octobre 26, 2014

Sur la page pour une démocratie libérale 9/21 (la Justice) et la critique

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Un pouvoir judiciaire indépendant

Des juges indépendants et professionnels sont le fondement d'un système loyal, impartial et constitutionnellement garanti de tribunaux appelé le système judiciaire. Cette indépendance n'implique pas que les juges peuvent prendre leurs décisions en fonction de leurs idées et préférences personnelles mais qu'ils sont libres de prendre des décisions conformes à la loi, mêmes si elles sont contraires aux intérêts du gouvernement ou de puissantes parties impliquées dans l'affaire jugée.

Dans les démocraties, l'indépendance des juges par rapport aux pressions politiques que peuvent être tentés d'exercer des élus ou dirigeants, garantit leur impartialité. Les jugements rendus doivent être impartiaux, être basés sur les faits et circonstances de l'affaire, être argumentés juridiquement et se fonder sur les lois en jeu, sans la moindre restriction ni influence abusive des parties intéressées. Ces principes assurent l'égalité de tous devant la loi.

Le pouvoir des juges d'examiner publiquement les lois et, le cas échéant, de les déclarer contraires à la constitution du pays constitue un moyen de contrôle fondamental contre d'éventuels abus de pouvoir des gouvernants, abus toujours possibles même lorsque ceux-ci ont été élus par la majorité de la population. Pour que les juges puissent exercer ce pouvoir de contrôle, il faut que les tribunaux soient considérés comme indépendants et capables de fonder leurs jugements sur la loi et non sur des considérations ou intérêts politiques.

Qu'ils soient élus ou nommés, les juges doivent jouir d'une sécurité de leur emploi ou de leur charge pendant la durée de leur mandat, garantie par la loi, afin de pouvoir trancher les affaires sans se soucier de pressions ou de mises en cause de la part des gouvernants. Une société civile reconnaît l'importance de juges professionnels et veille à ce qu'ils aient reçu la formation voulue et soient correctement rémunérés.

La confiance en l'impartialité du système judiciaire est fondée sur la perception qu'il n'est pas un pouvoir " politique ». C'est la principale source de sa force et de sa légitimité.

Ceci étant, les tribunaux d'un pays ne doivent pas - pas plus que les autres institutions publiques - être à l'abri de tout examen public, de commentaires et de critiques. La liberté de parole appartient à tous : aux juges comme à leurs détracteurs.

Pour assurer leur impartialité, l'éthique judiciaire exige que les juges se récusent dans les cas où ils ont un conflit d'intérêt.

Dans une démocratie, les juges ne peuvent être révoqués pour des motifs mineurs ou en raison de critiques politiques. Ils ne peuvent être destitués que pour des délits ou infractions graves et qu'au terme d'une procédure longue et difficile de mise en accusation et d'un procès soit devant le parlement soit devant un tribunal distinct.

Un pouvoir judiciaire indépendant assure la population que les jugements des tribunaux se fondent sur les lois et la constitution du pays, sans fluctuer au gré des changements de majorité et sans être soumis aux pressions d'une majorité temporaire. Jouissant de cette indépendance, le système judiciaire d'une démocratie est une sauvegarde qui garantit les droits et libertés du peuple. 

Justice

De Wikiberal
En tant que principe moral la justice est définie comme le fait de rendre à chacun son dû en rétablissant la vérité et la raison, c'est à dire, à attribuer à chacun le sien.
Dans l'optique libérale classique, la justice est rendue par une institution judiciaire qui veille à l'application des lois.
Dans l'optique libertarienne, la justice est rendue par un arbitre (qui peut être privé) dans le but de régler pacifiquement un conflit entre individus ou groupes d'individus (associations, entreprises).

Deux concepts

Selon Aristote, puis Saint Thomas d'Aquin[1], il existe deux concepts de Justice : la justice commutative et la justice distributive.
La justice commutative se préoccupe des relations entre individus dans une même communauté (elle préconise l'échange, le contrat, et tend vers le principe : à chacun selon son mérite).
La justice distributive se préoccupe des relations de la communauté considérée comme un tout à l'individu (elle tend vers la redistribution autoritaire selon le principe : à chacun selon ses besoins). La question difficile du choix du critère de distribution n’est pas tranchée, ou plutôt est tranchée de façon arbitraire.

Justice libérale

Le libéralisme fait de la justice le point central de ses réflexions : qu'est-ce qu'une société juste, où ne règne pas la loi du plus fort et où les droits de chacun soient respectés ? On peut dégager deux tendances :

 La privatisation du système judiciaire : une option inéluctable ?

Pourquoi l'État devrait-il avoir un rôle fondamental dans la création, la production et l'organisation des institutions en charge de faire respecter le droit? Pour beaucoup de juristes et même d'économistes se poser une telle question est incongrue. La justice serait un attribut de la souveraineté de l'État par excellence.

Mais alors pourquoi tout le monde se plaint-il de la justice, de ses lenteurs, des mauvais jugements, de son absence d'indépendance, de ses biais idéologiques? La réponse de l'économiste est simple. On s'en plaint parce que le monopole de la justice est similaire à celui de l'éducation nationale ou des postes. C'est là que le raisonnement économique entre en jeu. La justice ne se différencie pas fondamentalement des autres biens et services. Prétendre que la justice est un bien ou un service différent des autres tient plus de l'art de la rhétorique que de l'argumentation raisonnée. Les dysfonctionnements que l'on observe dans la justice ne diffèrent pas de ceux de l'éducation nationale.

Comme dans l'éducation nationale, où les étudiants viennent à l'université sans vocation particulière pour les études, des litiges, qui ne valent pas un procès, encombrent les tribunaux. Comme dans l'éducation nationale, la justice est au service de ceux qui produisent le droit, le législateur, et non pas au service de ceux qui demandent justice, les victimes qu’il s’agisse d'un crime de sang, d’un délit ou d’un dommage civil.

Comme pour l'éducation nationale les services fournis par la justice sont gratuits. Faute d'un système de prix, personne ne sait dans quel domaine judiciaire il faut investir ses efforts ou ses ressources. Le refus de faire payer les consommateurs des services de justice crée une demande excédentaire et des files d'attente. Les procès durent des mois. Cette attente crée de l'incertitude et est à la source d'une mauvaise qualité du droit.

Les magistrats, à l'abri de la compétition, au nom de leur indépendance, comme pour les professeurs de l'enseignement supérieur, peuvent poursuivre leurs intérêts et idéaux personnels sans à avoir à rendre des comptes. Ils imposent leur conception de la justice indépendamment des autres conceptions du droit que peuvent avoir les plaignants ou des magistrats étrangers ou encore des professeurs de droit.

On recrute les magistrats par concours, on les forme à l'abri de la compétition dans une école nationale: celle de la magistrature. Il suffit de contrôler l'enseignement de cette école pour former des générations de juges qui auront le pouvoir d'imposer une vision particulière de la justice tout au long de leur vie ! La protection des juges contre l'arbitraire d'un pouvoir politique ne protège pas le consommateur de justice contre l'arbitraire des juges.

Les juges eux-mêmes méconnaissent ou font semblant de méconnaître les inconvénients majeurs de la cooptation par des pairs qui est source constante de haine et de conflits dans la profession. Enfin, les auxiliaires de la justice ont maintenu, comme au temps des corporations, des privilèges et des parts de marché en cloisonnant les spécialités et le territoire. Il faut une bonne dose d'inconscience pour venir se plaindre du mauvais fonctionnement de la justice devant une telle structure institutionnelle

Peut-on attribuer à cette nationalisation de la justice sa pauvreté, sa rigidité sa mauvaise qualité ainsi que le mauvais fonctionnement de la justice ? La réponse est positive. Le refus de privatiser la justice et de mettre en compétition les diverses sources du droit reste le meilleur moyen de maintenir une justice injuste et inefficace dans notre pays. C'est ce que nous voudrions démontrer dans cet essai.

Un tel débat sur la privatisation de la justice en rappelle un autre particulièrement vif chez les économistes: celui de la concurrence des monnaies. Faut-il produire la monnaie de manière hiérarchisée et centralisée avec une banque centrale indépendante et une constitution monétaire ou au contraire laisser la compétition s'instaurer entre les monnaies? Banque libre et concurrence monétaire assurent-ils mieux la stabilité monétaire qu'un monopole de la banque centrale soumis au pouvoir politique ou au pouvoir de quelques individus inamovibles et indépendants du législateur[1]?

L'analogie est plus profonde qu'il n'y paraît à première vue. L'usage d'une certaine monnaie comme d'un certain droit est une coutume qui émerge spontanément de l'interaction individuelle sans qu'il soit dans les intentions des gens de la faire émerger. Comme le droit, la monnaie résout des problèmes liés aux transactions, elle facilite les échanges et contribue à l'expansion du marché. Comme le droit, plus il y a de gens à adopter le même moyen de paiement (ou les mêmes normes de droit), plus elle rend des services. Plus il y a de gens à s'en servir plus elle économise des coûts de transaction et plus elle s'impose d'elle-même.

La majorité des économistes ne prêtent pas une attention aussi sérieuse qu'ils le devraient à la possibilité d'une justice privée et d'une concurrence entre les sources de droit, non pas parce qu'ils méconnaissent les vertus de la compétition et de la privatisation, mais parce qu'on leur enseigne, sans réflexion critique, que le droit ne pourrait être produit sans l'usage de la contrainte publique, que le droit présente des caractéristiques propres tel qu'il est indispensable d'avoir une institution qui arbitre en dernier ressort les conflits pour faire respecter de façon ultime les décisions de justice. Dans un tel cas d'espèces, seul l'État serait en mesure de produire de manière efficace le droit. Pourquoi les hommes d'État refusent la concurrence des monnaies et leur privatisation ? Parce que le monopole de la monnaie est un moyen de prélever l'impôt d'inflation et le monopole de la justice un moyen pour les hommes politiques de se mettre "légitimement" hors la Loi ou au dessus des Lois si nécessaire.

Paradoxalement le juriste et l'historien sont plus familiers avec les notions de justice privée ou de compétition entre les diverses sources du droit. L'histoire des institutions juridiques démontre, en effet, amplement l'existence et l'efficacité de cette privatisation et de cette compétition. Les meilleurs exemples historiques que l'on puisse proposer sont la loi des marchands du XII e siècle et le droit islandais[2] qui s'est développé pendant trois siècles sans État, le droit maritime international en matière de cabotage ou le droit religieux juif en matière de mariage et divorce contemporain. Pour démontrer quels bénéfices nous pourrions tirer d’une privatisation de la justice, nous allons organiser cet essai de la manière suivante.

Dans un premier temps nous allons rappeler les chiffres et faire un constat d'échec sous le titre les raisons fondamentales de la faillite du système judiciaire français : monopole, nationalisation, centralisation bureaucratique, gratuité du service.

La structure institutionnelle du système judiciaire français : monopole, nationalisation et bureaucratisation engendre des effets pervers bien connus: file d’attente, mauvaise qualité des services, gaspillage des deniers publics, hiérarchisation qui ossifie les doctrines juridiques, perte de crédibilité, justice parallèle, injustice des jugements, corruption des juges etc. A cela s’ajoute, dans le cadre d’un régime politique particulier, la démocratie, une production du droit et de la législation sous l’influence d’une variété de groupes de pression aux intérêts antagonistes qui rend les jugements, sur le fond, incohérents et déstructurés.

