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mars 22, 2015

Le "Libéralisme" par Daniel TOURRE

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Clare Rogers Memorial Chapel on the campus of Tulane University.

Le libéralisme, ce Français oublié


Difficile de trouver un terme dont le sens et la philosophie ont été autant déformés que celui de libéralisme

A l’heure actuelle, le mot libéralisme n’est plus guère utilisé en France que par ses détracteurs ou ses faux amis. Un citoyen, dans l’environnement actuel, a donc peu de chances de connaître le vrai libéralisme, sauf s’il s’y est intéressé activement en lisant par lui-même les ouvrages libéraux. Les idées libérales ne sont pourtant pas absentes, mais elles ne sont jamais défendues avec l’étiquette libérale. Beaucoup d’électeurs y compris de gauche exigent parfois des mesures libérales comme Monsieur Jourdain fait de la prose : sans le savoir.
Vidéo par le Collectif Antigone : http://www.collectifantigone.fr/

La Collectif Antigone regroupe des bénévoles pour défendre les idées libérales classiques.

Pour en savoir plus sur le libéralisme : http://dantou.fr/

Les BD viennent du site : http://digitalcomicmuseum.com/

La France, ce grand pays du libéralisme

Pour effrayer l’électeur, le libéralisme est souvent labellisé « anglo-saxon », qualificatif rédhibitoire dans notre douce France. Les anglo-saxons ont brûlé Jeanne d’Arc, fait des misères à Napoléon et boudent Johnny. On le voit, ils ne respectent rien, ils sont capables de tout, en particulier d’imposer insidieusement une idéologie anti-France à notre pays génétiquement étatiste.

Ce joli conte de fées pour étatistes xénophobes ne tient pas la route. Des auteurs anglo-saxons (John Locke, Thomas Paine, Edmund Burke) ont effectivement participé à la tradition libérale, mais au milieu de nombreux auteurs d’Europe continentale, en particulier français. Sans Turgot, Richard Cantillon, Sieyès, Jean-Baptiste Say, Alexis de Tocqueville, Benjamin Constant, Frédéric Bastiat, Gustave de Molinari ou Raymond Aron, le libéralisme n’aurait jamais eu la forme qu’il a aujourd’hui. La France a une grande tradition libérale, reconnue partout… sauf en France.


La France a connu de longues périodes historiques où les idées libérales ont façonné le débat politique et les institutions. Mais l’histoire est écrite par les vainqueurs, et les vainqueurs depuis quelques décennies sont étatistes de droite comme de gauche.

1789, la révolution portée par des idées libérales

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme; ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » Article II de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789

Quel est le pays dont l’assemblée en 1789 « reconnaît et expose » une déclaration reprenant un à un tous les concepts libéraux ayant émergé au siècle des Lumières ? (Attention c’est un piège : ce pays n’est pas anglo-saxon). Eh oui, avec la Déclaration des Droits de l’homme de 1789, la France se dote d’un document fondateur… libéral (presque) pur sucre. Ce n’est pas le fruit du hasard, l’abbé Sieyès, comme les autres rédacteurs (La Fayette en particulier), a été inspiré par les idées libérales du siècle des Lumières, de Locke à Montesquieu en passant par Voltaire.

Les mesures libérales de la Révolution de 1789 pleuvent comme la pluie sur une île anglo-saxonne : abolition des corporations, rôle de l’État limité à la défense du droit à la liberté, à la sûreté et à la propriété. Longtemps cette paternité était officiellement reconnue, les communistes parlant avec mépris de cette révolution petite-bourgeoise et de ses libertés « formelles ».



Les libéraux à vapeur

« Quand un fonctionnaire dépense à son profit cent sous de plus, cela implique qu’un contribuable dépense à son profit cent sous de moins. Mais la dépense du fonctionnaire se voit, parce qu’elle se fait ; tandis que celle du contribuable ne se voit pas, parce que, hélas! on l’empêche de se faire. Vous comparez la nation à une terre desséchée et l’impôt à une pluie féconde. Soit. Mais vous devriez vous demander aussi où sont les sources de cette pluie, et si ce n’est pas précisément l’impôt qui pompe l’humidité du sol et le dessèche. »

Frédéric Bastiat, Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas
Le XIXesiècle n’est pas en reste en matière de libéralisme « french touch ». Sans doute aiguillonné par un Bonaparte autoritaire et étatiste, les mousquetaires du libéralisme français (Benjamin Constant, Alexis de Tocqueville, Frédéric Bastiat) et son d’Artagnan Belge (Gustave de Molinari) écrivent parmi les plus belles pages de l’histoire du libéralisme. Ces auteurs classiques reconnus à l’étranger sont largement oubliés par la population française, aidée il est vrai par une éducation d’État toujours soucieuse d’éviter les lectures pouvant semer le doute sur l’attachement éternel des Français à leur État bouffi et centralisé.

Des milieux plus cultivés acceptent toutefois de citer Alexis de Tocqueville ou Benjamin Constant, mais en précisant immédiatement que ces derniers n’ont rien à voir avec l’affreux néolibéralisme économique contemporain. Cette position nuancée doit toutefois s’appuyer sur une absence de lecture des dits auteurs ainsi sauvés de la déchéance « économique ». En lisant leurs livres, la terrible vérité émergerait assez vite : Alexis de Tocqueville comme Benjamin Constant seraient horrifiés de la place qu’a prise l’État dans nos sociétés contemporaines, y compris dans la sphère économique, et certaines de leurs pages semblent avoir été directement dictées par les pires néolibéraux anglo-saxons des dernières années.
Benjamin Constant, libéral et amoureux

« J’ai défendu quarante ans le même principe : liberté en tout, en religion, en littérature, en philosophie, en industrie, en politique, et par liberté j’entends le triomphe de l’individualité tant sur l’autorité qui voudrait gouverner par le despotisme que sur les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité. »

Benjamin Constant, Ecrits politiques

Bonaparte expulse de France Madame de Staël pour faute de goût impardonnable : pas assez d’enthousiasme napoléonien. Elle se réfugie (dans un château familial, tout de même) à Coppet en Suisse pour y ouvrir un salon intellectuel. On y croise du beau monde européen : Chateaubriand, Byron, Goethe et l’amant passionné bien qu’intermittent de l’hôtesse du lieu : Benjamin Constant (1767–1830).

Benjamin Constant, à fois philosophe et député, aura une influence considérable sur la diffusion du libéralisme en France et en Europe. Dans Principes de politique, il s’oppose d’abord à la vision de Rousseau et sa souveraineté populaire illimitée. Constant expose dans ce livre majeur une vibrante défense des droits individuels. « Au point où commence l’indépendance et l’existence individuelle, s’arrête la juridiction de cette souveraineté.» Marqué par l’épopée napoléonienne autant que par la terreur révolutionnaire, son souci est de protéger les droits individuels des tyrans comme des masses. Il attache ainsi une grande importance au respect d’une constitution politique – pas de décrets arbitraires – ainsi qu’aux procédures judiciaires – pas d’arrestations arbitraires.

Le respect des formes politiques et judiciaires, couplé à une défense de la liberté d’expression pour mettre les politiques sous la surveillance des citoyens instruits, devait permettre d’éviter de retomber dans la tyrannie. En bon libéral, Benjamin Constant n’oublie pas, bien sûr, quelques passages émouvants sur le libre-échange et l’injustice des impôts trop élevés. En France, l’influence de Benjamin Constant se fera sentir jusqu’à la IIIe république : le rédacteur de cette constitution était son éditeur. Mais hélas pour nous, Benjamin-l’optimiste s’est lourdement trompé : que cela soit la tyrannie ou la dictature révolutionnaire, le XXe siècle n’a rien retenu des leçons de la France révolutionnaire ou napoléonienne…

La science économique

La douche froide ne s’arrête pas là pour nos amis courageux. Dès le début du XVIIIème siècle, avec son Essai sur la nature du commerce en général, Richard Cantillon, un Français d’adoption originaire d'Irlande, pose les bases de la science économique libérale sans les erreurs qu’Adam Smith commettra plus tard et qui ouvriront la voie à la valeur travail de Karl Marx. Cantillon entraînera dans sa suite les physiocrates, dont Jacques Turgot, brillant savant et contrôleur général de Louis XVI.

Le XIXe siècle sera un vrai feu d’artifice de sciences économiques françaises avec Jean-Baptiste Say, Frédéric Bastiat, Charles Coquelin et les auteurs du Journal des économistes, Yves Guyot…

La science économique classique portée par ces auteurs sera ensuite reprise du côté germanique avec Carl Menger puis Ludwig von Mises et Friedrich Hayek.
L’influence de l’Europe continentale, en particulier française, est donc déterminante dans l’évolution de la science économique et dans la compréhension des mécanismes d’une économie de marché.

Malgré ce cocorico libéral, pas question de substituer à la dénonciation de l'ultralibéralisme anglo-saxon celle d'un ultra interventionnisme tout autant anglo-saxon. Pourtant, le paradoxe est réel: de Marx l'exilé à Keynésien l'autochtone, les mauvaises idées économiques - que nous subissons encore aujourd'hui - viennent souvent de l'autre côté de la Manche.


La nature humaine, c’est exercer la raison et le langage et vivre en société

L’homme réduit à l’homo-economicus ? Le libéralisme développe une vision de l’individu et de la vie en société fondée sur le droit naturel

L’une des accusations souvent formulées à l’encontre du libéralisme est de réduire l’Homme à une simple machine économique calculant des profits et pertes pour maximiser son bien-être matériel : l’homo-economicus. Cette accusation est deux fois fausse.

D’abord le concept d’homo-economicus n’appartient pas particulièrement à l’école économique libérale. Au contraire, l’Ecole autrichienne, locomotive libérale en science économique, critique sévèrement ce concept utilisé abondamment par des écoles économiques interventionnistes.

Ensuite et surtout, le libéralisme est d’abord une philosophie du droit et de la politique. Son socle n’est de toute manière pas un concept venant des sciences économiques.

Dans le cadre de la philosophie du droit, le libéralisme s’appuie sur une définition de la nature humaine proche de la philosophie classique grecque : un individu doué de la raison et du langage vivant en société. C’est à partir de cette définition que le libéralisme développe sa vision de l’individu et de la vie en société, à travers la tradition du Droit naturel. Exit l’homo-economicus, place à la nature humaine

Les étages de la fusée « Droit naturel »

« Rejeter le Droit naturel revient à dire que tout droit est positif, autrement dit que le droit est déterminé exclusivement par les législateurs et les tribunaux des différents pays. Or, il est évident et parfaitement sensé de parler de lois et de décisions injustes. En passant de tels jugements, nous impliquons qu’il y a un étalon du juste et de l’injuste qui est indépendant du droit positif et qui lui est supérieur : un étalon grâce auquel nous sommes capables de juger du droit positif. »
Léo Strauss,Droit naturel et Histoire

Etage n° 1 : La raison. Avec la modernité au XVIIIe siècle, la raison devient le meilleur outil capable de connaître et comprendre quelque chose à la nature humaine et au monde extérieur. Cela ne veut pas dire que tout le monde, tout le temps, accède à la vérité. C’est même plutôt le contraire, la raison n’étant pas infaillible ni répartie également. Cela veut juste dire que cette tentative est possible. Cette possibilité est aujourd’hui largement contestée dans les sciences humaines postmodernes pour qui la raison n’est que le jouet passif de la classe sociale, l’histoire, la culture ou l’inconscient.
Etage n° 2 : La nature humaine. D’Aristote à John Locke, en passant par l’École de Salamanque, les penseurs cherchent donc à déterminer ce qui constitue la nature humaine. Les débats qui ont eu lieu remplissent des bibliothèques entières… et ils vont probablement encore remplir dans les prochains siècles des teraoctets de mémoire optique quantique quadridimensionnelle en silicium jupitérien.

Pour les libéraux de la tradition du Droit naturel moderne, la définition la plus concise est : « La nature humaine est d’être un individu doté de la raison, du langage et vivant en société. »
Etage n° 3 : Le Droit naturel. Il s’agit ensuite de déduire les grandes règles du droit respectant cette nature humaine. On peut décliner ces grandes règles sous forme d’interdiction « Ne pas agresser physiquement » ou sous forme de droits (« droit à la sécurité ») comme dans la déclaration des droits de l’Homme de 1 789. Ces grands principes universels guident ensuite un code de lois grâce à l’infinité de situations qui se présentent devant le juge ou le législateur. Ces codes de lois peuvent varier suivant les cultures et les époques, tout en restant dans le cercle de ces principes.

