octobre 27, 2014

Que veut l'Europe, entre vérité et mensonge ?

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.







L'Europe ne sait plus où elle va. 
Le Britannique David Cameron accuse la Commission européenne de tricherie et de mensonge. Plus que de la caricature, c'est du délire politique inquiétant pour l'Europe. « Que veut l'Europe ?» Oui, cette interrogation devenue slogan et titre générique d'essais et livres politiques pour exprimer l'impasse dans laquelle se trouve un pays qui vit une transition politique, comme d'ailleurs l'autre interrogation synonyme «Où va l'Europe ?» résonne plus que jamais dans la tête des citoyens européens jusqu'à l'étourdissement. A raison, puisque les dirigeants européens s'échinent à répéter qu'il n'y a pas d'autre solution à la crise économique que celle de la rigueur et de l'austérité. Entendez la réduction de la dépense publique et l'absolue nécessité de l'équilibre des comptes publics des Etats. 
 David Cameron rend hommage à Margaret Thatcher, décédée ce 8 avril 2013
"Elle n'a pas seulement mené le pays, elle a sauvé la Grande Bretagne. Elle peut être considérée comme le plus grand premier ministre britannique en temps de paix..."

Margaret Thatcher sur le web le 8 avril 2013 :
http://leparisienliberal.blogspot.fr/...


Jusque-là, rien d'exceptionnel, sauf que les gouvernants expliquent que c'est la seule condition pour relancer la «croissance économique» et, du coup, faire baisser le taux de chômage. Or, pour que les entreprises prospèrent, il faut qu'elles vendent leurs produits. Dilemme : la consommation est en berne pour cause de stagnation des revenus des ménages et de la courbe du chômage qui ne cesse de grimper. En gros, les gouvernants européens disent aux citoyens qu'il leur faut consommer plus en gelant les salaires et aux entreprises de produire plus avec moins de crédits et plus de charges fiscales. Equation économique insoluble qui donne dans les cénacles politiques européens des scènes cocasses de théâtre de rue :

 «Je ne paierai pas les 2,3 milliards d'euros que me réclame la Commission européenne ! Et si certains croient que je vais payer, ils verront bien !», a crié le Premier ministre David Cameron

 vendredi soir à la clôture du Sommet européen. Accusée de ne pas s'être acquittée totalement de sa contribution au budget européen, la Grande-Bretagne dénonce un mauvais calcul des comptes fait par la Commission européenne. Le président français, François Hollande, lui, réclame un énième délai supplémentaire pour présenter un budget tenable pour son pays. Ayant déjà bénéficié d'un délai en 2012 pour assainir ses comptes publics, la France stagne dans la récession et reste largement au-dessus de la barre des 3% de déficit public exigés par le Pacte de stabilité (Traité de Lisbonne) avec 4,3% de déficit. Quand on se rappelle que c'est la France qui présidait l'UE en 2008 (juilletdécembre 2008) qui a forcé l'Europe à hâter la signature de ce fameux Traité contraignant et duquel elle se plaint aujourd'hui, c'est forcément loufoque. Tout comme l'est d'ailleurs l'idée ancrée dans la tête des Européens qu'un enfant naît aujourd'hui avec une dette de 30.000 euros. Les médias ont tellement mis en scène les experts économiques et gourous visionnaires politiques expliquant que les générations futures des Européens sont déjà endettées que les jeunes d'aujourd'hui hésitent à se marier et à avoir des enfants. 

«Déjà que j'ai des difficultés à joindre les deux bouts, je ne veux pas participer à mettre au monde un bébé endetté. Comment lui expliquer sa dette lorsqu'il sera grand ?» 

Ce genre de débat est courant dans les chaumières et rues européennes. Ainsi, l'autre courbe- paramètre de projection économique, celle de la démographie, se trouve brouillée, hypothéquée. A ce rythme d'annonces pour le moins inquiétantes et contradictoires, les gouvernements européens plongent les citoyens dans une sorte de schizophrénie existentielle : ils leur décrivent un présent explosif et un avenir incertain tout en leur demandant une chose et son contraire : consommer plus tout en économisant plus. 

Un exemple ? 
Partout en Europe on fait tout pour encourager la mobilité collective (bus, métros) et pour réduire le nombre de voitures privées (gaz à effet de serre etc.) et on ouvre des salons de l'automobile attractifs pour pousser les gens à acheter des voitures. Les citoyens européens ne savent plus qui croire, comment faire et de quoi demain est fait. Sentant les inquiétudes citoyennes, les dirigeants politiques se sont emparés du langage de la rue dans l'espoir de gagner plus en popularité et c'est ainsi qu'on a entendu le Premier ministre britannique hurler devant les journalistes du monde : «Je ne paierai pas ma dette et advienne que pourra !» Le citoyen, lui, pour quelques euros d'impayés, pour un retard d'échéance voit pointer chez lui un huissier accompagné de policiers. Et si jamais il crie publiquement «Je ne paierai pas cette dette», il est embarqué vers un tribunal et jugé. La question est donc légitime : 

«Que veut l'Europe ?

Où va-t-elle ?»

par M’hammedi Bouzina Med
Le Quotidien d’Oran




Dette publique
 
De Wikiberal
La dette publique est constituée du montant total de tous les emprunts de l'État et des autres administrations publiques (collectivités territoriales et protection sociale). La dette intérieure est contractée auprès des agents économiques intérieurs (ménages, entreprises, institutions financières) tandis que la dette extérieure est financée par des intervenants étrangers.
Elle sert à financer (et est accrue par) le déficit budgétaire

Origine de la dette publique en démocratie

La dette publique semble être une fatalité de la démocratie. En effet, en démocratie, les hommes politiques cherchent à satisfaire d'abord l'électeur médian, et ce par la redistribution, car il faut que cet électeur, dont le revenu est inférieur au revenu moyen[1], obtienne des avantages qui lui coûtent moins que les impôts qu'il paie[2]. Comme il est impossible de prendre à la classe moyenne plus que ce qu'on lui redonne, et comme la spoliation des classes aisées atteint vite ses limites, l'octroi de ces avantages n'est possible que par l'emprunt étatique, ce qui explique l'accroissement ininterrompu de la dette publique dans les démocraties. Les avantages obtenus sont soit pécuniaires (allocations diverses, assistanat, subventions d'associations ou d'entreprises) soit en nature : "gratuité" de la santé, des études, des infrastructures publiques, et autres prétendus "acquis sociaux".
Tout politicien qui refuserait cette pratique perdrait les élections en étant supplanté par des politiciens plus démagogiques que lui sur le marché politique. L'État-providence a ainsi vocation à s'étendre indéfiniment en même temps que la dette publique grossit en contrepartie.
La tâche du politicien consistera à s'attribuer les mérites de la redistribution étatique tout en cachant ou minimisant la réalité de la dette, en entretenant le plus grand flou à son sujet (ainsi ne sont pas compris dans la dette certains engagements de l'État : retraites futures des fonctionnaires, cautions de droit ou de fait, endettement des sociétés détenues par l'État, etc.). Le politicien étant par définition irresponsable, il désignera à la vindicte populaire, lorsque la dette ne sera plus supportable, de nombreux boucs émissaires : le marché, les banques, certains pays étrangers, certaines institutions internationales, etc. Ses boucs émissaires préférés seront évidemment ses créanciers : par un curieux retournement de situation, il les mettra en accusation et dénoncera leur emprise, comme s'il était lui-même totalement hors de cause dans ses problèmes de finances, et comme si l'endettement excessif était une fatalité extérieure dont il n'était pas responsable.
Un des paradoxes de la dette publique en démocratie est précisément son aspect antidémocratique :
« Chacun sait que la dette n’est que de l’impôt différé et que la marque d’une démocratie est que l’impôt est voté par ceux qui vont devoir le payer. Nous collons cependant des impôts énormes (par l’intermédiaire de la dette que nous allons leur laisser) sur nos enfants ou nos petits enfants sans qu’ils aient pu les voter, ce qui est la marque, non pas d’une démocratie, mais d’une démagogie dont le seul but est que la génération actuelle, celle qui vote, ne souffre en aucun cas de ses incontinences. »
    — Charles Gave

Rôle capital de la banque centrale

Même quand elle ne finance pas directement les déficits de l’État (par la création monétaire ex nihilo), la banque centrale joue un rôle clé entre l’État et les banques commerciales pour "diffuser" la dette publique et en assurer une croissance ininterrompue. En effet, les banques commerciales, en raison du système dit "de réserves fractionnaires", font appel à la banque centrale pour couvrir leurs besoins de liquidité et augmenter les bases de leur expansion de crédit ; elles sont ainsi incitées à acheter en continu de la dette publique comme collatéral à des opérations de refinancement.
Aux États-Unis, mais également au Japon, au Royaume-Uni et dans une moindre mesure en Europe, par une pratique non conventionnelle d'assouplissement quantitatif (quantitative easing), la banque centrale peut se mettre à acheter directement la dette (les bons du trésor). La dette est donc monétisée, au risque de créer de l'inflation ou des bulles spéculatives. Dans un contexte de sur-endettement général des États, les hommes politiques et les banquiers centraux jugent que la déflation est une menace bien plus grave que l'inflation.
La dette publique peut en fait être présentée comme la seule justification de l'existence de la banque centrale, institution inutile par ailleurs :
« Sans l'existence du monopole monétaire, les politiciens seraient dans l'incapacité d'emprunter de grosses sommes d'argent créatrices de déficits budgétaires. Sans ces déficits, sans la mise en place de lois instituant le monopole monétaire, les subventions en faveur d'intérêts particuliers ne pourraient être financées que par un surcroît d'impôts. Les contribuables seraient hostiles au financement des groupes de pression et à celui des gaspillages publics si leur feuille d'impôt en révélait le coût réel. »
    — Mary J. Ruwart
En raison du fonctionnement de la banque centrale, il y a une corrélation entre la quantité de monnaie en circulation et la dette publique : la banque centrale crée de la monnaie ex nihilo pour acheter la dette (directement ou indirectement) ou inversement, si elle juge la masse monétaire trop importante, détruit de la monnaie en vendant la dette qu'elle détient.
Pour l’École autrichienne d'économie, c'est cette création monétaire ex nihilo qui permet un accroissement apparemment indéfini de la dette publique, qui serait impossible dans un régime d'étalon-or strict. Ce mécanisme de cavalerie, qui permet de rembourser la dette par de l'argent créé à partir de rien, ne cesse que lorsqu'il devient évident que la dette ne pourra jamais être remboursée, ou lorsque la monnaie perd toute sa valeur. Il y a toujours une corrélation forte entre l'ampleur de la dette publique et la faiblesse de la monnaie concernée, car il devient impossible de résister à la tentation de "faire marcher la planche à billets" à mesure que la dette grossit et devient incontrôlable.
Le monopole d'émission de la banque centrale permet donc l'accroissement de la dette publique (que la banque centrale soit publique ou privée n'a à cet égard aucune importance) ; la liberté monétaire que préconisent les libéraux via des monnaies privées en concurrence entre elles serait une menace à la capacité d'endettement de l’État.

