiste sur l’organisation sociale.

The Road to Serfdom, paru en 1944, fut immédiatement un succès de librairie ; on en discuta même pendant l’élection de 1945, qui vit la victoire des travaillistes. Hayek fut invité à organiser une série de conférences à propos de son livre ; il put ainsi rencontrer un peu partout des penseurs libéraux qui devaient, en avril 1947, constituer la Société du Mont-Pèlerin. La route de la servitude devait changer la carrière de Hayek puisqu’elle l’amena à enseigner la philosophie morale à l’université de Chicago entre 1950 et 1956. Elle préfigure The Constitution of Liberty, son meilleur livre de philosophie politique, paru en 1960, et ses quatre derniers ouvrages : les trois tomes de Droit, législation et liberté (1978) et The Fatal Conceit, paru cette année [1988].

Le thème de la route de la servitude est que les traits déplaisants du national-socialisme et du fascisme sont communs à tous les régimes qui veulent réaliser le socialisme, c’est-à-dire soumettre la production à la violence politique pour réaliser une redistribution particulière des revenus. En somme, dans « national-socialisme », il y a « socialisme » et tous les traits déplaisants du nazisme, y compris l’extermination des minorités, se retrouveront dans toute société politique qui prend au sérieux l’ambition de réaliser la « justice sociale ».

Dans une succession de chapitres organisés par thèmes, Hayek démolit un certain nombre des illusions que se faisaient les intellectuels socialistes de son temps sur la société qu’ils appelaient de leurs vœux.

Le socialisme est né de l’abondance créée par le capitalisme, et de l’incapacité des intellectuels à la comprendre. Si l’on a cru, à partir de John Stuart Mill, qu’on pouvait redistribuer les richesses sans se soucier des effets de cette prédation sur la production, c’est d’abord parce qu’il y avait des richesses. La planification centrale, c’est-à-dire la confiscation par l’autorité centrale de tout contrôle sur les moyens de produire, est nécessaire dès que l’on cherche à réaliser une distribution des revenus déterminée à l’avance. C’est cette ambition qui explique l’accroissement du contrôle politique de la société et non une prétendue « nécessité technique », car la complexité est précisément ce qui condamne la centralisation.

Pour « planifier » à la mode socialiste, il faut imposer la volonté des hommes de l’Etat à un degré tel, et à un tel niveau de détail, que la démocratie est vidée de sa substance. Quand le vote subsiste, il permet de choisir le gouvernement, mais le peuple ne contrôle pas les lois, pas plus que les dépenses publiques. En effet la législation ne se borne plus à énoncer les règles que chacun doit suivre y compris les hommes de l’Etat. Elle consiste uniquement, comme le dit François Lefebvre, à « énoncer en quelles circonstances, et par quels moyens les hommes de l’Etat interviennent arbitrairement dans l’économie ».

Cette intervention affecte nécessairement tous les aspects de la vie, puisque toute action est productive de valeur pour celui qui l’accomplit. L’« économique » n’est pas un domaine particulier de l’action humaine, mais un des ses aspects universels. La liberté d’expression, la liberté personnelle ne se conçoivent pas là où les Droits de contrôler les moyens de l’action ont été confisqués. L’inconséquence des auteurs qui, comme George Orwell, veulent à la fois la démocratie et le socialisme, ou le socialisme et les droits de l’homme, est ainsi tragiquement démontrée. De même, la distinction entre le socialisme allemand (celui du parti ouvrier allemand national-socialiste) et le socialisme soviétique est de pure forme car la réglementation ou la nationalisation sont synonymes : les hommes de l’Etat s’y emparent tout autant par la force du contrôle des choses qu’ils n’ont pas produites.

La question essentielle, comme le disait Lénine, est de savoir qui a le pouvoir de décision. Or le pouvoir politique ne remplace pas le pouvoir économique. Il commence là où finit le premier, et tout accroissement du pouvoir politique accroît le pouvoir tout court. Evidemment, il n’existe pas de moyen de déterminer rationnellement à quoi doit servir ce pouvoir. Le concept de « bien-être social » ou d’« intérêt général » ne sont pas plus objectivement définissables que celui de « justice sociale ». Trente ans plus tard, Hayek, dans Le mirage de la justice sociale, s’avisera qu’il est intellectuellement honteux de se servir, pour faire violence à autrui, de prétextes auxquels on ne peut même pas donner de sens intelligible.

Comme il y a autant de pommes de discorde que de formes de redistribution, la paix sociale est inévitablement détruite à mesure que le socialisme progresse : des bandes armées, syndicalistes, puis loubards, puis groupes paramilitaires, se partagent la rue, et imposent leur loi. Pour rétablir un semblant d’ordre, les gens sont alors prêts à supporter un gouvernement autoritaire. Comme il faut bien donner des rationalisations à toutes ces violences, on impose le mensonge : mensonge du socialisme lui-même, et mensonge sur les « réalisations » du socialisme, dont il est interdit de contester la réalité. Soljénitsyne rappelle que l’aspect le plus pénible du socialisme léniniste est le mensonge obligatoire ; mais il caractérisait aussi le socialisme hitlérien.

Comme il est impossible que le socialisme, qui est un vol, profite à tout le monde, il ne peut bénéficier qu’à une caste de privilégiés. A ce titre, le fascisme et le nazisme sont bien des réactions contre les mouvements socialistes, mais non contre le principe socialiste lui-même : ils voulaient le socialisme, c’est-à-dire la spoliation légale, mais un socialisme qui leur aurait profité à eux, et pas à la bande de leurs rivaux. C’est le socialisme « de gauche » qui a inventé l’embrigadement des enfants, la constitution d’une contre-société, et les méthodes politiques violentes comme la police politique et les camps d’extermination. De ce point de vue Hitler n’est qu’un pâle imitateur de Lénine, pour lequel il affichait son admiration.

De même, le socialisme au pouvoir est inévitablement nationaliste, puisque la clique de ses profiteurs est issue de la société politique nationale et qu’une fois atteintes les limites de ce qu’elle peut voler à la population, ils devront chercher leurs victimes ailleurs. Il est aussi inévitablement corrompu : il s’agit de voler les autres, et de disposer arbitrairement du butin, en l’absence de tout principe et de toute règle identifiable, et l’enjeu est formidable, puisqu’il s’agit de faire partie des maîtres ou de devenir esclave. Ceux qui se retrouvent au pouvoir sous le socialisme sont ceux qui ont accepté l’abolition de tout Droit qu’il implique, et qui ont été les plus malins ou les plus brutaux dans l’élimination des autres bandes.

On parle aujourd’hui (éventuellement comme « révisionnistes ») d’historiens allemands qui font remarquer le grand nombre d’anciens dirigeants socialistes parmi les dignitaires nazis ; c’est aussi un fait avéré que les communistes ont tout fait en Allemagne pour y aider les nazis à détruire ce qui restait de régime représentatif. Mussolini était lui-même un haut dirigeant du parti socialiste italien. Mais ce qui est moins connu, parce que les intellectuels socialistes qui ont fui le nazisme ont propagé les interprétations qui leur convenaient, c’est que l’Allemagne de Weimar elle-même avait pratiquement mis en place tous les instruments de la Zwangswirtschaft, le socialisme réglementaire, dont Hitler n’a eu qu’à se servir sans devoir les créer.

Par ailleurs, les courants de pensée de la gauche dans l’Allemagne de Weimar étaient tout aussi irrationalistes, antilibéraux et antidémocrates que ceux de la droite nationaliste. Hayek rappelle leurs références intellectuelles communes : Rodbertus et Lassalle étaient cités par Hitler comme des précurseurs. A l’irrationalisme ouvert des réactionnaires, correspond le polylogisme marxiste ; l’apologie de la violence est la même, souvent inspirée par les mêmes auteurs (Georges Sorel,).

La Route de la servitude est écrite pour faire comprendre aux intellectuels socialistes anglo-saxons que, les mêmes causes conduisant aux mêmes effets, les mêmes idées conduiront au même type de société. L’Allemagne, pour n’avoir été touchée que tardivement par les libéralismes démocratiques, était simplement en avance sur un chemin que tout le monde était en train de parcourir.