La nature

La « nature » du Droit naturel ne fait pas référence à la nature, aux petits oiseaux, au shampoing à la camomille, à la jungle ou l’herbe verte, mais à une autre définition de ce même mot.

« Nature : ensemble des caractères fondamentaux propres à un être ou à une chose », comme le dit si bien un gros livre un peu ennuyeux à lire de A à Z mais si pratique pour comprendre une langue. La nature d’un pont est par exemple d’enjamber un obstacle. La nature humaine est bien sûr beaucoup plus compliquée à définir que la nature pontaine. Beaucoup d’ailleurs affirment, soit qu’elle n’existe tout simplement pas, soit qu’elle est totalement dominée par la culture.

A contrario, pour les défenseurs du Droit naturel, la raison – même incertaine – permet d’approcher une nature humaine et un droit conforme à cette nature. Les lois particulières à chaque culture, par delà leurs différences, devant être conformes à ce Droit naturel.

L’égalité en droit

La nature humaine, c’est donc d’être un individu doté de la raison et du langage vivant en société. Quelles sont les règles — le Droit naturel — conformes à cette nature humaine ?

D’abord, par définition, tous les êtres humains partagent la même nature humaine. Il n’y a pas plusieurs types de nature humaine, donc il n’y a pas plusieurs types d’êtres humains. Il n’y a pas de sur-être humain, de sous-être humain, d’être humain du haut, d’être humain du bas. Si tous les Hommes partagent la même nature humaine, qui fonde le Droit naturel, ils sont donc égaux devant le droit.

La première règle du Droit naturel, c’est l’égalité en droit, l’égalité devant la loi. Des lois posées par les États qui distingueraient différents types d’êtres humains ne seraient pas conformes au Droit naturel. L’apartheid, les lois antisémites ou les lois de l’Ancien régime protégeant les privilèges de l’aristocratie sont des exemples flagrants d’une telle violation.
Aujourd’hui, sous l’influence du postmodernisme et de sa branche activiste, le politiquement correct, la loi devient différente selon les catégories d’êtres humains : loi sur la parité, discrimination positive, distinctions selon les revenus, les professions.

La sécurité et la propriété de soi

« Article II : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »
Déclaration des Droits de l’Homme de 1789

La première des conditions pour être un individu est d’être vivant (eh oui, avec l’usage de la raison, on fait vraiment des découvertes stupéfiantes… Ça ne rigole pas chez les partisans du Droit naturel). D’une manière générale, on ne peut rien faire sans vivre. Agir et penser nécessitent d’être vivant, y compris d’ailleurs pour se suicider ou pour désirer la mort. Les individus sont les seuls « propriétaires » de leur vie. Un droit conforme à la nature humaine interdit donc l’agression physique.

Personne n’a le droit de vous tuer ou de vous blesser, même si vous êtes très pénible à supporter. Personne ne peut vous interdire de vous tuer doucement (alcool, joint, charcuterie) ou rapidement (euthanasie, scooter), même si vous êtes très sympathique. Le corollaire de ce droit pour un gentilhomme est le devoir de respecter la vie et la sécurité des autres personnes.

La liberté

Vous avez donc un droit à la liberté. Il ne s’agit pas de la liberté métaphysique (liberté par rapport à Dieu, à la nature humaine ou à ses passions), ni d’un droit à la capacité, un droit d’être ou avoir ce que l’on rêve d’être ou avoir (liberté d’être beau et célèbre, liberté d’avoir des vacances à la plage, etc.). Il s’agit de la seule liberté qui puisse être garantie par une loi humaine sans nuire à la liberté des autres : la liberté d’agir ou de penser sans limite autre que la jouissance des même libertés par les autres. Le corollaire de ce droit pour un gentilhomme est le devoir de respecter la liberté des autres personnes.


La propriété

Pour beaucoup de gens, la propriété est le vilain petit canard des droits naturels. Un truc un peu vulgaire et matérialiste par rapport à la liberté. Et surtout quelque chose d’acquis aux dépens des autres. En réalité, la propriété est un magnifique cygne conspué justement parce qu’il est le socle incontournable de la liberté. Dans ce monde matériel, l’usage libre de votre temps implique que vous puissiez échanger ou produire des biens matériels.

Si quelqu’un vous prend ces biens matériels sans votre consentement, cela signifie qu’il a disposé du temps que vous avez mis à les produire ou à les échanger. On ne peut pas être en sécurité, en vie, si l’on ne peut pas disposer du fruit de son travail et de ses échanges pour assurer sa survie. On ne peut pas être libre si l’on vous confisque les ressources que vous avez obtenues par votre travail ou par vos échanges. On ne peut pas être libre si l’on est obligé de quémander à l’Etat ou à ceux qui le dirigent l’usage de ses propres ressources en échange de la soumission ou de l’obéissance. On ne peut pas mener à bien ses projets si ce que l’on possède est confisqué par l’État pour que ce dernier mène à bien ses propres projets, ou plus exactement, les projets des lobbies qui le contrôlent. Le droit à la propriété est donc une conséquence du droit à la liberté et du droit à la sécurité.

Le corollaire de ce droit pour un gentilhomme (ou une gentille femme) est le devoir de respecter la propriété des autres.


Le salaire minimum, une aberration au seul profit du prestige de la classe politique

Le salaire minimum, voilà l'ennemi. Les travailleurs n’ont pas à être reconnaissants à l’État d'un salaire qu’ils ne doivent qu’à leur talent
Dans Action humaine, Ludwig von Mises écrit : 

« L’histoire est un long répertoire de prix-plafonds et de lois contre l’usure. A de nombreuses reprises, des empereurs, des rois, des dictateurs révolutionnaires ont tenté de s’immiscer dans les phénomènes de marché. Des punitions sévères ont été infligées aux réfractaires, négociants et cultivateurs. Bien des gens ont été victimes de poursuites rigoureuses qui soulevaient l’approbation enthousiaste des foules. Rien n’y fit, toutes ces entreprises ont échoué. L’explication que les écrits des juristes, des théologiens et des philosophes offraient de cette faillite s’accordait pleinement avec les opinions des dirigeants et des masses. L’homme, disaient-ils, est intrinsèquement égoïste et pécheur, et les autorités étaient malheureusement trop indulgentes en faisant appliquer la loi. Il ne fallait que davantage de fermeté et de ton péremptoire de la part des gens au pouvoir… »

Les étatistes sont formels, dans un marché libre, les salaires baissent et les loyers augmentent. Toujours.

Les travailleurs qui louent leur habitation sont-ils alors condamnés à être de plus en plus pauvres ?

Non  ! Heureusement, l’Etat nounou, héros solitaire contre tout exploiteur, tel un demi-dieu de l’économie, fixe le salaire minimum pour éviter l’exploitation, puis le loyer maximum pour éviter l’expulsion. Les électeurs rassurés peuvent voter pour leurs sauveurs, une classe politique étatiste infiniment bonne qui les aime et qui les protège. Ce mythe du salaire minimum ou du loyer maximum est l’une des plus grosses fumisteries que les étatistes ânonnent pour justifier leur existence.

La réalité est que les travailleurs ne doivent leur pouvoir d’achat qu’à eux-mêmes, à la force de leur bras et à l’intelligence qu’ils ont entre les oreilles. Ils n’ont pas à être reconnaissants à l’Etat pour un salaire qu’ils ne doivent qu’à leur talent.

Le salaire minimum comme le loyer maximum est une aberration économique au seul profit du prestige de la classe politique – ou des syndicats – et au détriment des plus pauvres.

Le prix plancher

Le prix plancher, officiellement, c’est l’Etat qui, par la seule force de sa volonté, fixe un prix minimum juste et beau à un bien ou à un service (par exemple certains prix agricoles, les prix des livres, le salaire minimum).

C’est très beau, le paranormal au service du juste et du beau. Malheureusement, depuis la pierre philosophale, nous savons tous que la création de richesses par simple contact d’une pierre magique ou d’un texte de loi, c’est rare.

L’Etat est totalement incapable de fixer un prix minimum à une catégorie d’échanges sans supprimer une partie de ces échanges. Si l’État fixe un prix minimum de 10 euros à un journal quotidien, vous n’allez pas vous mettre à acheter le journal à 10 euros, vous allez simplement renoncer à acheter ce journal pour acheter autre chose. Pour ceux qui doivent vendre des journaux, la concurrence est plus dure, les acheteurs sont plus rares. C’est 10 euros ou rien du tout. Les acheteurs peuvent donc faire les difficiles, poser leurs conditions.

Ainsi, l’État ne fixe rien. Il se contente d’interdire l’existence d’échanges de biens ou de services en dessous d’un prix donné. Cela ne signifie absolument pas qu’il a créé ex nihilo des nouveaux échanges à un autre prix pour remplacer ceux dont il a empêché l’existence.

Le salaire minimum

Parmi les nombreux totems de la religion de l’Etat-Dieu, il en est un devant lequel la classe politique fait consciencieusement sa génuflexion bien dans l’axe de la caméra : le salaire minimum. Elle n’a pas beaucoup de mérite à se prosterner avec emphase, ce totem est d’abord à sa gloire et au détriment des travailleurs les plus modestes. En premier lieu, le salaire minimum est immoral : il empêche des échanges souhaités par les deux parties. Si l’échange n’était pas souhaité par l’une ou par les deux parties, il ne serait pas nécessaire de l’interdire, il n’aurait pas lieu de toute manière. Car si le salaire minimum ne force que très marginalement les salaires vers le haut, il empêche d’exister les emplois avec des salaires en dessous du Smic.

Les travailleurs modestes font donc face à un chômage important qui les met dans une concurrence aggravée face aux employeurs. Les étatistes ont tellement conscience de ce phénomène qu’ils se gardent bien de multiplier par deux ou par trois le Smic : cela créerait immédiatement un chômage de masse. Dans le même temps, les étatistes multiplient les emplois payés en dessous du Smic – emplois aidés, stages, suppression des cotisations fiscales, etc – dont ils s’attribuent encore le mérite. Qu’il existe des employeurs cupides, c’est une réalité, mais la meilleure méthode pour limiter leur nuisance, c’est de favoriser la concurrence entre employeurs, y compris pour les bas salaires. Le Smic ne sert ni les travailleurs, ni les patrons. Il ne sert que les étatistes.

Le salaire minimum contre les travailleurs

La propagande sur le salaire minimum est donc parfaitement mensongère : les travailleurs ne doivent rien aux étatistes ni aux syndicats. Si les patrons les payent un certain salaire, c’est parce que leur travail vaut ce salaire, pas parce que l’Etat fixe un salaire minimum.

L’Etat nounou s’attribue ainsi le mérite d’une rémunération qui ne lui doit rien. Beaucoup de salariés sont embauchés au-dessus du Smic, alors que le patron aurait sans doute voulu les payer moins. Le patron n’avait pas le choix : il était en concurrence avec d’autres patrons et ce travail valait ce salaire. Il en est de même avec de nombreux salariés au Smic : leur salaire vaut de toute manière le Smic ou plus, et s’ils sont payés ainsi ce n’est pas par charité, ni par obligation, mais parce que de fait, leur travail a de la valeur.

Ainsi, les étatistes n’hésitent pas à rabaisser les travailleurs en leur faisant croire qu’ils doivent leur pouvoir d’achat à l’Etat nounou. C’est faux, d’autant que dans le même temps les étatistes multiplient les prélèvements : cotisations pour les caisses maladie et de retraite mal gérées et imposées en monopole, pour les organismes de formations inutiles, par l’inflation monétaire.

Le prix plafond

Avec le prix plancher (le salaire minimum), l’autre grande habitude des étatistes est de fixer un prix plafond à certains biens (parfois un loyer). Comme le prix plancher, le prix plafond est injuste et inefficace. Le seul moyen de faire diminuer le prix d’un bien est d’augmenter sa profusion. Fixer un prix plafond (sur le logement par exemple) sur une ressource rare n’abolit pas la rareté de la ressource. Quoi qu’en disent les hommes politiques, ils n’ont pas un chapeau magique d’où sortent des lapins à volonté, permettant de faire baisser le prix de ces derniers.

Pour faire baisser le prix des lapins fixé entre personnes libres, il ne suffit pas de déclamer une formule magique : « Lapin, sois moins rare ! » même avec le vocabulaire ronflant, technique et incompréhensible d’une mesure administrative.

Lorsqu’un bien ou un service est rare, il y a trois manières de le partager :

– La violence : le plus gros tape sur le plus petit et prend le bien rare. Méthode longtemps utilisée alors même qu’elle fait très mal (mais c’était avant le libéralisme et la reconnaissance du Droit à la propriété.)

