novembre 01, 2014

ATTAC et FONDEMENTS PHILOSOPHIQUES ET THEORIQUES DU LIBERALISME

L'Université Liberté, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Introduction
Il est difficile de définir de prime abord le libéralisme : ni une "théorie économique", (même s'il existe des relations entre diverses théories économiques et la pensée libérale) ni même une doctrine (car il n'existe pas un accord total entre tous ceux qui se réclament du libéralisme dont les opinions peuvent diverger sur des points importants). On ne peut la réduire à une idéologie ayant accompagné et justifié la montée de la bourgeoisie car le libéralisme a été invoqué quand conforme aux intérêts et parfois rejeté dans le cas contraire. Ce n'est pas non plus une simple justification argumentée du libre-échange ou de la non-intervention de l'Etat. 

Donc, courant de pensée(s) assez hétérogène ; socle commun : importance accordée à l'idée de liberté et au concept d'harmonie naturelle. 

1. L'émergence de la pensée libérale
1.1. Penser la société
Pensée libérale qui ne naît pas de rien, avec Adam Smith (1723-1790). Prémices chez certains philosophes grecs (Posidonius) chez qui l'idée d'harmonie naturelle est déjà présente, chez certains philosophes anglais (Hume : 1711-1776).

Objectif des penseurs libéraux (Smith, Turgot : 1727-1781) : répondre à la question de la nature de la société, de son oganisation et de sa genèse en rompant avec idée que société = fruit de la volonté divine. Question déjà envisagée par Machiavel (1469-1527) ou les théoriciens du contrat social qui rompent avec les explications de l'institution sociale par le religieux en s'appuyant sur la distinction état de nature/société civile : passage qu'il faut expliquer de manière "positive" (dire ce qui est, non ce qui doit être). Les théories du contrat social sont donc des réponses à la question de la naissance de la société. Différentes théories :

- Hobbes (1588-1679) : état de nature caractérisé par guerre permanente de tous contre chacun, par peur de la mort et désir de conservation : hommes qui signent un pacte d'association et de soumission pour échapper à cette destinée. Etat absolutiste auquel on se soumet car garant de la sécurité.

- Locke(1632-1704) : le souverain lui-même doit être soumis au pacte, qui est conçu comme un pacte d'association seulement ; la société civile est instituée pour garantir paix civile et propriété (qui est légitime car apparaît comme le produit du travail). Voir aussi Rousseau ou Pufendorf. 


Points communs entre ces théories : c'est le politique qui institue le social.
Pensée libérale qui se contruit contre et avec les théories du contrat social. Avec car rejet de l'explication par le religieux, contre car refus du primat du politique.


Ainsi pour Smith, société naît de la "propension naturelle des hommes à l'échange". Le marché est donc naturel. Il n'est pas pensé comme une organisation la plus efficace de l'économie mais comme une organisation sociale, qui a une propriété essentielle : il est autorégulateur : la libre poursuite par chacun de son intérêt conduit à l'intérêt général. Idée de "main invisible". 


1.2. Le libéralisme utilitariste de Smith
Idéal d'autonomie totale des individus dans la dépendance généralisée, née de la division du travail. Refus de la souveraineté absolue.

Libéralisme de Smith qui est un libéralisme utilitariste : le "bien" est identifié au "bonheur", non simplement bonheur individuel mais bonheur de la collectivité. Conception matérialiste : "le bonheur consiste à être en paix et à en jouir". L'intérêt général est compris comme l'intérêt du consommateur. Le plaisir retiré d'une action est le critère de jugement de l'action : bonne ou mauvaise. 


Statut de la notion de liberté :
Liberté est fondamentale car elle conduit plus souvent au bonheur que la contrainte. A mettre en parallèle avec notion de "main invisible". Cela dit, elle n'est pas une fin en soi, elle est un moyen ; le but reste le bonheur.


Rôle de l'Etat :
Deux domaines d'actions : celui où les actions individuelles n'ont pas d'effet sur les autres (pb : lesquelles ?), le domaine privé où l'Etat n'a pas à intervenir autrement qu'en garantissant la liberté individuelle ; celui où les actions des uns ont des répercussions sur les autres, domaine public ou "domaine de juridiction de la société" (John Stuart Mill : 1806-1873). Dans ce domaine, la règlementation n'est pas forcément nécessaire car il se peut que la liberté assure mieux le bonheur collectif que le règlement mais il faut faire l'analyse du besoin ou non de règlementation. Ainsi, activité économique appartient au deuxième domaine mais la liberté est plus efficace que la contrainte.


Ainsi pas de refus de principe de l'intervention de l'Etat : l'Etat doit être le garant des libertés individuelles mais il peut aussi faire tout ce qui est susceptible d'augmenter le bonheur collectif, notamment quand cela ne serait pas entrepris par les agents privés car pas de rémunération : notion de "biens publics". 


Souvent, Smith réduit à son rôle de "père" de l'économie politique et au théoricien de la main invisible et de l'état-gendarme. Au pire, vu comme le défenseur des intérêts de la bourgeoisie. Cela est très réducteur. De plus, pour lui, les rapports marchands sont loin d'être idylliques mais ce sont les seuls possibles.

"La proposition de toute nouvelle loi ou réglement de commerce qui part de cet ordre (i.e. celui des marchands) doit toujours être écoutée avec beaucoup de précaution. Elle vient d'un ordre d'hommes dont l'intérêt n'est jamais exactement le même que celui du public et qui, dans bien des occasions, n'a pas manqué de le tromper et de l'opprimer" (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations - 1776). 


1.3. Le libéralisme de droit naturel de Turgot
Refus de faire du bonheur un critère éthique de jugement des actions. Critère = conformité aux "droits naturels" . La source du droit naturel diffère selon les auteurs : révélation divine, sens moral inné ou déductible par la Raison (notions de "droits de l'homme" qui en découlent).

Pour que la société soit viable, il faut respecter les lois de la nature qui en régissent le fonctionnement. Le Droit naturel est donc l'ensemble des droits et devoirs des hommes pour que la société existe de manière paisible et ordonnée. Ils doivent être respectés non car ils sont utiles (contre utilitarisme) mais parce qu'ils sont conformes aux lois de la nature : essentiellement : droit à la vie, à la liberté et à la propriété. 


Le domaine de liberté des individus est donc l'ensemble des actions qui ne violent pas les droits naturels des autres.Question de l'églité des droits fondamentale.
Statut de la liberté :
Ce n'est pas un moyen en vue d'une autre fin, c'est un droit inaliénable qui prévaut sur le bonheur collectif. 


Rôle de l'Etat :
Devoir de justice : faire respecter les droits naturels de chacun. Lui-même ne peut d'ailleurs les violer pour quelque raison que ce soit. Notion de "justice" assez étendue chez certains auteurs : pour Turgot, Condorcet, elle comprend par exemple l'éducation du peuple et l'aide aux plus démunis.


De plus, devoir de bienfaisance : l'Etat doit, autant qu'il le peut, remplir un devoir de bienfaisance. Pb : comment le financer ? Car recours à l'impôt = contrainte du propriétaire. Réponse : utilisation du surplus produit par la terre qui n'est appropriable par personne.

Turgot (1727-1781) appartient à ce courant libéral. Il est issu d'une doctrine économique appelée la physiocratie qui croit à l'ordre naturel qui se réalise qd les hommes sont libres de leur choix. Cela dit, l'état doit faire rentrer la réalité dans cet ordre. Donc, chez Quesnay (1694-1774), justification du despotisme éclairé par les lanternes des physiocrates. 

Ainsi, libéralisme originel trouve sa cohérence dans l'idée déjà ancienne d'harmonie naturelle (ex : Mandeville et la fable des abeilles) et l'importance accordée à la liberté. Postérité : Godwin (1756-1836) ou Paine (1737-1809) et les libertariens. 

2. La pensée classique et le libéralisme.
2.1. L'Ecole Classique
Pas d'accord sur la définition. Pour Marx : il s'agit des économistes anglais qui fondent une recherche économique autonome et théorisée (Smith, Ricardo, Malthus). Pour Keynes, tous les économistes avant lui qui croient au marché auto-régulateur. En général, sont considérés comme classiques les économistes du 18-19ème (à partir de Smith jusqu'aux marginalistes) qui s'inscrivent dans le cadre des marchés auto-régulateurs. Dénomination qui leur est en tout cas postérieure et jamais revendiquée comme telle. Cela dit, ce courant rassemble des auteurs qui diffèrent très sensiblement sur de nombreux sujets importants (théorie de la valeur notamment). 

Après Smith, il faut noter que rares sont les économistes classiques qui ont poussé aussi loin que lui l'idée de marché comme organisation sociale. Préoccupations beaucoup plus "limitées". 

2.2. David Ricardo (1772-1823)
Avec Ricardo, l'économie se détourne du raisonnement inductif (j'observe ceci dans la réalité, j'en conclus ceci) pour adopter un raisonnement plus déductif qui sera à la base de la science économique.

Ricardo reprend l'idée de Smith des marchés auto-régulateurs sans reprendre la "main invisible". Pour lui, économie comme une mécanique sur laquelle s'exercent des forces contradictoires : la recherche de l'intérêt personnel et l'instinct de reproduction contrebalancée par l'avarice de la nature. Importance de la concurrence dans ce modèle comme force motrice (elle pousse les individus à agir) et comme régulateur (équilibre de l'offre et de la demade, suppression des monopoles). 


Ricardo s'intéresse essentiellement à la répartition des richesses entre travailleurs, capitalistes et propriétaires fonciers. Il montre que sous l'effet de la démographie (il est très proche de Malthus : 1766-1834 sur ce point) et des rendements décroissants de la terre, le profit (part qui revient aux capitalistes) tend à diminuer au profit des salaires et de la rente, jusqu'à aboutir à un "état stationnaire" de l'économie, dans lequel la croissance est nulle. Pour échapper à cette fatalité, il faut alors avoir recours au libre- échange : le prix du blé diminuant, les salaires peuvent baisser et le profit peut augmenter. Une des contributions majeures de Ricardo est en effet sa théorie du libre-échange qui reste un élément fondamental des théories économiques plus récentes. Dépassant la théorie dite des "avantages absolus" de Smith, il développe une théorie des "avantages comparatifs". L'idée est que le libre-échange profite à tous les pays : ce n'est pas un jeu à somme nulle. Il sera un défenseur acharné de l'abollition des lois sur le blé et de l'ouverture des frontières. 

Sa proximité avec Malthus lui fait aussi souhaiter l'abollition des lois sur les pauvres qui leur garantissent une assistance des autorités publiques et reigieuses ; cela freinera la croissance démographique et renforce les conditions de concurrence entre travailleurs. 

Une remarque sur Malthus, classique assez peu libéral somme toute puisque pour lui, le marché n'est pas auto-régulateur et que peuvent exister des crises de surproduction (excès de l'offre sur la demande) que peuvent résoudre la mise en place de grands travaux et l'accroissement des travailleurs improductifs (fonctionnaires notamment). 

2.3. Jean-Baptiste Say (1767-1832)
Il est l'auteur d'une théorie, dite "Loi des débouchés", selon laquelle il ne peut y exister de crises de surproduction, ni de déséquilibres durables, l'offre créant sa propre demande. Là encore, on se place dans le cadre d'une théorie des marchés auto- régulateurs. Il est important de noter que chez Say comme chez les autres classiques en général, la monnaie n'a aucune importance : elle n'est envisagée que comme instrument de paiement. On parle de "monnaie-voile". Elle n'a aucun effet, au moins de long terme sur l'activité. 

Ecole classique et libéralisme ne se confondent pas. Cependant, l'école classique fournit des arguments à la pensée libérale en affirmant la supériorité du marché sur toute autre forme d'organisation sociale, en minimisant la place de l'Etat et en justifiant le libre-échange. 

3. Les néoclassiques
3.1. Une définition
Là encore, sont rassemblés sous le terme néoclassique des auteurs très différents. Les théories néoclassiques sont les théories aujourd'hui dominantes en économie. On ne peut les assimiler à la pensée libérale même si la plupart des néoclassiques sont des libéraux (mais l'inverse n'est pas vraie). Plusieurs éléments caractérisent cette théorie néoclassique.

