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mars 22, 2015

Le "Libéralisme" par Daniel TOURRE

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Clare Rogers Memorial Chapel on the campus of Tulane University.

Le libéralisme, ce Français oublié


Difficile de trouver un terme dont le sens et la philosophie ont été autant déformés que celui de libéralisme

A l’heure actuelle, le mot libéralisme n’est plus guère utilisé en France que par ses détracteurs ou ses faux amis. Un citoyen, dans l’environnement actuel, a donc peu de chances de connaître le vrai libéralisme, sauf s’il s’y est intéressé activement en lisant par lui-même les ouvrages libéraux. Les idées libérales ne sont pourtant pas absentes, mais elles ne sont jamais défendues avec l’étiquette libérale. Beaucoup d’électeurs y compris de gauche exigent parfois des mesures libérales comme Monsieur Jourdain fait de la prose : sans le savoir.
Vidéo par le Collectif Antigone : http://www.collectifantigone.fr/

La Collectif Antigone regroupe des bénévoles pour défendre les idées libérales classiques.

Pour en savoir plus sur le libéralisme : http://dantou.fr/

Les BD viennent du site : http://digitalcomicmuseum.com/

La France, ce grand pays du libéralisme

Pour effrayer l’électeur, le libéralisme est souvent labellisé « anglo-saxon », qualificatif rédhibitoire dans notre douce France. Les anglo-saxons ont brûlé Jeanne d’Arc, fait des misères à Napoléon et boudent Johnny. On le voit, ils ne respectent rien, ils sont capables de tout, en particulier d’imposer insidieusement une idéologie anti-France à notre pays génétiquement étatiste.

Ce joli conte de fées pour étatistes xénophobes ne tient pas la route. Des auteurs anglo-saxons (John Locke, Thomas Paine, Edmund Burke) ont effectivement participé à la tradition libérale, mais au milieu de nombreux auteurs d’Europe continentale, en particulier français. Sans Turgot, Richard Cantillon, Sieyès, Jean-Baptiste Say, Alexis de Tocqueville, Benjamin Constant, Frédéric Bastiat, Gustave de Molinari ou Raymond Aron, le libéralisme n’aurait jamais eu la forme qu’il a aujourd’hui. La France a une grande tradition libérale, reconnue partout… sauf en France.


La France a connu de longues périodes historiques où les idées libérales ont façonné le débat politique et les institutions. Mais l’histoire est écrite par les vainqueurs, et les vainqueurs depuis quelques décennies sont étatistes de droite comme de gauche.

1789, la révolution portée par des idées libérales

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme; ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » Article II de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789

Quel est le pays dont l’assemblée en 1789 « reconnaît et expose » une déclaration reprenant un à un tous les concepts libéraux ayant émergé au siècle des Lumières ? (Attention c’est un piège : ce pays n’est pas anglo-saxon). Eh oui, avec la Déclaration des Droits de l’homme de 1789, la France se dote d’un document fondateur… libéral (presque) pur sucre. Ce n’est pas le fruit du hasard, l’abbé Sieyès, comme les autres rédacteurs (La Fayette en particulier), a été inspiré par les idées libérales du siècle des Lumières, de Locke à Montesquieu en passant par Voltaire.

Les mesures libérales de la Révolution de 1789 pleuvent comme la pluie sur une île anglo-saxonne : abolition des corporations, rôle de l’État limité à la défense du droit à la liberté, à la sûreté et à la propriété. Longtemps cette paternité était officiellement reconnue, les communistes parlant avec mépris de cette révolution petite-bourgeoise et de ses libertés « formelles ».



Les libéraux à vapeur

« Quand un fonctionnaire dépense à son profit cent sous de plus, cela implique qu’un contribuable dépense à son profit cent sous de moins. Mais la dépense du fonctionnaire se voit, parce qu’elle se fait ; tandis que celle du contribuable ne se voit pas, parce que, hélas! on l’empêche de se faire. Vous comparez la nation à une terre desséchée et l’impôt à une pluie féconde. Soit. Mais vous devriez vous demander aussi où sont les sources de cette pluie, et si ce n’est pas précisément l’impôt qui pompe l’humidité du sol et le dessèche. »

Frédéric Bastiat, Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas
Le XIXesiècle n’est pas en reste en matière de libéralisme « french touch ». Sans doute aiguillonné par un Bonaparte autoritaire et étatiste, les mousquetaires du libéralisme français (Benjamin Constant, Alexis de Tocqueville, Frédéric Bastiat) et son d’Artagnan Belge (Gustave de Molinari) écrivent parmi les plus belles pages de l’histoire du libéralisme. Ces auteurs classiques reconnus à l’étranger sont largement oubliés par la population française, aidée il est vrai par une éducation d’État toujours soucieuse d’éviter les lectures pouvant semer le doute sur l’attachement éternel des Français à leur État bouffi et centralisé.

Des milieux plus cultivés acceptent toutefois de citer Alexis de Tocqueville ou Benjamin Constant, mais en précisant immédiatement que ces derniers n’ont rien à voir avec l’affreux néolibéralisme économique contemporain. Cette position nuancée doit toutefois s’appuyer sur une absence de lecture des dits auteurs ainsi sauvés de la déchéance « économique ». En lisant leurs livres, la terrible vérité émergerait assez vite : Alexis de Tocqueville comme Benjamin Constant seraient horrifiés de la place qu’a prise l’État dans nos sociétés contemporaines, y compris dans la sphère économique, et certaines de leurs pages semblent avoir été directement dictées par les pires néolibéraux anglo-saxons des dernières années.
Benjamin Constant, libéral et amoureux

« J’ai défendu quarante ans le même principe : liberté en tout, en religion, en littérature, en philosophie, en industrie, en politique, et par liberté j’entends le triomphe de l’individualité tant sur l’autorité qui voudrait gouverner par le despotisme que sur les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité. »

Benjamin Constant, Ecrits politiques

Bonaparte expulse de France Madame de Staël pour faute de goût impardonnable : pas assez d’enthousiasme napoléonien. Elle se réfugie (dans un château familial, tout de même) à Coppet en Suisse pour y ouvrir un salon intellectuel. On y croise du beau monde européen : Chateaubriand, Byron, Goethe et l’amant passionné bien qu’intermittent de l’hôtesse du lieu : Benjamin Constant (1767–1830).

Benjamin Constant, à fois philosophe et député, aura une influence considérable sur la diffusion du libéralisme en France et en Europe. Dans Principes de politique, il s’oppose d’abord à la vision de Rousseau et sa souveraineté populaire illimitée. Constant expose dans ce livre majeur une vibrante défense des droits individuels. « Au point où commence l’indépendance et l’existence individuelle, s’arrête la juridiction de cette souveraineté.» Marqué par l’épopée napoléonienne autant que par la terreur révolutionnaire, son souci est de protéger les droits individuels des tyrans comme des masses. Il attache ainsi une grande importance au respect d’une constitution politique – pas de décrets arbitraires – ainsi qu’aux procédures judiciaires – pas d’arrestations arbitraires.

Le respect des formes politiques et judiciaires, couplé à une défense de la liberté d’expression pour mettre les politiques sous la surveillance des citoyens instruits, devait permettre d’éviter de retomber dans la tyrannie. En bon libéral, Benjamin Constant n’oublie pas, bien sûr, quelques passages émouvants sur le libre-échange et l’injustice des impôts trop élevés. En France, l’influence de Benjamin Constant se fera sentir jusqu’à la IIIe république : le rédacteur de cette constitution était son éditeur. Mais hélas pour nous, Benjamin-l’optimiste s’est lourdement trompé : que cela soit la tyrannie ou la dictature révolutionnaire, le XXe siècle n’a rien retenu des leçons de la France révolutionnaire ou napoléonienne…

La science économique

La douche froide ne s’arrête pas là pour nos amis courageux. Dès le début du XVIIIème siècle, avec son Essai sur la nature du commerce en général, Richard Cantillon, un Français d’adoption originaire d'Irlande, pose les bases de la science économique libérale sans les erreurs qu’Adam Smith commettra plus tard et qui ouvriront la voie à la valeur travail de Karl Marx. Cantillon entraînera dans sa suite les physiocrates, dont Jacques Turgot, brillant savant et contrôleur général de Louis XVI.

Le XIXe siècle sera un vrai feu d’artifice de sciences économiques françaises avec Jean-Baptiste Say, Frédéric Bastiat, Charles Coquelin et les auteurs du Journal des économistes, Yves Guyot…

La science économique classique portée par ces auteurs sera ensuite reprise du côté germanique avec Carl Menger puis Ludwig von Mises et Friedrich Hayek.
L’influence de l’Europe continentale, en particulier française, est donc déterminante dans l’évolution de la science économique et dans la compréhension des mécanismes d’une économie de marché.

Malgré ce cocorico libéral, pas question de substituer à la dénonciation de l'ultralibéralisme anglo-saxon celle d'un ultra interventionnisme tout autant anglo-saxon. Pourtant, le paradoxe est réel: de Marx l'exilé à Keynésien l'autochtone, les mauvaises idées économiques - que nous subissons encore aujourd'hui - viennent souvent de l'autre côté de la Manche.


La nature humaine, c’est exercer la raison et le langage et vivre en société

L’homme réduit à l’homo-economicus ? Le libéralisme développe une vision de l’individu et de la vie en société fondée sur le droit naturel

L’une des accusations souvent formulées à l’encontre du libéralisme est de réduire l’Homme à une simple machine économique calculant des profits et pertes pour maximiser son bien-être matériel : l’homo-economicus. Cette accusation est deux fois fausse.

D’abord le concept d’homo-economicus n’appartient pas particulièrement à l’école économique libérale. Au contraire, l’Ecole autrichienne, locomotive libérale en science économique, critique sévèrement ce concept utilisé abondamment par des écoles économiques interventionnistes.

Ensuite et surtout, le libéralisme est d’abord une philosophie du droit et de la politique. Son socle n’est de toute manière pas un concept venant des sciences économiques.