A quoi peut servir aujourd’hui La Route de la servitude? Ce livre fut en son temps le point de départ d’une reconquête des esprits par le mouvement libéral, d’une organisation systématique des réfutations du socialisme par des institutions et des groupes dans le monde entier. Inspiré par une connaissance alors unique des raisons pour lesquelles la décision économique rationnelle est impossible dans une organisation étatique, le livre décrit précisément les caractéristiques de toute société socialiste.

Pour qui n’est pas encore convaincu que toute ambition de réaliser une forme quelconque de « justice sociale » doit conduire à une organisation politique semblable à celle des nazis, et que sous ses accidents singuliers (Staline, Pol Pot, Hitler, etc.) le socialisme reste toujours essentiellement le même, lire La Route de la servitude est une obligation. De même, pour ceux qui veulent connaître les origines intellectuelles du nazisme, c’est un livre intéressant, quoique The Ominous Parallels de Leonard Peikoff soit plus profond.

On pourra aussi s’en servir pour identifier les effets du socialisme installé dans nos pays. La corruption, la censure, la bassesse des hommes politiques résultent bel et bien de l’ambition redistributrice, même si elle en rabat quelque peu sur ses prétentions moralisantes. Si elle a battu en retraite, c’est d’ailleurs largement parce qu’on a popularisé les idées contenues dans La Route de la servitude ; on peut mentionner Socialisme et fascisme : une même famille ? où le Club de l’Horloge montre bien que le fascisme est une variante du socialisme, plus précisément la version autoritaire du corporatisme social-démocrate.

Sur deux points cependant, on peut dire que le livre a mal vieilli, ou plutôt qu’il n’a jamais été l’un des meilleurs. C’est tout ce qui touche à la théorie économique et à la philosophie libérale. Si Hayek a mis les socialistes français dans l’embarras, ce n’est pas seulement parce qu’ils n’avaient aucune pensée valable à lui opposer. C’est aussi parce que c’est à partir de leurs propres prémisses collectivistes qu’il réfute le socialisme. Comme Adam Smith, Hayek démontre l’excellence du libéralisme à partir de ce qu’Ayn Rand appelle la prémisse tribale, pour laquelle il irait de soi que la société politique a le droit de disposer de ses membres comme elle l’entend. Ce qui le rend si convaincant pour des socialistes, c’est donc que son discours est proche de leurs conceptions. A ce jeu, il leur fait des concessions de principe majeures, ce qui donne l’impression agaçante d’une réflexion insuffisamment rigoureuse.

On peut dire que comme tous les savants qui se sont interdit d’examiner l’essence des phénomènes et des actes (il prendra de plus en plus ce chemin sous l’influence de son ami Karl Popper), Hayek se prive d’une connaissance générale et concise et ne cesse de tourner autour du pot. Au lieu de mettre l’esprit humain au centre des phénomènes économiques et sociaux, d’élucider la nature des rapports entre cet esprit et ses productions, et d’en déduire que toute interférence violente avec le contrôle de l’esprit sur ses produits engendre destruction et irrationalité, et qu’elle est par conséquent objectivement mauvaise, il ne fait que décrire pragmatiquement, quoi qu’exhaustivement, les effets des formes les plus extrêmes de cette intervention.

Cela fait que son libéralisme, tant économiquement que philosophiquement, est très en retard. Alors que la nature du laissez-faire avait été élucidée dès le début du siècle dernier par les économistes libéraux français : Destutt de Tracy, Jean-Baptiste Say, Charles Comte et Charles Dunoyer, on peut dire que Hayek n’a jamais compris le laissez-faire. Tout en minimisant leur validité mais sans voir qu’il adhère par là à l’utilitarisme qu’il dénonce par ailleurs, il reprend à son compte les rationalisations de l’intervention de l’État les plus traditionnelles: les soi-disant « biens publics », les prétendues « externalités », les « monopoles » imaginaires sur un marché libre, et même (il changera d’avis par la suite) la production de l’information (!) et de la monnaie. Il croit même que la redistribution « sociale » est compatible avec un état de Droit!

A force de parler le langage de ses adversaires, qui sont des irrationalistes vrais, et de développer des argumentaires qui mettent en cause la capacité rationnelle de l’homme alors que ce qu’il fallait, c’était persuader les hommes de l’État qu’il n’existe pas de norme objective par quoi la violation du consentement d’autrui puisse être guidée (Ayn Rand), Hayek finit aujourd’hui dans la peau d’un ennemi de la raison. Ce qu’il appellera plus tard le constructivisme, et dont il décrira exactement les effets, n’est pas un rationalisme : il consiste tout simplement à nier a priori la rationalité d’autrui.

Une immense faille traverse l’œuvre de Hayek, et ce n’est donc certainement pas lui qui peut servir de référence à la pensée libérale. Cette faille résulte de l’influence de la philosophie moderne, qui refuse de croire au pouvoir de la raison en matière d’éthique et de Droit. Paradoxalement, alors que le premier message qu’on peut tirer de son œuvre, c’est qu’un discours rationnel est possible en philosophie politique (ce pourquoi il avait d’ailleurs été comparé à un « dinosaure » en 1960), il refuse de tirer les conséquences de ce fait, et de reconnaître qu’on peut déduire rationnellement une définition objective du Bien et du Juste à partir de l’observation des lois de la nature. Ses normes d’« efficacité » sociale ou même de « sélection naturelles des institutions » ne sont pas davantage fondées que la « justice sociale » qu’il a excellemment dénoncée et ses normes ne reposent sur rien. Après tout, est-ce un hasard s’il lui a fallu soixante-dix ans pour se rendre compte qu’un mot qui ne voulait rien dire détruisait toute forme de pensée qui en ferait usage?

Il n’y a donc pas de philosophie politique libérale hayékienne. Sa définition du Droit ne va pas jusqu’au bout parce qu’elle repose sur ce qu’Ayn Rand appelle des « concepts volés », c’est-à-dire des mots dont il se sert sans être capable de rendre compte de leur validité logique et épistémologique. Sa théorie économique s’en ressent aussi. Aujourd’hui, aucun des économistes qui l’admirent comme tel ne croit que les hommes de l’Etat ne puissent jamais, par leurs interventions, améliorer l’efficacité productive. Le fait est que de meilleurs logiciens sont passés par là, notamment Murray Rothbard, qui a réfuté tout cela dès 1962 (dans Man, Economy and State) et Ayn Rand qui, en dépit des pétitions de principe de sa métaphysique, est de très loin la meilleure philosophe libérale. (Cf. notamment Capitalism: The Unknown Ideal, où l’on trouve la meilleure théorie de la valeur avec celle de Mises.) C’est à partir de ces auteurs, qui prennent vraiment la logique au sérieux, qu’on peut établir une théorie sans faille. 

https://fr.liberpedia.org/Dans_national-socialisme,_il_y_a_socialisme

 Voir lectures ici: https://fr.liberpedia.org/National-socialisme

mai 01, 2015

Christian Laval et l'"Utilitarisme" ses explications sur l'ultralibéralisme, le néolibéralisme...!!

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Sommaire:

A) Comment nous sommes tous devenus libéraux par Daniel Benamouzig - Christian Laval, L’homme économique. - la vie des idées.

B) Utilitarisme de Wikiberal

C) Ultralibéralisme, libéralisme et néolibéralisme - Le blog de Christian Laval - Médiapart

D) Ultralibéralisme de Wikiberal

E) Néolibéralisme de Wikiberal




A) Comment nous sommes tous devenus libéraux
 
Pour Christian Laval, le néolibéralisme contemporain poursuit un projet non seulement économique et politique, mais également moral et in fine anthropologique. Les principes libéraux de l’intérêt et de l’utilité ont opéré une « transvaluation des valeurs », dont les ressorts se mettent en place entre le XVIIe et le XIXe siècle, en bouleversant les représentations que l’homme occidental se fait du monde et de lui-même.