- la valeur des biens dépend de leur utilité marginale (i.e. de la satisfaction que l'on tire de la dernière unité consommée) et non plus de la quantité de travail qu'ils incorporent (théorie de la valeur-travail chez les Classiques). Le raisonnement est dit "marginaliste": calcul à la marge. 


- le raisonnement est microéconomique : on s'interesse au comportement des individus, tous semblables, rationnels : c'est le modèle de l'homo oeconomicus. En sciences sociales, on parle d' "individualisme méthodologique". Les individus sont les unités de base de l'analyse, la société étant considérée comme le produit des actions individuelles.

- les comportements économiques sont donc modélisables mathématiquement : on peut décrire le comportement du connsommateur par des fonctions mathématiques. L'agrégation des comportements n'est pas censée poser problème puisque tout peut être ramenée à des fonctions connues. 


3.2. Les hypothèses de départ et les résultats
La théorie néoclassique construit des modèles : elle ne prétend pas décrire la réalité mais la comprendre (méthode des faits stylisés). L'individu est supposé rationnel : il agit de façon à "maximiser son utilité", c'est-à-dire à obtenir au moindre coût, le maximum de satisfaction, en ayant pleine conscience et connaissance des moyens à sa disposition et en disposant de toute l'information nécessaire. Il est absolument logique. Ses comportements peuvent donc être modélisés car ils sont prévisibles.
Les économistes se placent dans une hypothèse dite de concurrence pure et parfaite : les individus connaissent tous les prix de tous les biens mais ne peuvent l'influencer ; il n'existe aucune relation directe entre eux. Les échanges se font par l'intermédiaire d'un commissaire-priseur.

Muni de ces hypothèses, l'économiste cherche alors à montrer que les marchés tendent vers l'équilibre général, ce qui signifie qu'il ne peut exister aucune crise durable, aucun chômage, etc. et que cet équilibre unique est aussi un optimum social.

Les travaux de Léon Walras s'inscrivent dans cette optique (1834-1910). Il a tenté de démontrer que le libre jeu des marchés dans un contexte de concurrence parfaite amenait à un équilibre général. Sans y parvenir. Rendre compte mathématiquement de l'intuition de la "main invisible" est alors devenu l'objectif de tous les économistes néoclassiques. Au mieux, ils sont parvenus au résultat que sous certaines conditions, il peut exister un équilibre général. 

3.3. Problèmes
D'abord, l'économie néoclassique postule l'existence du commissaire-priseur, sorte d'institution centralisée qui, gratuitement, collecte toutes les informations (les prix) et met en relation tous les agents sur le marché. Dès lors, le marché n'est pas naturel, il doit être institué. Il n'a pas d'existence en soi.

Ensuite, les économistes ont échoué à démontrer l'existence de l'équilibre général walrasien. Premier point, la "loi de l'offre et de la demande" qu'ils croyaient pouvoir modéliser sous forme d'une courbe n'existe pas. En fait, les courbes peuvent être de forme complètement aberrante. Dès lors, les marchés ne tendent pas automatiquement vers l'équilibre. Il peut arriver qu'ils y parviennent mais alors ils s'en éloignent aussitôt. Ce qu'ont en fait démontré Kenneth Arrow (1921- ), Gérard Debreu (1921 - ) ou Sonnenschein, en cherchant à prouver l'existence de l'équilibre général, c'est... son inexistence ! Ainsi, les marchés ne conduisent pas à l'équilibre, ils sont au contraire fondamentalement instables. Ce qui n'empêche pas Debreu d'affirmer avoir démontré mathématiquement la supériorité du libéralisme ! Ne sont donc démontrés que des théorèmes d'impossibilité. 


Nash, appartenant au courant de la théorie dite "théorie des jeux" a même démontré que si l'équilibre existait, il ne serait pas un optimum, ce ne serait pas la meilleure solution possible.
Enfin, les hypothèses de rationalité sont évidemment très contestables. Finalement, la théorie de l'équilibre général a été totalement infirmée. 

3.4. La force du modèle
Il n'en reste pas moins que les théories néoclassiques conservent toute leur importance.
D'abord, bien qu'infirmé, le modèle de concurrence parfaite garde un pouvoir normatif. Si les économistes savent que les marchés ne sont pas autorégulateurs, on feint de continuer à le croire et le discours dominant reste de dire que si les marchés ne fonctionnent pas, c'est qu'on les empêche de fonctionner librement. Dès lors, le libéralisme défend le modèle de concurrence parfaite comme une norme vers laquelle il faut tendre. Or des économistes ont démontré que l'on ne pouvait "tendre" vers la concurrence. Soit on y est totalement et les marchés fonctionnent, soit on n'y est pas et on ne change rien en mettant un peu plus ou un peu moins de concurrence (c'est peut-être même pire avec un peu plus).


Par ailleurs, au niveau de la recherche, la théorie néoclassique reste la référence. De nombreux travaux ont tenté de construire des modèles prétendûment plus proches de la réalité : modèle de "concurrence imparfaite" qui relâche les hypothèses très contraignantes de la concurrence pure et parfaite ou théories qui postulent une conception plus réaliste de la rationalité. Dans les deux cas, on évolue vers des modèles dits d'équilibre partiel (certains marchés peuvent être équilibrés quand d'autres ne le sont pas) mais le cadre théorique fondamentalement ne change pas. La supériorité du libre marché est réaffirmée. 


Les théories néoclassiques ne peuvent pas être assimilées au libéralisme, ni même à l'ultralibéralisme. Cependant, elles entretiennent avec eux de grandes affinités car elles leur ont fourni (ou tenté de le faire) des justifications scientifiques, mathématiquement vérifiables. Le marché est alors conçu comme une organisation optimale vers laquelle il faut tendre, en favorisant la concurrence. Le rôle de l'Etat diffère selon les économistes. Soit réduit au minimum (police, justice...), soit nécessaire pour corriger les "imperfections" du marché (biens collectifs, égalité des chances...). Mais dans les deux cas, l'on doit tendre vers l'idéal du marché. 

4. Les autres théories économiques d'inspiration libérale
4.1. Milton Friedman (1912- ) et l'économie de l'offre.
Friedman est le fondateur d'un courant appelé "monétarisme". Il a développé sa théorie en réaction à celle de Keynes, à partir des théories classiques. Son objectif essentiel est de montrer que la politique monétaire doit être orientée uniquement vers la lutte contre l'inflation. Il sort de la théorie de la "monnaie-voile" en montrant que l'inflation peut avoir un effet négatif sur la structure productive. Il plaide par ailleurs pour un contrôle très strict des dépenses de l'Etat. Pour lui, les politiques de relance sont au mieux sans effet, au pire tout à fait déstabilisatrices. Il prône la non-intervention de l'Etat. Pour lui, le marché, laissé libre, tend vers un équilibre stable. Toutes les crises s'expliquent par des interventions de l'Etat : salaire minimum, fiscalité trop importante... 

L'économie de l'offre s'inscrit aussi dans le cadre d'une confiance dans les marchés autorégulateurs. Il s'agit d'un courant de pensée économique assez peu raffiné du point de vue théorique. On peut citer notamment Laffer : "Trop d'impôt tue l'impôt" ou Gilder. La particularité de ses économistes (c'est aussi le cas des monétaristes) est d'avoir été très influents sur les gouvernements notamment américains (sous Reagan) et en Grande-Bretagne (sous Thatcher). Ils sont donc les inspirateurs des politiques libérales de dérégulation et de dérèglementation et de ce que l'on appelle la "contre-révolution libérale" après plusieurs années de politique économique d'inspiration keynésienne. 

4.2. Friedrich Von Hayek (1899-1992)
Hayek peut sans aucun doute être considéré comme un ultra-libéral. Autrichien exilé, marqué par la montée du nazisme et du stalinisme et opposé à tous les totalitarismes, il conteste toute intervention de l'Etat. Pour lui, on ne peut prétendre intervenir sur l'économie car on ne peut disposer de toutes les informations nécessaires. Penser le contraire revient à adopter une attitude scientiste. Il va jusqu'à réfuter l'idée que les banques centrales (même indépendantes du gouvernement) puissent se voir confier la gestion de la monnaie. Pour lui, la monnaie doit être complètement privatisée, c'est-à-dire que des entrepreneurs privés pourraient se lancer dans la création de monnaie. L'idée est que le marché procède par sélection naturelle en éliminant les mauvaises organisations. De plus, le marché est un moyen de circulation de l'information (selon lui, le prix, s'il ne subit pas de perturbation, contient toute l'information nécesaire pour que les agents fassent leur choix) et de découverte des solutions les plus efficaces.
Les théories d'Hayek ont eu peu de postérité et peu d'influence sur les choix politiques, vu leur caractère radical. 

Bibliographie :
- Le libéralisme économique, histoire de l'idée de marché, Pierre Rosanvallon, Seuil 1979
- La pensée économique, Daniel Martina, 1991
- Les passions et les intérêts, Albert Hirschman, PUF 1980
- Introduction aux fondements philosophiques du libéralisme, La Découverte, coll. Essais1992 (assez abordable)
- La théorie économique néoclassique tomes 1 et 2, Bernard Guerrien, La Découverte, Coll. Repères 1999 (sans doute la meilleure présentation de ce sujet, très critique, sans formalisation mathématique et on peut toujours sauter les passages les plus ardus, comme l'auteur invite d'ailleurs à le faire. Vraiment bien et pas cher.
- Lettre ouverte aux gourous de l'éonomie qui nous prennent pour des imbéciles, Bernard Maris, Albin Michel, 1999 (par un collaborateur de Charlie-Hebdo, par ailleurs économiste. Ouvrage amusant et facile d'accès même s'il ressemble parfois à une discussion détendue entre universitaires car les auteurs cités ne sont pas toujours expliqués).

ATTAC

De Wikiberal
 
ATTAC (Association pour la taxation des transactions financières et pour l'aide aux citoyens) est une association créée en 1998, dont la section française est subventionnée par l'État (statut d'association d'éducation populaire accordé par arrêté ministériel) ainsi que par les collectivités[1].  
Mouvement luttant contre la mondialisation, ATTAC fut créée pour promouvoir l’idée d’une taxation des transactions financières, la "taxe Tobin", dite du "sable dans les engrenages" ou encore la taxe "Robin des bois", une idée attribuée à James Tobin (Prix Nobel d’Économie 1981). En proposant de taxer certains mouvements de capitaux (transactions de change), Tobin avait pour objectif de réduire la spéculation sur les places financières, qu'il jugeait contre-productive. Il suggéra aussi que les revenus de cette taxe soient affectés au développement des pays du Tiers-monde, ainsi qu'au soutien de l'ONU. Par la suite, James Tobin dénonça la récupération de son nom ainsi que l’exploitation de ses idées par de nombreuses personnalités, associations et organisations luttant contre la mondialisation, comme il l'a fait, en 2001, lors d'une interview accordée au journal Le Monde. L'idée de cette "taxe Tobin" est également dénoncée par Robert Mundell (Prix Nobel d'Économie 1999).

Une idéologie anti-libérale

Le socle idéologique développé par les membres d’ATTAC réside dans la dénonciation des "méfaits de la mondialisation libérale", basée sur une fausse conception du libéralisme. Protectionniste, collectiviste (en faveur d'un "contrôle démocratique" des marchés financiers, et contre les "paradis fiscaux"), et étatiste (défense des services publics et du système de protection sociale), ATTAC critique les décisions de l'OMC, de l'OCDE ou du FMI, qu'elle présente comme des organisations "libérales" ou "néo-libérales". Biaisées par l’idéologie anti-libérale, les analyses proposées par ATTAC manquent de rigueur et de précision, les chiffres utilisés sont trompeurs et l’argumentation simpliste. C’est ainsi que les propositions d’ATTAC - recyclage sous des habits neufs de vieilles idéologies hostiles à la liberté et la responsabilité individuelles, voie vers la Route de la servitude, dénoncée par Hayek - rassemblent, aux dépens de la cohérence du discours et du projet politique, nombre de plaintes ou de revendications (chômeurs, féministes, environnementalistes, syndicalistes, communautaristes, etc.)