La faute au libéralisme ?

Curieusement, certains accusent le libéralisme de conduire les États à la faillite au bénéfice d'intérêts privés.
Or le libéralisme se caractérise par un non-interventionnisme en économie (en-dehors évidemment de ce qui concerne le droit commun : vol, escroquerie, fraude, etc., qui relève des fonctions régaliennes de l’État) :
  • refus de l'argument "too big to fail" pour renflouer les banques ; empêcher la banqueroute ou la faillite revient à répartir sur tout le monde, à la façon collectiviste, les conséquences des erreurs de quelques-uns (céder à la menace douteuse du "risque systémique" revient pour l’État à acquiescer par avance à toutes les exigences des banquiers) ;
  • refus du monopole monétaire de la banque centrale, monopole d'origine étatique, source de tous les dérèglements monétaires ;
  • refus des politiques keynésiennes, qui n'aboutissent qu'à un accroissement de la dette sous le prétexte de soutenir la croissance ;
  • refus des politiques inflationnistes, qui ne profitent qu'à une oligarchie.
L’État, par le privilège "exorbitant du droit commun" qui lui permet de prélever l'impôt et d'en user sans le consentement du contribuable, devrait se mêler le moins possible d'intérêts privés, y compris dans les domaines monétaires ou bancaires. Son action aboutit toujours à privilégier certains intérêts privés aux dépens d'autres intérêts privés.
C'est précisément en raison de l'extension indue de l’État dans des domaines où il n'a rien à faire (assistanat, subventions, renflouements…) que la dette publique, en démocratie, a tendance à s'accroître indéfiniment sous la pression de divers groupes d'intérêt (banques, grandes entreprises, lobbies, syndicats, etc.).
Les pays les plus libéraux, conscients de la nocivité d'un endettement excessif, ont fait en sorte d'entraver la tendance naturelle de l’État à s'endetter indéfiniment. Par exemple, la Suisse dispose dans sa Constitution d'un frein à l'endettement destiné à "enrayer les déficits budgétaires chroniques et la croissance de la dette"[3]. Très longtemps les États-Unis n'ont pas eu de dette, et n'ont jamais eu besoin (jusque autour des années 1970) d'imposer un debt ceiling pour limiter les dépenses ; comme l'indique Peter Schiff[4], c'est l'instauration de la FED qui a permis d'accroître l'endettement de l’État. Le plafond d'endettement a été relevé à de nombreuses occasions sous prétexte de "prouver aux créanciers que les États-Unis peuvent payer leur dette" (alors que l'argent ainsi emprunté sert précisément à payer la dette).

Effets pervers économiques

Searchtool-80%.png Articles détaillés : effet d'éviction et épargne.
L'appel à l'épargne présente des effets pervers, en particulier l'effet d'éviction : l'épargne consacrée à financer le déficit budgétaire ne peut plus servir à financer l'activité privée et notamment l'investissement productif: les dépenses privées sont en quelque sorte « évincées » par le financement des dépenses publiques.
En ce sens, contrairement aux vues keynésiennes, un déficit budgétaire peut conduire à la stagnation en privant les entreprises d'un moyen essentiel de financement. C’est sans doute la raison pour laquelle l’union Européenne a retenu parmi les critères d’entrée dans le « club Euro », une dette publique inférieure à 60% du PIB. La dette est nuisible parce que son remboursement (service de la dette) devient un poids très lourd dans le budget (il augmente plus vite que toutes les autres dépenses publiques). La dette publique et ses intérêts bloquent la croissance économique issue de l'épargne et de l'investissement.
Comme pour la dette extérieure, on notera que la dette intérieure, lorsqu'elle est excessive, handicape durablement l'économie nationale, en raison des remboursements annuels.
Le recours massif à l'endettement — intérieur et extérieur — marque, en fait, le refus des réalités économiques d'aujourd'hui et le report des problèmes sur le lendemain, hypothéquant ainsi la situation économique future. On peut parler, comme le fait l'économiste Tim Harford) de « taxe sur les adolescents », d'un transfert de richesse des futurs contribuables vers les adultes du jour.
Selon le théorème d'équivalence de Ricardo-Barro (ou "effet Ricardo"), l'augmentation de la dette publique se traduit généralement plus tard par une augmentation des impôts (l'emprunt d'aujourd'hui est un impôt futur). Une politique de relance financée par la dette publique est donc absurde, puisque les agents économiques seront portés à économiser plutôt qu'à consommer.
Il y a une différence essentielle entre la dette publique et la dette privée : les personnes qui décident d’emprunter ne sont pas celles qui vont payer les intérêts ni rembourser le capital emprunté, ni non plus celles qui vont bénéficier de l’emprunt :
C'est la nature même des actions menées par les hommes de l’État que de faire en sorte que le coût des actions des individus ne soit pas supporté par eux mais par d'autres, et que les gains de ces actions soient appropriés par d'autres que ceux qui ont à en supporter les coûts. C'est parce qu'il y a cette séparation, ou externalisation, entre ceux qui paient et ceux qui bénéficient que règne une irresponsabilité générale des actions étatiques. On peut reprocher aux économistes d'hier et d'aujourd'hui d'être silencieux sur ce fait essentiel qui distingue une dette privée d'une dette publique. (Bertrand Lemennicier)
La fiction étatiste selon laquelle "la dette publique sert l’intérêt public" est réfutée quand on examine la part du budget annuel de l’État qui est allouée aux investissements. La réalité est que la dette publique sert à acheter le vote et à complaire à la clientèle électorale des politiciens.

Effet pervers politique

L'accroissement de la dette publique favorise le capitalisme de connivence entre pouvoir et finance, ce qui oblige le pouvoir à intervenir pour secourir des banques dont il est en réalité étroitement dépendant pour placer ses emprunts. Le concept de "too big to fail" encourage la finance à pratiquer des prises de risque inconsidérées et fait des grandes banques un facteur de risque systémique. La course à l'endettement s'accompagne d'une course à la prise de risques et d'une course à l'accroissement continu des masses monétaires, en même temps que s'accroissent tant l'appauvrissement du pays que l'emprise de l'Etat-providence et de la fiscalité redistributrice sur la population.

Les conséquences inéluctables

L'endettement excessif rend un pays presque entièrement dépendant de ses créanciers : dès que ceux-ci ont des doutes sur la solvabilité de leur débiteur et cessent de lui prêter (ou ne veulent lui prêter qu'à des taux très élevés), ce dernier se trouve brutalement confronté à une crise insoluble autrement que par le défaut ou par une réduction drastique du train de vie de l'État.
Le retour à la réalité est douloureux. L'État, à la différence de ce qui se passe pour un particulier surendetté, peut décider unilatéralement de suspendre les remboursements de la dette, mais ce faisant il ne trouve plus de créanciers disposés à souscrire à ses nouveaux emprunts (car il peut difficilement réduire ses dépenses dans le même temps). La seule différence entre le cas du particulier et celui de l'État tient à l'irresponsabilité de ce dernier : ceux qui ont choisi, par démagogie, la voie de l'endettement, ne sont pas les mêmes que ceux qui en paieront plus tard les conséquences. La rhétorique étatique et politicienne pourra toujours s'efforcer, le moment venu, de cacher la réalité au contribuable-citoyen et de présenter la sanction des marchés comme une fatalité liée au libéralisme économique et au libre-échange.

Comment liquider la dette publique

L'Histoire permet de dresser la liste des façons dont les États ont liquidé leur dette publique :
  • la répudiation ou le défaut de paiement : la dette est "rééchelonnée" ou n'est plus remboursée (cas des emprunts russes, répudiés en 1918 par les Bolchéviques ; en France, en 1797, le Directoire annule autoritairement les 2/3 de la dette : "banqueroute des deux tiers") ; une "doctrine" ad hoc existe à ce propos, celle de la "dette odieuse" ;
  • la dévaluation de la monnaie et l'inflation monétaire permettent de rembourser la dette en dessous de sa valeur d'origine (cas de l'Empire romain sur le déclin, Allemagne de Weimar, dévaluation du peso en Argentine en 2002, quantitative easing pratiqué par les banques centrales, monétisation de la dette, etc.) ; l'inflation est une redistribution qui s'opère entre emprunteurs et prêteurs ;
  • l'augmentation des impôts permet de faire face aux remboursements, mais c'est la mesure la plus impopulaire, et qui ne règle pas le problème pour autant ;
  • le désendettement par diminution du périmètre de l'État (par privatisation, suppression de subventions et de prestations, plan d'austérité, réduction drastique du traitement des fonctionnaires, etc.), impopulaire également (cas de la Grèce en 2010) ; cette solution de bon sens se heurte aux mauvaises habitudes qui perdurent entre l'État redistributeur ou gaspilleur et sa « clientèle » privilégiée ;
  • le transfert des dettes à une entité qui a une meilleure réputation aux yeux des créanciers (solution des "eurobonds" pour remédier à l'endettement des pays européens) : cela permet de gagner un peu de temps, sans régler aucun des problèmes d'endettement excessif ;
  • la recherche de nouvelles ressources à l'intérieur du pays par l'emprunt forcé, l'expropriation, ou à l'extérieur par la guerre (cas de la Révolution française et du Premier Empire) ;
  • la "remise à zéro" (big reset), annulation générale des dettes, comme le faisaient les Hébreux avec la pratique du jubilé : tous les cinquante ans, les compteurs étaient remis à zéro et les dettes remises ; cette pratique n'a évidemment rien de juste, elle favorise les riches endettés au détriment des créanciers pauvres ;
  • la liquidation physique des créanciers (par exemple Philippe le Bel avec les Templiers).
Toutes ces options étant plus ou moins douloureuses et obligeant l'État à sortir de la consensuelle "tyrannie du statu quo", les États se contentent de naviguer à vue et de cacher la réalité autant que possible. La plupart des analystes prédisent que l'inflation (voire l'hyperinflation) en sera le résultat :
« Tous les États-providence occidentaux seront dans l’incapacité de rembourser leurs dettes, et ne pourront pas faire face à leurs obligations vis-à-vis des personnes accédant à la retraite. Le seul moyen qu’il leur reste pour assumer leurs engagements est de s’engager dans une inflation démesurée, c’est-à-dire émettre de la monnaie afin de donner l’impression qu’ils peuvent honorer leurs paiements, avec comme conséquence inévitable, la perte de pouvoir d'achat de leurs devises qui sera suivie de l’expropriation de l’individu productif (nationalisations). »
    — Hans-Hermann Hoppe
À noter que la dette cesse de croître à partir du moment où le solde budgétaire est positif. Il ne suffit pas de se conformer à un déficit budgétaire limité à 3% (critères de Maastricht). Contrairement à une erreur commune, un solde primaire (solde budgétaire moins charge de la dette) excédentaire ne signifie pas baisse de la dette, mais c'est le solde budgétaire qui importe. Avec la financiarisation de l'économie, tous les prêteurs d'obligations se couvrent par la souscription de credit default swaps (CDS), ce qui rend en théorie possible de faire payer la dette suite à un éventuel défaut de paiement par les vendeurs de ces contrats (en réalité, étant donnés les montants en jeu, la solvabilité de ces vendeurs est elle-même très douteuse).

