octobre 14, 2015

Du communisme à une vision libertarienne pour la Liberté. Essai d'un être "libéral" sans le savoir, comme beaucoup d'entre-nous.

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


 
Bonjour à tous. Aujourd’hui, je publie un article un peu spécial. Bien souvent, les individus m’expliquent qu’ils ne comprennent pas pourquoi je suis libertarien, en m’expliquant que pour eux, cela s’apparente à une « forme d’utopie hypercapitaliste » ou un « ultralibéralisme poussé ». On me rétorque également très souvent que les libertariens sont proches des courants néo-conservateurs américains, ce qui est relativement faux lorsqu’on connaît les positions libertariennes en général en terme de politique étrangère.

Les libertariens sont tout d’abord des libéraux, et ont donc les mêmes positions en terme de libertés économiques, de liberté d’entreprendre, de contracter, de s’associer, de s’exprimer, etcetera.

Le mouvement libertarien américain (« libertarian ») s’est formé au cours des années 60, lorsque les Républicains issus de la Old Right décidèrent de s’en aller à cause des montées des courants néo-conservateurs au sein du Parti. Murray Rothbard partira donc du Parti pour ses raisons et Ayn Rand suivra, du fait de son profond athéisme et de ses idées sur l’égoïsme qui en gênaient plus d’un au sein de ces nouveaux courants grandissants du fait de la guerre froide.

Le mouvement libertarien est donc également d’abord constitué de la Old Right Républicaine, relativement attaché à la Constitution bafoué, et suivant le vieil adage de Thomas Jefferson : »Commerce avec toutes les nations, d’alliance avec nulles d’entre elles. »
À leur départ, les libertariens ont rejoint la New Left, parti anarchiste de gauche de l’époque. Les libertariens de la Old Right et les anarchistes de la New Left ont donc coopéré sans trop de dégâts durant quelques années, prouvant que le débat est bien moins entre les mouvances de gauche et de droite qu’entre les mouvements étatistes et constructiviste, mus par le désir de modeler la société et de faire de l’État un but, et les mouvements « anti-agressionnistes », qui base les choix individuels pleinement volontaires et non sur l’usage agressive et abusive d’un outil de coercition de masse.

Mais plus tard, les « Old-Rightists » quitteront la New Left pour former enfin le Parti Libertarien, entrainant avec eux bien des membres de la New Left. La dernière composante des libertariens étaient désormais là, à savoir la branche des anarchistes individualistes. Il faut d’ailleurs savoir que les États-Unis ont eu des mouvements anarchistes au cours de l’histoire, anarcho-individualiste notamment avec des personnes comme Henri David Thoreau, Benjamin Tucker, William Lloyd Garrison ou encore l’éminent Lysander Spooner, que nombre de libertariens apprécie pour son jusnaturalisme (idée du Droit Naturel) et son abolitionnisme et son sécessionnisme radical (et dont la plupart des libertariens partage les idées) à une époque où l’esclavage était encore présent. Spooner écrira également « Les Vices ne sont pas des crimes », qui représente clairement la position libertarienne en terme de drogue, alcool, prostitution, etcetera.

Le courant libertarien est donc composé historiquement des courants libéraux classiques, des courants non-interventionniste en matière de politique étrangère, et des branches anarcho-individualistes.

Les libertariens épousent plusieurs approches philosophiques dans le but de défendre la Liberté.

-Les différentes formes de conséquentialisme :
Le conséquentialisme est une théorie qui tente de déterminer les obligations liées aux actions humaines en s’interrogeant simplement si une action ou une règle produit le plus grand résultat (conséquence) net, ou le plus grand « bien » ou le moins « mauvais ». Certains libertariens sont favorables au conséquentialisme : les principes éthiques généraux sont pour eux des règles généralement valables (comme le Droit Naturel), mais qui peuvent avoir des exceptions, comme avec certains « utilitaristes de droits », qui considèrent que les actes qui maximisent les droits d’autrui sont les seuls valables. Ainsi, pour les libertariens conséquentialistes jugent un acte selon leurs effets plutôt que selon leur nature. Ainsi, ils sont libertariens car ils jugent l’action étatique forcément mauvaise.
Au sein des libéraux et des libertariens, les principaux conséquentialistes (toutes tendances confondues) sont : David Friedman, Ludwig Von Mises, John Stuart Mill, Jeremy Bentham, Walter Block.

-L’approche jusnaturaliste, ou la théorie du Droit Naturel :
Les libertariens jusnaturalistes partent du postulat que les hommes ont des Droits, et qu’il est des choses qu’on ne peut faire aux hommes, car la nature les a pourvu de Droits inaliénables, qui en font le propriétaire légitime de lui-même. Tout homme qui agresse un homme et lui enlève le fruit de son travail sans son consentement nuit à ses Droits et se voit sous la menace que justice soit faite par ses pairs dans le but du rétablissement des Droits retirés à leur camarade. Le point de vue des libertariens jusnaturalistes est donc que l’État est une institution illégitime vivant par le vol des classes productives de la société, et qu’ainsi ils militent pour son abolition, ou pour le moins, pour la simple gestion des fonctions régaliennes. Ainsi, comme le fait comprendre Frédéric Bastiat, un État qui aurait pour autre but que celui de lutter contre la spoliation extra-légale organiserait la spoliation légale. Ainsi, les libertariens peuvent se diviser en deux catégories : les anarchistes et les minarchistes (partisans de l’État minimum).

Au sein des libéraux et libertariens, les principaux partisans du Droits Naturels sont : Murray Rothbard, Ayn Rand, Robert Nozick, John Locke, Frédéric Bastiat.

-L’approche contractualiste :
Les libertariens contractualistes basent leur vision libérale sur la base de la théorie du choix rationnel, qu’il serait possible de reconstruire et fonder en raison notre morale (comme le souligne David Gauthier). Celle-ci peut en effet être pensée comme le résultat d’un accord entre personnes rationnelles. L’ouvrage souligne que les institutions des sociétés libérales naissent d’un tel contrat. Ces institutions, et la morale par l’accord sur laquelle elles reposent, présupposent une condition, celle qui attribue des droits aux individus. Morale et contrat, d’inspiration hobbesienne, rejoint alors l’idée lockienne des droits individuels, en la fondant rationnellement. La morale, ainsi comprise, n’a pas simplement la valeur d’un moyen pour l’individu rationnel. Certains contractualistes imaginent clairement le besoin d’un besoin (comme James Buchanan, avec son livre Les limites de la liberté) et d’autres sont carrément anarcho-capitalistes, comme Jan Narveson.

Les principaux libéraux et libertariens sont : James Buchanan, Anthony de Jasay, David Gauthier, Jan Narveson.

Voilà donc les 3 plus grandes approches philosophiques et morale des libertariens. Cette liste est bien entendue non exhaustive.

D’où viennent les libertariens ? Ils sont la grande alliance des courants libéraux classiques, anarcho-individualistes et non-interventionnistes étrangers, comme nous l’avons vu dans la première partie.

Tout d’abord, d’où vient le mot libertarien ? Il est d’origine américaine, avec l’apparition du mot « libertarian », utilisé dans le but de caractériser les libéraux face aux Démocrates interventionnistes, qui se définissaient comme « Liberal » (Keynes, par exemple, se disait « Liberal »). Plus tard, Henri Lepage, économiste français, importera le terme « libertarian » qu’il traduira par libertarien (et non par libertaire pour éviter toute confusion avec des anarchistes socialistes) dans son livre Demain le capitalisme en 1978, alors que nos camarades canadiens francophones utilisaient déjà le terme. Le terme libertarien s’est implanté au Canada pour les mêmes raisons que le « libertarian » aux États-Unis, où le Parti Libéral au Québec est interventionniste et socialiste. Au Royaume-Uni, les « Liberals Democrats », sans être socialistes, restent assez modérés et n’ont plus beaucoup d’influence depuis l’ère Thatcher, d’où la formation récente d’un Libertarian Party UK. En Suisse, le Parti des libéraux-radicaux est composé à la fois de vrais libéraux et de « libéraux » plus modérés. Un Parti Libertarien s’est formé l’année dernière à Genêve. En France, peu de personnes se disent libérales (ce qui résout en quelque sorte l’appropriation malsaine du terme) car le terme est farouchement détesté par tous les courants politiques, quels qu’ils soient, du Nouveau Parti Anticapitaliste jusqu’au Front National en passant par l’UMP. L’usage du terme ultralibéral est la panacée pour tout candidat interventionniste souhaitant se faire apprécier à coup de cadeaux électoraux. Si le terme libertarien se développe en France, c’est moins par souci d’affirmer ses traditions libérales que par le fait de sortir de ce marasme idéologique et ignorant de ce qu’est vraiment la pensée libérale.

Ainsi, oui, les libertariens sont les petits-enfants des libéraux. Ils ont peu ou prou les mêmes références. Libéral et Libertarien entretiennent tout deux un scepticisme important vis-à-vis de l’intervention de l’État, et ils sont donc tous deux au courant des grands concepts fondamentaux de l’École du Choix public et des notions de marché politique . Ils se basent tout deux sur les mêmes écoles de pensée économiques par exemple. Libéral et libertarien sont tous les deux de grands admirateurs de l’économiste autrichien Friedrich Hayek et de son analyse du rôle de la connaissance dans le fonctionnement de l’économie. Libéral comme Libertarien sont conscients que les hommes ont des Droits et qu’il est des choses que des organisations comme les États ne peuvent leur faire. Ils possèdent tout deux le respect de leurs pères pour l’humanité, et considèrent que si l’homme est nécessairement mauvais, il est dangereux que certains hommes aient un pouvoir sans borne. Ils suivent le vieil adage de Friedrich Hayek dans sa Route de la servitude et ne croient pas à ce fantasme étatiste de « séparation des pouvoirs » car « Ce n’est pas la source, mais la limite du pouvoir qui l’empêche d’être arbitraire. »

Oui les libertariens sont les descendants libéraux. Et comme tous bons descendants, ils leur arrivent d’être en désaccord avec leurs aieux. Ils voient comme futiles bon nombre de théories, comme la théorie des biens publics, qui, si elles étaient appliquées jusqu’au bout de leur logique, conduiraient à l’opposé même de ce que défendent les thèses libérales classiques. Ils s’interrogent sur la validité du concept d’État minimum, pour la simple et bonne raison que l’État ne se limite jamais de lui-même, d’où l’approche sécessionniste et abolitionniste de bon nombre de libertariens. Ainsi, un nombre conséquent de libertariens sont anarchistes (les plus éminents étant David Friedman, fils de Milton Friedman, ayant interdit à son père de se qualifier de libertarien de par ses idées relativement modérées en comparaison des autres membres du mouvement, et Murray Rothbard) et systématisent des théories dans lesquelles les fonctions régaliennes seraient confiées au marché (David Friedman notamment, dans son livre Vers une société sans État, conclut que la justice a de fortes chances d’être prises en charge par les assurances, et comme le marché des assurances ne compte pas de monopoles, il répond à la critique de Nozick comme quoi un marché de fonctions régaliennes aboutirait à un monopole, et donc à un État, potentiellement plus agressif que le précédent).

Les libéraux et les libertariens ont donc les mêmes racines, et pour éviter les conflits, il vaut mieux les empêcher de parler de la nature de l’État entre eux (humour).
 
Aux États-Unis sévît un conflit à ce jour, bien moins présent qu’il y a quelques décennies et inexistant en France. Ce grand débat réside dans l’opposition entre les « libertarians » (comptant donc libéraux et libertariens) et les partisans de Ayn Rand, les randiens, ayant eux-mêmes qualifié la philosophie de Ayn Rand par le terme « objectivisme », regroupant sous ce système toutes les vues éthiques et philosophiques de leur grande dame Ayn Rand sous cet appellogie (l’objectivisme porte également le nom « d’éthique des vertus »). 