Qu’on ne s’y trompe pas, si l’ouvrage de Christian Laval s’intitule L’homme économique, ce titre n’est pas une simple traduction du fameux homo œconomicus, cher aux économistes et à leurs détracteurs. L’expression est à prendre au sérieux : selon l’auteur, le développement de l’économie libérale s’est accompagné d’une transformation radicale des fondements anthropologiques de l’Occident. L’homme en est sorti transformé : il est devenu économique.

 Vidéo ci-dessous:
http://www.dailymotion.com/video/x3zshy_christian-laval-l-homme-economique_news

À une ancienne anthropologie, héritière de l’antiquité et du christianisme, a succédé une nouvelle normativité, dont le libéralisme contemporain est aujourd’hui le descendant. L’ancienne anthropologie valorisait une forme de passivité, de gratuité ou même de désœuvrement, typiquement chrétiens, ou bien une forme d’honneur, attachée aux valeurs guerrières de la noblesse. La nouvelle anthropologie valorise un moi actif et productif, intéressé et calculateur. Ces valeurs se sont développées à partir de la sphère économique mais se sont plus largement répandues dans l’ensemble de la vie sociale. Ses expressions se donnent à lire aux confins de la morale, de la religion, de l’économie, de la philosophie et de la politique. Christian Laval les débusque chez des auteurs canoniques, comme Bernard Mandeville, Adam Smith, Claude-Adrien Helvétius ou Jeremy Bentham, aussi bien que chez des auteurs moins fréquentés, comme Giovanni Botero, Jacques Esprit ou Dugald Stewart.

Avec cet ouvrage dense, Christian Laval s’inscrit dans une longue tradition. Après des auteurs classiques comme Karl Marx, Max Weber ou Werner Sombart, ou plus contemporains, comme Michel Foucault ou Albert O. Hirschman, il explore les liens qui associent l’émergence du capitalisme, du libéralisme et de l’utilitarisme à la formation de nouvelles valeurs et de nouvelles représentations. Cette généalogie morale et intellectuelle du libéralisme donne une certaine ampleur aux travaux que Christian Laval consacre depuis plusieurs années à l’histoire de l’utilitarisme, et plus généralement à l’histoire des sciences sociales. Elle éclaire des transformations intervenues entre le Moyen-Âge et la période contemporaine, le cœur de l’analyse portant sur une période allant du XVIIe au XIXe siècle.
Composé de chapitres en partie indépendants, l’ouvrage s’articule autour de deux principaux moments. Partant du capitalisme médiéval, une première série de chapitres explore les origines sociales et intellectuelles de l’utilitarisme. La seconde partie analyse ses principales expressions intellectuelles, jusqu’à la contribution de Jeremy Bentham. Les travaux d’auteurs postérieurs sont convoqués ponctuellement, au titre de prolongements.

Aux sources de l’intérêt

Christian Laval commence par reprendre à son compte l’épopée du capitalisme médiéval et de ses pratiques économiques. Comme on sait, ces dernières font appel à des savoirs, des techniques et des pratiques commerciales qui laissent une place inédite au calcul. L’auteur insiste sur les valeurs associées à ces techniques, jusque dans la recherche pieuse du salut (chapitre 1). Les marchands ne sont pas les seuls acteurs impliqués dans le développement d’une logique de l’intérêt. A partir du XVIe siècle, les théoriciens de l’Etat apportent une contribution décisive, en instituant l’intérêt comme véritable « intégrateur politique » (chapitre 2). Dans un contexte de guerres des religions, l’utilité publique n’est plus directement liée à la religion, elle est pensée en référence aux intérêts des individus, pour lesquels l’Etat apparaît comme un lieu politique de convergence. Placés dans des rapports de rivalité nationale, les Etats sont eux-mêmes pensés comme des acteurs intéressés, à travers la doctrine de la souveraineté. Enfin, la poursuite de l’utilité devient une finalité économique collective, dont le caractère politique est exprimé par le mercantilisme. L’intérêt devient la clé du pouvoir et de la paix civile.

Après les marchands et les gens d’Etat, les moralistes installent la notion d’intérêt au cœur des représentations. A ce propos, Christian Laval signale un « grand retournement » – entendu dans le sens quasi-nietzschéen d’une transvaluation des valeurs – auquel il consacre quelques belles pages (chapitre 3 et 4). Le privilège reconnu à la notion d’intérêt est associé à la morale du Grand siècle, singulièrement au jansénisme et au puritanisme. L’intransigeante dépréciation morale de l’« amour propre » et de la vanité humaine induit une nouvelle lecture des comportements, plus facilement perçus comme l’expression travestie de l’intérêt, qui apparaît comme le ressort ultime des actions humaines. Sous le regard sans complaisance des moralistes, même les Grands, réduits à l’état de courtisans, semblent se vautrer dans la mesquinerie des intérêts. Prise dans son ensemble, la vie en société exige de « régler » le jeu des convoitises et des vanités. Bien avant les théoriciens de l’économie moderne, les principes explicatifs et normatifs du « marché de l’estime » et des intérêts personnels prennent forme et consistance, sur un terrain de moins en moins moral, de plus en plus réaliste. Forçant le trait jusqu’à la polémique, le calviniste rigoriste Bernard Mandeville n’a plus qu’à montrer, au début du XVIIe siècle, dans sa fameuse Fables des abeilles, à quel point la logique de l’intérêt est non seulement partout présente, mais aussi avantageuse, sinon moralement du moins socialement. Les principes de l’utilitarisme sont posés. Leur développement est l’affaire des décennies suivantes.

Les logiques de l’utilité

L’utilitarisme fait fonds sur une valorisation inédite de l’action. Avant d’être économique ou politique, l’action est une valeur morale, déclinée à travers le statut singulier reconnu aux passions (Chapitre 5). Certes la logique de l’intérêt appelle en principe la régulation bien tempérée, et pour ainsi dire « bourgeoise », d’un système de mesures associant poids et contre-poids. Mais elle se fonde aussi sur le souci moral – moins souvent relevé – de renforcement du plaisir, de « maximisation », allant parfois jusqu’à la passion et à l’excès. Au XVIIIe siècle, la nouvelle valeur de l’action est en outre associée à des principes matérialistes, qui lui offrent un support concret, le corps. C’est à partir du corps que sont indexés les mesures et calculs de l’intérêt. La sensibilité humaine, la souffrance et les jouissances, les plaisirs et les peines apparaissent comme les marqueurs les plus sûrs de l’intérêt. C’est à travers eux que toute valeur peut être appréciée. Et Christian Laval de reprendre les débats classiques sur la valeur, en soulignant la tension entre les théories de la valeur intrinsèque, liée à la quantité de travail incorporée, et celles de la valeur d’usage, rapportée à la jouissance qui peut en être dérivée (chapitre 6). L’appréciation de la valeur passe par un calcul monétaire, qui permet non seulement la mensuration adéquate des états sensibles mais rend aussi possible la prise en compte des anticipations, des peines et des plaisirs imaginés. La mise en relation du calcul et des « expectations » débouche sur une représentation probabiliste de l’action, développée par Hume et par Bentham. Elle s’applique à la sensibilité propre de l’individu comme au comportement d’autrui. Elle peut le cas échéant être reprise à son compte par l’Etat, en cas de défaillance des individus. A ce stade, le raisonnement économique ne se limite plus à la sphère des biens matériels ou des échanges marchands, il s’étend à l’ensemble des comportements humains, appréhendés dans toute leur généralité (chapitre 7).