L'analyse libertarienne

Pour les libertariens (voir par exemple Murray Rothbard, Repudiating the National Debt), l'État ne peut être mis sur le même pied qu'un débiteur privé. Son engagement n'a pas de valeur, puisqu'il ne crée pas de richesse, mais vit de l'argent volé aux contribuables ou de cet impôt caché qu'est l'inflation. Les créditeurs de l'État sont eux-mêmes éthiquement répréhensibles, puisqu'en tant que « receleurs d'impôt » ils seront remboursés grâce à la coercition fiscale. La dette publique ne peut être considérée à l'égale d'un contrat entre propriétaires légitimes, car il n'y a pas de responsabilité contractuelle en ce domaine :
C'est la nature même des actions menées par les hommes de l’État que de faire en sorte que le coût des actions des individus ne soit pas supporté par eux mais par d'autres, et que les gains de ces actions soient appropriés par d'autres que ceux qui ont à en supporter les coûts. C'est parce qu'il y a cette séparation, ou externalisation, entre ceux qui paient et ceux qui bénéficient que règne une irresponsabilité générale des actions étatiques. On peut reprocher aux économistes d'hier et d'aujourd'hui d'être silencieux sur ce fait essentiel qui distingue une dette privée d'une dette publique. (Bertrand Lemennicier)
Plutôt que l'augmentation des impôts ou l'inflation, Rothbard propose une solution révolutionnaire : la répudiation de la dette publique. Il n'y a pas de raison que la population paie pour les dettes contractées par les classes dirigeantes ; de plus, cela empêchera les gouvernements, faute de créanciers, de continuer à détourner des ressources privées pour les gaspiller dans les projets étatiques. La répudiation de la dette est donc un moyen radical de diminuer l'emprise de l'État sur la société civile, en lui "coupant les vivres". Rothbard propose aussi de traiter l'État comme une entreprise en faillite et de vendre tous ses biens.

La répudiation de la dette, une solution "de gauche" ?

Les "solutions" habituellement proposées par les hommes politiques sont celles qui sont indiquées plus haut dans la section "Comment liquider la dette publique".
Les solutions nationalistes consistent à se refermer sur le pré carré national et à agir sur la monnaie (en Europe, sortir de l'euro pour revenir à une monnaie nationale qui permettra un plus grand laxisme budgétaire).
Une partie de l'intelligentsia de gauche pratique le déni, estimant qu'il se trouvera toujours des créanciers pour acheter la dette, ou que la création monétaire illimitée permettra de régler tous les problèmes (illusion monétaire).
D'autres solutions "de gauche" (par exemple celles d'Attac dans Le Piège de la dette publique, 2011) proposent un "mix" variable de répudiation d'une partie de la dette et de monétisation d'une autre partie par la banque centrale.
Ces "solutions" étatistes, qui admettent implicitement que la dépense publique est toujours justifiée et ne saurait être remise en question, ne s'attaquent évidemment pas à la racine du problème, qui n'est pas la "toute puissance des marchés financiers", mais bien le surendettement des États (ce sont bien eux qui se sont mis sous la coupe des marchés financiers).
Alors que ces "solutions" ne font que prolonger le problème, la solution de répudiation libertarienne est la plus radicale ; elle a le mérite de montrer la réalité de l’État, voleur et irresponsable par nature. L'endettement est supprimé, en même temps que la capacité d'emprunt, ce qui contraint les hommes de l’État à restreindre drastiquement son périmètre et à mieux le gérer : 

« Le principal problème de la dette est de permettre une expansion de l'État qui semble sans douleur — jusqu'à ce que la douleur devienne insupportable et menace l'ensemble de l'économie. Mais le problème porte peut-être en lui sa propre solution, la crise actuelle des dettes souveraines offrant une chance inespérée : enchaîner Léviathan. Presque partout, l'État est fauché, et devra réduire fortement ses dépenses ou faire défaut sur sa dette. En vérité, un défaut l'obligerait également à réduire ses dépenses en bloquant son accès aux marchés financiers. »
    — Pierre Lemieux, Les Dettes Souveraines, Libres ! 100 idées, 100 auteurs


Déficit budgétaire

De Wikiberal
Le déficit est constitué du solde négatif de l'opération : Recettes - Dépenses. On parle de déficit public ou déficit budgétaire lorsque les recettes de l'État sont inférieures à ses dépenses. Ce déficit peut être soit volontaire (déficit structurel) soit dû à la mauvaise conjoncture (déficit conjoncturel). L'accumulation de déficits budgétaires entraîne l'augmentation de la dette publique à long terme qui, elle-même, par l'accroissement des charges financières de l'emprunt, grève le budget et contribue au déficit.
La politique de déficit systématique a été prônée par les Keynésiens sous couvert d'effet « multiplicateur » des dépenses publiques.
Il existe, sommairement, deux façons d'éliminer les déficits :
  • au moyen de réductions de dépenses
  • par des augmentations d'impôts

     L'austérité budgétaire désigne les politiques d’assainissement budgétaire qui consiste dans une plus grande rigueur dans la tenue des comptes publics. Selon le mainstream l'austérité empêcherait la relance économique et la croissance. Cette idée suppose, bien sûr, que le niveau de dépenses publiques reste insuffisant pour garantir un « minimum vital » de croissance.
    Selon les détracteurs des dits « plans de rigueur » la baisse des dépenses publiques a un impact négatif sur le croissance et le PIB, entraînant par là une précipitation dans une récession

    Multiplicateur keynésien

    De Wikiberal
    Le multiplicateur keynésien ou multiplicateur d'investissement est une théorie développée par John Maynard Keynes s'inspirant du "multiplicateur de l'emploi" de l'économiste anglais Richard Kahn dans un article intitulé « La relation entre l'Investissement Intérieur et le Chômage ». L'idée est la suivante : “si la propension à consommer dans les diverses circonstances imaginables (ainsi que quelques autres conditions) est prise comme donnée et si l'on suppose que l'autorité monétaire ou une autre autorité publique prenne des mesures en vue de favoriser ou de contrarier l'investissement, la variation du volume de l'emploi sera une fonction de la variation nette du montant de l'investissement”.
    Les keynésiens le définissent comme le rapport entre une variation des dépenses publiques et la variation consécutive du revenu global. C'est l'un des soubassements idéologiques des politiques de relance financées par l'emprunt.

    Un concept faux

    La théorie du "multiplicateur d'investissement" peut se présenter comme suit [1] :
    Revenu de la société = Consommation + Investissement
    La consommation est une fonction stable du revenu, comme le montrent des corrélations statistiques, etc. Disons, pour simplifier, que la variable "Consommation" est toujours égale à 0,8 fois le "Revenu (de la société)". Dans ce cas on obtient à partir de l'équation précédente :
    Revenu = 0,8 Revenu + Investissement ; donc 0,2 Revenu = Investissement ;
    ou encore
    Revenu = 5 Investissement
    Ce "5"-là est le "multiplicateur d'investissement". Il est alors évident qu'il suffit, pour augmenter le revenu monétaire de la société d'un montant donné, d'augmenter l'investissement du cinquième de ce montant ; la magie du multiplicateur fera le reste.
    Il a été démontré qu'il s'agit d'un sophisme mathématique, en effet, peu importe d'où vient l'argent, par voie d'emprunt, de la fiscalité ou de la planche à billets, les dépenses du gouvernement préemptent toujours les dépenses qui se feraient, tôt ou tard, dans l'économie, puisqu'il s'agit d'un transfert. Voir aussi la loi de Bitur-Camember.
    Si l'investissement a en effet un multiplicateur, apparent, il est erroné de croire qu'encourager l'investissement public permettra d'avoir des effets positifs.

    Effet d'éviction

    Searchtool-80%.png Article connexe : Effet d'éviction.
    Dans un article de 1974, "Ricardian Equivalence Hypothesis", le macro-économiste Robert Barro a montré que le multiplicateur keynésien ne pouvait pas avoir les vertus que lui prêtent les tenants de Keynes. Financer un plan de relance par de la dette ou des impôts publics ne change rien : la dette est un impôt futur et les ménages épargnent davantage pour se prémunir de ces hausses d'impôts futures, au détriment de la consommation. Le multiplicateur est, au mieux, unitaire.
    La question a suscité de nombreux débats et études depuis 1974. Une étude de Matthew Shapiro et Joel Slemrod a montré qu'en 2001, les baisses d'impôts temporaires du gouvernement américain avaient été très largement utilisées pour épargner en prévision de la hausse des impôts future[2].
    Il serait cependant faux de dire que personne ne gagne dans ces cas-là : la dette n'étant remboursée que plus tard, ceux qui meurent avant ce remboursement ont eu les bénéfices sans les coûts. C'est ce qui fait dire à l'économiste Tim Harford qu'un plan de relance n'est rien d'autre qu'une « taxe sur les adolescents »[2].

    Importations

    Dans les économies ouvertes, ce mécanisme est rendu encore plus inefficace par les importations : bien souvent les politiques de relance ne servent qu'à financer l'achat de biens importés et donc à soutenir les économies étrangères tout en creusant la dette publique. Ce fut par exemple ce qu'il advint avec la politique de relance socialiste en France au début des années 1980, pendant que les autres pays développés se réformaient.