Dans le cadre de la philosophie du droit, le libéralisme s’appuie sur une définition de la nature humaine proche de la philosophie classique grecque : un individu doué de la raison et du langage vivant en société. C’est à partir de cette définition que le libéralisme développe sa vision de l’individu et de la vie en société, à travers la tradition du Droit naturel. Exit l’homo-economicus, place à la nature humaine

Les étages de la fusée « Droit naturel »

« Rejeter le Droit naturel revient à dire que tout droit est positif, autrement dit que le droit est déterminé exclusivement par les législateurs et les tribunaux des différents pays. Or, il est évident et parfaitement sensé de parler de lois et de décisions injustes. En passant de tels jugements, nous impliquons qu’il y a un étalon du juste et de l’injuste qui est indépendant du droit positif et qui lui est supérieur : un étalon grâce auquel nous sommes capables de juger du droit positif. »
Léo Strauss,Droit naturel et Histoire

Etage n° 1 : La raison. Avec la modernité au XVIIIe siècle, la raison devient le meilleur outil capable de connaître et comprendre quelque chose à la nature humaine et au monde extérieur. Cela ne veut pas dire que tout le monde, tout le temps, accède à la vérité. C’est même plutôt le contraire, la raison n’étant pas infaillible ni répartie également. Cela veut juste dire que cette tentative est possible. Cette possibilité est aujourd’hui largement contestée dans les sciences humaines postmodernes pour qui la raison n’est que le jouet passif de la classe sociale, l’histoire, la culture ou l’inconscient.
Etage n° 2 : La nature humaine. D’Aristote à John Locke, en passant par l’École de Salamanque, les penseurs cherchent donc à déterminer ce qui constitue la nature humaine. Les débats qui ont eu lieu remplissent des bibliothèques entières… et ils vont probablement encore remplir dans les prochains siècles des teraoctets de mémoire optique quantique quadridimensionnelle en silicium jupitérien.

Pour les libéraux de la tradition du Droit naturel moderne, la définition la plus concise est : « La nature humaine est d’être un individu doté de la raison, du langage et vivant en société. »
Etage n° 3 : Le Droit naturel. Il s’agit ensuite de déduire les grandes règles du droit respectant cette nature humaine. On peut décliner ces grandes règles sous forme d’interdiction « Ne pas agresser physiquement » ou sous forme de droits (« droit à la sécurité ») comme dans la déclaration des droits de l’Homme de 1 789. Ces grands principes universels guident ensuite un code de lois grâce à l’infinité de situations qui se présentent devant le juge ou le législateur. Ces codes de lois peuvent varier suivant les cultures et les époques, tout en restant dans le cercle de ces principes.

La nature

La « nature » du Droit naturel ne fait pas référence à la nature, aux petits oiseaux, au shampoing à la camomille, à la jungle ou l’herbe verte, mais à une autre définition de ce même mot.

« Nature : ensemble des caractères fondamentaux propres à un être ou à une chose », comme le dit si bien un gros livre un peu ennuyeux à lire de A à Z mais si pratique pour comprendre une langue. La nature d’un pont est par exemple d’enjamber un obstacle. La nature humaine est bien sûr beaucoup plus compliquée à définir que la nature pontaine. Beaucoup d’ailleurs affirment, soit qu’elle n’existe tout simplement pas, soit qu’elle est totalement dominée par la culture.

A contrario, pour les défenseurs du Droit naturel, la raison – même incertaine – permet d’approcher une nature humaine et un droit conforme à cette nature. Les lois particulières à chaque culture, par delà leurs différences, devant être conformes à ce Droit naturel.

L’égalité en droit

La nature humaine, c’est donc d’être un individu doté de la raison et du langage vivant en société. Quelles sont les règles — le Droit naturel — conformes à cette nature humaine ?

D’abord, par définition, tous les êtres humains partagent la même nature humaine. Il n’y a pas plusieurs types de nature humaine, donc il n’y a pas plusieurs types d’êtres humains. Il n’y a pas de sur-être humain, de sous-être humain, d’être humain du haut, d’être humain du bas. Si tous les Hommes partagent la même nature humaine, qui fonde le Droit naturel, ils sont donc égaux devant le droit.

La première règle du Droit naturel, c’est l’égalité en droit, l’égalité devant la loi. Des lois posées par les États qui distingueraient différents types d’êtres humains ne seraient pas conformes au Droit naturel. L’apartheid, les lois antisémites ou les lois de l’Ancien régime protégeant les privilèges de l’aristocratie sont des exemples flagrants d’une telle violation.
Aujourd’hui, sous l’influence du postmodernisme et de sa branche activiste, le politiquement correct, la loi devient différente selon les catégories d’êtres humains : loi sur la parité, discrimination positive, distinctions selon les revenus, les professions.

La sécurité et la propriété de soi

« Article II : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »
Déclaration des Droits de l’Homme de 1789

La première des conditions pour être un individu est d’être vivant (eh oui, avec l’usage de la raison, on fait vraiment des découvertes stupéfiantes… Ça ne rigole pas chez les partisans du Droit naturel). D’une manière générale, on ne peut rien faire sans vivre. Agir et penser nécessitent d’être vivant, y compris d’ailleurs pour se suicider ou pour désirer la mort. Les individus sont les seuls « propriétaires » de leur vie. Un droit conforme à la nature humaine interdit donc l’agression physique.

Personne n’a le droit de vous tuer ou de vous blesser, même si vous êtes très pénible à supporter. Personne ne peut vous interdire de vous tuer doucement (alcool, joint, charcuterie) ou rapidement (euthanasie, scooter), même si vous êtes très sympathique. Le corollaire de ce droit pour un gentilhomme est le devoir de respecter la vie et la sécurité des autres personnes.

La liberté

Vous avez donc un droit à la liberté. Il ne s’agit pas de la liberté métaphysique (liberté par rapport à Dieu, à la nature humaine ou à ses passions), ni d’un droit à la capacité, un droit d’être ou avoir ce que l’on rêve d’être ou avoir (liberté d’être beau et célèbre, liberté d’avoir des vacances à la plage, etc.). Il s’agit de la seule liberté qui puisse être garantie par une loi humaine sans nuire à la liberté des autres : la liberté d’agir ou de penser sans limite autre que la jouissance des même libertés par les autres. Le corollaire de ce droit pour un gentilhomme est le devoir de respecter la liberté des autres personnes.


La propriété

Pour beaucoup de gens, la propriété est le vilain petit canard des droits naturels. Un truc un peu vulgaire et matérialiste par rapport à la liberté. Et surtout quelque chose d’acquis aux dépens des autres. En réalité, la propriété est un magnifique cygne conspué justement parce qu’il est le socle incontournable de la liberté. Dans ce monde matériel, l’usage libre de votre temps implique que vous puissiez échanger ou produire des biens matériels.

Si quelqu’un vous prend ces biens matériels sans votre consentement, cela signifie qu’il a disposé du temps que vous avez mis à les produire ou à les échanger. On ne peut pas être en sécurité, en vie, si l’on ne peut pas disposer du fruit de son travail et de ses échanges pour assurer sa survie. On ne peut pas être libre si l’on vous confisque les ressources que vous avez obtenues par votre travail ou par vos échanges. On ne peut pas être libre si l’on est obligé de quémander à l’Etat ou à ceux qui le dirigent l’usage de ses propres ressources en échange de la soumission ou de l’obéissance. On ne peut pas mener à bien ses projets si ce que l’on possède est confisqué par l’État pour que ce dernier mène à bien ses propres projets, ou plus exactement, les projets des lobbies qui le contrôlent. Le droit à la propriété est donc une conséquence du droit à la liberté et du droit à la sécurité.

Le corollaire de ce droit pour un gentilhomme (ou une gentille femme) est le devoir de respecter la propriété des autres.


Le salaire minimum, une aberration au seul profit du prestige de la classe politique

Le salaire minimum, voilà l'ennemi. Les travailleurs n’ont pas à être reconnaissants à l’État d'un salaire qu’ils ne doivent qu’à leur talent
Dans Action humaine, Ludwig von Mises écrit : 

« L’histoire est un long répertoire de prix-plafonds et de lois contre l’usure. A de nombreuses reprises, des empereurs, des rois, des dictateurs révolutionnaires ont tenté de s’immiscer dans les phénomènes de marché. Des punitions sévères ont été infligées aux réfractaires, négociants et cultivateurs. Bien des gens ont été victimes de poursuites rigoureuses qui soulevaient l’approbation enthousiaste des foules. Rien n’y fit, toutes ces entreprises ont échoué. L’explication que les écrits des juristes, des théologiens et des philosophes offraient de cette faillite s’accordait pleinement avec les opinions des dirigeants et des masses. L’homme, disaient-ils, est intrinsèquement égoïste et pécheur, et les autorités étaient malheureusement trop indulgentes en faisant appliquer la loi. Il ne fallait que davantage de fermeté et de ton péremptoire de la part des gens au pouvoir… »

Les étatistes sont formels, dans un marché libre, les salaires baissent et les loyers augmentent. Toujours.

Les travailleurs qui louent leur habitation sont-ils alors condamnés à être de plus en plus pauvres ?

Non  ! Heureusement, l’Etat nounou, héros solitaire contre tout exploiteur, tel un demi-dieu de l’économie, fixe le salaire minimum pour éviter l’exploitation, puis le loyer maximum pour éviter l’expulsion. Les électeurs rassurés peuvent voter pour leurs sauveurs, une classe politique étatiste infiniment bonne qui les aime et qui les protège. Ce mythe du salaire minimum ou du loyer maximum est l’une des plus grosses fumisteries que les étatistes ânonnent pour justifier leur existence.

La réalité est que les travailleurs ne doivent leur pouvoir d’achat qu’à eux-mêmes, à la force de leur bras et à l’intelligence qu’ils ont entre les oreilles. Ils n’ont pas à être reconnaissants à l’Etat pour un salaire qu’ils ne doivent qu’à leur talent.

Le salaire minimum comme le loyer maximum est une aberration économique au seul profit du prestige de la classe politique – ou des syndicats – et au détriment des plus pauvres.

Le prix plancher

Le prix plancher, officiellement, c’est l’Etat qui, par la seule force de sa volonté, fixe un prix minimum juste et beau à un bien ou à un service (par exemple certains prix agricoles, les prix des livres, le salaire minimum).

C’est très beau, le paranormal au service du juste et du beau. Malheureusement, depuis la pierre philosophale, nous savons tous que la création de richesses par simple contact d’une pierre magique ou d’un texte de loi, c’est rare.

L’Etat est totalement incapable de fixer un prix minimum à une catégorie d’échanges sans supprimer une partie de ces échanges. Si l’État fixe un prix minimum de 10 euros à un journal quotidien, vous n’allez pas vous mettre à acheter le journal à 10 euros, vous allez simplement renoncer à acheter ce journal pour acheter autre chose. Pour ceux qui doivent vendre des journaux, la concurrence est plus dure, les acheteurs sont plus rares. C’est 10 euros ou rien du tout. Les acheteurs peuvent donc faire les difficiles, poser leurs conditions.