A cette nouvelle anthropologie, sont associés de nouveaux principes d’organisation sociale. Ils se traduisent par un déplacement : des principes anciens, caractérisés par la verticalité de la transcendance divine et du regard asymétrique que les gouvernants portent sur les gouvernés, sont remplacés par de nouveaux principes, plus immanents. Ces derniers consacrent l’autonomie des relations sociales « spontanées », tissées au sein du marché, et des rapports de pouvoir horizontaux, soutenus par la surveillance réciproque des individus dans une société aspirant à la transparence (chapitre 8 et 9). Ces principes s’accompagnent d’un usage renouvelé de certains « instruments », dont le statut d’outils est spécifiquement mis en avant. Le rôle de la monnaie est à cet égard bien connu. Christian Laval souligne aussi celui du langage, à travers la théorie des fictions de Bentham en particulier. Dans des pages captivantes, l’auteur montre comment Bentham abandonne une « conception strictement référentielle du mot isolé » pour une conception holistique prenant en compte les usages pratiques du langage, et envisageant la possibilité de le réformer à des fins pratiques. W.V.O. Quine y a vu rien moins qu’une « révolution copernicienne ».

Le libéralisme, et après ?

Cette savante mise au jour des racines du libéralisme conduit à revisiter une histoire familière aux sciences sociales, en insistant sur sa dimension morale, normative et finalement anthropologique. Cette fresque recomposée, Christian Laval se demande en conclusion quelle posture critique imaginer. 

Pour ce faire, il propose de distinguer le néolibéralisme de ses racines, car ces dernières offrent des ressources critiques dont témoigne la variété des expressions du libéralisme au cours des derniers siècles. Indispensable compagnon de route du libéralisme, l’Etat est tout d’abord l’objet de considérations cycliques, qui conduisent à le réhabiliter de manière régulière. A un autre niveau, les principes anthropologiques du libéralisme accordent une place à des conceptions moralement et politiquement libérales du lien social, dont témoignent des expressions progressistes de l’utilitarisme, confinant parfois au socialisme. Au-delà de l’identification des ressources internes au retournement anthropologique libéral, l’auteur entend aussi caractériser les spécificités du moment actuel, au sein duquel le libéralisme n’est plus tant conçu comme une voie d’émancipation, attachée à l’idée de progrès, que comme une dynamique désenchantée, lourde de contractions et de difficultés. Enfin, le caractère anthropologique du libéralisme conduit Christian Laval à situer la critique sur un terrain proprement anthropologique, ouvert par Marcel Mauss dans son Essai sur le don et aujourd’hui prolongé par le courant anti-utilitariste. En lieu et place d’un lien social fondé sur l’intérêt des individus, l’auteur défend une conception de l’homme appréhendé comme « sujet de désir », engagé, dans ses relations avec autrui, dans le régime de la réciprocité, du don et du contre-don.

Au total, l’ouvrage est animé par une véritable ambition intellectuelle. S’inspirant des grands textes sociologiques, et se référant souvent à Marx, y compris pour s’en démarquer, il identifie un processus historique capable de rendre raison de grandes transformations sociales. Il se distingue à ce titre d’une littérature sociologique souvent rivée à des objets partiels, aussi bien que d’une prose post-moderniste prenant facilement congé des grands récits. Pour autant, la thèse générale est desservie par quelques limites. Soucieux de faire converger les ressources qu’il mobilise dans un récit dont il reconstitue les étapes, Christian Laval présente une thèse bien plus qu’il ne la démontre. Les auteurs mobilisés sont choisis et interprétés dans un sens systématiquement favorable à la thèse avancée. Si des éléments contradictoires sont parfois signalés, c’est seulement pour indiquer le caractère non linéaire des « trends » identifiés. La même limite apparaît à travers le matériau pris en compte. Alors que les premiers chapitres accordent une certaine place aux transformations sociales et historiques, liées aux pratiques médiévales, la réalité empirique disparaît dès le second chapitre derrière les propos des auteurs convoqués. Bien qu’elle vise une transformation anthropologique, intéressant en principe non seulement les représentations savantes, mais aussi les représentations profanes et les réalités mêmes, la thèse se fonde sur une enquête presque exclusivement internaliste, appuyée sur les seules productions intellectuelles d’esprits généralement éminents, mais de ce fait même assez singuliers. Enfin, la conclusion ne manque pas d’étonner, tant l’appel ultime à l’anti-utilitarisme paraît quelque peu dérisoire au regard de la forte empreinte laissée par la lecture historique de l’emprise de l’utilitarisme dans nos sociétés occidentales et au-delà. De manière plus incidente, on remarquera que l’auteur consacre au fil des développements des pages passionnantes à certains auteurs, comme Helvétius, ou à certaines thématiques, comme la philosophie du langage de Bentham. L’ouvrage se distingue plus généralement par la maîtrise des textes composant la tradition utilitariste, et par le souci remarquable de les interroger et de les mettre en perspective pour notre temps.
par Daniel Benamouzig est sociologue, diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Paris, il est Chargé de recherche au CNRS au Centre de Sociologie des Organisations (CNRS, Sciences Po). Il travaille sur des questions de sociologie politique, de sociologie de la connaissance et de sociologie économique, notamment à propos de questions relatives à la santé. Il a publié, avec François Cusin, Économie et Sociologie (2004 PUF) et La santé au miroir de l’économie (2005, PUF). Présent dans différents comités de lecture ou comités scientifiques de revues (Raisons Pratiques, Revue Française des Affaires Sociales, Pratiques et Organisation des Soins), il est membre de la Commission d’évaluation économique et de santé publique à la Haute Autorité de santé et anime avec Olivier Borraz et Sandrine Lefranc le Réseau Thématique Pluridisciplinaire « société en évolution, science sociale en mouvement » (CNRS, ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur).
Christian Laval, L’homme économique. Essai sur les racines du libéralisme. Paris, Gallimard, Collection NRF essais, 2007, 396 pages, 24,90 euros.


Christian Laval est sociologue et a publié L’Homme économique. Essai sur les racines du néolibéralisme (Gallimard, « NRF essais », 2007). Tous deux sont les auteurs, avec El Mouhoub Mouhoud, de Sauver Marx ? Empire, multitude, travail immatériel (La Découverte, 2007). Depuis 2004, ils animent le groupe d’études et de recherche « Question Marx » qui entend contribuer au renouvellement de la pensée critique.






B) Utilitarisme de Wikiberal

L'utilitarisme est une doctrine éthique (dans le sens comportemental) qui pose en hypothèse que ce qui est « utile » est bon et que l'utilité peut être déterminée d'une manière rationnelle. Le père de cette philosophie est Jeremy Bentham. C'est cependant avec l'apport de John Stuart Mill que l'utilitarisme devient une philosophie véritablement élaborée.
C'est lui qui introduisit le vocable en 1871 et qui tira de ce principe les implications théoriques et pratiques les plus abouties. Le principe éthique à partir duquel il jugeait les comportements individuels ou publics était l'utilité sociale. Pour reprendre la formule bien connue, « le plus grand bonheur du plus grand nombre ».
Le postulat de départ de la théorie utilitariste est que le bien éthique constitue une réalité constatable et démontrable. On peut le définir à partir des seules motivations élémentaires de la nature humaine : son penchant « naturel » à rechercher le bonheur, le plaisir et à esquiver la souffrance. Ce principe est formulé ainsi par Bentham :

« La nature a placé l'humanité sous l'empire de deux maîtres, la peine et le plaisir. C'est à eux seuls qu'il appartient de nous indiquer ce que nous devons faire comme de déterminer ce que nous ferons. D'un côté, le critère du bien et du mal, de l'autre, la chaîne des causes et des effets sont attachés à leur trône. (Principes de la morale et de la législation, 1789)
Les utilitaristes prétendent ainsi régler des problèmes sociaux très anciens :
  • quels principes guident les comportements des individus ?
  • quelles sont les tâches du gouvernement ?
  • comment les intérêts individuels peuvent-ils être conciliés entre eux ?
  • comment les intérêts individuels s'accordent-ils avec ceux de la communauté ?
Le principe de l'antagonisme du plaisir et de la peine répond ainsi à l'ensemble de cette problématique. L'utilitarisme affirme qu'il ne peut y avoir de conflit entre l'intérêt de l'individu et celui de la communauté, car si l'un et l'autre fondent leur action sur l'« utilité », leurs intérêts seront identiques. Cette démarche joue sur tous les plans de la vie sociétale : religieux, économique, éducatif, dans l'administration, dans la justice, ainsi que dans les relations internationales.
Dans des conditions de concurrence pure et parfaite, tout acteur économique ne recherchant qu'à maximiser sa satisfaction individuelle, les démonstrations mathématiques prouvent un optimum social.