Tout d’abord, quels sont les points communs entre « libertarians » et objectivistes ? Au demeurant, un nombre tout de même assez important. Ils sont de grands admirateurs de son livre « Atlas Shrugged », traduit en français (La Grève), et décrivant une parfaite dystopie où l’Europe n’est plus que peuplée que de Républiques populaires socialistes et ne tenant que grâce aux envois de ressources par les dirigeants américains, qui, si ils ne sont pas aussi interventionnistes que leurs confrères européens, vont passer d’un niveau d’interventionnisme similaire à celui que nous connaissons en France jusqu’à un quasi-Communisme d’État qui se détruira progressivement car toutes les personnes productives du pays auront cessé toutes activités ou se seront enfuies pour ne pas voir l’aboutissement de leur statut d’esclave. John Galt, un des héros de Atlas Shrugged, durant son célèbre discours dont tout libéral a au moins entendu parlé, énonce plusieurs axiomes. L’un d’entre eux est l’axiome d’identité. Cette axiome a pour postulat que chaque homme se doit de respecter la réalité et la nature de son être et qu’aucune sorte de force ne peut le lui interdire. Ainsi, toute homme qui use de la force pour contraidre autrui et faire de l’autre son esclave en quelque sorte, se met à dos sa réalité et l’identité de son être. L’axiome d’identité est donc en tout point similaire au principe d’agression, sauf sur sa dimension éthique qui est bien plus poussée que le « Non-Agression Principle ». Tout au long de son livre (et des autres), nous pouvons observer un véritable attachement aux libertés individuelles, un refus de voir l’Homme comme un simple animal sacrifiel égorgé au nom de l’idée que l’Homme est un moyen et non une fin (idée très kantienne, malgré le fait que Ayn Rand est manifesté son rejet des idées de Kant), et un véritable engouement pour la libre-entreprise.

Alors, malgré si nombreux et importants points communs, pourquoi les partisans du « Libertarianism » et ceux du « Radical-Capitalism » se détestent-ils autant ? Leurs querelles se résument par la détestation mutuelle de leurs figures respectives, Murray Rothbard et Ayn Rand. Mais surtout, la question d’éthique personnelle est ce qui sépare les deux groupes. Tout deux militent pour un État limité, voire pour l’anarchie pour les néo-randiens qui ne suivent pas complètement Ayn Rand, mais l’objectivisme condamne par exemple l’usage de drogue, certains comportement individuels non coercitifs et en encouragent d’autres, alors que libéraux et libertariens, de par leur philosophie, se contentent de condamner tous actes agressifs et coercitifs abusifs, sans intégrer un code comportemental pour autant, ce pour quoi ceux-ci sont qualifiés de « hippies de droite » par les objectivistes. Les objectivistes, ironiquement, malgré leur athéïsme marqué par leur principe d’identité, ont tout des adeptes religieux, soutenant le besoin d’une éthique stricte dans la vie des hommes. Ils rejoignent en cela, encore ironiquement, les libertariens traditionnalistes et chrétiens, qui voient la religion sans liberté comme un autoritarisme sans nom, et voient la liberté comme nécessaire, même si les individus se doivent d’avoir une éthique stricte pour que ce ne soit pas la voie de la débauche (attachement à la tradition/religion dans leur cas, volonté de respecter la Réalité pour les objectivistes).

Le « libertarians » et l’objectiviste sont donc simplement le reflet de deux frères appartenant à une même grande et prestigieuse se querellant de manière insidieuse pour savoir qui prendrait le lit du haut.

Voilà donc la dernière partie de ce dossier sur les libertariens. Comment suis-je moi-même devenu libertarien ? Comment ais-pu passer en quelques années du stade de communiste au stade de libéral. C’est un changement qui prend ses racines il y a peu ou prou trois ans : c’est à dire en 2011, lorsque je commençais mon année scolaire en Première ES. Mon intérêt pour la politique (et surtout l’économie) s’est éveillée quelques mois plutôt, mais ce n’est que durant la campagne présidentielle que cette passion, dirais-je, s’est cristallisée. Les idées défendues notamment par le candidat et actuel Président de la République François Hollande me correspondaient assez bien. Je n’ai même pas pris le temps de lire les programmes des extrêmes ou celui des autres candidats. C’est clairement à ce moment là que des idées socialistes bourgeonnèrent. Je considérais notamment l’imposition du capital ou l’impôt à 75% sur le revenu comme de bonnes idées pour ne citer qu’elles. Une autre chose me caractérisait à cette époque : la haine de ce qu’on appelait consumérisme et machinisme. Je vous laisse donc imaginer ma joie à la victoire du candidat que je soutenais. Et ma déception lorsque je le vis reculer sur certaines de ses promesses. Mon intérêt pour la politique s’effrita petit à petit.

Quelque chose d’autre m’avait perturbé durant cette année scolaire : l’étude de la seconde guerre mondiale et plus particulièrement du communisme. Et c’est là qu’une étrange chose advint, même si elle était prévisible. Le communisme captivait mon attention. Un idéal se dessinait dans mon esprit : un monde où tout le monde serait égaux. Personne ne serait riche mais personne ne serait pauvre et nous serions épargnés du déficit moral du matérialisme et autres dépravations de nos sociétés capitalistes. C’est lorsque je repense à cette époque que je réalise la pertinence de la critique de Murray Rothbard envers Ludwig von Mises : ce dernier défendait une position utilitariste, et refusait toute considération éthique concernant le libéralisme. Or à l’époque, étant communiste, ce n’était pas son efficacité qui m’avait convaincu de l’être, car je m’apercevais bien de son inefficacité. C’est l’éthique, ou le semblant d’éthique, qui caractérisait le communisme qui m’avait convaincu à défendre ses positions. Même meurtrier, c’était pour la bonne cause, tout en me disant qu’il serait préférable de ne plus faire couler de sang à l’avenir.

Rejet de la violence
Mais cette passion, que dis-je, cette adoration du communisme s’estompa lorsque je découvris ce qui fut ma première caractéristique libérale : la détestation de la violence. Non, en effet, à y regarder plus près, je me demandais si le fait de fermer les frontières n’était pas l’aveu même de la défaite de mes idéaux, et je réalisais que, sauf à user de la violence, un pays communiste ne pouvait pas émerger. La chimère communiste et pleinement centralisatrice s’estompa. Mais elle fut rapidement remplacée par une autre : la mouvance alter-mondialiste. Si on ne peut se passer d’une économie de marché, faisons en sorte que celle-ci ne soit pas aussi destructrice que ce qu’elle était naturellement dans mon esprit. Il fallait au moins s’épargner le renard libre dans le poulailler libre. Une époque où désillusion allait sur désillusion : une époque où lorsque je critiquais les ultra-libéraux, je mentionnais d’emblée les renflouements des banques, les subventions publiques, la politique expansionniste de la Banque Centrale. Tous ces artifices me semblaient être l’expression même de la caste libérale qui se servait de ses pouvoirs pour accroître la potentialité du pouvoir économique à écraser les plus pauvres. Les droits de succession ? Les plus pauvres seraient obligés de vendre leurs terres à des agents immobiliers. C’était forcément une injure libérale qui se cachait derrière cela.

Mes cours de sciences économiques avaient cependant amené une autre pierre à l’édifice interventionniste que je représentais : j’ai nommé le keynésianisme. Autant dire que je commençais à accumuler les mauvais actifs. Il survint cependant un remède guérissant ces stigmates étatistes, lentement mais sûrement. J’avais eu l’avantage d’avoir un enseignant hors norme dans l’éducation nationale. Très conservateur sociétalement, si je puis dire, mais très libéral sur le plan économique.

Autant dire que j’avais droit à une certaine critique des tentatives de relance en France, du protectionnisme ou de la politique de la Fed, ou que celui-ci nous parlait des Lois Hartz et de la flat tax dans les pays anciennement communistes. Un professeur un peu atypique en somme et à qui, malgré notamment nos nombreuses divergences sur le plan sociétal, je dois l’attraction que je subis progressivement vers le libéralisme. Cela ne se fit pas du jour au lendemain. Il me fallut mon année de Terminale pour me débarrasser d’une partie des pensées keynesio-marxistes qui me caractérisaient. Ainsi je considérais vers la fin de l’année scolaire la taxe à 75% comme une imbécillité, ainsi que la très grande rigidité du marché du travail français. Ce n’était pas grand-chose mais au vu de mes précédentes promenades au fin fond du socialisme, on pouvait considérer cela comme un progrès.

Après avoir passé mon bac, je commençais à m’intéresser à l’UDI, qui s’était formée depuis quelques mois. Parallèlement, il me prît l’envie de relire les programmes de chaque parti. Je vous laisse deviner ma stupeur quand je me suis aperçu que, peu ou prou, c’était les mêmes programmes. Derrière chacun d’entre eux se cachait l’État, et seul le degré auquel il se manifestait variait, encore que très peu. À cette découverte, une idée me traversa l’esprit. Je devais absolument savoir ce qu’était le libéralisme, ce qu’il était vraiment (pas ce qu’on en disait à la télévision). C’est à ce moment là que je découvris que le PLD faisait partie de l’UDI.

Il me semblait approprié donc de lire leur programme. Et le moins que je puisse dire est que j’étais choqué, plutôt dans le bon sens du terme, par ce que je lisais. Retraite par capitalisation ? Les médias parlaient tous les jours de la retraite par répartition sans proposer d’alternative. Cela me semblait être une bonne idée. En somme, j’étais relativement d’accord avec tout ce que je lisais.

J’avais cependant encore en détestation les inégalités économiques et je souhaitais que l’État les résolvent. Une personne me fit cependant remarquer que l’égalité économique était le contraire de l’égalité de droit, et qu’à vouloir des individus vivant pareillement, il fallait agir différemment avec chacun d’entre eux. En somme, chacun aurait une part inégale de sa propriété qui lui appartiendrait. Le dogme de l’égalitarisme s’envola définitivement.


Mieux connaître le libéralisme
Passons vite ma première année de Licence. Elle correspond à l’année où j’ai essayé d’approfondir mes connaissances sur le libéralisme. Je m’étais mis à lire Contrepoints, les publications de l’Ifrap, de l’Iref Europe et parfois de l’Institut Coppet et l’Institut Molinari, et je discutais régulièrement avec des libéraux sur Twitter. Je finis rapidement par me considérer comme minarchiste, c’est-à-dire que je défendais un État minimal. Mais même si la tentation d’aller plus loin me tenaillait, je voyais dans l’anarcapie un danger profond pour la liberté, et je ne comprenais pas comment certains individus en arrivaient à un tel … « extrémisme » ? Je me refusais à user de ce terme, sachant que c’était ce que les étatistes disaient des libéraux en général.

Le jour arriva cependant où je me mis à discuter avec un anarcho-capitaliste. Ma position restait la même : l’État devait gérer les fonctions régaliennes. Il essayait cependant de me convaincre que ce n’était pas nécessaire. Il sema le doute dans mon esprit et je ne savais plus que penser. Cependant, l’aboutissement de ma quête arriva lorsqu’une excellente nouvelle illumina mon quotidien. C’est à celle-ci que je dois mon arrivée à l’anarcho-capitalisme.
C’est cette personne qui me fit réaliser que le seul monde où elle méritait de vivre, c’était dans un monde de liberté. Pas un monde dépravé, enchaîné et spolié par l’État. Un monde où elle pourrait s’épanouir et ne pas avoir à se soucier de mafieux en tout genre. Un monde où celle-ci verrait que la liberté n’est pas un bien, mais un droit de l’humanité.

Désormais, je me considère avant tout comme un étudiant essayant d’approfondir ses connaissances le plus possible en la matière, en philosophie politique comme en économie dans le but de protéger l’héritage de cette déesse que nous appelons Liberté.