Ainsi, l’État ne fixe rien. Il se contente d’interdire l’existence d’échanges de biens ou de services en dessous d’un prix donné. Cela ne signifie absolument pas qu’il a créé ex nihilo des nouveaux échanges à un autre prix pour remplacer ceux dont il a empêché l’existence.

Le salaire minimum

Parmi les nombreux totems de la religion de l’Etat-Dieu, il en est un devant lequel la classe politique fait consciencieusement sa génuflexion bien dans l’axe de la caméra : le salaire minimum. Elle n’a pas beaucoup de mérite à se prosterner avec emphase, ce totem est d’abord à sa gloire et au détriment des travailleurs les plus modestes. En premier lieu, le salaire minimum est immoral : il empêche des échanges souhaités par les deux parties. Si l’échange n’était pas souhaité par l’une ou par les deux parties, il ne serait pas nécessaire de l’interdire, il n’aurait pas lieu de toute manière. Car si le salaire minimum ne force que très marginalement les salaires vers le haut, il empêche d’exister les emplois avec des salaires en dessous du Smic.

Les travailleurs modestes font donc face à un chômage important qui les met dans une concurrence aggravée face aux employeurs. Les étatistes ont tellement conscience de ce phénomène qu’ils se gardent bien de multiplier par deux ou par trois le Smic : cela créerait immédiatement un chômage de masse. Dans le même temps, les étatistes multiplient les emplois payés en dessous du Smic – emplois aidés, stages, suppression des cotisations fiscales, etc – dont ils s’attribuent encore le mérite. Qu’il existe des employeurs cupides, c’est une réalité, mais la meilleure méthode pour limiter leur nuisance, c’est de favoriser la concurrence entre employeurs, y compris pour les bas salaires. Le Smic ne sert ni les travailleurs, ni les patrons. Il ne sert que les étatistes.

Le salaire minimum contre les travailleurs

La propagande sur le salaire minimum est donc parfaitement mensongère : les travailleurs ne doivent rien aux étatistes ni aux syndicats. Si les patrons les payent un certain salaire, c’est parce que leur travail vaut ce salaire, pas parce que l’Etat fixe un salaire minimum.

L’Etat nounou s’attribue ainsi le mérite d’une rémunération qui ne lui doit rien. Beaucoup de salariés sont embauchés au-dessus du Smic, alors que le patron aurait sans doute voulu les payer moins. Le patron n’avait pas le choix : il était en concurrence avec d’autres patrons et ce travail valait ce salaire. Il en est de même avec de nombreux salariés au Smic : leur salaire vaut de toute manière le Smic ou plus, et s’ils sont payés ainsi ce n’est pas par charité, ni par obligation, mais parce que de fait, leur travail a de la valeur.

Ainsi, les étatistes n’hésitent pas à rabaisser les travailleurs en leur faisant croire qu’ils doivent leur pouvoir d’achat à l’Etat nounou. C’est faux, d’autant que dans le même temps les étatistes multiplient les prélèvements : cotisations pour les caisses maladie et de retraite mal gérées et imposées en monopole, pour les organismes de formations inutiles, par l’inflation monétaire.

Le prix plafond

Avec le prix plancher (le salaire minimum), l’autre grande habitude des étatistes est de fixer un prix plafond à certains biens (parfois un loyer). Comme le prix plancher, le prix plafond est injuste et inefficace. Le seul moyen de faire diminuer le prix d’un bien est d’augmenter sa profusion. Fixer un prix plafond (sur le logement par exemple) sur une ressource rare n’abolit pas la rareté de la ressource. Quoi qu’en disent les hommes politiques, ils n’ont pas un chapeau magique d’où sortent des lapins à volonté, permettant de faire baisser le prix de ces derniers.

Pour faire baisser le prix des lapins fixé entre personnes libres, il ne suffit pas de déclamer une formule magique : « Lapin, sois moins rare ! » même avec le vocabulaire ronflant, technique et incompréhensible d’une mesure administrative.

Lorsqu’un bien ou un service est rare, il y a trois manières de le partager :

– La violence : le plus gros tape sur le plus petit et prend le bien rare. Méthode longtemps utilisée alors même qu’elle fait très mal (mais c’était avant le libéralisme et la reconnaissance du Droit à la propriété.)

– La queue : spécialité soviétique ou des HLM, le premier arrivé est le premier servi. J’y suis, j’y reste. Enfin « premier arrivé, premier servi », c’est seulement pour les plus faibles ou les plus honnêtes. Les passe-droits, les petites enveloppes ou les coups médiatiques permettent aux plus forts ou aux plus grandes gueules de s’épargner ce genre de désagréments.

– Les prix : chacun en fonction de son envie subjective, de ses moyens, de ce qu’il est prêt à échanger et des envies subjectives des autres, accepte ou non de faire la transaction. Lorsque beaucoup de personnes veulent des lapins ou des logements, d’autres personnes libres changent d’activité pour leur fournir davantage de lapins ou de logements.

Dans une organisation humaine, il n’existe pas de quatrième méthode magique, juste, omnisciente et bonne permettant d’affecter des biens rares. En fixant un prix plafond, l’Etat n’abolit en aucune façon la rareté du bien visé. Il ne répartit pas non plus les biens selon une quatrième méthode. Il se contente de privilégier une méthode d’attribution en tous points inférieure à celle des prix : la queue et ses passe-droits.

Et il empêche le seul processus capable de faire réellement diminuer la rareté de ce bien : faire en sorte que davantage de personnes libres, attirées par l’augmentation du prix, consacrent leur travail, leur intelligence et leur imagination à la production de davantage de lapins, euh… de biens


Le protectionnisme ne fait que traiter 
un symptôme en aggravant la maladie

Ce fléau nommé mondialisation. Difficile d’interdire les échanges avec l'extérieur, dans l’intérêt économique de tous

Dans Action humaine, Ludwig von Mises (1881-1973) écrit : 

 « La philosophie protectionniste est une philosophie de guerre […]. La Société des Nations a fait faillite parce qu’il lui manquait l’esprit du libéralisme authentique. C’était une entente entre des gouvernements animés par l’esprit du nationalisme économique et entièrement voués aux principes de la guerre économique. Pendant que les délégués se complaisaient à tenir des discours sur la bonne volonté entre peuples, les gouvernements qu’ils représentaient infligeaient des dommages abondants à toutes les autres nations… »

Le libéralisme n’avait déjà pas très bonne réputation chez certains bien pensants, et ce « bad boy » n’a rien trouvé de mieux que d’aller traîner avec le nouveau caïd de la planète : la mondialisation. Il y en a qui cherchent vraiment les ennuis !

Car les méfaits de la mondialisation seraient innombrables : elle délocalise le travail des employés nationaux, elle tire les salaires vers le bas, elle augmente le déficit de la balance commerciale, elle désindustrialise notre pays, elle appauvrit les pays pauvres, etc.

Heureusement, des super-héros souverainistes ou socialistes veulent nous interdire d’échanger dans notre intérêt, tout en augmentant leur pouvoir sur nos vies. Pour les libéraux, la mondialisation n’est pas parfaite sur de nombreux plans, mais d’abord, elle est optionnelle. Personne n’est obligé d’acheter des produits étrangers, de travailler pour ou avec des étrangers. Les souverainistes ne veulent pas résister à la mondialisation – ils peuvent déjà le faire –, ils veulent commander aux autres.

Ensuite, une grande partie des méfaits qu’on reproche à la mondialisation sont inexacts ou viennent d’exactions des États eux-mêmes. Revue de détail.

Le déficit commercial

A la messe du journal de 20 h 00, le grand prêtre a un regard soucieux lorsqu’il annonce la terrible nouvelle : « Notre pays a un déficit commercial de (beaucoup) de millions, c’est très très grave et même un peu inquiétant ». Puis il passe la parole à un souverainiste, au regard lui aussi soucieux, mais avec cette pointe de détermination farouche, caractéristique de l’étatiste qui sait ce qu’une politique volontaire peut apporter à l’économie. Le constat est froidement évoqué par cet homme lucide, et la solution d’une logique imparable est chaudement recommandée par cet homme d’action : « Si nous avons un déficit, c’est parce que nous importons trop et que nous n’exportons pas assez, donc il faut limiter les importations avec le protectionnisme et augmenter les exportations grâce à la dévaluation de la monnaie. » La lumière apparaît au bout du tunnel. Non ! Le déficit commercial n’est pas une fatalité et les souverainistes lucides vont nous protéger contre l’ultralibéralisme.

Oui, sauf que le déficit commercial n’est pas en soi un problème, tandis que le protectionnisme comme la dévaluation de la monnaie sont des problèmes. Le souverainiste est finalement surtout très lucide pour augmenter le pouvoir de l’Etat (et le sien) au détriment du peuple au nom de faux problèmes.

La balance commerciale

Une première observation : la balance commerciale comme le déficit commercial sont des créations comptables artificielles dues à l’existence d’une frontière. On pourrait tout aussi facilement calculer la balance commerciale d’une région vis-à-vis des autres ou d’un quartier vis-à-vis du reste de la ville, etc. On peut couper le pays en 2, 3 ou 3 419 morceaux, puis calculer entre ces morceaux des déficits commerciaux, qu’il faudrait corriger en donnant plus de pouvoir aux élus locaux.

Une deuxième observation : un déficit commercial n’est pas forcément une mauvaise chose. L’argent utilisé pour acheter les marchandises à l’étranger peut revenir sous forme d’investissements dans le pays importateur ou de versements de dividendes ou de salaires effectués par des Français à l’étranger. Si votre maison était un pays, elle serait en lourd déficit commercial. Vous passeriez votre temps à importer des biens de consommation mais cela n’aurait pas d’importance : votre travail, votre épargne effectués en dehors de votre appartement vous rapporteraient des devises. La balance commerciale seule n’est pas un signe de bonne ou de mauvaise santé économique.

Ce qui peut poser problème à long terme, c’est lorsque le pays, le quartier ou l’individu s’endettent pour consommer. C’est-à-dire qu’ils échangent un bien ou un service aujourd’hui contre un paiement demain parce qu’ils ne produisent pas assez aujourd’hui pour payer leur consommation. Le déficit commercial n’est pas forcément un problème. C’est un symptôme qui, lorsqu’il est accompagné d’un autre symptôme, la dette pour consommer, est le signe d’une maladie : production trop faible par rapport à la consommation.

