octobre 24, 2025
Dossier Sarkozy ! Affaires et gouvernance...
Une taxe Zucman pour l'agriculture, version " géorgisme"
L’impôt parfait n’existe pas. Le moins mauvais, oui.
« taxer la terre, pas les hommes ». Dans la grande galerie des « ismes » où s’exposent les courants politiques et économiques, nul n’ignore l’existence du communisme, du keynésianisme ou du libéralisme. Mais avez-vous déjà entendu parler du géorgisme ? Probablement pas. Tombée dans les oubliettes de la pensée, cette théorie pourrait pourtant être le chaînon manquant entre justice sociale, efficacité économique et transition écologique.
Rien que ça !
Elle est née il y a près de 150 ans aux États-Unis, dans le cerveau — et surtout grâce à l’observation empirique — d’un journaliste autodidacte de San Francisco, Henry George, dont la vie rocambolesque a sans doute été sa première source d’inspiration. https://lel.media/insert/henry-george-le-prophete-oublie-de-san-francisco/
George n’était ni un marxiste ni un capitaliste pur jus. Il croyait en la liberté, au travail et au progrès — mais il voyait aussi l'injustice d'un monde où la richesse collective finissait dans les poches de ceux qui possédaient la terre. En cette fin de XIXᵉ siècle, les usines se développent bien plus rapidement que les avantages sociaux. Et la Révolution industrielle ne permet pas encore les progrès sanitaires, l’élévation de l’espérance de vie et la réduction des inégalités sociales, qui n’apparaîtront que lors des décennies suivantes. Pourquoi assister-t-on alors à une augmentation de la pauvreté, malgré l’augmentation des richesses et les progrès de la science et de l’industrie ? C'est la question centrale de son ouvrage Progrès et pauvreté, publiée en 1879.
Certes, à l’époque, George n’est pas le seul à être obsédé par ce problème. Il n’a pas lu Marx, mais avait étudié Malthus, qui avait déjà posé son diagnostic : la pauvreté est liée à la surpopulation. Il a également analysé la théorie méritocratique, estimant qu'au fond, les pauvres seraient paresseux ou affligés de tares congénitales. George remet en cause ces approches et explique que le problème vient plutôt de l’organisation sociale, qui privilégie notamment les propriétaires fonciers au détriment du reste de la population. Pour appuyer sur sa démonstration, il utilise ses propres observations. Il prend notamment l’exemple de la famine irlandaise, qui a décimé une immense partie de la population dans un pays — le Royaume-Uni — alors le plus riche de la planète. Selon lui, c’est l’immense concentration de la propriété foncière entre les mains de quelques milliers de seigneurs, possédant 95 % des terres, qui a provoqué la famine. D’où sa conviction : le foncier est une rente qu’il faut taxer, une ressource naturelle qui appartient aux citoyens d’une même nation, tous en étant copropriétaires.
Si certains souhaitent la privatiser, ils doivent dédommager les autres en payant une taxe en fonction de la valeur de la parcelle. C’est le concept de la Land Value Tax (LVT), qui doit remplacer à ses yeux toutes les taxes. L’idée apparaît d’une simplicité désarmante. Quand une ville se développe, quand les transports, les écoles, les hôpitaux améliorent un quartier, la valeur des terrains grimpe. Mais cette plus-value, produite par la collectivité, est captée par le propriétaire du sol. Pourquoi en profiterait-il alors qu’il n’a rien fait pour augmenter la valeur de cette terre ? Henry George propose donc de rendre au public ce que le public a créé, à travers la LVT, qui en retour finance les services publics. Son idée à la force de l’évidence : elle ne punit ni le travail, ni la production, ni l’investissement, seulement la rente.