Citations

  • « Les idées d’ATTAC trouvent un terrain fertile dans un pays où l’enseignement, la fonction publique, les syndicats, et les partis politiques sont encore fortement imprégnés de philosophie marxisante, comme en témoigne notamment la propension à raisonner en termes de lutte des classes et à faire appel à un interventionnisme sans limites de l'État. Les programmes scolaires, dont l'État a le monopole, soumettent sans vergogne nos enfants à cette idéologie, au lieu de développer leur esprit critique, comme ce devrait être leur rôle. » (Pascal Salin)
  • « ATTAC, dont le sigle pourrait aussi bien signifier Association Trublionne Totalitaire des Attardés du Communisme, est en fait un mouvement très dangereux, car faute de pouvoir s'appuyer sur des faits, il fait appel à l'affectivité et à l'envie, denrées très répandues à la surface de la terre. » (Jacques de Guenin
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  • 4 Pour aller plus loin
  • 5 Notes et références 
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  • LE GOUVERNEMENT VA FINANCER ATTAC (Aleps)

    Bernard CASSEN directeur général du Monde Diplomatique et ancien président d’ATTAC et son successeur ont bien des soucis. Après le « succès » du forum anti mondialisation de Florence, ils doivent organiser le prochain forum européen de ce type en France à Saint-Denis. Mais une telle rencontre à grand spectacle coûte cher : le budget du prochain Forum social européen est évalué à 4,5 millions d’euros. Et ce ne sont pas les cotisations des militants qui vont le financer.
    Heureusement, le contribuable, lui, a les moyens. B. CASSEN a obtenu 1,5 million d’euros de la ville de Saint-Denis et du département de Seine-Saint-Denis. Le département du Val de Marne a promis 250 000 euros et la ville de Paris s’est engagée à verser 1,25 million d’euros : dans tous les cas, on a « tapé » les amis politiques et les contribuables apprécieront sûrement.
    Mais il manque encore de l’argent et il va falloir trouver d’autres généreux contributeurs ; la région Ile de France est sollicitée et même l’Europe, puisqu’on sait que les amis d’Attac apprécient beaucoup la politique de Bruxelles… Mais B. CASSEN a eu une autre idée géniale : solliciter le gouvernement français qui, comme on le sait, a ces temps-ci le budget facile et généreux.
    Une délégation d’Attac, conduite par B. CASSEN, s’est donc rendue à l’hôtel Matignon où elle a été reçue par le conseiller diplomatique du premier ministre Serge DEGALLAIX. Le récit de cette entrevue, racontée par le Figaro du 17 janvier, ne manque pas de sel : B. CASSEN « est sorti tout sourire de son entrevue » ; « nous avons reçu un très bon accueil » se réjouit-il.
    Bien entendu, le conseiller n’avait pas pouvoir pour s’engager sur un tel financement ; mais selon CASSEN « il a expliqué que l’Etat est disposé à apporter un appui financier pour l’organisation du forum social européen ». De plus, « le gouvernement français nous aidera dans nos démarches auprès de la Commission européenne et du Parlement de Strasbourg ». Matignon a confirmé ces deux informations et n’est pas fermé à l’octroi de subsides de l’Etat. On se reverra dans deux mois, tout en appuyant les demandes de fonds auprès des autres organismes. Et s’il manque encore des fonds, le gouvernement sera là pour combler le trou.
    Certes, comme le souligne le Figaro, Jacques CHIRAC plaide depuis longtemps pour « une mondialisation maîtrisée » et J.P. RAFFARIN veut une « humanisation de la mondialisation ». Mais de là à financer une organisation subversive, ouvertement marxiste, provoquant en permanences des incidents contre les délégations étrangères, il y avait un pas que nous ne pensions pas voir franchi par le gouvernement français. Ce n’est pas pour financer Attac que la majorité actuelle a été élue. Du moins avons-nous la faiblesse de le penser.



    Jacques de Guénin, le 27 octobre 2005

    On raconte qu'en 1936, Hayek reçut un livre d'un collègue, et songea immédiatement à en faire une critique détaillée. Puis il se dit que l'ouvrage était si plein d'erreurs et si incohérent que personne ne le prendrait au sérieux, et qu'il valait mieux utiliser son temps à développer ses propres idées.
    L'ouvrage en question n'était autre que La théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, de John Maynard Keynes, économiste brillant mais paradoxal, dans l'oeuvre duquel le meilleur côtoie le pire. Plus tard, lorsque les interventionnistes de tout bord, puis les orphelins du marxisme, firent de Keynes leur héros, Hayek regretta amèrement sa décision initiale.
    Beaucoup d'entre nous ont eu la même réaction que Hayek lorsqu'ils ont lu les premières déclarations d'ATTAC. Elles étaient si totalement déconnectées de la réalité observable, qu'elles ne pourraient avoir, pensions nous, aucune influence sur les gens sensés. C'était méconnaître quelques réalités profondes :

    1.Leurs dirigeants, - mais pas forcément les militants de base - sont de purs idéologues, d'indécrottables marxistes, soit communistes, soit trotskystes, et qui n'ont qu'un objectif, démolir la démocratie libérale et le système capitaliste. Mais ils ont compris qu'ils ne pouvaient plus séduire les gogos avec la vulgate marxiste. Le communisme, qui fut l'immense espoir de toute une génération, a donné naissance aux régimes les plus abjects de toute l'histoire de l'humanité, en URRSS, en Chine, au Vietnam, au Cambodge, en Corée du Nord, à Cuba, et autres lieux. Lorsque la vérité sur ces régimes a explosé, les communistes de base, qui avaient tant donné d'eux-mêmes pour promouvoir leurs croyances, ont souffert en silence et avec dignité. Le génie des dirigeants d'ATTAC a consisté à les récupérer en exploitant leur crédulité et en lui donnant un point d'application nouveau, au mépris, classique chez les dirigeants communistes, de la vérité. ATTAC est donc d'abord une voiture balai qui tente de récupérer les communistes et les gauchistes perdus, avides de retrouver leur idéologie.

    2. Ils ne se bornent cependant pas à ceux-là. Pour attirer à eux "les idiots utiles de bonne volonté" - pour employer une expression de Lénine -, ils font vibrer la fibre sensible de l'aide aux pays pauvres. Mais comme nous le verrons dans un prochain article, ils se moquent éperdument des modalités pratiques qu'il faudrait mettre en oeuvre pour sortir les pays pauvres de leur misère. La seule chose qui les intéresse vraiment est la reprise, sous des habits neufs, du vieux combat contre le capitalisme.

    3. Les dirigeants d'ATTAC réécrivent en permanence l'histoire contemporaine dans leurs publications, dont la plus distinguée est le Monde Diplomatique, très prisé chez les étudiants. On y interprète à longueur de numéro tous les malheurs de la pauvre humanité souffrante comme le résultat du capitalisme, de préférence américain. Une revue sur papier glacé, agréablement illustrée, Alternatives Economique, adopte un ton plus modéré propre à plaire aux professeurs. De nombreuses statistiques font sérieux. Mais les statistiques sont souvent partielles et biaisées, et il faut être très fort et très tenace pour le déceler. Derrière cette apparente objectivité se cache en réalité une idéologie marxisante, anti-libérale et pour faire bon poids, antiaméricaine.

    4. L'Education Nationale participe allègrement à la propagation de cette idéologie comme si de rien n'était. Les enseignants sont majoritairement de gauche et bien conditionnés par les publications que je viens de citer. On ne s'étonnera donc pas qu'ils véhiculent les idées altermondialistes en histoire et géographie , en philosophie, et bien sûr en économie dans les grandes classes du secondaire. Mais ce qu'il y a de plus terrible, c'est que les programmes eux-mêmes sont imprégnés de concepts marxistes. On en trouvera des exemples étonnants dans un prochain article. La désinformation répandue auprès des jeunes cervelles malléables, à un âge où l'on ne mets pas en doute l'enseignement des professeurs, a quelque chose de pathétique.

    5. Les idées altermondialistes pénètrent la plupart des medias, et tous les partis politiques, même les partis de droite, y compris le Front National. Prêts à vendre leur âme pour gagner quelques voix, les hommes politiques subventionnent ATTAC à qui mieux mieux, et se prostituent avec leurs leaders. Laurent Fabius, cet ancien premier ministre réputé si intelligent, a pris ostensiblement son petit déjeuner avec le bouffon violent José Bové, le jour de l'inauguration du Forum Social Européen. Notre ineffable Président de la République a reçu Bernard Cassen à l'Elysée, et il s'est même transformé en porte parole des altermondialistes à l'ONU, puis à Davos, au nom de la France, bien entendu.

    6. Ils nous coûtent cher. Ils reçoivent énormément de subventions : de l'Etat, de certains Conseils Généraux et d'une soixantaine de municipalités françaises dont les habitants ne connaissent pas nécessairement cette destination de leur argent. Le pouvoir dit de droite, avec l'argent des contribuables, a littéralement arrosé ATTAC. Cela a commencé à Evian, où notre apprenti sorcier de gouvernement a distribué ses largesses aux gens d'ATTAC - pour qu'ils se tiennent sages pendant le G8, dit-on -. Mais ce n'est rien en comparaison de ce qu'ATTAC a obtenu pour la préparation du "Forum Social Européen" du 12 au 15 Novembre à Saint-Denis : 2 500 000 euros d'aides indirectes en locaux et moyens matériels ; 2 330 000 euros de subventions directes (dont 1 000 000 euros de la Ville de Paris ; 480 000 euros en provenance des Conseils généraux ; 250 000 euros de Matignon ; 250 000 euros de la part du Quai d'Orsay et 300 000 euros du Conseil régional)! Or s'il s'était dit quelque chose d'utile ou d'intelligent lors de ce forum, cela se saurait. Quel immense gaspillage d'argent public!
    L'Etat soutient aussi ATTAC d'autre manière. Plusieurs des permanents sont, ou ont été des emplois-jeunes. Et alors que l'on nous rebat les oreilles sur le manque d'enseignants, plusieurs sont détachés à ATTAC pour des tâches diverses telles que la tenue du site informatique ! Il semblerait enfin que l'Etat subventionne leur université d'été sous forme d'aide à la formation permanente.
    Il est vrai qu'ATTAC n'est pas le seul bénéficiaire de ces largesses, tant s'en faut. Nous vivons dans un pays dit démocratique où les politiciens utilisent les contraintes de l'Etat pour obliger les contribuables à financer des groupes de pression qui heurtent nos convictions les plus intimes en vociférant à nos frais. Quand serons nous débarrassés de cet Etat minable et corrompu!

    7. Paradoxalement, les mouvements altermondialistes, dont ATTAC est le plus connu, sont devenus bien plus dangereux depuis la chute du communisme, car auparavant, les pays communistes pouvaient au moins servir de repoussoir. Les dirigeants de la gauche dissimulaient autant qu'ils le pouvaient les horreurs de ces pays, mais ils étaient limités dans leur prosélytisme par ceux qui connaissaient la réalité. Aujourd'hui, ces dirigeants n'ont même plus l'URSS ou la Chine pour les gêner, tout juste la Corée du Nord, mais elle est loin, et son régime n'en a sans doute plus pour longtemps. Ils sont libres à nouveau de faire ce qu'ils veulent. Et ce qu'ils veulent c'est la chute des démocraties libérales.

    ATTAC, dont le sigle pourrait aussi bien signifier Association Trublionne Totalitaire des Attardés du Communisme, est donc en fait un mouvement très dangereux, car faute de pouvoir s'appuyer sur des faits, il fait appel à l'affectivité et à l'envie, denrées très répandues à la surface de la terre.
     

Philosophy: Who Needs It ?? Ayn Rand,

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.





 Puisque que je suis un auteur de fiction, commençons par une toute petite nouvelle. Supposons que vous êtes un astronaute qui avez perdu le contrôle de votre vaisseau spatial, et vous écrasez sur une planète inconnue. Quand vous reprendrez vos esprits, et après avoir vérifié que vous n'avez pas de blessure grave, les trois premières questions à vous venir à l'esprit seront sans doute: 


Où suis-je? 
Comment le découvrir? 
Que dois-je faire? 