Les solutions protectionnistes des souverainistes ne font que traiter un symptôme – le déficit commercial – en aggravant la maladie.

La désindustrialisation

Pour justifier l’interdiction d’échanger entre deux personnes qui ne leur ont rien demandé et qui ne leur font pas de mal, les étatistes s’appuient sur des macro-statistiques, vraies ou fausses, qui s’éloigneraient d’une valeur idéale – connue d’eux seuls – et qu’ils auraient la lourde charge de corriger.

La désindustrialisation est devenue le grand drame national des souverainistes comme des socialistes, qu’ils se proposent de résoudre en taxant les produits étrangers. Le remède est suspect, d’autant que la maladie est incertaine. La « désindustrialisation » est un phénomène mondial. Partout dans le monde la part de l’industrie dans les économies diminue au détriment des services. D’abord grâce à des technologies de plus en plus performantes qui diminuent les besoins de main-d’œuvre dans l’industrie, ensuite parce que de nombreuses industries ont externalisé tout ce qui n’était pas dans leur cœur de métier. Là où hier, un constructeur automobile avait des employés pour faire le ménage et la communication, il aurait plutôt tendance aujourd’hui à faire appel à une société de ménage ou de communication externe. Le même employé faisant le même travail dans la même usine fait aujourd’hui partie du secteur des services.

La « désindustrialisation » ne se traduit donc même pas par une baisse de la production industrielle, nos industries produisent plus aujourd’hui, mais avec moins de monde.

La baisse des salaires

Quoi de plus beau qu’un souverainiste, dans le soleil levant, prenant la tête d’une croisade pour protéger les bas salaires de l’affreuse mondialisation libérale, un subtil mélange de Jean Valjean, d’Ivanhoé et de l’abbé Pierre au service des ouvriers ? Cette image héroïque se base d’abord sur un gros, gros, gros malentendu.

Le salaire nominal, ce n’est pas le pouvoir d’achat. Un ouvrier qui gagne 100 euros par jour avec un chariot de course moyen à 80 euros par jour est plus prospère qu’un ouvrier qui gagne 200 euros par jour avec le même chariot moyen qui coûte 250. Le salaire nominal peut parfois effectivement baisser avec le libre-échange, mais cela se traduit dans le même temps par une baisse encore plus importante du prix des biens et des services. Sans la mondialisation, les prix des biens exploseraient, des téléphones portables jusqu’aux voitures en passant par le matériel médical. Les Ivanhoé du protectionnisme devraient bien expliquer cela à leurs protégés : 

« Vous allez gagner plus, mais vous pourrez acheter beaucoup moins. »

D’autant que le protectionnisme s’appuie sur une méthode simple : taxer les produits étrangers. Sauf que là aussi l’expression est trompeuse. Ce ne sont pas les produits étrangers qui sont taxés, ce sont ceux qui les achètent. On n’a jamais vu un paquet de T-shirts chinois sortir 300 euros pour les donner à la douane française. Ceux qui payent la taxe sont ceux qui achètent les T-shirts : les Français, souvent d’ailleurs les plus modestes.

 L’altermondialisme

Certains messages de l’altermondialisme sont des petites lumières sympathiques : la réduction de la pauvreté, l’importance des choix des personnes même lorsqu’ils ne sont pas conformes aux goûts de la majorité, certaines critiques pertinentes sur le rôle et les actions des institutions internationales. Le problème est que dès que l’on va au-delà de cette jolie petite lumière, on découvre rapidement les vieilles dents décrépites du marxisme, la lutte des classes, un constructivisme mondial via des taxes ou des interdits, un étatisme omniprésent, le mépris des droits fondamentaux au profit d’une liste de droits créances approximative et changeante. Ces vieilles dents ont déjà fait des méchantes morsures à l’humanité, en la maintenant dans la misère ou en asservissant des personnes libres.

Cela étant, si les libéraux refusent l’alter-monde néo-marxiste, cela ne signifie pas qu’ils trouvent la mondialisation satisfaisante. Au contraire, pour les libéraux, les progrès à accomplir à l’échelle mondiale sont immenses en ce qui concerne le respect des droits naturels – sûreté, liberté, propriété –, la démocratie, le droit, les distorsions dues à la monnaie, la lutte contre la corruption, l’éducation… Raison de plus pour ne pas appliquer à l’échelle mondiale ce qui n’a jamais marché à l’échelle nationale, régionale, continentale…

Par Daniel Tourre
Source L'Opinion


Daniel Tourre

De Wikiberal
Daniel Tourre, né en 1971 à Paris, est un auteur libéral français. Il fait partie des 100 auteurs du livre Libres ! 100 idées, 100 auteurs.  
l passe une partie de son enfance en Île-de-France et, suivant les déplacements de ses parents, à Madagascar et au Portugal.
Militant dans le milieu libéral au lycée et à l’université, il étudie la physique théorique à Strasbourg puis à Groningen (Pays-Bas) et St Andrews (Écosse).
Il débute ensuite une carrière en indépendant sur l’informatique bancaire où il se forme sur l’économie, la gestion des risques bancaires et les problèmes monétaires.
En 2007, considérant que le libéralisme n’est ni de droite, ni de gauche, il adhère le même jour au PS et à l’UMP afin de défendre cette doctrine en interne dans les deux grands partis de gouvernement. Il s’investit aussi dans un nouveau parti libéral, Alternative Libérale, dont il est le candidat pour les législatives dans le Ve arrondissement de Paris en 2007.
Il accompagne la création du Parti Libéral Démocrate qu’il quitte début 2012 pour animer la campagne présidentielle fictive de Frédéric Bastiat (www.bastiat2012.fr).
Il vit aujourd’hui avec sa femme à Nancy tout en travaillant à Paris et au Luxembourg. 


Pulp Libéralisme

En 2012, Daniel Tourre publie Pulp Libéralisme, La tradition libérale pour les débutants, aux éditions Tulys.
Ce livre présente de manière humoristique les bases philosophiques du libéralisme classique ainsi que des notions de sciences économiques. Il est divisé en 36 courts chapitres répondant à des clichés communs sur le libéralisme.
Distrayant, il est illustré par près de 230 vignettes kitsch de bandes dessinées américaines des années 1950 (super-héros, robots, monstres improbables, demoiselles en détresse...) dont le contenu des bulles a été modifié.
Il s’appuie aussi sur plusieurs centaines de citations courtes d’auteurs majeurs du libéralisme, permettant d’identifier les ouvrages permettant d’aller plus loin à ceux qui le souhaitent. 


Citations

  • « Une pièce d’or, trouvée au fond de l’eau dans un galion naufragé, a conservé sa valeur pendant 400 ans, sans banque centrale, sans experts et sans ministres de l’Economie. Les crustacés sont manifestement plus compétents pour garder une monnaie saine, moins arrogants et moins coûteux qu’une banque centrale ».
  • « En France, il n'y a pas de problèmes économiques, il y a juste des taxes qui n'ont pas encore été trouvées. »
  • « L'État mammouth veut votre bien. Le maximum de votre bien. »

Liens externes

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janvier 16, 2015

RP#9 - Stratégie - Guerres et Paix ( sommaire: 8 thèmes actuels)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Sommaire: 

A) - Le budget de la défense reste insuffisant face aux nouvelles menaces - Les Echos du 16 janvier 2015 par le groupe de réflexion « les Arvernes3 »

B) - Le jihad en Syrie et en Irak : un défi pour la France - IFRI du 16 janvier 2015 par Marc Hecker

C) - Le vrai crime de la Corée du Nord - Slate du 16 janvier 2015 par Anne Applebaum

D) - En attendant l’issue des négociations entre l’Iran et l’Occident sur le nucléaire... - L’Orient le Jour du 16 janvier 2015 par Scarlett Haddad


E) - Les Etats-Unis sur les dents après les attentats de Paris - La Libre Belgique du 16 janvier 2015


F) - 102,9 milliards de dollars - Le monde du 16 janvier 2015

G) - Nasrallah menace de riposter contre les raids israéliens en Syrie - L’Orient le Jour du 16 janvier 2015

H) - Bassin du lac Tchad : vers un Etat islamique Boko Haram ? - L’Express du 15 janvier 2015 par Alain Nkoyock



 
A) - Le budget de la défense reste insuffisant face aux nouvelles menaces


Alors que le coût des opérations extérieures explose, le budget voté pour le ministère de la Défense en 2015 comporte de graves lacunes. A l’occasion de ses vœux aux armées et cherchant à tirer les conséquences des attentats meurtriers qui ont récemment frappé notre pays, le président de la République a annoncé le 14 janvier 2015 qu’il souhaitait revenir sur le rythme de réduction des effectifs du ministère de la défense. Cette annonce intervient dans un contexte d’accroissement régulier des risques et des menaces de nature géopolitique, alors que l’année 2015 se lève sous des auspices particulièrement troublés, dans un contexte de hausse régulière des difficultés structurelles du ministère français de la défense. En effet, la politique de défense du président de la République est construite sur le postulat suivant : le budget de la défense est sanctuarisé et « l’effort de la nation pour sa défense est tenu ». Ces assertions sont à ce jour totalement fausses. De fait, en 2015, le ministère de la Défense continue de s’affaiblir. En dehors des 7.500 postes supprimés, soit 65 % des 11.431 postes supprimés dans la fonction publique d’Etat, le budget voté par l’Assemblée nationale le 18 novembre 2014 pour 2015 fait état de 31,4 milliards d’euros de crédits de paiement pour la défense, dont 2,4 milliards d’euros constitués de « crédits exceptionnels », qui ne sont gagés sur rien de tangible.

Ces « crédits exceptionnels » devaient entre autre être tirés de la vente de fréquences hertziennes et des retombées des exportations d’armements. Or, le ministère de la Défense est aujourd’hui confronté à un double problème. D’une part, les ventes de fréquences ne pourront pas se faire avant 2016 pour des raisons de négociations internationales et d’atonie du marché des télécommunications. D’autre part, les exportations françaises d’armements sont confrontées à de nouvelles difficultés qui tiennent d’abord aux irrésolutions de la politique française de défense. Ainsi, depuis le début de l’année, l’Inde a fait savoir à deux reprises qu’elle étudiait un plan B pour l’équipement de ses forces aériennes, en proposant d’acheter des avions de combat russes Sukhoi-30 plutôt que les 126 Rafale proposés par Dassault. A cela s’ajoute une dimension politique plus franco-française qui pourrait conduire à la fin des espoirs de Rafale sur ce marché. Si c’était le cas, des questions devraient être posées sur les possibles effets de la récente crise franco-russe sur ce contrat et sur l’impact plus global de l’attitude française sur nos potentiels acheteurs d’armements. De fait, on ne mesure pas suffisamment le coût politique que représente pour l’industrie française de défense la non-livraison des deux navires BPC de classe Mistral à la Russie, en décembre dernier.