Devant les défaillances du système judiciaire la question de se tourner vers des modes alternatifs de résolution des conflits, arbitrage privé, médiation, etc., est à l’ordre du jour. Cette solution doit être mise en parallèle avec des solutions d'externalisation de la justice en autorité administrative indépendante, en service délégué ou en concession sans abandon du monopole. Cette attitude réformiste ne peut résoudre le problème fondamental posé par le monopole lui-même qui est issu, comme pour la monnaie, la police ou l’armée, d’une volonté politique de concentrer dans les mains d’une seule personne (ou d’un petit nombre de personnes) le pouvoir d’arbitrer de façon ultime les conflits entre les individus. Ces pouvoirs sont nécessaires et complémentaires pour « légitimer la souveraineté » de la faction politique qui exerce son pouvoir de taxation sur un territoire donné[3].

La solution révolutionnaire ou contre révolutionnaire consiste à abandonner le monopole de la justice et revenir à la justice privée et concurrentielle. Mais une telle solution est–elle viable dans une grande société ouverte où des individus, anonymes, poursuivent des objectifs multiples et différents souvent incompatibles entre eux pour reprendre l’argument de F. Hayek (1973)[4]?

La méthode que nous adopterons sera la suivante : nous proposerons une théorie pure du droit en absence d’État, c'est-à-dire une théorie pure du droit aux antipodes de celle de Hans Kelsen(1953)[5]. Pour cela, nous développerons les concepts fondamentaux d’émergence spontanée des droits de propriété et de l'échange volontaire de ces droits comme de leur évolution par division, mutation et création. Les sources de conflits que l'on peut attendre de la définition ou de l’échange volontaire de ces droits donne naissance à une demande d'arbitrage pour les résoudre. Cette demande génère, en retour, une offre de procédures de résolution des conflits qui va engendrer un système de justice privé concurrentielle. Celle-ci donne naissance à un ordre juridique spontané et stable dont la caractéristique essentielle est qu’il ne souffre pas, par définition, des défauts du système public et monopolisé de la justice contemporaine. Ce qui ne veut pas dire que cette offre privée de procédures de résolution des conflits est sans défaut, la perfection n’est pas de ce monde. Comme le rappelle Bruno Léoni (1961)[6] :
« Substituer la législation aux règles de droit qui émergent spontanément de l’interaction individuelle n’est pas défendable à moins qu’il soit prouvé que ces dernières sont incertaines ou insuffisantes ou qu’elles engendrent des maux que la législation pourrait éviter tout en maintenant les avantages de celles-ci »
En revanche, un tel système de justice privée implique une transformation du droit ou des doctrines juridiques qui s’aligne sur les intérêts des victimes et ou de leurs ayant droit. Il bouleverse notre conception du droit. Il bouleverse aussi notre conception de l’État puisqu'à l’abandon de la souveraineté monétaire s’ajoute la disparition d’un autre pouvoir régalien : celui de la justice. 


[1] Question d’une brûlante actualité puisque le monopole d’émission de la monnaie et la manipulation des taux d’intérêt à la baisse par les autorités politiques américaines, pour faciliter l’accès à la propriété des ménages pauvres, a engendré une crise financière mondiale jugée particulièrement importante compte tenu du poids des activités financières dans les économies contemporaines. Depuis la suppression de l’étalon Or par les gouvernements occidentaux, pour ne pas respecter la discipline monétaire qu’il imposait à tous, nous vivons dans une société où on ne peut plus éteindre ses dettes. En effet, le papier monnaie était lui-même une dette ayant pour contrepartie réelle une monnaie marchandise appelée « Or ».
[2] David Friedman (1979) « Private Creation and Enforcement of Law: A Historical Case” The Journal of Legal Studies (march)
[3] Ceci est bien illustré par l’indépendance de la Banque Centrale Européenne. La perte de la souveraineté monétaire, c’est-à-dire du pouvoir de détruire la valeur nominales des dettes publiques par l’inflation et donc de spolier les prêteurs, empêche les gouvernants d’emprunter plus qu’ils ne peuvent taxer.
[4] Friedrich Hayek, (1973),  Law , Legislation and Liberty, Vol 1,2 and 3, Routledge and Kegan Paul, London
[5] Hans Kelsen (1953) Théorie pure du Droit, Editions de la Baconnière, Neuchatel, collection « Etre et penser » Cahier de philosophie.
[6] Bruno Léoni (1961), Freedom and the Law, Nash Publishing Los Angeles.



  
De la justice privée

1) La législation, négation et caricature du droit
          Il y a quelques années (en 2000), les politiciens français, « de gauche » et « de droite », se sont déchirés autour d'une loi « sur la présomption d'innocence ». En fait de débat d'idée, il n'y a eu qu'insultes, invectives et appels corporatistes, et les Français ignorent toujours tout du contenu de cette loi. Derrière le simulacre démocratique, les simples citoyens sont complètement dépossédés de la gestion de leur propre sécurité, effectuée en leur propre nom mais en dépit de leurs opinions. Leurs droits élémentaires peuvent être discutés, aménagés ou jetés aux orties, sans qu'ils n'en sachent ni ne comprennent jamais rien. Là comme ailleurs, la législation a pour principe l'oppression des faibles par les puissants, qui imposent arbitrairement leurs règles au nom d'une « majorité » parlementaire qui ne fait que cacher le fait que l'écrasante majorité des citoyens sont impuissants.

          La législation n'est en fin de compte qu'un travestissement par lequel les escrocs politiques donnent à leur prédation l'apparence du Droit pour tromper le public plus facilement. C'est bien la conclusion de Christian Michel qui dans son essai Faut-il obéir aux lois de son pays? distingue brillamment quatre catégories de règles de conduite trop souvent confondues: morales, contrats, Droit, et législation. Toutes les « lois » émises par les États ne peuvent ni créer, ni modifier, ni complémenter, ni même préciser le Droit, mais seulement le contredire. Elles ne sont que des moyens détournés que les puissants d'aujourd'hui ont d'exercer un pouvoir usurpé et de s'enrichir.

          En effet, le Droit consiste à respecter la vie, la liberté et la propriété d'autrui. Le Droit reconnaît que chacun est propriétaire de son propre corps et de son propre esprit, et possède légitimement tout ce qu'il n'a pas pris de force ou par ruse à autrui, y compris tout ce qu'il a créé ou obtenu par un échange mutuellement consenti. Le Droit consiste donc à bannir le meurtre, l'asservissement, le vol, qu'ils soient accomplis par violence ou par tromperie. Dès lors, que peut donc décréter l'État qui ne soit pas une violation patente de cette vie, liberté et propriété?

          Toute déviation entre le Droit et la législation est une violation du droit des personnes que la législation oblige à agir contre leurs préférences. Toute interdiction d'une action honnête, d'une transaction consensuelle, etc., viole le droit de tous ceux qui voient leur action prohibée. Toute obligation viole de même le droit de ceux qui se voient forcer à agir, à parler, à payer, à l'encontre de leur conscience. [1]

          Même lorsque par hasard la législation coïnciderait avec le Droit, non seulement cette législation serait inutile car redondante, elle serait néfaste car le décret d'un texte grossier et immuable empêche la découverte dynamique des véritables et subtiles règles du Droit. Le principe même d'une législation comme règles imposées par un corps d'êtres supérieurs est incompatible avec les principes du Droit comme règles de découvertes par les citoyens égaux pour vivre ensemble paisiblement.[2]
 
2) Pacification contre réglementation
          Car quel est donc le but de la justice? De permettre aux hommes de vivre ensemble en paix, de résoudre leurs différends et de rétablir cette paix quand elle a été troublée. Une véritable justice est donc une entreprise de pacification de la société, qui cherche à résoudre les conflits existants, en évitant d'en introduire de nouveaux. 
C'est ainsi que le meilleur système de justice possible est un système de justice privée: celui où les individus sont libres et responsables des choix relatifs à leur propre sécurité et à la résolution des conflits qui les concernent. Cette liberté-responsabilité, ou propriété, à la fois leur permettra de rechercher et les poussera à recherche les moyens de régler leurs différends au moindre coût. Et ce moindre coût sera dans l'arbitrage par un juge respecté par toutes les forces de police privées en présence, qui accepteront de faire respecter ses décisions plutôt que de se battre inutilement.[3]

          Un tel système de justice privée n'est pas une chimère utopique, mais une réalité plus que millénaire. Depuis plus loin que le Moyen-Âge, l'arbitrage par des tribunaux privés librement consentis est une pratique commerciale courante dans les pays libres (où le monopole et autres privilèges n'empêchent pas leur émergence) et tout particulièrement dans le commerce international (où il n'y a fort heureusement pas d'État mondial pour imposer un monopole). Voir par exemple des entreprises et associations actuelles comme l'AAA, le BCICAC, ou le BBB.

          À l'opposé, le mythe d'une « justice » venant « d'en haut » signifie qu'en fin de compte il y aura bien un tel « en haut »: un establishment de politiciens, bureaucrates, chefs de grandes entreprises, syndicalistes, journalistes et universitaires s'empare des rênes du pouvoir et fait valoir ses préférences et ses intérêts au détriment de ceux du public désorganisé et impuissant, en écrasant tout dissident.

          Derrière les beaux prétextes du bien commun, de l'ordre public, etc., invariablement avancés pour justifier leur usage, réglementation, administration et « justice » d'État sont des agressions qui violent la paix publique. Le moyen même sur lequel elles reposent trahit leur nature réelle de contrainte imposée aux uns en faveur des autres:
          Il se rappela qu'il y a à Paris une grande fabrique de lois. Qu'est-ce qu'une loi? se dit-il. C'est une mesure à laquelle, une fois décrétée, bonne ou mauvaise, chacun est tenu de se conformer. Pour l'exécution d'icelle, on organise une force publique, et, pour constituer ladite force publique, on puise dans la nation des hommes et de l'argent. – Frédéric Bastiat
          Pire encore, la possibilité même de législation favorable ou défavorable jette tous les citoyens les uns contre les autres dans une bataille politique permanente et sans merci de tous contre tous pour le contrôle de la législation, faisant de chaque électeur à chaque instant l'ennemi de tous les autres, troublant ainsi la paix civile.

          Enfin, comme le résume fort humoristiquement la loi d'escalade éristique, et comme le démontre formellement la loi de Bitur-Camember, toute tentative d'imposer un ordre artificiel venu d'en haut n'aboutit en fin de compte qu'à créer un désordre plus grand, auquel s'ajoute toutes les souffrances dues à cette imposition. 

3) La collectivisation de la justice
          Dans un système de justice privée, il n'existe pas de crime sans victime « contre la société ». S'il n'y a pas de victime, alors il n'y a pas de crime; s'il y a des victimes, alors c'est à elles, et non à « la société » qu'il faut apporter réparation, faire amende honorable, etc., et c'est aux causeurs de tort, et non pas à des tiers innocents, d'apporter ces réparations. La seule conception de la justice compatible avec le Droit, c'est donc la justice rétributive: ceux qui ont causé du tort sont tenus de le réparer, dans la mesure de leurs moyens, quitte à s'endetter, à vie s'il le faut. Il s'agit d'une relation interpersonnelle privée entre des causeurs de tort et leurs victimes.[4]

          Au contraire, la législation crée de toute pièce de nombreux « crimes » et « délits » qui ne sont que les actions innocentes d'individus tous volontaires. La fausse notion de crime « contre la société » fait que l'on condamne des gens pour des faux crimes dont ils sont innocents, tout en laissant les vrais coupables impunis des crimes qu'ils commettent effectivement – contre d'autres individus. Le monopole « public » confisque aux victimes et les moyens d'obtenir justice, et les réparations que leur doivent les coupables. Les coupables mêmes sont dépossédés de leur liberté et de leur responsabilité et ainsi traités en sous-humains; loin d'être réhabilités, ils sont avilis et entraînés dans un cycle de violence et de criminalité. Quant aux innocents condamnés, ils sont les victimes les plus complètes du système. Toute cette soi-disant justice pénale n'est qu'une collectivisation de la justice au détriment de tous les individus concernés.