    Stabilité

    Enfin, Milton Friedman et David Meiselman ont montré, dans leur article The Relative Stability of Monetary Velocity and the Investment Multiplier in the United States, 1897-1958, que si ce multiplicateur existait réellement, sa valeur serait beaucoup plus instable et sujette à variations que celle de la vitesse de la circulation de la monnaie, ruinant ainsi tout espoir de bâtir des plans de relance sur autre chose que des chiffres arbitraires. 


Sur la page pour une démocratie libérale 5/21 (liberté de parole)

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


La liberté de parole

La liberté de parole et d'expression, s'agissant tout particulièrement de questions politiques et d'autres affaires publiques, est le ferment de toute démocratie. Les gouvernements démocratiques ne contrôlent pas le contenu de la plupart des écrits et discours. En conséquence, les démocraties sont généralement caractérisées par une multitude de voix exprimant des idées et des opinions variées, voire contradictoires. Selon les théoriciens de la démocratie, un débat libre et ouvert aboutit normalement à la considération de la meilleure opinion et permet ainsi d'éviter les erreurs graves

La démocratie dépend d'une population alphabétisée, cultivée et ayant accès à l'information de façon à participer le plus pleinement possible à la vie publique de sa société et à critiquer les responsables du gouvernement lorsqu'ils prennent des mesures malavisées ou tyranniques. Les citoyens et leurs représentants élus reconnaissent que la démocratie dépend de l'accès le plus libre possible à des idées, à des données et à des opinions non censurées.
Pour que les peuples libres puissent se gouverner eux-mêmes, ils doivent être libres de s'exprimer - ouvertement, publiquement et aussi souvent qu'ils le souhaitent - que ce soit oralement ou par écrit.
 
La protection de la liberté de parole est un droit dit négatif, en ce qu'il se borne à empêcher le gouvernement de limiter la liberté de parole, contrairement aux droits dits positifs, qui exigent une action particulière du gouvernement. Dans la plupart des cas, les autorités d'une démocratie ne se mêlent pas du contenu des écrits et des discours dans leur société.

La contestation étant le terrain d'épreuve de la démocratie, le droit de se rassembler pacifiquement est essentiel et est partie intégrante de l'exercice du principe de la liberté de parole. Une société civile autorise un débat animé entre ceux qui sont en profond désaccord au sujet d'un dossier quelconque.

La liberté de parole est un droit fondamental, mais il n'est pas absolu. Il ne saurait être invoqué pour justifier la violence, la calomnie, la diffamation, la subversion ou l'obscénité. Toutefois, les démocraties bien établies exigent généralement un niveau élevé de menace pour justifier l'interdiction d'expressions pouvant inciter à la violence, nuire de façon mensongère à la réputation d'autrui, renverser un gouvernement constitutionnel ou promouvoir un comportement obscène. La plupart des démocraties interdisent également tout discours incitant à la haine raciale.
Dans toute démocratie, la difficulté consiste à trouver le juste équilibre entre la protection de la liberté de parole et de rassemblement d'une part, et la lutte contre les discours qui incitent réellement à la violence, à l'intimidation ou à la subversion, d'autre part. 
 
 

Liberté d’expression

De Wikiberal
 
La liberté d'expression est l'absence de contrainte exercée à l'encontre d'individus en raison de l'expression de leurs opinions. Les démocraties modernes déclarent unanimement leur attachement à ce principe, qui est cher aux libéraux. Pourtant, la compréhension qu'ont ces derniers de la liberté d'expression est très différente de l'esprit des lois qui, dans presque tous les pays démocratiques, sont censées « l'encadrer ».  

La liberté d'expression vue par les libéraux et les libertariens

De manière tout à fait cohérente avec la conception libérale de la liberté de l'individu, les libéraux défendent le droit de chacun d'avoir et d'exprimer toute idée, sans discrimination de contenu. En effet, le fait d'être exposé à l'opinion d'autrui ne constitue pas en soi une agression, quels que soient la divergence d'idées des parties et les courants les plus influents dans la société. Par conséquent les libéraux s'opposent à la répression contre des idées même contraires à leur éthique, comme le racisme, dont l'expression est un exemple de crime sans victime. Le libéralisme va donc plus loin que le droit positif, qui limite toujours la liberté d'expression en la soumettant à la législation, même quand cette dernière n'instaure pas d'interdiction préalable, par exemple :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.  »
    — article 11 de la DDHC
La diffamation est un cas particulier de l'expression d'idées compatible avec l'axiome de non-agression. Ceux qui sont favorables à son interdiction considèrent que si l'on exprime sans justification des jugements portant atteinte à la réputation d'une personne, on crée une victime. En fait, leur position est notamment opposée à la liberté de conscience, puisqu'ils veulent imposer par la force leurs propres normes de jugement. La réputation d'un homme n'est pas sa propriété : elle n'a d'existence que dans l'esprit des individus, et il n'appartient qu'à eux de choisir les procédés par lesquels ils forment leurs opinions. Le droit de disposer d'une partie de l'esprit d'autrui est radicalement rejeté par la théorie libertarienne du droit.
En effet, c'est tout le problème des relations dites "spéciales" ou "singulières" entre ce que pense un individu et son propre comportement.
Une personne peut être en total désaccord avec ce qu'une autre dit et agir en conséquence, par exemple, lorsqu'une chaîne de radio profère des propos inadmissibles, il éteint sa radio. Si d'autres apprécient ce que dit telle ou telle station de radio et choisissent librement de l’écouter, il n'y a aucune raison de les en empêcher. Une station de radio ne survit que par ses auditeurs, si elle les perd par son comportement, elle devra soit rectifier le tir soit disparaître. Rien n'empêche ses adversaires de lancer une radio concurrente, un journal, un blog, un groupe pour combattre des propos jugés intolérables en faisant usage de leur propre liberté d'expression.
D'une certaine manière, la liberté d'expression est la meilleure arme contre les débordements de la liberté d'expression.
Libéraux et libertariens sont donc opposés au délit d'opinion (moyen de faire taire les dissidents), à la censure, à la police des consciences, au délit de presse, au "droit" de réponse, etc.
Un des premiers manifestes en faveur de la liberté d'expression est l'Areopagitica de l'écrivain John Milton, publié en 1644, qui s'élève contre la censure préalable, et dont le sous-titre est : pour la liberté d'imprimer sans autorisation ni censure. De même, Baruch Spinoza, dans son Traité théologico-politique paru en 1670 (chapitre XX : "Où l’on montre que dans un État libre il est loisible à chacun de penser ce qu’il veut et de dire ce qu’il pense") s'élève contre la censure :
« Il est évident que les lois concernant les opinions menacent non les criminels, mais les hommes de caractère indépendant, qu’elles sont faites moins pour contenir les méchants que pour irriter les plus honnêtes, et qu’elles ne peuvent être maintenues en conséquence sans grand danger pour l’État[1] »

Fausses idées sur la liberté d'expression

La plus répandue des fausses idées sur la liberté d'expression est la confusion entre "droit de" et "droit à". Dans le premier cas il s'agit d'interdire l'usage de la contrainte en raison des idées exprimées par une personne ; or, les libéraux sont a priori pour une liberté d'expression totale quelles que soient les idées exprimées, même les pires (racisme, xénophobie, apologie du nazisme ou du communisme, etc.). Dans le second, le désir qu'a une personne d'être entendue devrait l'emporter sur les droits de propriété des autres. On légitime ainsi l'expropriation partielle de ressources privées (les murs des bâtiments, du temps d'antenne télévisée, les rues...) quand cela peut servir à faire passer ses idées ou simplement à supporter une œuvre artistique :
Le seul homme qui ait le droit de m'empêcher de coller ma pensée sur un mur, c'est le propriétaire de la maison. (Choderlos de Laclos)
De la même façon, les subventions étatiques aux journaux en panne de lecteurs sont illégitimes, puisqu'on force le contribuable à financer des journaux qui ne l'intéressent pas.
Autrement dit, pour un libéral, la liberté d'expression est totale, mais dans la mesure où elle respecte strictement le droit de propriété d'autrui.
La liberté d’expression consiste donc à ne pas empêcher de façon coercitive l'expression des idées et des opinions. Cependant, elle ne doit en aucun cas aboutir à :
  • une obligation inconditionnelle de donner à autrui la possibilité de s'exprimer (par exemple un éditeur ou un groupe de presse est maître de ses choix éditoriaux et de ses publications) ;
  • un relativisme moral, qui mettrait toutes les opinions sur le même plan (sophismes, idées nuisibles ou violentes, etc., que précisément la liberté d'expression permet de combattre sans violence).
Exemple classique : peut-on, au nom de la liberté d'expression, crier "au feu !" dans une salle de théâtre bondée, alors qu'il n'y a pas de feu ? Non, et ce non pas en raison des conséquences possibles (encore que cela puisse constituer une circonstance aggravante), mais parce qu'on enfreint les règles acceptées lors de l'achat du billet et fixées par le propriétaire. Les victimes, s'il y en a, se retourneront contre le propriétaire, qui se retournera contre le fautif.
Autre exemple : peut-on, au nom de la liberté d'expression, menacer quelqu'un, déclencher une fausse alerte à la bombe, etc. ? Une menace n'est pas forcément une agression, elle n'acquiert ce caractère que quand elle est directe et explicite ("clear and present danger", selon la loi américaine). Les victimes ont donc le droit de prendre des mesures coercitives contre une agression qui se présente comme manifeste et imminente.
Une insulte (une "agression verbale") n'est pas, d'un point de vue libertarien, une agression, et n'est sûrement pas à mettre sur le même plan qu'une agression physique. Le "délit d'outrage", inventé pour protéger les fonctionnaires (policiers, enseignants, magistrats...) ou les "symboles de la République" (drapeau, hymne national), n'existe tout simplement pas, et fait partie des innombrables abus étatiques.