 L’erreur politique fut effectivement de signer ce contrat avec la Russie en juin 2011, éveillant la méfiance de nos partenaires de l’Otan. Mais à cette erreur initiale s’ajoute désormais un doute certain sur la parole de la France et sur sa capacité à honorer les contrats signés ; ce que n’ont pas manqué de rappeler les Russes aux Indiens. A l’heure où le budget des opérations extérieures françaises explose (450 millions prévus dans le budget 2014 pour une facture finale dépassant le milliard d’euros) et où la Cour des Comptes pointe dans son rapport du 29 septembre 2014 l’extrême faiblesse du maintien en condition opérationnelle des matériels militaires français, le ministère de la Défense propose, pour colmater les brèches budgétaires de plus en plus béantes, de vendre notre matériel militaire à des sociétés de projet ou SPV (« special purpose vehicle »), qui seront ensuite chargées de louer ces matériels à nos forces. Un constat évident s’impose : la défense française n’est pas du tout sanctuarisée.  

Les récents propos du président de la République montre au contraire, s’il en était encore besoin, que les sacrifices imposés au ministère de la Défense depuis 2012 ont durablement fragilisé notre sécurité et nos capacités à répondre avec succès aux défis sécuritaires, d’où qu’ils viennent.



B) - Le jihad en Syrie et en Irak : un défi pour la France

Le jihad en Syrie et en Irak a attiré environ 15 000 volontaires étrangers dont 3 000 occidentaux. Parmi ces derniers, de nombreux Français. Les chiffres fournis par le ministère de l’Intérieur en novembre 2014 sont impressionnants : 1132 résidents français étaient alors impliqués dans les filières jihadistes. 376 étaient présents en Syrie ou en Irak, plus de 300 étaient décidés à partir de France, 184 étaient en transit, 199 avaient quitté les zones de guerre (dont 109, de retour en France, avaient été mis en examen) et 49 étaient décédés. Ces individus ont des profils variés : si les jeunes issus de familles musulmanes, ayant un faible niveau scolaire et des difficultés à s’insérer professionnellement semblent surreprésentés, on trouve aussi nombre d’individus ayant abandonné en France un emploi stable et convenablement rémunéré. Le nombre de convertis est élevé probablement supérieur à 20%. 

Les femmes sont nombreuses : environ 250. Si les cas d’adolescents ayant rejoint la Syrie ont particulièrement défrayé la chronique, la moyenne d’âge n’est en réalité pas si basse : elle se situerait aux alentours de 25 ans. L’origine géographique des jihadistes est tout aussi variée : plus de 80 départements français comptent au moins un jihadiste en Syrie ou en Irak. Internet et les réseaux sociaux ont facilité cette forme de décentralisation qui permet à l’idéologie de l’État islamique (EI) ou de Jabhat al-Nosra d’arriver jusqu’aux coins les plus reculés de Normandie ou du Languedoc-Roussillon. Pour mieux appréhender le phénomène du jihad en Syrie et en Irak, il convient de le remettre dans une perspective historique puis d’avancer certaines raisons expliquant l’engouement qu’il suscite. Ce n’est qu’ensuite que les mesures mises en place par la France pour lutter contre les filières jihadistes pourront être discutées. 

Les jihads de l’ère moderne
Le phénomène de l’afflux de jihadistes étrangers vers une zone de conflit n’est pas nouveau. L’occupation de l’Afghanistan par l’Union soviétique dans les années 1980 a ouvert l’ère du jihad moderne. En 1984, Oussama Ben Laden et Abdallah Azzam créent à Peshawar une
structure appelée le « bureau des services » – l’ancêtre d’Al Qaïda – chargée d’accueillir les volontaires arabes désireux de soutenir les moudjahidines afghans. En 1984 également, Azzam publie un livre intitulé La Défense des territoires musulmans dans lequel il affirme que le jihad en Afghanistan est une obligation individuelle pour tous les musulmans. Cette affirmation constitue une innovation doctrinale majeure puisqu’elle déterritorialise le jihad. En effet, jusqu’alors, l’obligation individuelle de faire le jihad ne s’appliquait qu’aux habitants du territoire concerné. L’appel d’Azzam est entendu : de 1984 à 1989, le « bureau des services » attire des milliers de combattants arabes. Les estimations varient grandement selon les sources : entre 3 000 et 25 000. Les conséquences de ce jihad afghan se sont fait sentir sur le long terme. Le retour des jihadistes dans leur pays d’origine a été un facteur de déstabilisation, le cas le plus emblématique étant celui de l’Algérie où les « Afghans » ont nourri la dynamique de la guerre civile. 
 
Dans la mythologie jihadiste, le jihad en Afghanistan occupe une place spécifique, d’une part parce qu’Al Qaïda y trouve son origine et d’autre part parce que les jihadistes sont convaincus qu’ils ont réussi à battre l’Armée rouge et, au-delà, à abattre l’Union soviétique. Les jihadistes jouiraient ainsi d’une supériorité morale qui leur permettrait de vaincre n’importe quel ennemi. D’autres jihads ont suivi dans les années 1990 et la première décennie des années 2000 Bosnie, Tchétchénie, Afghanistan post-2001, Irak post-2003 –, mais aucun n’a suscité le même engouement que celui des années 80 contre l’Union soviétique. Ce qui se lit dans les chiffres de volontaires affluant vers ces zones de conflits : pour ce qui est des jihadistes français, les départs vers chacun de ces théâtres se sont comptés en dizaines. Aujourd’hui, le jihad en Syrie et en Irak concurrence, dans l’imaginaire jihadiste, celui contre l’Union soviétique et ce pour plusieurs raisons. 

Les raisons de l’engouement pour le jihad en Syrie et en Irak
Au moins trois types de raisons théologiques, historiques et pratiques contribuent à expliquer pourquoi le jihad en Syrie et en Irak suscite un tel engouement. Au niveau théologique, tout d’abord, la Syrie est englobée dans ce que les jihadistes appellent « le pays de Cham ». Ils expliquent souvent que cette zone est magnifiée dans le Coran, et qu’elle constitue la deuxième région la plus importante dans l’islam après la péninsule arabique. Elle est, en tout état de cause, bien plus importante que le Khorasan, expression employée par les jihadistes pour parler de l’Afghanistan et d’une partie de l’Asie centrale. En outre, des cheiks influents, comme Youssef al Qaradawi, ont appelé au jihad en Syrie. Venir en aide aux populations massacrées par le régime alaouite de Bashar el-Assad est ainsi vu comme un acte légitime dans une grande partie du monde sunnite. Au niveau historique, la Syrie et l’Irak ont été le cœur du califat abbasside de 750 à 1258. Pendant une brève période, la ville de Raqqa aujourd’hui un des principaux bastions de l’EI – en a d’ailleurs été la capitale. 

Or le chef de l’EI, Abou Bakr al Bagdadi, accorde une importance particulière à la notion de califat : à l’été 2014 il s’est autoproclamé calife, et a par là même pris de court Al Qaïda dont les chefs conçoivent traditionnellement la restauration du califat comme l’aboutissement à long terme de leur lutte. Le califat se veut transnational et l’EI a beaucoup joué sur la symbolique de l’effacement des frontières héritées des accords Sykes-Picot. En plus de ces aspects théologiques et historiques, des raisons pratiques expliquent aussi l’attrait exercé par le jihad en Syrie et en Irak. La Syrie est facilement accessible via la Turquie. Quelques centaines d’euros suffisent pour se rendre à Istanbul puis à la frontière turco-syrienne et il n’est pas nécessaire d’avoir un visa, ni même un passeport, pour ce faire : une simple carte d’identité suffit. Par ailleurs, il est très aisé d’échanger sur les réseaux sociaux avec des jihadistes déjà présents en Syrie, qui peuvent donner des conseils utiles pour rejoindre ce pays. Ainsi le web social n’est pas seulement un vecteur de propagande pour l’EI ou Jabhat al-Nosra mais une véritable plateforme organisationnelle. L’engouement pour le jihad en Syrie et en Irak a de quoi inquiéter les autorités des pays occidentaux. 

Les responsables politiques français craignent en particulier que des combattants ne reviennent en France et ne commettent des attentats en s’inspirant de Mohammed Merah ou de Mehdi Nemmouche. Ils s’attèlent à prévenir un tel scénario. 

La lutte contre les filières jihadistes
Pour lutter contre l’EI, la France cherche à agir à la source en participant, depuis le 19 septembre 2014, aux frappes de la coalition internationale. Les moyens déployés sur le théâtre des opérations 9 Rafale, 6 Mirage 2000-D, un ravitailleur C 135FR, un Atlantique II et une frégate antiaérienne ne sont pas négligeables au regard des capacités et des engagements actuels des armées françaises. Sur le territoire français, une approche policière et judiciaire est privilégiée. En avril 2014, le ministre de l’Intérieur a ainsi annoncé la mise en place d’un plan de lutte contre la radicalisation, qui s’est d’abord traduit par l’ouverture d’un numéro vert destiné aux proches de personnes en voie de radicalisation. 

De la fin avril au début du mois de novembre, 625 signalements « pertinents et avérés » ont été effectués. Sur ces 625 signalements, une centaine de personnes avaient déjà quitté le territoire français. En novembre 2014, le dispositif français a été renforcé par l’adoption d’une nouvelle loi antiterroriste. Cette loi comprend trois points essentiels. Premièrement, elle permet des mesures d’interdiction administrative de sortie du territoire. Concrètement, un individu souhaitant se rendre sur une terre de jihad pourra se voir retirer, pour une durée maximale de deux ans, son passeport et sa carte d’identité. S’il tente de quitter le territoire français, il pourra être condamné à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Cette mesure ne sera pas infaillible dans la mesure où les frontières nationales sont poreuses : un individu déterminé à quitter la France n’aura pas grande difficulté à le faire malgré l’interdiction. En outre, un individu faisant l’objet d’une mesure d’interdiction de sortie pourra être tenté de passer à l’acte directement sur le territoire national. Deuxièmement, la notion d’« entreprise terroriste individuelle » est spécifiée dans la nouvelle loi. Cette mesure vise à prendre en compte l’évolution de la menace terroriste et à prévenir le passage à l’acte de « loups solitaires ». Cette innovation permettra sans doute de condamner et d’incarcérer des personnes dangereuses. Reste cependant à améliorer la prise en charge des jihadistes dans les prisons, pour qu’ils ne puissent pas radicaliser d’autres prisonniers. Reste aussi à améliorer le suivi des détenus après leur sortie de prison. En novembre 2014, un premier jihadiste de retour de Syrie a été condamné à 7 ans de prison. Que deviendra cet individu une fois sa peine purgée ? Comme l’a tragiquement rappelé l’attentat contre Charlie Hebdo, cette question se pose aussi pour les individus incarcérés dans de précédentes affaires de filières jihadistes, notamment du temps de la guerre en Irak au milieu des années 2000. Troisièmement, la nouvelle loi comprend des dispositions sur l’utilisation du web par les jihadistes. 