          Bien sûr, dans les cas où un causeur de tort n'est pas attrapé, ou a dilapidé ses biens mal acquis, il n'est pas possible d'obtenir de lui réparation. Dans un système de justice privée, les victimes potentielles ont donc intérêt à s'assurer; mais l'assurance est là encore une affaire privée entre les assurés qui se prémunissent des risques et les éventuels assureurs qui les couvrent – rôles confondus dans les mêmes personnes dans le cas de mutuelles, ou séparés dans le cas de compagnies d'assurances.[5] À l'opposé, dans un système de monopole « public », les victimes se retrouvent souvent sans compensation même quand le coupable est pris; et quand compensation il y a, c'est souvent le reste du public qui se retrouve comme autant de victimes innocentes forcées de payer à la place des coupables, en sus de devoir financer le fonctionnement de ce système inique. 

4) Le monopole de la justice
          Les hommes de l'État se sont assurés le monopole de la justice, en absorbant ce qui était autrefois des systèmes de justice privés et en réprimant violemment toute concurrence émergente. Ainsi, les règlements privés par des juges librement consentis sont réprimés, leurs décisions bafouées au profit des parties en tort. Même les juges de paix, les prud'hommes et autres tribunaux d'arbitrage civils, autrefois institutions privées librement choisies par les parties, sont maintenant des monopoles territoriaux d'État, jouets dans les mains des syndicats et autres groupes de pression politiques.

          Ce monopole de la justice est non pas au service des citoyens, mais au service du pouvoir politique. Les dossiers ouverts ou clos au gré de l'administration sont autant de dénis de justice envers ceux que l'on ne protège pas, et de privilèges en faveur de ceux que l'on protège. Ceux mêmes auxquels ont dénie la justice doivent payer grassement en impôts pour la protection des privilégiés du pouvoir politique.

          Si on entend beaucoup de critiques vagues du système judiciaire, on entend par contre rarement parler de cas concrets: c'est parce que la « justice » censure systématiquement toute contestation d'une décision, toute mise en cause de ses membres, toute remise en question du système, avec des pseudo « délits » tels que diffamation envers un fonctionnaire, un dépositaire de l'autorité publique ou un citoyen chargé d'un service public par parole, image, écrit ou moyen de communication audiovisuelle, atteinte à l'autorité judiciaire par discrédit jeté sur une décision de justice. Les maîtres du système sont juges et partie, toute dissidence est impossible.

          D'ailleurs le monopole ne cherche absolument pas à faire régner la justice. Dans un réel système de justice, la justice privée, l'objet d'un jugement est la pacification des relations entre les parties engagées, aussi bien les éventuelles victimes et que les coupables. Avec la justice « publique », l'objet d'une condamnation est une déclaration de guerre de « la société » contre le coupable désigné.

          Dans les médias français, les avocats parlent du tribunal comme un lieu non pas pour faire régner la justice, mais pour « faire éclater la vérité » et permettre aux familles des victimes de faire leur deuil. Bref, dépenser les millions des contribuables en frais de justice, à nourrir des parasites d'avocats, juges et greffiers, pour faire le travail de l'église et de la religion, plutôt que celui de la justice, dont on admet que les institutions ne la recherchent pas. L'État a créé sa nouvelle religion officielle, son opium du peuple athée: la recherche d'une « vérité » officielle. 

5) Choisir ses propres juges
          Les juges sont choisis par l'État, irresponsables, inamovibles. Ils ne sont pas impartiaux; ils ne sont pas indépendants; ils ne sont pas compétents (aux sens commun autant que juridique du terme); ils ne sont pas librement consentis. Les lois qu'ils font respecter sont des fausses lois. La soi-disant « indépendance » des juges vis-à-vis du pouvoir n'est que leur irresponsabilité, leur impunité.[6] En fait d'indépendance, les juges sont nommés par le pouvoir politique. Grimpent dans la hiérarchie ceux qui plaisent, ou du moins, qui ne déplaisent pas. Ceux qui déplaisent sont poussés plus ou moins fermement vers la sortie, ou sinon rangés dans un placard. De toute façon, ne sont admis que ceux qui acceptent le système, ne restent que ceux qui s'en accommodent.

          Parmi les mythes de la « démocratie », on fait souvent valoir un jury populaire comme solution de rechange aux juges d'un monopole. Mais si un jury populaire est le plus souvent plus impartial que juge d'État, n'étant manipulé qu'indirectement par l'État via l'Éducation nationale et les mass-médias, il est aussi plus ignorant, plus incompétent, et tout aussi irresponsable. Et il reste « guidé » par un juge de monopole qui présidera à ce que le jury pourra entendre ou ne pas entendre, et interprétera le verdict à sa guise.
« La législation n'est en fin de compte qu'un travestissement par lequel les escrocs politiques donnent à leur prédation l'apparence du Droit pour tromper le public plus facilement. »
Seul le libre choix de ses propres juges garantit que chacun aura affaire à des juges compétents, responsables, et surtout, respectés par les deux parties. C'est une condition nécessaire de toute pacification.

          Dans un système de justice libre, où les parties se mettent d'accord sur un juge, quid si une partie refuse de se soumettre à l'arbitrage, ou de se mettre d'accord sur un juge acceptable? Alors, elle doit alors faire face à des représailles. Ceux qui refuseraient les procédures admises pour régler pacifiquement les conflits perdraient le concours de leur police privée, qui ne voudra pas couvrir des forcenés: les contrats de défense par des polices privées contiendront des clauses spécifiant les juges dont la police s'engage à respecter et faire respecter les jugements. Dans le cas où une partie joue le jeu et l'autre ne le joue pas, les rapports de force donneront immédiatement raison à celle qui se montre honnête, via les forces de police. Dans le cas plus épineux où chacune des deux parties pense honnêtement jouer le jeu, mais rejette le principe de jeu de l'autre partie, alors, il y aura guerre, froide ou chaude.

          Encore une fois, aucun de ces cas épineux n'est éliminé par le monopole de la justice, qui ne fait dans chacun de ces cas qu'imposer le choix du politiquement plus fort sur le plus faible.
 
6) Prescription naturelle vs prescription artificielle
          Dans un système de justice privée, il y a une prescription naturelle, qui n'est pas autre chose que l'application du principe de présomption d'innocence: quand, les témoignages ayant disparu, il devient impossible d'établir avec certitude un crime, ou, ce qui revient au même, quand il n'est plus possible d'avoir confiance en ces témoignages qui sont encore disponibles, parce qu'on ne peut plus les recouper avec des données sûres, alors il devient ipso facto impossible qu'aucune poursuite aboutisse. Les coupables n'en sont pas moins coupables, mais il est devenu impossible de les identifier à coup sûr pour les faire payer.

          Bien sûr, si un élément nouveau apparaît auquel on ne s'attendait pas, qui permet de relier une personne identifiée à un acte établi comme ayant causé un dommage mesuré à une autre personne non moins identifiée, alors il est possible qu'une agression qu'on croyait naturellement prescrite s'avère réparable. C'est encore une fois une chose naturelle qui ne dépend pas de la moindre législation, ni du bon vouloir d'un parquet possédant le monopole de la réouverture de poursuites.

          La prescription artificielle, celle décrétée législativement, qui amnistie certains crimes, n'est rien d'autre qu'un déni de justice envers ceux qui sont privés d'une juste réparation. À moins que, quand les « crimes » amnistiés sont de faux crimes créés de toute pièce par l'appareil étatique, il ne s'agisse de l'affranchissement de victimes promises du système judiciaire. Dans les deux cas, c'est le signe d'un grave dysfonctionnement du monopole du système judiciaire vis-à-vis de son objectif avoué de faire régner la justice.

          Mais en fait, ce dysfonctionnement apparent n'est que le fonctionnement normal de cet appareil judiciaire dont la réalité effective est d'opprimer les individus au bénéfice de la classe des privilégiés de l'État. En matière de justice comme ailleurs, la réalité n'est pas dans le discours, mais dans les faits. Le discours, qui n'est pas nécessairement véridique, même s'il est le plus souvent sincère (car le bon escroc croit à son boniment), est là pour manipuler les autres individus vers une collaboration passive ou active avec le système que défendent les discoureurs à leur profit (ou du moins ce qu'ils pensent être leur profit). 

7) Le mythe d'une justice préventive
          De prohibitions en soi-disant « principe de précaution », le monopole d'État se réclame souvent d'une soi-disant justice préventive. Or, la prévention ne relève pas de la justice, mais de la police.

          Prévenir des crimes qui n'ont pas été commis, cela ne peut pas être du ressort de la justice, car la seule vraie justice est rétributive. Dans un système privé cette prévention n'est donc pas du ressort de la justice, mais de la police et de l'assurance: c'est une affaire de police que d'arrêter les forcenés qui mettent la vie d'autrui en danger; c'est une affaire d'assurance que certaines personnes apportent des garanties de non-nuisance, ou de solvabilité en cas de nuisance, à d'autres personnes qui exigent une telle assurance comme préalable pour traiter avec ces premières en confiance. Ainsi, si des criminels préparent un mauvais coup, il n'y a rien là du ressort de la justice, puisqu'aucun crime n'a été commis; mais il y a tout du ressort de la police, pour éviter qu'un crime ne le soit.

          Bien sûr, l'action de la police pourra elle-même faire l'objet d'un règlement en justice, si elle fait objet d'une objection valable de la part des personnes improprement arrêtées par la police, ou dans le cas contraire de la part des citoyens que la police a omis de protéger comme elle s'y engageait. Mais il s'agit alors d'une affaire différente, d'une éventuelle contestation au regard de ce qui est reconnu comme étant du domaine de la police.

          Même la police la plus honnête et la plus efficace fera des erreurs, et paiera des réparations, à l'amiable ou après jugement, réparations qui entreront sur la facture des usagers, qui seront incités à rechercher la police commettant le moins d'erreurs et d'abus (voir mon article précédent sur les polices privées). A fortiori, les criminels notoires, les personnes peu fiables, etc., verront leur police d'assurance augmenter. Ils devront, pour pouvoir commercer avec autrui, donner des garanties, se soumettre volontairement à la prison, à la surveillance, ou toute autre mesure qui rassurera toutes les honnêtes gens qui sans cela refuseront d'avoir à faire à eux. Et ce sont ces criminels eux-mêmes qui paieront ce service, et non pas les contribuables!