Un exemple : le négationnisme

Il est clair que l'idéologie libérale rejette le nazisme, le fascisme, le négationnisme et autres idéologies semblables.
Dans 14 pays d'Europe, le négationnisme (négation de l'holocauste) fait l'objet d'une loi dont la transgression est punie par la prison. Pourtant le négationnisme a des disciples en Europe dans tous ces 14 pays. Est-ce que la criminalisation des propos négationnistes aide à la disparition de ce mouvement ? Absolument pas, bien au contraire, la criminalisation les aide ! Dans la plupart des cas, la criminalisation des propos négationnistes ou même révisionnistes crée des martyrs et alimente ainsi la cause des groupes néo-nazis.
Brimer la liberté d'expression sous prétexte d'empêcher la "banalisation" de propos racistes, xénophobes ou autres n'empêche pas la survie de ces mouvements, car on ne peut empêcher les gens de penser ce qu'ils veulent. La meilleure manière de combattre le néo-nazisme est d'utiliser la raison et le ridicule et non pas de criminaliser une telle expression. Si des propos néo-nazis perdurent, c'est à l'individu de les combattre en s'exprimant en toute liberté. La liberté d'expression elle-même est la meilleure arme contre les débordements de la liberté d'expression.
Dans ce contexte, criminaliser l'expression des propos négationnistes ou révisionnistes revient à juger irresponsable le public, qui pourrait être "influencé" par de tels propos. Évidemment une telle expression n'est pas rendue impossible par l'interdiction, elle est seulement rendue clandestine, et d'autant plus intransigeante.

Autre exemple : la diffamation

Est-il permis de diffamer quelqu'un, c'est-à-dire de raconter à son propos des mensonges qui pourraient lui causer du tort ? Les réponses libérale et libertarienne divergent ici.
Pour les libéraux classiques, la diffamation est condamnable; ainsi, Benjamin Constant d'écrire dans De la liberté des brochures, des pamphlets et des journaux au début du XIXe siècle : « [La liberté d'expression] n'exclut point la répression des délits dont la presse peut être l'instrument. Les lois doivent prononcer des peines contre la calomnie, la provocation à la révolte, en un mot contre tous les abus qui peuvent résulter de la manifestation des opinions. Les lois ne nuisent point à la liberté; elles la garantissent, au contraire. Sans elles aucune liberté ne peut exister »[2].
D'un point de vue libertarien, la diffamation ne doit cependant pas être poursuivie (ce qui ne signifie pas qu'on l'approuve moralement). En effet, la diffamation ne nuit jamais directement à personne. Si j'affirme que le pape est un nazi, et que vous me croyez, c'est votre problème, pas le mien. Soutenir le concept de diffamation suppose que les gens sont de parfaits irresponsables et vont croire tout ce qu'on leur dit. C'est la même façon de penser erronée qui conduit à interdire le négationnisme ou l'expression de l'antisémitisme.
«En vertu des lois actuelles contre la diffamation, (un individu) agit en violation de la loi dès lors qu’il a "l’intention de nuire", même si l’information diffusée est vraie. Or le caractère légal ou illégal d’une action devrait dépendre de sa nature objective et non de la raison d’agir de l’acteur. Si une action est objectivement non-agressive, elle doit être autorisée quelle que soit l’intention, bienveillante ou malveillante, qui la motive (cette dernière pouvant, par contre, être pertinente quant à la moralité de l’action). Sans parler de l’énorme difficulté pour le juge de découvrir les motifs subjectifs d’un individu »
    — Murray Rothbard
Faut-il accepter comme exception à ce principe le cas du faux témoignage, car il semble bien y avoir un lien direct de cause à effet entre ce qui a été dit (le faux témoignage) et la conséquence, qui peut être la condamnation d'un innocent ou la relaxe d'un coupable ? Non pour les libertariens, car le faux témoignage n'est pas condamnable en raison des dommages provoqués, mais en raison du fait que le témoin s'est engagé contractuellement (ou par serment) à dire la vérité. Ce n'est pas l'accusé qui pourra poursuivre le faux témoin, mais le tribunal.
Il convient de préciser que les faux témoins étaient mis à mort par les tribunaux, dans les temps anciens, car le faux témoignage était associé à un très grave trouble à l'ordre public [domaine politique et social] et à l'ordre spirituel, lié aux fondements de la conscience [domaine moral et religieux], car le faux témoignage était, par définition, attentatoire à la vérité.
Du point de vue du droit naturel, la liberté d'expression est bien absolue, et le « délit » de diffamation n'existe pas. Soutenir ce concept de diffamation revient pour les libertariens à cautionner un extraordinaire recul du droit d'expression, le délit de diffamation étant couramment utilisé par les gouvernements pour faire taire leurs opposants (on pourrait même l'utiliser contre les libertariens quand ils traitent les gouvernants d'esclavagistes).
Alors que les libertariens cherchent à séparer ce qui n'est condamnable que moralement (action immorale) et ce qui est condamnable juridiquement (agression contre la personne ou sa propriété), le droit positif criminalise, en présumant des intentions des acteurs, certaines actions qui ne sont pas directement des agressions. Du point de vue juridique, dans des conditions spécifiques et dans le cadre d'une restriction de la liberté d'expression, la notion de dépôt de plainte en dénonciation calomnieuse existe (et les individus peuvent donc l'utiliser), et le faux témoignage (ou ladite diffamation) est constitué tant que la personne qui en calomnie une autre n'a pas donné la ou les preuve(s) de ce qu'elle avance, et / ou que la personne calomniée a prouvé son honneur et sa moralité, suivant selon le système judiciaire inquisitorial français, ou suivant selon le système judiciaire accusatoire anglo-saxon. En pratique, l'arbitraire le plus complet règne en ce domaine, certains tribunaux ayant même inventé la notion de "diffamation de bonne foi"[3] !

Le droit de se taire

De même qu'on ne peut empêcher quelqu'un de s'exprimer, il n'y a pas, inversement, d'obligation à s'exprimer. Cela concerne aussi bien la protection des sources des journalistes et les diverses sortes de secret professionnel que le droit à ne pas être contraint à s’accuser soi-même (droit à ne pas s’auto-incriminer), un droit tiré du principe de la présomption d'innocence[4]. Pour les libertariens, cela relève de l'inaliénabilité de la volonté humaine.

Clientélisme et liberté d'expression

Les atteintes à la liberté d'expression obéissent généralement à un clientélisme électoral. Voici un exemple de raisonnement de politicien relativement à la répression de l'incitation à la haine :
  • les gens sont des faibles, les incitations à la haine pourraient les pousser à passer à l'acte ;
  • le pouvoir qui, lui, est une élite supérieure au reste de la population, sait ce qu'il faut faire ;
  • ainsi le pouvoir sait discriminer entre les bonnes interdictions et les mauvaises : il peut décréter par exemple qu'on n'a pas le droit d'exprimer de haine envers les juifs, les musulmans ou les homosexuels, mais que c'est toléré envers les riches, les Blancs, les banquiers, les zoophiles, etc. ;
  • si un groupe de pression quelconque veut imposer une nouvelle interdiction en sa faveur, sa demande sera examinée avec bienveillance (il a intérêt à être assez nombreux ou à faire un grand tapage médiatique).
Le politicien pourra ensuite trouver a posteriori toutes sortes de justifications éthiques à des limitations à la liberté d'expression en réalité d'origine clientéliste.

Atteintes à la liberté d'expression en France

Nuvola apps colors.png Article principal : Liberté d'expression en France.

Internet, la liberté d'expression et le libéralisme

Malgré les tentatives de contrôle, la liberté d'expression s'est considérablement émancipée depuis l'avènement du Web. Il devient difficile[5] pour un pouvoir exécutif de mettre efficacement en œuvre les mesures de répression de l'opinion décrites ci-dessus dès lors que cette dernière s'exprime de façon libre, décentralisée, infiniment reproductible, et indélébile sur Internet. Dans cette mesure, Internet est très souvent comparé[6] à deux grandes inventions de l'Histoire qui ont également abaissé le coût d'accès à la connaissance, et contrecarré la censure: l'imprimerie et l'écriture.
L'écriture, inventée il y a quelques 5000 ans en Mésopotamie, a signifié le début de la civilisation et de l'Antiquité. En ce qui concerne l'imprimerie, elle a servi de catalyseur[7] au Schisme, à la Réforme, et donc à la Renaissance et aux Lumières.
Le 21e siècle a d'ailleurs connu nombre de mouvements qui ont en commun de défendre un idéal de liberté (plus ou moins bien exprimé), et d'utiliser Internet pour se mobiliser: les printemps arabes, le mouvement des Indignés, le Tea Party, Occupy Wall Street, les "partis pirates", etc. Nombreux sont ceux[8] qui expriment l'opinion que ces exemples illustrent les toutes premières manifestations d'une nouvelle ère de liberté à laquelle Internet servira de vecteur.


LIBERTÉ D'EXPRESSION ABSOLUE


Nous jouissons, en Occident, d'une liberté d'expression enviable par rapport à d'autres parties du monde et en comparaison d'autres époques. Mais cette liberté résiste mal à la montée du pouvoir. Tous les États occidentaux opposent aujourd'hui à la liberté d'expression des limitations croissantes, formelles ou informelles, directes ou indirectes, qui ont rétabli ou créé de véritables délits d'opinion. Si le phénomène de la censure montante est passé inaperçu, c'est parce qu'il relève d'une tyrannie soft, d'une tyrannie tranquille.

Censure directe

Les restrictions formelles à la liberté d'expression incluent les dispositions des codes pénaux qui protègent le secret d'État, qui répriment les propos séditieux, ou qui interdisent ce qui est défini comme pornographique ou obscène. Ces restrictions ont souvent, selon les circonstances et les pays, été atténués depuis le 19e siècle; parfois, elles ont été renforcées. Si elles ne sont pas toujours appliquées, les lois limitant la liberté d'expression représentent une épée de Damoclès sur la tête des dissidents et une incitation à l'autocensure. Des formes anciennes de délits d'opinion ont été remises à la mode sous le couvert de prétextes nouveaux comme la rectitude politique antisexiste ou la lutte antiraciste.

La propagande haineuse et la contestation de la Shoah figurent parmi les nouveaux délits d'opinion. Seuls les États-Unis y ont échappé grâce au premier amendement de la constitution. Dans d'autres pays, dont le Canada, des gens ont été envoyés en prison pour avoir défendu des opinions contraires à l'orthodoxie officielle. Le livre d'Adolf Hitler, Mein Kampf, n'a pu être publié en France qu'avec l'addition, par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 juillet 1979, d'un avertissement moralisateur de onze pages destiné au lecteur trop idiot pour ne pas voir dans ce livre autre chose qu'un fatras d'hypothèses simplistes et d'opinions primaires.