– La queue : spécialité soviétique ou des HLM, le premier arrivé est le premier servi. J’y suis, j’y reste. Enfin « premier arrivé, premier servi », c’est seulement pour les plus faibles ou les plus honnêtes. Les passe-droits, les petites enveloppes ou les coups médiatiques permettent aux plus forts ou aux plus grandes gueules de s’épargner ce genre de désagréments.

– Les prix : chacun en fonction de son envie subjective, de ses moyens, de ce qu’il est prêt à échanger et des envies subjectives des autres, accepte ou non de faire la transaction. Lorsque beaucoup de personnes veulent des lapins ou des logements, d’autres personnes libres changent d’activité pour leur fournir davantage de lapins ou de logements.

Dans une organisation humaine, il n’existe pas de quatrième méthode magique, juste, omnisciente et bonne permettant d’affecter des biens rares. En fixant un prix plafond, l’Etat n’abolit en aucune façon la rareté du bien visé. Il ne répartit pas non plus les biens selon une quatrième méthode. Il se contente de privilégier une méthode d’attribution en tous points inférieure à celle des prix : la queue et ses passe-droits.

Et il empêche le seul processus capable de faire réellement diminuer la rareté de ce bien : faire en sorte que davantage de personnes libres, attirées par l’augmentation du prix, consacrent leur travail, leur intelligence et leur imagination à la production de davantage de lapins, euh… de biens


Le protectionnisme ne fait que traiter 
un symptôme en aggravant la maladie

Ce fléau nommé mondialisation. Difficile d’interdire les échanges avec l'extérieur, dans l’intérêt économique de tous

Dans Action humaine, Ludwig von Mises (1881-1973) écrit : 

 « La philosophie protectionniste est une philosophie de guerre […]. La Société des Nations a fait faillite parce qu’il lui manquait l’esprit du libéralisme authentique. C’était une entente entre des gouvernements animés par l’esprit du nationalisme économique et entièrement voués aux principes de la guerre économique. Pendant que les délégués se complaisaient à tenir des discours sur la bonne volonté entre peuples, les gouvernements qu’ils représentaient infligeaient des dommages abondants à toutes les autres nations… »

Le libéralisme n’avait déjà pas très bonne réputation chez certains bien pensants, et ce « bad boy » n’a rien trouvé de mieux que d’aller traîner avec le nouveau caïd de la planète : la mondialisation. Il y en a qui cherchent vraiment les ennuis !

Car les méfaits de la mondialisation seraient innombrables : elle délocalise le travail des employés nationaux, elle tire les salaires vers le bas, elle augmente le déficit de la balance commerciale, elle désindustrialise notre pays, elle appauvrit les pays pauvres, etc.

Heureusement, des super-héros souverainistes ou socialistes veulent nous interdire d’échanger dans notre intérêt, tout en augmentant leur pouvoir sur nos vies. Pour les libéraux, la mondialisation n’est pas parfaite sur de nombreux plans, mais d’abord, elle est optionnelle. Personne n’est obligé d’acheter des produits étrangers, de travailler pour ou avec des étrangers. Les souverainistes ne veulent pas résister à la mondialisation – ils peuvent déjà le faire –, ils veulent commander aux autres.

Ensuite, une grande partie des méfaits qu’on reproche à la mondialisation sont inexacts ou viennent d’exactions des États eux-mêmes. Revue de détail.

Le déficit commercial

A la messe du journal de 20 h 00, le grand prêtre a un regard soucieux lorsqu’il annonce la terrible nouvelle : « Notre pays a un déficit commercial de (beaucoup) de millions, c’est très très grave et même un peu inquiétant ». Puis il passe la parole à un souverainiste, au regard lui aussi soucieux, mais avec cette pointe de détermination farouche, caractéristique de l’étatiste qui sait ce qu’une politique volontaire peut apporter à l’économie. Le constat est froidement évoqué par cet homme lucide, et la solution d’une logique imparable est chaudement recommandée par cet homme d’action : « Si nous avons un déficit, c’est parce que nous importons trop et que nous n’exportons pas assez, donc il faut limiter les importations avec le protectionnisme et augmenter les exportations grâce à la dévaluation de la monnaie. » La lumière apparaît au bout du tunnel. Non ! Le déficit commercial n’est pas une fatalité et les souverainistes lucides vont nous protéger contre l’ultralibéralisme.

Oui, sauf que le déficit commercial n’est pas en soi un problème, tandis que le protectionnisme comme la dévaluation de la monnaie sont des problèmes. Le souverainiste est finalement surtout très lucide pour augmenter le pouvoir de l’Etat (et le sien) au détriment du peuple au nom de faux problèmes.

La balance commerciale

Une première observation : la balance commerciale comme le déficit commercial sont des créations comptables artificielles dues à l’existence d’une frontière. On pourrait tout aussi facilement calculer la balance commerciale d’une région vis-à-vis des autres ou d’un quartier vis-à-vis du reste de la ville, etc. On peut couper le pays en 2, 3 ou 3 419 morceaux, puis calculer entre ces morceaux des déficits commerciaux, qu’il faudrait corriger en donnant plus de pouvoir aux élus locaux.

Une deuxième observation : un déficit commercial n’est pas forcément une mauvaise chose. L’argent utilisé pour acheter les marchandises à l’étranger peut revenir sous forme d’investissements dans le pays importateur ou de versements de dividendes ou de salaires effectués par des Français à l’étranger. Si votre maison était un pays, elle serait en lourd déficit commercial. Vous passeriez votre temps à importer des biens de consommation mais cela n’aurait pas d’importance : votre travail, votre épargne effectués en dehors de votre appartement vous rapporteraient des devises. La balance commerciale seule n’est pas un signe de bonne ou de mauvaise santé économique.

Ce qui peut poser problème à long terme, c’est lorsque le pays, le quartier ou l’individu s’endettent pour consommer. C’est-à-dire qu’ils échangent un bien ou un service aujourd’hui contre un paiement demain parce qu’ils ne produisent pas assez aujourd’hui pour payer leur consommation. Le déficit commercial n’est pas forcément un problème. C’est un symptôme qui, lorsqu’il est accompagné d’un autre symptôme, la dette pour consommer, est le signe d’une maladie : production trop faible par rapport à la consommation.

Les solutions protectionnistes des souverainistes ne font que traiter un symptôme – le déficit commercial – en aggravant la maladie.

La désindustrialisation

Pour justifier l’interdiction d’échanger entre deux personnes qui ne leur ont rien demandé et qui ne leur font pas de mal, les étatistes s’appuient sur des macro-statistiques, vraies ou fausses, qui s’éloigneraient d’une valeur idéale – connue d’eux seuls – et qu’ils auraient la lourde charge de corriger.

La désindustrialisation est devenue le grand drame national des souverainistes comme des socialistes, qu’ils se proposent de résoudre en taxant les produits étrangers. Le remède est suspect, d’autant que la maladie est incertaine. La « désindustrialisation » est un phénomène mondial. Partout dans le monde la part de l’industrie dans les économies diminue au détriment des services. D’abord grâce à des technologies de plus en plus performantes qui diminuent les besoins de main-d’œuvre dans l’industrie, ensuite parce que de nombreuses industries ont externalisé tout ce qui n’était pas dans leur cœur de métier. Là où hier, un constructeur automobile avait des employés pour faire le ménage et la communication, il aurait plutôt tendance aujourd’hui à faire appel à une société de ménage ou de communication externe. Le même employé faisant le même travail dans la même usine fait aujourd’hui partie du secteur des services.

La « désindustrialisation » ne se traduit donc même pas par une baisse de la production industrielle, nos industries produisent plus aujourd’hui, mais avec moins de monde.

La baisse des salaires

Quoi de plus beau qu’un souverainiste, dans le soleil levant, prenant la tête d’une croisade pour protéger les bas salaires de l’affreuse mondialisation libérale, un subtil mélange de Jean Valjean, d’Ivanhoé et de l’abbé Pierre au service des ouvriers ? Cette image héroïque se base d’abord sur un gros, gros, gros malentendu.

Le salaire nominal, ce n’est pas le pouvoir d’achat. Un ouvrier qui gagne 100 euros par jour avec un chariot de course moyen à 80 euros par jour est plus prospère qu’un ouvrier qui gagne 200 euros par jour avec le même chariot moyen qui coûte 250. Le salaire nominal peut parfois effectivement baisser avec le libre-échange, mais cela se traduit dans le même temps par une baisse encore plus importante du prix des biens et des services. Sans la mondialisation, les prix des biens exploseraient, des téléphones portables jusqu’aux voitures en passant par le matériel médical. Les Ivanhoé du protectionnisme devraient bien expliquer cela à leurs protégés : 

« Vous allez gagner plus, mais vous pourrez acheter beaucoup moins. »

D’autant que le protectionnisme s’appuie sur une méthode simple : taxer les produits étrangers. Sauf que là aussi l’expression est trompeuse. Ce ne sont pas les produits étrangers qui sont taxés, ce sont ceux qui les achètent. On n’a jamais vu un paquet de T-shirts chinois sortir 300 euros pour les donner à la douane française. Ceux qui payent la taxe sont ceux qui achètent les T-shirts : les Français, souvent d’ailleurs les plus modestes.

 L’altermondialisme

Certains messages de l’altermondialisme sont des petites lumières sympathiques : la réduction de la pauvreté, l’importance des choix des personnes même lorsqu’ils ne sont pas conformes aux goûts de la majorité, certaines critiques pertinentes sur le rôle et les actions des institutions internationales. Le problème est que dès que l’on va au-delà de cette jolie petite lumière, on découvre rapidement les vieilles dents décrépites du marxisme, la lutte des classes, un constructivisme mondial via des taxes ou des interdits, un étatisme omniprésent, le mépris des droits fondamentaux au profit d’une liste de droits créances approximative et changeante. Ces vieilles dents ont déjà fait des méchantes morsures à l’humanité, en la maintenant dans la misère ou en asservissant des personnes libres.

Cela étant, si les libéraux refusent l’alter-monde néo-marxiste, cela ne signifie pas qu’ils trouvent la mondialisation satisfaisante. Au contraire, pour les libéraux, les progrès à accomplir à l’échelle mondiale sont immenses en ce qui concerne le respect des droits naturels – sûreté, liberté, propriété –, la démocratie, le droit, les distorsions dues à la monnaie, la lutte contre la corruption, l’éducation… Raison de plus pour ne pas appliquer à l’échelle mondiale ce qui n’a jamais marché à l’échelle nationale, régionale, continentale…

Par Daniel Tourre
Source L'Opinion


Daniel Tourre

De Wikiberal
Daniel Tourre, né en 1971 à Paris, est un auteur libéral français. Il fait partie des 100 auteurs du livre Libres ! 100 idées, 100 auteurs.  
l passe une partie de son enfance en Île-de-France et, suivant les déplacements de ses parents, à Madagascar et au Portugal.
Militant dans le milieu libéral au lycée et à l’université, il étudie la physique théorique à Strasbourg puis à Groningen (Pays-Bas) et St Andrews (Écosse).
Il débute ensuite une carrière en indépendant sur l’informatique bancaire où il se forme sur l’économie, la gestion des risques bancaires et les problèmes monétaires.
En 2007, considérant que le libéralisme n’est ni de droite, ni de gauche, il adhère le même jour au PS et à l’UMP afin de défendre cette doctrine en interne dans les deux grands partis de gouvernement. Il s’investit aussi dans un nouveau parti libéral, Alternative Libérale, dont il est le candidat pour les législatives dans le Ve arrondissement de Paris en 2007.
Il accompagne la création du Parti Libéral Démocrate qu’il quitte début 2012 pour animer la campagne présidentielle fictive de Frédéric Bastiat (www.bastiat2012.fr).
Il vit aujourd’hui avec sa femme à Nancy tout en travaillant à Paris et au Luxembourg. 


Pulp Libéralisme

En 2012, Daniel Tourre publie Pulp Libéralisme, La tradition libérale pour les débutants, aux éditions Tulys.
Ce livre présente de manière humoristique les bases philosophiques du libéralisme classique ainsi que des notions de sciences économiques. Il est divisé en 36 courts chapitres répondant à des clichés communs sur le libéralisme.
Distrayant, il est illustré par près de 230 vignettes kitsch de bandes dessinées américaines des années 1950 (super-héros, robots, monstres improbables, demoiselles en détresse...) dont le contenu des bulles a été modifié.
Il s’appuie aussi sur plusieurs centaines de citations courtes d’auteurs majeurs du libéralisme, permettant d’identifier les ouvrages permettant d’aller plus loin à ceux qui le souhaitent. 