          A posteriori, il est évident que tout ceci n'a aucun rapport avec la justice. Mais justement, le pouvoir de l'État repose non seulement sur la confusion entre police et justice, mais sur l'incapacité généralisée des citoyens à faire la distinction conceptuelle entre justice et injustice. Avec leurs faux concepts « sociaux » et leurs sophismes, les étatistes empêchent les citoyens de penser clairement la police, la justice et tout autre « bien public » monopolisé par l'État; les puissants peuvent alors subordonner ces « biens publics » à leurs propres intérêts privés et en déposséder ainsi le véritable public sans que celui-là ne soit capable d'articuler une opposition. 

8) Les hors-la-loi
          Il y aura toujours des gens malhonnêtes, des psychopathes et autres forcenés, qui ne respectent pas autrui, et ne cherchent pas à résoudre et éviter les conflits mais au contraire s'entêtent à les aggraver et à en créer de nouveaux. Ces hors-la-loi ne seront pas plus arrêtés par une « justice » publique que par la justice privée. Seule une action de police les arrêtera, et comme nous l'avons vu précédemment (voir mon article sur les polices privées), la police privée serait plus efficace.

          Or, refuser de se plier aux sanctions, agresser des innocents pour obtenir leur soumission par la force, etc., c'est déclarer la guerre à la société. Et déclarer la guerre à une société d'hommes libres et armés, c'est la perdre, car ces hommes s'organiseront librement en de nombreuses associations qui rivaliseront d'efficacité jusqu'à mettre l'ennemi public hors d'état de nuire.

          Par contre, une fois les hommes soumis et désarmés par l'État, il devient possible à des criminels de prospérer, dans les zones de « non-droit » délaissées par la justice et la police. L'État est donc un facteur majeur de criminalité, par la désorganisation qu'il induit chez les citoyens.

          Pire encore, en collectivisant la justice, le monopole d'État transforme des conflits privés en conflits publics. Nombreux sont les criminels qui se justifient comme rebelles « contre la société », alors que chacune de leur victime est un individu privé.

          Un véritable système de justice privée ne permettrait pas la création de cette caste de criminels. Tous les conflits resteraient délimités; les agresseurs prendraient nécessairement conscience du caractère interpersonnel de leurs actes; une agression ne transformerait pas le transgresseur en criminel, mais en débiteur. 

9) La prison, école du crime
          En prison, les criminels en herbe deviennent des criminels patentés. Entre les prisonniers, c'est la loi du crime qui règne. C'est la loi du crime qu'apprennent les incarcérés. Les faibles sont victimes des sévices des criminels.

          Empêcher les prisonniers de travailler, c'est les priver des moyens d'acquérir et de préserver leur dignité. Le principe du système carcéral est l'humiliation des coupables: les maintenir moins qu'humains. Ce principe est en contradiction totale avec leur réhabilitation, qui consiste à les rendre humains à nouveau. La prison et les autres peines du système de « justice pénale » répondent à la violence illégale par la violence institutionnelle.

          Avec la justice rétributive, les coupables ne seraient pas sortis de la société pour devoir y rentrer de nouveau. Ils seraient plus complètement intégrés qu'ils ne l'étaient auparavant (à moins d'être des hors-la-loi forcenés, qui seront mis hors d'état de nuire). Ils ne seraient pas ennemis de la société entière, mais des causeurs de torts devenus débiteurs de leurs victimes. Ils seraient confrontés au mal qu'ils ont fait, et n'auraient pas de prétexte pour se retourner contre des tiers innocents. Leur condamnation aurait pour but et pour effet de faire retrouver la paix aux parties engagées et de diminuer la violence de la société. 

10) La peine de mort
          En l'absence de justice pénale, il n'y aurait pas de peine capitale, pas plus qu'aucune autre peine. La mort, la peine, n'a jamais rien réparé. Tuer ne peut donc jamais être un acte de justice. Dans un système de justice libre, une peine de mort ne peut pas être prononcée. Par contre, tuer peux être un acte de police, ou peut être un acte de guerre – d'ailleurs les deux activités ne se distinguent que par le consensus censé entourer la première, tel que l'implique sa dénomination. Dans un système libre, il n'y a pas de distinction de droit entre police et guerre; la seule distinction de droit se trouve entre action violente légitime (arrêter un agresseur, neutraliser un hors-la-loi) et action violente illégitime (s'en prendre à des innocents, abuser de sa force, commettre une bavure, faire des victimes collatérales, etc.).

          Ainsi, face à un agresseur et autre ennemi qui refuse de faire la paix, voire face à un hors-la-loi forcené qui nie le Droit lui-même, il n'y a parfois pas d'autre moyen que d'user de violence. Et compte tenu de la résistance de l'ennemi, tuer est parfois nécessaire. Il n'est pas forcément choquant qu'un assassin soit exécuté, si rien d'autre ne l'empêche immédiatement et durablement à la fois de commettre ses forfaits. Plus tôt un assassin récidiviste forcené comme Marc Dutroux ou Saddam Hussein est mis hors d'état de nuire, plus de vies innocentes sont sauvées. Plus longtemps on le laisse agir sans résister, plus de vies innocentes sont perdues.

          Cependant quand apparaît la triste nécessité de tuer un ennemi autrement irréductible, la justice est orpheline. Il n'y a aucune justice à supprimer un être humain; les victimes n'ont été en aucune mesure compensées par le coupable. Cette mesure de police pourra éviter bien des désagréments, et bien des crimes futurs envers des victimes potentielles; mais la justice ne peut sanctionner que des faits avérés, et présume un homme comme innocent jusqu'à preuve du contraire – preuve qui ne peut pas exister pour un crime futur qui est forcément virtuel. 

11) Le monopole procédurier
          Les procédures sont un outil par lequel est censément garanti le respect des droits des individus confrontés à l'appareil policier et judiciaire. Le problème est qu'il y a actuellement un monopole; ce qui implique qu'il n'y a pas d'ajustement dynamique des procédures et de leur application aux besoins du public, mais un contrôle de ces procédures à l'avantage des puissants.

          Ainsi, lors d'une poursuite judiciaire, les procédures alourdissent un processus qui pourrait sinon être simple, et rendent la justice peu rentable. C'est un déni de justice envers les victimes et les agresseurs qui auraient pu chercher une solution si elle avait été moins chère; c'est aussi une lourde charge pour le contribuable, innocent écrasé par l'impôt. Pire encore, un vice de forme annule actuellement toute la procédure, unique du fait du monopole, et constitue alors un déni de justice envers les victimes qui ne sont pas responsables des fautes des agents de l'« ordre » qui ont commis le vice de forme.

          Dans une justice libre, il n'y a pas de monopole de la justice, ni de monopole pour définir les procédures et les imposer à des parties non consentantes. Par contre, il y a un marché libre de la justice, qui punira ceux qui useront de moyens universellement réprouvés, et refusera toute validité aux preuves obtenues dans le mépris des formes reconnues comme nécessaires pour établir leur authenticité.

          Ainsi, un policier brutal, un avocat malhonnête, un procureur indélicat, sera poursuivi en justice et devra réparer les conséquences de ses abus ou délits. D'ailleurs, les désagréments imposés sans brutalité excessive et de bonne foi à des personnes avérées innocentes seront aussi l'objet de réparations. Un innocent pourra réclamer compensation pour le temps perdu; un coupable même pourra réclamer compensation pour toutes mesures excessives et inutiles prises à son encontre.

          Ainsi, un agent de l'ordre verra sa police d'assurance augmenter au point que s'il est trop brutal ou malhonnête, ou simplement peu perspicace dans le choix des personnes qu'il importune, il sera inemployable comme agent de l'ordre. Chaque entreprise de police, chaque assurance spécialisée pour policiers, pourra définir des règles de procédure dans le sein desquelles elle s'engage à défendre et couvrir ses employés ou souscripteurs, même s'ils sont reconnus « coupables » au cours d'opérations respectant ces règles. Le coût de cette couverture retombera bien sûr sur les souscripteurs du service de police, et ne sera donc pas externalisée sur les victimes de bavures, comme c'est le cas actuellement. Enfin, chaque propriétaire pourra aussi définir des règles de police auxquelles se soumettre pour la traverser de son domaine, pour éviter de rendre des coûts de police trop élevés.

          Les droits des individus faisant face aux forces de l'ordre seront donc préservés de façon efficace. Et en même temps, cela n'aboutira pas à relâcher le moindre criminel pour vice de forme. Car si un abus policier, un vice de forme judiciaire, etc., peut mener à des réparations envers un prévenu (coupable ou innocent) ou à l'annulation d'une procédure à son encontre, cela ne mènera pas forcément à l'annulation de toute procédure à son encontre. Comme il n'y a pas monopole de la procédure, une autre procédure peut concurremment être lancée, contenant toutes les pièces sauf celles invalidées. L'agent de l'ordre incriminé devra répondre de ses actes, mais le criminel n'échappera pas à sa responsabilité parce qu'un agent de l'ordre aura mal fait son travail.

          Ainsi, dans un système de justice libre, chacun peut financer les actions qu'il juge utile, en en assumant les conséquences; alors que dans un monopole de la justice, il y a nécessairement abus policiers impunis et criminels notoires relâchés. 

12) Le clientélisme des hommes de « loi »
          Le monopole de la justice donne l'occasion à toute une clique de parasites de s'installer dans les coulisses du pouvoir et de vendre leur influence à ceux qui ont les moyens et l'absence de scrupule nécessaires pour les acheter. Ce sont des notables (non, pas « les » notables) qui fréquentent les mêmes écoles et les mêmes cercles sociaux que les avocats, les juges, les législateurs, et leurs syndicats et bénéficieront d'un traitement de faveur, ne fût-ce que par la familiarité que les uns auront pour la cause des autres, leur façon de penser, leur intérêt.

          « Indépendants », c'est-à-dire irresponsables, les hommes de loi sont payés non plus pour réconcilier les intérêts des parties, mais pour les opposer. Ils ne servent aucun autre intérêt que le leur propre, celui de l'idéologie qu'ils font leur, et par laquelle ils sont sélectionnés. Les juges d'un monopole peuvent être aussi partiaux, iniques et incompétents qu'ils le souhaitent, et ne s'en priveront pas, tant que cela ne nuit pas au pouvoir en place.

          Dans un système de justice privée, au contraire, chaque juge, chaque avocat (il n'y aurait pas de procureur), chaque greffier, etc., serait directement responsable devant ses clients. Ainsi par exemple, un juge prendrait-il des décisions non respectables, elles ne seraient pas respectées, car il y aurait un appel; les parties ne prendraient même pas la peine de consulter un juge réputé peu fiable sur le sujet qui les concerne, car ce ne serait que perte de temps et d'argent. Un mauvais juge perdrait bientôt ses clients, pour faire place à de meilleurs juges. Comme l'application de leurs décisions dépend du bon vouloir de forces de police privées, elles-mêmes contrôlées par les usagers qui choisissent de les financer, les juges ne pourraient pas se contenter de donner des opinions arbitraires, mais devraient pouvoir les articuler de façon assez convaincante pour qu'il n'y ait pas appel. Étant pleinement responsables de leurs décisions, ils pourraient eux-mêmes être jugés et condamnés si au cours d'un appel, d'une révision du procès, ou d'une plainte ultérieure, ils ont mal fait leur travail.