Dans sa défense classique de la liberté d'expression, John Stuart Mill observait que la volonté naïve d'interdire seulement les idées fausses implique que nous connaissons la vérité a priori, sans qu'il soit besoin de débat(1). Indispensable à la recherche de la vérité, la liberté d'expression représente aussi une condition nécessaire de la confiance que l'on accorde à des hypothèses dont on n'a pas le temps ou la capacité de vérifier le bien-fondé, mais qui apparaissent vraisemblables pour la simple raison que les opinions contraires ne passent pas le test des débats libres. Comme ceux qui jadis ne connaissaient pas le truc du mat qui monte à l'horizon de la mer ou de l'ombre ronde de la terre sur la lune, nos contemporains qui n'ont jamais analysé les images satellites ont quelque raison de croire que la terre est ronde parce que n'importe qui est libre de le contester et que personne n'y réussit. Quelles raisons auront donc nos enfants de croire en la réalité de la Shoah après quelques décennies de suppression coercitive de l'opinion opposée?

De plus, l'interprétation des lois sur la littérature haineuse ou raciste est indéfiniment extensible, selon les circonstances de temps et de lieu, selon les passions de la foule ou l'arbitraire des gouvernants. Au Bangladesh, un livre de la romancière Taslima Nasreen a été interdit pour « incitation à la haine interconfessionnelle », et son auteur frappée d'une fatwa par un groupe de tyrans barbus(2). Au Canada, on a entendu des voix demander, heureusement sans succès jusqu'à maintenant, le recours aux lois sur la littérature haineuse contre des contempteurs du nationalisme québécois.

Combien de fois des textes d'apparence anodine n'ont-ils pas été conçus, interprétés ou manipulés par l'État de manière à renforcer l'arsenal des classes dirigeantes contre la liberté d'expression? Les lois contre la diffamation l'illustrent. La partie visible de l'iceberg apparaît dans le cas de Robert Maxwell, dirigeant d'entreprise véreux, mort en novembre 1991 (vraisemblablement par suicide) après avoir réussi, des années durant, à faire taire ses dénonciateurs. Le silence sur ses tractations frauduleuses s'explique par les menaces de poursuites en diffamation qu'il assénait à quiconque s'intéressait à ses affaires et par le fait que personne ne se sentait capable de supporter le coût d'un procès contre le célèbre richard.

« Comme l'État s'intéresse à tous les domaines
de la vie, que le public évince le contractuel, la dynamique actuelle pointe vers des limitations
croissantes de la liberté d'expression. »

Drôles de lois que celles-là, qui permettent aux puissants de protéger leur réputation, leurs idées ou leurs fraudes! Comme si l'image d'un homme qui est dans la tête d'un autre n'appartenait pas au propriétaire de la tête, comme s'il était normal qu'un individu justifie ses opinions devant des juges. Judiciariser l'écheveau qui unit l'image, l'opinion et l'action ne pouvait mener qu'à des dérapages totalitaires. Et c'est bien ce qui arrive. Les exemples d'intimidation ne manquent pas, même aux États-Unis où on a vu des poursuites en diffamation intentées par des extrémistes noirs contre ceux qui les accusaient de racisme, par des entreprises jugeant que des opinions nuisaient à leur réputation(3), par un auteur contre une critique défavorable dans le New York Times(4), par un général contre une chaîne de télévision l'accusant d'avoir dissimulé des vérités durant la guerre du Viêt-nam(5), et cetera.

Plus dangereuses peut-être que les lois créant des délits d'expression caractérisés sont les pouvoirs informels ou indirects dont l'État dispose pour étouffer les opinions dissidentes. L'astuce ne date pas d'hier. Juste avant la guerre civile américaine, le gouvernement fédéral empêchait la diffusion de la littérature anti-esclavagiste par la poste. Durant les hostilités, le ministre de la Poste signait l'arrêt de mort de journaux opposés à la guerre en interdisant leur distribution. Après la guerre, le gouvernement américain criminalisa la distribution postale de littérature obscène – incluant la publicité pour la régulation des naissances(6)! Afin de stopper la diffusion populaire de journaux radicaux, une loi britannique de 1819 frappait d'une taxe de six pence tout journal politique vendu moins de quatre pence et d'une périodicité plus fréquente que mensuelle(7). Ce ne sont pas tous les journaux qui, comme le Poor Man's Guardian, désobéirent à la loi – même s'il était beaucoup plus facile de défier l'État à une époque où il ne disposait pas des moyens multiples du quadrillage administratif actuel.

Censure détournée

Si la presse écrite échappe aujourd'hui au contrôle minutieux de l'État, les chaînes de radio et la télévision, même privées, vivent sous le carcan de réglementations pointilleuses et sous la menace constante de perdre leur permis d'exploitation. La réglementation de la publicité sert fréquemment à limiter la liberté d'expression des sociétés commerciales. Les lois portant sur les dépenses électorales et sur le financement des partis politiques interdisent à des particuliers ou des associations de participer librement aux débats politiques.

C'est tout le quadrillage administratif qui prête son renfort au contrôle étatique de la liberté d'expression. Il est souvent prudent de ne pas aliéner l'administration à qui vous devez telle autorisation, tel privilège, telle tolérance. Quand les contrôles administratifs ne suffisent pas, la richesse du trésor public y pallie: comment critiquer celui dont vous attendez une subvention ou un contrat?

Dans la plupart des pays, tout ce qui touche l'éducation et la recherche, sans parler de l'art et parfois de l'édition, tombe sous la coupe financière ou réglementaire de l'État. L'universitaire, le chercheur ou l'écrivain est bien libre de critiquer le gouvernement au pouvoir, même s'il se privera d'appuis dans la machine politico-bureaucratique, dispensatrice de toutes les faveurs. Pire est le sort de l'intellectuel qui critique l'État en tant que tel, puisqu'il ne s'aide pas davantage auprès du prochain gouvernement. Le journaliste qui s'oppose à la culture dominante sera vite marginalisé et inemployable. À part quelques exceptions, celui qui vise une carrière d'intellectuel à l'intérieur du système a besoin d'amis dans l'establishment, dont il a intérêt à épouser les vues.

Une défense absolutiste de la liberté d'expression – comme l'est la défense libertarienne – n'implique pas que son exercice doit être déchaîné. Car l'exercice de la liberté d'expression est naturellement limité par les droits de propriété: on est libre de dire ce qu'on veut, mais pas dans le salon de n'importe qui, et pas en utilisant les ressources de ceux qui ne sont pas d'accord. De plus, des règles informelles et des pressions sociales limitent de facto l'exercice d'une liberté d'expression qui serait de jure absolue. On ne fait pas de déclaration publique contre ses amis et, si on choisit de critiquer publiquement son patron, ses clients ou d'autres associés contractuels, c'est à ses risques et périls. On peut parler la langue qu'on veut et comme on le veut, mais chacun a intérêt à être écouté et compris.

Ces limites privées à la liberté d'expression sont aux limitations publiques ce que les pressions sociales sont aux prisons de l'État: dans le premier cas, on peut passer outre quitte à ne plus bénéficier de la collaboration volontaire de certains; dans le second, des bruits de bottes retentiront. Parce que l'exercice de liberté d'expression est nécessairement limité par des considérations de propriété et de bon voisinage, la reconnaissance d'un droit absolu demeure socialement efficace.

En substituant des contraintes légales formelles aux règles informelles et aux pressions de la société, l'État administratif a-t-il favorisé certaines formes de liberté d'expression? Peut-être. On est plus libre de parler de sexe aujourd'hui qu'au 19e siècle, et les syndiqués peuvent impunément critiquer leur patron. Mais parallèlement à cette diversité qui s'exprime dans la vie privée et des relations contractuelles, les lois et contrôles étatiques limitent sans cesse la liberté d'expression dans les affaires publiques (comme nous l'avons entrevu plus haut). Alors que l'État devrait favoriser les libertés publiques et laisser faire quand les gens s'imposent volontairement des contraintes dans leurs relations privées, il mine la liberté publique tout en prétendant supprimer les limites privées. Et comme l'État s'intéresse à tous les domaines de la vie, que le public évince le contractuel, la dynamique actuelle pointe vers des limitations croissantes de la liberté d'expression.

Les tentatives de contrôler et de censurer l'Internet en font foi. Aux USA, on invoque le prétexte de la pornographie, meilleur moyen de contourner le premier amendement. Dans d'autres circonstances et d'autres pays, on prendra prétexte de la sécurité publique ou de la sûreté de l'État. Les prétextes changent mais la tyrannie administrative avance partout où elle ne rencontre pas d'obstacle majeur. Il est urgent d'y mettre un frein.

1. John Stuart Mill, On Liberty (1854), P. F. Collier & Sons, 1909. >>
2. Le Monde, 19-20 décembre 1993, p. 1 et 6. >>
3. Wall Street Journal, 18 juillet 1994, p. A4. >>
4. Wall Street Journal, 22 février 1994, p. B6. >>
5. Wall Street Journal, 1 octobre 1984, p. 1. >>
6. Jeffrey Rogers Hummel, Emancipating Slaves, Enslaving Free Men.
A History of the American Civil War, Chicago, Open Court, 1996. >>
7. J. R. Dinwiddy, From Luddism to the First Reform Bill. Reform in England
1810-1832, Londres, Basic Blackwell, 1986. >>

par Pierre Lemieux via QL
 

Liberté d'expression en France

De Wikiberal
 
Les atteintes à la liberté d'expression sont extrêmement nombreuses en France, davantage que dans les autres pays développés. Philippe Nemo[1] souligne que les lois Pleven, Gayssot, Taubira, etc. établissent une législation de censure comparable à l'Inquisition :
Ce que les nouvelles lois françaises de censure demandent aux juges, c'est de sanctionner des pensées en tant que telles (...) On leur demande donc quelque chose de très proche de ce que l’Église demandait jadis aux Inquisiteurs (...) On est fondé à dire que cet usage de la force d’État contre la liberté d'expression et le pluralisme relève du fascisme : la détestation du libre débat, la haine de la pensée qui suintent des nouvelles lois de censure s'apparentent à l'obscurantisme et à la misologie des sociétés fascistes historiques qui ont toujours brûlé les livres, persécuté les intellectuels et prétendu fonder le consensus social sur l'élimination violente de toute critique.
La première atteinte à la liberté d'expression fut portée par la loi Pleven (1er juillet 1972), législation antiraciste qui réprime « la provocation à la discrimination, à la haine, ou à la violence ». Condamnant les intentions et non les faits, elle donne au juge le droit de sonder les esprits. Dans les décennies suivantes, son domaine ne cessera de s’étendre pour donner satisfaction à toutes les minorités qui s’estimeront discriminées.
En comparaison avec les décennies passées, on assiste à une forte régression de la liberté d'expression en France. Ainsi, Jean Raspail publie en 1973 Le Camp des Saints, une uchronie qui joue autour du fantasme d’une invasion apocalyptique de l’Occident par les pauvres du Tiers-Monde. Dans sa réédition de 2011, l'auteur ajoute en fin de volume une liste des passages de son roman qui tomberaient aujourd’hui sous le coup des « lois Pleven, Gayssot, Lellouche et Perben »[2]...
La liste ci-dessous n'est pas exhaustive.