Citations

  • « Une pièce d’or, trouvée au fond de l’eau dans un galion naufragé, a conservé sa valeur pendant 400 ans, sans banque centrale, sans experts et sans ministres de l’Economie. Les crustacés sont manifestement plus compétents pour garder une monnaie saine, moins arrogants et moins coûteux qu’une banque centrale ».
  • « En France, il n'y a pas de problèmes économiques, il y a juste des taxes qui n'ont pas encore été trouvées. »
  • « L'État mammouth veut votre bien. Le maximum de votre bien. »

Liens externes

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février 06, 2015

SAGESSE DES ANCIENS, CAPITALISME ET PORNOGRAPHIE par Christian MICHEL

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Sommaire:

A) - PHILOSOPHIE LIBERTARIENNE SAGESSE DES ANCIENS, CAPITALISME ET PORNOGRAPHIE - QL par Christian Michel

B) - Christian Michel de Wikiberal

C) - Taoïsme de Wikiberal

D) - Capitalisme de Wikiberal

 
 
A) - PHILOSOPHIE LIBERTARIENNE SAGESSE DES ANCIENS, CAPITALISME ET PORNOGRAPHIE
 
Il est plus facile de parler de sagesse que de morale. La morale s'énonce sous forme d'obligations et d'interdits, elle a un côté dogmatique que notre époque n'apprécie guère. Et lorsqu'on parle de sagesse, il semble qu'elle ne puisse venir que « des anciens ». Il existe une raison objective à cela: je peux découvrir les lois morales par le discernement, l'exercice du jugement, mais la sagesse doit passer par l'épreuve de l'expérience. Il lui faut un vécu. C'est pourquoi elle ne nous paraît acquise qu'avec l'âge.


En parlant de « sagesse des anciens », nous faisons aussi référence à l'histoire. Les époques antérieures nous paraissent généralement plus sages que la nôtre. Nous ne trouverons personne, je crois, pour déclarer que ce XXième siècle que nous quittons fut celui de la sagesse. La première moitié a été ensanglantée par des folies collectives, comme rarement notre humanité en a connues, et la fin de ce siècle, par l'audace de ses expérimentations dans tous les domaines, est associée à l'inconscience de l'adolescence plutôt qu'à la sérénité de l'âge mûr.


Associer sagesse et capitalisme dans un même propos relève de la provocation. Est-ce que le capitalisme n'est pas bassement matérialiste, grossièrement jouisseur? Est-ce qu'il ne pratique pas l'exploitation des faibles par appât du gain, le gâchis des richesses naturelles par imprévoyance? Devant une telle réputation, il est téméraire d'affirmer comme je vais le faire que le capitalisme appelle les êtres humains à la sagesse plus que n'importe quel autre mode d'organisation de la société. C'est pourtant la proposition que je vais essayer de soutenir.

Ma tentative de recherche d'une sagesse dans le capitalisme a pour but de le dégager d'un discours économique et productiviste déshumanisant. Le capitalisme ne se réduit pas à des chiffres. Si nous voulons gagner plus de gens à la cause du capitalisme, nous devons mettre en avant la dimension spirituelle du marché et de la libre entreprise.

Mais d'abord, il convient de préciser: qu'entendons-nous par « capitalisme »? Pour éviter toute confusion, le système que j'appelle à la barre ici et dont nous voulons juger la sagesse, est le capitalisme pur et dur, sans aucune mesure d'interventionnisme étatique, sans aucun compromis avec d'autres systèmes: l'ultra-capitalisme, l'anarcho-capitalisme.

Sagesse


Les sages de toutes les époques sont au moins d'accord sur un point: la sagesse ne vient pas d'ailleurs, elle ne nous est pas donnée, elle est en nous, il est vain de l'attendre de l'extérieur: « Ne crois pas que par quelque recette tu vas devenir Bouddha, nous prévient Huang Po, tu as toujours été Bouddha. » Cette affirmation va complètement à l'encontre des grandes conceptions politiques de Platon à Rousseau et à Marx, qui conçoivent l'être humain comme un produit de son environnement social. Changeons la société, affirment ces visionnaires, et nous fabriquerons le nouvel être humain que nous voulons. Mais si le bonheur de l'homme pouvait être produit ainsi, Bouddha, qui était fils de roi, n'aurait eu qu'à légiférer au lieu de partir prêcher à moitié nu sur les routes, et ses sujets auraient atteint l'illumination par décret. Jésus aurait accepté la royauté d'Israël qu'on lui offrait, Lao Tseu serait devenu ministre... Or, ces maîtres de sagesse, comme tant d'autres, ont refusé l'action politique. « Mon Royaume n'est pas de ce monde », disaient-ils chacun dans sa langue. Il y a dans ce refus de la politique de la part d'hommes qui ont atteint le plus haut niveau de sagesse une leçon que nous devrions tous méditer.

Éléphants


Mais si ce n'est pas l'extérieur qui nous apporte la sagesse, cela ne veut pas dire, loin de là, que nous pouvons faire comme si la réalité n'existait pas. Ce sont les psychotiques qui inventent leur propre monde, les sages vivent dans la seule réalité qui existe, celle qui est là, autour de nous.

On cite souvent une vieille histoire tirée de la tradition de l'hindouisme védique(1). Un homme rend visite à un sage et lui demande, comme le veut la coutume, quel est le sens de la vie. Le sage lui enseigne quelques principes de la pensée védique, lui apprend que le monde est Brahman, c'est-à-dire Dieu, et que notre conscience individuelle se confond avec celle de Brahman. « Puisque Dieu crée tout, ajoute le sage, et puisque ta conscience ne fait qu'un avec Dieu, alors ta conscience crée tout. »

Notre homme s'en va tout ravi, convaincu qu'il a découvert le sens de la vie, que sa conscience fusionne avec celle de Brahman et crée toute réalité. Sur le chemin du retour, il décide de tester cette révélation extraordinaire. Il se plante bravement au milieu de la route, face à un éléphant qui vient vers lui, convaincu qu'il peut transformer la réalité de l'éléphant pour que l'éléphant ne lui fasse aucun mal. Le cornac sur le dos du mastodonte a beau lui crier « Écartez-vous! Écartez-vous! », notre nouveau porteur du sens de la vie ne bouge pas d'un pouce et se fait culbuter par l'éléphant.

De retour en claudicant misérablement vers le sage, notre homme proteste que si tout est bien dans Dieu, et si sa conscience ne fait qu'un avec celle de Dieu, alors l'éléphant aurait dû faire ce que lui, notre homme, demandait, c'est-à-dire ne pas le renverser. « Mais, bien sûr que tout est dans Dieu, dit le Sage, et pourquoi n'as-tu pas écouté Dieu quand il a t'a dit de t'écarter? »

Il existe deux courants dans les grandes traditions de sagesse. L'un des deux est stérile. C'est celui qui soutient que le Vrai Moi, le moi spirituel, est destiné à planer là-haut, indifférent au monde. Le plus nous serions en contact avec Brahman, le moins nous nous soucierions du monde, et inversement, si le monde nous préoccupe encore, si nous sommes toujours émus par sa beauté et choqués par ses injustices, c'est que nous n'aurions pas atteint notre Vrai Moi.

À la rencontre du Vrai Moi


Cette anecdote avec l'éléphant nous enseigne l'autre courant de sagesse. Le monde est Brahman et partir à la rencontre de Brahman, c'est nécessairement rencontrer le monde et se mesurer à lui. La réalité existe. Non seulement elle existe, mais elle résiste. C'est même la meilleure définition que nous pouvons donner de la réalité: elle est ce qui résiste. En imagination, je peux exaucer n'importe lequel de mes désirs: être à Paris et à Tokyo en même temps, séduire la plus belle femme... Mais dans mon imaginaire, je ne rencontre que moi. Cette femme que je crois séduire n'a pas d'autres idées et pas d'autres sentiments que les miens; ce Paris ou ce Tokyo que j'invente ne connaissent pas d'embouteillages autres que ceux que j'y mets. Si donc je veux rencontrer Brahman, et pas seulement mon illusion de Brahman, c'est dans le monde que je dois le chercher. Teilhard de Chardin découvrait le vrai chemin vers Dieu dans ce qu'il appelait « la Réalité entière et sauvage ». Loin d'être un poids qui empêcherait notre Moi de s'élever vers Brahman, ou simplement vers plus de sagesse, la réalité libère notre moi de la futilité et, par le travail et l'engagement, l'oblige à se surpasser.

À côté de ce courant de fausse sagesse, qui nous invite à fuir la réalité du monde, il existe une autre tradition, toute aussi contestable aujourd'hui, qui associe la sagesse à des valeurs d'équilibre et de conformité à un certain ordre établi. Or, si la sagesse consiste à ne pas refuser le monde, mais au contraire à vivre plongé dans la réalité et en harmonie avec elle, alors nous devons reconsidérer la vision que nous avons de la sagesse comme un état de stabilité. La science contemporaine nous l'apprend: l'univers n'est pas stable, notre environnement n'est pas immuable. Ce que nous appelons l'« ordre » ne peut plus nous apparaître comme un arrangement fixe des choses. L'ordre prend la forme d'un système constamment en déséquilibre, d'où sortiront de nouveaux effets d'ordre, au milieu d'une myriade d'essais avortés. Et ce nouvel ordre sera peut-être plus durable s'il est plus complexe, mieux capable de se défendre et de se réformer, mais il sera lui-même transformé à son tour. Ce grand mouvement de l'univers est ce que nous appelons l'Évolution. Comme le rappelle le philosophe français Jean Onimus, si nous acceptons qu'il y a de l'évolution – ce qui paraît scientifiquement incontestable –, il faut bien en tirer toutes les conséquences. L'ancienne sagesse faisait une vertu de la résignation et de la soumission à l'ordre établi, « Inch'Allah ». L'évolution au contraire nous appelle à l'action, nous réclame un devoir d'engagement. La sagesse a changé de forme. Nous la cherchons aujourd'hui auprès de Lao Tseu plutôt que de Confucius, de Sri Aurobindo plutôt que de Mahomet.

La sagesse du capitalisme


La sagesse se découvre dans l'action. Mais que dois-je faire? Au contraire des animaux, l'être humain n'est pas programmé pour agir. En plus, il y a de l'inconnaissable dans le monde, par exemple, l'avenir, et nous commettons parfois le plus grand mal en croyant agir pour le bien. C'est pourquoi agir comporte toujours un risque et entraîne toujours une responsabilité. Les sages ne nous disent jamais quoi faire. Ils ne leur appartient pas de nous déresponsabiliser de la décision. Ce ne serait pas ma vie si les décisions qui la jalonnent n'étaient pas celles dans lesquelles je me reconnais.

Le capitalisme est une sagesse en ce sens qu'il se refuse à déresponsabiliser les gens. Le capitalisme n'apporte pas de réponse à la question « Qu'est-ce que je dois faire? » Ce refus du capitalisme d'édicter des règles de comportement est jugé sévèrement par beaucoup d'observateurs (Soljenitsine, par exemple, qui dans un de ses discours à l'Université de Harvard, condamne le capitalisme pour « insuffisance morale »). Or, la force morale du capitalisme est précisément d'être un mode d'organisation de la société qui ne dit pas aux individus comment vivre. Dans une vision holistique de l'univers, le capitalisme est un tout qui intègre ses parties en leur laissant une complète indépendance(2). Le capitalisme est une trame qui se contente de mettre en réseau les actions des hommes, de les rendre compatibles entre elles.

Cette compatibilité des actions humaines et la cohabitation entre tous les styles de vie sont possibles en suivant une règle simple qui gouverne les relations des hommes entre eux et des hommes avec la nature. Cette règle peut être fondée en raison, c'est-à-dire qu'elle est universelle. Elle s'énonce ainsi: chacun peut faire ce qu'il veut avec ce qui lui appartient et seulement avec ce qui lui appartient. Les juristes appellent cette règle simple: le droit de propriété(3).

Propriété


Beaucoup de philosophes, de John Locke à Hans-Hermann Hoppe, en passant par Rothbard et Nozick, ont pensé cette question de la propriété. Ils nous ont montré comment le premier être humain qui établit un lien entre un élément de nature et lui-même (ce qu'en anglais on appelle homesteading) donne naissance à un droit de propriété.