Dehors, vous voyez une végétation peu familière, et il y a de l'air respirable; la lumière du soleil vous semble plus pâle que dans vos souvenirs, et plus froide. Vous levez la tête pour observer le ciel, mais vous arrêtez. Vous êtes frappé par un sentiment soudain: si vous ne regardez pas, vous n'aurez pas à savoir que vous êtes, peut-être, trop loin de la terre et que tout retour est impossible; tant que vous ne le saurez pas, vous serez libre de croire ce que bon vous semble — et vous ressentez un certain espoir, vague, agréable mais quelque peu coupable. 

Vous vous tournez vers vos instruments: ils sont peut-être endommagés, vous ne savez pas à quel point. Mais vous vous arrêtez, frappé par une peur soudaine: 

Comment pouvez-vous faire confiance à vos instruments? 
Comment pouvez-vous être sûr qu'ils ne vont pas vous tromper? 
Comment pouvez-vous savoir s'ils fonctionnent dans un monde différent? 
Vous vous détournez de vos instruments. 

Maintenant vous commencez à vous demander pourquoi vous n'avez aucune envie de faire quoique ce soit. Il est tellement plus rassurant d'attendre que quelque chose survienne d'une manière ou d'une autre; il vaut mieux, vous dîtes-vous, ne pas trop bouger pour éviter de faire tanguer le vaisseau. Au loin, vous voyez des espèces d'êtres vivants qui s'approchent; vous ne savez pas s'ils sont humains, mais ils se déplacent sur deux jambes. Vous décidez de vous en remettre à eux pour savoir quoi faire.
On n'entend plus jamais parler de vous. 

Voici une histoire purement imaginaire, vous direz-vous. Vous ne vous conduiriez pas ainsi, et aucun astronaute ne le ferait jamais non plus. Peut-être pas. Mais c'est de cette façon que la plupart des hommes vivent leur vie, ici, sur terre. 

La plupart des hommes passent leurs jours à tout faire pour éviter trois questions, dont les réponses servent de fondation à toute pensée, tout sentiment, toute action de tout homme, qu'il en soit conscient ou qu'il n'en soit pas conscient: 

Où suis-je? 
Comment le sais-je? 
Que dois-je faire? 

Quand ils atteignent l'âge où ils sont capables de répondre à ces questions, les hommes croient qu'ils connaissent les réponses. Où suis-je? Disons, à New York. Comment le sais-je? C'est une évidence. Que dois-je faire? Là, ils ne sont pas trop sûrs, mais la réponse habituelle est: faire comme tout le monde. Le seul problème semble être qu'ils ne sont pas très actifs, pas très confiants, pas très heureux, et qu'ils ressentent parfois une peur qui n'a pas de cause précise et une culpabilité qui n'a pas d'objet défini, qu'ils ne peuvent pas expliquer, et dont ils ne peuvent pas se débarrasser. 

Ils n'ont jamais découvert le fait que le problème vient des trois questions laissées sans réponse — et qu'il n'y a qu'une seule science qui puisse apporter ces réponses: la philosophie

La philosophie étudie la nature fondamentale de l'existence, de l'homme, et de la relation de l'homme à l'existence. À l'opposé des sciences particulières, qui ne se préoccupent que d'aspects particuliers, la philosophie se préoccupe de ces aspects de l'univers qui touchent tout ce qui existe. Dans le domaine de la cognition, les sciences particulières sont les arbres, mais la philosophie est le terreau sur lequel pousse la forêt. 

La philosophie ne vous dira pas, par exemple, si vous êtes à New York ou à Zanzibar (par contre, elle vous donnera le moyen de le découvrir). Mais voici ce qu'elle peut vous dire: 

êtes-vous dans un univers qui est régi par des lois naturelles et, par conséquent, est stable, fixe, absolu — et connaissable? 
Ou êtes-vous dans un chaos incompréhensible, le domaine de miracles inexplicables, un flot imprévisible, inconnaissable, que votre esprit est incapable de saisir? 
Les choses autour de vous sont-elles réelles — ou ne sont-elles qu'une illusion? 
Existent-elles indépendamment de tout observateur — où sont-elles créées par l'observateur? Sont-elles l'objet ou le sujet de la conscience humaine? 
Sont-elles ce qu'elles sont — ou peuvent-elles être changées par un simple acte de votre conscience, tel qu'un souhait? 

La nature de vos actions — et de votre ambition — sera différente, selon l'ensemble de réponses que vous aurez fait vôtre. Ces réponses constituent la province de la métaphysique — l'étude de l'existence en tant que telle ou, pour reprendre les mots d'Aristote, de « l'être en tant que tel » — la première branche de la philosophie. 

Quelle que soit la conclusion à laquelle vous parveniez, vous serez confrontés à la nécessité de répondre à une autre question, corollaire: Comment le sais-je? L'homme n'étant pas omniscient ni infaillible, vous devez découvrir ce que vous pouvez prétendre savoir et la façon d'établir la validité de vos conclusions. L'homme acquiert-il la connaissance par un processus rationnel — ou par révélation soudaine de par une puissance surnaturelle? Est-ce que la raison est la faculté qui identifie et intègre la matière fournie par les sens de l'homme — ou se nourrit-elle d'idées innées, implantées dans l'esprit de l'homme avant sa naissance? La raison est-elle compétente pour percevoir la réalité — ou l'homme possède-t-il quelqu'autre faculté cognitive qui est supérieure à la raison? L'homme peut-il atteindre la certitude — ou est-il condamné au doute perpétuel? 

La mesure de votre confiance en vous-même — et de votre succès — variera, selon l'ensemble de réponses que vous aurez fait vôtre. Ces réponses constituent la province de l'épistémologie, la théorie de la connaissance, qui étudie les moyens de cognition de l'homme. 

Ces deux branches sont la fondation théorique de la philosophie. La troisième branche — l'éthique — peut être considérée comme sa technologie. L'éthique ne s'applique pas à tout ce qui existe, seulement à l'homme, mais s'applique à tous les aspects de la vie de l'homme: son caractère, ses actions, ses valeurs, sa relation à l'ensemble de l'existence. L'éthique, ou la morale, définit un code de valeurs pour guider les choix et les actions de l'homme — les choix et les actions qui déterminent le cours de sa vie. 

De même que l'astronaute de mon histoire ne savait pas ce qu'il devait faire, parce qu'il refusait de savoir où il était et comment le découvrir, de même vous ne pouvez pas savoir ce que vous devez faire tant que que vous ne connaissez pas la nature de l'univers auquel vous avez à faire, la nature de vos moyens de cognition — et votre propre nature. Avant d'en venir à l'éthique, vous devez répondre aux questions posées par la métaphysique et l'épistémologie: l'homme est-il un être rationnel, capable d'affronter la réalité — ou est-il un handicapé incurablement aveugle, une brindille emportée par le flux universel? Est-ce que l'accomplissement et l'assouvissement sont possibles pour l'homme sur terre — ou est-il condamné à l'échec et l'insatisfaction? Selon vos réponses, vous pouvez procéder à la considération des questions posées par l'éthique: qu'est-ce qui est bon ou mauvais pour l'homme — et pourquoi? Le premier souci de l'homme doit-il être une quête de la joie — ou un échappatoire à la souffrance? Un homme doit-il tenir l'accomplissement de soi — ou l'auto-destruction — comme but de sa vie? Un homme doit-il poursuivre ses valeurs — ou doit-il placer l'intérêt d'autrui par-dessus le sien propre? Un homme doit-il poursuivre le bonheur — ou rechercher son propre sacrifice? 

Je n'ai pas besoin de préciser les différences de conséquences en ces deux ensembles de réponses. Vous pouvez les voir partout — en vous-même et autour de vous. 

Les réponses fournies par l'éthique déterminent la façon dont un homme doit traiter les autres hommes, et constituent ainsi la quatrième branche de la philosophie: la politique, qui définit les principes d'un système social correct. Pour illustrer la fonction de la philosophie, la philosophie politique ne vous dira pas combien d'essence rationnée doit être distribuée et en quel jour de la semaine — elle vous dira si le gouvernement a le droit d'imposer quelque rationnement sur quoi que ce soit. 

La cinquième et dernière branche de la philosophie est l'esthétique, l'étude de l'art, qui se fonde sur la métaphysique, l'épistémologie et l'éthique. L'art s'occupe des besoins — le réapprovisionnement — de la conscience de l'homme. 

Maintenant, d'aucuns parmi vous diront, comme disent de nombreuses personnes: « Oh, je ne pense jamais en de tels termes abstraits — je veux m'occuper de problèmes réels, particuliers, concrets — à quoi bon me soucier de philosophie? » Ma réponse est: pour être capable de s'occuper de problèmes réels, particuliers, concrets — c'est-à-dire, pour être capable de vivre sur terre. 

Vous pourrez affirmer — comme le font la plupart des gens — que vous n'avez jamais été influencé par la philosophie. Je voudrais mettre en doute cette affirmation. Avez-vous jamais pensé ou dit l'une des choses suivantes? « Ne soyez pas si sûr — on ne peut jamais être certain de rien. » Vous avez reçu cette idée de David Hume (et de bien, bien d'autres), même si vous n'avez jamais entendu parler de lui. Ou: « C'était une action méprisable, mais c'est humain, personne n'est parfait en ce bas-monde. » Vous l'avez reçu de Saint Augustin. Ou: « C'est peut-être vrai pour vous, mais ce n'est pas vrai pour moi. » Vous l'avez reçu de William James. Ou: « Je n'ai pas pu m'en empêcher! Personne ne peut s'empêcher de faire ce qu'il fait. » Vous l'avez reçu de Hegel. Ou: « Je ne peux pas le prouver, mais je sens que c'est vrai. » Vous l'avez reçu de Kant. Ou: « C'est logique, mais la logique n'a rien à faire avec la réalité. » Vous l'avez reçu de Kant. Ou: « C'est mal, parce que c'est égoïste. » Vous l'avez reçu de Kant. Avez-vous jamais entendu des activistes modernes dire: « Agir d'abord, penser ensuite »? Ils ont reçu cette idée de John Dewey. 

D'aucuns pourront répondre: « Bien sûr, j'ai dit ces choses à un moment ou un autre, mais je n'ai pas besoin de croire ces choses tout le temps. Ça peut avoir été vrai hier, mais ce n'est pas vrai aujourd'hui. » Ils ont reçu cette idée de Hegel. Ils pourront dire: « La cohérence est le démon des esprits mesquins. » [1] Ils l'ont reçu d'un esprit particulièrement mesquin, Emerson. Ils pourront dire: « Mais ne peut-on pas faire des compromis et emprunter différentes idées à diverses philosophies selon les convenances du moment? » Ils l'ont reçu de Richard Nixon [2] — qui l'a reçu de William James.
Maintenant demandez-vous: si vous n'êtes pas intéressés aux idées abstraites, pourquoi vous sentez-vous (comme tous les hommes) forcés d'y faire appel? Le fait est que les idées abstraites sont des intégrations conceptuelles qui reprennent un nombre incalculables de choses concrètes — et que sans ces idées abstraites vous ne seriez pas capables de traiter de problèmes réels, particuliers, concrets. Vous seriez dans la situation d'un nouveau né, pour qui chaque objet est un phénomène unique, sans précédent. La différence entre son état mental et le vôtre réside dans le nombre d'intégrations conceptuelles que votre esprit a effectuées. 

Vous n'avez pas le choix quant à la nécessité d'intégrer vos observations, vos expériences, votre savoir en idées abstraites, c'est-à-dire, en principes. Votre seul choix est entre des principes vrais ou faux, qui représentent vos convictions rationnelles, conscientes — ou un tas informe de notions prises au hasard, dont les sources, la validité, le contexte et les conséquences vous sont inconnus, des idées que, le plus souvent, vous abandonneriez bien vite si vous saviez. 

Mais les principes que vous acceptez (consciemment ou inconsciemment) peuvent entrer en conflit ou se contredire l'un l'autre; eux aussi doivent être intégrés. Qu'est-ce qui les intègre? La philosophie. Un système philosophique est une vue intégrée sur l'existence. En tant qu'être humain, vous n'avez pas le choix quant au fait que vous avez besoin d'une philosophie. Votre seul choix est entre définir votre philosophie par un processus de pensée conscient, rationnel, discipliné et par une délibération scrupuleusement logique — ou de laisser votre subconscient accumuler un tas d'ordure de conclusions infondées, de fausses généralisations, de contradictions indéfinies, de slogans non digérés, de vœux non identifiés, de doutes et de peurs, rassemblés au hasard, mais intégrés par votre subconscient en une sorte de philosophie bâtarde et fusionnés en un seul poids écrasant: le doute de soi, comme une chaîne et un boulet là où les ailes de votre esprit auraient dû pousser. 