 

octobre 13, 2015

Le planisme étatique "Hollandien" comme un socialisme "Engelien"

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Sommaire:

A) Ubérisons la vie politique ! Par Jean-Charles Simon - La Tribune

B) Non au septennat non renouvelable - Olivier Rouquan / chercheur associé, enseignant - Les Échos



 

A) Ubérisons la vie politique !

Les politiques, trop nombreux et trop souvent inefficaces, coûtent cher à la France. Comment les remplacer ? Eléments de réponse...

Les débuts de la primaire des Républicains - les vrais, ceux des Etats-Unis - peuvent sembler folkloriques. Ils n'en donnent pas moins à réfléchir. Les trois leaders des sondages à ce stade, Donald Trump, Ben Carson et Carly Fiorina, mettent en avant un point commun dans leur campagne : ils ne sont pas des professionnels de la politique. Ils n'ont pas passé plusieurs décennies à Washington ou dans des exécutifs locaux. Et c'est, de l'avis des observateurs, une cause majeure de leur succès en ce début de campagne pour la présidentielle 2016, même si ce phénomène pourrait être éphémère. Tandis qu'une armada de politiciens chevronnés peinent derrière eux pour exister, pénalisés justement par leur pedigree.

Dans plusieurs pays européens, on l'a vu, des forces nouvelles ont émergé brusquement sur la scène politique, en réaction aux partis établis. En France également, plusieurs études d'opinions démontrent la lassitude à l'égard de la classe politique, si peu renouvelée. Pour autant, le système politique français, particulièrement cartellisé et verrouillé, ne laisse quasiment aucune chance à des forces alternatives. Il est donc peu probable que des initiatives de la sorte rencontrent un succès notable ici, comme on l'a vu avec l'échec de « Nous citoyens ».

Un oligopole protégé
Il faudrait en fait penser de manière radicalement nouvelle l'organisation de la vie publique à l'ère numérique. Car le système actuel est tout sauf efficient. En France particulièrement, s'organise un univers de purs professionnels de la politique qui, dès leurs études, s'emploient à devenir des militants-apparatchiks. Pour ne cesser de l'être que par la force des choses, au crépuscule de leur vie active. Ils constituent un oligopole très protégé, où l'on s'organise pour ne faire et ne vivre que de la politique, entre mandats reconductibles sans limite quand on est gagnant, planques dans des emplois plus ou moins fictifs (cabinets d'exécutifs locaux, structures parapubliques...) pour surmonter les périodes de défaites.

Les plus astucieux et organisés ont privilégié une profession d'accompagnement de leur carrière politique, si possible libérale et leur permettant de faire fructifier leurs relations et de monnayer leur potentiel électif - bref, du trafic d'influence soigneusement blanchi. Tous ne connaîtront quasiment jamais le vrai travail, celui des contraintes de tout un chacun dans le reste du monde professionnel : développer et entretenir une expertise, satisfaire les exigences d'un management, produire surtout les « délivrables » concrets qu'exigent la quasi-totalité des métiers.

Parasites de la vie publique
Non, les politiques se complairont d'abord dans les jeux d'appareil - le fondement de leur ascension puis de leur maintien en position -, se préoccuperont de leur visibilité médiatique, survoleront de réunions en réunions des dossiers dont ils ne prendront jamais la mesure de la complexité et de la profondeur. Pour une poignée de parlementaires consciencieux et opiniâtres, l'immense majorité n'a pour ainsi dire aucune maîtrise de quelque sujet que ce soit, et le niveau de leurs échanges est souvent consternant.

Bref, cette classe politique n'apporte strictement aucune valeur ajoutée à la vie publique. Il est même fréquent qu'elle la parasite : il n'y a qu'à voir la propension des politiques à parader sur les lieux de telle catastrophe naturelle ou fait divers, mobilisant des services publics qui auraient mieux à faire. Ou encore observer leurs positionnements tactiques dans des débats qui paralysent l'action des administrations, celles-ci étant suspendues à des décisions qui ne viennent jamais, quand il ne s'agit pas de choix absurdes in fine. Sans compter les cas trop nombreux de captations de biens publics à leur profit.

Légitimité usurpée
Cette entropie globale générée par la classe politique est d'autant plus critiquable que celle-ci s'estime intouchable, au nom d'un principe sacré, l'onction du suffrage universel. Mais ce consentement du peuple est totalement vicié. D'une part, car il n'a pas un libre choix, compte tenu des mécanismes oligopolistiques à l'œuvre déjà rappelés. D'autre part, parce qu'une large proportion des électeurs, souvent majoritaire, préfère se tenir à l'écart du scrutin, dans l'abstention ou le vote blanc. Enfin, car le droit de vote s'exerce le plus souvent par défaut, sans signifier le moindre mandat explicite au vainqueur, et parce qu'il s'agit d'un vote bloqué sur un ensemble de propositions et prérogatives, et non d'un choix circonstancié sujet par sujet. La légitimité des élus à diriger, nommer, légiférer et réglementer est donc largement usurpée. Mais cet état de fait est-il une fatalité ? La démocratie étant, selon la formule churchillienne, le pire des systèmes à l'exception de tous les autres, peut-on la faire évoluer ? Les outils dont nous disposons aujourd'hui devraient nous ouvrir un vaste champ de possibilités. Et aussi utopique que cela puisse paraître, une démocratie profondément renouvelée sans classe politique est à notre portée.

Se reposer sur l'administration ?
En premier lieu, la classe politique ne « fait » rien : sa disparition ne créerait donc aucun vide d'exécution. La production de normes publiques (lois, règlements, circulaires...) est en effet toujours le fruit d'une administration. Or ces administrations sont bien davantage parasitées que managées par leurs tutelles politiques. S'en débarrasser serait certainement un bienfait pour leur productivité, d'autant que la haute administration est en France de bonne qualité. Oui, je le sais, la détestation des énarques est très répandue, notamment du fait de leur emprise sur la vie politique, qui constitue un détournement de la vocation de leur formation.

Pour autant, ils sont indubitablement bien formés et aptes à diriger efficacement des organisations complexes. D'ailleurs, il faut le constater, ils réussissent fort bien à la tête de nombreuses grandes entreprises privées, car ils sont justement adaptés aux problématiques qu'elles rencontrent - finalement, la bureaucratie privée n'est pas si éloignée de la bureaucratie publique... Et les quelques exemples de restructurations réussies d'administrations ont généralement en commun un groupe de hauts fonctionnaires ayant eu les coudées franches pour réformer et moderniser, en dépit des vicissitudes politiques.

Bien entendu, ces administrations ne décident pas toutes seules, et il conviendrait donc d'imaginer des processus de décision alternatifs à ceux, bien que très inefficaces et aux nombreux effets pervers, procédant des sphères politiques. J'imagine l'angoisse de beaucoup à l'idée d'une sphère administrative livrée à elle-même, mais il ne s'agirait évidemment pas de cela. Ainsi, tous les corps de contrôle, les inspections, et bien entendu la magistrature auraient un rôle majeur à jouer dans un tel système. Et nul doute que sans intervention ou pression politique, ils l'exerceraient bien plus librement et fermement que dans notre système actuel. L'exercice budgétaire pourrait par exemple être beaucoup plus efficient qu'aujourd'hui, en s'organisant autour de feuilles de route exigeantes en matière de bonne gestion et d'efficacité, sous la surveillance de la Cour des comptes. 

S'inspirer de la Suisse 
Surtout, au cœur de cette nouvelle architecture, il y aurait naturellement place pour des mécanismes participatifs très élaborés. Après tout, la révolution numérique n'a aucune raison de s'arrêter à la porte de la vie publique. Et qu'on n'invoque pas les risques en matière de sécurité à propos de votes électroniques, alors que la déclaration et le paiement des impôts devront bientôt s'effectuer intégralement en ligne ! Le vrai défi serait de mettre en place un système du type des votations suisses, pour que les citoyens, mais aussi les administrations confrontées à des choix politiques difficiles à départager d'un seul point de vue technique, puissent soumettre des questions au suffrage universel (sous conditions classiques, du type nombre minimum de pétitionnaires et validité de la proposition vérifiée par une Cour suprême), tout en assurant l'intelligibilité de ces scrutins, la faisabilité et la compatibilité des choix effectués. Mais rien d'inaccessible en la matière, et la démocratie suisse, justement, où le pouvoir politique est finalement assez modeste et décentralisé, tout en accordant une vaste place à l'expression directe des citoyens, constitue de bonnes prémices de notre modèle. Il va de soi, d'ailleurs, que celui-ci supposerait ab initio une administration singulièrement amincie et une décentralisation claire et effective, sans les doublons et la confusion actuels. Des fonctionnaires en charge par exemple des plans d'occupation des sols et des permis de construire, le tout sous le contrôle de juridictions vigilantes, représenteraient ainsi un énorme progrès par rapport aux tripatouillages de tant d'élus locaux. 

Des nominations consultatives
Les nominations pourraient être également assurées de manière bien plus satisfaisante qu'avec la surcouche politique dont nous sommes aujourd'hui accablés : plus de copinage partisan, de promotion éclaire due au seul passage en cabinet, de conflit d'intérêts flagrant ou de rotation massive à chaque alternance. Au lieu de cela, un processus au mérite, collégial et transparent, avec notamment, pour les plus hautes fonctions, un « vetting » à l'américaine, c'est-à-dire une scrutation rigoureuse du parcours et des compétences des candidats, par une juridiction ou un collège expert, et dans le même temps par les médias. Et cette méthodologie concernerait bien entendu les postes de représentation, par exemple pour la diplomatie - il en faut bien.

C'est en l'espèce ce qui est en place à l'échelle de l'Union européenne, et il n'y aurait donc pas de difficulté à le dupliquer et à l'améliorer au niveau d'un pays. Comme il se doit, la rotation régulière des représentants et dirigeants serait assurée en amont, afin qu'il soit impossible de se maintenir indéfiniment en responsabilité, au risque de bâtir un système personnalisé et parfois corrompu... : toutes choses qu'engendre hélas trop souvent notre système politique. 

Des gains multiples Aux bienfaits nombreux liés à la disparition d'un jeu politique écrasant et pourtant stérile, qui empoisonne littéralement la société et accapare de trop nombreuses ressources (plus de 500 000 élus en France !), au soulagement de ne plus avoir affaire à une caste indéboulonnable et inefficiente, s'ajouteraient les gains liés à l'absence d'agitation décisionnelle, facteur de perturbation des agents économiques. Comme l'avouait récemment la fondatrice de Leetchi à l'adresse des parlementaires : « si vous pouviez ne plus rien faire, à la limite ce serait mieux ! ». Il est d'ailleurs attesté que les phases de gouvernement expédiant les affaires courantes - par exemple dans l'épisode de l'absence de gouvernement en Belgique en 2011 - ou de majorité introuvable sont souvent bénéfiques pour l'économie d'un pays. L'incertitude et l'imprévisibilité politiques sont des maux dont une telle révolution nous débarrasserait. Alors naturellement, l'utopie peut sembler trop énorme. Et « l'ubérisation », expression désormais appliquée jusqu'à la nausée à tout et n'importe quoi, paraître illusoire. Mais ce serait désespérer de la capacité des citoyens à reprendre le contrôle de leur destin collectif. Si un saut quantique vers un monde sans classe politique s'avérait hors de portée, alors allons-y par étapes. Pour commencer, en interdisant tout cumul de mandats et surtout en limitant très rigoureusement leur renouvellement dans le temps, afin de briser la politique de carrière. Puis en restreignant drastiquement le nombre d'élus et les cercles connexes, comme les cabinets des exécutifs nationaux et locaux ou les parachutages dans des organismes publics, qui seraient réservés à des administratifs. Enfin en réduisant les degrés de liberté, les pouvoirs de nomination et d'engagement budgétaire, tout en renforçant l'autonomie et les pouvoirs des corps de contrôle et de la justice. Peu à peu, il sera alors possible de sortir nos sociétés de leur infantilisation par des monarchies électives.