          Dans le système de monopole public, les hommes de « loi » sont des prédateurs, juges et parties pour créer toujours davantage de lois, de réglementations, de conflits artificiels qu'ils seront payés à la fois à créer et à réparer, dans un immense racket légal. Un exemple « patent » des résultats de ce lobbying législatif, les brevets, piège dont le seul effet économique certain est d'engraisser les avocats spécialistes en propriété industrielle aux dépens du public. Dans un système de justice privé, il n'y aurait pas de législation, et donc pas de la création possible de tels conflits artificiels, pas d'inflation réglementaire, pas de rente légale; les hommes de loi devraient gagner leur vie honnêtement à résoudre les problèmes des gens plutôt qu'à les prolonger. 

13) Conclusion: la justice privée est la justice responsable
          Un système de « justice » dit « public » n'est rien d'autre que le monopole des services de justice; et en matière de justice comme en toute autre matière, le monopole c'est la déresponsabilisation des fournisseurs et la spoliation de tous les usagers. Les fournisseurs de service sont alors incités à se montrer incompétents et à suivre leur propre intérêt au détriment du public qu'ils prétendent servir, mais dont le monopole a précisément pour effet de l'empêcher d'être servi selon sa propre volonté. La véritable justice émerge de la liberté pour chacun de choisir quelles lois il veut faire respecter; liberté qui rend à chacun la liberté-responsabilité de ses actes, c'est-à-dire sa propriété de soi-même comme agent moral et légal.

[1]: Toute intervention dans la vie d'autrui se fait forcément au détriment des préférences des citoyens opprimés, que le principe même de l'intervention consiste à écraser – à commencer par les citoyens taxés pour payer la coûteuse intervention dont ils se seraient bien passés (preuve en étant que la législation doit les forcer à payer). Toute réglementation économique n'est que le moyen pour les politiciens de donner un avantage aux grands groupes industriels établis au détriment des concurrents potentiels et des petits entrepreneurs, la réglementation du travail servant surtout à enfermer la majorité dans le carcan du salariat. Tout « sauvetage » financier n'est que le transfert direct de richesse dépouillant les travailleurs productifs pour engraisser les actionnaires « sauvés » et donner du pouvoir aux administrateurs « publics » qui vont gérer la manne.
[2]: On lira utilement ce court mais éclairant texte de Pierre Lemieux, Why Should We Follow Rules? From shaving in the morning to restraining Leviathan. Pour une étude approfondie du sujet, La liberté et le Droit de Bruno Leoni explique comment le Droit fonctionne largement en absence de législation, et comment la législation contredit les autres principes du Droit. Si ce livre ne tente pas de réfuter complètement toute légitimité à la législation, il n'en sape pas moins tous les prétextes habituels par lesquels celle-ci est présentée comme la source du Droit.
[3]: Comme théoricien de la justice comme équilibre de forces notamment Émile Faguet.
[4]: Voir, de Christian Michel, Faut-il punir les criminels? et autres articles sur liberalia.com.
[5]: Au sujet de la mutualisation des risques, et de ce progrès qu'est la spécialisation des tâches dans la couverture des risques, voir Des salaires de Bastiat.
[6]: Lire par exemple de Claude Reichman Il faut en finir avec l'impunité des magistrats.

Sur la page pour une démocratie libérale 10/21 (la religion) et la critique

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La liberté de religion


Tous les citoyens devraient être libres de suivre leur conscience en ce qui concerne les questions relatives à la foi religieuse. La liberté de religion comprend le droit de pratiquer sa religion seul ou en compagnie d'autres personnes, en public comme en privé, et de respecter les pratiques et enseignements de sa religion sans craindre d'être persécuté par le gouvernement ou d'autres éléments de la société.

Tous les hommes ont le droit de pratiquer leur religion, de se réunir dans le cadre de l'expression d'une religion ou de croyances et d'établir et entretenir des endroits spécifiques dans ce but.

À l'instar de tout autre droit de l'homme fondamental, la liberté de religion n'est pas créée ou donnée par l'État, mais tous les États devraient la protéger. Dans la constitution des démocraties, la protection de la liberté de religion est clairement énoncée.


Si certaines démocraties décident de reconnaître officiellement la séparation de l'Église et de l'État, les valeurs sous-tendant un gouvernement et une religion ne sont pas fondamentalement opposées.


Les démocraties ne créent pas en principe d'agences gouvernementales ou autres organismes officiels afin de réglementer les affaires religieuses, bien qu'elles puissent exiger l'enregistrement des lieux consacrés au culte et des associations religieuses pour des raisons administratives ou fiscales.


Les gouvernements qui protègent la liberté de religion pour tous leurs concitoyens sont plus enclins à protéger les autres droits qui sont indispensables à la liberté de religion, notamment la liberté d'expression et la liberté de réunion.

Les véritables démocraties reconnaissent que les différences religieuses individuelles doivent être respectées et qu'un des principaux rôles du gouvernement est de protéger le choix en matière de religion, même dans les cas où l'État consacre une religion particulière. Par ailleurs, les démocraties ne décident ni du contenu des publications religieuses, ni de celui de l'enseignement religieux ou des sermons ;
elles respectent le droit qu'ont les parents de guider l'éducation religieuse de leurs enfants ;
elles proscrivent l'incitation à la violence contre autrui pour des motifs religieux ;
elles protègent les membres des minorités ethniques, religieuses et linguistiques ;
elles autorisent les gens à respecter les jours de repos associés à leur religion et à célébrer les jours saints liés à leurs croyances ;
elles permettent l'épanouissement des associations œcuméniques, car les gens de fois différentes cherchent à trouver un terrain d'entente à propos de questions diverses et collaborent en vue de résoudre les difficultés communes de la société ;
elles donnent la possibilité au gouvernement, aux responsables religieux, aux organisations non gouvernementales et aux journalistes d'enquêter sur les informations faisant état de persécution religieuse ;
elles respectent le droit qu'ont les organisations religieuses de participer librement à la société civile et d'y contribuer, notamment de diriger des écoles confessionnelles, de gérer des hôpitaux, de s'occuper des personnes âgées, et de mettre sur pied d'autres programmes et activités pour le bien de la société. 

La Convention européenne des droits de l'homme


Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Chacun a le droit de changer de religion ou de conviction et a la liberté de manifester sa religion, individuellement ou collectivement, en public ou en privé. Toutes les croyances reconnues sont protégées par ce droit. L’un des enjeux modernes du respect de la liberté de pensée, de conscience et de religion réside, tant au niveau international que national, dans la montée de l’intolérance religieuse. Les questions relatives au statut des sectes sont aussi liées à l’exercice de cette liberté.

DANS LES FAITS, le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion concerne aussi…
Le droit de pratiquer librement sa religion
La neutralité de l’Etat 

Fiches thématiques
Liberté de religion
Objection de conscience

 Religion

De Wikiberal
Une religion est un ensemble de croyances (dogmes, doctrines) d'ordre métaphysique, de pratiques (rites...) et d'attitudes morales, propres en général à une communauté humaine, qui peuvent reposer sur des textes ou une transmission orale. Les croyances touchent à la place de l'homme dans le monde, sa nature, son origine ou sa destinée, le comportement qu'il doit adopter dans sa vie.
D'autres définitions, beaucoup plus réductrices que la précédente, caractérisent la religion par :
  • la croyance au "sacré" (dualisme entre un domaine humain et un domaine suprahumain) ;
  • la croyance au "surnaturel" (dualisme entre la nature et un ordre supérieur à la nature : intervention divine, magie, esprits...) ;
  • la croyance en l'existence d'une vie après la mort.

Position libérale

Les libéraux, quelles que soient leurs tendances et leur école, sont partisans de la tolérance religieuse et de la liberté de conscience. Ils font leur le mot de Condorcet, pour qui "la religion ne doit pas plus être l'objet des lois que la manière de s'habiller ou de se nourrir".
Une religion peut être examinée pour juger de sa plus ou moins grande conformité avec les principes du libéralisme, notamment sur les points suivants :
  • tolérance de la libre pensée, de la liberté de conscience et du libre examen (cas extrême : fanatisme religieux, suppression de la liberté d'expression, fondamentalisme) ;
  • lien plus ou moins étroit entre la religion et la politique (cas extrême : théocratie ou hiérocratie, lien consubstantiel entre religion et politique) ;
  • statut des femmes ou des minorités (cas extrême : oppression, statut inférieur) ;
  • conséquences de l'incroyance ou de l'apostasie (cas extrême : mise à mort des incroyants ou des apostats[1]).

Les religions ont-elles eu une influence sur le libéralisme ?

Ce point est très discuté, et les arguments ne manquent pas en faveur :
  1. du christianisme, sous sa version catholique (accent sur l'amour de son prochain, théories du droit naturel - qui ont remis au goût du jour le droit romain privé pour mieux contrer la puissance des princes civils) ou protestante (libéralisme théologique, éthique protestante, ascèse du travail, selon Max Weber et Peter L. Berger) ;
  2. voire de religions plus anciennes (judaïsme, taoïsme, etc.). D'autres religions sont sous certains aspects contraires à l'esprit libéral (l'hindouisme et le système des castes, certains articles du droit musulman ), d'autres y sont indifférentes (bouddhisme, qui prôna cependant l'abolition des castes en Inde).
  3. on peut aussi défendre la vision d'un libéralisme complètement indépendant des religions, bien développé dans les sociétés antiques : « Loi des Douze Tables » à Rome[2] (450-449 av. J.-C.), capitalisme en Mésopotamie (3360-312 avant J.-C.) [3], etc., (si on laisse de côté la question de l'esclavage).
Il est certain que l'éthique et le respect d'autrui qui accompagne d'ordinaire une religion a pu être favorable au développement des idées libérales. Cependant une telle condition (l'environnement religieux) n'est ni nécessaire ni suffisante - les sphères religieuses et politiques étant relativement bien séparées aujourd'hui, au moins en Occident. Le point commun entre le libéralisme et la plupart des religions réside dans l'éthique libérale.
Les auteurs libéraux séparent en général leur conception du libéralisme de toute considération religieuse, excepté :
  • les objectivistes randiens qui rejettent la religion et la foi comme fantaisistes et irrationnelles, tendant de plus à considérer que l'homme est un être inférieur[4] ;
  • certains réalistes religieux dogmatiques, qui vont jusqu'à affirmer que "le libéralisme se détruit s'il nie l'existence de Dieu"[5], ou que le libéralisme "a jailli du christianisme"[6].

Religion et économie

La religion est, pour l'entrepreneur, un schème de pensée. Une culture religieuse donne une idée du futur et de la possibilité de le modifier. Une religion à fort contenu fataliste développe peu le sentiment de modifier "sa destinée" au contraire d'autres cultures religieuses.
La religion chrétienne, pour ne prendre que celle-ci, autorise l'individu à agir sur le cours des événements, et ceci même dans le cas du calvinisme où l'on professe la prédestination (voir L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme).
Cela ne veut pas dire que d'autres religions ne soient pas aussi favorables à l'entreprise mais elles peuvent contenir des critères de résignation fataliste et inhibitrice. La liberté formelle, instituée dans une constitution, par exemple, n'est donc pas la seule garantie de la liberté de marché. Il existe d'autres conditions de développement comme la culture religieuse[7].

Religion et athéisme

Un point de vue très courant en Occident considère que l'athéisme est l'antithèse de la religion. Pourtant les religions orientales sont majoritairement athées : elles se passent de la notion de "Dieu" (bouddhisme), ou la ramènent à un concept impersonnel (brahman, tao, vacuité...), ou la "banalisent" en la naturalisant (polythéisme hindouiste). Elles sont en général plus proches du « Deus sive Natura » de Spinoza que de la conception anthropomorphe d'un dieu personnel.