Perspective économique

On retrouve parmi les théoriciens de l'économie quelques disciples de l'utilitarisme en particulier John Austin, James Mill, Herbert Spencer et John Stuart Mill qui ont marqué durablement l'histoire de la pensée économique.
L'utilitarisme permet de déterminer le comportement des acteurs économiques, en particulier dans le cas de la théorie micro-économique du consommateur. Tout individu essaie d'obtenir le maximum de satisfaction de sa consommation. Il va donc optimiser l'utilité qu'il retire de sa consommation, compte tenu de sa contrainte budgétaire.

Les difficultés méthodologiques de l'utilitarisme

L'avantage apparent des théories utilitaristes est qu'elles n'ont aucun a priori sur ce que devraient être les règles de vie en société ou l'organisation sociale optimale. Elles tendent à ramener toutes les questions sociales, sans préjugé, à un ensemble d'équations mathématiques dont la résolution devrait permettre aux "ingénieurs sociaux" que sont les politiciens de diriger leur action pour "faire le bonheur du peuple".
Malheureusement la notion d'utilité personnelle, qui reste subjective, et celle d'utilité collective, qui est définie arbitrairement, se prêtent mal à un tel schématisme.
Les principales difficultés méthodologiques de l'utilitarisme sont les suivantes :
  • comment définit-on l'intensité de l'utilité pour chaque individu ? Je préfère les poires aux pommes (préférence ordinale), cependant entre 3 pommes et une poire, je préfère avoir les 3 pommes : l'intensité mesure de combien je préfère les poires aux pommes ;
  • le point précédent étant supposé acquis, comment compare-t-on les différentes intensités individuelles ? Les comparaisons interpersonnelles semblent impossibles, car les mesures d’intensité restent relatives à chaque individu (voir aussi subjectivité de la valeur);
  • les points précédents étant supposés acquis, comment agrège-t-on les utilités pour définir une "utilité collective" : pourquoi serait-elle la somme des utilités individuelles plutôt que leur moyenne, ou autre chose encore ?
Il semble que toute théorie utilitariste soit forcée de faire des choix plus ou moins arbitraires sur les points énoncés, choix variables selon les écoles, ceci sans préjuger de la difficulté de la tâche préalable qui consisterait à mesurer, en pratique, les utilités des personnes d'une population donnée.

Différentes écoles

L'utilitarisme n'est pas une école monolithique, et on y trouve différentes façons d'aborder les difficultés méthodologiques propres à la doctrine (comment mesurer les niveaux de bien-être ? chaque individu a-t-il une échelle unique d'évaluation ? peut-on comparer entre elles les échelles de différents individus ?) :
  • utilitarisme classique (Bentham, Mill) : on s'intéresse à la somme des niveaux de bien-être des individus (inconvénient : on ignore les grandes différences de bien-être qui peuvent exister entre les individus)
  • utilitarisme moyen : on s'intéresse au niveau moyen de bien-être des individus (inconvénient : on est insensible à la variation du volume de la population)
  • utilitarisme à seuil : on cherche à maximiser la somme des utilités (utilitarisme classique) mais en imposant une contrainte sur le niveau moyen, qui doit être supérieur à un minimum (le but est d'empêcher la misère)
  • utilitarisme nashien (du nom du mathématicien-économiste John Nash) : on cherche à maximiser le produit des utilités
  • l'économie du bien-être parétienne, qui abandonne l'hypothèse de comparabilité interpersonnelle et repose sur la notion d'optimum de Pareto (un choix est optimal au sens de Pareto quand la situation d'une personne ne peut être améliorée sans détériorer la situation d'une autre personne)
  • théorie du choix social (Abraham Bergson, Kenneth Arrow, Amartya Sen) : généralisation de l'approche parétienne, les préférences des individus sont comparées sur la base de règles de majorité (une option est socialement préférable à une autre si une proportion plus importante d'individus la préfèrent)

La pensée moderne

Ces théories vont se retrouver dans les ouvrages de l'École classique et avoir des prolongements dans les théories de Friedrich von Hayek et chez les « nouveaux économistes » qui vont, notamment, influencer les politiques économiques de Margaret Thatcher et Ronald Reagan ; répandue chez les économistes de la fin des années 1970, cette théorie va devenir dominante dans la société toute entière.
Les critiques traversent de nombreux courants de pensées, des mouvements écologistes, aux théoriciens de l'anti-utilitarisme et aux mouvements alter-mondialistes : les valeurs pronées, d'une société sans justification supérieure, par les tenants de l'utilitarisme ressassant sur l'individualisme.

Utilitarisme et étatisme

En pratique, les hommes politiques et l'administration publique adoptent souvent dans leur mode de décision une approche à caractère utilitariste, quand des considérations politiciennes ou clientélistes plus classiques n'entrent pas en jeu : par exemple, pour savoir à partir de combien de morts ou d'accidents il faudrait modifier un carrefour en ville ou un segment d'une route nationale. Le "coût" des morts est mis en balance avec le coût des travaux nécessaires pour éviter de futurs accidents. Ce calcul mené par un acteur monopolistique agissant dans l'impunité est évidemment arbitraire, et échappe à toute rationalité économique, celle d'un marché totalement libre (qui tiendrait compte du coût des indemnités pour les assurances, des éventuels procès contre le propriétaire de la route, etc.).
L'importance accordée aux données macroéconomiques telles que le produit intérieur brut résulte de l'influence de l'utilitarisme auprès des hommes de l’État et de sa propension à toujours essayer de mesurer des données subjectives intrinsèquement non mesurables. Pour les économistes libéraux, utiliser le PIB comme mesure d'une "utilité" qu'il faudrait chercher à maximiser est une erreur profonde.

Critique libérale

Pour une bonne part des libéraux, l'utilitarisme n'est pas acceptable, car il pose qu'une action se justifie nécessairement par ses conséquences (éthique conséquentialiste), ce qui n'est qu'une version pseudo-scientifique du bien connu "la fin justifie les moyens", fondement même du raisonnement criminel. Pour les libertariens, le principal défaut de l'utilitarisme est qu'il permet de justifier l'interventionnisme étatique.
Pour un utilitariste, les droits fondamentaux auxquels sont attachés les libéraux n'entrent en jeu qu'en fonction des conséquences qu'ils peuvent produire : ils sont des instruments plutôt que des buts. L'utilitarisme pourrait ainsi très bien justifier une société raciste ou ségrégationniste : en effet, les préférences des individus doivent être respectées et prises en compte dans le calcul de l'utilité, aussi rien n'empêche qu'elles soient discriminatoires. On pourrait même théoriquement justifier l'assassinat des personnes les plus malheureuses de la société, car cela augmenterait la quantité de bonheur totale.
L'utilitarisme reste cependant une composante importante de la pensée libérale, et les raisonnements utilitaristes suivent souvent les assertions déontologiques, comme une conséquence logique de ces dernières (le juste produit le bien). Tel est le point de vue de Hayek, les normes sociales émergeant pour lui d'un processus de sélection par le système social, en vue d'une maximisation du bien-être global.
Un libertarien utilitariste tel que David Friedman trouve les avantages suivants à l'utilitarisme ([1]) :
  • de par le lien fort qui semble exister entre bonheur et liberté, l'utilitarisme a un intérêt pour les libéraux ; même s'il n'est pas "prouvé", il peut s'avérer utile ;
  • l'efficacité économique a une relation avec le bonheur, et elle constitue un critère qui permet de dégager des règles significatives d'un point de vue utilitariste ;
  • une règle ou une loi qui accroît le bonheur n'est pas forcément juste, mais cela plaide fortement en sa faveur ;
  • un accroissement du niveau de bien-être global a très probablement des conséquences positives pour chaque individu, même si ça peut être à long terme.