Jean-Charles Simon


B) Non au septennat non renouvelable 

Le rapport Bartolone-Winock, dont certaines recommandations s'inspirent d'anciennes études, propose le passage au septennat non renouvelable. Ce n'est pas pertinent.

Un rapport de plus pour rien ? Le rapport du groupe de travail sur l’avenir des institutions, présidé par Claude Bartolone et Michel Winock , a été adopté par l’Assemblée nationale le 2 octobre 2015. Ce rapport, intitulé Refaire la démocratie, formule 17 propositions, visant à « restaurer le lien entre les citoyens et leurs représentants » et favoriser la participation des citoyens.  
Si ce rapport ne semble peu pertinent, un autre écueil apparaît. La méthode suivie par l’Assemblée nationale est bien décevante. Elle consiste, comme de coutume, à convoquer de « grands » experts auditionnés (provenant toujours des mêmes « grandes » institutions, la plupart parisiennes), sans procéder en temps réel à une large consultation. Le processus émerge donc une fois de plus de l’ombre relative des arcanes parlementaires, sans ouverture préalable d’un forum populaire.  
Un semblant de concertation est in fine instauré sous forme de questionnaire numérique. Les citoyens ont jusqu’au 31 octobre 2015, soit moins d’un mois pour formuler leurs idées. Ni panel, ni jury citoyen, ni d’autres techniques de démocratie participative n’ont été testés pour l’occasion. L’innovation institutionnelle, c’est pour les autres et surtout pour… après-demain.

Des propositions éculées

Au sujet du contenu, certaines propositions du rapport Balladur de 2007 , mises en œuvre suite à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, ont déjà renforcé les pouvoirs du parlement. Mais l’exécutif et le président restent très puissants. Alors, les propositions du rapport Bartolone-Winock se situent dans la continuité des observations déjà faites pour relancer la dynamique parlementaire, voire des attentes déçues de l’opinion publique – plus de démocratie participative et demande de renouvellement du personnel politique. 
Certaines sont relativement attendues – indépendance de la justice, référendum d’initiative minoritaire. D’autres sont fort techniques et difficilement explicables, constituant des ajustements peu visibles pour le commun, mais comme souvent, suscitant de vifs affrontements entre praticiens : débats sur la dose de proportionnelle, la diminution du nombre de parlementaires, l’amélioration du contrôle parlementaire (le Sénat et le CESE fusionnés deviennent des évaluateurs) ; et que dire des propositions relatives à la procédure législative si complexe – adoption obligatoire des amendements en commission et possibilité parlementaire de créer des dépenses, ou encore renforcement des droits de l’opposition ? N'en découlera pas un rééquilibrage significatif des pouvoirs. 
Septennat ou conservation de la Ve ?
En fait, les recommandations de rénovation les plus saillantes sont : la fin du quinquennat et le retour au septennat, mais cette fois non renouvelable, ainsi que de nouvelles dispositions de limitation du cumul des mandats dans la durée – trois élections successives à l’Assemblée, pas plus. Le président, toujours élu au suffrage universel direct, deviendrait davantage un arbitre hors du jeu, capable de garantir les grandes orientations… Assez rapidement, il deviendrait surtout inerte : le septennat non renouvelable est le meilleur moyen de transférer en douceur, le pouvoir exécutif au premier ministre. 
Il semble pourtant utile de conserver un président actif, tout en restaurant la légitimité spécifique du chef du gouvernement et de l’Assemblée nationale. En effet, les électeurs tiennent à une élection présidentielle attribuant des pouvoirs importants à un acteur central. Une autre proposition visible consisterait à établir un mandat de six ans, renouvelable une fois pour le président et de quatre pour les députés. À leur sujet, contrairement aux affirmations du rapport, ils ne sont pas trop nombreux. Avec moins de députés, la circonscription électorale augmenterait en taille, le lien de proximité territorial disparaissant. Or la fin du cumul entre mandat parlementaire et exécutif local après 2017 va déjà l’entamer. Autrement dit, l’enjeu n’est pas d’avoir 400 députés plutôt que 577, mais de leur confier un mandat un peu plus court, les obligeant à rendre plus souvent des comptes.

Un pouvoir présidentiel plus responsable

La conservation d’un président actif dans les domaines des missions de l’art. 5 de la Constitution, doit s’appuyer sur plus de responsabilités. Mais au rebours de recommandations semblant fades, pourraient y contribuer avec vigueur : l’arythmie retrouvée des mandats entre président et députés, qui rouvre des possibilités de cohabitation (responsabilité indirecte) ; et un regain rendu obligatoire de la pratique référendaire, valant test direct de responsabilité présidentielle, à condition d’en garantir préalablement la constitutionnalité.
Ceci n’empêche en rien, comme le souhaite le rapport, d’instaurer par ailleurs, un vrai référendum d’initiative populaire, ou encore un référendum d’initiative régionale… L'étude a donc le mérite d’alimenter le débat. Mais pour ne pas décevoir, ce dernier doit au-delà de mesures techniques sur lesquelles les spécialistes s’accordent à peu près, revenir de façon tranchée et participative sur le déséquilibre qu’a instauré le quinquennat.

Olivier Rouquan / chercheur associé, enseignant




octobre 12, 2015

Politique étrangère française au Moyen-Orient et l'islamisme ??

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.






Sommaire:


A) "La France a-t-elle encore une politique au Moyen-Orient?" - le point de vue d'Hubert Védrine - Françoise Feugas - Orient XXI

B) L'islamisme aujourd'hui : du quiétisme au djihâdisme - diversités et réalités géopolitiques - Anne-Clémentine Larroque - Diploweb 
 
C) Divers liens sur l'Islam sur Université Liberté



 A) "La France a-t-elle encore une politique au Moyen-Orient?" - le point de vue d'Hubert Védrine
 
« J’espère ne désespérer personne ». C’est par cette phrase quelque peu anxiogène qu’Hubert Védrine introduit son propos, à la toute fin du colloque. Dans l’intitulé « La France a-t-elle encore une politique au Moyen-Orient ? », il a d’abord lu une référence à la « politique arabe de la France », et croit y déceler la nostalgie d’une période de l’histoire qui ne reviendra jamais. Des éléments structurants du monde se sont désagrégés depuis l’époque mitterrandienne où l’on se demandait déjà si « politique arabe » était une référence, une injure ou un idéal à reconstruire. La politique étrangère française du temps du « gaulo- mitterrandisme » ne se souciait guère de l’opposition entre chiites et sunnites. Du reste, le fondamentalisme religieux de quelques-uns n’entrait pas en ligne de compte dans la relation avec un monde arabe « un peu idéalisé ». Aujourd’hui, cette question est au premier plan et « concerne absolument tout le monde, du Maroc à l’Indonésie, à n’importe quelle banlieue d’Europe ou au Sahel ». La façon de considérer le conflit israélo-palestinien était alors complètement différente. Mais l’espérance de sa résolution au bout d’un processus de paix que l’on croyait possible s’est éteinte avec l’assassinat de l’ancien premier ministre israélien Yitzhak Rabin en 1995. « Il est de plus en plus clair maintenant que c’est fini, dit-il. « les sionistes religieux fanatiques ont gagné. » Il faut ajouter à cette nouvelle donne la fin de la dépendance américaine au pétrole saoudien, et bien sûr le retour de l’Iran sur la scène internationale avec l’accord conclu le 14 juillet dernier sur le nucléaire, malgré l’engagement considérable de Benyamin Nétanyahou pour l’empêcher et les craintes de l’Arabie saoudite. La Russie était complètement absente du jeu international depuis la fin de l’Union soviétique en décembre 1991. Ce n’est qu’avec les événements récents des trois ou quatre dernières années qu’elle a retrouvé un rôle dans la région — ou plutôt que ce rôle est devenu visible. 

Le plus petit commun dénominateur
Les trois quarts des pays européens n’ont aujourd’hui aucune politique étrangère digne de ce nom. L’expression commune européenne est donc forcément celle du « plus petit commun dénominateur, sur la base de principes sympathiques mais complètement inopérants ». Des politiques particulières ou de voisinage se mènent au cas par cas. « L’expression européenne est un cas où le total est inférieur à la somme des parties », dit-il. Elle « se transformera peut-être un jour en quelque chose de créatif mais pour le moment, ce n’est pas le cas. » L’Europe se contente donc d’assister à la désagrégation de ce qui avait été mis en place après la première guerre mondiale avec les accords Sykes-Picot et lors de la conférence de San Remo, quand les « puissances chrétiennes » ont mis fin à la domination, jugée par eux abusive, de l’empire ottoman en le disloquant. Cette configuration géopolitique a longtemps tenu par des procédés assez autoritaires, voire répressifs. « Tout un siècle de dureté, de cruauté (...) est en train de se désagréger en créant un tableau nouveau. On voit bien que personne ne contrôle l’ensemble. Personne ne peut refaire Sykes-Picot (...). Même en additionnant un Américain et un Chinois, un Américain et un Russe, cela ne marcherait pas. » Il n’y a donc pas de puissance « plus ou moins globale », ni de puissance régionale qui puisse imposer sa loi, même si beaucoup interagissent dans un jeu complexe. L’Iran reste fort, sans doute plus encore après l’accord ; pas suffisamment cependant pour imposer sa solution à toute la région. La Turquie non plus, qui a « un peu rêvé d’une sorte d’époque néo- ottomane dont aucun Arabe ne veut, bien sûr, et on voit bien que cela s’est heurté à des difficultés et qu’ils sont plutôt sur la défensive ». L’Égypte ne peut guère espérer plus que contrôler le Sinaï et influencer l’est de la Libye. En Arabie saoudite, le roi veut rassembler un « front sunnite », stopper le retour iranien et combattre les chiites « par Syriens et Yéménites interposés ». Mais Riyad, qui était dans une lutte frontale contre les Frères musulmans, se voit plus ou moins contrainte de passer des compromis avec eux. Ce qui embarrasse sans doute Abdel Fattah Al-Sissi, qui mène contre eux une répression féroce en Égypte. « Quant aux autres pays, bien malin qui peut prédire ce qu’ils seront dans 20 ou 30 ans. » Aucune puissance au monde n’est aujourd’hui capable d’avoir un schéma d’ensemble et encore moins de l’appliquer ; et « toutes les théories complotistes surestiment de façon déroutante la puissance des comploteurs potentiels. » 

Des États sous influence
Il y a une politique étrangère française de facto, parce qu’il faut bien prendre des décisions et entretenir des contacts avec les uns ou les autres. Au Maghreb, elle paraît quelque peu tâtonnante. « Elle n’est pas toujours en complète contradiction avec les orientations d’avant, mais elle n’est pas toujours claire non plus, et on ne sait pas très bien où elle va », mais on peut le dire tout aussi bien de la politique américaine, à l’exception notable de l’Iran. L’accord sur le nucléaire le 14 juillet dernier est en effet le résultat d’une réelle politique stratégique qui aura des conséquences tout à fait importantes dans la durée. En revanche, concernant Israël, Barack Obama avait bien tenté de demander l’arrêt la colonisation de la Cisjordanie, mais Nétanyahou lui a opposé une fin de non-recevoir. Car l’influence des lobbies est très grande : celle des colons en Israël tout autant que celle d’Israël sur le Congrès américain, sans parler du fameux lobby très intelligemment construit au fil du temps par le Likoud, énorme, évangéliste... et républicain. L’état d’affaiblissement des systèmes de décision démocratiques oblige à tenir compte, dans les analyses internationales, des phénomènes de diasporas, d’influence, de lobbying. Il y a quelques années, on aurait encore pu faire de l’analyse internationale un peu abstraite, en tout cas en ne parlant que des États. Mais ils sont précisément limités dans leur action, tiraillés, influencés. En tous cas, Obama ne s’est jamais tout à fait relevé politiquement du refus de Nétanyahou ; il a simplement réussi à résister à sa campagne, extrêmement forte et virulente, contre l’accord nucléaire avec l’Iran. La politique américaine est donc extrêmement affaiblie sur ce point. 