Comme l'a souligné Ayn Rand, la propriété n'est pas seulement le droit à une chose, c'est surtout le droit à une action(4), et c'est le droit aux conséquences heureuses ou défavorables de cette action. Le droit de propriété, par conséquent, découle de la nature de créateur de l'être humain(5).

Et cette activité créatrice de l'être humain est l'expression de la sagesse la plus haute, puisque l'être humain seul de toute la nature a une activité consciente, et sa fonction dans le monde consiste précisément à imprimer sur la matière la marque de la conscience et de la raison.

L'être humain créateur


L'homme est relié à la nature, issu d'elle, mais il est supérieur à elle en raison du degré plus élevé de sa conscience. Cette affirmation fait trembler les écologistes. Est-ce que cette supériorité de l'homme n'est pas de l'orgueil prométhéen, de la folie scientiste? Certes, si l'univers était achevé, vouloir y ajouter quelque chose ou le changer, serait une révolte sacrilège contre l'Esprit. Mais puisque la construction de l'univers n'est pas terminée et que nous, les êtres humains, sommes apparus au cours de l'évolution avant qu'elle n'arrive à son terme, c'est que nous avons un rôle à y jouer, avec notre intelligence, nos passions et nos ambitions. La sagesse consiste à agir dans le monde pour accélérer cette évolution. Le sage d'aujourd'hui dans tous les domaines est un entrepreneur.

Par conséquent, de toutes les formes de propriété, la propriété capitaliste est moralement la plus haute. La sagesse chrétienne le proclame depuis Thomas d'Aquin: la propriété des moyens de production est un droit naturel, c'est-à-dire qu'elle est en accord avec la volonté de Dieu, elle est le dessein même de Dieu pour l'Homme.

Le mal que l'église et les sages dénoncent et dont nous risquons tous d'être atteints, est l'effritement, l'appauvrissement, de notre personne. Le remède à cette vie fade et sans épaisseur est la réaffirmation pleine et entière du droit de propriété. En régime socialiste, les gens dans leur majorité sont privés de la maîtrise de leur vie, car ce juste rapport à la réalité est impossible sans le droit de propriété. Pour un être humain, qui n'est pas un ange dans l'éther, vivre, c'est agir, et agir sur des choses. Si nous ne possédons rien, nous n'avons pas de choses avec lesquelles agir (ou alors, nous agissons de façon illégitime avec ce que nous ne possédons pas, ce qui est le fait des voleurs et des hommes de l'État). Et si nous n'agissons pas, nous ne sommes pas la cause d'événements dont nous pouvons assumer la responsabilité. Et pour un événement dont nous ne sommes pas responsables, nous ne serons ni remerciés, ni payés, ni condamnés, ni félicités... c'est-à-dire que l'irresponsabilité affaiblit la relation que nous entretenons avec autrui et nous éloigne de la réalité.

Liens


La propriété capitaliste nous rend ce service de ne pas nous séparer de nos actes; c'est-à-dire qu'elle nous incite à prendre conscience de la réalité. Elle nous rappelle qu'il existe des éléphants là-bas et nous interpelle: Alors qu'est-ce que tu vas faire? Prétendre que les éléphants n'existent pas, comme ce personnage de Brecht qui criait: « Si le peuple refuse notre politique, changeons le peuple! »? Ou alors, vas-tu prendre conscience de l'existence des éléphants, peut-être en apprivoiser un pour t'aider dans tes travaux, en tous cas éviter de mettre ton petit pied sous sa grosse patte?

Le sens profond du droit de propriété est d'établir des liens. La propriété capitaliste tisse des liens et noue des relations dans le monde, c'est-à-dire que le monde n'est plus indifférencié. L'amour, l'amitié et la culture remplissent le même rôle que le droit de propriété. Ils cassent l'uniformité et la banalité du monde: pas n'importe quel homme, mais mon ami; pas n'importe quel objet, mais un symbole dont le déchiffrement me relie à ma culture. De même, en devenant propriétaire d'un outil ou d'une entreprise, nous faisons surgir hors de l'uniformité un élément de nature avec lequel nous établissons un lien privilégié: pas n'importe quel outil, mais mon outil, pas n'importe quelle firme, mais celle dont je suis actionnaire...

Bien sûr, nous entretenons d'autres relations avec les êtres humains et avec la nature que des relations de propriétaires(6).

Nous avons des liens d'amitié et de famille, nous sommes émus par le spectacle de la mer, la majesté d'une chaîne de montagnes, la douceur d'un paysage, autant d'expériences qui nous relient à des éléments de nature sans que nous ayons besoin d'en être propriétaires. Ces relations et ces émotions entrent en résonance avec notre moi profond, mais précisément parce qu'elles sont si personnelles, ces expériences ne sont pas universalisables. Telle forêt, qui inspire à Paul un poème, laissera Pierre indifférent; telle jeune fille, qui sera le grand amour de la vie de Pierre, paraîtra à Paul aussi sotte que laide.

En revanche, le respect de la propriété de chacun sur son corps et sur ce qu'il produit est universalisable, c'est le minimum que nous nous devons tous sur cette planète. Cette reconnaissance de la propriété est le socle sur lequel reposent les relations plus chaleureuses, conviviales et familiales. Lorsque Paul aura fini de composer des vers sur la forêt et qu'il aura besoin de bois pour se chauffer, la question de savoir à qui appartient la forêt deviendra d'une brûlante actualité.

Le Tao du capitalisme


Le lieu où nous établissons des relations entre les hommes et avec la nature et qui ne sont pas des relations d'amitié et de contemplation, ce lieu est ce que les économistes appellent « le marché ». Comme l'art ou la méditation, la fonction première du marché capitaliste est de nous faire prendre conscience qu'une force est à l'oeuvre à travers nous, agit en nous, et que nous ne la contrôlons pas totalement. Beaucoup de gens ne supportent pas cette idée que le mental ne puisse pas contrôler chacune de leurs actions. Si ce n'est pas leur propre mental, alors au moins le mental de quelqu'un d'autre: papa, maman, le grand chef... Cette idée que « personne n'est aux commandes » leur paraît effrayante.

Mais si « personne n'est aux commandes », il existe néanmoins un principe organisateur(7). Le marché n'est pas le chaos. Nous venons de dire qu'il obéit à une loi, le droit de propriété, c'est-à-dire le principe de non-agression. « Il ne peut pas exister de conflit entre des gens qui respectent leurs propriétés », notait Ayn Rand. Ce qui n'est pas tout à fait vrai, il existe des conflits, car les gens qui respectent le droit propriété peuvent croire à tort que leur droit a été violé, mais nous pouvons découvrir par le travail des juges, en dehors de toute législation positive, si cette violation du droit est réelle. Le droit naturel de propriété existe donc bien, on peut l'identifier. Par conséquent, les relations entre les gens ne sont pas inéluctablement soumises à l'arbitraire des lois humaines.

« Si le marché est régi par un principe organisateur qui exclut la violence, le capitalisme est moins dangereux que tous les autres régimes, puisque tous les autres régimes n'interdisent pas la violence, au contraire, ils l'institutionnalisent. La violence n'est pas proscrite dans nos sociétés, elle un monopole que se réservent jalousement les hommes de l'État. »

Le marché n'est donc pas le chaos, puisque, comme l'évolution, il est régi par un principe organisateur, le droit de propriété. Le marché n'est pas non plus le dessein d'un seul homme ou groupe d'hommes, c'est-à-dire qu'il n'est pas limité dans ses possibilités par la capacité de cet homme ou de ce groupe. Le marché est un des courants dans le grand fleuve de l'évolution, qui coule dans l'univers depuis le Big Bang. Loin d'être une illusoire recherche de l'équilibre, comme le croyaient les économistes classiques, le marché nous demande un perpétuel dépassement de soi. Et précisément parce qu'il n'est pas contrôlé ni restreint par le mental, le marché imagine. Il invente, il crée, et surtout, il accepte l'imprévu. Accepter l'imprévu veut dire que le marché capitaliste n'est pas seulement productif, il est fécond.

Je voudrais vous lire quelques lignes qui sont pour moi une expression parfaite de la pensée Tao: Chaque individu s'efforce de gérer ses biens de façon à en accroître la valeur. Il ne recherche que son propre intérêt, et néanmoins, il est conduit dans cette recherche, comme dans beaucoup d'autres instances, par une main invisible à promouvoir une fin qui n'était pas dans son intention. Et ce n'est pas plus mal pour la société que cette intention ne soit pas présente. En poursuivant son intérêt propre, il favorise généralement celui de la société plus efficacement que s'il entendait s'atteler réellement à cette tâche. Je n'ai jamais constaté beaucoup de bien venant de ceux qui se targuaient d'oeuvrer pour le bien public(8).
En 1776, Adam Smith postulait « le Tao des processus économiques ».

Le paradigme de la « main invisible » est l'affirmation que nous pouvons faire confiance à l'Évolution, à la Nature, au principe d'Atman, à l'Esprit, à Dieu, nommez-le comme vous voulez; la main invisible est le signe que la Création est bonne.

Qu'avons-nous à perdre?


Cependant, n'y a-t-il pas là une démission inquiétante de la raison? Pouvons-nous accorder au marché cette confiance aveugle?

La division du travail, qui est le mode d'organisation économique de l'humanité, est déjà un acte de confiance auquel nous nous livrons tous. Savoir que nous ne contrôlons pas la fourniture des biens les plus essentiels à notre vie devrait nous plonger dans l'angoisse. L'alimentation, les médicaments, l'électricité... nous viennent de gens que nous ne connaissons pas, à la fin d'une longue chaîne que personne ne contrôle, et précisément, c'est lorsque que quelqu'un a voulu contrôler cette chaîne par la planification de l'économie qu'elle s'est rompue et que des pénuries sont apparues.

Mais peut-on aller encore plus loin dans la non-intervention de l'État? Peut-on prendre le risque du capitalisme? L'alternative est simple: 1) Ou bien le mal est dans la société, l'humanité est irrémédiablement corrompue, mais si c'est le cas, alors ceux à qui nous donnons le pouvoir de l'État ne sont pas préservés du mal. Le pouvoir que nous leur donnons ne fait qu'amplifier leur capacité de faire le mal.

2) Ou bien le mal ne domine pas l'évolution, nous pouvons faire confiance à la main invisible, et l'État est un fardeau inutile, voire dangereux.

Dans les deux cas, nous nous porterions mieux sans un gouvernement qu'avec lui. Nous nous porterions mieux de laisser le capitalisme aller jusqu'au bout de sa sagesse.

Si le marché n'est pas le chaos et si les conflits peuvent être résolus par d'autres moyens qu'arbitraires, alors pourquoi ne pas laisser faire? Si le marché est régi par un principe organisateur qui exclut la violence, le capitalisme est moins dangereux que tous les autres régimes, puisque tous les autres régimes n'interdisent pas la violence, au contraire, ils l'institutionnalisent. La violence n'est pas proscrite dans nos sociétés, elle un monopole que se réservent jalousement les hommes de l'État.

Lâcher prise


L'hémisphère gauche de notre cerveau, le siège de la rationalité, est plus avancé dans l'évolution que l'hémisphère droit, où sont localisées les fonctions primitives, les émotions, la sexualité. Dans le processus d'évolution, il est courant que le stade le plus élevé réprime et étouffe le stade inférieur au lieu de l'intégrer. Toute la psychologie de l'affectivité depuis Freud, en particulier la psychologie transpersonnelle et les travaux philosophiques de Ken Wilber, sont fondés sur cette constatation. Parce que le mental est plus avancé dans l'ordre de l'évolution, des patients s'infligent des souffrances inutiles en réprimant leurs émotions, car ils se disent, bien sûr inconsciemment, que laisser s'exprimer l'animal en eux serait une régression dans la chaîne de l'évolution.

Or, la fin de la souffrance ne s'atteint pas en procédant à l'opération inverse: étouffer le mental et se livrer à nos pulsions. La fin de la souffrance coïncide avec la prise de conscience que la raison et les émotions, le cerveau droit et le cerveau gauche, ne sont pas dans une relation de pouvoir, l'un essayant de réprimer l'autre, mais peuvent fonctionner ensemble. Typiquement, cette découverte s'opère lorsque le sujet trouve en lui assez de courage pour faire lâcher prise au mental. Alors, le sujet découvre la richesse de son inconscient, de sa sexualité, de ses émotions, de son imaginaire; il cesse d'en avoir peur. Il entre en contact avec une source d'énergie féconde dont le manque de confiance en lui-même l'avait privé.