Et pourtant, le géorgisme ( https://lel.media/insert/le-georgisme-en-pratique-ou-lidee-vit-encore-aujourdhui/ ) a été relégué dans les marges de l’histoire, entre utopie oubliée et lubie d’économistes hétérodoxes. Pourquoi cela n’a-t-il pas marché ? Proposer de taxer la rente foncière revient à déclarer la guerre aux notables, aux spéculateurs urbains et aux grands propriétaires. Selon Jérémy Boer, infatigable défenseur de la pensée géorgienne sur les réseaux sociaux, c'est l'opposition farouche de ces derniers qui en a eu raison. Ils n’ont eu de cesser de combattre une approche qui avait tout pour leur déplier, notamment en disqualifiant intellectuellement ceux qui oseraient penser comme George. C’est d’ailleurs la thèse soutenue par deux économistes américains, Fred Harrison et Mason Gaffney, dans The Corruption of Economics (1994) : ils démontrent que les propriétaires fonciers n’ont pas hésité à financer des universités et des professeurs afin de « ruiner les thèses de Henry George ». Car, aux yeux de J. K. Galbraith, qui en a préfacé l’édition de 2006, « l’idée georgiste selon laquelle seule la terre devrait être taxée — afin de ne pas imposer ni les profits ni les salaires — risquait de créer une alliance politique dangereuse entre le capital et le travail contre le propriétaire foncier ».
Si la théorie d’Henry George n’a pas percé, elle a quand même connu quelques traductions concrètes dans différents endroits du monde, sans que l’on sache pourquoi elle y a prospéré plus qu’ailleurs. Le géorgisme a finalement été essayé sans jamais régner : des réformes partielles ici ou là, des clubs, des congrès internationaux… mais pas de révolution. À défaut, l’économiste a néanmoins inspiré un vaste mouvement politique, le « géorgisme ».
C’est d’ailleurs lui qui a donné à une ardente militante géorgiste, Elizabeth Magie, l’idée de créer le jeu du Landlord’s Game, dévoyé en… Monopoly. https://lel.media/insert/le-jour-ou-monopoly-a-trahi-le-georgisme/
Des économistes de renom comme Milton Friedman ou Paul Krugman ont également apprécié son approche ; Joseph Stiglitz a même repris à son compte les intuitions de George, en 1977, dans sa Théorie des biens publics locaux. Mais les démocraties de l’époque ont préféré empiler les impôts sur le revenu, sur la consommation, sur le travail — tout sauf sur la rente. Parce que taxer la terre, c'est toucher au nerf du pouvoir : la propriété. Peut-être que le géorgisme a aussi manqué d’un champion politique capable de porter son programme transpartisan, mais hélas jugé trop égalitariste pour la droite et trop libéral pour la gauche. D’ailleurs, Marx, qui a lu Henry George, n’est pas tendre avec son approche, qu’il décrit dans une lettre écrite en 1881 à Friedrich Adolph Sorge comme une « tentative, agrémentée d’un vernis socialiste, de sauver la domination capitaliste et, en réalité, de la refonder sur une base encore plus grande que l’actuelle ».
Pourtant, à la faveur de la crise environnementale, le géorgisme pourrait-il retrouver des couleurs ? L’époque cherche désespérément une théorie capable de sortir de la nasse : croissance plus juste et écologie sans récession. Et si la solution était déjà là, dans les marges jaunes de Progrès et Pauvreté ? Dans le contexte actuel, l’idée prend une dimension nouvelle : taxer le sol, c’est valoriser l’usage efficace de l’espace. Fini les terrains vides en attente de plus-value ; place à la densité, à la justice spatiale, en quelque sorte. Taxer la propriété non productive, c'est aussi un excellent moyen d'alléger le coût du travail, de redonner du pouvoir d'achat aux travailleurs, de rendre nos entreprises plus compétitives pour renouer avec la croissance.
Cette théorie n’a peut-être donc pas dit son dernier mot. C’est la conviction de deux économistes, Alain Trannoy et Étienne Wasmer. Dans leur livre Le Grand Retour de la terre dans les patrimoines, ils militent pour l'appliquer en France, où « la valeur foncière dans la richesse nationale (8 900 milliards: https://lejournal.cnrs.fr/nos-blogs/dialogues-economiques/le-vrai-monopoly-un-outil-pour-la-solidarite-nationale ) même connaît une croissance continue ». Ils proposent d’instaurer une taxe annuelle de 2 % sur la valeur foncière, contre des allègements sur la fiscalité du travail et du capital. Une façon, à leurs yeux, de répondre aussi bien à l’objectif de zéro artificialisation nette des sols qu’à celui de la modération des prix de l’immobilier. C’est, au fond, le message de George : « la terre appartient aux vivants ». Il serait peut-être temps de s’en souvenir.