Du bon côté de l’histoire
Après les « printemps arabes » que l’on n’a pas vu venir, il y a eu l’Égypte et le coup d’État militaire du 3 juillet 2013 contre le président élu Mohamed Morsi. La France a considéré de façon pragmatique et relativement empiriste qu’après tout, il fallait « faire avec » Abdel Fattah Al-Sissi. Pour certains hommes politiques français, la leçon à tirer des événements intervenus au Proche-Orient entre 2011 et 2013 a été qu’il fallait désormais se placer « du bon côté de l’histoire » en aidant à renverser Bachar Al-Assad. Or, si cette position est honorable moralement, elle a conduit à une impasse. Globalement, la politique occidentale qui s’est concentrée sur le fait qu’Assad devait partir n’a donné aucun résultat, d’où des évolutions plus réalistes dans la période récente. Ainsi François Hollande a-t-il finalement autorisé à la défense ce qu’elle demandait depuis un an : mener des frappes aériennes en Syrie, où se trouvent la tête et les camps d’entraînement de l’organisation État islamique (OEI). Domine désormais l’idée qu’Assad doit certes quitter le pouvoir ; non pas comme une condition sine qua non à toute négociation avant, mais « à un moment ou un autre ». Sur cet aspect de la politique française, l’hésitation prévaut. Quant à la politique de la France vis-à- vis du Maghreb, elle se résume à « s’entendre le moins mal possible simultanément avec l’Algérie et le Maroc. » Après l’Égypte, l’Iran. La France a maintenu jusqu’au bout une politique très dure sur l’accord avec l’Iran, ce que Riyad a su apprécier concrètement par des achats de Rafale, de Mistral, etc. « Il n’y a pas à critiquer la France d’en profiter, après tout. » En revanche, distinguant les opportunités économiques et commerciales de ce qui pourrait ressembler à un début d’alliance, Hubert Védrine prévient : si ces « opportunités » devaient prendre l’allure d’une sorte d’alliance avec le « front sunnite » qu’appelle de ses vœux l’Arabie saoudite, cela ne correspondrait à aucun des intérêts fondamentaux de la France. Il défend la position de Nicolas Sarkozy dans la question libyenne. « J’ai essayé d’être honnête avec la décision de Sarkozy à l’époque, en rappelant qu’il ne s’est pas excité sur le sujet tout seul. Il y a quand même eu un début de printemps arabe, la révolte de Benghazi, la menace de Mouammar Kadhafi de noyer cette révolte “dans une rivière de sang” — et il l’aurait sans doute fait —, la demande du Conseil de coopération du Golfe (CCG) d’une intervention protectrice, la demande de la Ligue arabe. » C’est pourquoi, dans la résolution de l’ONU au titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies intitulé « Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression », l’intervention militaire en Libye ne fait pas partie de la liste des interventions unilatérales non légitimes (au contraire de l’intervention américaine en Irak en 2003). On peut néanmoins s’interroger sur le bien-fondé et les objectifs de cette intervention, note-t-il, quand on constate l’état actuel de décomposition de la Libye, même si du point de vue européen, le principal problème réside dans le fait que le verrou libyen anti-immigration ait sauté. « Il aurait peut- être fallu instaurer une espèce de protectorat provisoire, mais aucun Libyen ne le voulait »

Interventionnisme ou isolationnisme ?
Dans un tel contexte, qu’est devenue la politique étrangère française ? s’interroge l’ancien ministre des affaires étrangères de Jacques Chirac. Il n’y a que des « morceaux de politique française juxtaposés ». Dans le conflit syrien, l’hésitation demeure : l’OEI est-elle la menace majeure ? Ou doit-on considérer que l’objectif numéro 1 est le régime syrien ? Quel est l’intérêt de la France à le renverser ? La hiérarchisation des objectifs, la clarification n’ont été faites ni par la France ni par personne. Dès lors, que faire face à cette décomposition du Moyen-Orient en cours ? Le choix est large, de l’interventionnisme à une non-intervention quasi totale. La position de la France pourrait consister à prendre acte de son impuissance et à attendre qu’une sorte de traité de Wesphalie soit instauré entre pays arabes pour réorganiser la région. Quelqu’un comme l’ancien premier ministre Dominique de Villepin n’est pas loin de dire qu’il ne faut plus jamais intervenir nulle part, même au titre du chapitre VII de la Charte de l’ONU. La position inverse consisterait à considérer que la menace de l’OEI est sérieuse, et qu’en conséquence il convient de se donner les moyens d’y mettre fin en mettant sur pied une véritable coalition, beaucoup plus large que celle qui aujourd’hui ne fonctionne pas. Elle devrait comprendre la Russie (et non pas le régime syrien), l’Iran et la Turquie qui abandonnerait son double jeu. C’est du reste ce que demandent les militaires américains : une fois l’objectif atteint, que fait-on ? La réponse se trouve du côté d’une solution politique pour l’Irak et pour la Syrie, affirme-t-il sans évoquer à aucun moment la résolution du conflit israélo-palestinien. « Sur l’Irak, on ne peut pas le faire sans l’Iran ; c’est moins impossible depuis l’accord du 14 juillet, mais avant c’était considéré comme impensable ». En ce qui concerne la Syrie, il faut être en mesure de garantir la sécurité des alaouites, exposés à une vengeance contre le régime syrien qu’ils représentent. Et entrer dans un vrai débat à propos de Bachar Al-Assad. Quelles sont les garanties de reconstruction de la Syrie ? Est-elle simplement encore possible ? Ceux qui envisagent d’éradiquer l’OEI doivent aller jusqu’au bout du raisonnement en envisageant « l’après », c’est-à-dire des solutions politiques. « Le simple fait de l’énoncer dit à quel point on en est loin ». Par conséquent, le plus probable est qu’on reste dans un entre-deux, par peur de devoir s’allier avec la Russie, ce qui est pourtant incontournable, affirme-t-il. 

À la recherche d’une dynamique
« Je ne dis pas qu’on ne peut rien faire ; il y a toujours quelque chose à faire », conclut-il à propos de la Syrie. Mais pour agir, encore faut-il savoir quels sont les intérêts vitaux de la France. Pour les peuples, c’est évident : qu’ils puissent revivre en paix. Pour la France et tous les pays impliqués, c’est neutraliser les menaces de terrorisme, même lointaines. Il n’y a pas tellement d’autres intérêts vitaux ; pas d’intérêt vital pétrolier dans l’affaire syrienne, par exemple. Cette question des intérêts vitaux est au fondement de toute politique étrangère, laquelle ne se limite pas à s’empêtrer dans des guerres de position ; c’est la recherche d’une dynamique. Par conséquent, répondre à l’interrogation posée par le colloque : « la France a-t- elle encore une politique au Moyen-Orient » revient à les déterminer clairement. Il est nécessaire de maintenir des liens bilatéraux avec chaque pays arabe, mais il est impossible d’en faire une synthèse. Malgré tout, l’affirmer écarte de facto toute posture radicalement isolationniste. Certes, le décalage entre l’idée que la France se fait de son rôle, de ses responsabilités et sa capacité d’action réelle est à la fois ridicule et attristant, mais « ce n’est pas parce qu’on ne contrôle pas tout, qu’on ne peut pas refaire Sykes-Picot, qu’on s’en fiche, advienne que pourra », résume-t-il tout en expliquant qu’il cherche à esquisser une sorte de ligne équilibrée, quelque part entre l’action intempestive et irresponsable et l’inaction totale. Reconstruire une politique de la France envers les pays arabes ne peut se faire que laborieusement, « sans oublier qu’il y a par ailleurs une gigantesque bataille historique et longue au sein de l’islam et que de toutes façons il faut qu’on aide les modernisateurs, ou
qu’au moins on ne les handicape pas par nos politiques (...). C’est un long chemin. Je ne vois pas comment être plus optimiste que ce que je dis là maintenant. »

Françoise Feugas



B) L'islamisme aujourd'hui : du quiétisme au djihâdisme - diversités et réalités géopolitiques


La distinction établie entre islam et islamisme permet de mieux comprendre la diversité des islamismes. L’analyse actuelle des islamismes requiert de prendre en compte avec vigueur des paramètres à la fois politiques, historiques, géographiques et nationaux qui influent sur les mouvances islamistes actuelles et sur leur géopolitique. Voici un texte de référence pour construire une connaissance consolidée d’un sujet d’importance. 

DEPUIS les attentats perpétrés contre le journal français Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, l’Europe puis la Tunisie, symboles de la démocratie, ont connu les attaques et les menaces des groupes djihadistes basés au Moyen-Orient. Cette déferlante de violences terroristes est massivement revendiquée par l’Etat Islamique, né officiellement le 29 juin 2014, et appelé Daech par ses détracteurs. Pourtant, l’EI ne se résume pas à une organisation criminelle. Son recrutement, la formation de ses partisans, sa médiatisation, son financement, sa prétention à devenir un Etat, démontrent qu’il existe « une puissance Daech ». Cette nouvelle machine de guerre totalitaire repose sur la mise en action de principes idéologiques djihadistes (basés sur le takfirisme), c’est-à-dire, l’une des lectures contemporaines, la plus radicale, de ce qu’on appelle l’islamisme. En même temps, islamisme, ce néologisme à la sémantique plurielle ne se limite pas à la concrétisation radicale et violente de l’EI ou de sa mère-porteuse, Al-Qaïda. Dans mon ouvrage, j’ai tenté d’établir l’analyse et la synthèse des diverses réalités islamistes. Le suffixe -isme détermine la revendication idéologique d’un groupe à son adhésion à un système de valeurs ancré sur un principe philosophique, religieux, politique, économique : par exemple, l’athéisme, le féminisme, le socialisme, le libéralisme, etc. Le mot islamisme prend aujourd’hui plusieurs sens et la formation de cette notion à partir de sa racine - islam - fait l’objet de nombreuses critiques de la part des partisans-mêmes de la religion musulmane, non- islamistes dans leur grande majorité. Le contexte historique et géopolitique du Moyen-Orient depuis le XIXe siècle au moins, et la présence plus ou moins marquée de l’Occident, ont joué un rôle de taille dans la construction de ce que l’on appelle la nébuleuse islamiste. Au départ, cette idéologie s’est organisée sur un projet politique en plaçant le message coranique au centre de sa doctrine. Ainsi, le projet politique émane du message religieux, mais s’en détache aussi. L’islamisme n’est pas l’islam. Pourtant, l’amalgame prévaut souvent, car si l’islam est avant tout une religion de loi et donc du droit, elle est aussi empreinte de l’idée de gouvernance, dès les origines. La dimension politique fait donc partie intégrante de l’islam. Cependant, et il paraît fondamental de le souligner, les principes islamistes poussent le projet de construction politique plus loin. Dans la perspective islamiste, la structure étatique islamique doit englober toute la société, ses lois, ses principes économiques, ses individus. L’islamisme présente donc un aspect totalisant, à la fois politique et social. La mise en actes politiques appelle des moyens très variés. Pour mettre en place une structure de pouvoir islamiste et assurer sa prédominance sur la société musulmane, il existe trois configurations, et donc trois types d’islamisme. L’activisme politique d’abord, l’activisme missionnaire ensuite, et la troisième voie : l’activisme violent et terroriste, appelé également djihâdisme. Ces trois systèmes de pensée fondent des courants dont les moyens d’action diffèrent : action politique pour le premier ; prosélytisme, quiétisme et prédication pour le deuxième, violences et attentats pour le troisième. Il paraît donc nécessaire de questionner la double nature religieuse et politique de l’islam afin de comprendre comment les islamismes traduisent une interprétation politique du message religieux initial qui, depuis les années 1970, a été réinterprété politiquement jusqu’aux dérives totalitaires des djihadistes actuels de l’EI.
Nous développons spécifiquement ici les fondements et enjeux des islamisme politiques puis djihadistes. 