Lorsqu'un groupe humain adopte le capitalisme, il cesse de s'infliger la souffrance inutile de la répression politique. Toute la vitalité et l'énergie de cette communauté qui étaient consacrées à la bureaucratie, deviennent disponibles pour la création. Comme le patient qui est persuadé que ses émotions vont le détruire s'il les laisse s'exprimer, nous croyons encore qu'une société sans répression est vouée au désordre anarchique. Remarquons pourtant que les pires horreurs du siècle n'ont pas été causées par le désordre, mais par la soif de l'ordre. Lorsqu'on objecte au capitaliste qu'il faut à la société un gouvernement pour remplir la fonction de garde-fou, on peut répondre que le seul garde-fou dont nous avons besoin est celui qui nous protégera de la folie des gouvernements. Comme l'écrivait Elias Canetti, une société humaine n'a pas à craindre l'indépendance d'esprit, mais l'obéissance.

Le laissez faire collectif de l'humanité adoptant le capitalisme n'est donc pas différent du lâcher prise individuel de l'être humain prenant contact avec la partie profonde et créatrice de lui-même.

Nature

Une objection au laissez faire souvent entendue nous vient des écologistes et des adeptes du Nouvel Âge. En voilà qui n'ont pas de sympathie pour le mental raisonneur et technicien. Ils encouragent volontiers l'individu au lâcher prise du mental. Vive l'intuition, l'imagination, la spontanéité, nous disent ces amoureux du naturel. Mais, paradoxalement, lorsqu'il s'agit de défendre la nature, ils veulent nous imposer le verdict des experts.

Or les experts ne peuvent pas établir la vérité scientifique de leurs analyses sur l'état des relations entre la planète et l'humanité (la preuve en est le désaccord affiché entre eux). Il n'existe pas en effet un point extérieur d'où ces experts pourraient surplomber notre condition humaine et l'analyser scientifiquement, comme l'on fait d'un élément isolé de la nature, un cristal ou une niche écologique...

Par conséquent, nous n'avons pas accès à la vérité de Gaia. Mais nous savons que si chacun s'occupe du petit élément de nature avec lequel il a établi un lien, c'est-à-dire si chacun s'occupe de sa propriété, alors ensemble nous ne causerons pas de mal à la planète.

En effet, pour mesurer l'impact de notre action sur la nature, nous sommes guidés par la réponse en retour (un feedback) que la nature nous envoie. Les propriétaires qui voudraient ignorer le message de Gaia seraient vite mis en face de la réalité. Leur élément de nature perdrait de sa valeur, ce qui est un argument généralement convaincant pour des propriétaires. Devant le risque de cette perte de valeur, chaque propriétaire change de comportement, celui qui possède un cours d'eau le pollue moins et interdit aux autres de le polluer, parce qu'un égout se vend moins bien qu'une rivière; celui qui ne prend pas soin de son corps s'aperçoit que ses primes d'assurances maladie augmentent... Le rôle du marché est d'ouvrir notre conscience à la réalité.

C'est cela la sagesse capitaliste. Nous connaissons depuis Max Weber la filiation entre « l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme ». Les protestants veulent découvrir la parole de Dieu par eux-mêmes dans les textes révélés plutôt que de s'adresser à un clergé. De même pour apprendre ce que la planète attend de nous, le capitalisme nous encourage à dialoguer directement avec elle, sans l'intermédiaire du clergé des experts et des hommes de l'État.

Cette lecture directe de la Nature est possible si nous élargissons assez notre champ de conscience pour sortir de l'idéologie et rencontrer la réalité. Or, le lieu où les besoins et les désirs de l'humanité, où les ressources et les contraintes de la nature, se révèlent dans leur réalité, ce lieu est le marché. C'est le marché qui nous communique l'information sur la demande des biens matériels exprimée par les êtres humains et sur la capacité de la nature à la satisfaire. Et le langage, très compréhensible, utilisé dans ce dialogue entre les hommes et la nature est celui des prix. Les économistes de l'École autrichienne et Friedrich Hayek nous l'ont appris, les prix ne sont que de l'information, les prix sont le message que la nature nous envoie sur sa capacité à répondre aux désirs des hommes pour une de ses ressources à un moment donné. On pourrait schématiser ce dialogue ainsi: le prix d'un produit baisse, et c'est comme si la nature nous disait: « Mes réserves sont abondantes, servez-vous, trouvez même d'autres utilisations pour ces matières que je vous offre. » À l'inverse, les prix montent, et c'est le moyen que la nature emploie pour nous indiquer: « Vous utilisez mal cette marchandise, économisez-la, trouvez des substituts. » Peut-il exister un dialogue plus objectif et plus authentique entre Gaia et nous?

Pour que soit compris ce dialogue entre les êtres humains et la nature à travers le marché, encore faut-il qu'il ne soit pas censuré. Or les hommes de l'État étouffent l'information sous forme de contrôle des prix, de quotas de production, de barrières douanières, de monopoles et autres subventions(9)...

Ainsi nous vivons toujours plus retranchés de la réalité.

Le « Principe-responsabilité »


La sagesse capitaliste est compatible avec le « principe responsabilité » que pose le philosophe Hans Jonas(10). Dans un régime capitaliste, chacun peut adopter le style de vie qui lui convient: communisme, tribu primitive, entreprise high-tech, multinationale, monastère trappiste, famille polygame ou polyandre... Chacune de ces expériences devient un modèle que d'autres suivront ou pas. Les gratifications tirées de ce style de vie, mais aussi le coût psychologique et financier, retomberont uniquement sur ceux qui l'ont adopté. S'il n'est pas en harmonie avec la nature humaine et l'environnement, ce style de vie entraînera des frictions, des pertes d'énergie, et le coût accru, qu'ils seront seuls à supporter, fera renoncer ceux qui l'ont adopté.

En revanche, lorsqu'un gouvernement entraîne tout un pays dans une certaine politique, l'effet de masse cumule les conséquences. Comme le coût d'une éventuelle erreur est supporté par la collectivité, y compris par les malheureux qui ne voulaient pas de cette politique, la réponse en retour de la nature met beaucoup plus de temps à devenir lisible. Lorsque la prise de conscience a lieu, les dommages sur les êtres humains et sur la planète peuvent être devenus déjà irréversibles.

Nous n'avons pas accès à la vérité de Gaia, mais si chacun s'occupe de sa propriété et se laisse guider dans ses initiatives par l'impact immédiatement lisible qu'elles ont sur cette propriété, y compris sur son corps, alors personne ne causera de dommage à la nature. Au contraire, chacun de nous deviendra plus conscient de son propre rapport à la réalité. Et si personne individuellement ne cause un dommage à la nature, globalement la planète ne souffrira pas de dommage non plus. En revanche, si des politiciens décrètent au niveau mondial comment nous devons nous comporter, ils s'immiscent entre nous et la réalité. Ils nous privent de l'expérience directe de la réalité sans pouvoir garantir que leur action à l'échelle globale est bénéfique. Au contraire, la masse d'informations que ce gouvernement universel devra traiter est beaucoup trop importante pour que nous puissions même imaginer de la centraliser(11).

Pouvoir et séduction


L'absence de centralisation du pouvoir est la meilleure garantie des libertés que nous donne le capitalisme. Il ne nous propose pas de Maison Blanche ni de Kremlin à conquérir. Le capitalisme n'est pas démocratique, il ne demande pas que nous abandonnions notre pouvoir à des délégués. Mais est-ce à dire qu'il n'existe pas de relations de pouvoir dans le capitalisme? Bien sûr que si, mais le pouvoir économique est d'un autre ordre que le pouvoir politique. Le pouvoir politique est le pouvoir de la force armée. Je dirais que c'est le versant mâle du pouvoir. Selon la formule de Ken Wilber, pendant des milliers d'années, le problème principal de nos sociétés humaines a été de contenir les effets de la saturation de testostérone dans le monde. Trop de machisme, trop de pouvoir politique, trop d'armée et de police…

Le capitalisme en se développant entraîne la montée d'une autre forme de pouvoir, qui en est le versant féminin. La forme capitaliste et féminine du pouvoir est la séduction. Certes, la séduction est un pouvoir, mais ce n'est pas le pouvoir de contraindre, c'est le pouvoir de susciter nos désirs. Si des firmes comme Michelin, Microsoft, Mitsubishi, peuvent exercer un jour du pouvoir sur moi, c'est seulement dans l'exacte mesure où je désire entrer en relations avec elles, comme employé, fournisseur ou consommateur. Si je ne suis pas séduit par ce qu'elles offrent, ces firmes ne peuvent rien contre moi. Le pouvoir politique est le pouvoir de contraindre et sa limite est la mort de ses victimes; le pouvoir du capitalisme est le pouvoir de séduire et sa limite est l'intérêt de l'échange. L'émergence de cette énergie féminine qui anime le capitalisme est un autre signe de l'évolution humaine.

Pornographie

Et la pornographie dans tout cela? Je l'ai mentionnée dans mon titre pour deux raisons. D'abord parce qu'il faut annoncer un sujet plus accrocheur que « Sagesse des anciens et capitalisme » pour éveiller l'intérêt. Un zeste de pornographie fait vendre, paraît-il. Ensuite, parce que j'avais fait cette constatation dans un livre paru en français, il y a une douzaine d'années, que la sociale-démocratie, qui est le parti unique sous des appellations diverses dans toutes les démocraties du monde industriel, construit une société pornographique, et cette situation qui était vraie à l'époque l'est encore plus aujourd'hui.

Je ne prends pas la pornographie dans son sens étymologique. Dans le sens où je l'entends, est pornographique tout ce qui se pratique sans amour. Rien de ce que nous faisons avec amour ne peut être laid. L'amour transfigure tout. Or, il ne peut pas exister d'amour en dehors d'une relation libre. On ne peut pas aimer son esclave et lui refuser sa liberté. Les sociétés dans lesquelles nous vivons ne font pas de nous des esclaves au sens propre du terme, mais nous enserrent dans des obligations légales et administratives, qui constituent autant de contraintes arbitraires. Les relations spontanées se distendent, donc la place laissée à l'amour se réduit.
« Les hommes de l'État promettent une société généreuse comme la prostituée promet l'amour. Nous pratiquons les gestes de la générosité, mais pas la générosité. Ces gestes n'ont pas de sens s'ils ne sont pas accomplis librement. L'État-providence est une pornographie de la générosité. »

Vous ne pouvez pas décider sous quelle forme vous allez vous marier; la loi l'a prévue à votre place. Vous ne pouvez pas décider du type d'éducation à donner à vos enfants; l'école est obligatoire et les programmes sont établis par un ministère. Ces décisions qui concernent si intimement les êtres que nous aimons sont prises à notre place. Nous sommes déresponsabilisés des formes de la relation que pouvons entretenir avec autrui, c'est-à-dire que peu à peu ces relations d'amour perdent de l'importance, puisque nous n'en sommes pas responsables. Ainsi, l'on voit les mariages se briser et les familles se décomposer.

À l'échelle de la société, la question se pose de la même façon. Si mon voisin est malade ou chômeur, ce n'est pas mon problème, il y a des services d'aide sociale pour cela. Nous payons des impôts pour ne pas entendre geindre les pauvres. Dans la société démocrate sociale, chacun de nous est encouragé à s'enfermer dans son cocon et à se désintéresser du sort des autres. Chacun pour soi, l'État pour tous.

La démocratie sociale construit un monde matérialiste et égocentrique. Le processus est le suivant. Les hommes de l'État de tous temps ont eu besoin d'un discours de légitimation de leur pouvoir. Autrefois, les hommes de l'État prétendaient que nous devions accepter leur pouvoir parce qu'il était voulu par Dieu, ou parce qu'il allait réaliser la société sans classe, ou encore défendre la civilisation contre les barbares... Aujourd'hui, dans tous les pays industrialisés, le discours de légitimation du pouvoir politique est celui de la « justice sociale ». Or, ce discours n'est plus crédible. La politique n'a plus d'idéal. La seule fonction des hommes de l'État est de prendre l'argent des riches pour le donner aux pauvres.

Ainsi les hommes de l'État ne peuvent rien promettre d'autre que de l'argent. Ils doivent donc mobiliser tous les instruments de leur propagande pour convaincre la société que seul l'argent est désirable.

Et comme cet argent est celui des autres, les hommes de l'État promettent une société généreuse comme la prostituée promet l'amour. Nous pratiquons les gestes de la générosité, mais pas la générosité. Ces gestes n'ont pas de sens s'ils ne sont pas accomplis librement. Les esclaves qui construisent un hôpital sans être payés ne sont pas des bienfaiteurs, ou alors loin de les libérer, nous les ferons fouetter pour qu'ils soient encore plus généreux. Les milliardaires qui paient des impôts ne sont pas généreux, ils sont volés.