Publications

  • 2003,Frederick Rosen, "Classical Utilitarianism from Hume to Mill", London and New York: Routledge

Citations

  • La morale des utilitaires, c'est leur psychologie économique mise à l'impératif. (Elie Halévy)

Liens externes

français

anglais


C) Ultralibéralisme, libéralisme et néolibéralisme

La confusion largement répandue entre néolibéralisme et libéralisme désarme la gauche, alimente l’extrême droite,  permet tous les déguisements à droite. La gauche dite gouvernementale en paie aujourd’hui le prix.

La gauche au gouvernement prétend s’opposer à « l’ultralibéralisme » ou aux « excès de la finance », mais elle invoque elle-même un « principe de compétitivité » présenté comme parfaitement neutre sur le plan idéologique, parce que parfaitement commandé par la situation. Or l’épouvantail de l’ « ultralibéralisme » ne marche plus à gauche. La raison en est simple : l’exercice du pouvoir depuis 2012 a amplement montré que le gouvernement dit de gauche mène, dans la parfaite continuité avec le quinquennat précédent, une politique que l’on ne peut qualifier autrement que de « néolibérale ». Les étiquettes de « social-libéral » ou de « libéral » utilisées pour la critiquer, tout comme d’ailleurs la profession de foi « social-démocrate » de Hollande, ne font qu’entretenir la confusion. Mais alors que faut-il entendre exactement par « néolibéralisme » et en quoi est-il distinct du libéralisme, « ultra » ou non?

Par « ultralibéralisme » on entend un libéralisme économique radical favorable à la « jungle du marché ». Selon cette vision, Adam Smith serait le grand ancêtre qui aurait inspiré cette politique radicale dont le modèle nous serait venu d’Angleterre (Thatcher) ou des Etats-Unis  (Reagan). En un mot, c’est le capitalisme sauvage qui fait de  la « marchandisation » une loi de l’histoire, du marché une réalité naturelle et de l’État un parasite dangereux du jeu des intérêts privés. Le libéralisme serait le refus de toute règle et de toute intervention de l’Etat. On comprend alors que la gauche, hostile par tradition à la privatisation des services publics et favorable à une certaine action de l’État, puisse se présenter comme l’adversaire de ce libéralisme « ultra ». La gauche ne serait pas libérale parce qu’elle ne serait pas partisane du « laisser faire ». Le problème est que le néolibéralisme n’est pas le laisser faire.

Avec lui nous n’avons pas affaire à une doctrine qui reconduirait les vieilles lunes du marché autorégulateur et de la passivité de l’État. Nous sommes en présence d’une redoutable logique qui transforme toutes les institutions et tous les champs sociaux pour les plier à la norme de la concurrence et de la performance. Ce n’est donc pas que tout devient directement « marchandise ». C’est plutôt que toute la société doit obéir à la rationalité du marché, jusqu’aux secteurs d’activité  qui ne sont pas directement marchands, jusqu’aux sujets eux-mêmes, tenus de répondre dans leurs actes et leurs désirs à l’impératif d’illimitation du « toujours plus ».

Cette transformation devient de plus en plus perceptible, notamment avec l’emprise croissante des techniques de management dans les entreprises, les administrations, les hôpitaux, les écoles  ou  les universités. L’État ne cède pas du terrain dans son bras-de-fer avec le marché, pas plus qu’il ne se dissout. Il n’est certes plus l’État producteur et banquier de l’après-guerre, mais il ne s’est pas pour autant retiré pour abandonner le capitalisme à sa course folle.  C’est son activité qui a changé. Il est désormais un acteur irremplaçable de la co-production des normes avec les grandes multinationales et les institutions internationales. Tel est le vrai sens du chantage à la « compétitivité ». Le néolibéralisme est d’abord et avant tout un système de normes introduit à l’initiative de l’État dans les rapports sociaux et dans ses propres rouages. 

La confusion entre laisser faire et néolibéralisme a deux conséquences : elle consolide à la « gauche de la gauche » un virage de plus en plus étatiste, nationaliste  et protectionniste, puisque le « retour de l’État » serait la seule manière de combattre les dérives du capitalisme, elle masque le caractère néolibéral de la politique menée par le gouvernement, puisque l’activité de l’État témoignerait par elle-même d’une pureté d’intention.

Pierre DARDOT et Christian LAVAL
Texte paru dans La Croix du 11 avril 2014 sous le titre « au comble de la confusion entre « libéralisme » et « ultralibéralisme »

Le blog de Christian Laval


D) Ultralibéralisme de Wikiberal

Le terme d'ultra-libéralisme ou ultralibéralisme, voire parfois de néolibéralisme, est une étiquette politique péjorative qui désigne, pour ses détracteurs, l'adhésion sans réserve à un ensemble de doctrines économiques libérales. Il est à souligner qu'aucun économiste ni aucun politicien ne se désigne comme ultralibéral. Ces derniers se déclarent plutôt libéraux ou encore libertariens

Malhonnêteté intellectuelle du terme

François Guillaumat estime que le terme d'ultralibéralisme, inventé par les socialistes pour détourner l'attention des désastres du collectivisme, est triplement malhonnête[1] :
  • c'est une accusation qui n'ose pas dire son nom (elle insinue que le libéralisme serait extrémiste, ou du moins que le libéralisme serait bon à condition qu'il ne soit pas « exagéré ») ;
  • ce ne sont pas l'injustice ni la restriction des libertés qui seraient mauvaises, mais l'extrémisme en matière de liberté (alors que le libéralisme a toujours affirmé que la liberté des uns s'arrête où commence celle des autres);
  • le but est, dans la tradition sophistique, de manipuler les gens par un anti-concept qui ne correspond pas à une réalité, mais dont le but est de susciter une impression, une émotion chez l'interlocuteur (en faisant appel à son irrationalité).
Pascal Salin écrit pour sa part dans Libéralisme que ceux qui parlent d'ultralibéralisme le font « pour suggérer l'idée que les libéraux sont des extrémistes politiques, proches d'une extrême droite autoritaire, dont ils sont en réalité aux antipodes ». Cette confusion sémantique volontaire est facilitée selon lui par l'existence de deux approches du libéralisme : une approche utilitariste et une approche fondée sur le droit naturel ; tout rejet de l'utilitarisme conduirait à être « immédiatement taxé d'"ultra-libéralisme" par ceux qu'on devrait être tenté d'appeler les "ultra-social-démocrates" ou les "ultra-centristes" »[2] :
On saute allégrement à l'identification entre libéralisme et fascisme. L'équation est simple : les libéraux sont à droite, par ailleurs ils sont extrémistes, ils sont donc à l'extrême droite, c'est-à-dire qu'ils sont fascistes. On comprend que les constructivistes de droite et de gauche aient intérêt à utiliser ces techniques d'amalgame, car ils sentent bien que les libéraux sont leurs seuls vrais opposants.
Salin considère à l'opposé de la vision utilitariste le libéralisme comme un tout cohérent, qu'il est impossible de diviser en libéralisme « avancé », « social » ou « ultra ». Selon lui, il n'y a pas de libéralisme « hémiplégique »[3].
Cette réfutation du terme d'« ultra-libéralisme » est partagée par d'autres penseurs et économistes non libéraux. Certains penseurs comme le philosophe et politologue Pierre-André Taguieff[4] ont dénoncé l'utilisation d'« ultra-libéralisme », de « néo-libéralisme » et plus généralement d'un vocabulaire destiné à discréditer et à « excommunier » ceux qui sont visés par ces qualificatifs[5] et qui s'apparente à du terrorisme intellectuel. Selon Taguieff, « ultra-libéral » est utilisé aux mêmes fins que « passéiste », « réactionnaire » ou « xénophobe » pour inventer un ennemi et lancer une « chasse aux sorcières »[6]. Pour The Economist, il s'agit d'un terme utilisé pour faire peur et créer de la « panique »[7]. Marc Crapez souligne également les usages impropres qui gravitent autour du "grand Satan néolibéral" et autres préfixes répulsifs[8].
Alain Wolfelsperger va plus loin dans la critique de ce processus linguistique : il considère que le terme est une insulte qui ressort du « style paranoïde » et est caractéristique d'un certain « conspirationnisme » des « ultra-antilibéraux » qui « fantasment » ce qu'est réellement le libéralisme[9].
Plus récemment, l'homme politique Hervé Morin notait que : « Il est très préoccupant pour notre pays de constater que plus personne ne semble pouvoir revendiquer cette liberté [d'entreprendre] sans être aussitôt qualifié d’« ultralibéral », formule qui est une sorte d’équivalent du cynisme absolu ! »[10]
Présenté de façon (légèrement) ironique, le terme vise ouvertement à discréditer « toute doctrine s'écartant de la ligne définie par le camarade Khrouchtchev lors du congrés 1953 du PCUS »[11].
Le terme d'ultralibéral a été utilisé dès le XIXe siècle et là aussi réfuté par des auteurs qui n'y voyaient qu'un terme repoussoir destiné à discréditer la partie adverse. Ainsi, Édouard Laboulaye, écrivait-il à propos de ceux qui s'opposent à la liberté de l'enseignement, « oppose-t-on à ces doctrinaires de la République que du même coup ils tueront la liberté ? Ils ont une réponse toute prête. Ceux qui demandent la liberté d'enseignement sont des ultralibéraux, des utopistes, des rêveurs »[12].
Aux Etats-Unis le terme ultra-liberal désigne les gauchistes (liberal correspondant aux sociaux-démocrates ou aux socialistes).