I. Les islams dans l’Islam : du religieux au politique
A. L’islam : une religion politique totale
L’islam constitue la troisième religion monothéiste, révélée par le Prophète Muhammad dans la première moitié du VIIe siècle après JC, dans la péninsule arabique. Islam signifie en arabe se soumettre aux lois de Dieu. Allah, pour les croyants musulmans, renvoie au Dieu unique, créateur de l’Univers. Son prophète, Muhammad, chef de guerre du clan des Qurayshites, - une tribu arabe puissante de la Mecque -, a été choisi par Allah. L’islam reconnaît les différents prophètes des religions monothéistes juive et chrétienne, il place Muhammad comme le dernier d’entre eux. Le caractère prosélyte de la religion musulmane s’est imposé dés le départ : l’islamisation a permis à la religion de se développer très rapidement de la deuxième moitié du VIIe siècle au début du VIIIe siècle. Aux côtés de l’islam, il existe l’Islam. En effet, la naissance de la religion musulmane s’est accompagnée d’une expansion du domaine géographique sur lequel elle exerce une influence ; le Dâr-al-Islam, « Domaine de l’Islam ». Il correspond à un ensemble géopolitique gouverné par un musulman et où les lois privées sont encadrées par la Charia. L’Islam renvoie donc au territoire se trouvant sous domination arabo-musulmane. La réglementation religieuse a des incidences fortes dans la vie civile et politique de l’Islam. Si le livre saint des musulmans est le Coran, il fait partie d’un ensemble appelé Loi islamique ou Charia, composé aussi de la Sunna pour les Sunnites. Elle tire son essence du Coran et de la Sunna et englobe certains principes de droit : et de deux sources de droit : l’ijma et le Qiyâs. En effet, le caractère politique de l’islam est précisément déterminé par la nature et l’encadrement de la Charia. Elle est protégée et appliquée grâce au fiqh : réglementation juridique qui régit l’organisation interne de la communauté des croyants à la fois dans le domaine religieux mais aussi dans le secteur politique et social. L’ensemble de ces règles concerne l’Oumma : la communauté des musulmans évolue à l’échelle de la planète. C’est la contraction de l’Oumma islamiyya : la communauté islamique. La Charia est à la fois religieuse et sociale. Suivie par les musulmans des Etats islamistes, elle ne s’applique pas de la même manière et selon les mêmes règles, dans les différents Etats qui l’ont adoptée. 

B. les courants de l’islam : sunnisme, chiisme et bien plus encore
Si l’islam demeure numériquement la deuxième religion au monde, il se divise en plusieurs branches. L’islamisation est un processus qui touche le Moyen-Orient et le Nord de l’Afrique aujourd’hui, mais également l’Afrique subsaharienne dans sa partie nord-Ouest et la région des Grands lacs, une partie de l’Asie Centrale et l’Indonésie. Les sunnites suivent la Sunna (actions et paroles du Prophète au quotidien) et respectent la tradition de succession du Prophète, depuis les origines. Les sunnites constituent presque 90 % de la population musulmane mondiale. Les chiites, un peu plus de 10% de la communauté, se sont opposés à la succession originelle et ont choisi de suivre Alî, cousin et gendre du Prophète, au sein du parti du Shia. Ils ne reconnaissent pas la Sunna et considèrent que l’imam est la source unique de l’autorité spirituelle et temporelle de l’islam. Pour les sunnites, il demeure un simple chef de prière. La famille chiite se scinde en plusieurs branches parmi lesquelles : les zaydites, les duodécimains et les ismaéliens. En lien avec leur opposition à la succession du Prophète, les chiites donnent une place centrale à l’imam, le véritable Guide de la communauté. Chacune des mouvances chiites est établie en fonction des modalités de succession de l’imam. Les zaydites (au Yémen notamment) sont les moins rigides à l’inverse des duodécimains (en Iran et en Irak), majoritaires, qui croient que le douzième imam (IXe siècle) n’est pas mort. N’ayant pas de chef religieux depuis, ils ont accepté la tutelle temporelle des sunnites, ce qui leur a valu leur intégration et leur a assuré plus de succès que les deux autres courants. Cependant, l’exemple des guerres civiles syrienne ou yéménite actuelles montre que sunnites et chiites peuvent encore s’opposer radicalement. L’opposition des courants religieux musulmans se nomme la fitna : c’est-à-dire la guerre au cœur de l’islam qui sème le désordre et la discorde au sein de l’Oumma. Celle-ci peut inclure des confrontations entre sunnites comme c’est le cas entre les partisans de l’EI contre les kurdes.

C. L’interprétation du Coran au cœur de la complexité islamique
Le fondamentalisme est une idéologie visant à rappeler le retour aux fondements d’un message dont le sens aurait été dévoyé au fil du temps. Toutes les grandes religions monothéistes connaissent des mouvances fondamentalistes en leur sein. L’enjeu est la création d’une version qui interprète les textes sacrés d’une religion de façon littérale, sans prendre en compte la transformation des sociétés concernées. Dans l’islam, les fondamentalistes souhaitent revenir au message originel diffusé dans les sourates du Coran et dans les hadiths (paroles du Prophète compilées au IXe siècle) qui forment la Sunna. Les premières formes de fondamentalisme musulman apparaissent peu après la période prophétique. Elles ont évolué jusqu’aux wahhabisme et salafisme actuels. Les fondamentalistes contemporains admettent l’interprétation mot à mot du Coran, c’est-à-dire l’exégèse appelée tafsir. Ce qui différencie les mouvances islamistes actuelles demeure l’application de l’ijtihad : l’« effort de réflexion ». En islam, c’est l’interprétation personnelle des sources coraniques par les docteurs en droit musulman qui sert à fabriquer des normes juridiques. Elle suppose une utilisation de la Raison ; les wahhabites n’utilisent pas la Raison et restent très proches des normes existantes à la différence des réformistes salafistes qui s’en servent. Ainsi, le fondamentalisme s’incarne d’abord chez les wahhabites, mais les liens entre wahhabites et salafistes sont devenus ténus à partir des années 1970 et de fait, le fondamentalisme a pu conquérir aussi certaines branches salafistes. 

II. Du fondamentalisme à la naissance d’une revendication politique et sociale : les islamismes
A. Le Réveil d’une revendication islamiste: du wahhabisme (XVIIIe siècle) au réformisme salafiste (XIXe siècle)
Les premières formes d’islamisme, en tant qu’idéologie politico-religieuse, sont apparues dés le IXe siècle, moins de deux cents ans après la révélation de Mohammed. Ibn Hanbal (780- 855), le fondateur de l’école islamiste dite hanbalite s’oppose à l’« islam éclairé » imposé de force par le calife abasside de l’époque. Ainsi, les hanbalites ont contesté l’ordre politique établi en tentant d’imposer un ordre moral et social très sectaire. Le wahhabisme, doctrine islamiste saoudienne développée au Moyen-Orient (Qatar par exemple) demeure l’héritier légitime du hanbalisme : une des quatre écoles religieuses nées entre la mort du Prophète et le IXe siècle. L’école hanbalite refuse toute prise en compte du contexte historique et social d’écriture du Coran et de la Sunna. Elle demeure la plus rigoriste. Deux successeurs au mouvement hanbalite ont permis à cette doctrine d’émerger : - au XIIIe siècle, Ibn Taymiyya , juriste rendu célèbre par son intransigeance et son intolérance envers les mauvais musulmans et les Infidèles (chrétiens, juifs, païens), - cinq siècles plus tard, Mohammed Ibn Abd al- Wahhab rejette tout autant la présence des mécréants dans tout l’Empire ottoman, dont son Arabie natale dépend alors. Issu d’une famille qui suit la doctrine hanbalite, il a voyagé dans de nombreux pays de l’Empire avant d’écrire un ouvrage sur l’Unicité de Dieu. C’est à partir de cette œuvre autant que du combat de son fondateur que le mouvement wahhabite se développe. Mais à la différence du hanbalisme, ce mouvement n’est pas seulement doctrinal ; il a une dimension politique. En effet, pour donner un bras armé à sa doctrine, Abd al-Wahhab a conclu un pacte avec un conquérant arabe, Muhammad Ibn Saoud. Ce dernier favorise alors la diffusion du wahhabisme au gré de ses conquêtes, de celles de ses descendants, à partir de leur région d’origine – le Nejd [1]. Mais en deux siècles, le wahhabisme s’étend bien au-delà car la famille Saoud parvient en 1932 à constituer un État très puissant et très vaste : le Royaume d’Arabie saoudite. L’État saoudien a ainsi fondé ses racines sur le terreau doctrinal wahhabite.