Religion et socialisme

Bien que le socialisme collectiviste, le socialisme scientifique se targue d’origines récentes et que le communisme, accomplissement du socialisme, ne prétende parfois remonter au début du XIXe siècle, il est hors de doute que les différentes écoles socialistes comptent de nombreux précurseurs, surtout parmi les sectes chrétiennes du Moyen âge. En France, en Allemagne, dans les Pays-Bas et ailleurs ont abondé les socialistes ou communistes qui prétendaient tirer des idées évangéliques leurs idées d’égalité économique, de mise en commun de la richesse collective. Ils ont d’ailleurs des successeurs contemporains. Les épisodes historiques auxquels Albigeois, Vaudois, Anabaptistes, Niveleurs et bien d’autres encore ont attaché leur nom et dû de passer à la postérité en sont une preuve suffisante ; au temps de Cromwell, Winstanley le piocheur rédigeait une charte collectiviste.
(...)
D’ailleurs, l’idée d’égalité économique a toujours persisté, latente, parmi les chrétiens hétérodoxes : c’est une tradition qui paraît remonter loin, à l’agglomération judéo-chrétienne de Jérusalem qui, au lendemain de la disparition du fondateur du christianisme, se constituait en groupement collectiviste volontaire. Légende, peut-être, qui ne ferait que prouver l’ancienneté de la tradition. Quoi qu’il en soit, la forme scientifique du collectivisme ou du communisme contemporain n’est qu’une adaptation économique à l’esprit des temps actuels du christianisme, surtout du catholicisme. Sous une terminologie différente le socialisme et le christianisme préconisent l’amour entre les hommes, tous les hommes, qu’ils appellent chacun et tous au banquet de la vie sans réclamer d’effort autre qu’une adhésion extérieure à un programme, nous allions dire l'obéissance à un credo. C’est avec raison qu’on a pu qualifier le socialisme : « la religion du fait économique ».
Émile Armand, L’Initiation individuelle anarchiste (1923), partie 1.8. "Les origines du socialisme. Les précurseurs socialistes".
La loi de 1905 dans son article 1er reconnaît la liberté religieuse : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. Elle prolonge ainsi l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui consacre la liberté d’opinion, même religieuse. La Convention européenne des droits de l’homme prévoit également dans son article 9 que la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Sont ainsi garanties la liberté de conscience et la liberté de manifester son appartenance religieuse. La liberté religieuse suppose la liberté pour chacun d’exprimer sa religion, celle de la pratiquer et celle de l’abandonner, dans le respect de l’ordre public.
Ceci implique notamment pour l’Etat et les services publics la neutralité face à toutes les religions et à toutes les croyances et, malgré la suppression du service public du culte, l’Etat, se doit de rendre possible l’exercice et la pratique du culte. Les aumôneries, instituées dans certains établissements publics, sont une traduction concrète de l’obligation pour l’Etat de garantir la liberté religieuse. Par ailleurs, l’Etat doit faire face à des prescriptions religieuses qui peuvent remettre en cause le droit commun. Les pouvoirs publics ont adopté des réponses variables selon les prescriptions en choisissant de les encadrer, de les tolérer ou de les proscrire.

Les aumôneries

L’Etat doit permettre à chacun de pratiquer son culte en assistant aux cérémonies ou en suivant l’enseignement propre à sa croyance. Si un croyant est retenu dans un établissement géré par l’Etat, il doit pouvoir pratiquer son culte au sein de cet établissement. C’est pourquoi la loi de 1905 prévoit la mise en place d’aumôneries dans les hôpitaux, les prisons et les lycées, c’est-à-dire dans des lieux qui possèdent un internat qu’on ne peut pas quitter. Son article 2 qui interdit toute subvention à un culte prévoit pourtant que pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.


Le statut et le fonctionnement des aumôneries varient selon les institutions.
Dans les hôpitaux, la gestion des aumôneries se fait au niveau de l’établissement de santé. C’est le conseil d’administration qui décide du nombre d’aumôniers et c’est le directeur de l’hôpital qui les nomme sur proposition des autorités religieuses. Les indemnisations des aumôniers sont donc inscrites dans le budget de l’hôpital et nombreux religieux s’inquiètent des contraintes budgétaires et des regroupements d’hôpitaux qui conduisent les conseils d’administration à juger les aumôneries non prioritaires.

Les aumôniers de prison appartiennent aux cultes catholique, protestant, musulman, israélite et orthodoxe. Leur statut est fixé par le Code de procédure pénale et ils sont nommés par le directeur régional de l’administration pénitentiaire après consultation des autorités religieuses et avis du préfet. Ils sont indemnisés en tant qu’agents publics contractuels. L’administration pénitentiaire a été condamnée plusieurs fois par le tribunal administratif en raison de son refus d’agréer des aumôniers Témoins de Jéhovah alors que le Conseil d’Etat a reconnu les Témoins de Jéhovah comme une association cultuelle. La Halde, dans une délibération du 22 février 2010, considère que les refus opposés aux demandes d’agrément (…) constituent une discrimination fondée sur les convictions des intéressés, prohibées notamment par l’article 14 combiné avec l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. et aussi : En l’espèce, considérant que le statut d’association cultuelle et les garanties afférentes ont été reconnus par la jurisprudence du Conseil d’Etat à l’association des Témoins de Jehovah (par ex., C.E., 30 mars 2007, Ville de Lyon), il apparaît que le refus opposé de lui attribuer l’agrément qu’il sollicite est de nature à limiter l’exercice de la liberté de religion des détenus appartenant à cette confession sans que des considérations touchant à l’ordre public puissent être invoquées.

Dans les établissements scolaires publics du secondaire (collèges et lycées), la création de services d’aumônerie est possible à la demande des parents. Les aumôniers de l’enseignement public ne sont pas rémunérés par l’administration bien qu’agréés par le recteur. Quand l’établissement scolaire possède un internat, l’enseignement religieux est dispensé au sein de l’établissement, en revanche, quand il n’y a pas d’internat, les cours religieux sont donnés en dehors des locaux scolaires. Dans tous les cas, les cours ont lieu pendant les heures laissées libres par l’emploi du temps scolaire. Bien que ce soit interdit aux élèves, les aumôniers, présents dans un établissement scolaire, sont autorisés à porter une tenue ou un signe manifestant leur appartenance religieuse.

Enfin, non prévues par la loi de 1905, les aumôneries militaires sont organisées par la loi du 8 juillet 1880. Depuis l’arrêté du 16 mars 2005, il y a quatre aumôneries (catholique, israélite, protestante, musulmane) organisées en structures hiérarchisées sur le modèle de la hiérarchie militaire. Les aumôniers militaires en chef des quatre cultes sont nommés par le ministre de la défense sur proposition des autorités religieuses, les autres aumôniers sont nommés par le ministre de la défense sur proposition de l’aumônier en chef de chaque culte. Les aumôniers militaires sont des engagés au titre du service de santé des armées, ils relèvent, à la fois, de l’autorité militaire et de l’aumônier en chef de leur culte.

Les prescriptions religieuses

Le libre exercice du culte peut avoir des conséquences dans la vie sociale et nécessiter des adaptations du droit commun. L’Etat a parfois décidé d’adopter des réglementations spécifiques afin de garantir la liberté religieuse, dans d’autres cas, les prescriptions religieuses sont proscrites.

Par exemple, les rites d’abattage des animaux prescrits par l’islam ou le judaïsme ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur. Néanmoins, le respect de ces rites étant un élément de la liberté de culte, un encadrement juridique a été mis en place pour concilier liberté de culte et sécurité sanitaire. Le décret du 1er octobre 1997, qui transpose une directive européenne sur la protection des animaux au moment de leur abattage, prévoit une dérogation à l’obligation d’étourdissement avant la mise à mort. Mais l’abattage rituel ne peut être effectué qu’en abattoir par des sacrificateurs agréés par l’Etat. Cette réglementation pose cependant des problèmes d’application, notamment lors de la fête de l’Aïd-el-Kébir, le nombre d’abattoirs étant alors insuffisant.

Autre exemple, les prescriptions religieuses en matière alimentaire ne font cependant pas l’objet d’une réglementation spécifique. Une circulaire de l’Education nationale du 21 décembre 1982 recommande de tenir compte des habitudes et des coutumes alimentaires familiales, notamment pour les enfants d’origine étrangère. De même, la Charte du patient hospitalisé de 1995 reconnaît que un patient doit pouvoir, dans la mesure du possible, suivre les préceptes de sa religion (recueillement, présence d’un ministre du culte de sa religion, nourriture, liberté d’action et d’expression…). Malgré ces recommandations, il n’y a pas d’obligation juridique de respecter ces prescriptions religieuses.


Enfin, les rites funéraires et l’inhumation sont des composantes majeures de la liberté religieuse.
En matière de funérailles, prévaut le respect de la volonté du défunt. Aux termes de la loi du 15 novembre 1887 relative à la liberté des funérailles, tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sépulture. Bien que le maire assure la police des funérailles, le Code général des collectivités territoriales lui interdit d’établir des prescriptions particulières applicables aux funérailles, selon qu’elles présentent un caractère civil ou religieux ainsi que des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort.

Cette interdiction de distinction en raison du culte conduit à l’impossibilité, en droit, d’instituer des carrés confessionnels dans les cimetières. Néanmoins, les carrés confessionnels sont souvent admis. Rien n’interdisant d’enterrer un corps en direction de la Mecque, le respect de cette prescription musulmane a posé des problèmes de gestion de l’espace dans les cimetières et des carrés musulmans y ont été progressivement créés. La circulaire du ministère de l’intérieur du 14 février 1991 qui concerne l’ensemble des musulmans rend possibles des regroupements de fait des sépultures, sous réserve que la neutralité du cimetière soit alors particulièrement préservée, tant en ce qui concerne l’aspect extérieur des parties publiques que la possibilité laissée aux familles de toutes religions de s’y faire inhumer. Cette pratique a été de nouveau encouragée par la circulaire du 19 février 2008 relative à la police des sépultures.

Par ailleurs, le Code général des collectivités territoriales interdit l’inhumation en pleine terre qui est pourtant une obligation religieuse pour les religions juive et musulmane. Cette atteinte à la liberté de culte est justifiée par des raisons d’hygiène et de santé publique.

Les fêtes religieuses posent également des problèmes de conciliation entre pratique religieuse et vie professionnelle. Le code du travail ne prend en compte que des fêtes catholiques et il ne contient aucune disposition ouvrant droit à des autorisations d’absence pour motif religieux. En revanche, pour les agents publics, le ministère de la fonction publique publie chaque année une circulaire dans laquelle sont listées, à titre d’information, les dates des principales fêtes religieuses des cultes orthodoxe, israélite, musulman et bouddhiste. Les agents publics peuvent formuler une demande d’autorisation d’absence pour ces dates-là, il revient à leur chef de service de l’accorder ou pas. Cette absence doit en effet demeurer compatible avec le fonctionnement normal du service. Pour les élèves de l’enseignement scolaire public, des autorisations peuvent également être accordées mais le Conseil d’Etat a souligné que ces absences ne pouvaient être que ponctuelles (rejet d’une dérogation systématique de présence le samedi, jour du Shabbat, par exemple).