Vous pourrez dire, comme de nombreuses personnes, que ce n'est pas toujours facile d'agir selon des principes abstraits. Non, ce n'est pas facile. Mais n'est-il pas beaucoup plus difficile d'agir selon ces principes sans savoir desquels il s'agit? 

Votre subconscient est comme un ordinateur — plus complexe que tout ordinateur que les hommes peuvent construire — et sa fonction principale est l'intégration de vos idées. Qui le programme? Votre esprit conscient. Si vous laissez faire, si vous n'atteignez aucune conviction ferme, votre subconscient est programmé au hasard — et vous vous livrez au pouvoir d'idées que vous avez acceptées sans le savoir. Mais d'une façon ou d'une autre, votre ordinateur vous donne des sorties, tous les jours et toutes les heures, sous la forme d'émotions — qui sont les estimations instantanées du monde qui vous entoure, calculées selon vos valeurs. Si vous avez programmé votre ordinateur par une pensée consciente, vous connaissez la nature de vos valeurs et de vos émotions. Sinon, vous ne la connaissez pas. 

Nombreux sont ceux, surtout de nos jours, qui prétendent que l'homme ne peut pas vivre de la seule logique, qu'il faut considérer l'élément émotionnel de sa nature, et qu'ils font confiance à leurs émotions pour les guider. Eh bien, ainsi le faisait l'astronaute de mon histoire. D'où sa perte — et d'où la leur: les valeurs et les émotions d'un homme sont déterminées par sa vue fondamentale de l'existence. Le programmeur ultime de son subconscient est la philosophie — la science qui, selon les émotionnalistes, est incapable d'affecter ou de pénétrer les mystères ténébreux de leurs sentiments. 

La qualité des sorties d'un ordinateur est déterminées par la qualité de ses entrées. Si votre subconscient est programmé au hasard, ses sorties auront un caractère en conséquence. Vous avez probablement entendu parler de ce terme éloquent des informaticiens, « GIGO », — qui veut dire « garbage in, garbage out », n'importe quoi en entrée, n'importe quoi en sortie. La même formule s'applique à la relation entre les pensées et les émotions d'un homme. 

Un homme qui se laisse diriger par ses émotions est comme un homme dirigé par un ordinateur dont il ne sait pas lire les résultats en sortie. Il ne sait pas si sa programmation est vraie ou fausse, bonne ou mauvaise, si elle le mène au succès ou à la destruction, si elle sert ses propres buts ou ceux d'une puissance maligne inconnue. Il est aveugle de deux façons: aveugle au monde autour de lui et à son propre monde intérieur, incapable de saisir la réalité et ses propres motivations, et il éprouve une terreur chronique pour l'une comme pour les autres. Les émotions ne sont pas des moyens de cognition. Les hommes qui ne se soucient pas de philosophie sont ceux qui en ont le plus besoin: ils sont le plus sûrement en son pouvoir. 

Les hommes qui ne se soucient pas de philosophie absorbent ses principes dans l'atmosphère culturelle ambiante — les écoles, les universités, les livres, les magazines, les journaux, le cinéma, la télévision, etc. Qui donne le ton de la culture? Une petite poignée d'hommes: les philosophes. Les autres suivent, soit par conviction, soit par absence de conviction. Depuis à peu près deux siècles, sous l'influence d'Emmanuel Kant, la tendance dominante de la philosophie a été dirigée dans un seul but: la destruction de l'esprit humain, de la confiance de l'homme en le pouvoir de la raison. Aujourd'hui, nous pouvons voir cette tendance à son zénith. 

Quand les hommes abandonnent la raison, il s'aperçoivent non seulement que leurs émotions ne peuvent pas les guider, mais qu'ils ne savent plus éprouver qu'une seule émotion: la terreur. La diffusion de l'addiction à la drogue parmi les jeunes gens élevés dans les modes intellectuelles du jour, démontre l'insupportable état intérieur d'hommes qui sont privés de leurs moyens de cognition et qui cherchent à s'évader de la réalité — de la terreur de leur propre incapacité à affronter l'existence. Observez l'effroi chez ces jeunes gens à l'idée d'indépendance et leur désir frénétique de « faire partie », de s'attacher à quelque groupe, clique ou gang. La plupart d'entre eux n'a jamais entendu parler de philosophie, mais ils sentent qu'ils ont besoin de certaines réponses fondamentales aux questions qu'ils n'osent pas poser — et ils espèrent que la tribu leur dira comment vivre. Ils sont prêts à se laisser diriger par le premier guérisseur, gourou ou dictateur venu. Une des choses les plus dangereuses qu'un homme puisse faire est d'abandonner son autonomie morale au soin d'autrui: comme l'astronaute de mon histoire, il se sait pas si ces autres sont humains, même s'ils marchent sur deux jambes. 

Maintenant, vous demanderez peut-être: Si la philosophie peut être si vicieuse, pourquoi l'étudier? En particulier, pourquoi devrions-nous étudier ces théories philosophiques qui sont évidemment fausses, qui n'ont aucun sens, et qui n'ont aucun rapport avec la vie réelle? 

Ma réponse est: pour votre propre défense, — et pour la défense de la vérité, de la justice, de la liberté, et de toute valeur que vous avez jamais tenue en estime ou tiendrez jamais en estime. 

Toutes les philosophies ne sont pas mauvaises, bien que de trop nombreuses le sont, surtout dans l'histoire moderne. D'un autre côté, à l'origine de tout accomplissement de la civilisation, comme la science, la technologie, le progrès, la liberté, — à l'origine de toutes les valeurs dont nous jouissons aujourd'hui, y compris la naissance de ce pays — vous trouverez l'accomplissement d'un seul homme, qui a vécu plus de deux mille ans auparavant: Aristote. 

Si vous ne ressentez que de l'ennui en lisant les théories pratiquement inintelligibles de certains philosophes, vous avez toute ma sympathie. Mais si vous les rejetez négligemment, en disant: « pourquoi devrais-je étudier ces choses quand je sais que ce sont des absurdités? » — vous vous trompez. Ce sont des absurdités, mais vous ne le savez pas — pas tant que vous continuez d'accepter leurs conclusions, et tous les slogans vicieux produits par ces philosophes. Et pas tant que vous n'êtes pas en mesure de les réfuter

Ces absurdités concernent les questions les plus cruciales de l'existence de l'homme, des questions de vie ou de mort. À la base de toute théorie philosophique importante, il y a une question légitime — au sens qu'il y a un besoin authentique de la conscience de l'homme, que certaines théories s'efforcent de clarifier, cependant que d'autres s'efforcent de les obscurcir, de les corrompre, d'empêcher l'homme de jamais les découvrir. La bataille des philosophes est une bataille pour l'esprit de l'homme. Si vous ne comprenez pas leurs théories, vous êtes vulnérables aux pires d'entre elles. 

La meilleure façon d'étudier la philosophie est de l'approcher comme une enquête policière: suivre chaque piste, indice et implication, de façon à découvrir qui est un meurtrier et qui est un héros. Le critère de l'enquête est dans ces deux questions: Pourquoi? et Comment? Si une thèse donnée semble juste — pourquoi? Si une autre thèse semble fausse — pourquoi? et comment y a-t-on fait croire? Vous ne trouverez pas toutes les réponses tout de suite, mais vous acquerrez un talent appréciable: la capacité à penser en termes de l'essentiel. 

Rien n'est donné automatiquement à l'homme, ni la connaissance, ni la confiance en soi, ni la sérénité intérieure, ni la bonne façon d'utiliser son esprit. Chaque valeur dont il a besoin ou qu'il désire doit être découverte, apprise et acquise — même la bonne posture de son corps. Dans ce contexte, je dois dire que j'ai toujours admiré la posture des diplômés de West Point, une posture qui projette l'homme en avant par un contrôle fier et discipliné de son corps. Eh bien, la pratique philosophique donne à l'homme la bonne posture intellectuelle — un contrôle fier et discipliné de son esprit. 

Dans votre propre profession, dans la science militaire, vous connaissez l'importance de suivre l'évolution des armes, stratégies et tactiques de l'ennemi — et d'être prêt à les contrer. La même chose est vraie en philosophie: vous devez comprendre les idées de l'ennemi, et être prêts à les réfuter, vous devez connaître ses arguments fondamentaux et être capable de les anéantir. 

Dans une guerre physique, vous n'enverriez pas vos hommes sur une mine: vous feriez tous les efforts pour découvrir son emplacement. Eh bien, le système de Kant est la mine la plus grande et la plus élaborée dans l'histoire de la philosophie — mais il est tellement plein de trous que quand vous avez compris son truc , vous pouvez le désamorcer sans problème et avancer par dessus en toute sécurité. Et une fois que vous l'avez désamorcé, les Kantiens de second ordre — les sous-officiers de son armée, les sergents, deuxièmes classes et mercenaires philosophiques d'aujourd'hui — s'écrouleront sous leur propre vacuité, par réaction en chaîne. 

Il y a une raison particulière pour laquelle vous, les futurs dirigeants de l'Armée des États-Unis, avez besoin d'être armés philosophiquement aujourd'hui. Vous êtes la cible d'une attaque particulière par l'establishment Kantien-Hegelien-collectiviste qui domine nos institutions culturelles à notre époque. Vous êtes l'armée du dernier pays semi-libre qui reste sur terre, et pourtant vous êtes accusés d'être un outil de l'impérialisme — et « impérialisme » est le nom donné à la politique étrangère de ce pays, qui ne s'est jamais engagé dans la conquête militaire et n'a jamais profité de deux guerres mondiales, qu'il n'a jamais initiées, mais dans lesquelles il s'est engagé et a vaincu. (C'était, soit dit en passant, une politique stupide par sa générosité exagérée, qui a fait que ce pays a gâché ses richesses à aider ses anciens ennemis autant que ses anciens alliés.) Une chose appelée « le complexe militaro-industriel » — qui est un mythe ou pire — est accusée d'être responsable de tous les problèmes de ce pays. La racaille brutale des universités vocifère ses exigences que les unités de formation d'officiers de réserve soient expulsées des campus universitaires. Le budget de notre défense est attaqué, dénoncé et coupé par des gens qui prétendent que la priorité financière devrait être donnée à des jardins de roses écologiques et à des classes d'expression esthétique pour les résidents des bas quartiers. 

Certains parmi vous sont sans doute interloqués par cette campagne et se demandent, en toute bonne foi, quelles erreurs vous avez commises pour la susciter. Si c'est le cas, alors il est d'une importance urgente que vous compreniez la nature de l'ennemi. Vous êtes attaqués, non pour vos erreurs ou vos défauts, mais pour vos vertus. Vous êtes dénoncés, non pour vos faiblesses, mais pour votre force et votre compétence. Vous êtes pénalisés parce que vous êtes les protecteurs des États-Unis. À un niveau moindre du même problème, une campagne similaire est menée contre les forces de police. Ceux qui veulent détruire ce pays, cherchent à le désarmer — intellectuellement et physiquement. Mais ce n'est pas une simple affaire de politique: la politique n'est pas la cause, mais la conséquence dernière des idées philosophiques. Il ne s'agit pas d'une conjuration communiste, même si des communistes sont impliqués — comme les asticots qui profitent d'un désastre qu'ils n'ont pas le pouvoir de provoquer. Le motif des destructeurs n'est pas l'amour du communisme, mais la haine de l'Amérique. Pourquoi une telle haine? Parce que l'Amérique est la réfutation vivante de l'univers Kantien. 

De nos jours, le souci mièvre et la compassion pour les faibles, les handicapés, les souffrants, les coupables, est un masque pour la haine Kantienne profonde de l'innocent, du fort, du capable, du couronné de succès, du vertueux, du confiant, de l'heureux. Une philosophie qui cherche à détruire l'esprit de l'homme est nécessairement une philosophie de haine envers l'homme, envers la vie de l'homme, et envers toute valeur humaine. La haine envers le bien parce qu'il est bien, est la marque distinctive du vingtième siècle. Voilà l'ennemi que vous affrontez. 