Essai de définition 

Selon ses détracteurs, les figures de proue de ce « néolibéralisme » seraient l'économiste monétariste Milton Friedman, Prix Nobel d'Économie, et l'école de Chicago qu'il a fondée. Les dirigeants politiques des années 1980 que sont Margaret Thatcher au Royaume-Uni et de Ronald Reagan aux États-Unis, sont souvent considérés par ces mêmes déctracteurs comme des emblèmes du néolibéralisme. Ces personnalités ne se définissent pas elles-mêmes comme ultra-libérales. On trouve le terme également associé avec le FMI, l'OMC, l'Union européenne et, plus généralement, toute personne non socialiste que l'on veut disqualifier...
Les opposants à la menace fantôme d'un « ultralibéralisme » inexistant se trouvent à droite comme à gauche, mais à chaque fois dans le camp des étatistes. Ils reprochent au « néolibéralisme » d'accroître les inégalités sociales, de réduire la souveraineté des Etats ou de nuire au développement du Tiers monde. Des accusations qui, pour les premier et dernier points, sont sans fondement.
Les libéraux soulignent qu'au contraire ces phénomènes résultent de l'intervention de l'État et non du libéralisme, qui repose d'abord sur le droit imprescriptible de l'individu face à toute organisation collective ou étatique. D'autres libéraux ajouteront que la notion même d'ultra ou néo est absurde en ce qui les concerne, car contrairement aux collectivismes, le libéralisme n'est ni partisan ni conflictuel, et qu'il n'a donc pas à faire avancer des intérêts particuliers avec plus ou moins de vigueur.
Le concept d'ultralibéralisme, terme repoussoir assez flou, ne désigne d'ailleurs pas la même chose pour tout le monde, même si tout le monde est d'accord pour en faire l'ennemi public numéro un ainsi qu'une arme de terrorisme intellectuel efficace contre tout adversaire politique moins à gauche que vous. Pour certains, il n'évoque pas le libéralisme économique, mais une espèce d'anarchisme de droite, voire le refus de tout ordre social (anomie) et l'instauration de la loi du plus fort, conséquences présumées d'un recul de l’État. Ainsi, Michel Rocard définit l'ultralibéralisme comme "la négation de l'idée que c'est à la loi qu'il appartient de définir les bornes et les conditions d'exercice de la liberté"[13]. Au contraire, la droite antilibérale, et également une certaine gauche, fustigent, sous le concept d'ultralibéralisme, une présumée disparition des patries, un refus du "patriotisme économique" protectionniste au profit d'un fantasmé "capitalisme financier international" :
Être ultralibéral, c'est détruire la nation pour laisser sans défense les travailleurs de notre pays face à la mondialisation et aux délocalisations. Car être ultralibéral, c'est vouloir la disparition des frontières. Être ultralibéral, c'est accepter la disparition de toutes les régulations du commerce mondial sous l'égide de l'OMC. Être ultralibéral, c'est accepter depuis dix ans toujours plus de déséquilibres dans la répartition des bénéfices. Être ultralibéral, c'est permettre l'écrasement de nos PME et de nos PMI, de nos agriculteurs, de nos commerçants, par les entreprises du CAC40, de la grande distribution. Être ultralibéral, c'est encourager l'immigration pour favoriser une baisse généralisée des salaires. (Jean-Marie le Pen, Convention du FN de Lille 2007).[14]
Enfin, quand on analyse ce qui est reproché à cet "ultralibéralisme", on constate souvent que le terme est employé incorrectement pour désigner en réalité le capitalisme de connivence, qui précisément est le fait de l'étatisme, et non du libéralisme : l'utilisation de la force de l’État pour assister les non-productifs en volant les productifs. Par ignorance à la fois de la politique et de l'économie, on attribue à une idéologie fantasmée ce qui relève en réalité de la pratique des hommes de l’État, de leur emploi de la force au bénéfice d'intérêts privés et de leur propre intérêt.
L'intérêt de l'accusation d'"ultralibéralisme", dans la riche panoplie du "complot libéral", est qu'elle ne désigne aucun coupable en particulier : il est plus facile de mettre en cause une prétendue "idéologie" que des personnes ; comme l'on est toujours "l'ultralibéral" de quelqu'un, cette attaque ad hominem permet de contrer, en le désignant à la vindicte publique, un adversaire politique qui réclamerait davantage de liberté pour l'individu ou qui oserait simplement se proclamer partisan d'une politique qui ne consiste pas à augmenter la taille de l’État et son endettement.