A contrario, des textes ont été adoptés pour proscrire des pratiques religieuses dans des cas précis.
Ainsi, un décret du 25 novembre 1999 exige des photographies têtes nues sur les cartes d’identité et un autre du 26 février 2001 pour les passeports. Ces décrets excluent donc le port du foulard islamique sur les photographies des papiers d’identité qui était jusqu’alors toléré par l’administration. Une circulaire du ministère de l’intérieur de 1991 prévoyait en effet que les femmes appartenant à un ordre religieux sont autorisées à déposer des photographies les représentant avec une coiffe de leur ordre. Les femmes de confession islamique sont autorisées à déposer des photographies les représentant la tête couverte d’un voile ou d’un foulard, à condition que leur visage apparaisse totalement découvert et parfaitement identifiable.

De même, le 15 mars 2004, est promulguée la loi 2004-228 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Cette loi est adoptée après quinze années de débat autour de la question du port du foulard islamique à l’école et elle revient sur la jurisprudence du Conseil d’Etat qui considérait le port d’un signe visible manifestant une appartenance religieuse n’était pas en soi contraire à la laïcité.

Enfin, la loi du 11 octobre 2010 interdit la dissimulation du visage dans l’espace public. Cette loi proscrit ainsi le port du voile intégral (burqa) dans l’espace public. Dans sa décision du 7 octobre 2010, le Conseil constitutionnel a précisé que, pour ne pas porter une atteinte excessive à la liberté religieuse, l’interdiction ne peut pas s’appliquer dans les lieux de culte ouverts au public.



 


Sur la page pour une démocratie libérale 11/21 (les citoyens et la responsabilité)

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Les responsabilités des citoyens


Contrairement à ce qui se passe dans une dictature, le gouvernement d'une démocratie a pour rôle de servir son peuple, mais, de leur côté, les citoyens doivent eux aussi accepter de se plier aux règles et obligations selon lesquelles ils sont gouvernés. Les démocraties accordent de nombreuses libertés à leurs citoyens, notamment la liberté d'avoir un avis différent et de critiquer le gouvernement.

La citoyenneté dans une démocratie nécessite participation, civilité et même patience.

Les citoyens démocratiques savent qu'ils ont non seulement des droits mais encore des devoirs. Ils savent que la démocratie exige qu'ils y consacrent du temps et des efforts, car un gouvernement du peuple demande de lui vigilance et soutien constants.

Quelques obligations résultant de la citoyenneté, telles que l'acceptation de faire partie de jurys dans des procès, ou de faire une période de service militaire ou civil obligatoire, sont propres à certains régimes démocratiques. D'autres s'imposent aux citoyens de toutes les démocraties, à commencer par le respect des lois. Le paiement des impôts, l'acceptation de l'autorité du gouvernement élu et le respect des droits de ceux qui n'ont pas la même opinion sont d'autres exemples des devoirs des citoyens.

Les citoyens démocratiques savent qu'ils doivent assumer leurs devoirs à l'égard de leur société s'ils veulent bénéficier de la protection de leurs droits.

Comme on le dit dans les sociétés libres : « On a le gouvernement que l'on mérite. » Pour que la démocratie accomplisse ses objectifs, les citoyens doivent être actifs, et non passifs, parce que la réussite ou l'échec de leur gouvernement est leur responsabilité et non pas celle de quelqu'un d'autre. De leur côté, les responsables publics savent que tous les citoyens doivent être traités équitablement et que la corruption n'a pas sa place dans un gouvernement démocratique.

Dans un système démocratique, les gens qui ne sont pas satisfaits de leurs responsables ont toute liberté pour s'organiser, expliquer leurs raisons, manifester pacifiquement leur volonté de changement et, finalement, de voter en faveur de nouveaux responsables lors des élections suivantes.

Une saine démocratie exige de la part de ses citoyens plus qu'un simple bulletin de vote de temps à autre. Elle requiert qu'un grand nombre se montrent constamment vigilants, lui consacrent du temps et s'engagent, chacun pouvant compter sur le gouvernement pour qu'il protège ses droits et ses libertés.
Les citoyens d'une démocratie peuvent adhérer au parti politique de leur choix et faire campagne pour ses candidats. Ils acceptent que leur parti ne soit pas forcément toujours au pouvoir. 
° Ils sont libres de se présenter aux élections et d'exercer des responsabilités publiques pendant un temps.
° Ils peuvent s'exprimer sur les questions locales et nationales par le canal d'une presse libre.
° Ils peuvent adhérer à des syndicats et à des associations professionnelles ou d'intérêt local.
° Ils peuvent adhérer à des associations privées défendant leurs idées ou leurs intérêts, dans des domaines aussi variés que la religion, la culture propre à leur groupe ethnique, la recherche universitaire, les sports, les arts, la littérature, l'amélioration de leur quartier, les échanges internationaux d'étudiants, ou dans une centaine d'autres domaines.
° Tous ces groupes - qu'ils soient proches ou éloignés du gouvernement - contribuent à la richesse et à la santé d'une démocratie. 


Sur la page pour une démocratie libérale 12/21 (l'exécutif)


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Le pouvoir exécutif

Les dirigeants démocratiques gouvernent avec le consentement de leurs citoyens. Leur puissance n'est pas fondée sur les armées qu'ils commandent ou la richesse économique de leur pays, mais sur leur respect des limites fixées par l'électorat qui les a portés au pouvoir au moyen d'élections libres et loyales.

Dans des élections libres, les citoyens d'une démocratie choisissent leurs gouvernants et leur confèrent des pouvoirs délimités par la loi. Dans une démocratie constitutionnelle, le pouvoir du peuple souverain est réparti entre le pouvoir législatif qui établit les lois, le pouvoir exécutif qui les applique et le pouvoir judiciaire qui les fait respecter en agissant en toute indépendance.

Les dirigeants démocratiques ne sont pas des dictateurs élus ni des « présidents à vie ». Ils sont élus pour des mandats d'une durée définie et ils acceptent les résultats des élections suivantes, même s'ils y sont battus et perdent ainsi le pouvoir.

Dans les démocraties constitutionnelles, le pouvoir exécutif est généralement limité de trois façons : d'abord par un système d'équilibre entre son propre pouvoir et les deux autres pouvoirs : législatif et judiciaire ; ensuite, dans les systèmes fédéraux, par la répartition du pouvoir entre les différents niveaux territoriaux et enfin par une garantie constitutionnelle donnée aux droits fondamentaux.

Au niveau national, le pouvoir exécutif est limité par le pouvoir conféré par la constitution au législateur et par l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Dans les démocraties modernes, il y a deux grands types d'organisation du pouvoir exécutif : le régime parlementaire et le régime présidentiel.


° Dans un régime parlementaire, ou régime d'assemblées, le parti majoritaire à l'assemblée constitue le gouvernement qui est présidé par un premier ministre.

° Dans un tel régime parlementaire, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ne sont pas totalement distincts l'un de l'autre, puisque le premier ministre et les membres du gouvernement sont pour l'essentiel choisis dans les rangs du parti majoritaire à l'assemblée nationale. Dans ce cas, l'opposition politique, c'est-à-dire la minorité à l'assemblée nationale, est le principal facteur de contrôle et de limitation du pouvoir exécutif.

° Dans un régime présidentiel, le président est élu au suffrage universel direct, au moyen d'une élection dite présidentielle, distincte des élections législatives qui désignent les députés qui siégeront dans la nouvelle assemblée pour la durée d'une législature.

° Dans un régime présidentiel, le président et l'assemblée ont chacun leur pouvoir et leur base électorale, ce qui assure un équilibre et un contrôle mutuel.

Dans les démocraties, le gouvernement n'est pas forcément faible, il a seulement un pouvoir limité. Ainsi, même si les démocraties sont parfois lentes à atteindre un accord sur les questions nationales, leurs dirigeants, lorsqu'elles y sont parvenues, peuvent-ils agir avec autorité et assurance.

À tout moment, les dirigeants d'une démocratie constitutionnelle agissent dans le cadre des lois qui définissent et limitent leur pouvoir.



Pouvoir chargé d'appliquer les lois, de définir et de conduire la politique de la nation. 

L'exécutif est le terme par lequel le droit constitutionnel libéral appelle les « gouvernants », c'est-à-dire les organes politiques autres que le Parlement, les juridictions ou les organismes consultatifs, désignés par le législatif. La distinction entre les deux pouvoirs est classique depuis Locke et Montesquieu, pour qui la fonction législative ne devait pas être exercée par le même organe étatique que la fonction exécutive. 
Aux termes de la Constitution de 1958, on distingue deux catégories de gouvernants : le président de la République et le gouvernement. Ces deux organes ne se bornent pas à exécuter les lois et le budget, loin de là. Ils assument la direction et l'impulsion générale de l'État.
Le président « veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics » ; il est le « garant de l'indépendance nationale ». Élu au suffrage universel direct, il exerce un mandat à durée limitée de cinq ans (renouvelable indéfiniment) ; il nomme le Premier ministre et, sur proposition de celui-ci, les ministres du gouvernement, lequel peut être renversé par l'Assemblée nationale après le vote d'une motion de censure.
Le Premier ministre « assure l'exécution des lois » et « dirige l'action du gouvernement », qui « détermine et conduit la politique de la Nation » ; il « dispose de l'administration et de la force armée ». Le Conseil des ministres, qui se réunit en principe une fois par semaine sous la présidence du président de la République, est le seul organe collectif où sont prises les décisions du gouvernement.

Sur la page pour une démocratie libérale (13/21) (le législatif)

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Le pouvoir législatif est, dans la théorie de la séparation des pouvoirs de Montesquieu appliquée aujourd'hui dans les régimes démocratiques, l'un des trois pouvoirs constituant un État, avec :
Il est en général chargé de voter la loi, de gérer le budget de l'État et de contrôler l'action du pouvoir judiciaire.


Le pouvoir législatif

Dans une démocratie, les représentants du peuple, ou députés, sont élus pour servir le peuple, quel que soit le nom de l'assemblée où ils siègent : assemblée nationale, chambre des députés, parlement, ou congrès. Ils remplissent un certain nombre de rôles essentiels au bon fonctionnement d'une démocratie.

Les assemblées élues sont le principal forum de délibération, de débat et d'adoption des lois d'une démocratie représentative. Ce ne sont pas des « chambres d'enregistrement », qui se contenteraient d'approuver les décisions d'un despote.

Leurs pouvoirs de contrôle et d'enquête permettent aux législateurs de remettre en question publiquement des actions ou décisions de membres du gouvernement et de contrôler l'action des divers ministères, surtout dans un régime présidentiel où le pouvoir législatif est totalement séparé de l'exécutif.

Les législateurs ont la responsabilité d'étudier le projet de budget annuel, de l'amender s'ils le souhaitent et de l'adopter, d'organiser des auditions publiques sur des questions d'actualité et de confirmer les nominations de l'exécutif aux postes ministériels et judiciaires. Dans certaines démocraties, des commissions parlementaires d'enquête permettent aux députés d'examiner en public les questions nationales controversées.

Les parlementaires de la majorité soutiennent le gouvernement en place et ceux de la minorité pratiquent une opposition politique loyale, consistant à faire des contre-propositions ou à proposer un programme politique différent.