Une bataille de ce genre demande des armes particulières. Elle doit être menée avec une pleine compréhension de votre cause, une pleine confiance en vous-même, et la plus grande certitude de la justesse morale de l'une et de l'autre. Seule la philosophie peut vous fournir ces armes. 

La mission que je me suis donnée pour ce soir n'est pas de vous faire vous intéresser à ma philosophie, mais à la philosophie en tant que telle. J'ai, cependant, parlé implicitement de ma philosophie à chaque phrase — car aucun d'entre nous et aucune de nos affirmation ne peut échapper à nos prémisses philosophiques. Quel est mon intérêt égoïste en cette affaire? Je suis assez confiante pour penser que si vous acceptez l'importance de la philosophie et de la tâche de l'examiner avec un esprit critique, c'est ma philosophie que vous viendrez à accepter. Formellement, je l'appelle l'Objectivisme, mais informellement, je l'appelle une philosophie pour vivre sur terre. Vous en trouverez une présentation explicite dans mes livres, et tout particulièrement dans Atlas Shrugged [3].
En conclusion, permettez-moi de parler en termes personnels. Cette soirée a une grande signification pour moi. Je suis profondément honorée par cette opportunité de parler devant vous. Je peux dire — non pas comme un poncif patriotique, mais avec une pleine connaissance des fondements métaphysiques, épistémologiques, éthiques, politiques et esthétiques — que les États-Unis d'Amérique sont le plus grand, le plus noble et, dans ses principes fondateurs originels, le seul pays moral dans l'histoire du monde. Il y a une sorte de rayonnement serein associé dans mon esprit au nom de West Point — parce vous avez préservé l'esprit de ces principes fondateurs originaux et vous en êtes le symbole. Il y avait des contradictions et des omissions dans ces principes, et il y en a peut-être en vous — mais je parle de l'essentiel. Il y a sans doute eu dans votre histoire des individus qui ne se sont pas montré à la hauteur de vos standards élevés — comme il y en a dans toutes les institutions — puisque qu'aucune institution et aucun système social ne peut garantir la perfection automatique de tous ses membres; elle dépend du libre arbitre de chaque individu. Je parle de vos standards. Vous avez préservé trois qualités de caractère qui étaient typiques au temps de la naissance de l'Amérique, mais qui font cruellement défaut de nos jours: l'ardeur — la persévérance — et le sens de l'honneur. [4] L'honneur est le respect de soi-même rendu visible dans l'action. 

Vous avez choisi de risquer vos vies pour la défense de ce pays. Je ne vous insulterai pas en disant que vous vous êtes consacrés à un service désintéressé — ce n'est pas une vertu selon ma moralité. Selon ma moralité, la défense de son pays signifie qu'un homme refuse personnellement de vivre comme l'esclave conquis d'aucun ennemi, étranger ou domestique. Voilà une vertu énorme. Certains parmi vous n'en êtes peut-être pas pleinement conscient. Je veux vous aider à vous en rendre compte.

L'armée d'un pays libre a une grande responsabilité: le droit d'utiliser la force, mais non pas comme un instrument de compulsion et de conquête brutale — comme les armées des autres pays l'on fait dans leur histoire — seulement comme un instrument de l'auto-défense d'une nation libre, ce qui signifie: la défense des droits individuels de l'homme. Le principe de l'emploi de la force seulement en réponse à ceux qui initient son utilisation, est le principe de subordination de la force au droit. La plus haute intégrité et le plus grand sens de l'honneur sont requis pour une telle tâche. Aucune autre armée au monde n'y est arrivé. Vous, si. 

West Point a donné à l'Amérique une longue lignée de héros, connus et inconnus. Vous, les diplômés de cette année, avez une tradition glorieuse à porter — ce que j'admire profondément, non pas parce qu'il s'agit d'une tradition, mais parce qu'elle est glorieuse. 

Comme je viens d'un pays coupable de la pire tyrannie sur terre, je suis tout spécialement capable d'apprécier le sens, la grandeur et la valeur suprême de ce que vous défendez. Aussi, en mon propre nom et au nom de nombreuses personnes qui pensent comme moi, je voudrais dire, à tous les hommes de West Point, passés, présents et futurs: Merci. 
  
La philosophie: qui en a besoin
Par Ayn Rand,
Discours donné à la classe diplômée de l'Académie Militaire des États-Unis à West Point New York — 6 mars 1974


Ci-dessus est une traduction par mes soins de Philosophy: Who Needs It d'Ayn Rand, effectuée en septembre-octobre 2004. J'ai essayé de rendre le sens de l'original, mais j'avoue n'avoir pas su en conserver toute la valeur littéraire. Je vous invite donc à lire cet original si l'anglais vous est intelligible.

Notes

[1]: Traduction tentative d'une formule répandue aux États-Unis: « Consistency is the hobgoblin of little minds. » (Note du traducteur)
[2]: Nixon était alors président des États-Unis, et englué dans l'affaire du « Watergate ». (Note du traducteur)
[3]: Atlas Shrugged, publié en 1957, est l'œuvre ultime d'Ayn Rand en tant que romancière, après quoi elle n'a écrit que des essais. Il n'est toujours pas traduit en français, Ayn Rand ayant à l'époque répudié un projet de traduction. Il existe actuellement un projet pour compléter une traduction de cette œuvre monumentale, mais même s'il aboutit, rien ne sera disponible en librairie avant de nombreux mois voire des années. Le roman, dont le titre pourrait être traduit en « Atlas laisse tomber », possède des éléments de roman policier, de roman de science-fiction, mais est bel et bien un roman philosophique. (Note du traducteur)
[4]: J'ai rendu plutôt mal que bien ces vertus qui dans la version originale sont earnestness, dedication, a sens of honor et qui n'ont pas d'équivalent en français moderne — la traduction de la dernière vertu étant d'ailleurs d'autant plus trompeuse qu'elle semble évidente. (Note du traducteur)


https://www.contrepoints.org/tag/ayn-rand

Ayn Rand

De Wikiberal
 
Ayn Rand (2 février 1905 - 6 mars 1982), née Alissa Zinovievna Rosenbaum[1], est une philosophe et romancière américaine (juive russe émigrée), connue pour sa philosophie : l'objectivisme. Sa principale œuvre est La Grève - Atlas Shrugged en version originale - (1957), un roman qui met en scène des entrepreneurs en butte à l'étatisme d'une société socialiste pré-totalitaire.  
Ayn Rand naît à Saint-Pétersbourg en 1905 dans une famille juive agnostique de trois enfants dont elle est l'aînée. Elle s'intéresse très jeune à la littérature et au cinéma, écrivant dès l'âge de 7 ans des romans ou des scénarios. Elle nourrit son imagination des romans de Sir Walter Scott ou d'Alexandre Dumas et s'enthousiasme pour le courant romantique. En particulier, elle découvre à 13 ans celui qui deviendra son auteur favori et qu'elle considérait comme le plus grand romancier : Victor Hugo. L'arrivée au pouvoir des Bolchéviks, en 1917, contraint sa famille à la fuite en Crimée, jusqu'à ce que celle-ci soit envahie par les révolutionnaires en 1921. Elle brûle alors son journal intime qui contenait des passages anticommunistes au vitriol.
Elle entame des études d'histoire et de philosophie à l'université de Petrograd (Saint-Pétersbourg) et y découvre les œuvres de Rostand, Schiller et Dostoïevski. Elle en sort diplômée le 13 octobre 1924. Elle continue à écrire et entre à l'Institut d'État des arts cinématographiques en 1924. À la fin de 1925, on lui accorde un visa pour rendre visite à des proches, habitant aux États-Unis.
Elle arrive à New York en février 1926. Ses premières impressions devant les gratte-ciels la marquent profondément et inspireront les descriptions de La Source vive, un de ses romans. Elle choisit de ne pas retourner en Union soviétique et part pour Hollywood où elle devient scénariste. C'est alors qu'elle change son nom en Ayn Rand, en référence selon elle à la transcription en cyrillique du nom de sa famille.
Elle fait des petits boulots puis, grâce à une rencontre fortuite avec Cecil B. DeMille, obtient un poste dans un de ses films. Elle y rencontre Frank O'Connor, jeune acteur qu'elle épouse le 15 avril 1929. Elle est naturalisée américaine en 1931.
Son premier succès littéraire est la vente de son scénario Red Pawn en 1932 à Universal Studios. Elle écrit en 1934 la pièce de théâtre Night of January 16th qui est produite à Broadway. La pièce était un procès dont le jury, choisi parmi les spectateurs, pouvait choisir la fin.
En 1936, elle publie Nous, les vivants (We the living) sur la cruauté de la vie sous le régime communiste russe puis, en 1938, Anthem, qui décrit une société dans laquelle le collectivisme a triomphé. Anthem ne fut accepté par aucun éditeur aux États-Unis et We the Living ne rencontra pas un grand succès. Stephen Cox, de l'Objectivist Center, considère que cela est dû à l’époque : We the Living « fut publié quand la popularité du socialisme russe était au plus haut parmi les faiseurs d'opinions américains »[2].
Son premier grand succès arrive avec la publication de La Source vive, en 1943, après qu'elle eut passé sept ans à l'écrire. Refusé par douze éditeurs, il est finalement accepté par la maison d'édition Bobbs-Merrill. Le livre devient un succès planétaire, adapté en 1949 au cinéma sous le titre Le Rebelle en France. Le livre s'est vendu depuis à plus de 6 millions d'exemplaires et il s'en vend encore 100.000 par an[3].
En 1957 est publiée sa principale œuvre, Atlas Shrugged, un roman qui met en scène des entrepreneurs en butte à l'étatisme d'une société socialiste pré-totalitaire. Le tirage initial est de 100.000 exemplaires et le livre devient rapidement un best-seller mondial. Selon une étude de 1991 de la Bibliothèque du Congrès américain, le livre est cité par les Américains comme le livre qui les a le plus influencés après la Bible[4]. Sa description de la crise et des actions des gouvernants qui l'empirent trouve une résonance toute particulière aujourd'hui, comme le reflète les ventes de l'ouvrage[5].
En 1950, elle crée un groupe qui prend le nom, par provocation, Le collectif avec Alan Greenspan, futur président de la Fed et Nathanael Blumenthal (qui deviendra Nathaniel Branden)[6]. Le cercle d'amis prend un rôle plus important, aidant Ayn Rand à diffuser ses idées (l'objectivisme) à travers le Nathaniel Branden Institute. Il éditera bientôt un périodique, The Objectivist.
Ayn Rand enseigna dans de nombreuses universités à partir de 1960, année où elle débute à l'université de Yale, à l'université de Princeton et à la Columbia University. Elle enseigna également à Harvard et au Massachusetts Institute of Technology (MIT).
Sa santé se détériore au début des années 1970, elle est opérée en 1974 pour un cancer du poumon. La fin de la relation avec Branden signe la fin de facto du NBI et certains amis objectivistes s'éloignent d'elles. Ses activités au sein du mouvement objectiviste se raréfient à la fin des années 1970, situation amplifiée par la mort de son époux, l'acteur Frank O'Connor, le 9 novembre 1979. L'un de ses derniers projets était une adaptation télévisée d'Atlas Shrugged ainsi qu'un roman, To Lorne Dieterling, dont elle n'a laissé que des brouillons préparatoires.
Elle meurt d'une insuffisance cardiaque le 6 mars 1982, chez elle, à New York. De nombreux compagnons objectivistes se rendent à son enterrement dont Alan Greenspan et David Kelley qui y lira If de Rudyard Kipling.
Les personnages de ses romans sont devenus des références clés dans la culture américaine comme John Galt, Dagny Taggart ou Kira Argonouva, interprétées au cinéma par Gary Cooper pour le premier, la superbe Angelina Jolie pour la seconde et la belle italienne Alida Valli pour la troisième.