L'État-providence est une pornographie de la générosité, car il nous force à accomplir les gestes, même si nous n'éprouvons pas le sentiment. Le capitaliste connaît la valeur de la générosité, car il connaît la valeur de la propriété.

Une société à peu près civilisée et aimable n'est pas celle où chacun vit selon les lois de l'amour (ce serait utopique). Il suffit que cette société soit organisée pour que les projets individuels vers plus de conscience et d'amour puissent s'exprimer. Ces projets individuels profitent à la communauté toute entière. Par exemple, dans certaines sociétés primitives, pour être un grand Héros – ce qui est bien une ambition purement individuelle – il vous faut capturer plus de gibier que tous les autres chasseurs; ensuite il faut en faire don. Plus ce chasseur veut être grand, plus enflé est son ego, plus la communauté en profite. C'est exactement ce qui se passe avec les capitalistes. Ils accumulent une fortune, puis créent des fondations qui portent leur nom et financent toutes sortes d'initiatives pour le plus grand bénéfice de l'ensemble de la communauté (par exemple une fondation pour la recherche scientifique ou pour aider les plus démunis).

Je ne sais si Teilhard de Chardin était un libertarien, mais je souscris à cette pensée: « En dépit de tous les échecs et de toutes les invraisemblances, nous approchons nécessairement d'un âge nouveau où le monde rejettera ses chaînes pour s'abandonner au pouvoir de ses affinités internes... Continuer à mettre nos espoirs dans un ordre social obtenu par la violence externe équivaudrait à abandonner toute espérance de porter à ses limites l'Esprit de la Terre »(12).

Dans un parc à côté de chez moi, pendant les longues soirées d'été, des musiciens se réunissent souvent pour jouer du jazz. Ils ne se connaissent pas toujours entre eux. Pendant un long moment, ils essaient de s'accorder, ils y parviennent pendant quelques mesures, puis ils tombent dans la cacophonie. Ce serait facile à ce moment-là qu'un des musiciens se tourne vers les autres et leur dise: « J'ai déjà composé une partition, voici ce que nous devons jouer ». Heureusement, je suis sûr que le batteur, ou peut-être le saxophoniste, protesterait: « Pourquoi est-ce que nous devrions jouer ta musique? Qui te donne le droit de nous commander? » Et tous ensemble, ils se lancent à nouveau dans la recherche de leur harmonie. Soudain, un chant s'élève d'un instrument, les autres musiciens enchaînent les accords, le rythme est trouvé…

Je vous invite à prendre votre place dans la musique du capitalisme.

par Christian Michel
 
  1. La version que j'en donne ici est celle que rapporte Ken Wilber dans son livre A Brief History Of Everything. >>
2. Les capitalistes ne considèrent pas le débat politique comme un écartèlement entre des « choix de société » qui s'excluraient mutuellement. Par exemple, pourquoi ceux qui veulent vivre selon les valeurs du socialisme devraient-ils en être privés? Les capitalistes disent que tous ceux qui veulent répartir leurs biens selon le principe de la « justice sociale redistributive » des socialistes (ou selon n'importe quel autre principe) sont absolument libres de le faire. Les capitalistes insistent seulement: ceux qui le veulent. Comme le remarque Walter Block, l'opposition n'est pas entre le socialisme et le capitalisme, elle est entre le socialisme imposé et le capitalisme. Car si les capitalistes laissent volontiers les socialistes vivre en socialistes, les musulmans en musulmans, les démocrates en démocrates..., la réciproque ne leur est pas accordée. Les régimes socialistes, démocrates, théocratiques et autres, ne laissent aucune possibilité de choix à ceux qui veulent vivre et utiliser leurs ressources autrement que ne le décrète le gouvernement. >>
3. C'est ici que le capitalisme se sépare de l'anarchisme de gauche. Les anarchistes de gauche ont un vrai problème, qui est de distinguer ce qui est permis de ce qui ne l'est pas dans la société et dans notre relation à la nature. Les capitalistes apportent à cette question de la légitimité de nos actes une réponse claire, sans ambiguïté et objective: une action est légitime si elle est conforme au droit de propriété de chaque être humain sur son corps et son esprit, et sur ce qu'il produit grâce à ce corps et cet esprit. >>
4. Le droit de propriété, avant d'être le droit du consommateur, est celui du créateur. Sous le régime stalinien le plus rigoureux, chaque famille conservait la pleine propriété de biens de consommation, des vêtements, des ustensiles ménagers, d'une voiture même, si elle arrivait à se la procurer. Cette propriété n'était pas un danger pour le régime; au contraire, la consommation est passive et les socialistes aiment bien trouver la passivité en face d'eux. >>
5. Une des raisons de l'importance morale du droit de propriété est le fait que chaque être humain est une personne unique. Chaque être humain par conséquent n'a pas besoin seulement de nourriture, de vêtements, d'un abri..., mais il a besoin d'une certaine nourriture, de certains vêtements, d'un certain type d'habitat... qui soient ceux qui conviennent spécifiquement à son unique personne. Or l'être humain ne peut obtenir ces choses que s'il les fabrique.
Si les êtres humains n'étaient pas des personnes singulières et si le désir de l'un ne se différenciait pas du désir de l'autre, nous connaîtrions très vite la nature des besoins de l'humanité. Il serait possible de fournir à tous les hommes ce qui leur est nécessaire, comme on nourrit de façon indifférenciée les vaches d'une étable et les abeilles d'une ruche... Si nous étions ainsi interchangeables, le droit de propriété n'aurait aucun sens. Quelques usines pourraient répondre à toute la demande, et cette demande étant la même, nos besoins biologiques étant invariants, que l'usine appartienne à tel entrepreneur ou à tel autre ne changerait rien, chacun produirait les mêmes choses.
Mais précisément l'être humain n'est pas seulement un organisme biologique. Il n'éprouve pas de besoins qui seraient communs à tous les hommes: 2 500 calories par jour, tant de m2 de logement par habitant. Les êtres humains ont besoin d'une infinie diversité de produits et de services conformés à l'infinie diversité de leurs désirs. Pour que ces biens soient fabriqués et leur soient offerts, il faut une aussi grande diversité d'entrepreneurs libres d'innover, c'est-à-dire qu'il faut garantir à chacun de ces créateurs la pleine propriété des moyens de production. Nous pouvons donc noter une première violation de l'ordre de la nature qu'implique l'interdiction de la propriété des moyens de production. Cette interdiction est une injustice, parce qu'elle réduit nécessairement la qualité et la diversité des biens offerts, et les êtres humains se retrouvent privés de cette qualité et de cette diversité qui sont pourtant la façon naturelle de l'humanité de produire ce dont elle a besoin. >>
6. Nous pouvons rêver que ce type de relations fondées sur l'affectivité soient les seules que nous ayons jamais à vivre. C'était sans doute le cas de nos ancêtres, qui pendant des millénaires n'eurent pas à connaître d'autres êtres humains que les quelques dizaines d'individus qui composaient leur tribu, et même jusqu'à une date récente, jusqu'à l'institution en Europe du service militaire obligatoire et l'invention des chemins de fer, les paysans ne voyaient guère de monde en dehors de leur village. Cette période historique a duré si longtemps qu'il est peut-être resté une sorte d'atavisme chez beaucoup de nos contemporains, qui leur fait regretter ce temps où l'on pouvait vivre toute une vie sans croiser quelqu'un dont on ignorât le nom. >>
7. Comme tout notre univers, le marché est en état permanent de déséquilibre. Il faut que les économistes classiques, les Walras, les List, n'aient jamais levé le nez de leurs équations et regardé par la fenêtre pour qu'ils aient cru à une notion comme « l'équilibre » du marché. >>
8. Ma traduction. Le texte anglais original est: « He intends only his own security; and by directing that industry in such a manner as its produce may be of the greatest value, he intends only his own gain, and he is in this, as in many other cases, led by an invisible hand to promote an end which was no part of his intention. Nor is it always the worse for the society that it was no part of it. By pursuing his own interest he frequently promotes that of the society more effectually than when he really intends to promote it. I have never known much good done by those who affected to trade for the public good. » Adam Smith, La Richesse des Nations, Gallimard, coll. Idées. L'original anglais, The Wealth Of Nations, peut être trouvé sur Internet. >>
9. Subventionner l'agriculture en Europe et interdire l'importation de productions étrangères, c'est faire croire que nos terres peuvent fournir beaucoup plus qu'elles n'en sont capables naturellement. Si elles produisent plus, c'est au prix d'un dopage de la nature, de l'utilisation abusive d'engrais, de l'élevage d'animaux en batterie et de toutes sortes de violence pratiquée sur la terre et les bêtes... En même temps, l'interdiction d'importations censure l'information qu'il existe d'autres ressources agricoles sous-utilisées en Australie, en Argentine et ailleurs, où pourrait être produit dans des conditions moins agressives ce dont les Européens ont besoin. >>
10. Hans Jonas, Le Principe responsabilité, Champs Flammarion. >>
11. La capacité qui est la nôtre de créer des hyper-systèmes ne signifie absolument pas la capacité de les maîtriser. L'exemple de l'URSS est à cet égard révélateur. L'ancienne URSS est morte de n'avoir pas su gérer la complexité. Et si l'URSS, avec les moyens considérables et brutaux qu'elle a employés, n'a pas pu maîtriser l'économie et l'évolution sociale à l'échelle d'un pays, il est impensable qu'un « gouvernement mondial » ait plus de succès dans la gestion de la planète toute entière. >>
12. Teilhard de Chardin, L'Énergie humaine, 1962. C'est moi qui souligne. >>
 
 
 

B) - Christian Michel

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Christian Michel, né en 1944, est un self-made man qui a fondé en 1975, en Suisse, la société d'investissement Valmet, qui compte aujourd'hui dix filiales dans le monde. À l'aise dans tous les pays du monde, doué d'une excellente plume, il a écrit de nombreux articles en anglais ou en français. Il animait le site Liberalia. Libéral et scientifique, il faisait partie du bureau éditorial du Journal of Libertarian Studies.  

C) - Taoïsme

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Le taoïsme (chinois: 道教, pinyin: dàojiào, « enseignement de la voie ») est à la fois une philosophie et une religion chinoise, regroupant vingt millions de disciples. Plongeant ses racines dans la culture ancienne, ce courant se fonde sur des textes, dont le Tao Tö King de Lao Zi, et s’exprime par des pratiques, qui influencèrent tout l’Extrême-Orient. Il apporte entre autres :
  • une mystique quiétiste, reprise par le bouddhisme Chan (ancêtre du zen japonais) ;
  • une éthique libertaire qui inspira notamment la littérature ;
  • un sens des équilibres yin / yang poursuivi par la médecine chinoise et le développement personnel ;
  • un naturalisme visible dans la calligraphie et l’art.
L'idéogramme 道 (dào) est formé par l'association de deux caractères : ⻌ (marcher) et 首 (tête), d'où l'idée de "principe dirigeant", "règle des actions humaines", "doctrine" (le maoïsme emploie fréquemment ce terme dans des expressions comme "voie socialiste" ou "voie capitaliste").
Dans le taoïsme, le "dào" désigne non pas « une réalité profonde par nature ineffable, mais le mouvement spontané qui anime tout ce qui existe »[1].