Benjamin Dard
@BenjaminDard
C'est vrai, c'est du Zucman mais pour les agriculteurs, la TF c'est 50eur/ha, on aurait donc à la place = 2% * 7000 euros = 140 euros ; rappel : bénéfice = 80 à 150 eur/ha (marge brute 150 à 650 eur/ha) https://feve.co/prix-des-terres-agricoles-departements-france#prix et https://modelesdebusinessplan.com/blogs/infos/rentabilite-exploitation-agricole et https://terre-net.fr/foncier-agrico
Autres liens:
https://partigeorgiste.substack.com/p/la-reforme-fiscale-ultime
https://partigeorgiste.substack.com/p/comment-expliquer-levolution-des
Une exception culturelle, le camp du Bien...fondé, de l’audiovisuel public français !
Ecoutons : « [Si l’audiovisuel public s’arrêtait], où est-ce qu’on pourrait retrouver ces émissions qui nous donnent le sentiment d’être un peu plus à l’aise dans ce monde qui est compliqué ? Où est-ce qu’on retrouverait des émissions d’économie ? Où est-ce qu’on retrouverait des émissions de géopolitique ? Où est-ce qu’on retrouverait des émissions de sciences ? Nulle part ! »
« Le jour où il n’y aura plus l’audiovisuel de service public, ce pays sera un pays moins tranquille ».
L'écosystème aurifère chinois envers la dédollarisation !
La Chine révolutionne le marché de l’or, un défi au système monétaire occidental ?
Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes et de dédollarisation accélérée, la Chine émerge comme un acteur majeur sur le marché de l’or. Récemment, Pékin a annoncé une série d’initiatives ambitieuses visant à renforcer son infrastructure aurifère, incluant l’expansion de coffres à Hong Kong, la mise en place d’un système central de compensation et la création d’un « pont doré » pour les pays BRICS.
Ces mesures ne se limitent pas à l’accumulation d’or ; elles visent à contrôler son stockage, son échange et même sa cotation, challengeant directement la dominance occidentale sur ce métal précieux.
Ce mouvement s’inscrit dans une stratégie plus large de dédollarisation, où l’or physique redevient un actif central, potentiellement menant à un « reset monétaire » qui pourrait impacter les détenteurs de dollars à travers le monde.
Les nouvelles initiatives chinoises : construire un écosystème aurifère indépendant
En septembre 2025, la Chine a dévoilé des politiques massives pour étendre ses capacités de stockage d’or, notamment via la Shanghai Gold Exchange (SGE). Hong Kong, en partenariat avec Pékin, vise à atteindre une capacité de 2.000 tonnes dans ses coffres offshore, attirant les réserves souveraines étrangères pour des échanges en yuan. Ce n’est pas seulement une question de quantité : la Chine met en place un système de compensation (clearing) basé sur l’or physique et le yuan, permettant des transactions sécurisées sans dépendance au dollar. Des mécanismes comme les repo (prêts garantis par or) remplacent progressivement les Treasuries américains comme collatéral dans le commerce international.
Au cœur de ces efforts se trouve le « pont doré » pour les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, et membres étendus). Ce concept métaphorique désigne un réseau d’infrastructures reliant ces nations via l’or comme actif de règlement, facilitant le commerce sans recourir au système SWIFT dominé par l’Occident. Les BRICS+ accumulent déjà plus de 6.000 tonnes d’or, représentant environ 20-21% des réserves mondiales des banques centrales, et explorent des systèmes de paiement adossés à l’or pour contourner les sanctions. Cela inclut des vaults décentralisés à Hong Kong, Moscou ou même en Arabie saoudite, audités collectivement pour renforcer la confiance mutuelle.
Traditionnellement, le prix de l’or est influencé par des marchés occidentaux comme la COMEX à New York et la LBMA à Londres, souvent accusés de manipulations via des contrats « papier-or » . La Chine, en promouvant des échanges basés sur l’or physique conforme à Basel III, pourrait faire basculer ce rapport de force, influençant les cotations globales et stabilisant le yuan.
Les défis historiques de la récupération d’or : leçons des États-Unis et du Royaume-Uni
Ces initiatives chinoises gagnent en attractivité face aux difficultés rencontrées par les nations tentant de rapatrier leur or « confié » à des puissances occidentales.