Dans l’actualité récente, on a montré la proximité entre les wahhabites saoudiens et les salafistes, notamment égyptiens. Pourtant, si elle peut être mise en lien, leur pensée s’inscrit dans un contexte historique et géopolitique différent et les deux mouvances ne doivent pas être confondues. La salafiyya n’est donc pas le wahhabisme. Les salafistes se réclament des penseurs wahhabites, mais leur mouvement n’est pas né en Arabie saoudite. En effet, le salafisme a pris forme dans un ensemble géographique disparate (Égypte, Syrie, Irak et Inde), à partir du XVIIIe siècle. Il n’apparaît véritablement qu’au XIXe siècle, un siècle après la naissance du wahhabisme. De l’arabe salaf, ancêtre, la salafiyya prône un retour aux valeurs des pieux ancêtres, c’est-à-dire aux principes des fondateurs de l’Islam, depuis le VIIe siècle. Il s’agit du Prophète mais aussi de ses quatre premiers successeurs : les califes Rashidun, « les bien guidés » qui ont régné tour à tour, au VIIe siècle, sur le Dâr-al-Islam naissant : Abou Bakr, Omar, Othman et Ali. Pour les salafistes, la Sunna et le Coran doivent être compris et lus sans faire appel à la raison individuelle mais uniquement par la mise en application et l’imitation des gestes et paroles du Prophète. C’est pourquoi de tous les islamistes, les salafistes sont ceux qui ont la lecture la plus littérale des textes sacrés. En d’autres termes, les wahhabites ne vont pas aussi loin. D’abord née d’une réflexion très moderne, la doctrine salafiste a mué vers un fondamentalisme puritain, se confondant avec le wahhabisme saoudien. Mais la construction de la doctrine salafiste obéit à des logiques historiques différentes. En effet, trois âges distincts ont marqué l’évolution doctrinale de la salafiyya : du XIXe siècle aux années 1990. Au départ, contrairement aux wahhabites, les penseurs salafistes n’ont pas basé leur doctrine sur la pensée hanbalite. Ils sont partisans d’une pratique de l’interprétation ouverte à l’ensemble des quatre écoles juridiques sunnites : ils s’appuient sur la rigueur juridique de l’école hanbalite mais non sur son radicalisme. Aussi, au XIXe siècle, deux grands penseurs et fondateurs du mouvement ont impulsé la création du mouvement réformiste salafiste : Jamal al-Din dit al-Afghani (1838-1897) et Muhammad Abduh (1849-1905). Il s’agit du premier âge du salafisme. Cette première vague ne s’autoproclame pas « salafiste » mais réformiste ; l’identification du courant s’élabore seulement au XXe siècle. Leur objectif est de préparer le monde musulman au questionnement posé au monde entier par l’Occident, en pleine industrialisation. L’arrivée des Occidentaux dans l’Empire ottoman notamment, a imposé naturellement à l’Oumma une analyse de la solidité de ses structures et de ses valeurs : son identité, sa culture, ses fondements spirituels et intellectuels. Le mouvement réformiste incarne donc une révolution dans l’idéologie islamiste : il marque le réveil de l’esprit de l’islam, à l’échelle sociale et politique. Les fondateurs du salafisme ont estimé que la société musulmane devait se réformer et imposer un retour aux valeurs des « pieux ancêtres » car, selon eux, la société ottomane est en train de péricliter à tout niveau. Le salafisme est donc, au départ, un compromis entre un retour aux valeurs des pères fondateurs de l’Islam et l’intégration des nouveautés apportées par l’Occident. Par exemple, l’ouverture aux progrès technologiques était souhaitée par les salafistes du Premier Age. L’Occident ne représentait pas une menace mais plutôt un modèle dont il fallait se servir pour réformer le monde musulman. Seulement, suite à l’effondrement de l’Empire ottoman dans les années 1920, les Occidentaux ont cherché à investir ce nouvel espace. Les salafistes ont alors intégré à leur doctrine une volonté de résistance au modernisme et se sont rattachés davantage aux mouvements fondamentalistes wahhabites de l’Arabie centrale. En d’autres termes, il s’est agi d’un regain de résistance identitaire basé sur l’identité religieuse. Cela correspond à la seconde vague du salafisme articulée autour de la figure centrale d’Hassan Al-Banna (1906-1949), fondateur égyptien de la confrérie des Frères musulmans. Pour lui, la présence occidentale en Égypte génère des pratiques contraires aux valeurs de l’islam. Il est partisan d’un salafisme nouveau. Certains chercheurs refusent de lier aujourd’hui salafisme et Frères Musulmans. Il vrai qu’en Egypte ou en Tunisie par exemple, ces mouvances sont détachées ; leurs objectifs et moyens d’action diffèrent et par conséquent leur doctrine aussi. Les salafistes de cette deuxième vague ont accepté d’intégrer la culture religieuse soufie dans leur pensée, courant mystique de l’islam que les wahhabites rejettent. Autre rupture avec le wahhabisme, les salafistes comme les Frères musulmans n’intègrent pas le rôle de l’autorité politique de la même manière dans leur doctrine. Les wahhabites relient historiquement le pouvoir politique des monarques saoudiens à la pensée islamiste. Pour les Frères musulmans, cet automatisme n’est pas envisageable. Salafisme et wahhabisme saoudien peuvent, néanmoins, être concordants à partir des années 1950. Les Frères musulmans, persécutés en Égypte et en Syrie, sont accueillis en Arabie saoudite et chargés de diffuser les valeurs islamistes aux jeunes dans les écoles et universités. Les Frères assurent donc la moralisation de la société en préparant la communauté dès son plus jeune âge ; c’est un islamisme basé sur la prédication et qui commence par le bas. Ainsi, islamisme politique et islamisme de prédication se rencontrent et se complètent. Leur rapprochement est néanmoins à nuancer car les Frères musulmans, salafistes réformistes, ne sont pas inféodés à la famille politique saoudienne. L’arrivée des Américains en Arabie saoudite les pousse rapidement vers l’Irak. Un nouveau courant émerge et radicalise les thèses du salafisme de deuxième génération. Le jeu politique a donc un impact direct sur le mariage idéologique des wahhabites et des Frères musulmans salafistes du deuxième âge. À partir des années 1980, wahhabites et Frères musulmans ne sont plus considérés comme alliés. Partisans de l’islam politique, les Frères s’opposent aux pratiques saoudiennes. Cependant, le salafisme ne se cantonne pas à la version donnée par les Frères musulmans. Le troisième âge salafiste est nourri par les thèses de l’intellectuel saoudien, Sayyid Qotb (1906-1966). Son émergence est aussi précipitée par la révolution chiite iranienne et à partir de 1979, le salafisme se referme sur les thèses wahhabites les plus puritaines. Les thèses de Qotb ont nourri l’émergence d’une idéologie radicale devenue le djihadisme (voir III). Finalement, trois types de courants salafistes ont été déterminés (Bernard Rougier) : . Le salafisme originel, littéraliste et missionnaire qui n’admet de ses partisans ni la participation au pouvoir politique, ni leur utilisation des médias modernes. . Le salafisme réformiste, représenté par le courant de la Sahwa. Ses partisans dépassent la fonction de missionnaires des premiers. Ils ont vocation à diffuser au plus grand nombre leur vision de l’Islam et leur vision politique du monde. Ils condamnent l’influence des Occidentaux sur les dirigeants du Moyen-Orient, car elle déstabilise l’ensemble de l’Oumma. Le pouvoir temporel doit suivre les préceptes du religieux et non l’inverse. . Enfin, le salafisme djihâdiste est lui-même divisé en plusieurs mouvements. De manière générale, il prône le devoir de djihâd pour tous les musulmans. C’est le cœur de la doctrine. Il existe des djihâdistes locaux comme en Palestine qui n’ont pas vocation à imposer un califat mondial, et des djihâdistes internationaux, dont les membres d’Al-Qaida font partie. Aujourd’hui, les trois courants salafistes ont généré des groupes politiques comme non- politiques, aux moyens d’action différents qui n’ont pas nécessairement de liens entre eux dans les pays qu’ils touchent. 

B. De l’apprentissage des pratiques politiques à la mise en place des régimes politiques islamistes : révolution chiite, printemps arabes et résistance politique ou terroriste La réalisation d’un projet politique n’existe pas dans tous les groupes islamistes. Seuls les Frères Musulmans, les salafistes réformistes et les chiites khomeynistes embrassent cette ambition. Cependant, si ces trois tendances visent l’instauration de la Charia, les moyens utilisés pour y parvenir et les modes d’application de la Loi islamique ne sont pas les mêmes. Très schématiquement, deux types d’islamisation peuvent s’opposer dans la mise en place du projet : par le haut, l’institution de la Charia permet au peuple de s’islamiser, ou par le bas, l’islamisation du peuple génère la création d’un État islamique. Aussi, dans le cadre de l’activisme radical, la lutte des djihâdistes résistants à la politique anti-islamique d’un régime exprime un message politique à prendre en compte. Trois types d’intégration politique des islamismes dans le monde : l’islamisme consacré par l’État, l’islamisme légitimé par les élections ou associé au pouvoir, puis les groupes islamistes résistants et clandestins. 

L’islamisme consacré par l’État
Prenons l’exemple de l’Iran, véritable modèle révolutionnaire à suivre pour l’ensemble des islamistes du Dâr-al-Islam, chiites comme sunnites. L’activisme révolutionnaire et chiite est né avec un homme : l’ayatollah Khomeiny, il a instauré la théocratie chiite en 1979 en renversant le Shah d’Iran soutenu par les Américains. Ce courant islamiste est national puisqu’ancré en Iran, mais il montre une dominante présente au sein de tous les mouvements islamistes chiites : la capacité des ayatollahs, des oulémas et des mollahs d’encadrer les croyants, en autonomie vis-à-vis de la sphère étatique, tout en continuant de faire progresser les connaissances en matière de normes religieuses. La révolution islamique de 1979 a défini un cumul de deux fonctions pour le grand ayatollah. Il cumule le rôle d’autorité politique, à côté d’un président de la République élu au suffrage universel, et demeure le chef spirituel de la nation : son Guide Suprême. En 2015, ce dernier est Ali Khamenei et le Président de la République élu : Hassan Rohani. Les mollahs iraniens exercent un contrôle important sur l’exécutif et sur la stricte application de la charia dans toute la société iranienne. L’islamisme chiite s’incarne dans l’organisation de la République islamique iranienne. 

Islamismes consacrés par les urnes
La reconnaissance politique des partis islamistes se réalise pleinement lors de leur participation aux élections présidentielles ou législatives. Elle consacre leur pouvoir politique s’ils parviennent à les gagner. Évidemment, les mandats sont, en principe, temporaires et parfois interrompus mais ils traduisent l’évolution du degré d’ancrage politique des islamismes à l’échelle étatique. Les Printemps arabes ont favorisé l’apparition de la prise de pouvoir légale des islamistes et leur insertion dans le jeu politique démocratique en Tunisie, en Egypte et même au Maroc. Entre 2011 et 2012, en Égypte et en Tunisie, les élections portent les islamistes au pouvoir, au Yémen elles les y associent et, en Libye, elles les incluent au jeu politique. Pourtant, la stabilité politique n’est pas acquise et aucun des partis islamistes n’exercent aujourd’hui seul, le pouvoir. Dans d’autres pays comme la Turquie ou le Liban, les islamistes ont été intégrés avant 2011 aux appareils politiques par le biais d’élection, soit en tant que parti élu soit en tant que groupe rattaché à une coalition. 

Clandestinité et résistance politique des islamismes
L’interdiction des partis politiques islamistes par les pouvoirs publics laisse aux islamistes deux possibilités : l’action clandestine ou l’exil. Pour les activistes clandestins, le djihâd devient légitime, ils jugent leurs gouvernants comme des impies car ils ne protègent plus l’Oumma. Le Président égyptien actuel, Al-Sissi, a déclaré illégale l’organisation des Frères Musulmans égyptiens, le 25 décembre 2013. Il les assimile à des terroristes au même titre que les partisans de l’Etat Islamique. En dehors de la région arabe-musulmane, il existe également des conflits violents liés à la revendication politique mais aussi nationale et culturelle de certains groupes islamistes. C’est le cas des Ouïghours en Chine d’Asie centrale et des islamistes du Caucase pour les Russes. Aux périphéries de ces « États continents », les territoires intégrés au prix de conquêtes difficiles et tardives la Tchétchénie, définitivement russe au milieu du XIXe siècle et le Xinjiang, devenu chinois en 1949 , concentrent des peuples marqués par une forte identité ethnique et religieuse. Depuis le 11 septembre 2001, le Mouvement islamiste du Turkestan oriental dont se réclament les Ouïghours est sévèrement réprimé par l’administration chinoise au nord-ouest du Xinjiang ; de violentes confrontations ont encore lieu aujourd’hui. Du côté russe, après les deux guerres russo-tchétchènes des années 1990, le mouvement djihâdiste s’est autoproclamé en 2007 chef de « l’émirat du Caucase », à partir duquel il fomente régulièrement des attentats contre Moscou (l’émir du Caucase, Dokou Oumarov, est mort en mars 2014). Pour la Chine et la Russie, islamisme et terrorisme se confondent.