Citations

  • « Les adversaires du libéralisme -- ceux qui se sont si lourdement et tragiquement trompés pendant des décennies -- ne pouvaient cacher leurs erreurs qu'en pratiquant la fuite en avant : au lieu de célébrer la chute du mur de Berlin comme le symbole d'un retour à la liberté individuelle, ils ont proclamé la victoire de la démocratie (c'est-à-dire d'un mode d'organisation de la société politique) et ils sont partis en guerre contre les fictions que sont l'ultra-libéralisme et le néo-libéralisme, deux concepts construits de toutes pièces par les collectivistes et dans lesquels les libéraux ne se reconnaissent pas. »
(Pascal Salin)
  • « C’est commode de désigner ses adversaires par des termes qu’on ne comprend pas soi-même. Cela fait déjà un certain temps que les démocrates-sociaux essaient de faire passer pour des extrémistes les partisans de la liberté naturelle. Le terme d’ultra-libéral vise à cela, qui n’ose pas tout à fait dire "extrémiste" mais le suggère fortement. (...) Un extrémiste, à savoir quelqu’un qui n’est pas dupe des croyances absurdes de la démocratie sociale. »
(François Guillaumat)
  • « Il n'y a pas lieu pour un libéral d'être "ultra" ou "modéré", et nul libéral ne s'est jamais prétendu l'un ou l'autre. Les socialistes, ayant peur d'argumenter avec les libéraux sur le fond, préfèrent tenter de les discréditer sans leur donner la possibilité de s'exprimer, en préfixant le nom de "libéral" du préfixe repoussoir "ultra". Utiliser le mot "ultralibéral" est un signe d'une extrême bassesse intellectuelle ou morale de la part de la personne qui le profère. »
(Faré)
  • « (En France) la simple expression des idées de liberté vaut à ceux qui tentent de les faire valoir des qualificatifs infamants, dont les plus aimables sont "ultralibéral" ou "libéral sauvage", tandis que "fasciste" n'est jamais très loin. »
(Claude Reichman)
  • « Comment parler d’ultralibéralisme dans une société d’économie mixte où l’Etat confisque plus de 50 % de la richesse du pays ? Où est cette dictature du marché lorsque nos gouvernements augmentent les impôts au gré de leur humeur, décident de notre temps de travail, subventionnent à tout va des pans entiers de l’économie (même privée), arrosent à coups de milliards l’enseignement, le social, les associations et embauchent tous les ans des fonctionnaires supplémentaires ?  »
(Bogdan Calinescu)
  • « Le rejet du libéralisme est tel que l'expression même est aujourd'hui bannie du vocabulaire de l'honnête homme. On fustigera de préférence, dans la conversation, l'"ultralibéralisme", version fantasmatique d'une école de pensée qu'il est confortable de déconsidérer en l'affublant ainsi d'un préfixe infamant : d'un "ultra", on ne peut rien attendre de sérieux ni de positif. »[15]
(Philippe Manière)
  • « L'extrémisme dans la défense de la liberté n'est pas un vice ; la modération dans la poursuite de la justice n'est pas une vertu. »
(Barry Goldwater)
  • « On a affaire à une doctrine de combat inédite destinée spécifiquement à contrer l’hégémonie actuelle d’un prétendu « ultralibéralisme » et que l’on pourrait appeler, de manière parodique, l’ultra-antilibéralisme en raison de sa radicalité, de son contenu exclusivement critique et de l’état émotionnel fait de peur, voire d’épouvante, qu’elle vise à susciter. »
(Alain Wolfelsperger)
  • « L’ultra-libéralisme est un libéralisme économique exclusif, qui néglige d’autres dimensions du libéralisme, cède au despotisme éclairé de son principe et tombe sous la dépendance de sa propre logique. »
(Marc Crapez)
  • « Il est, selon l’humeur du jour, soit comique, soit navrant de constater que tous les maux de l’économie planétaire sont mis sur le dos bien large d’un libéralisme fantasmé qui n’existe que dans l’esprit de ceux qui ne le connaissent pas. »
(Vincent Bénard)
  • « L’élève qui dira qu’on ne doit pas tout attendre de l’État, qu’il faut se prendre en charge, que ce n’est pas à l’État de nous garantir un travail, la Sécurité sociale... bref, si vous défendez une thèse ultra-libérale c’est une provocation, donc évitez la provocation. »
(conseils d'une professeure de philosophie aux élèves qui passent le baccalauréat français, lewebpedagogique.com)
  • « (...) une sénatrice "explique" à ma table que la France est un pays ultra-libéral. Oui, Madame. Elle nous raconte les us et coutumes des habitants de cette terre lointaine. Inconnue. Je lui fais remarquer que, si la France est un pays "ultra-libéral", la Suisse est un club échangiste. Sous ecstasy. (...) La France ne souffre ni de son chômage, ni de sa dette : elle est malade de son aveuglement. Incapable de se remettre en question. »
(Fathi Derder, parlementaire suisse, journaliste, 2013)

Bibliographie

Voir aussi

 E) Néolibéralisme de Wikiberal

Aussi surprenant que cela puisse paraître, le terme de néolibéralisme est apparu dès la fin du XIXe siècle et non pas récemment. Charles Gide, économiste français et idéologue central du mouvement coopératif, dans un article polémique contre l'économiste italien, Maffeo Pantaleoni, utilise ce terme en 1898[1]. Il définit le néolibéralisme comme un retour aux théories économiques classiques libérales d'Adam Smith : il rattache Pantaleoni, Pareto et Walras à la "nouvelle école libérale" (alors que Frédéric Le Play appartiendrait selon lui à "l'école libérale dissidente").

Le concept de néolibéralisme est devenu, au cours de ces vingt dernières années, une exhortation à de nombreux débats politiques et universitaires[2]. Cela a notamment été le cas chez les auteurs qui utilisent le concept de manière péjorative, décrivant ce qu'ils perçoivent comme la propagation d'un capitalisme lamentable et d'un consumérisme dévoyé, ainsi que de la démolition aussi déplorable de l'Etat-providence[3]. Le concept est devenu un terme générique pour certains auteurs décrivant la dépréciation de presque tout développement économique et politique. Et donc le néolibéralisme est jugé comme une utopie[4]. Il serait indésirable et malsain car prompt à l'exploitation du peuple[5] et associé à la mondialisation, il nous entraînerait dans une spirale inégalitaire infernale[6]. Pierre Bourdieu[7] utilise la rhétorique guerrière pour assimiler le néolibéralisme comme un envahisseur dont il serait un farouche résistant. Le néolibéralisme, selon toujours le sociologue français disposerait de deux bras armés, le FMI et l'OCDE.
Quand il n'est pas utilisé par des anti-libéraux[8], le terme néolibéralisme, associé à néolibéral, sert souvent d'étiquette par défaut pour les théoriciens en panne d'inspiration qui, bien souvent oublient d'en donner la définition ou prétendent qu'il est impossible d'en donner une précisément [9]. Autant dire que le terme n'a aucun sens pour un libéral, sinon l'utilité très pratique de pouvoir cerner par le simple indice de l'emploi de ce concept, la prévention idéologique de la personne qui s'en sert (révélateur de préjugés qui fonctionne aussi avec ultralibéral). 

Historique

Tout d'abord, dans les années 1930, le terme a servi à désigner un courant de réaffirmation des idées libérales, alors que les idées collectivistes dominaient les esprits, et dont Louis Rougier fut en son temps le fer de lance, en organisant le Colloque Walter Lippmann.
Ensuite, au début des années 1980, les compléments apportés à la théorie « néoclassique » (en économie) ayant fait leur apparition dans le débat public (coûts de transaction, théorie des choix publics, anticipations rationnelles, capital humain, etc.) et puisque le terme de "néo néo classicisme" paraissait peu souhaitable, on les a appelé « nouveaux économistes », puis « néo-libéraux » en raison de leur anti-keynésianisme. L'un de ceux-ci, Henri Lepage, a d'ailleurs intitulé un chapitre de Demain le libéralisme (1980) : "Les nouveaux libéraux et l'idée de justice".

Mauvais usages du terme

D'autres fois, l'étiquette néo-libérale, qualifie les monétaristes de l'École de Chicago, alors que beaucoup de théories monétaristes passent par une intervention de l'État et des Banques Centrales ; il y a donc un non-sens.
Enfin, certains détracteurs du libéralisme intègrent au « néo-libéralisme » le courant de pensée de l'économie de l'offre qui a notamment été animé par Arthur Laffer et George Gilder, tous deux membres de l’université de Californie du sud, cherchant à montrer que les difficultés économiques contemporaines proviennent d’une insuffisance de facteurs de production due à l'intervention de l'État.
Notons encore, pour clore la chasse aux fantômes, que le terme de « néo-libéraux » est aussi souvent accolé aux néoconservateurs, qui sont aussi libéraux que le ciel est vert.
Ce qui est en général sous-entendu par celui qui emploie le terme de néo-libéral comme une insulte (ce qui est le cas le plus fréquent), est que, contrairement aux "bons" libéraux des Lumières qui se préoccupaient de défendre les droits de l'homme, les néo-libéraux ne s'intéressent qu'à défendre un prétendu "pouvoir du marché". Il semble implicitement que pour eux participer à un marché, créer une entreprise, faire du profit, etc. ne fasse pas partie des droits de l'homme. A ce sujet, Alain Laurent nie que ce qu'on appelle "néolibéralisme" soit fondamentalement différent du libéralisme classique :
Le néolibéralisme (si l'on entend par là ce qui était professé par Hayek, Mises ou Milton Friedman) n'a jamais fait qu'actualiser, adapter aux circonstances contemporaines, le libéralisme classique. Quelqu'un comme Smith a défendu simultanément liberté économique et liberté politique. (...) Les soi-disant néolibéraux ne disent rien d'autre, ils ne font qu'adapter ce que Smith, Turgot, Say, Bastiat, Benjamin Constant et même Tocqueville ont déjà dit. (...) La liberté ne se divise pas.[10]



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