Elle permet notamment de sanctionner lourdement (jusqu’à 7 ans de prison) l’apologie du terrorisme sur Internet, et prévoit la possibilité pour l’autorité administrative de demander aux fournisseurs d’accès de bloquer certains sites web. Cette dernière mesure risque d’être peu efficace : il est facile, à l’aide de logiciels téléchargeables gratuitement, de contourner un tel blocage et, d’autre part, la propagande jihadiste sur le web se trouve aujourd’hui pour l’essentiel sur des plateformes grand public – comme Facebook –, qu’il n’est pas envisageable de bloquer. Pour que l’arsenal législatif antiterroriste soit utile, encore faut-il que les terroristes soient repérés, arrêtés et présentés à des juges. Le travail des services de renseignement est donc essentiel. En 2014, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a été transformée en Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), et une augmentation de ses effectifs a été annoncée. Ils passeront à environ 3700 dans les trois prochaines années. Quand on sait que la filature complète d’un individu nécessite une quinzaine d’hommes, et que le jihadisme n’est qu’un des sujets traités par la DGSI, il ne serait guère surprenant que d’autres attentats surviennent dans les prochaines années. 



 C) - Le vrai crime de la Corée du Nord


Les Etats-Unis ont sanctionné Pyongyang pour le piratage de Sony, mais qu’en est-il de sa responsabilité dans le meurtre de millions de personnes? Dans les années 1990, un important groupe de prisonniers fut libéré d’un camp de travail secret en Corée du Nord. Il ne s’agissait pas de criminels, pas même d’ennemis politiques. Non, de l’aveu même d’un ancien garde, il s’agissait de petits-enfants et même d’arrière-petits-enfants de «propriétaires terriens, de capitalistes, de collaborateurs du gouvernement colonial japonais et d’autres personnes à la généalogie problématique». A une époque, l’Union soviétique arrêtait les femmes et les enfants de prisonniers politiques. Récemment la Russie a envoyé en prison le frère d’un dissident politique. La Corée du Nord, elle, n’hésite pas à interner dans des camps des familles entières, sur plusieurs générations, durant des décennies. Et plusieurs d’entre elles s’y trouvent encore, notamment certaines qui avaient été apparemment libérées il y a vingt ans: sans logements, sans liens et sans connaissance de la vie en dehors du goulag, beaucoup ont tout simplement décidé de rester sur place. Ils étaient devenus «libres», mais ne pouvaient vivre ailleurs que dans la prison qu’ils avaient toujours connue. D’autres semblent en avoir disparu, mais pas parce qu’ils ont été relâchés. Le nombre de prisonniers dans les camps nord- coréens aurait, semble-t-il, chuté ces dernières années, alors que rien n’indique qu’ils sont partis. Tout laisse donc croire qu’ils sont sans doute morts de faim (nous parlons ici de dizaines de milliers de personnes). Voici donc la vraie nature du régime dont nous avons tant entendu parler en décembre: il emprisonne des familles entières sur plusieurs générations. Et lorsque la nourriture vient à manquer, il laisse tranquillement mourir des milliers de personnes. Les camps sont si sévèrement contrôlés qu’il est extrêmement difficile de trouver des informations à leur propos, même dans un monde où les téléphones et les services de messagerie instantanée sont omniprésents. 

Certains organismes, comme le Comité pour les droits de l’Homme en Corée du Nord, font un travail extraordinaire pour se tenir informés de ce qui se passe dans le pays au moyen de photographies par satellite et de renseignements provenant notamment de déserteurs de l’armée. Mais ceux qui parviennent à s’échapper en passant par la frontière chinoise mettent parfois des années à rejoindre la Corée du Sud, non sans être victimes en chemin de passages à tabac, de violences sexuelles et/ou de la famine. Lorsqu’ils arrivent, leurs souvenirs des camps de prisonniers remontent parfois à plusieurs années. Pire encore, leurs témoignages sont souvent difficiles à entendre. Il n’est, par exemple, pas facile de se fier aux témoignages des déserteurs. Ils sont souvent timides, instables sur le plan émotionnel et incapables de se faire à la vie en Corée du Sud ou ailleurs. Il y a quelque chose, dans la sévérité du régime nord-coréen, qui dépasse l’entendement: il nous semble si étrange qu’il nous fait rire au lieu de nous faire pleurer. J’ai entendu un jour, lors d’une rencontre organisée par le Congrès américain, plusieurs anciens prisonniers nord- coréens parler de leur vie derrière les barbelés. Leurs récits étaient consternants. Mais même si le public les écoutait avec attention, il était clair qu’il attendait qu’un parlementaire ne dénonce le régime de Pyongyang dans un langage plus familier.
 
Cela aide peut-être à comprendre pourquoi les efforts menés pendant tant d’années ont eu moins d’impact sur la politique extérieure américaine que l’annonce du piratage des systèmes informatiques de Sony Pictures par des hackers apparemment liés à Pyongyang et leur révélation de ragots sur Angelina Jolie pour se venger de la sortie du film L’Interview qui tue, comédie pas drôle sur le dictateur nord-coréen. Je ne veux pas minimiser la dangerosité du piratage informatique (la prochaine cible pourrait être une centrale nucléaire), mais il n’en est pas moins étonnant que la possible implication de la Corée du Nord dans les problèmes de Sony ait convaincu le président américain d’imposer de nouvelles sanctions à Pyongyang. Les multiples comptes- rendus d’atteintes gravissimes aux droits de l’homme perpétrées durant des décennies n’ont jamais eu autant d’effet. Et peut-être en sera-t-il toujours ainsi. Il y a quelque chose, dans la sévérité du régime nord-coréen, qui dépasse l’entendement: il nous semble si étrange qu’il nous fait rire au lieu de nous faire pleurer. 

Ce n’est pas un hasard si les réalisateurs de L’Interview qui tue ont été incapables de traiter le régime autrement que sous une forme burlesque et vulgaire à souhait. A l’instar de son père Kim Jong-il, Kim Jong-un est devenu une figure amusante, le méchant dictateur ridicule dont on se moque. Nous lisons avec une avidité amusée ses exploits au basketball, de la même manière que nous lisions les articles consacrés à l’obsession de son père pour Elvis Presley et sa peur de l’avion. Et pourtant, sous son régime, des gens meurent tous les jours de faim ou sous la torture. Ils passent des années en prison sans avoir rien fait pour et leurs enfants sont, eux aussi, emprisonnés. Au lieu de nourrir son peuple (sans parler de ses prisonniers), le régime dépense des fortunes pour fabriquer des armes à diriger vers Séoul. En dépit des protestations internationales, il tente même de construire des armes nucléaires. Le régime est tellement rongé par son obsession du secret qu’il a récemment interdit des films russe et chinois, au cas où ils auraient une influence quelconque. Nous pouvons comprendre Sony, nous pouvons comprendre Angelina Jolie... mais nous avons du mal à comprendre tout le reste.



D) - En attendant l’issue des négociations entre l’Iran et l’Occident sur le nucléaire...
 