Les parlementaires ont la responsabilité d'exprimer leurs opinions de façon aussi convaincante que possible. Mais ils doivent travailler dans le respect de l'éthique démocratique de tolérance, de respect et de compromis afin d'atteindre des accords propices à l'intérêt général de la population et pas seulement à leur clientèle électorale. Chaque parlementaire décide en conscience l'arbitrage qu'il fait entre l'intérêt général et les intérêts particuliers de son électorat.

Les parlementaires sont généralement à l'écoute de la population, prêtant une oreille attentive aux doléances et problèmes individuels de leurs électeurs et leur donnant un appui dans leurs démarches après des grandes bureaucraties publiques. Pour ce faire, ils ont souvent une équipe d'assistants compétents.

Les députés sont habituellement élus selon deux grands types de scrutins : les scrutins uninominaux, dans lesquels le candidat qui a le plus de voix l'emporte, et les scrutins de liste « à la proportionnelle », souvent utilisés pour les élections législatives, dans lesquels les électeurs votent habituellement davantage pour un parti que pour des hommes et où les sièges sont répartis entre les listes au pro rata des suffrages obtenus par chaque liste.

La proportionnelle tend à susciter une multitude de petits partis très organisés. Les scrutins uninominaux favorisent, eux, une bipolarisation entre deux grandes coalitions assez lâches. Dans chacun de ces systèmes, les représentants du peuple participent au débat, aux négociations entre partis, à la formation d'une coalition et aux compromis qui sont la marque des parlements démocratiques.

Les démocraties ont souvent un système parlementaire bicaméral qui comporte deux chambres : une chambre dite basse (assemblée nationale ou chambre des députés) et une chambre dite haute (souvent appelée le sénat). Généralement les lois doivent être approuvées par les deux chambres.


Inflation législative

De Wikiberal
L'inflation législative désigne l'accroissement du nombre et de la longueur des lois et, plus généralement, du droit.
Cette manifestation d'une emprise croissante de l'État sur la vie de chacun est condamnée par les libéraux qui en soulignent les dangers : en accumulant les lois, on perd l'essence du droit et l'on met en danger les fondements de l'état de droit

Les faits

France

En France, la longueur moyenne du Journal officiel est ainsi passée de 15 000 pages par an dans les années 1980 à 23 000 pages annuelles ces dernières années, tandis que le Recueil des lois de l’Assemblée nationale passait de 433 pages en 1973 à 2 400 pages en 2003 et 3 721 pages en 2004[1].
Cette évolution ne tient pas tant à un accroissement du nombre de lois votées, qui est resté à peu près stable au cours des dix dernières années (45 lois votées au cours de l'année parlementaire 2005-2006 contre 46 en 1997-1998, hors lois autorisant l'approbation ou la ratification des conventions et traités[2]) qu'à un allongement des lois, qui dépassent désormais souvent les 100 pages[3],[4].
En 1991, dans son Rapport public, le Conseil d'État déplore la « logorrhée législative et règlementaire » et l'instabilité « incessante et parfois sans cause » des normes. Récemment, la critique de l'inflation législative a trouvé un écho médiatique particulier, suite notamment aux critiques du vice-président du Conseil d'État Renaud Denoix de Saint-Marc[5], du président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud[6] ou du président de l'Assemblée nationale Jean-Louis Debré. La prolifération des lois a de nouveau fait l'objet, en 2006, des critiques du Conseil d'État, qui y voit un facteur d'« insécurité juridique »[1]. En janvier 2008, le journal Les Échos écrivait à propos du droit social français qu'il était caractérisé par « [des] termes abscons, [un] contenu flou [et une] mise en œuvre difficile ». Philippe Masson, responsable droits et libertés de la CGT ajoutait : « Même s'il est inévitable que les règles se complexifient, il est clair qu'on est arrivé à un niveau d'obscurité trop élevé »[7]. Lionnel Luca, député UMP des Alpes-Maritimes, estime pour sa part que : « on a l'impression de bricolage afin de satisfaire l'ogre médiatique. Comme si la politique avait pour fonction de mettre le café du commerce en ordre juridique »[8].

États-Unis

Dans La Liberté du choix publié en 1980, Milton Friedman rapporte une manifestation américaine de l'inflation législative : le Registre fédéral créé pour regrouper toutes les lois et règlementations faisait 2.599 pages en 1936, 10.528 pages en 1956, 16850 en 1966 et 36.487 en 1978.[9]
En 2009, ce nombre avait encore doublé, avec 70.000 pages[10].

Comparaisons

Ce phénomène d'inflation législative est bien moins marqué dans de nombreux autres pays; au niveau de l'Union Européenne, toute nouvelle initiative législative ou règlementaire donne lieu, au préalable, à une étude d'impact économique et financier.
En Espagne, le nombre de lois adoptées est très inférieur : 32 en 1990, 23 en 2000, 65 en 2003. Les Cortes Generales (Parlement espagnol) ne siègent quasiment pas dans les années électorales.
En Italie, le fédéralisme croissant limite le vote de nouvelles lois nationales. En Belgique, la production législative oscille entre 20 et 60 textes par sessions de quatre ans.
Le Royaume-Uni a un nombre de Public Acts croissant (4 609 pages de lois adoptées en 2006) mais beaucoup relèvent de mesures « d'administration », rendant la comparaison difficile[11].

Causes

Les raisons de l'inflation législative sont de plusieurs ordres.

Donner une raison d'être à la politique

Faire une loi revient bien souvent pour un homme politique à se donner une raison d'être ou à acheter telle ou telle clientèle sur le marché politique. « Pour frapper l’opinion ou répondre aux sollicitations des différents groupes sociaux, l’action politique a pris la forme d’une gesticulation législative » déplorait Renaud Denoix de Saint-Marc en 2001[5]. Le président de l'union syndicale des magistrats (USM) défend la même position. Il a ainsi déclaré en 2008 que « l'inflation législative s'est accélérée depuis huit ans. Le moindre fait divers donne lieu à l'adoption d'une loi nouvelle votée dans la précipitation. »[12].
Le fait que l'action politique soit prioritairement orientée en fonction de la communication médiatique a été maintes fois dénoncé. Selon la formule du constitutionnaliste Guy Carcassonne, « tout sujet d’un “vingt heures” est virtuellement une loi ». Il ajoute qu'« il faut mais il suffit, qu’il soit suffisamment excitant, qu’il s’agisse d’exciter la compassion, la passion, ou l’indignation, pour instantanément se mette à l’œuvre un processus, tantôt dans les rangs gouvernementaux, tantôt dans les rangs parlementaires, qui va immanquablement aboutir au dépôt d’un projet ou d’une proposition. »[13] C'est ainsi par exemple qu'à la rentrée 2007, à la suite de plusieurs accidents, parfois mortels, impliquant des chiens, cinq propositions de loi sur les chiens dangereux ont été déposées à l'Assemblée nationale et une au Sénat, avant que le gouvernement ne dépose à son tour un projet de loi[14].

La multiplication des sources du droit

La multiplication des sources du droit, tant externes - Union européenne (510 directives adoptées entre 2000 et 2004 inclus), Conseil de l'Europe, accords internationaux - qu'internes - autorités administratives indépendantes, collectivités territoriales - est l'un des facteurs expliquant la prolifération normative[1].
Une partie de l'activité législative provient ainsi de la nécessité de transposer en droit interne les directive de l'Union européenne. Sur la période 2000-2004, elle a été à l'origine de plus du tiers des lois adoptées, hors lois autorisant la ratification d’un traité, soit en moyenne 17 lois de transposition par an[1].
Les lois autorisant, en vertu de l'article 53 de la Constitution, la ratification ou l'approbation de traités ou d'accords, représentent aussi une forte proportion de la législation : au cours de la session ordinaire 2005-2006, de telles lois ont représenté 36 des 81 projets ou propositions définitivement adoptés par l’Assemblée nationale, soit 44,4 %, et cette proportion s'est élevée à 66 % pour la session ordinaire 2004-2005[15].

De nouveaux domaines

Le droit doit aussi s'adapter constamment à l'émergence de nouveaux domaines et à l'apparition de contraintes nouvelles.
En matière économique, de nombreux aspects du droit des affaires font ainsi l'objet d'adaptations à un environnement mondialisé. La libéralisation de nouveaux secteurs (transports, télécommunications, énergie, ...) requiert l'instauration de règles nouvelles.
Dans le domaine scientifique, le développement des biotechnologies rend nécessaire la révision régulière des lois sur la bioéthique. L'essor des technologies de l'information et de la communication a notamment suscité la mise en place d'un cadre juridique adapté au développement de l'économie numérique et une nouvelle approche de la propriété intellectuelle. La nécessité de la sauvegarde de l'environnement et du développement durable entraîne aussi l'intervention fréquente du législateur.

Dangers

Cette approche constructiviste qui consiste à croire que tout peut être ordonné et régenté par des lois et que seule la loi peut résoudre des problèmes est une approche non seulement inefficace mais également dangereuse. Les lois nécessaires sont noyées dans les législations sur les chiens dangereux. En résumé, « trop de lois tuent la loi ».
Ces critiques sont développées par le magazine The Economist dans un article "The danger of lawyers"[10] ou par Philip K. Howard dans Life without Lawyers (2009) et The Collapse of the Common Good:How America's Lawsuit Culture Undermines Our Freedom (2001). Ce dernier souligne qu'en imposant des règles et des lois partout, on gèle toute initiative en incitant les individus à ne rien faire plutôt qu'à faire confiance à leur bon sens pour ne pas risquer d'enfreindre une loi.
In fine, comme le souligne Alain Madelin dans Quand les autruches relèveront la tête[16], cette complexité législative et règlementaire ne bénéficie qu'aux plus puissants, qui savent utiliser au mieux des règles complexes : « L'inflation législative est aussi pernicieuse que l'inflation monétaire : elle conduit à la dévaluation du droit. [...] C'est se moquer du monde : personne n'est censé se reconnaître dans cette accumulation de lois. Qu'est devenue l'égalité devant la loi ? Il y a ceux qui savent se débrouiller avec des conseillers efficaces, et les autres, les simples citoyens, qui se perdent dans le labyrinthe des formulaires et des règlements. »
Pour ces raisons, les libéraux s'opposent à cette inflation législative et proposent des solutions qui simplifient la vie de tous. Ainsi, certains libéraux de demander la suppression des niches fiscales et de lutter contre la créativité fiscale pour mettre en avant des solutions simples comme le salaire complet ou la flat tax.

Tentatives de correction

Partant du constat que le code du travail « était devenu un outil difficile d'accès et peu lisible », le ministère du travail français a lancé en 2005 une révision du code, à droit constant. Il a été très légèrement réduit (1,52 millions de caractères contre 1,69 millions auparavant) et découpé en plus petits articles[7]. De même, l'Assemblée nationale française a mis en place une commission de simplification des lois.
Ces mesures cosmétiques ne peuvent être que d'une faible efficacité tant que la cause essentielle subsiste, tant qu'à un problème donné on attend la réponse de l'État et non celle de ses proches ou de la société civile.
En outre, l'action de l'État étant conduite par des hommes, elle est toujours marquée par des défaillances, qui rendent nécessaires d'autres lois. Partant, on empile souvent les textes en ne faisant que décaler les problèmes. A l'inverse de cette logique constructiviste, les libéraux reconnaissent l'imperfection de l'action étatique et entendent la limiter pour laisser les individus agir librement, une méthode juste et plus efficace.

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