Idées

Ayn Rand rejette l'étiquette libertarienne[7]. Sa philosophie repose sur une commande ou un ordre que l'être humain doit s'imposer à lui-même : se surpasser durant toute sa vie. L'idéal n'est pas de se comparer aux autres mais de vivre le potentiel qui réside en chacun de nous. Il s'agit de se stimuler par l'émulation et non par la concurrence compétitive.
La seule influence que reconnaît Ayn Rand en philosophie est celle d'Aristote ; pour le reste, elle affirme avoir construit sa philosophie par sa seule réflexion. Bien qu'elle s'en défende, sa philosophie a beaucoup de points communs avec celle de Friedrich Nietzsche, notamment l'individualisme, un certain élitisme, le refus d'une "morale d'esclave" et la recherche de "valeurs" qui dépassent le nihilisme (l'absence de valeurs) et le ressentiment (valeur des "faibles"). Cependant, bien que les personnages de ses romans puissent évoquer l'Übermensch nietzschéen, Rand estime que l'homme n'est pas "quelque chose à dépasser", mais à réaliser pleinement, et que le but de la vie n'est pas la "volonté de puissance" mais la recherche du bonheur sur une base rationnelle (voire rationaliste, ce que Nietzsche n'aurait pas forcément approuvé).
Elle a influencé un certain nombre de disciplines et d'auteurs :

L'objectivisme : un réalisme épistémologique

Ayn Rand a dénommé sa philosophie « objectivisme », parce que celle-ci est basée sur la prémisse que la réalité est un objectif absolu. Chacun d'entre nous a l'obligation de percevoir et de comprendre la réalité afin de survivre. Et, la qualité ultime dont chacun doit disposer est sa capacité à raisonner.
Plus précisément, en suivant la présentation faite par Alain Laurent[8], l'objectivisme accorde à la réalité une priorité lexicale, c'est un fondement objectif sur lequel cette philosophie s'appuie. La pensée de Rand s'articule autour de quatre temps, comme elle l'a elle-même explicitement exprimé. [9]
  • une métaphysique : la réalité existe en tant qu'absolu objectif
  • une épistémologie : la raison est le seul moyen qu'a l'homme de percevoir la réalité, sa seule source de connaissance, son seul guide pour l'action et son moyen basique de survie
  • une éthique : l'homme est une fin pour lui-même, et non un moyen pour les autres
  • une politique : le système politico-économique idéal est le capitalisme de laissez-faire.

Une métaphysique fondée sur la réalité objective

La réalité existe indépendamment de la conscience de celui qui perçoit. Elle est intangible et dans un contexte donné, une seule réponse est vraie. La vérité n'est pas automatiquement donnée à la conscience. Ce "métaphysiquement donné" est donc une ontologie, et plus exactement encore, une onto-téléologie impliquant une causalité omniprésente, où tout n'est qu'effet de causes finales découlant de la nature des entités considérées. La liberté de l'homme est l'expression d'une causalité descendante, non déterministe, lui permettant d'accomplir les fins assignées par sa nature.

Une épistémologie centrée sur la raison

Comment l'homme découvre-t-il la nature du réel ? C'est par la raison, par la connaissance humaine - qui repose sur un travail fondamental de conceptualisation - que l'on saisit l'exacte nature de la réalité. Ces concepts axiomatiques sont "les gardiens de l'esprit humain et le fondement de la raison". Ils s'expriment sous la forme d'une redondance : "l'existence existe" ; "A est A" ; "la conscience est consciente". Le moteur de ce travail de conceptualisation, c'est la raison. La méthode qu'emploie la raison dans ce processus est la logique, et la logique est l'art d'identifier les contradictions. La raison est la perception du réel et repose sur un seul axiome : la loi de l'identité (ce qui existe existe, et ne peut pas ne pas exister simultanément).

Une éthique de l'intérêt particulier rationnel

L'éthique d'Ayn Rand est basée sur ce que Robert Nozick appelle "l'argument randien" : l'homme doit, pour se maintenir en vie, agir autrement que ne font tous les autres êtres vivants. Il a besoin de "valeurs", non automatiquement données, de type "conceptuel" et en adéquation avec la réalité du contexte où il vit. Ces valeurs ne peuvent provenir que de sa conscience. Un "code" d'un genre inédit sur terre lui est nécessaire : un "code de valeurs pour guider les choix et actions". L'éthique objectiviste considère la vie de l'homme comme le fondement de toute valeur, et sa propre vie comme le but éthique de chaque individu. C'est donc pour chacun sa vie personnelle et la conservation de soi en vie, la "survie" selon la raison, qui constituent la "valeur ultime". Avec une précision toutefois : l'enjeu n'est pas tant de survivre à tout prix au sens purement biologique, mais en être humain bien décidé à vivre en accord profond avec ses valeurs rationnelles[10]. N'est moralement justifié et donc juste que le bénéfice de ce qu'un individu produit par ses propres efforts rationnels.

Une politique qui promeut le capitalisme de laissez-faire

Il ressort des développements précédents une réaffirmation par Rand des droits humains fondamentaux (le droit à sa propre vie, le droit de propriété, la propriété de soi, la nécessité d'une liberté individuelle de décision et d'action, la non-initiation de la force envers les autres). La tâche du gouvernement est de faire respecter ces droits, en prévenant l'initiation de la force, et en la punissant le cas échéant. Il se limite donc à la police, à l'armée, à la justice. Rand s'oppose vertement aux conceptions intégralement privatisées de la société, qui laisseraient libre cours à des interprétations subjectives et arbitraires de la justice. Il en découle, pour elle, que le seul régime économique en adéquation avec ces fondamentaux, c'est le capitalisme de laissez-faire, car il est "fondé sur la séparation de l'Etat et de l'économique, de la même façon et pour les mêmes raisons que la séparation de l'Etat et de l'Eglise[11]".

La psycho-épistémologie

Ayn Rand a défini la psycho-épistémologie comme « l'étude des processus cognitifs humains vus à partir de l'interaction entre l'esprit conscient et les fonctions automatiques de l'inconscient ». Harry Binswanger a repris ces observations sur le rôle du subconscient dans la réflexion et sur les opérations spécifiques par lesquelles chaque individu peut « programmer » son subconscient. L'esprit conscient est le gestionnaire du subconscient, "remplissant" et "récupérant" les données d'information, ce qui est et ce qui n'est pas directement volontaire. Cette approche permet d'appréhender une nouvelle théorie de la créativité.

La théorie du libre arbitre

Selon la théorie du libre-arbitre, l'individu contrôle fondamentalement sa propre vie, il se forge son propre caractère, et il est moralement responsable de ses propres actions. Ayn Rand avance une théorie originale du libre arbitre où la volonté est contrainte par un seul choix fondamental : penser ou de ne pas penser. Car, l'individu peut faire de véritables choix, des choix qui sont entièrement de son fait et qu'il peut générer sans qu'on les lui impose. Le libre arbitre refuse une conception de l'être fondamentalement passif, qui réagirait aux facteurs en dehors de son contrôle.
Le théorie du libre-arbitre explique l'importance vitale de la compréhension de soi-même et de la nature humaine en général. Ayn Rand fait valoir que la volition du contrôle de son propre esprit est un axiome qui doit être considéré comme implicitement vrai, même si des auteurs comme Karl Marx, Sigmund Freud ou Burrhus Frederic Skinner ont tenté de le nier.

Ayn Rand et l'humour

Pour Ayn Rand, l'humour est avant tout destructeur : c'est une négation de l'importance métaphysique de la chose dont on rit. Pour elle, « il est monstrueux de rire de ce qui est bien, de rire des héros ou des valeurs, et par-dessus tout de rire de soi-même. C'est le pire que vous puissiez faire, psychologiquement : cela revient à vous cracher vous-même au visage. »[12]
Fidèle à ce point de vue, Ayn Rand utilise l'humour pour montrer l'absurdité du collectivisme et des "bons sentiments" irrationnels. Voici quelques exemples de passages humoristiques (d'un humour parfois involontaire) tirés de La Grève :
« Dagny, elle, ignorait tout de la nécessité d'entretenir des relations avec Washington et n'en mesurait pas les implications. Mais cela paraissait bel et bien une nécessité, et elle classa la chose, se disant qu'il existait quantité de boulots repoussants, mais nécessaires, comme de nettoyer les égouts. Quelqu'un devait s'en charger, et Jim semblait aimer ça. »
« Quel mérite y a-t-il à donner un emploi à quelqu'un qui le mérite ? En donner à ceux qui ne le méritent pas, ça, c'est du mérite ! »
« Si tu tiens vraiment à faire oublier que tu sors des quartiers pauvres, tu devrais être un peu plus sensible aux principes de l'action sociale. Les pauvres ont rarement la fibre humanitaire. Il faut être né riche pour comprendre les subtilités de l'altruisme. »
« La centralisation détruit ce fléau qu'est le monopole. »
« — [Un article de loi] dit que tous les salaires, prix, rémunérations, dividendes, bénéfices et ainsi de suite seront gelés à la date d'entrée en application du décret. Les impôts aussi ? — Ah non ! hurla Mouch. Comment savoir de quelles sommes nous aurons besoin à l'avenir ? »
« Le problème avec notre monde moderne, c'est que trop de gens pensent trop. (...) Il ne faut plus se fier à la raison, c'est dépassé. »
« Si le Rearden Metal ne vaut rien, c'est un danger public. S'il est bon... c'est un danger social. »
« Il se promenait avec un pistolet automatique dans une poche et une patte de lapin dans l'autre. »
« C'est le discours le plus pervers que j'aie jamais entendu ! Il va inciter les gens à exiger d'être heureux. »
« Si vous souhaitez une économie libérale, ordonnez aux gens d'être libres ! »

Citations

  • « Ma philosophie conçoit essentiellement l'Homme comme un être héroïque dont l'éthique de vie est la poursuite de son propre bonheur, la réalisation de soi son activité la plus noble, et la Raison son seul absolu. »
  • « Le bien, disent les mystiques de l’esprit, c’est Dieu, un être qui se définit uniquement par l’incapacité de l’homme à le concevoir ; une définition qui stérilise la conscience de l’homme et démolit ses concepts d’existence. Le bien, disent les mystiques du muscle, c’est la Société ; quelque chose qu’ils définissent comme un organisme sans forme physique, un super être qui ne s’incarne dans personne en particulier et dans tout le monde en général excepté vous. » - Atlas Shrugged
  • « La foi des mystiques n’a jamais abouti à rien d’autre qu’à la destruction, comme vous pouvez le constater autour de vous une fois de plus. Et si les ravages occasionnés par leurs actes ne les ont pas incités à s’interroger sur leurs doctrines, s’ils prétendent être animés par l’amour alors qu’ils empilent des montagnes de cadavres, c’est parce que la vérité de leurs intentions est encore pire que l’excuse obscène que vous leur trouvez, selon laquelle ces horreurs sont au service de nobles fins. La vérité est que ces horreurs sont leurs fins. » - Atlas Shrugged
  • « Vous proposez d’établir un ordre social fondé sur le principe suivant : que vous êtes incapables de diriger votre vie personnelle, mais capables de diriger celle des autres ; que vous êtes inaptes à vivre librement, mais aptes à devenir des législateurs tout puissants ; que vous êtes incapables de gagner votre vie en utilisant votre intelligence, mais capables de juger des hommes politiques et de les désigner à des postes où ils auront tout pouvoir sur des techniques dont vous ignorez tout, des sciences que vous n’avez jamais étudiées, des réalisations dont vous n’avez aucune idée, des industries gigantesques dans lesquelles, selon votre propre aveu, vous seriez incapables d’exercer les fonctions les plus modestes. » - Atlas Shrugged
  • « Je n'ai besoin ni de justification ni de sanction pour être ce que je suis. Je suis ma propre justification et ma propre sanction. » (I need no warrant for being, and no word of sanction upon my being. I am the warrant and the sanction.)
  •  
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      Voir entièrement sa bio ici lien sous l'image
      http://fr.academic.ru/dic.nsf/frwiki/1409684
      Philosophie