Le Liban a donc six mois pour se préparer aux développements attendus dans la région. C'est ainsi qu'un ancien responsable résume la situation actuelle, rappelant que l'avenir de la région dépend de l'issue des négociations entre l'Iran et l'Occident au sujet du nucléaire iranien. Trois hypothèses sont envisagées. La première est que l'Iran et les États-Unis ne parviennent pas à un accord total sur le nucléaire et décident une nouvelle prolongation des négociations comme ce fut le cas en novembre dernier. Ce qui maintiendrait une sorte de statu quo dans la région, avec des dossiers non résolus, mais avec un plafond à ne pas dépasser qui empêche les guerres totales. Le nouveau délai qui serait fixé serait tributaire de l'élection présidentielle américaine et la région serait ainsi condamnée à une sorte de statu quo instable pour au moins deux ans La seconde hypothèse est que l'Occident et l'Iran parviennent à un accord sur le nucléaire en juin prochain et que le président américain parvienne à faire accepter cet accord par le Congrès et le Sénat, bien que son pays soit à la veille du lancement de la campagne présidentielle de 2016. Ce serait bien sûr un scénario idéal qui signifierait que la région serait en train de se diriger vers des solutions pour tous les dossiers conflictuels en suspens, d'abord le nucléaire, mais ensuite la Syrie, l'Irak, le Yémen, la Libye, etc. Mais, selon l'ancien responsable, c'est le scénario le plus difficile à réaliser, même s'il n'est pas impossible. Il se heurte en tout cas à la vive opposition de toutes les parties régionales qui ne veulent pas d'un tel accord. En tête de ces parties se trouve Israël qui serait prêt à tout pour empêcher la conclusion d'un accord entre l'Iran et les États-Unis et surtout pour interdire à la République islamique de posséder la technologie de la fabrication de la bombe atomique Pour les Israéliens, les déclarations de l'actuel guide suprême, l'ayatollah Khamenei, sur le refus de l'Iran de se doter de la bombe atomique parce que c'est incompatible avec les valeurs de l'islam ne constituent pas des garanties suffisantes. Car les Israéliens qui planifient sur le long terme craignent qu'un autre guide suprême qui succédera à l'ayatollah Khamenei change d'opinion et profite du fait que l'accord nucléaire autorise l'Iran à se doter de la technologie sans aller jusqu'à la fabrication de la bombe. Aucune garantie ni américaine ni internationale ne serait donc en mesure de rassurer les Israéliens qui ne veulent pas entendre parler de la possibilité pour l'Iran de se doter de la bombe atomique. L'ancien responsable est donc convaincu que les Israéliens pourraient recourir au déclenchement d'une nouvelle guerre contre le Liban de préférence et s'il le faut frapper directement l'Iran. C'est pourquoi, en dépit des assurances internationales et des discours rassurants, les Libanais doivent être vigilants. Le scénario pourrait donc être le suivant : Daech et al-Nosra décideraient de lancer des opérations au Liban pour affronter directement le Hezbollah sur son propre terrain et le contraindre ainsi à retirer ses troupes de Syrie, tout en l'affaiblissant même à l'intérieur du pays. À ce moment-là, Israël lancerait une nouvelle offensive contre le Liban profitant du fait que le Hezbollah est trop occupé par son combat contre les groupes takfiristes, Daech et al- Nosra. C'est dans ce sens que l'ancien responsable interprète l'arrivée massive de combattants de Daech dans le jurd du Qalamoun comme s'il s'agissait d'une préparation de la bataille. Dans la logique de ces groupes takfiristes, ils n'ont pas d'autre choix que d'effectuer des percées au Liban, puisqu'ils ne peuvent plus s'étendre ni en Syrie, ni en Irak, ni même vers la Jordanie ou l'Arabie saoudite. Si, en plus, ils bénéficient d'un appui tacite et d'encouragements de la part d'Israël qui leur ouvre le passage à partir de Chebaa et de ses environs, ils ne devraient pas hésiter à lancer une vaste opération contre le Liban... C'est d'ailleurs pour décourager tous ceux qui souhaiteraient se lancer dans une telle aventure que le secrétaire général du Hezbollah a déclaré dans un entretien à la chaîne al-Mayadeen que son parti est prêt à mener la guerre contre Israël et il dispose pour cela de toutes sortes d'armes. Il a ajouté que si les Israéliens songent à entrer au Liban, les combattants du Hezbollah mèneront une offensive en Galilée... La troisième hypothèse se résume à l'impossibilité pour l'Occident et l'Iran de s'entendre sur le dossier nucléaire et après avoir reconnu qu'ils ne peuvent pas trouver une entente, ils plongeront la région et le monde dans une longue période de troubles et d'instabilité dont le Liban ne sortirait pas indemne. Cette troisième possibilité peut toutefois ne pas se résumer à un constat total d'échec et les protagonistes pourraient déclarer que s'ils ne peuvent pas s'entendre sur le nucléaire, ils peuvent malgré tout unir leurs efforts pour mener la guerre contre le terrorisme. Ce qui pourrait être l'alternative positive à la confusion générale en cas de désaccord total. Tous ces scénarios sont pris au sérieux par les milieux sécuritaires et politiques qui estiment indispensable pour le Liban de consolider sa cohésion interne afin de pouvoir faire face à toutes les éventualités. Même si les dialogues actuellement en cours, ou en préparation, entre les formations politiques libanaises n'aboutissent pas à une entente totale, ils peuvent au moins permettre aux Libanais de se retrouver et de redécouvrir les nombreux points qui peuvent les rassembler pour faire face aux scénarios violents et destructeurs qui pourraient être en train d'être préparés.



 E) - Les Etats-Unis sur les dents après les attentats de Paris


Renforcement des contrôles aux aéroports, surveillance des mosquées, multiplication des policiers infiltrés... Les Etats-Unis sont sur les dents après les attentats de Paris face à la menace grandissante des "loups solitaires" ou de petites cellules téléguidées par les organisations extrémistes. Mercredi, le FBI annonçait l'arrestation d'un jeune Américain de l'Ohio (nord) accusé d'avoir projeté un attentat contre le Capitole qui abrite le Congrès américain à Washington. Un policier sous couverture avait réuni des preuves de son soutien, de vive voix et sur internet, au "jihad violent, ainsi qu'aux attaques violentes commises par d'autres en Amérique du Nord et ailleurs". Le même jour, un jihadiste américain "en puissance" écopait de vingt ans de prison en Floride (sud-est) pour tentative de soutien à Al- Qaïda. Signe de la sévérité de la justice américaine: de nouvelles charges étaient infligées jeudi aux frères Qazi, des Américains arrêtés en 2012 pour avoir voulu faire exploser une bombe à New York. Le directeur du FBI James Comey parlait récemment de "métastase" de la menace terroriste depuis le 11-Septembre. Les experts ont bien observé une montée en puissance en Occident des "loups solitaires" et autres petites cellules jihadistes du type de celle des frères Kouachi et d'Amédy Coulibaly, auteurs des attentats de Paris. Dans les deux cas - individu seul ou cellule, ce sont des musulmans locaux inspirés, voire préparés par les jihadistes d'Al-Qaïda ou de l'organisation Etat islamique, qui décident de faire leur propre bombe artisanale ou fomentent une attaque avec le soutien d'une organisation terroriste. La menace est "presque indétectable" et les attaques "extraordinairement difficiles à empêcher", explique à l'AFP l'analyste Max Abrahms, qui s'attend à "voir de plus en plus d'opérations infiltrées" par le FBI, du type de celle de l'Ohio, pour tenter de déjouer un acte terroriste. En outre, l'attaque contre le journal satirique français Charlie Hebdo a été revendiquée par Al- Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa). La branche yéménite de l'organisation terroriste, "particulièrement inquiétante pour les Etats-Unis, fait beaucoup de bruit en ce moment et, bien naturellement, cela donne la frousse aux responsables de la sécurité américaine", ajoute le professeur à la Northeastern University. "C'est tout à fait normal, particulièrement parce que l'attaque était liée à l'Aqpa, que les Etats-Unis accroissent leur propre sécurité", estime cet expert en terrorisme. Dans la foulée des attentats de Paris, qui ont fait 17 morts, le ministre américain de l'Intérieur Jeh Johnson a annoncé le renforcement des mesures de sécurité et de surveillance aux abords des édifices gouvernementaux et dans les aéroports. "L'heure est à une vigilance accrue", a-t-il dit en annonçant aussi des efforts de sensibilisation des communautés religieuses et ethniques à travers les Etats-Unis. "La menace terroriste persistante" pesant sur le pays a été rappelée à tous les services américains du renseignement et de police lors d'une téléconférence du FBI et du ministère de l'Intérieur mercredi. "Une vigilance continue, le partage d'informations et la coordination à tous les niveaux sont la clé d'une prévention efficace" contre une attaque, selon un communiqué du FBI diffusé après la téléconférence. 

De plus, deux enquêtes parlementaires se pencheront sur le terrorisme venu de l'intérieur. Le président républicain de la commission de la Sécurité intérieure de la Chambre des représentants, Michael McCaul, l'a annoncé: il s'agira de déterminer comment le gouvernement américain lutte contre ces menaces "domestiques" et se prémunit contre des "failles dans nos systèmes de défense afin de tenir les terroristes à l'écart des Etats-Unis". "Ces terroristes sont déterminés à attaquer notre pays et tentent de convaincre des Américains de se radicaliser, de souscrire à leur vision du monde retorse et de perpétrer des actes de violence", a-t-il souligné.



F) - 102,9 milliards de dollars


Les investissements chinois à l'étranger ont bondi de 14,1 % en 2014, dépassant pour la première fois la barre des 100 milliards de dollars pour atteindre ce montant de 102,9 milliards de dollars (87,8 milliards d'euros), selon des chiffres officiels publiés vendredi, alors qu'à l'inverse les investissements étrangers en Chine se tassaient de façon marquée. Contrairement aux attentes initiales du gouvernement, le total des investissements chinois à l'étranger n'a pas dépassé le volume des IDE (investissements directs étrangers) en 2014, mais de l'avis de Zhong Shan, vice-ministre du commerce, ce n'est désormais qu'une question de temps. Hors secteur financier, les entreprises ont renforcé leurs acquisitions, notamment dans les secteurs de l'énergie, des exploitations minières ou agricoles, mais aussi des services et du tourisme. Ces investissements à l'étranger avaient déjà grimpé de presque 17 % (à 90,17 milliards de dollars) en 2013, à l'unisson des encouragements vigoureux de Pékin, soucieux de s'assurer des approvisionnements de matières premières et des débouchés commerciaux pour la deuxième économie mondiale. Dans le même temps, les IDE en Chine, également calculés hors secteur financier, ont progressé l'an dernier de seulement 1,7 %, totalisant 119,6 milliards de dollars.



G) - Nasrallah menace de riposter contre les raids israéliens en Syrie


Le Hezbollah, allié indéfectible de Bachar el-Assad, a menacé hier Israël de riposter « à tout moment » à ses raids répétés en Syrie, se disant prêt à toute nouvelle guerre contre l'État hébreu. Dans un entretien à la chaîne de télévision al-Mayadeen, le secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, a même affirmé que son mouvement était prêt à envahir la Galilée (nord d'Israël), une menace qu'il avait déjà proférée en 2011. « Les raids répétés sur différents objectifs en Syrie sont une grave violation », a-t-il déclaré, précisant que « toute frappe contre des positions en Syrie vise tout l'axe de la Résistance (Damas, Téhéran, Hezbollah, NDLR) et pas seulement la Syrie. Oui, cet axe pourrait décider de riposter (...) C'est son droit. Cela peut arriver à tout moment. Nous ne cherchons pas une nouvelle guerre (...) mais nous y sommes prêts. Si le commandement de la Résistance demande (à ses combattants) d'entrer en Galilée, ils doivent être prêts ». Hassan Nasrallah a également annoncé, et ce pour la première fois, que son parti possédait des missiles iraniens Fateh-110 pouvant atteindre tout le territoire d'Israël. Les missiles Fateh-110, d'une portée pouvant aller jusqu'à 300 km « nous sont parvenus depuis longtemps, depuis 2006. Nous sommes plus forts que jamais », a-t-il dit. Interrogé sur le conflit syrien, Hassan Nasrallah a affirmé que « toute solution en Syrie sans le président Assad est impossible ». Il a précisé avoir dit au vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov lors d'une rencontre à Beyrouth que « toute solution aux dépens du président Assad n'en est pas une » et que « même la Russie serait perdante si elle lâchait le président Assad ». Et se référant à la revendication par les alliés de l'opposition d'un départ de M. Assad, Hassan Nasrallah a ajouté : « Pourquoi donner à ces pays en politique ce qu'ils ont échoué à prendre durant la guerre ? » 