Atteintes directes à la liberté d'expression

  • Un arsenal de lois limite la liberté d'expression en matière de presse (par exemple la loi du 16 juillet 1949 sur les publications pour la jeunesse), de cinéma (régime d’autorisation préalable des films au niveau national), d'audiovisuel (instances de régulation de l’audiovisuel), de "respect de la vie privée" (article 226-1 du Code pénal) et de "droit à l’image".
  • Une loi telle que la loi HADOPI, sous prétexte de combattre le téléchargement illégal et le piratage, permet de s'attaquer en profondeur à la liberté d'expression, ce que les étatistes appellent pudiquement une "approche globale de la sécurisation".
  • La censure pour raisons politiques a toujours existé : par exemple le film Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick, estimé attentatoire à la dignité de l'armée française, a été censuré jusqu'en 1975. Le film Pierrot le fou de Godard (1965) fut interdit aux moins de dix-huit ans pour "anarchisme intellectuel et moral".
  • Nier ou mettre seulement en doute si peu que ce soit le génocide des juifs pendant la Seconde guerre mondiale est sanctionné pénalement. Bruno Gollnisch a été condamné en janvier 2007 pour une phrase apparemment anodine : « je ne suis pas spécialiste de cette question et je pense qu'il faut laisser les historiens en discuter. Et cette discussion devrait être libre ». En février 2012, Jean-Marie le Pen est condamné pour « apologie de crimes de guerre » et « contestation de crime contre l'humanité » pour avoir écrit en janvier 2005 dans l'hebdomadaire d'extrême droite Rivarol : « En France du moins, l'Occupation allemande n'a pas été particulièrement inhumaine, même s'il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550.000 kilomètres carrés ». Dans beaucoup d'autres pays, de telles phrases passeraient inaperçues ; en France, certains sujets de discussion doivent être abordés avec d'extrêmes précautions si l'on veut éviter une condamnation pénale[3].
  • De façon plus générale, la France est le seul pays à avoir des lois dites « mémorielles » et servant le plus souvent à s'attirer le soutien d'une population d'électeurs. La plus récente de ces lois est la loi sur le génocide arménien[4].
  • L'apologie de la consommation de drogues (par exemple l'apologie du cannabis) est pénalisée (article L.630 de la loi du 31 décembre 1970), qu'il s'agisse de presse écrite ou audiovisuelle, de vente de gadgets (T-shirts, stylos, porte-clés, cendriers...), etc. Cet article du Code de la santé stipule que la provocation à l‘usage ou au trafic de stupéfiants, par la publicité ou l'incitation ou la présentation sous un jour favorable des produits classés stupéfiants, est punie de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende, même si l'incitation est restée sans effet.
  • Entre 2006 et 2011, un décret empêchait de fournir des recettes de produits naturels non-homologués (par exemple la recette du purin d’ortie, insecticide et fertilisant naturel[5]).
  • Enregistrer et/ou diffuser des images de scènes de violence (quelles qu'elles soient : violences policières, violences au cours de manifestations, « happy slapping »...) est sanctionné pénalement, sauf si on est journaliste[6].
  • Inciter les « assujettis » sociaux à refuser de s'affilier à un organisme de Sécurité sociale ou à ne pas payer les cotisations à un régime d'assurance obligatoire est sanctionné pénalement[7] (précision : cet article de loi, dans l'optique de la fin du monopole légal de la sécurité sociale survenu en France en 2001, condamne en fait le non-respect de l'obligation d'assurance, et non le manquement à l'obligation de cotiser à un organisme français quel qu'il soit).
  • Mein Kampf, d'Adolf Hitler, n'a pu être publié en France qu'avec l'addition, par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 juillet 1979, d'un avertissement moralisateur de onze pages. Le livre Suicide, mode d'emploi a été interdit à la vente en 1987, par une loi réprimant la « provocation au suicide ». Le 12 mars 1987 c'est le roman L'Os de Dionysos qui est interdit par le Tribunal de Grande Instance de Tarbes pour "trouble illicite, incitation au désordre et à la moquerie, pornographie et danger pour la jeunesse en pleine formation physique et morale".
  • Le livre "Le Grand Secret", publié en 1996 par le docteur Gubler, médecin de François Mitterrand, a été interdit en France pour violation du secret médical. Un arrêt de la Cour européenne (décision du 18 mai 2004) a sanctionné les juges français qui ont interdit la sortie du livre.
  • Il est permis de commenter une décision de justice, en revanche il est interdit « de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance » (article 434-25 du Code pénal). Par exemple, estimer qu'une décision de justice est un chef d'œuvre d'incohérence, d'extravagance, et d'abus de droit a été sanctionné pénalement[8].
  • Interdiction lors des élections de diffuser des résultats de sondages, tendances ou résultats partiels, avant l'heure de fermeture des bureaux de vote (interdiction facilement contournée par les médias étrangers via Internet).
  • Brûler un coran puis uriner dessus et diffuser le tout sur Internet vaut à son auteur en 2011 trois mois de prison avec sursis et 1.000 € d’amende pour incitation à la haine à l'égard des musulmans (le blasphème n'existe plus depuis 1881, sauf en Alsace-Moselle par incorporation de l'article 166 du code pénal allemand)[9]. En revanche, l'exposition en Avignon de photographies d'un Christ plongé dans l’urine et le sang est soutenue moralement et financièrement par les pouvoirs publics.
  • Un commerçant n'a pas le droit d'afficher dans son magasin des photos de voleurs, tirées de sa vidéosurveillance, avec la mention "voleur"[10] (risque de poursuites pour atteinte au droit à l'image, au respect de la vie privée, et pour diffamation).
  • La loi Evin interdit la publicité concernant les boissons alcoolisées. En 2012, la chaîne W9, qui diffuse la série télévisée d'animation américaine Les Simpson, a dû flouter systématiquement le nom de la Duff, la bière préférée du personnage principal (cette bière, qui était fictive au début de la série, a eu la malchance -ou la chance - d'exister par la suite).
  • De façon plus générale, les messages publicitaires obligatoires peuvent être considérés comme une atteinte à la liberté d'expression.
  • En 2013, un élu FN, Julien Sanchez, est condamné à 4 000 € d'amende pour avoir omis de censurer sur sa page Facebook des propos de commentateurs qui dénonçaient en 2011 l’islamisation de la ville de Nîmes.[11].
  • La prétendue protection de la vie privée (d'invention récente, puisque l'article 9 du Code civil date de 1970) permet de s'attaquer à la liberté de la presse : par exemple, le Nouvel Observateur a été condamné en février 2013 pour "atteinte à la vie privée" suite à la publication d'extraits du roman Belle et Bête de Marcela Iacub, relatant sa relation avec Dominique Strauss-Kahn (bien que ce dernier ne soit jamais mentionné nommément dans le roman).
  • Depuis 2013, le patrimoine des députés peut être consulté en préfecture mais pas publié : la publication d'une déclaration de patrimoine est passible d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende.
  • L’autorité des marchés financiers (AMF) invoque l’article 632-1 de son "règlement général" pour attaquer des blogueurs accusés d'avoir diffusé des informations inexactes sur leurs blogs au détriment de la Société Générale[12].
  • le livre Le Salut par les Juifs de Léon Bloy (livre écrit en réponse à La France juive de l'antisémite Édouard Drumont), maintes fois réédité depuis 1892, a été censuré le 13 novembre 2013 par le juge des référés de Bobigny, suite à une plainte de la Licra.
  • en janvier 2014, la "circulaire Valls" interdit les spectacles de l'humoriste Dieudonné en invoquant la "dignité humaine".

Notion d'injure ou de diffamation

  • L'injure publique ou non-publique est pénalisée, et plus gravement quand elle vise un agent public (notion d'outrage). On peut être condamné pour "offense au chef de l’État" (cas de l'homme qui avait brandi en 2008 une affichette "Casse toi pov'con" lors d'une visite présidentielle à Laval : en mars 2013, la Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la France pour viol de la liberté d'expression).
  • L'injure raciale est sanctionnée pénalement. La notion d'injure raciale est très large : assimiler les juifs[13] (qui d'un point de vue scientifique ne constituent pourtant pas une « race » ni une ethnie) à une « secte » et à une « escroquerie » constitue une injure raciale « dont la répression est une restriction nécessaire à la liberté d'expression dans une société démocratique » (selon la Cour de cassation statuant sur le cas de l'humoriste Dieudonné en février 2007). Jean-Paul Guerlain est condamné pour injure raciale en 2012 pour avoir utilisé l'expression "travailler comme un nègre". En juillet 2014, Anne-Sophie Leclère (ex-tête de liste FN aux municipales à Rethel) est condamnée à neuf mois de prison ferme et 5 ans d'inéligibilité pour avoir comparé la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, à un singe.
  • Il existe de la même façon un délit d'« injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion » (en février 2007, puis septembre 2012 : affaire des caricatures du prophète Mohammed publiées par Charlie-Hebdo)
  • Un caricaturiste peut être puni pour « injures publiques envers une administration, en l’occurrence la police nationale ». C'est le cas du dessinateur Placid, pour avoir réalisé une caricature de policier en 2001, en lui retroussant un peu le nez à la manière d'un cochon[14], le genre de la caricature n'autorisant pas les « représentations dégradantes »[15].
  • Répression des injures sexistes ou « homophobes » : la loi du 30 décembre 2004 pénalise les propos liés au sexe ou l'orientation sexuelle de la personne. Une législation à contre-courant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme[16].
  • Google est fréquemment mis en cause pour son dispositif "Google Suggest" qui procède à des associations de mots que certains considèrent comme injurieuses ou diffamatoires ; les jurisprudences sont contradictoires[17]
  • En décembre 2013, Jean-Marie Le Pen est condamné pour "injure publique à caractère racial" pour avoir en 2012 attribué aux Roms la phrase : "Nous, nous sommes comme les oiseaux, nous volons naturellement".
  • Traiter quelqu'un de "fumiste" relève de la diffamation, en revanche on peut sans risque qualifier son travail de "fumisterie"[18].
  • en août 2014, Christine Tasin est condamnée à 3000 € d’amende pour avoir dit le 15 octobre 2013 « l'islam est une saloperie » ; son avocat souligne que « ce sont des propos hostiles à l’islam et non aux musulmans ».
  • Le délit de « diffamation », en raison de son caractère très vague et très subjectif (atteinte à l'honneur ou à la considération, « volonté de nuire »), est en général le moyen le plus commode de faire taire un adversaire, et n'importe quel écrit politique un peu critique peut encourir une condamnation. Par exemple, exprimer l'opinion qu'en France « les contrôles d’identité au faciès sont non seulement monnaie courante, mais se multiplient » a valu à son auteur une condamnation pour diffamation[19]. La diffamation ne consiste pas à dire quelque chose de faux concernant une personne, c'est en fait une atteinte à l’honneur concernant un fait précis (sinon c’est une injure). Les deux moyens de défense (outre la requalification en injure) sont l'exception de vérité (souvent difficile à prouver : on peut être condamné pour quelque chose de vrai -par exemple l'affirmation de charlatanisme- qu'on n'a pu prouver, et relaxé pour quelque chose de faux) et l'exception de bonne foi (impliquant entre autres absence d’animosité personnelle et prudence dans l’expression).