    • De Wikiberal
       
      Le mot philosophie (du grec ancien φιλοσοφία, amour de la sagesse) désigne une activité et une discipline existant depuis l'Antiquité et se présentant comme un questionnement, une interprétation et une réflexion sur le monde et l'existence humaine.
      La philosophie ne se donne pas un objet d'étude particulier et unique. On trouve toutefois au sein de la philosophie des domaines d'étude distincts, tels la logique, l'éthique, la métaphysique, la philosophie politique, la théorie de la connaissance, l'esthétique, la philosophie du droit, la philosophie des sciences (appelée aussi épistémologie), la philosophie de l'esprit, l'anthropologie philosophique, ou la philosophie du langage.
      En réalité, aucune discipline, qu'il s'agisse des mathématiques, de la sociologie, de l'histoire, de l'économie, ne peut s'abstraire totalement de la philosophie, ce qui rejoint la définition de la philosophie qu'avait l'Antiquité comme "ensemble des connaissances humaines" :
      Philosopher, c'est réfléchir sur un ensemble de faits pour en tirer des généralités. Philosophie, en un mot, veut dire réflexion et généralisation. C'est ainsi que l'on dit : la philosophie de l'art, la philosophie de l'histoire. (Emile Durkheim, Cours de philosophie, 1884)

      Libéralisme et philosophie

      Le libéralisme peut être défini comme :
    • une philosophie politique (vision classique) ;
    • une philosophie du droit et une éthique sociale (vision libertarienne)

    Citations

  • La philosophie étudie la nature fondamentale de l'existence, de l'homme, et de la relation de l'homme à l'existence. À l'opposé des sciences particulières, qui ne se préoccupent que d'aspects particuliers, la philosophie se préoccupe de ces aspects de l'univers qui touchent tout ce qui existe. Dans le domaine de la cognition, les sciences particulières sont les arbres, mais la philosophie est le terreau sur lequel pousse la forêt. (Ayn Rand, La philosophie: qui en a besoin)

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     Objectivisme

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    L'objectivisme désigne les doctrines philosophiques selon lesquelles il existe un monde réel objectif connaissable directement par l'esprit, ou qui admettent l'existence en soi, en dehors des hommes, des valeurs morales. Il s'oppose en cela au relativisme.
    Une citation objectiviste typique est « Reality is that which, when you stop believing in it, doesn't go away -- Philip K. Dick » (La réalité, c'est ce qui ne disparaît pas quand on arrête d'y croire.)

    Philosophie

    L'Objectivisme (avec un grand O, pour ses zélateurs) est aussi le nom donné à sa philosophie par la philosophe Ayn Rand. Cet Objectivisme est un courant qui s'inscrit dans le prolongement de la philosophie dite réaliste (Aristote, Thomas d'Aquin). Il s'apparente au libéralisme non utilitariste. Il est inspiré du jusnaturalisme et de l'école autrichienne d'économie.
    L'Objectivisme couvre les cinq branches classiques de la philosophie: métaphysique, épistémologie, éthique, politique et esthétique.
    Sa métaphysique énonce qu'il existe un monde objectif extérieur à la conscience (toute conscience), à la fois nécessaire et strictement déterminé par les lois de la causalité. Les trois axiomes de la métaphysique objectiviste sont les suivants, dans l'ordre d'importance[1] :
    • axiome d'existence : quelque chose existe, qui est perceptible ;
    • axiome d'identité et de causalité : chaque chose est spécifique et agit selon sa nature ;
    • axiome de la conscience : les choses sont perçues par la conscience, ces perceptions reflètent la réalité ; la conscience ne précède pas l'existence (rejet de l'idéalisme).
    Son épistémologie énonce que la connaissance humaine est à la fois axiomatique et expérimentale. Un axiome, dans ce contexte, est une connaissance vraie du monde à la fois évidente et irréfutable. Dire qu'un axiome est « évident » signifie que tout être humain le perçoit immédiatement, par l'expérience, à la fois par l'introspection et par l'observation extérieure.
    Les principaux axiomes sont les lois aristotéliciennes de la logique: axiome de l'identité (une chose est elle-même) et axiome de non-contradiction. L'Objectivisme y ajoute: l'axiome de l'existence (« l'existence existe ») et de la conscience (« la conscience existe »).
    Pour l'Objectivisme, les sens nous fournissent l'information sur ce qui existe, la conscience met en ordre et intègre cette information sous la forme hiérarchisée de concepts. La méthode sur laquelle se fonde la conscience est la logique.
    L'éthique Objectiviste s'appuie sur sa métaphysique et son épistémologie. Puisque le monde existe, et que l'homme existe, ce que l'homme doit faire, c'est agir de manière à survivre et à s'épanouir. Par conséquent, il doit vivre et agir en se fondant à chaque instant sur sa raison. Pour l'Objectivisme, la morale consiste à être « rationnel » et à choisir la vie - en l'absence de ce choix, la question de l'éthique ne se pose pas. L'homme doit donc rejeter toute forme de discours « irrationnel », qu'il soit théologique ou politique. Ceci est accepté par plusieurs philosophies et idéologies, mais l'Objectivisme se distance d'eux par sa déclaration que le plus haut but moral d'un homme est sa propre vie et que son propre bonheur constitue son plus haut but moral. La raison Objectiviste demande à chaque individu de chercher son propre bonheur, et en corollaire, de laisser aux autres la possibilité de chercher le leur. Par conséquent, un principe moral fondamental de l'Objectivisme est le principe de non-agression (physique). En aucun cas, un individu ne doit en agresser physiquement un autre. De plus, la recherche du bonheur personnel est incompatible avec le sacrifice pour les autres. Par conséquent, l'éthique Objectiviste consiste à rejeter toute forme de sacrifice sous quelque raison que ce soit : Dieu, la société, l'amour, etc. Les Objectivistes expriment cette idée en disant que « l'individu est une fin en lui-même, non un moyen au service des fins d'autrui ».
    La politique Objectiviste est dérivée de l'éthique : elle prône la suprématie des « droits individuels » (en effet, une liste très spécifique des droits) sur les désirs des dirigeants ou les droits de la société. L'Objectivisme soutient le capitalisme « pur » (c'est-à-dire, le droit à la propriété privée est considéré comme un principe fondamental, à ne pas être violé même lorsqu'une telle violation peut sauver des vies humaines). Naturellement, l'Objectivisme a été beaucoup critiqué pour ces vues. Le plus grand adversaire de l'Objectivisme dans le domaine de la philosophie politique est l'utilitarisme (mais il y a aussi beaucoup d'autres, comme par exemple le Marxisme).
    Epistémologiquement, l'Objectivisme s'oppose au positivisme, au relativisme et au théisme. Moralement, à l'altruisme. Politiquement, il s'oppose au totalitarisme, au nationalisme, à l'étatisme, à l'anarchisme, au socialisme, au communisme, et même au capitalisme modéré.
    Les représentants les plus connus de la philosophie Objectiviste, outre Ayn Rand, sont Leonard Peikoff, Nathaniel Branden et Barbara Branden.
    Plus de détails en anglais: Objectivist_philosophy

    Objectivisme et libertarianisme

    Les deux philosophies ont beaucoup de points communs, ce qui fait qu'on les confond parfois :
    • toutes deux individualistes, elles militent pour la réduction de l'État et en faveur de l'initiative individuelle ;
    • elles reposent toutes deux sur l'axiome de non-agression ;
    • elles admettent l'existence de droits inaliénables ("vie, liberté, propriété", à la suite de Locke) ;
    • elles sont en faveur du capitalisme.
    En revanche l'objectivisme a une métaphysique propre alors qu'il n'y a rien de tel dans le libertarianisme, qui est le plus souvent déontologique ou conséquentialiste, et ne se revendique d'aucune métaphysique. L'objectivisme, qui est politiquement en faveur du minarchisme, s'oppose en revanche à l'anarcho-capitalisme.
    Voir aussi Libertarianism and Objectivism sur Wikipédia, et l'essai de David Boaz Objectivists and Libertarians.

    Objectivisme et subjectivisme

    La connexion de l'objectivisme randien et du subjectivisme utilisé par l'École autrichienne d'économie rend le néophyte hagard ; il peut se demander à bon droit comment ces deux concepts apparemment opposés peuvent aussi bien se conjuguer :
    « L'objectivisme est un domaine subjectif dans lequel toutes les valeurs importantes sont tenues pour être objectives alors que les sciences économiques sont supposées être une étude objective pour laquelle toutes les valeurs importantes sont considérées comme subjectives. Je suis presque certain que la prochaine génération de libertariens appréciera un assemblage terminologique moins confus. »
        — Mark Thornton, The Freeman: Ideas on Liberty - June 1995, Vol. 45 No. 6

    Critiques libérales et libertariennes

    L'objectivisme est critiqué sur divers plans :
    • un certain nombre de philosophes affirment que sa "métaphysique" n'est qu'une parodie de métaphysique ; il s'agit davantage d'une forme de positivisme philosophique antimétaphysique, qui découle d'un "réalisme naïf" sans profondeur ;
    • l'élitisme que promeut l'objectivisme randien (illustré par des personnages de roman comme Howard Roark ou John Galt) laisse de côté le fait que la valeur d'une réalisation n'est pas intrinsèque, mais découle de l'appréciation d'autrui. Cette forme d'élitisme semble découler de la pensée de Nietzsche[2], elle occulte la coopération sociale et la division du travail pour insister sur le héros romantique, souvent condamné à demeurer seul et incompris ;
    • plusieurs critiques (Murray Rothbard, David Friedman, Roy Childs, Norman Barry, Chandran Kukathas) soutiennent que l'éthique objectiviste est davantage compatible avec l'anarcho-capitalisme qu'avec le minarchisme ;
    • pour Robert Nozick l'éthique objectiviste est mal fondée, elle n'explique pas pourquoi le choix par une personne de la mort ou de l'absence de valeurs serait impossible ou irrationnel ; pour lui la défense objectiviste de la moralité de l'égoïsme est une pétition de principe ; le passage de l'être au devoir-être (problème de Hume) dans l'objectivisme est confus car on ne voit pas comment l'éthique ou le droit peuvent découler de l'égoïsme et de l'intérêt personnel ;
    • l'axiome de non-agression, qui pour Rothbard est un concept irréductible, est considéré comme un "principe" découlant de la philosophie objectiviste ; cependant, on pourrait très bien imaginer un dictateur objectiviste qui opprime la population au nom de sa propre recherche du bonheur et de son égoïsme personnel ; à l'objection objectiviste qu'il se place "en contradiction avec la réalité", il répondra que sa dictature fait aussi partie de la réalité, et que c'est le moyen qui lui convient pour satisfaire son égoïsme ;
    • est critiquée également la vision de l'univers et de la nature humaine propre à l'objectivisme et à Ayn Rand :
    « À l'instar de son maître à penser Aristote, elle catégorise les objets et les phénomènes comme s'ils possédaient une « essence » éternelle dans un univers statique. (...) L'anthropologie et la psychologie évolutionniste nous disent quant à elles que la raison n'est qu'une stratégie parmi d'autres pour traiter l'information toujours limitée qui nous permet d'agir de façon optimale: l'instinct, les émotions diverses programmées dans notre héritage génétique, restent essentiels pour nous guider, comme c'est le cas chez tous les animaux. Enfin, les mêmes sciences nous apprennent que l'altruisme a au contraire une fonction importante dans le développement de la coopération sociale de même que dans la propagation des gènes, et n'est en rien un pur « sacrifice » de soi, comme le déplore Rand. »
        — Martin Masse, Non-croyance et liberté
    • Rothbard critique aussi le soutien de Rand à des politiciens conservateurs, comme Goldwater, Nixon et Ford.
    • son mépris des populations primitives et sa justification de la domination occidentale sur les Indiens d'Amérique ou les Palestiniens ont été critiqués[3]
    • plusieurs libertariens ont critiqué le caractère sectaire de l'objectivisme à l'époque de Rand, promu par une organisation comparable à une secte religieuse ou un parti communiste : refus de la critique, culte du chef, pression psychologique, purges, obligations absurdes ("fumer est une obligation morale"), etc. :
    « Le pouvoir, et non la liberté ou la raison, tel était le moteur central du mouvement randien. Le grande leçon de l'histoire du mouvement libertarien est que cela peut arriver chez nous, que les libertariens, malgré leur dévotion explicite envers la raison et l'individualité, ne sont pas à l'abri d'un culte mystique et totalitaire, qui envahit les mouvements idéologiques comme les mouvements religieux. Il faut espérer que les libertariens, ayant déjà attrapé le virus une fois, se montreront désormais immunisés. »
        — Murray Rothbard, Sociologie du culte d'Ayn Rand, 1972



     
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