Historiquement, les États-Unis et le Royaume-Uni ont servi de gardiens pour les réserves aurifères mondiales, mais les tentatives de récupération ont souvent révélé des tensions géopolitiques et des risques de confiscation.
Un exemple emblématique est celui de la France sous Charles de Gaulle dans les années 1960. Inquiet de la surévaluation du dollar et de l’inflation américaine, de Gaulle lança l’opération secrète « Vide-Gousset », rapatriant discrètement 3.313 tonnes d’or des coffres-forts de la Federal Reserve aux États-Unis entre 1960 et 1967 (Il fallut 44 traversées en bateau et 129 vols pour ramener plus de trois mille tonnes d’or à la Banque de France à Paris). Cette action, motivée par des doutes sur la convertibilité du dollar en or promise par les accords de Bretton Woods, contribua à la pression sur les réserves américaines. En réponse, le président Richard Nixon annonça le « Nixon Shock » le 15 août 1971, suspendant unilatéralement la convertibilité du dollar en or pour freiner les sorties massives d’or et préserver les réserves américaines. Ce choc marqua la fin du système de Bretton Woods et le début de l’ère des monnaies fiat, où le dollar repose sur la confiance plutôt que sur l’or.
Plus récemment, le Venezuela illustre les risques contemporains liés aux sanctions.
Depuis 2019, environ 31 tonnes d’or vénézuélien, évaluées à plus de 1,2 milliard de livres sterling, restent bloquées dans les coffres de la Banque d’Angleterre.
Le blocage découle de la reconnaissance par le Royaume-Uni de Juan Guaidó comme leader intérimaire plutôt que Nicolás Maduro, déclenchant un litige judiciaire prolongé. Malgré des demandes répétées de Caracas pour rapatrier l’or afin de financer des besoins humanitaires, les sanctions britanniques, américaines et européennes – renforcées en janvier 2025 contre des individus liés au régime Maduro – ont maintenu le gel des actifs. Ce cas met en lumière comment les outils géopolitiques comme les sanctions peuvent transformer des dépôts « sécurisés » en otages diplomatiques.
Ces épisodes – du rapatriement français aux blocages vénézuéliens – soulignent les vulnérabilités des nations dépendantes des coffres-forts occidentaux, particulièrement en période de conflits ou de sanctions. Un parallèle peut être tracé avec la garantie des dépôts bancaires en France, limitée à 100.000 € par déposant et par établissement via le Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR), censé protèger les épargnants contre les faillites bancaires mais qui pourrait s’avérer insuffisant en cas de crise systémique majeure, exposant les citoyens à des risques similaires de perte d’accès ou de valeur en temps de tensions géopolitiques ou économiques.
Des pays comme l’Allemagne et les Pays-Bas ont également rapatrié une partie de leur or des USA dans les années 2010, citant des préoccupations similaires sur la sécurité et la souveraineté.
Implications pour les BRICS et l’ordre monétaire mondial
Face à ces défis, les pays BRICS se tournent vers la Chine pour un système alternatif plus neutre et résistant aux sanctions. Les coffres chinois offrent une option décentralisée, avec des audits partagés et des settlements en or physique, réduisant les risques de confiscation comme vu avec les actifs russes gelés en 2022.
Cela pourrait accélérer la bifurcation du système financier : un bloc occidental centré sur le dollar et les dettes, face à un bloc oriental ancré sur l’or et le yuan.
Les banques centrales émergentes achètent de l’or à des niveaux records en 2025, diversifiant leurs réserves pour hedge (barrière) contre l’inflation et la dévaluation du dollar. Si ces initiatives réussissent, elles pourraient élever le prix de l’or – déjà en rallye historique – et affaiblir la suprématie du dollar, impactant les comptes courants, retraites et investissements globaux.
Vers un reset monétaire ?
Les actions de la Chine signalent un tournant potentiel dans l’ordre monétaire mondial, où l’or redevient un pilier de stabilité face aux incertitudes fiat. En offrant une alternative aux coffres-forts occidentaux, Pékin non seulement défie l’hégémonie du dollar mais répond aussi aux leçons amères de l’histoire, comme celles de De Gaulle et du Venezuela. Alors que les BRICS avancent, le monde observe : ce « pont doré » mènera-t-il à une coopération multipolaire ou à une nouvelle guerre froide économique ?
