III. De la résistance identitaire à l’activisme violent et terroriste : les djihadismes
A. Les fondements d’une idéologie radicale : du Coran aux Pères fondateurs du djihadisme
Le moyen ultime pour les islamistes les plus radicaux de sauvegarder l’unité de l’Oumma ou de lutter contre les forces mécréantes est le djihâd, « le combat sacré ». Le Coran évoque le grand djihâd, un combat personnel sur soi pour devenir meilleur et le petit djihâd ou djihâd par l’épée .Le petit djihâd est donc défensif ou offensif. Il devient défensif s’il existe une menace sur l’Oumma, tout musulman doit y participer. Le djihâd offensif est utilisé dans le cadre de la conquête du Dâr-al-Islam. Le djihâdisme contemporain marque un passage déterminant dans l’évolution structurelle de l’ensemble des islamismes. Il est le fruit et le moteur de l’islamisme radical. Il ne partage avec les deux autres formes d’islamismes – missionnaire et politique , que leur finalité : créer un État islamique. Mais les djihâdistes restent hostiles à la simple prédication et à la coopération avec le pouvoir politique. Le terme djihâdisme est donc un néologisme, indiquant la volonté d’adhérer au petit djihâd. Dès lors, l’usage du djihâd demeure la matrice de leur croyance religieuse. Les islamistes djihâdistes sont sunnites, ils établissent la guerre sainte contre les régimes impies à l’intérieur du Dâr-al- Islam ou à l’extérieur quand ils considèrent que le territoire est occupé par une puissance non musulmane menaçante ( en Afghanistan pendant la guerre contre les Soviétiques (1979-1989 par exemple). Le djihâd est donc le mode opératoire principal des djihâdistes afin de conquérir ou reconquérir le pouvoir. C’est la manifestation de la défense armée de l’Oumma. Au début de la conquête coloniale au XIXe siècle, un djihâd de résistance a lieu en Algérie, au Soudan et en Libye. Mais il peut également concerner d’autres acteurs du monde islamique, il engendre ainsi la fitna (le désordre entre les musulmans). L’actuelle lutte de l’État Islamique, contre les forces chiites irakiennes et syriennes ou contre les Kurdes sunnites, en donne un exemple concret. La construction idéologique du djihadisme contemporain s’est élaborée à partir des thèses anciennes d’Ibn Tamiyya (hanbalite du XIVe siècle) adjointes à celles de Maududi et de Sayyid Qotb plus récemment. La pensée du théologien Maududi est à l’origine de l’islamisme pakistanais. Maududi demeure l’une des trois figures islamistes les plus importantes du XXe siècle, aux côtés d’Hassan Al-Banna et de l’ayatollah Khomeiny. Né en Inde, ce sunnite fondamentaliste est proche des milieux déobandis (mouvement islamiste né en 1867 dans le Nord indien, prônant l’encadrement religieux de la vie quotidienne par la production de fatwas et s’étant diffusé dans les années 1970 en Afghanistan et au Pakistan, après intégration des principes wahhabites, les écoles deobandies sont à l’origine du mouvement des Talibans). Maududi a une vision nouvelle sur le rôle de la religion musulmane dans l’État pakistanais qu’il voit naître. Il promeut sa langue officielle, l’ourdou, tout en défendant la constitution d’un État islamique plus global, à l’échelle de l’Empire des Indes. Il s’oppose au nationalisme et au pouvoir des oulémas mais croit en la construction d’un État islamique, qui sera capable d’islamiser le peuple, par le haut. La révolution islamique constitue le cœur de son projet. Elle passe par l’application du djihâd par l’activisme politique. Bien qu’il ait inspiré Qotb et nombre d’islamistes radicaux et clandestins, Maududi agit en toute transparence. En 1941, il fonde légalement un parti : la Jamat Ulema Islami (JUI). Plus tard, et partant d’Egypte, les idées de Sayyid Qotb ont à leur tour fortement marqué les groupes islamistes jusqu’aux membres djihâdistes d’Al-Qaida. Avec elles, l’intransigeance salafiste émerge : les soufis sont considérés comme hérétiques car ils se livrent au culte des saints ; les chrétiens et les juifs les « gens du Livre » toujours respectés dans la tradition musulmane – sont traités de mécréants, c’est-à-dire d’incroyants. Cependant, au-delà de cette vision, le discours de Qotb va plus loin : il prône un islamisme radical qui défend le djihâd en terre mécréante mais aussi en territoire musulman quand celui- ci est menacé par des idées contraires à la Loi islamique, c’est-à-dire d’influence occidentale. Il oppose «vrais musulmans» et «apostats». En acceptant des compromis avec les Américains, les souverains saoudiens font partie des apostats. Du discours de Sayyid Qotb est né un nouveau courant de pensée : le takfirisme. Les partisans takfiri doivent excommunier les autres musulmans jugés impies. Il s’agit d’une lecture radicale du discours de Qotb visant à séparer les bons musulmans du monde impie, et ceux générant la fitna. Ce groupe d’islamistes radicaux, la Société des musulmans, se structure au moment où Sadate, le président égyptien, restreint le champ d’action des islamistes égyptiens, à partir de 1977. Isolé au départ, le mouvement s’exporte dans les pays du Golfe et fait des émules chez les étudiants égyptiens des Gamaat islamiyya. À partir du moment où les takfiri sont arrêtés, les Gamaat se radicalisent. Séparées des Frères Musulmans mais suivant Qotb, elles incarnent un salafisme violent et djihâdiste et recrutent parmi les populations pauvres et urbaines. Leur dissolution, après l’assassinat de Sadate – dont elles sont les responsables , les mènent à la radicalisation terroriste dans le monde musulman comme aux États-Unis dans les années 1980-1990. Elles sont intégrées au sein du groupe du Djihâd islamique égyptien dans les années 1990, responsables entre autres, des attentats sur le site touristique de Louxor. Les Gamaat ont essaimé leur pensée et leurs modes d’action en Afrique subsaharienne et en Asie centrale. Dans le monde musulman, après le départ des colonisateurs occidentaux, au tournant des années 1950 et 1960, trois types de djihâd se mettent donc en place progressivement : celui des partisans de S. Qotb dans les années 1970 et 1980, dans le cadre de la guerre d’Afghanistan contre les Soviétiques ; le djihâd des années 1990 contre les régimes militaires algérien, égyptien et en Bosnie ; enfin, depuis la fin des années 1990, le nouveau djihâd contre l’Occident. Ce dernier est la raison d’être du mouvement Al-Qaida. En effet, cette forme d’activisme est devenue une idéologie qui s’est mondialisée ; elle prend racine dans les premières formes du takfirisme. La naissance d’Al-Qaida s’explique par une réorientation de la logique du djihâd internationalisé construit en Afghanistan, contre les anciens alliés des moujahidines, les Américains. Ainsi, les membres de l’organisation s’attaquent à la fois aux « ennemis proches », c’est-à-dire aux gouvernements impies du monde musulman Moyen- Orient et Afrique subsaharienne mais également aux « ennemis lointains » : les États-Unis et leurs alliés, dont les Infidèles : juifs comme chrétiens. Al-Qaïda représente le renouveau du djihadisme. L’objectif de ses deux fondateurs – Abdullah Youssouf Azzam et Oussama ben Laden est de revenir à la base du message coranique interprété, selon eux, par la mise en place du califat mondial instaurant l’unité de l’Oumma. Au départ, Al-Qaida crée un réseau à partir des groupes de vétérans d’Afghanistan, notamment avec les talibans, les Gamat islamiyya, les Jamaa islamiyya pakistanaise et indonésienne. Ensuite dans les années 1990, le mouvement se transforme en un centre de formation de djihâdistes très organisé doté de camps d’entraînement en Afghanistan et au Pakistan. Les secteurs d’influence sont divisés et dirigés par des chefs régionaux appelés « émirs », au Moyen-Orient, en Algérie et dans le sous-continent indien. L’organisation soutient également les djihâds plus ciblés en Occident comme celui du GIA algérien en France. 

B. Le 11 septembre ou la mondialisation du djihadisme : d’Al-Qaïda à l’EI
A partir du 11 septembre 2001, le djihadisme mondialisé entre sur la scène des grands acteurs géopolitiques. Al-Qaida devient l’organisation terroriste à abattre, le cœur des préoccupations sécuritaires de l’ensemble des démocraties occidentales. La rhétorique de l’Axe du Mal de Georges W. Bush se développe. Ses interventions en Afghanistan (2001) et en Irak (2003) relancent alors le djihâd au Moyen-Orient. Cela crée une nouvelle ligne de fracture décisive pour l’avenir géopolitique du monde musulman, entre islamistes sunnites et chiites. L’intervention occidentale et la traque effectuée à l’encontre d’Oussama Ben Laden et de ses troupes, ont porté un coup à la nébuleuse d’Al-Qaïda. Elle est restructurée et se divise en deux sous-groupes en 2009 : Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA). Au-delà de cette nouvelle structuration, Al-Qaida concentre des mouvances plus ou moins proches de ses principes. En Somalie, Al-Shabbab a prêté officiellement allégeance à AQMI depuis 2009. Ansar al-charia, groupe armé et salafiste tunisien, a reconnu sa filiation récente avec la nébuleuse. L’AQPA est le résultat de la fusion des Saoudiens et des Yéménites du mouvement. Si l’Arabie saoudite a mis hors de ses frontières les membres d’Al-Qaida, le Yémen les a tous récupérés malgré les offensives régulières de l’armée yéménite depuis 2012. En Asie du Sud-Est, la Jemaah Islamiyya ainsi que les islamistes philippins d’Abu Sayyaf, se sont revendiqués structures d’Al-Qaida mais la cellule mère du Pakistan n’a jamais confirmé ce lien Al-Qaida n’est plus actuellement la seule incarnation du djihâdisme, en Irak et en Syrie, l’Etat Islamique offre une nouvelle image de l’islamisme radical dans le monde. Les djihâdistes sunnites d’Al-Qaida, partis lutter contre les forces occidentales en Irak, trouvent sur leur route l’opposition des chiites du nord-est irakien. La même année en 2003, Abou Moussad al- Zarkaoui fonde la branche irakienne d’al-Qaida : « al-Qaida au Pays des deux Rives » (les deux rives renvoient au Tigre et à l’Euphrate, fleuves irakiens délimitant la Mésopotamie).Il radicalise les objectifs de la « maison-mère » provoquant la réaction d’ Oussama Ben Laden qui décide de se séparer de son allié irakien. L’État Islamique en Irak (EII) naît alors de cette scission. L’opportunité d’un développement territorial de l’organisation s’établit au moment de la mise à mort du système politique baasiste de Saddam Hussein par les Américains, puis, à partir de 2011, de la brèche ouverte par le Printemps arabe en Syrie. 

Ainsi, le 29 juin 2014, l’Etat Islamique s’auto-proclame califat en s’imposant par la force aux populations d’une zone de contrôle située du nord-ouest de l’Irak au nord-est syrien. Il se différencie d’Al-Qaida par un ancrage territorial déterminé dont l’expansion est la finalité depuis 2013. Pourtant, l’EI ne peut être reconnu comme Etat : ses frontières sont mouvantes et son territoire n’est pas en expansion constante. Son influence grandit, elle est devenue mondiale. D’abord, la médiatisation de ses actes de barbarie fait sa publicité auprès des potentielles recrues du monde entier déjà sensibilisées par les réseaux sociaux et les sites djihadistes. Ensuite, l’EI n’est pas en rupture idéologique ni en guerre avec Al-Qaida et il bénéficie de ses réseaux de communication avec les groupes djihâdistes. L’orchestration des deux attentats de Paris en janvier 2015 entre l’AQPA et l’EI démontre l’existence d’une coordination. Enfin, malgré son intégration territoriale en Syrie et en Irak et fort de son succès médiatique, l’EI s’impose comme modèle en Afrique, en Tunisie avec le groupe Okba Ibn Nafaâ ou au Nigéria, Boko Haram ayant prêté allégeance au calife Abou-Bakr Al- Baghdadi en mars 2015

Conclusion
La distinction établie entre islam et islamisme permet de mieux comprendre la diversité des islamismes. L’interprétation des préceptes islamiques a donné une vocation plurielle à l’idéologie politique qu’elle nourrit. Si l’on est tenté d’évoquer une nébuleuse islamiste mondialisée, en citant l’existence de la Ligue Islamique mondiale (LIM) création de 1962 par l’Arabie Saoudite (exportation du modéle wahhabo-salafiste en Occident), de la Fédération des Organisations Islamiques (FOIE) en Europe créée en 1989 (Frères Musulmans sous impulsion de l’UOIF en France), du Milli Görus : mouvement islamiste turc des années 1970 (bien ancré en Allemagne, Autriche et Est de la France) ou encore du Tabligh : (société quiétiste de prédication née en 1927 en Inde très puissant dans les années 1960 à 1980 en Europe). Il est nécessaire de rappeler la pluralité des interprétations théologiques, la diversité des moyens utilisés et des objectifs fixés par les différents groupes islamistes. Leur point commun est la revendication idéologique d’un message à ressort religieux, mais leur identité demeure très variée et en évolution constante. L’analyse actuelle des islamismes requiert de prendre en compte avec vigueur des paramètres à la fois politiques, historiques, géographiques et nationaux qui influent sur les mouvances islamistes actuelles et sur leur géopolitique.
 

Historienne de formation, Anne-Clémentine Larroque est maître de conférences en Questions internationales à Sciences Po. Elle est l’auteur de Géopolitique des islamistes, Qsj n°4014, PUF




C) Divers liens sur l'Islam sur Université Liberté

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