Notion de discrimination

  • passer une annonce pour recruter une aide ménagère à domicile qui soit chrétienne, ou une puéricultrice en précisant « homosexuel s’abstenir », aboutit à une condamnation pour discrimination (voir Patrick Simon, bulletin du Cercle Frédéric Bastiat n°80, p. 6) ; en revanche certaines discriminations religieuses semblent tolérées (exemple d'offres d'emploi de bouchers "halals", les candidats devant être musulmans) ;
  • plus généralement, le code du travail rend la discrimination à l'embauche illégale : la France est le seul pays où l'apparence physique ou l'état de santé figurent parmi les critères de discrimination illégaux. Une annonce où l'on chercherait à recruter un candidat ou une candidate en bonne santé ou d'apparence agréable serait donc discriminatoire ;
  • la liberté de conscience et le droit de changer de religion ou d'abandonner sa religion ne sont pas officiellement reconnus pour les musulmans. L'apostasie est punie au minimum (en pratique) par une "mort sociale", et au pire (en théorie) par la mort.[20]

Comparaison avec les États-Unis

Aux États-Unis, le premier amendement à la constitution nationale garantit en théorie une liberté d'expression très étendue, puisqu'il ne permet « aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de la presse ».
Cependant la liberté d'expression exclut « les propos relevant de l'obscénité, de la diffamation, de l'incitation à l'émeute, du harcèlement, des communications privilégiées, des secrets commerciaux, des documents classifiés, du copyright, des brevets, des opérations militaires, des discours commerciaux comme la publicité, et de restrictions de temps, de lieu et de manière »[21], ce qui met la liberté d'expression à la merci de l’État. La censure s'exerce à différents niveaux[22].

Censure

De Wikiberal
 
  La censure est une limitation autoritaire de la liberté d'expression de chacun. Elle passe par le contrôle du pouvoir sur des livres, journaux, bulletins d'informations, pièces de théâtre, films, etc., avant d'en permettre la diffusion au public.
Par abus de langage, on parle parfois de "censure" pour désigner le comportement d'un éditeur ou d'un média qui refuse de donner la parole à certaines personnes ou à certains groupes. Il faut rappeler que la liberté d'expression consiste aussi pour chacun à discriminer et à choisir les sujets sur lesquels il décide de s'exprimer, au détriment des autres. Il n'y a pas de "droit à s'exprimer n'importe où et de n'importe quelle façon" : la liberté d'expression doit respecter la liberté individuelle et le droit de propriété. Ainsi ce qu'on appelle la "modération" sur Internet n'est pas une censure : la censure interdit une opinion en tout lieu, alors que la modération ne l'exclut que de son territoire.

La censure en France

En France, sous l'Ancien Régime, la censure a toujours existé. Par exemple, les livres étaient édités "avec privilège du Roi" : cette "autorisation", qui préfigurait la propriété intellectuelle, donnait en réalité un droit de regard aux censeurs royaux. Elle coexistait avec un grand marché de l'édition "sous le manteau", la fabrication se faisant dans des ateliers clandestins ou dans des pays étrangers plus libéraux. Lors de la Révolution française, la censure est abolie en 1791, mais rétablie en 1794 par la contre-révolution de Thermidor.
Sous l'Empire, le décret du 5 février 1810 instaure une censure complète de la presse et de la "librairie" : surveillance étroite de la presse, encadrement administratif de l'imprimerie (par un corps d'inspecteurs et de contrôleurs), contrôle des ouvrages imprimés aux frontières, registre des intentions de publication, "brevet" nécessaire pour être imprimeur ou libraire (nécessitant entre autres un certificat de bonne vie et mœurs et une prestation de serment), "dépôt légal" réaffirmé, etc. Napoléon III y rajoutera un contrôle du colportage. Ce décret ne sera complètement aboli que par la loi du 29 juillet 1881. La censure sur les spectacles sera levée en 1906. La censure réapparaîtra lors des deux guerres mondiales et de la guerre d'Algérie (1954-62). La condamnation des Fleurs du Mal de Baudelaire (1857) ne sera levée qu'en 1949. J'irai cracher sur vos tombes de Boris Vian, considéré comme pornographique et immoral, sera interdit en 1949 et son auteur condamné pour outrage aux bonnes mœurs ; le procureur estime que cette condamnation est justifiée moins par le caractère scandaleux de l’œuvre que par le fait que son prix la rende accessible à tout le monde...
La censure pour raisons politiques a toujours existé en France : par exemple le film Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick, estimé attentatoire à la dignité de l'armée française, a été censuré jusqu'en 1975. Le film Pierrot le fou de Godard (1965) fut interdit aux moins de dix-huit ans pour "anarchisme intellectuel et moral".
Le livre Suicide, mode d'emploi a été interdit à la vente en 1987, par une loi réprimant la « provocation au suicide ». Le 12 mars 1987 c'est le roman L'Os de Dionysos qui est interdit par le Tribunal de Grande Instance de Tarbes pour "trouble illicite, incitation au désordre et à la moquerie, pornographie et danger pour la jeunesse en pleine formation physique et morale".
Le livre "Le Grand Secret", publié en 1996 par le docteur Gubler, médecin de François Mitterrand, a été interdit en France pour violation du secret médical. Un arrêt de la Cour européenne (décision du 18 mai 2004) a sanctionné les juges français qui ont interdit la sortie du livre.
Le 13 novembre 2013 le livre Le Salut par les Juifs de Léon Bloy (livre écrit en réponse à La France juive de l'antisémite Édouard Drumont), maintes fois réédité depuis 1892, a été censuré par le juge des référés de Bobigny, suite à une plainte de la Licra.

Contre la censure

Les libéraux sont opposés à tout type de censure, pour des raisons éthiques.
La censure est une violence injustifiée qui restreint la liberté d'expression. C'est une mesure paternaliste qui fait fi de la responsabilité et de l'intelligence des personnes. Le discours haineux / violent / immoral à lui seul ne constitue pas une agression, il doit donc s'exprimer et participer à l'échange libre des idées, ce qui est le meilleur moyen de le combattre.
D'un point de vue strictement conséquentialiste, censurer quelqu'un, c'est lui faire une publicité dont il n'aurait jamais rêvé. C'est en faire une victime d'autant plus intransigeante, et qui continuera de toute façon dans la clandestinité. Ne pas le censurer, c'est au contraire lui permettre d'exhiber sa bêtise / sa haine / ses préjugés au grand jour, et de devoir faire face aux arguments rationnels, ce dont il a le plus souvent horreur. Il faut donc laisser s'exprimer même les totalitaires et les antilibéraux, autrement on ne pourrait même pas savoir qu'ils existent !
Être opposé à la censure ne signifie pas pour autant cautionner des idées dangereuses ou des pratiques immorales ; celles-ci doivent pouvoir s'exprimer parce que les inconvénients de la censure l'emportent largement sur ses avantages. Plutôt que l'interdiction, il faut favoriser la libre expression qui permet la réfutation :
Si l'on a la possibilité de dévoiler par la discussion le mensonge et l'erreur, d'éviter le mal grâce à l'éducation, le remède à appliquer est davantage de liberté d'expression, et non d'imposer le silence par la force.[1]
 

La censure est l’essence du socialisme à cliquer :)


Liberté d'opinion

De Wikiberal
 
Le concept de « Liberté d'opinion » désigne deux libertés indissociables l'une de l'autre, c'est-à-dire que si l'une de ces libertés est menacée, l'autre l'est également nécessairement.
D'une part, la « Liberté d'opinion » consiste en la liberté de prendre connaissance des opinions d'autrui.
Il s'agira par exemple du libre choix du livre que l'on lit, de la radio que l'on écoute, de la chaîne de télévision que l'on regarde, du journal que l'on lit, du site Internet que l'on consulte, de l'école où l'on suit un enseignement, de l'église où l'on écoute une prédication.
D'autre part, la « Liberté d'opinion » consiste en la liberté d'exprimer ses opinions envers autrui.
Il s'agira par exemple du libre choix du livre que l'on écrit ou que l'on publie, de la radio que l'on crée ou que l'on diffuse, de la chaîne de télévision que l'on crée ou que l'on diffuse, du journal que l'on publie, du site Internet que l'on crée, de l'école que l'on crée, de l'église que l'on crée.
On peut distinguer une liberté de pensée, opposée à la propagande, et une liberté de penser, qui va de pair avec la liberté de communiquer ses pensées, la liberté d'expression.
On désigne parfois en abrégé sous le terme de « liberté de penser » la liberté de communiquer ses pensées. Dans l'état actuel de la technique, il n'est en effet pas possible d'empêcher qui que ce soit de penser quoi que ce soit.
Il faut tempérer cette idée par la prise de conscience qu'il est possible de forcer des individus et les groupes à accepter telle ou telle pensée ou idéologie (propagande, publicité, média, éducation, conditionnement).
La liberté de penser consiste aussi à ne pas dépasser les limites de la raison (faits scientifiques, ce que l'on sait, ce qui est vrai), car, sans lois, sans limites, la liberté de penser n'existe plus.
 
 
 
 
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