 

D) - Capitalisme

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Le mot capitalisme est inventé par Karl Marx au milieu du XIXe siècle et utilisé par lui avec une connotation péjorative. C'est plus d'un siècle plus tard seulement que le mot sera revendiqué positivement, notamment par Ayn Rand.
Il désigne au sens strict un système économique fondé sur la primauté du droit de propriété individuelle et en particulier de la propriété privée des moyens de production. Le capitalisme est un régime économique et social dans lequel les capitaux, source de revenus, n'appartiennent pas, en règle générale, à celles et ceux qui les mettent en valeur par leur travail.
Est considéré comme capital tout bien qui n'a pas été consommé immédiatement par son détenteur, mais réservé à un usage futur, directement (simple stockage) ou indirectement (conversion en un bien de production, capable par combinaison avec plus ou moins de travail de générer des biens nouveaux). Selon les cas (social-démocratie, démocratie libérale...) le capitalisme est plus ou moins dépendant du système politique et législatif en place, voire pas du tout dans le modèle anarcho-capitaliste.
Il serait erroné de présenter le capitalisme comme une « invention » récente, qui serait de plus typiquement occidentale, née de la « révolution industrielle » du XIXe siècle, comme certains le prétendent après Marx et Karl Polanyi, confondant capitalisme et industrialisme. On en retrouve des prémices auparavant, même si la généralisation du système capitaliste s'est faite dans les sociétés occidentales modernes.
On cite l'économie de l'empire mésopotamien (3360-312 avant J.-C.) comme un exemple de capitalisme précoce : la Mésopotamie, partie du monde pré-libérale et décentralisée (par opposition à l'empire égyptien, statique et centré sur la figure du Pharaon), favorisait la petite propriété agricole, le commerce, l'artisanat, l'import-export (Afrique, Perse) et la banque de prêt.
Durant l'antiquité gréco-latine, les échanges commerciaux sont restés très importants. Les premiers capitalistes furent les propriétaires terriens, et le capital foncier circulait, s'échangeait, s'accumulait. L'activité bancaire elle-même est importante avec une technique bancaire romaine très développée : dépôts (rémunérés ou non), virements, chèques, prêts, etc.[1]. Le droit de propriété est respecté et l'impôt n'est conçu que comme une contrepartie de services rendus (usage d'un lieu public, port, marché, route…) ou comme une contribution exceptionnelle (dépenses militaires), l'impôt foncier n'existant pas sous l'Empire romain, et l'impôt direct ne concernant que les provinces conquises.
Voir aussi archéoéconomie et l'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme.

Mécanisme

Le capitalisme est basé sur le principe d'accumulation continue du capital, sachant que celui-ci se déprécie au cours du temps. L'investissement permet l'augmentation et le renouvellement du capital. L'entreprise est le lieu central de cette accumulation.
Pour démarrer une entreprise, un investisseur (le capitaliste) fournit un capital initial sous forme d'argent, d'apports physiques, matériel ou immatériel. Cela va servir dans un premier temps à acheter ou louer les moyens de production (machines, locaux, terrains, bureaux) ou rétribuer des employés. La production de l'entreprise est propriété du capitaliste, de même que le résultat des ventes réalisées par l'entreprise. Le chiffre d'affaires doit servir à couvrir les coûts de production et à procurer un profit au capitaliste et à ses associés (dividendes). Des « parts » de l'entreprise (actions) peuvent être vendues sur le marché, les nouveaux propriétaires deviennent actionnaires de l'entreprise et peuvent participer aux décisions ou recevoir leur part des dividendes.
Sont souvent considérées aussi comme « capitaux » des ressources immatérielles, notamment éducation, réseau social, propriété intellectuelle, etc. On parle parfois alors de capitalisme cognitif.

Les dévoiements du capitalisme

Capitalisme d'État

On appelle capitalisme d'État un régime où la propriété n'est pas individuelle, mais collective : la richesse étant concentrée entre les mains de responsables politiques censés ne pas s'en servir pour eux, mais pour le compte de tous. En réalité, il s'agit pour les hommes politiques de s'assurer d'une emprise sur la société civile à leur propre bénéfice :
Comment se fait-il que des sociétés aussi différentes que les cités grecques de l'Age de bronze (Knossos, Mycène ou Pylos), l'empire inca, la Russie soviétique, la Corée du sud et maintenant la Chine aient toutes abouti au capitalisme d’État ? La réponse implique de reconnaître que le capitalisme d’État ne consiste pas à allouer efficacement les ressources économiques, mais à maximiser le contrôle politique sur la société et sur l'économie. Si les dirigeants de l’État peuvent s’emparer de toutes les ressources productives et en contrôler l'accès, cela maximise leur emprise, même s'il faut sacrifier l'efficacité économique.[2]
Les deux capitalismes (d'État et privé) sont parfaitement compatibles, conduisant à un régime mixte (exemple : France).
Dans un capitalisme d'État appliqué de façon intégrale (contrôle étatique de tous les moyens de production, comme ce fut le cas en URSS), les travailleurs louent leur force de travail à une "bourgeoisie politique", qui contrôle les moyens de production. Le résultat, malgré une propagande productiviste (stakhanovisme), est un appauvrissement général ("ils font semblant de nous payer, nous faisons semblant de travailler").

Capitalisme de connivence

Nuvola apps colors.png Article principal : capitalisme de connivence.
Dans le capitalisme de connivence (crony capitalism, corporatism) l'État soutient certaines entreprises, par corruption ou à des fins politiques.

Trois positions

Utilitarisme

Les utilitaristes de gauche et de droite, qui jugent le système à ses résultats sociaux, auront deux points de vue plus ou moins compatibles :
  • pour les uns, le capitalisme produit des rapports entre riches et pauvres toujours plus déséquilibrés en terme de pouvoir et d'inégalités économiques, et une sclérose sociale. Il appartient alors au pouvoir politique de rétablir l'équilibre ;
  • pour les autres (et parfois les mêmes), il résulte du capitalisme une coopération générale qui inclut les générations passées et futures, et un accroissement de production général qui bénéficie à tous. Une interférence du pouvoir politique ne peut que perturber le système économique et provoquer des pertes.
  • selon leur sensibilité à l'un ou l'autre aspect, les utilitaristes préconiseront un arbitrage politique variable.

Libéralisme

Pour les libéraux, le système ne doit pas être jugé (seulement) en terme d'utilitarisme, mais (surtout) d'un point de vue moral : il appartient à chacun de déterminer ce qu'il fait de son capital de départ, et l'important est surtout d'assurer un bon départ. Les libéraux ne nient pas les rapports de forces économiques, mais ils nient que l'on puisse les équilibrer ou les résoudre : on peut seulement les déplacer avec une perte due à la prise en compte de critères moins pertinents du point de vue de l'allocation optimum des ressources, et sans garantir plus de « justice sociale ». Toute notion d'arbitrage est alors considérée comme un leurre.
Pour les libertariens, le capitalisme est un système économique qui est libéral dans la mesure où il respecte les droits individuels (droit naturel pour les jusnaturalistes). Comme le résume Xavier Prégentil, « en quoi la liberté d’entreprendre peut-elle gêner, en quoi la création de richesses et le service des besoins exprimés lèsent-ils qui que ce soit ? » .

Marxisme

L'analyse marxiste, développée par Marx à travers plusieurs ouvrages dont le plus connu, Le Capital, est que dans une société capitaliste, les prolétaires sont obligés de vendre leur force de travail pour subvenir à leurs besoins contre un salaire. Cette dépendance les placerait dans une situation d'exploitation (domination) par les capitalistes, propriétaires du capital, nécessaire à la valorisation de la force de travail des prolétaires. La force de travail seule ne produit pas de valeur, elle nécessite l'usage de capital, détenu par les capitalistes.
Pour les erreurs de cette analyse, voir les articles exploitation, plus-value, baisse tendancielle du taux de profit, salaire, marxisme, capitalisme libéral, etc.

Erreurs courantes

Le libéralisme et le capitalisme, c'est la même chose

Parmi les idées reçues les plus tenaces, on trouve celle qui consiste à assimiler le libéralisme au capitalisme. Pourtant, s'il est vrai que le capitalisme ne prospère jamais mieux que dans une société de liberté, la France montre l’exemple d’un capitalisme d'État dans une société dans laquelle de nombreux pans de l'activité humaine sont collectivisés ; l'État prend en charge des secteurs entiers de la vie économique et sociale (santé, éducation, transports, production électrique, une partie des services financiers, etc.).
Le capitalisme (au sens large : mode de production fondé sur le capital et le travail) est en réalité « politiquement neutre », c'est un système économique qui peut être mis en œuvre dans différents types de sociétés. Le capitalisme d’État n'a rien de libéral, l'arbitraire du Prince en matière économique n'étant pas du libéralisme. Il faut aussi noter que le patronat dans une société social-démocrate n'est pas spécialement libéral car il est mercantiliste : il ne recherche que son intérêt, et ne se prive pas d'utiliser la contrainte étatique et ses accointances avec la haute fonction publique pour sauvegarder ses privilèges ou ses monopoles à l'encontre de ses concurrents.
Soulignons également que le libéralisme va bien au-delà du simple domaine économique, son domaine étant en réalité celui du droit, et non de l'économie. Comme le rappelle Milton Friedman :
« Le capitalisme n'est pas une condition suffisante pour la liberté, c'est une condition nécessaire pour la liberté. Je n'ai jamais dit que là où il y a capitalisme, il y a liberté. C'est le contraire : partout où vous avez la liberté, vous avez le capitalisme[3]. »
L'amalgame libéralisme / capitalisme représente l'argument incontournable dont se servent ceux qui veulent présenter le libéralisme comme une idéologie destinée à favoriser les « riches » et à paupériser le reste de la population. Mais remplaçons le mot « riches » par le mot « privilégiés » et le libéralisme devient le procureur et non l'accusé. Car ce sont les privilèges de toutes sortes qui empêchent les êtres humains d'exprimer tout leur potentiel et d'accomplir leur vie. Et le premier des privilèges est celui de l'État, qui réduit le champ de la liberté, supprime la compétition et la diversité et instaure des privilèges, des monopoles, des interdictions, des règlementations dans le but de gêner certains individus pour en favoriser d'autres, amis du pouvoir ou faisant partie de la « clientèle » politique ou électorale. Le résultat est sans appel : chômage, violence, assistanat, pauvreté, corruption. Si certains sont privilégiés par l'État et les politiciens, il faut bien qu'il y en ait d'autres qui payent pour ces privilèges.
Quant à l'affirmation selon laquelle un riche est un « privilégié », comme le précise Jean-François Revel : « un privilégié est quelqu'un qui bénéficie d'un avantage payé par quelqu'un d'autre ». Tout dépend donc de l'origine de cette richesse : légitime (travail, héritage, épargne…) ou illégitime (vol, détournement, privilège d'origine étatique ou politique, subvention publique, etc.).
Ayn Rand adopte une définition du capitalisme qui lui est propre, et qui ne se distingue pas de la définition du libéralisme, puisque selon elle le capitalisme est « un système social fondé sur la reconnaissance des droits individuels, droits de propriété inclus, dans lequel toute propriété est privée ». Une telle définition ne pouvant s'appliquer au capitalisme d'État, il conviendrait de parler plutôt de capitalisme libéral, dont la limite extrême serait l'anarcho-capitalisme.

L'étatisme et le capitalisme, c'est la même chose

C'est ce que soutiennent par exemple les anarchistes collectivistes. Or, le capitalisme repose sur l'échange libre, alors que l'étatisme repose sur la coercition. Il est clair que certains capitalistes peuvent s'appuyer sur l'État pour obtenir des privilèges ou des faveurs (et le « capitalisme de connivence » à la française en est un excellent exemple), mais ceci n'est pas à mettre au débit du capitalisme, de la même façon que le fait qu'il existe des commerçants malhonnêtes n'est pas un argument valable contre le commerce. De même que l'étatisme peut se passer du capitalisme, le capitalisme existerait même dans une société sans État.

Le capitalisme est mauvais parce qu'il est imparfait

C'est une remarque typique des gens de gauche, qui préfèrent une utopie totalitaire à l'imperfection des marchés. Ils utilisent le sophisme du "deux poids, deux mesures" pour comparer une réalité imparfaite avec le monde parfait de leurs rêves. Les libéraux n'ont jamais prétendu que le marché, la concurrence, conduisaient à un monde parfait, ils soutiennent seulement que c'est le "moins imparfait" des mondes :
C'est à tort qu'on compare le capitalisme existant à une situation purement idéale où n'existerait jamais d'erreur de gestion, jamais de dissimulation comptable, jamais de faillite, jamais de licenciements, jamais de baisse de valeur des actifs. Car l'erreur est humaine, elle est nécessairement présente dans toute organisation sociale et elle est bien souvent un élément essentiel de tout processus d'apprentissage. Ne poursuivons donc pas la chimère d'un monde idéal sans problème, mais demandons-nous plutôt quel est le système qui donne le plus de chances à tous de poursuivre efficacement leurs propres objectifs. La réponse est simple : c'est le capitalisme, car il repose ­ plus que tout autre ­ sur la discipline de la responsabilité individuelle, parce que l'erreur y est sanctionnée et parce qu'il incite à la création de connaissances (éventuellement à partir des leçons tirées des erreurs). (Pascal Salin)
Je suis constamment éberlué de voir qu'on demande aux défenseurs du libre marché de fournir perfection et sécurité alors qu'en ce qui concerne le gouvernement on se contente de ses promesses et de l'expression de ses bonnes intentions. (Lawrence Reed
 
 

 
 
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