« Que quelqu'un me remplace... »
Sur le plan local, Hassan Nasrallah a affirmé que « toute violation de l'espace et de la souveraineté du Liban est une ligne rouge pour le Hezbollah, et la Résistance a le droit d'y répondre. Nous ne sommes liés par aucune règle ou directive », a-t-il toutefois fait remarquer, soulignant son refus de voir son parti amené à répondre à tout acte israélien contre le Liban, indépendamment de sa volonté. Enfin, Hassan Nasrallah a démenti avoir des ambitions personnelles en tant que dirigeant du parti, affirmant qu'il avait proposé d'être remplacé. « Au Hezbollah il n'a pas de chef, il y a un secrétaire général. Le commandement se fait en groupe. Le secrétaire chapeaute les dirigeants », a-t-il fait remarquer, alors qu'il est à la tête du parti depuis 1992. « Il y a des élections et c'est lors de ces élections que j'ai été reconduit en tant que secrétaire général. Je n'avais pas voulu être à ce poste et j'avais œuvré à ce que quelqu'un d'autre y soit désigné. Mais le destin en a voulu autrement. Il n'est pas question d'ambition personnelle. J'ai même proposé que quelqu'un me remplace, mais ils (les dirigeants du parti, NDLR) n'ont pas voulu. J'ai également proposé une rotation au sein du parti, sans toutefois obtenir de réponse positive. » 

Le cas Chawraba
De plus, le secrétaire général du Hezbollah a affirmé que « des services de renseignements arabes ont apporté des renseignements aux Israéliens lorsque le parti chiite était en guerre avec l'État hébreu. Il y a des services de renseignements et même des États arabes qui travaillent pour le compte des Israéliens », a-t-il lancé, minimisant le rôle de Mohammad Chawraba, la taupe israélienne arrêtée dans ses rangs « il y a environ cinq mois ». « Un responsable embauché par les services de renseignements américains et israéliens a été démasqué, c'est vrai. Mais le sujet a été exagéré dans les médias. Il a été dit que cet individu était chargé de ma sécurité, ce qui n'est pas vrai. On a également dit qu'il était responsable d'unités spéciales (...). Cette personne n'avait en réalité rien à voir avec tout cela. Elle faisait partie d'une unité sécuritaire sensible, il est vrai, mais elle était isolée. Nous avons découvert que c'était un transfuge et il a avoué les faits ». 





H) - Bassin du lac Tchad : vers un Etat islamique Boko Haram ?

Si rien n'est fait maintenant, le bassin du Lac Tchad va devenir, sans délai, un Etat Islamique Boko Haram. Nous sommes à l'aube d'une autre catastrophe humanitaire, après celle de l'assèchement du lac, sans que cela n'attire suffisamment l'attention du monde entier, communauté internationale, instances régionales et sous-régionales comprises. Les récentes percées de Boko Haram et le désordre en Libye vont continuer à nourrir le terrorisme dans cette région.
Le bassin est d'une superficie de 967.000 km2 (sans la Libye). Il comprend trois régions du Cameroun, deux régions du Niger, six (Etats fédérés) du Nigeria, trois régions de la RCA et l'ensemble du territoire du Tchad, avec une population estimée à 30 millions. Les habitants du bassin du Lac Tchad sont issus de plusieurs groupes ethniques et tribaux (Kanouris, Mobbers, Boudoumas, Haoussas, Kanembous, Kotokos, Arabes shewa, Haddas, Kouris, Fulanis et Mangas). Ils sont pêcheurs, éleveurs, agriculteurs ou commerçants. 

Plus de 20 000 morts et 1 500 000 déplacés
Depuis plus de trois ans, les parties camerounaise et nigériane du bassin sont touchées, de plein fouet, par le terrorisme de la secte, avec comme conséquences de lourdes pertes en vies humaines, des enlèvements, des destructions de biens privés et publics. Boko Haram détient toujours plus de 200 jeunes filles kidnappées en avril 2014 dans leur lycée de Chibok dans l'État de Borno. Depuis cet événement qui a marqué les esprits, et malgré l'apparente gesticulation mondiale, le groupe islamiste continue d'enlever ou de tuer régulièrement des milliers d'hommes, femmes et enfants. Même si les statistiques ne sont pas disponibles, à ce jour, le conflit de Boko Haram et les forces de sécurité camerounaise et nigériane ont fait plus de 20 000 morts et 1 500 000 déplacés. Beaucoup dépeignent cette situation comme le résultat d'une crise politique interne au Nigeria, depuis le troisième mandat raté du Président Obasanjo, qui a été forcé par le Sénat en 2006 de quitter le pouvoir au profit de feu le Président Yaradu'a, nordiste, malade et décédé en 2010, avec comme vice-président le discret homme politique sudiste de l'Etat de Bayelsa, Goodluck Ebele Jonathan, qui préside aujourd'hui aux destinées du pays. Mais cela n'explique pas comment un petit groupe de malfrats est devenu une puissante force qui défie les armées organisées, redoutables et républicaines, comme celle du Cameroun. Pour comprendre la dynamique de cette crise, nous devons examiner trois causes profondes. 

Des frontières poreuses héritées de l'indépendance
La première cause est l'héritage de la colonisation. Le Cameroun et le Nigeria ont accédé à l'indépendance en 1960 et sont devenus la même année membres de l'ONU. En février 1961, la population du Cameroun septentrional a décidé, à une majorité importante, d'accéder à l'indépendance, en s'unissant à la Fédération de Nigeria, en application de la résolution 1608 (XV) de l'Assemblée générale des Nations Unies. Aujourd'hui, presque chaque nigérian nordiste a une famille de l'autre côté au Cameroun et vice-versa. La porosité de nos frontières ne permet pas un contrôle strict sur le transfert des armes et l'utilisation du Cameroun comme base logistique par les djihadistes Boko Haram

La mauvaise situation économique s'ajoute aux dissensions
La deuxième cause est la mauvaise gouvernance politique et socio-économique. La situation socio-économique de la plupart des pays de la région se trouve, d'une manière générale, fortement détériorée, au regard des indicateurs pessimistes des secteurs sociaux de base. Depuis moins d'un quart de siècle, de nouvelles ressources économiques (agricoles, minières, industrielles) y créent une nouvelle différenciation de l'espace, une grande mobilité des populations et l'apparition de conflits intercommunautaires. Or, le bassin du lac Tchad apparaît comme une zone d'échange privilégiée entre Afrique du Nord et Afrique centrale. Les pays du bassin font face à des dissensions internes depuis des années, exacerbées par un manque de consensus politiques. Au Nigeria, dès l'annonce des intentions du Président Obasanjo de réformer la Constitution afin de briguer un troisième mandat, le vice-président nordiste Atiku Abubakar, futur candidat à l'élection présidentielle de 2007, a pris le flambeau pour mener une campagne contre cet amendement. Atiku était ainsi soutenu par des politiciens nordistes majoritairement musulmans, tel que l'ex-général et ancien président Muhammadu Buhari, principal challenger du président Goodluck à l'élection présidentielle de février 2015. Cependant, le départ d'Obasanjo et la santé fragile de Yaradu'a n'ont pas aidé le pays à se maintenir dans cette dynamique de développement initiée par Obasanjo. Le Cameroun traverse une période de transition politique assez compliquée, amplifiée par les arrestations des grands dignitaires du pays dans le cadre de la lutte contre la corruption. 

Nationalisme à court terme
Enfin, la troisième cause provient des faiblesses de l'intégration sous-régionale. Depuis l'avènement des indépendances, le bassin a toujours connu une situation d'instabilité au plan socio-économique. Cette situation a conduit les pouvoirs publics à chercher d'abord à consolider leur autorité au plan interne avant de s'engager dans d'autres entreprises, notamment l'intégration. Cet état de choses a renforcé un micro nationalisme latent avec, pour conséquence, une prédominance des intérêts nationaux très étroits et souvent à court terme, sur l'esprit communautaire. C'est l'une des raisons pour lesquelles la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) peine à mettre en place un mécanisme communautaire de prévention et la résolution des conflits. 

La secte continue de nuire malgré les réunions
Le 17 mai 2014, les chefs d'Etat (Nigeria, Cameroun, Benin, Tchad, Niger) et le président François Hollande se sont réunis à Paris et ont adopté un plan d'action régional pour lutter contre la secte. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Union européenne y étaient également représentés. Le plan adopté par le sommet prévoit la coordination du renseignement, l'échange d'informations, le pilotage central des moyens, la surveillance des frontières, une présence militaire autour du lac Tchad et une capacité d'intervention en cas de danger. Le 7 octobre 2014, un sommet régional de chefs d'Etat africains pour lutter contre la secte a été organisé à Niamey autour du président nigérien Mahamadou Issoufou, et ses homologues du Nigeria, du Tchad, du Bénin et le ministre de la Défense du Cameroun. Comme d'habitude en Afrique centrale, la date butoir du 20 novembre 2014 a été dépassée sans que la coordination des forces mixtes et la finalisation des contingents soient effectives, éléments essentiels de la stratégie de lutte commune élaborée par des états-majors des différents pays du bassin. Sur le terrain, la secte a multiplié les menaces verbales, les attaques meurtrières sur les civils, les institutions publiques, les extorsions d'argent aux hommes d'affaires et les prises des camps militaires, mettant en doute l'efficacité des actions entreprises pour contenir le terrorisme. 

Que la communauté internationale apprenne des erreurs du passé
Les stratégies annoncées ont deux défauts majeurs : a) la non prise en compte des organisations régionales comme la CEMAC, la CEEAC, ou l'UA mais surtout la CBLT, dont l'une des missions est la préservation de la paix et la sécurité dans le bassin ; b) la non- implication officielle des organisations islamiques comme l'Organisation de la coopération islamique, capables d'enrichir les stratégies adoptées avec des discussions avec les musulmans membres de la secte. La non-traduction en action de la volonté politique des Etats membres, la prédominance des intérêts nationaux sur l'esprit communautaire, la duplicité et les suspicions, une très grande dépendance de certains dirigeants vis-à-vis de l'extérieur, des infrastructures inadéquates, surtout dans le domaine de la communication, le manque de confiance pour certaines armées dans la gestion des informations stratégiques collectées par les drones, ont contribué à amplifier cette crise. Le Conseil de Sécurité de l'ONU doit rapidement voter une résolution pour le déploiement dans cette région d'un contingent international de prévention et maintien de la paix, qui collaborera étroitement avec la Minusca en RCA et l'opération Barkhane. Le caractère global de la menace d'un éventuel Etat islamique sur le bassin du Lac Tchad, que représentent les djihadistes de Boko Haram et autres terroristes, a pour objectif, au-delà du bassin "d'établir leur pouvoir sur la bande sahélienne de l'Atlantique à l'Océan Indien et d'y installer leur régime obscurantiste impitoyable". Les erreurs du passé en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie ou au Mali, doivent servir de leçons à la communauté internationale.




 
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